ALCMAN
Fragment du Parthénée
I. Je ne chante pas parmi les morts Lycèthe, Enarsphore, Sébrus aux pieds
rapides, le fort Alcime, Hippothous le bon écuyer, le brave prince Eutchès,
le plus illustre de ces demi-dieux.
II. Mais nous ne laisserons pas sans les célébrer le grand Scéus, chef
d’armée, et Eurytus aussi vaillant que les meilleurs <guerriers> dans la
mêlée pleine de deuil.... Poros, Aisa et Alka aux belles formes (l’Amour, le
Sort et la Force) sont les dieux les plus anciens. Que la voix des humains
s’élève au ciel en honneur de Mars, à qui il a été donné d’épouser la reine
Vénus ou la fille de Glaucus combattant à cheval, aussi belle qu’une déesse!
Les Grâces aux grands sourcils entrèrent tout à coup dans la maison de
Jupiter.
III. Les plus heureux des mortels sont ceux à qui la divinité accorda les
beaux et aimables dons des Grâ-ces…… L’un périt <frappé> par une flèche et
l’autre en même temps par une pierre meulière : tous deux devinrent la proie
de Pluton…….. Ils perdirent la vie par volonté de Jupiter: ils subirent des
maux affreux en châtiment des crimes qu’ils avaient commis.
IV. Il est une vengeance divine!... Heureux celui qui passe des jours sans
pleurs, joyeux !... Moι, je chante Agido éblouissante <de beauté>. Il me
semble voir un soleil, dont elle nous montre l’éclat. La charmante cho-rège
ne me laisse pas la célébrer par mes louanges.... Elle paraît s’élever
<parmi ses compagnes>, de même qu’un coursier vigoureux, vainqueur aux
courses, au sabot retentissant, qu’on placerait à la tête d’un troupeau, tel
<que l’on en voit> dans les rêves ailés.
V. Ne l’aperçois-tu pas ? C’est un coursier énetique.... La chevelure de ma
cousine Agésichore est aussi relui-sante que l’or pur son visage est d’une
blancheur argentine. Je vais proclamer hautement une chose. Agési-chore, qui
vient après Agido en beauté, <peut être comparée avec le> divin coursier
compagnon du chien. Les Pléiades matinales, astres qui ramènent le
printemps, se levant au milieu de la nuit obscure, rivalisent <avec les
mêmes étoiles> ramenant la saison du labourage.
VI. On n’est jamais dégoûté de la pourpre au point de la changer.... Ni un
bracelet ciselé, tout en or, ni une écharpe lydienne, ornement des jeunes
filles à la riche parure, ni des chevelures parfumées, ni une bouche <sur
laquelle sont gravées> des images.des dieux, ni des braies <élégantes, ni un
collier> de fils d’or entrelacés en spirale, ni les bandelettes que l’on
attache à une couronne de laurier pour en joindre <les bouts> ni des raisins
mûrs, ni des narcisses chers aux jeunes filles, ni l’aimable violette, rien
n’a pour moi autant d’attrait qu’Agésichore.
VII. Mais Agésichore aux beaux pieds n’est plus ici. Elle est près d’Agido
et chante avec elle les chansons du banquet. Moi aussi me tenant à son côté,
je dirais que les dieux (Dioscures) veuillent bien agréer nos vœux, les
exaucer, les accomplir bientôt. Nous chanterions les mêmes <vers> ... Moi,
jeune fille, j’ai vainement poussé dans les airs des cris de chouette! Ce
que je désire surtout, c’est d’être agréable à cette cousine. Avec elle, il
y a pour nous remède à tout mal. C’est par Agésichore que les jeunes filles
obtinrent peut-être l’aimable louange.
VIII. Les Sirènes chantent avec une telle douceur, qu’elles attirent le
timonier et le font, dans son navire, tom-ber en clémence. Mais le chant de
cette jeune fille est plus mélodieux que celui des Sirènes. Les dieux
(Dioscures) mêmes se plaisent à l’entendre mieux chanter que les dix autres
jeunes filles, comme un cygne le long des courants du Xanthe, comme un
rossignol dans un vert bocage.