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Bacchylide

 

Poésies

 Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

a
 

LES POÈMES

 

DE

 

BACCHYLIDE DE CÉOS

 

TRADUITS DU GREC

 

d'après le texte récemment tiré d'un papyrus d'Egypte

 

PAR

 

A. M. DESROUSSEAUX

 

Directeur adjoint à l'École pratique des Hautes Études

 

 

 

 

 

 

 

PARIS

 

LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie

 

79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79

 

1898

 


 

PREFACE

 

A la difficulté que présente toujours la traduction d'un texte tout nouveau s'ajoute, quand il s'agit des poèmes de Bacchylide, celle de faire passer en français les tours hardis et les délicatesses du style lyrique des Grecs. C'est une raison, semble-t-il, pour que le présent travail soit assuré d'un accueil indulgent. On s'est surtout proposé de rendre accessible à ceux des amis de la poésie qui ne peuvent lire le texte grec ou qui ne sauraient l'aborder sans guide, l'œuvre qui vient de nous être rendue par une heureuse trouvaille. Sans pouvoir être comparé aux plus grands, Bacchylide n'a pas laissé d'être regardé dans l'antiquité comme un excellent poète ; il n'en est point, dans tous les cas, à qui puisse mieux s'appliquer l'épithète de « brillant ».

On n'a pas prétendu donner ici les résultats de recherches critiques, qui seront mieux placées ailleurs. On a suivi en principe le texte de l'édition princeps, publiée en décembre dernier,[1] laquelle fait grand honneur à son auteur, M. F. G. Kenyon. On s'en est écarté seulement en un certain nombre d'endroits qui ne paraissaient point donner un sens admissible. Ce n'est pas à dire, bien entendu, qu'on n'ait pas de réserves à faire ailleurs. On a négligé de traduire les passages dont il reste trop peu de chose pour que la restitution en soit possible dès à présent; quelques autres, où l'on découvre le sens général à travers les mutilations, ont été imprimés en caractères italiques. On a employé les capitales italiques pour distinguer les titres de poèmes qui manquent dans le manuscrit.

Les brèves notes qui se trouvent à la fin du volume sont destinées : 1° à signaler les passages où l’on a lu le texte autrement que le premier éditeur, resté jusqu'ici le seul; 2° à marquer ceux où l'on adopte une interprétation différente de la sienne; 3° à noter l'état du texte, quelquefois incertain, la nature et, quand il est possible, l'étendue des lacunes; 4° à fournir les renseignements mythologiques ou historiques indispensables à l'intelligence de plusieurs morceaux. On espère avoir évité suffisamment tout étalage d'érudition inutile.

On a cru bien faire en ajoutant aux poèmes suivis découverts nouvellement la traduction des fragments déjà connus, d'après le texte des Pœtæ lyrici græci de Bergk (4e édition, Leipzig, 1879), en leur conservant leurs numéros, quitte à mentionner entre parenthèses le chiffre sous lequel les a publiés M. Kenyon. On n'a laissé de côté que les fragments vraiment trop courts pour être traduits et, ceux qui ne sont pas des citations littérales, mais seulement des paraphrases ou des allusions. Tout ce qui nous est maintenant connu de Bacchylide se trouve donc ainsi réuni.

La Notice, fort succincte, n'a d'autre prétention que de résumer ce que l'on sait de la vie et de la personne de Bacchylide, ainsi que de ses ouvrages, et ce qu'il est essentiel de connaître sur le manuscrit qui nous en a conservé une partie.

Ce travail a été achevé au mois de janvier 1898; les circonstances en ont un peu différé la publication. Naturellement on n'a pas omis de prendre connaissance des articles consacrés pendant ce temps au texte de Bacchylide.[2]

On se félicite d'avoir pu communiquer la traduction entière à M. Jean Moréas et, dans d'amicales conversations, de l’avoir discutée sur plusieurs points, en la comparant au texte. Son goût sûr et son sentiment exquis de la poésie, particulièrement de la poésie grecque, lui ont suggéré d'heureuses corrections, dont on le remercie.

Le lecteur pourra s'assurer que l'on a, dans cette traduction, recherché avant tout l'exactitude, sans s'attacher à une vaine littéralité, qui n'est bien souvent qu'une infidélité plus fastidieuse.

 

10 mars 1898.


NOTICE

 

Ce que nous savons d'assuré touchant Bacchylide se réduit à fort peu de chose. Il était originaire de la ville de Ioulis, dans l'île de Céos; sa mère était la sœur du poète Simonide; on ne connaît pas au juste le nom de son père, qui est appelé tantôt Midyle, tantôt Médon, tantôt Milon.

On ignore la date précise de sa naissance comme de sa mort; on sait seulement qu'il était contemporain de Pindare, peut-être un peu plus jeune, et que par conséquent il florissait dans la première moitié du ve siècle avant notre ère. Le seul fait de sa vie qui nous soit attesté par les anciens, c'est qu'il fut, on ne dit pas à quelle occasion, banni de son île natale et s'en alla vivre dans le Péloponnèse. Cet exil dut, en tout cas, être postérieur à l’année 476, dans laquelle il adresse « de son île divine » l'ode où il célèbre la victoire de Hiéron aux Jeux Olympiques.

Une tradition, qu'il semble difficile de réfuter complètement, rapporte que dans la rivalité qui s'éleva entre Pindare et Simonide, Bacchylide prit, assez naturellement, parti pour son oncle maternel. La fin de la grande ode à Hiéron (voir la note 54) paraît contenir une allusion à ces querelles de poètes.

L'œuvre de Bacchylide, outre quelques inscriptions ou Epigrammes en vers, comprenait des poèmes lyriques de toute sorte. Ces odes diverses étaient exécutées par des chœurs plus ou moins nombreux. Le poète, suivant la coutume de son époque, devait en composer également la musique, ainsi que les figures de danse ou les mouvements rythmés dont les choristes accompagnaient leurs chants.

Un certain nombre de ces poèmes furent réunis et publiés au iie siècle avant Jésus-Christ par les érudits alexandrins. Ils passèrent ainsi aux siècles suivants dans la collection des Neuf Lyriques. A la fin du ier siècle avant Jésus-Christ, ils furent l'objet d'un commentaire de Didyme, qui s'est perdu. Horace en imita au moins un passage (Odes, I, 5). A partir de l'ère chrétienne, les copies en devinrent de moins en moins nombreuses. La plupart des écrivains qui en citent des passages semblent ne les connaître que par les extraits qui figuraient dans des anthologies. Cependant, vers le iiie siècle, l'auteur inconnu du Traité du Sublime (33) peut bien avoir fondé sur une lecture directe le jugement qu'il porte sur Bacchylide,[3] le donnant comme exemple du poète de génie modéré, « impeccable » de forme et toujours égal à lui-même. Peut-être pouvait-on lire encore ces poésies en entier au y siècle; car Ammien Marcellin rapporte que l'empereur Julien en faisait ses délices. Plus tard, le texte en disparut complètement.

Il en fut de même Jusqu'à nos jours. On ne possédait de Bacchylide qu'une centaine de vers isolés, conservés par des citations d'auteurs, dont la plus longue (fragment XIII) était de douze vers. Ce sont là les Fragments qu'on trouvera presque tous traduits à la fin de ce volume.

En 1897, la découverte d'un papyrus en Egypte nous a permis d'augmenter singulièrement nos connaissances sur l'œuvre du poète. C'est un beau manuscrit, d'un caractère fort net, qu'on peut faire remonter avec quelque certitude au milieu du ier siècle avant Jésus-Christ, disposé par colonnes, mais par malheur fort mutilé en maint endroit. Il avait été brisé en plus de deux cents pièces, lorsqu'il fut acheté pour le compte du British Muséum et envoyé en Angleterre. M. Frédéric G. Kenyon, qui en a publié le texte, à la fin de cette même année, a réussi, en rapprochant la plus grande partie de ces débris, à constituer un ensemble de vingt poèmes suivis, quelques-uns conservés dans leur intégrité, d'autres plus ou moins incomplets. Ce sont les morceaux traduits ici. Une quarantaine d'autres fragments, de faibles dimensions, ne portent qu'un petit nombre de lettres et de mots inachevés, dont il n'est guère possible de tirer un sens.

Le recueil conservé par le papyrus se divise en deux parties distinctes : la première comprend quatorze odes composées en l'honneur des vainqueurs dans les jeux, la seconde six pièces de genres divers (voir la note 152), rangées suivant l'ordre alphabétique de la lettre initiale du titre, allant de A à I, et qui par conséquent forment le commencement d'une série plus longue. Nous n'avons évidemment là qu'un choix parmi les poèmes de Bacchylide. Nous n'y retrouvons en effet qu'une douzaine des citations fournies par les auteurs anciens. S'il est permis de tenter un calcul de probabilités en pareille matière, on pourrait donc conjecturer que ce vieux livre représente environ la cinquième partie de l'œuvre entière du poète de Céos.

 

10 mars 1898.

 

ODES TRIOMPHALES

 

 

I

POUR ARGEIOS DE CÉOS

VAINQUEUR AUX JEUX ISTHMIQUES

 

……

Dans leurs murs arriva Minos, le troisième jour qui suivit, avec cinquante nefs aux proues bariolées, qui portaient ses compagnons crétois. Par la volonté du glorieux Zeus, il séduisit Dexithée, vierge à la ceinture profonde, et lui laissa la moitié de ses gens, héros chers à Arès, à qui il distribua ce sol escarpé. Puis, le roi fils d'Europe reprit son chemin par la mer vers la cité charmante de Cnosse. Au dixième mois, Euxantios naquit, illustre enfant de la vierge aux belles tresses………

Tels sont tous les dons que tint Panthéide de l'illustre archer Apollon, pour son art de guérir et son amicale manière d'honorer les hôtes. Favorisé des Charités, admiré de bien des mortels, il acheva sa vie, laissant cinq fils renommés. C'est à l'un d'eux que le fils de Cronos au trône élevé a donné la victoire de l'Isthme en échange de son service, avec d'autres éclatantes couronnes.

Je dis et dirai toujours que le plus grand titre de gloire est la vertu : la richesse peut devenir la compagne même des plus vils entre les humains, elle tend à enfler l'âme de l'homme; mais celui qui honore les dieux flatte son cœur d'une plus noble espérance. Si, de plus, quoique mortel, il obtient la santé, s'il peut vivre de son patrimoine, il rivalise avec les premiers.

Il est des charmes pour toute vie humaine qui ne connaît ni les maladies ni la pauvreté sans remède, car le désir est égal chez l'homme opulent des grands biens, et chez l'homme moindre des biens plus modestes. Avoir tout ce qu'on désire n'est pas une volupté pour les mortels, c'est ce qui fuit que toujours ils cherchent à saisir. A l'homme dont le cœur est agité par des soucis frivoles, le temps qu'il vit est son seul lot. La vertu coûte des peines, mais lorsqu'elle a jusqu'au bout suivi sa route, elle laisse après la mort un monument de gloire qui jamais ne cesse de mériter l'envie.

NOTES

ODE 1

1. Pour Argeios de Céos, etc. Le titre est restitué d'après le texte de cette ode et de la suivante, adressée au même. Rien ne dit dans quel exercice Argeios fut vainqueur en ces deux occasions. Le nom d'Argeios, fils de Panthéide, se trouve deux fois dans une inscription trouvée à Ioulis et conservée au Musée Central d'Athènes (Pridik, De Cei insulæ rebus, p. 401); c'est une liste d'athlètes originaires de Céos ayant remporté des prix aux jeux Isthmiques et Néméens. Tout doute se trouve donc levé touchant le nom du héros des deux odes I et II, sur lequel l'éditeur a hésité. — Il ne reste de ce morceau que la fin, plus un fragment détaché de la première partie (c'est le fragment 1 de Kenyon). On ne peut déterminer l'étendue des lacunes.

2. Dans leurs murs. Il s'agit des habitants de Céos et peut-être de Ioulis. La légende qui faisait naître Euxantios dans l'île de Céos était jusqu'ici restée inconnue.

3. A la ceinture profonde. On traduit ainsi le mot βαθύζωνος. En nouant leur ceinture sur les hanches, les femmes d'Asie Mineure et des îles grecques tiraient l'étoffe de leur tunique, de façon à la faire retomber fort bas par-dessus.

4. Le roi fils d'Europe. C'est-à-dire Minos. On a lu Εὐρωπίδα (nominatif), avec Platt et U. de Wilamowitz-Mœllendorff.

5. Panthéide. C'est le père d'Argeios; on voit que c'était un médecin fameux. Il n'y a pas de raison de changer la forme du nom (Πανθείδης) donné par le papyrus.

6. Le fils de Cronos. Cette désignation s'applique aussi bien à Posidon (Neptune), patron des jeux Isthmiques, qu'à Zeus (Jupiter). Cependant l'épithète de ὑψίζυγος est ordinairement réservée à ce dernier dieu.

7. Je dis et dirai toujours... est la vertu. Passage cité par Plutarque : De la lecture des poètes, 14. C'est le fragment XXX de Bergk.

8. ...est son seul lot. On a lu : τόνδ' ἔλαχεν τιμάν.

II

POUR LE MÊME

VAINQUEUR AUX JEUX ISTHMIQUES

 

Bondis, ô dispensatrice d'honneur, Renommée, dans la sainte Céos, portant, au nom des Charités, la nouvelle que le brun Argeios, de sa main hardie, a remporté la victoire.

Il a rappelé le souvenir des exploits que sur la crête illustre de l'Isthme, venus de l'île divine d'Euxantios, nous avons accomplis, attestés par soixante-et-dix couronnes.

Voici que la Muse née sur ce sol même appelle le doux son des flûtes, honorant d'un chant de triomphe le fils chéri de Panthéide.

ODE II

9. Vainqueur aux jeux Isthmiques. On se sépare, en restituant ce titre, de l'éditeur anglais, par suite de l'interprétation différente du texte (voir la note 44). Cette petite ode est d'ailleurs, sauf quelques lettres, très bien conservée. Elle célèbre peut-être la même victoire que la précédente, mais elle fut exécutée à l'Isthme même, très peu après la proclamation des prix.

10. Le brun Argeios. Le nom du vainqueur étant certainement 'Αργεῖος, on a fait de μέλας un adjectif.

11. Il a rappelé le souvenir, etc. On a entendu ce passage tout autrement que l'éditeur.

12. L’île divine d'Euxantios. Autrement dit Céos (voir la note 2).

III

POUR HIÉRON DE SYRACUSE

VAINQUEUR

DANS LA COURSE DE CHARS, AUX JEUX OLYMPIQUES

 

Chante, Clio aux doux présents, chante la reine de la Sicile où naissent les plus belles moissons, Déméter, et sa fille couronnée de violettes, et les rapides chevaux de Hiéron qui courent à Olympie. Ils allaient, et avec eux la Victoire superbe, et avec eux Aglaïa la brillante, près de l'Alphée aux larges tourbillons, où par eux obtenait des couronnes la race fortunée de Dinomène. Et les Achéens assemblés s'écrièrent : « Ah ! trois fois heureux l'homme qui, ayant reçu de Zeus l'honneur de compter dans son empire le plus grand nombre d'Hellènes, sait faire que l'édifice de sa fortune ne soit point caché sous le voile noir de l'obscurité. »

Dans les sanctuaires abondent les pompes des sacrifices, dans les rues abonde l'hospitalité. L'or éclatant étincelle sur les hauts trépieds ciselés qui se dressent devant le temple où, près des ondes de Castalie, les Delphiens régissent le pour-pris magnifique de Phébus. C'est le dieu, le dieu qu'il faut honorer, car c'est là la suprême richesse. Ainsi naguère le maître de la Lydie qui dompte les chevaux, Crésus, alors que, réalisant le destin marqué par Zeus, Sardes succomba sous l'armée des Perses, dut son salut à l'épée d'or d'Apollon.

Le jour où l'on ne pensait point arriva pourtant, fécond en pleurs; et le roi ne voulut pas attendre plus longtemps la servitude. Mais, devant les murs d'airain de sa cour, il fit un bûcher, où il monta, entouré de sa chère épouse et de ses filles aux belles chevelures, qui se lamentaient sans trêve. Levant ses deux mains dans l'éther escarpé, il cria : « Violent destin, où sont les faveurs des dieux, où le roi fils de Léto? Les demeures d'Alyatte sont envahies par la foule des soldats; le sang rougit les tourbillons dorés du Pactole ; un bras insolent traîne les femmes hors des palais bien bâtis. Ce que je haïssais m'est cher maintenant; mourir m'est le plus doux. »

Il se tut et donna l'ordre qu'un Lydien aux pieds délicats enflammât l'édifice de bois. Les vierges criaient, et leurs bras affectueux s'attachaient au cou de leur mère ; car le trépas qu'on voit approcher est le plus odieux aux mortels. Mais voilà qu'au moment où le feu cruel lançait sa fureur brillante, Zeus fit planer le voile noir d'une nuée, qui allait éteignant la blonde flamme.

Rien n'est hors de la créance de ce qu'invente la pensée divine. Alors l'enfant de Délos. Apollon, emportant le vieillard, l'établit avec ses filles élancées chez les Hyperboréens, en récompense de sa piété ; car nul des mortels n'avait adressé à la divine Pytho de plus riches offrandes. De tous ceux qui habitent la Grèce, il n'en est point, ô glorieux Hiéron ! qui puisse prétendre avoir envoyé à Loxias plus d'or que toi.

Et le roi Apollon dit au fils de Phérès : « Mortel, ton esprit doit nourrir à la fois deux pensées, et que demain seul te reste à voir la lumière du soleil, et que durant cinquante années encore tu vivras au sein des richesses. Que tes actes soient pieux, ton cœur peut être satisfait ; c'est là le plus grand des profits. »

Je parle sagement à qui m'entend : le profond éther ne peut être souillé ; l'onde de la mer ne se corrompt point; l'or a de quoi réjouir l'esprit. Mais à l'homme il n'est pas permis de rejeter la vieillesse blanche pour recouvrer la florissante jeunesse. La vertu seule ne diminue point d'éclat .avec le corps des mortels; la Muse la nourrit. Hiéron, tu as fait voir aux hommes les fleurs les plus belles de la prospérité; or, le bonheur ne reçoit point de lustre du silence. Mais il parlera selon la vérité, celui qui célébrera parmi les belles choses l'hommage que te rend la voix de miel d'un rossignol de Céos.

 

ODE III

13. Pour Hiéron de Syracuse. La date de cette ode peut se fixer aisément : Hiéron remporta la victoire olympique qu'elle célèbre en 468 avant Jésus-Christ et mourut l'année suivante. L'ode est donc elle-même de 468 ou du commencement de 467. Il est probable qu'elle fut exécutée à Delphes, dans une fête donnée en l'honneur d'Apollon, peut-être en remerciement d'un vœu accompli par le dieu.

14. Déméter et sa fille. La fille de Déméter (Cérès) est Perséphone (Proserpine).

15. Ils allaient. On a lu φέροντο.

16. Aglaïa est l'une des trois Charites, c'est-à-dire des déesses qui donnent le succès (les Grâces). On ht ce passage comme M. Henri Weil.

17. La race... de Dinomène. Dinomène est le nom du père de Hiéron.

18. Car c'est là la suprême richesse. Il faut lire évidemment : ἀγλαιζεθῶ (pour ἀγλαιζέτο, ) γὰρ ἄριστος ὄλβων, comme l'a écrit le réviseur du manuscrit.

19. Le destin marqué par Zeus. On a lu κρίσιν pour κτίσιν.

20. Le jour où l’on ne pensait point, etc. On a lu, en partie d'après Blass : [τὸ γὰρ ]ελπτον ἄμαρ μολ' ὤν πολύδ[ακρυ δ'] οὐκ ἔμελλε.

21. Et le roi ne voulut pas attendre plus longtemps la servitude. On remarquera les différences qui se trouvent entre tout ce récit et la narration d'Hérodote (livre I, ch. 86-88), qui fait monter Crésus sur le bûcher par ordre de Cyrus, et non volontairement, et rattache cette histoire à la légende de l'entrevue de Solon avec Crésus. La prise de Sardes est de 558 ; le poème de Bacchylide en est plus proche que l'histoire d'Hérodote d'environ vingt années. On avait déjà conjecturé, d'après la scène représentée sur un vase peint, l'existence de la version suivie ici par le poète. Ce vase est une amphore à figures rouges du Musée du Louvre (n° 194), dont on trouvera la reproduction au tome I des Monumenti dell’ Instituto archeologico, pl. liv.

22. Le roi fils de Léto. Apollon. Léto est la forme grecque du nom de Latone.

23. Les demeures d’Alyatte..., les tourbillons dorés du Pactole. Passage mutilé. Alyatte, roi de Lydie, était le grand-père de Crésus. Il est à peine besoin de rappeler que le Pactole passait pour rouler dans son cours des paillettes d'or.

24. Un Lydien aux pieds délicats. On traduit ainsi le mot ἁβροβάταν, dont la restitution n'est pas sûre, et qui, en tout cas, peut être ou un nom propre ou un mot d'origine orientale, désignant par exemple une fonction à la cour de Lydie.

25. Chez les Hyperboréens. Ce peuple fabuleux, que l'on plaçait au delà des monts Riphées, au nord de la Thrace, était étroitement mêlé à la légende d'Apollon. A Delphes, on regardait le pays des Hyperboréens comme la résidence ordinaire du dieu, qui ne la quittait que dans les circonstances solennelles.

26. Avoir envoyé à Loxias plus d'or que toi. Texte incertain. On a lu θελήσει [αὐχεῖ]ν σέο πλείονα χρυσόν [Λοξί] πέμψαι βροτῶν. Suivent onze vers très mutilés, dont le sens ne se devine qu'à peine, et qu'on a laissés de côté dans la traduction.

27. Au fils de Phérès. C'est-à-dire Admète. Il est à supposer que dans ce qui précède, Bacchylide rappelait à Hiéron un entretien légendaire entre Admète et Apollon. Le tyran de Syracuse était à ce moment fort souffrant de la gravelle, dont il mourut un peu plus tard.

28. Mortel, ton esprit... au sein des richesses. On entend ce passage autrement que l'éditeur.

29. De rejeter la vieillesse. On a lu προέντα.

30. Celui qui célébrera parmi les belles choses. On fait de καλῶν un génitif neutre, au sens partitif.

IV

POUR LE MÊME

VAINQUEUR DANS LA COURSE DE CHARS, AUX JEUX PYTHIQUES

 

Syracuse est toujours la cité chérie d'Apollon aux cheveux d'or, et le législateur de la ville, Hiéron, reçoit ses faveurs. Car, pour la troisième fois, les hymnes le proclament vainqueur à Pytho, près du centre de la terre au dos élevé, par le mérite de ses chevaux aux pieds rapides.

………………

Nous aurions rendu l'hommage au fils de Dinomène qui, seul de tous les habitants de la terre, a su faire qu'à son foyer, dans les retraites de l'Etna proches de la mer, une telle victoire fût parée de couronnes, et qu'on chantât deux vainqueurs aux jeux Olympiques. Que bien plus grand peut avoir l'homme que d'obtenir, par l'amitié des dieux, sa part des biens de toutes sortes?

ODE IV

31. Vainqueur dans la course de chars. Cette portion du titre se restitue facilement d'après le texte. Nous avons, sur cette même victoire de Hiéron, remportée en 470, une ode de Pindare, la célèbre Pythique première. Celle de Bacchylide fut sans doute composée pour être exécutée à Delphes même, très peu de temps après la victoire. Elle est fort courte. Entre le début et la fin traduits ici, il y avait six vers dont il ne reste que deux ou trois mots.

32. Par le mérite. On a admis un supplément de Blass, ἀρεταῖς.

33. Qu'on chantât deux vainqueurs aux jeux Olympiques. Tout ce passage est obscur, peut-être par suite de la disparition des quelques vers qui précédaient.

34. Sa part des biens. On a lu ἐσθλῶν, d'après Wilamowitz.

 

V

POUR LE MÊME

VAINQUEUR DANS LA COURSE DE CHEVAUX,

AUX JEUX OLYMPIQUES

 

Fortuné capitaine des Syracusains traînés par des chevaux, tu sauras estimer le doux présent des Muses à la couronne de violettes plus justement qu'aucun des mortels qui habitent aujourd'hui la terre ; que ton cœur droit laisse en repos les soucis, regarde en esprit de ce côté : voici qu'avec l'aide des Charites à la ceinture profonde, ayant tissé un hymne, un hôte l'envoie de son île divine dans votre glorieuse cité, en renommé serviteur d'Uranie au bandeau d'or. Il entend épancher de sa poitrine des accents de louanges pour Hiéron.

De ses ailes rapides coupant le profond éther, s'élève l'aigle, messager du grand roi Zeus retentissant, tranquille et fier de sa force solide, cependant que se cachent de terreur les oiseaux à la voix harmonieuse. Ni les sommets de la terre immense ne l'arrêtent, ni les vagues impraticables de l'infatigable mer. Il va, dans le Chaos infini, avec les souffles du zéphyr, reconnaissable parmi le peuple ailé à sa fine huppe.

Semblable à lui maintenant, j'ai devant moi mille chemins pour chanter votre vertu, en l'honneur de la Victoire aux boucles sombres et d'Arès à la poitrine armée d'airain, ô fils magnanimes de Dinomène ! Que la divinité ne se lasse point de vous être favorable!

L'Aurore aux bras dorés a vu la victoire du blond Phérénique, poulain à la course de tempête, près des vastes tourbillons de l'Alphée et dans la divine Pytho. La main tournée vers la terre, j'atteste que jamais encore des coursiers, passant devant lui dans l'arène, ne l'ont souillé de leur poussière lorsqu'il bondissait vers le terme. Car égal à l'élan de Borée, sans périls pour son guide, il se lance afin de donner à l'hospitalier Hiéron une victoire nouvelle. Heureux qui a reçu de la divinité sa part de biens, et de vivre dans l'opulence au milieu d'une fortune enviée, car nul homme sur la terre n'est né pour le bonheur en tout.

Le héros briseur de portes, fils invincible de Zeus au foudre éblouissant, a, dit-on, pénétré dans les demeures de la svelte Perséphone, pour ramener de l'Hadès à la lumière le chien aux âpres crocs, fils de l'intraitable Vipère. Là il put voir les âmes des misérables mortels, près des ondes du Cocyte, semblables aux feuilles que le vent agite sur les blanches cimes de l'Ida nourricier des troupeaux. Parmi ces âmes frappait les yeux le fantôme du Porthaonide, audacieux, qui secoue la lance.

Lorsque l'admirable héros né d'Alcmène l'aperçut brillant par ses armes, il monte sur le crochet de l'arc la corde stridente, puis il choisit une flèche à pointe d'airain, en soulevant le couvercle du carquois. En face de lui se présente alors l'âme de Méléagre, qui, le connaissant bien, lui adresse ces paroles : « Fils du grand Zeus, reste en place, rassérène ton cœur, et que tes mains ne lancent pas en vain la flèche aiguë sur les âmes des morts. Ne crains rien. » Il dit, et, saisi d'étonnement, le prince fils d'Amphitryon s'écria : « Qui des immortels ou des humains a nourri un: tel rejeton, sur quelle terre? Qui l'a tué? Ah ! c'est celui-là sans doute qu'enverra sur ma tête Héra à la belle ceinture. Mais c'est affaire à la blonde Pallas. »

Méléagre lui réplique en pleurant : « Il est difficile aux habitants de la terre de détourner les desseins des dieux. Autrement, certes le fouetteur de chevaux, Œnée mon père, eût apaisé la colère de l'auguste déesse qui se couronne de calices, Artémis aux bras blancs, tant il la supplia, lui sacrifiant de nombreuses chèvres et des bœufs aux dos empourprés. Mais le courroux de la déesse fut invincible. La vierge suscita dans Galydon aux beaux chœurs un puissant sanglier, combattant sans merci. Là, débordant de force, sa dent dévastait les enclos, égorgeait les brebis et quiconque des mortels venait contre lui.

« Avec la fleur de la Grèce, nous lui fîmes une guerre assidue, six jours, durant. Et lorsque la divinité eut accordé la victoire aux Étoliens, nous donnâmes la sépulture à ceux qu'avait abattus le sanglier, s'élançant avec un cri furieux, Ancée, et Agélaôs, le meilleur de mes chers frères, qu'Althée engendra dans l'illustre palais d'Œnée notre père. D'autres encore périrent par un sort funeste. C'est que n'avait pas encore apaisé son courroux la cruelle chasseresse, fille de Léto; Autour de la fauve dépouille, il fallut veiller à repousser les Curètes ardents à la guerre. C'est là qu'entre bien d'autres je tuai Iphiclos et le brave Apharès, guerriers rapides, frères de ma mère, car le fier courage d'Arès ne connaît point d'amis dans la bataille ; les traits aveugles que les mains lancent contre la vie des ennemis portent la mort à qui veulent les dieux.

« Sans égard à cela, la cruelle fille de Thestios, ma misérable mère délibéra ma perte, femme impitoyable. Elle tira d'une cassette ouvragée un tison qu'elle enflamma, bien vite consumé, et que le fuseau de la Parque avait jadis marqué pour être la mesure de ma vie. Je me trouvais alors à dépouiller le corps irréprochable de Clymène, vaillant fils de Déipyle, que j'avais frappé devant les tours; les autres fuyaient vers les bons remparts de l'antique cité de Pleuron. Et la douce vie décroissait en moi; je sentis que la force m'abandonnait, hélas! et dans mon dernier souffle, je pleurai, malheureux, de perdre la brillante jeunesse. »

On dit que l'intrépide fils d'Amphitryon, pour la première fois alors, mouilla sa paupière, de pitié pour le destin d'un mortel infortuné. Il lui répondit en ces termes : « Pour les mortels le premier des biens est de ne pas naître et de ne point voir la clarté du soleil. Mais puisqu'il ne sert de rien de déplorer ces choses, il faut dire ce qui doit avoir quelque utilité. Y a-t-il dans le palais d'Œnée ami d'Arès, parmi ses filles, une vierge qui te ressemble par les traits? J'aimerais à la prendre pour ma florissante épouse. » L'âme du belliqueux Méléagre lui dit: « J'ai laissé dans la demeure Déjanire au cou tendre, ignorante encore de la déesse dorée, Cypris qui charme les humains. »

Calliope aux bras blancs, arrête ici ton beau char; chante Zeus fils de Cronos, qui dans l'Olympe gouverne les dieux, et l’Alphée au cours infatigable, et la force de Pélops, et Pise où l'illustre Phérénique, de ses pieds victorieux à la course, a glorifié Syracuse aux belles tours, rapportant à Hiéron la feuille de bonheur. Or il faut, pour l'amour de la vérité, accorder la louange, en repoussant des deux mains l'envie, à qui réussit parmi les humains. Un homme de Béotie l’a proclamé jadis, Hésiode, servant des Muses : « Celui que les dieux honorent doit recevoir aussi le renom de la bouche des mortels. » Je consens facilement à envoyer à Hiéron une parole de gloire qui le dirige sur la route : car sa noblesse repose sur des fondements florissants, que puisse Zeus, père des grandeurs, maintenir fermes dans la paix.

ODE V

35. Pour le même. Le titre est restitué facilement d'après le texte. C'est, sauf par-ci par-là quelques lettres, tout ce qui manque de cette grande ode, la plus longue de celles que nous avons en entier. Elle fut composée, comme l’Olympique première de Pindare, à l'occasion du prix remporté par Hiéron, probablement en 470.

36. Tu sauras estimer, etc. Cet appel au goût littéraire de Hiéron ne se comprend guère si le poète ne songe pas à un rival, qui doit être ici Pindare. Les anciens commentateurs de Pindare rapportent que Hiéron précisément lui préférait Bacchylide. Nous ne saurions partager son avis.

37. Il va, dans le Chaos infini. Passage cité, avec quelque inexactitude, dans les scholies d'Hésiode (Théogonie, v. 116). C'est le fragment XLVII de Bergk.

38. Reconnaissable parmi le peuple ailé. On a lu οἰωνοῖς pour ἀνθρώποις, qui ne donne pas de sens raisonnable.

39. Phérénique. Cet alezan de Hiéron, plusieurs fois vainqueur dans les courses, fut également célébré par Pindare. — Le passage : l’Aurore aux bras dorés... de l'Alphée nous était connu par une citation d'un scholiaste de Pindare (Olympique I). C'est le fragment VI de Bergk.

40. La main tournée vers la terre. Geste qui accompagnait une formule de serment. On retrouve la même expression dans l'ode VIII.

41. Heureux qui... pour le bonheur en tout. Passage cité par Stobée [Florilège, CIII, 2, et XCVIII, 26). C'est le fragment I de Bergk.

42. Le héros briseur de portes. Héraclès, qui descendit aux enfers pour en ramener le chien Cerbère.

43. Le fantôme du Porthaonide. Porthaon, père d'Œnée, était le grand-père de Méléagre.

44. Il monte sur le crochet de l’arc la corde, stridente. L'extrémité supérieure de l'arc était garnie d'un crochet, où l'on fixait la corde par un nœud coulant ou un anneau. Au repos, l'archer détachait le bout de la corde et l'enroulait autour de son arme.

45. Héra à la belle ceinture. On sait la haine dont Héra (ou Junon) poursuivait Héraclès, protégé par Athéna (Minerve).

46. Eût apaisé la colère, etc. Œnée, offrant un sacrifice à tous les dieux et déesses, avait par mégarde oublié Artémis (Diane).

47. Venait contre lui. On a lu εἰσάνταν.

48. Qu’Althée engendra. On lit ὅ τέκεν avec Wilamowitz.

49. D'autres encore. On lit, d'après Jebb et Housman, τῶν δ' ὤλεσε πλεῦνας.

50. Elle tira, etc. Le texte est certainement altéré en cet endroit. On a lu εἰλέ τε δαιδαλέας ἐκ λάρνακος ὠκύμορον φιτρὸν ἐγκαύσασα.

51. La douce vie décroissait en moi. On a lu μινύνθη, imparfait d'un verbe sans exemple, mais conforme à l'analogie.

52. Pour les mortels... la clarté du soleil. Passage cité par Stobée (Florilège, CXCVIII, 27). C'est le fragment II de Bergk, auquel on joignait par erreur un autre vers de Bacchylide (voir page 73).

53. La force de Pélops. Les jeux Olympiques passaient généralement pour avoir été fondés par Pélops.

54. Un homme de Béotie l’a proclamé jadis. On a suivi Wilamowitz, Blass et Housman pour lire : ὃν ἄν ἀθάνατοι τι[μῶσι, κείνῳ] καὶ βροτῶν φήμαν ἕπ[εσται]. Cette allusion à un passage du vieil Hésiode (Théogonie, 81-87), venant après des vers qui condamnent l'envie, paraît être une leçon assez directe adressée au Béotien Pindare, rival de Simonide.

55. Que puisse Zeus..., maintenir fermes. On a lu φυλάσσοι.

 

VI

POUR LACHON DE CÉOS

VAINQUEUR A LA COURSE, AUX JEUX OLYMPIQUES

 

Lachon, de ses pieds vainqueurs, a mérité du grand Zeus, près des ondes de l’Alphée, une récompense, la plus illustre de toutes celles que jamais célébrèrent les jeunes gens à la chevelure fleurie de couronnes, chantant la nourricière des vignes, Céos, victorieuse dans Olympie au pugilat et à la course.

A toi maintenant l'hymne d'Uranie, reine de la mélodie, en récompense de ta victoire, ô fils d'Aristomène, aux pieds vites comme les vents ! t'offre ses chants devant ta maison, pour ce que ton triomphe dans le stade a rendu Céos glorieuse.

 

ODE VI

56. Pour Lachon de Céos. Le texte de cette ode, fort courte, est bien conservé, moins quelques lettres, faciles à restituer. — Lachon est nommé dans l'inscription citée note 1.

57. Une récompense, la plus illustre de toutes celles, etc. Ce passage est interprété ici tout autrement que par l'éditeur du texte grec. On a d'ailleurs suppléé πάντων au lieu de σεμναῖς.

 

VII

POUR LE MÊME

 

Jour, fils brillant du Temps et de la Nuit, cinquante mois révolus te ramènent pour la seizième fois dans Olympie, pour que les Grecs te fassent juge de la vitesse de leurs pieds agiles et de la puissante vigueur de leurs membres. Celui qui de toi reçoit la noble récompense de la victoire attache à son nom chez les hommes la gloire et l'envie. C'est au fils d'Aristomène que ta faveur a décerné aujourd'hui la couronne……

 

ODE VII

58. Pour le même. Il ne reste de cette ode, qui ne devait pas avoir plus d'une trentaine de vers, que le début, et encore assez mutilé.

59. Cinquante mois, etc. On a restitué après πεντήκοντα le mot μ(ῆνες), et entendu ce passage d'une tout autre manière que l'éditeur. — Dans le style octaétérique, alors usité en Grèce, huit années comprennent quatre-vingt-dix neuf mois. En chiffres ronds, par conséquent, cinquante mois représentent quatre ans, espace de temps qui sépare chaque concours olympique du suivant.

60. Pour la seizième fois. Les fêtes d'Olympie se terminaient le 16 du mois, jour où avait lieu la distribution des prix.

61. C’est au fils d'Aristomène, etc. On a lu ainsi cette dernière phrase non restituée par le premier éditeur.

VIII

POUR UN INCONNU

VAINQUEUR AUX JEUX OLYMPIQUES

 

…………………………

Je chante Pytho où l'on sacrifie les brebis et Némée et l'Isthme. Tournant ma main vers la terre, je vanterai son nom; la vérité donne du lustre à toute chose. Non, il n'est point de mortel à qui, dans le même âge, enfant ou homme fait, furent accordés plus d'illustres triomphes. O Zeus qui brandis la foudre pour lance, près des rives de l'Alphée encore, tu as accompli ses souhaits favorisés du ciel : autour de sa tête tu mets le vert lien de l'olivier d'Étolie, dans les illustres jeux du Phrygien Pélops.

ODE VIII

62. Pour un inconnu. Cette ode, sans titre dans l’édition, ne devait comprendre qu'une vingtaine de vers, dont les premiers manquent. Le vainqueur s'y trouvait sans doute nommé. Le texte (voir la note suivante) permet de restituer une partie du titre et de penser quelle fut composée à l'occasion d'une victoire à Olympie, précédée d'ailleurs d'autres victoires dans divers concours.

63. Tu as accompli ses souhaits. Ce texte donne un membre d'une forme très connue, en faisant un trochée suivi dune longue. Le sens adopté est naturellement tout différent de celui que l'éditeur donne à ce passage.

 

IX

POUR AUTOMÈDE DE PHLIONTE

VAINQUEUR AU PENTATHLE, AUX JEUX NÉMÉENS

 

O Charites au sceptre d'or, donnez à nos voix l'accent qui persuade les hommes, alors que le divin porte-parole des Muses aux yeux de violettes s'apprête à chanter Phlionte et l'heureuse plaine de Zeus Néméen, dans laquelle Héra aux bras blancs nourrit le tueur de troupeaux, le lion à la voix grave, qui fournit à Héraclès le premier de ses illustres travaux.

C'est là que pour la première fois les héros aux boucliers rouges, l'élite des Argiens, donnèrent des jeux en l'honneur d'Archémore, que le fier serpent aux yeux clairs avait tué tandis qu'il cueillait des fleurs, présage des trépas futurs. O puissante Destinée ! En vain le fils d'Oïclée leur conseillait de retourner dans leurs rues bien peuplées. L'Espérance détourne à son profit le jugement des hommes.

C'est elle qui poussait alors vers Thèbes le fils de Taléon, Adraste, aux côtés de Polynice, le fouetteur de chevaux, à la suite de ces nobles jeux de Némée. Illustre parmi les mortels qui peut ceindre sa blonde chevelure de la couronne triennale! C'est aujourd'hui à Automède vainqueur que les dieux la donnent.

Car au pentathle il a brillé comme se distingue, parmi les feux des astres, la belle lumière de la lune, pendant la nuit qui partage le mois. Tel, dans le cercle infini des Grecs, il montrait son corps admirable quand il jetait le disque rond, ou lorsque sa main, lançant dans l'éther profond la branche du sureau au noir feuillage, excitait la clameur de la foule, ou lorsqu'il resplendissait dans le dernier labeur de la lutte.

Quand il eut ainsi, par sa force superbe, fait toucher la terre à des corps aux membres robustes, il s'en revint auprès des tourbillons empourprés de l'Asopos, dont la gloire est allée par toute la terre. Ceux qui peuplent les rivages extrêmes du Nil, et ces femmes qui habitent près du beau cours du Thermodon, habiles à manier l’épieu, filles d'Arès qui pousse ses chevaux, ont appris à connaître ta postérité, ô roi très envié des fleuves, et aussi le sol de Troie aux portes sublimes.

Partout, par les larges routes, vole en tout sens le bruit de ta race, des filles à la brillante ceinture que les dieux établirent, sous d'heureux auspices, souveraines de cités indestructibles. Qui ne sait la ville bien bâtie de Thèbes aux tresses noires, ou le nom charmant d'Égine, qui, s'étant unie au grand Zeus, enfanta le héros Éaque du dieu de victoire?

……………………………

Qu'un hymne, aux générations qui viendront par le temps infini, redise toujours cette victoire éclatante; voici que ton bel exploit obtient des hymnes véridiques d'être retenu chez les dieux, dans leur haute demeure ……

ODE IX

64. Pour Automède de Phlionte. Cette ode comprenait cent quatre vers : les cinquante-quatre premiers sont à peu près intégralement conservés; le reste est trop mutilé pour être traduit avec quelque vraisemblance, à l'exception d'un petit morceau qui forme les vers 81-84.

65. Charites au sceptre d’or. La traduction ordinaire à la quenouille d'or convient peu aux Charites et pas du tout à Artémis (voir Ode XI). Il est assez naturel que l'on désigne par ^XaxaT^ un sceptre surmonté d'une sorte de pomme d'or, qui rappelle la forme de la quenouille chargée de laine.

67. Alors que le divin porte-parole des Muses. Le poète s'adresse à Apollon.

69. Archémore était enfant de Lycurgue, roi d'Arcadie, et d'Eurydice.

71. Le fils d'Oïclée. Il s'agit du devin Amphiaraos.

73. La couronne triennale. Les jeux Néméens, ayant lieu tous les deux ans, étaient une fête triennale, selon la manière de compter des Grecs.

74. Quand il jetait le disque, etc. Le pentathle comprenait cinq exercices : la course, le jet du disque, le saut, le jet du javelot, et la lutte, qui venait en dernier lieu.

75. Quand il eut ainsi, etc. Cet alinéa représente une strophe mutilée et fort difficile à rétablir. On a suivi les restitutions de Blass et de II. Weil.

76. Auprès des tourbillons empourprés de l’Asopos. Ce fleuve arrosait Phlionte, Sicyone et Corinthe.

77. Les rivages extrêmes du Nil. L'Ethiopie.

78. Ces femmes qui habitent, etc. Ce sont les Amazones, filles d'Arès (Mars).

79. Ont appris à connaître ta postérité. Les descendants d'Asopos, entre autres les Éacides, Achille et Ajax, ont fait sentir leur valeur aux Éthiopiens, conduits par Memnon, aux Amazones, conduites par Penthésilée, et aux Troyens.

80. Des filles à la brillante ceinture. Les nymphes Thèbe, Égine, et d'autres qui peut-être étaient mentionnées plus loin, étaient filles d'Asopos.

82. Qu'un hymne... cette victoire éclatante. Le texte est douteux.

 

X

POUR PASIAS D'ATHÈNES

VAINQUEUR A LA COURSE, AUX JEUX ISTIIMIQUES

 

………………………………

Aujourd'hui l'époux de ta sœur a, Pasias, éveillé pour toi l'abeille à la voix mélodieuse, afin qu'un éternel monument des Muses donnât à tous les hommes la joie de louer tes mérites, en attestant aux habitants de la terre combien aujourd'hui la Victoire, qui ceint de fleurs ta tête blonde, a par toi donné de lustre à la grande Athènes et de gloire à la tribu Œnéide, dans les illustres jeux de Posidon, où tu as fait admirer aux Hellènes l'élan rapide de tes pieds.

Il allait sur le stade, lançant sur ses jeunes rivaux an souffle tiède ; la sueur inondait ses vêtements lorsqu'il s'élançait parmi l'essaim des spectateurs, brillant de l'éclat de l’huile, après avoir tourné le quadruple cercle de la course.

Deux fois les interprètes des équitables Charités le proclamèrent vainqueur à l'Isthme; deux fois il fut proclamé à Némée, près du temple saint de Zeus fils de Cronos; l'illustre Thèbes lui fit l'accueil qui convient au triomphe, et Argos aux vastes chœurs, et Sicyone, et ceux qui habitent Pellène, et l'Eubée riche en moissons, et l'île sacrée d'Égine.

Chacun cherche une route différente par où la chance puisse lui procurer l'éclatante gloire; innombrables sont les arts des hommes. A l'un la science ou la faveur qu'il tient des Charités donne l'espérance aux fleurs d'or; à l'autre, c'est la connaissance de quelque oracle des dieux; un autre vers plusieurs buts tend son arc divers; d'autres ont le cœur enflé de leurs cultures ou de leurs troupeaux de bœufs. Mais l'avenir enfante des fins indiscernables, qui seront fixées selon la fortune.

Le mieux est que, par beaucoup de vertus, l'homme s'assure de mériter l'envie. Je sais aussi le grand pouvoir de la richesse, qui même à l'inutile donne une utilité. Mais pourquoi la voix que je dirige va-t-elle s'écarter loin de la route? la joie de la victoire est dite aux mortels. . . .

ODE X

83. Pour Pasias d'Athènes. Le texte permet de connaître l'occasion du poème et la nationalité du vainqueur; pour son nom, on le donne ici d'après une restitution fort probable du vers 10, proposée par Platt et par Wilamowitz.

84. Aujourd'hui l’époux de ta sœur, etc. Il reste peu de chose des dix vers qui précèdent cette phrase, elle-même mutilée. On voit seulement que Bacchylide s'adressait d'abord à la Renommée. — L'ode avait été demandée au poète par le beau-frère du vainqueur.

85. La tribu (Enéide. C'était une des divisions, à la fois religieuses et politiques, de la population athénienne.

86. Les illustres jeux de Posidon. Les jeux Isthmiques, consacrés à Posidon (Neptune).

87. Il allait, etc. Texte fort mutilé.

88. Les interprètes des équitables Charites. Il faut entendre par là les juges du concours : on a vu plus haut que les Charites sont les dispensatrices du succès.

92. Est dite aux mortels.... Il manque quatre vers qui terminaient l'ode.

 

XI

POUR ALEXIDAME DE MÉTAPONTE

ENFANT VAINQUEUR A LA LUTTE, AUX JEUX PYTHIQUES

 

Victoire dont les présents sont si doux, tu tiens du père des dieux et des hommes, assis sur son trône sublime, un pouvoir souverain, et dans l'Olympe d'or, siégeant aux côtés de Zeus, tu juges la vertu des immortels et des mortels. Sois-moi propice, ô fille du dieu aux boucles épaisses, juge intègre. Par la grâce aujourd'hui, les beaux jeunes gens font retentir de leurs fêtes et de leurs jeux la cité des Métapontins, honorée par les dieux. Ils chantent le vainqueur des jeux Pythiques, l'admirable enfant de Phaïsque.

Le dieu de Délos, le fils de Léto à la ceinture profonde, l'a reçu d'un œil favorable, et bien des couronnes de fleurs sont tombées autour d'Alexidame dans la plaine de la forte Cirrha, pour sa lutte toujours triomphante : le soleil ne l'a point vu durant cette journée tomber près de la terre. Et je dirai qu'aussi dans les champs divins du saint Pélops, près du beau cours de l'Alphée, si l'on n'eût point fait dévier le chemin de la droite justice, l'hospitalière olive eût couronné sa chevelure de son pâle feuillage: la terre qui nourrit les génisses l'eût vu revenir triomphant.

Mais la Fortune envieuse, dans la contrée aux beaux chœurs, a fait connaître à l'enfant les artificieuses manœuvres. Est-ce un dieu qui l'a voulu, ou les opinions errantes des mortels ont-elles arraché de ses mains la récompense souveraine? Mais Artémis aujourd'hui, chasseresse au sceptre d'or, calme déesse, illustre par son arc, lui donne une victoire éclatante.

A Artémis jadis un autel où s'empressent les prières fut bâti par le fils d'Abas et ses filles au beau péplos, que la toute puissante Héra chassa de l'aimable palais de Prœtos, l'esprit subjugué par la dure nécessité de l'égarement. C'est qu'encore dans l'âge virginal, elles allèrent dans le sanctuaire de la déesse à la ceinture de pourpre, proclamer que leur père surpassait bien en richesse la blonde compagne de l'auguste Zeus, qui domine au loin. La déesse courroucée jeta dans leur sein l'esprit d'erreur.

Elles s'enfuirent dans la montagne aux grands feuillages, poussant des clameurs effrayantes, abandonnant la cité de Tirynthe et ses rues bâties par les dieux. C'est là que, depuis dix années, ayant quitté Argos chère aux divinités, les héros intrépides au combat, armés de boucliers d'airain, habitaient avec leur monarque envié. Car une querelle inapaisable, née d'une faible origine, s'exerçait entre les frères Prœtos et Acrisios, et les peuples étaient ruinés par les dissensions sans mesure et les batailles funestes. Aussi prièrent-ils les fils d'Abas de décider, puisqu'ils possédaient une terre riche en orge, celle de Tirynthe, que le plus jeune irait s'y établir, avant qu'ils fussent tombés dans de redoutables extrémités.

Zeus aussi, le fils de Cronos, pour honorer la race de Danaos et de Lyncée conducteur des chevaux, voulait faire cesser ces odieux malheurs. Les fiers Cyclopes vinrent, de leurs mains laborieuses, bâtir une muraille à l'illustre cité, pour laquelle dès lors les brillants héros égaux aux dieux quittèrent le beau pays d'Argos, père renommé des chevaux. C'est de ces lieux qu'une fuite pressée entraîna les vierges aux tresses noires, filles de Prœtos.

Le roi sentit son cœur serré par la tristesse: une étrange pensée le frappa : il délibéra d'enfoncer dans sa poitrine le double tranchant du glaive. Mais ses guerriers porteurs de javelots l'arrêtèrent par leurs douces paroles et la force de leurs bras. Treize mois entiers elles errèrent par la forêt ombreuse, puis se mirent à fuir dans l'Arcadie, nourrice des troupeaux. Mais lorsque le père arriva près du beau cours du fleuve Lousos, il lava son corps dans les ondes et invoqua la fille aux grands yeux qu'enfanta Léto ceinte de pourpre.

Levant les mains vers les rayons du soleil aux chevaux rapides, il la pria de sauver ses enfants de la funeste rage qui égarait leur esprit : « Je te sacrifierai, dit-il, vingt bœufs ignorants du joug, au poil de pourpre. » La fille du plus noble des pères, qui épie les bêtes sauvages, entendit sa prière : elle fléchit Héra, et guérit de leur folie impie les vierges couronnées de calices. Elles aussitôt lui bâtirent un sanctuaire et un autel, elles l'arrosèrent du sang des brebis, elles formèrent des chœurs de femmes.

De là tu suivis, ô déesse, les guerriers achéens, amis d'Arès, dans la contrée qui nourrit les chevaux; et, sous de fortunés auspices, tu habites Métaponte, ô souveraine dorée des peuples. Près des belles ondes du Casas, mes ancêtres t'ont bâti un gracieux sanctuaire, lorsque à force de temps, par la volonté des dieux bienheureux, ils eurent renversé la cité bien bâtie de Priam avec les Atrides à la cuirasse d'airain. Quiconque possède un esprit juste rencontrera dans tous les temps mille hauts faits des Achéens.

 

ODE XI

93. Pour Alexidame de Métaponte. A l'exception de la phrase du début et de quelques mots ou lettres, qui se laissent aisément rétablir, ce poème est complet. Sa longueur est de cent vingt-six vers.

94. Tu tiens du père des dieux, etc. Texte incertain.

95. Et dans l’Olympe d'or... et des mortels. Ce passage, assez mutilé, est restitué avec certitude d'après une citation de Stobée, rapportée par Fulvio Orsini. C'est le fragment IX de Bergk.

96. Le dieu de Délos. Apollon, à qui les jeux Pythiques étaient dédiés, était né dans l'île de Délos.

97. Dans la plaine de la forte Cirrha. Les jeux Pythiques ne se donnaient pas à Delphes même, mais dans la plaine de Crisa, au pied du Parnasse; sur la côte de la mer, à l'embouchure du fleuve Pleistos, qui traverse la plaine, était située Cirrha, servant de porta Delphes.

98. Les champs divins du saint Pélops. La plaine où se célébraient les jeux Olympiques.

99. Si l’on n'eût point fait dévier, etc. Bacchylide se fait ici l'interprète d'une réclamation d'Alexidame contre la décision des Hellanodiques, juges des concours d'Olympie.

100. La terre qui nourrit les génisses. Le territoire de Métaponte était célèbre par ses cultures. Le texte des quatre mots qui suivent est incertain.

101. Mais la Fortune envieuse. Ces mots sont facilement rétablis d'après le sens à la place d'un vers qui manque au bas d'une colonne du manuscrit.

102. Artémis au sceptre d'or. La mention de la déesse Artémis (ou Diane), qui sert de transition au récit mythique suivant, est toute naturelle : Artémis était particulièrement honorée à Métaponte. Voir la note 65.

103. Le fils d'Abas. Prœtos, roi de Tirynthe.

104. Née d'une faible origine. On entend autrement que ne paraît faire l'éditeur.

105. La race de Danaos et de Lyncée. Panaos était le frère d’Ægyptos, père de Lyncée, qui était lui-même le père d'Abas et l'aïeul de Prœtos.

106. Au bord du fleuve Lousos. En Arcadie.

107. La fille... qu'engendra Lélo. C'est Artémis.

109. Près des belles ondes du Casas. Le nom de ce fleuve ne s'était jusqu'ici rencontré dans aucun texte.

110. Mes ancêtres. Un lien traditionnel semblerait donc rattacher, soit Bacchylide, soit les habitants de Céos, aux premiers colons de Métaponte. Mais le texte traduit ici est le résultat d'une modification, fort douteuse elle-même, à la leçon incompréhensible du manuscrit.

 

XII

POUR TISIAS D'EGINE

VAINQUEUR A LA LUTTE, AUX JEUX NÉMÉENS

 

Comme un pilote habile, reine des hymnes, Clio, dirige aujourd'hui mon esprit, mieux que jamais auparavant. Car c'est chez des hôtes, dans l'heureuse île d'Égine que la souveraine Victoire me commande de venir honorer la ville bâtie par les dieux et le lutteur aux membres valeureux, vainqueur à Némée …………

ODE XII

111. A Tisias d'Egine. Nous n'avons que les huit premiers vers " de cette ode, dont la longueur ne peut être déterminée, même approximativement.

 

XIII

POUR PYTHÉAS D'EGINE

ENFANT VAINQUEUR AU PANCRACE, AUX JEUX NÉMÉENS

 

……………………

Héraclès un jour mettra fin à l'injure superbe, en faisant la justice pour les mortels. Ainsi je vois s'abattre fatale au cou du cruel lion la main du descendant de Persée, armé de tous les artifices : car l'airain resplendissant qui donne la mort aux hommes refuse de percer le corps impénétrable de la bête ; la lame s'est rebroussée en arrière. C'est là qu'un jour, je le prédis, les couronnes du pancrace seront disputées par les Grecs en un suant labeur.

« De là ceux qui, près de l’autel de Zeus qui préside à la vertu, cueillent les fleurs de la noble victoire, tirent un renom éclatant redit dans les siècles et qui croît toujours pour peu d'entre les mortels. Et quand les aura couverts le sombre nuage de la mort, la renommée de la belle action est conservée immortelle par un sûr destin. »

Tu l’as gagnée à Némée, fils de Lampon : les couronnes de laurier fleurissant que tu noues à ta chevelure rehaussent l'éclat de ta ville aux rues élevées, parmi les hymnes des chœurs charmants et la douce odeur des banquets, dans l'île qui t'a donné le jour, parce que tu as montré ton irrésistible force dans la lutte.

O fille du fleuve tourbillonnant, indulgente Égine, voici qu'un enfant t'a honorée dans tous les jeux, montrant comme un flambeau sa vaillance aux Hellènes; c'est à ton nom qu'il attache la louange. Voici qu'une jeune fille élancée, devançant toutes les autres de ses pieds rapides, telle qu'un faon insouciant par les collines fleuries, bondit légère parmi d'illustres compagnes ses voisines.

La couronne au front, les vierges forment, avec les fleurs dorées et le roseau, les jeux chers à leur pays et chantent en ton honneur, ô maîtresse, fille d'un père étranger, Endéis aux bras de roses, qui jadis enfanta Pélée et le fort Télamon, lorsqu'elle se fut unie à Éaque au fond d'une grotte. Je veux célébrer maintenant leurs fils belliqueux, le rapide Achille et le fier enfant de la belle Éribée, le guerrier Ajax qui porte l'écu.

C'est lui qui, debout sur sa poupe, arrêta le combattant au cœur hardi qui s'élançait pour brûler les vaisseaux d'une flamme divine, Hector casqué d'airain, à l'heure où le fils de Pélée roula dans sa poitrine une âpre colère, et délivra de peine les fils de Dardanos.

On ne les voyait point auparavant quitter l'enceinte de tours de la belle cité d'Ilion, mais tremblants, ils se dérobaient à l'ardente mêlée, alors que, courant dans la plaine, le furieux Achille brandissait sa lance meurtrière. Mais cette fois le fils intrépide de la Néréide couronnée de violettes avait laissé la guerre.

Tel, dans la mer fleurissante d'azur, le Thrace Borée déchire sous les flots le navire qu'il attaque lorsque la nuit s'est déployée : il cesse avec l'aurore qui éclaire le monde, il aplanit la mer, les brises favorables du Notos gonflent la voile, et les marins atteignent en hâte la terre qu'ils n'espéraient plus.

Ainsi, quand les Troyens entendirent que le lanceur de javelots, Achille, restait dans sa tente pour l'amour de la blonde Briséis aux membres désirables, ils levaient leurs mains vers les dieux, voyant dans la tempête une claire lueur. Tous d'un élan quittèrent les murs de Laomédon et bondirent dans la plaine, apportant la bataille furieuse, et jetèrent la crainte au cœur des Danæns.

Excités par Arès, avec sa bonne lance, et 13 prince des Lyciens, Apollon Loxias, ils arrivèrent jusqu'au rivage de la mer. Près des vaisseaux à la belle poupe, ils se mêlèrent; le sang des hommes massacrés rougissait la terre noire, par la main d'Hector, dont l'élan divin créait de rudes maux à ces demi-dieux.

Ah! malheureux! de grandes espérances enflaient le cœur des cavaliers troyens, se flattant qu’après avoir incendié les noirs vaisseaux, ils tiendraient dans la prospérité, parmi les banquets et les fêtes, la ville bâtie par les dieux. Il leur fallait auparavant empourprer le tourbillonnant Scamandre, en mourant sous le fer des Éacides, destructeurs de murailles.

……………………

Car la vertu visible à tous, lorsque la cachent les ténèbres de la nuit sans rayons, n'est point pour cela effacée, mais elle se maintient ferme et sans se lasser, produisant la gloire, elle va par la terre et la mer pleine d'erreurs. C'est elle qui honore la glorieuse île d'Éaque, elle dont la saine pensée dirige la cité, assistée de la renommée amie des couronnes et de la bonne police ; c'est elle qui mérite les fêtes et garde dans la paix les villes peuplées d'hommes pieux.

Chantez, ô jeunes gens, la victoire glorieuse de Pythéas, et les utiles soins de Ménandre ; c'est eux que, près des ondes de l'Alphée, a récompenses l'auguste Athéna au grand cœur, dont le char est d'or, comme elle a déjà couronné de bandelettes les chevelures d'innombrables mortels dans les concours de toute la Grèce.

Si la parole effrontée de l'envie ne surprend l'esprit, on doit louer selon la justice l'homme sage. Certes le blâme des mortels s'attache à tous les travaux, mais la vérité toujours triomphe, et le temps qui dompte tout ne cesse d'exalter les belles actions

L'espérance réjouit son cœur. C'est ainsi que moi, confiant dans les Charités ceintes de pourpre, je produis ici un de mes hymnes, pour honorer une brillante hospitalité. Lampon certes en me la donnant peut estimer petite l'offrande de ces vers mais, si vraiment c'est la féconde Clio qui les verse en mon esprit, la charmante voix de mes chansons ira dire son nom à tous les peuples.

ODE XIII

113. A Pythéas d'Egine, etc. Le titre qui manque est restitué d'après le texte. Ce poème, aussi long à deux vers près que l'ode V, est par malheur fort mutilé en divers endroits. C'est à l'occasion de cette même victoire, antérieure à l'année 480, que Pindare composa la Néméenne cinquième, se trouvant, cette fois encore, en concurrence avec Bacchylide.

114. Héraclès, un jour, etc. Les trois premiers mots sont ajoutés d'après le contexte. Les dix vers de début de l'ode sont perdus ; la partie conservée commence au milieu d'une prophétie du devin Tirésias touchant la victoire d'Héraclès sur le lion de Némée et la fondation des jeux Néméens. Cette prédiction se termine avec le second alinéa.

115. La main du descendant de Persée, Amphitryon, père d'Héraclès, était petit-fils de Persée.

116. De là ceux qui... d'entre les mortels. Le texte est mutilé. — Ce que dit le poète est à peine une hyperbole : les noms des vainqueurs aux jeux étaient gravés sur des stèles et conservés avec soin.

117. Aux rues élevées. La ville d'Égine était bâtie sur des pentes qui s'abaissaient vers la mer.

118. Parmi les hymnes... des banquets. On a suivi la restitution de Jebb, qui est des plus vraisemblables.

119. Fille du fleuve tourbillonnant. La nymphe Égine, patronne de la cité, était fille du fleuve Asopos.

120. Devançant... de ses pieds rapides. Le texto est ici mutilé et peu sûr; on a suivi Jebb.

121. La couronne au front, etc. Texte fort incertain, par suite des mutilations. Il y a là quelque allusion à une sorte de danse où les fleurs et le roseau jouaient un rôle, probablement sous forme de guirlandes. — Au vers suivant, on admet le supplément de Wilamowitz.

122. Fille d'un fleuve étranger. C'est une restitution de Jebb. Une tradition, rapportée par Pausanias (II, 5, 9j, faisait venir les eaux de l'Asopos de l'Asie Mineure, à travers la mer.

123. Endéis. C'était la fille de Sciron et de la nymphe Chariclo.

124. Pelée et le fort Télamon. Pelée est le père d'Achille, Télamon le père d'Ajax de Salamine. Éaque était fils de Zeus et de la nymphe Egine; un lien légendaire rattachait donc étroitement l’île d'Égine aux Éacides; aussi Pindare ne manque-t-il guère de célébrer les exploits d'Achille et d'Ajax dans les odes où il chante les vainqueurs éginètes. Bacchylide, de même, consacre la plus grande part du poème en l'honneur de Pythéas à raconter les hauts faits d'Ajax.

126. La belle Éribée. C'était la fille d'Alcathoos de Mégare.

127. C est lui qui, etc. Ce beau récit, tout plein de souvenirs homériques, diffère pourtant en quelques points du chant XV de l’Iliade, où sont racontés les mêmes événements.

128. A l’heure où le fils de Pelée, etc. Blass a montré qu'un petit fragment qui contient six lettres se rapporte ici, ce qui permet de tenter une restitution.

129. Les fils de Dardanos. C'est-à-dire les Troyens.

131. La Néréide couronnée de violettes. Thétis, fille de Nérée, et mère d'Achille.

132. Le Thrace Borée, etc. On a suivi l'excellente restitution de Jebb.

135. Les murs de Laomédon. C'était le père du roi Priam.

136. Au cœur des Danæns. Les descendants de Danaos, fondateur d'Argos, étaient proprement les Argiens ; mais leur nom avait été étendu par les poètes à tous les Grecs.

137. Dont l’élan divin, etc. Ce doit être la leçon que le copiste a voulu rétablir.

138. De grandes espérances, etc. Cet endroit est fort défectueux; il y manque un vers entier et plusieurs mots. On a traduit le texte suivant, qui n'est qu'une tentative de restitution.

139. Destructeurs de murailles. Après ces mots venaient sept vers dont les deux premiers sont conservés incomplètement et les autres manquent tout à fait.

140. La glorieuse île d'Eaque. Égine.

141. Les utiles soins de Ménandre. C'était un Athénien fort célèbre comme « entraîneur » d'athlètes. Pindare parle également de lui dans l'ode composée pour Pythéas.

142. Athéna. C'est la déesse d'Athènes, qui donne naturellement sa protection à un Athénien.

143. D'exalter les belles actions. Il manque ensuite douze vers; des deux premiers seulement il reste trois ou quatre lettres.

144. Je produis ici un de mes hymnes. La traduction est incertaine, comme l'est la lettre du texte; il en est de même de ce qui suit.

145. Lampon. C'est le père de Pythéas, qui sans doute avait donné l'hospitalité au poète.

 

XIV

POUR CLÉOPTOLÈME DE THESSALIE

VAINQUEUR DANS LA COURSE DE CHARS, AUX JEUX PÉTRÉENS

 

Avoir reçu du Destin un sort favorable est le meilleur pour les mortels. Mais l'occurrence, qui diminue les hommes nobles lorsqu'elle les surprend du fardeau des peines, leur rend, à la fin redressée, l'éclatante supériorité. La récompense seulement n'est pas la même pour tous : infiniment diverses sont les vertus des hommes ; une seule est assurée du concours divin; c'est quand la main est à chaque moment gouvernée par une pensée juste.

Ni dans les funestes batailles ne conviennent les accents de la lyre et les voix harmonieuses des chœurs, ni dans les festins le fracas de l'airain retentissant. Pour chaque action des hommes, il est un temps opportun ; mais à quiconque agit bien, la divinité même prête un appui. C'est en l'honneur de Cléoptolème qu'il faut aujourd'hui faire résonner l'enceinte sacrée de Posidon Pétréen, et chanter l'illustre coursier de Pyrrichos, dont l'accueil est hospitalier et l'esprit droit.

ODE XIV

146. Pour Cléoptolème de Thessalie. Ode incomplète, dont on ne saurait déterminer précisément l’étendue primitive; toute la fin manque. La partie conservée est défectueuse, mais se restitue assez aisément.

147. Aux jeux Pétréens. Nous n'avions jusqu'ici aucune connaissance de ces jeux, évidemment célébrés en Thessalie, en l'honneur de Posidon Pétréen ou des Rochers, ainsi surnommé pour avoir, d'un coup de son trident, ouvert un passage dans le roc aux eaux du Pénée et créé la gorge de Tempe. C'est là un exemple de ces concours locaux qui étaient nombreux en Grèce.

149. Mais l'occurrence, etc. On a suivi la restitution de Jebb, qui paraît évidente.

151. L'illustre coursier de Pyrrichos. On ne sait qui était ce Pyrrichos. Le plus vraisemblable est qu'il était père de Cléoptolème.

 

ODES DIVERSES

 

XV

LES FILS D'ANTÉNOR

ou

HÉLÈNE RÉCLAMÉE

 

……………………………

Et leur père, héros au sage conseil, rapporta au roi Priam et à ses enfants tous les discours des Achéens. Alors les hérauts, courant par la vaste cité, assemblaient les phalanges des Troyens dans l'enceinte qui devait recevoir les armées. Partout, de bouche en bouche, passa la nouvelle, et, les bras levés, ils priaient les dieux immortels de faire cesser leurs maux.

Muse, qui le premier commença les justes discours? Ménélas, le fils de Plisthène. Sa voix persuasive s'éleva, d'accord avec les Charités au beau voile : « O Troyens belliqueux, Zeus souverain, qui voit toutes choses, n'est pas celui qui cause les grandes souffrances aux mortels ; mais il est possible à tous les hommes d'atteindre la droite Justice, compagne de l'Ordre pur et de l'intelligente Loi. Heureux ceux dont les enfants la reçoivent sous leur toit.

Mais l'insolence impudente, dont les fruits sont les ondoyants mensonges et les folies sacrilèges, l'insolence, prompte à faire don de la richesse et de la puissance d'autrui, précipite ensuite à la profonde ruine. C'est elle encore qui causa la perte des Géants, enfants orgueilleux de la Terre. »

 

ODE XV

152. Odes diverses. Cette seconde partie des poèmes de Bacchylide est peut-être celle qui offre, au point de vue particulier de l'histoire littéraire, le plus d'intérêt. Elle nous donne en effet plusieurs échantillons d'œuvres lyriques qui ne sont point des odes triomphales et dont nous ne possédions pas jusqu'ici d'exemples entiers. Ils se classent parmi les péans, les dithyrambes, les hymnes, d'autres genres encore. A l'exception d'un dialogue (XVII), ils consistent presque uniquement en une narration, qui n'est pas toujours rattachée, soit par une petite introduction, soit par un court épilogue, à la fête, religieuse ou non, à laquelle ils ont été destinés, et qui se termine d'ordinaire fort brusquement. Il faut dire que deux au moins de ces pièces (XV et XVI) ne sont que des fragments : pour une raison ou pour Une autre, le début seul de l'ode avait été conservé.

153. Les fils d'Anténor ou Hélène réclamée. Cette ode, exclusivement narrative, est peut-être un hymne dédié aux fils d'Anténor, lesquels devaient jouer un rôle dans le début, perdu en grande partie. Le recueil dont le papyrus est un débris ne contenait que les trois premières triades (trois strophes, avec antistrophes et épodes) de ce morceau. Il ne nous en reste que la deuxième moitié, où est conté le début de la conférence entre les députés grecs et troyens, assemblée pour traiter de la restitution d'Hélène à son époux, Ménélas.

154. Et leur père. Il s'agit évidemment d'Anténor. Des trente-six vers qui précédaient, les quatorze premiers sont trop mutilés pour qu'on puisse en démêler le sens, les vingt-deux suivants manquent tout à fait. Il est assez vraisemblable qu'Anténor, ses fils et sa femme Théano, prêtresse d'Athéna, prenaient une part active à la préparation de la conférence proposée, et que la prêtresse avait un entretien avec les chefs de l'armée grecque envoyés en ambassadeurs, dont plusieurs sont nommés dans les vers défectueux du commencement.

155. Les discours des Achéens. C'est-à-dire la proposition d'une entente pacifique.

156. O Troyens belliqueux... sous leur toit. Passage cité par Clément d'Alexandrie (Stromates, V, 731). C'est le fragment XXIX de Bergk.

157. Les Géants. Fils d'Ouranos et de la Terre, les Géants avaient engagé la guerre contre les dieux de l'Olympe. Vaincus par Zeus et Héraclès, ils furent précipités du ciel, et presque tous ensevelis sous des volcans ou des montagnes, en diverses contrées.

XVI

HÉRACLÈS

 

Une nef dorée m’arrive de Piérie, envoyée par Uranie au beau trône, et chargée d'hymnes immortels en l’honneur du dieu qui, près de l’Hèbre fleuri, se complaît en la compagnie fidèle de son cygne au long col et, l’esprit réjoui de cette douce voix, appelle à lui les fleurs des péans de Céos. Pythien Apollon, voilà les accents que les chœurs des Delphiens ont fait résonner auprès de ton illustre sanctuaire, avant que nous commencions à chanter.

Laissant Œchalie dévorée par le feu, le fils d'Amphitryon, mortel aux desseins hardis, parvint sur un rivage entouré de flots, où sur son butin il voulait sacrifier au maître des grandes nuées, Zeus de Cénée, neuf taureaux à la voix grave, et deux taureaux au dieu qui dompte la terre en excitant les flots, et à la vierge au regard puissant, à la pure Athéna, une génisse aux cornes élevées, qui n'avait point porté le joug.

Alors une irrésistible divinité trama dans l'esprit de Déjanire un dessein perfide, père de bien des larmes ; c'est qu'elle avait appris (douloureuse nouvelle !) que le fils de Zeus, intrépide à la bataille, emmenait dans sa demeure Iole aux bras blancs pour en faire sa florissante épouse. Ah! malheureuse! infortunée! quelle pensée elle conçut! La violente jalousie causa sa perte, et le voile noir qui couvrait les choses à venir, alors que sur le fleuve Lycormas plein de roses, elle reçut de Nessus le sortilège fatal.

 

ODE XVI

158. Héraclès. Ce poème, ou mieux ce début de poème, est un péan, évidemment chanté à Delphes. L'éditeur a signalé plusieurs endroits des Trachiniennes où Sophocle semble bien s'être souvenu de Bacchylide, à moins qu'il n'ait plutôt puisé à la même source épique.

159. Un message... des péans de Céos. Passage défectueux, mais dont le sens général est peu douteux. Le vers 1 ne se peut guère restituer.

160. Près de l’Hèbre fleuri. L'Hèbre est une rivière de la Thrace, aujourd'hui la Maritza. Les relations qui unissaient Apollon avec les Hyperboréens expliquent assez la mention de ce fleuve. Voir la note 25.

162. Œchalie. Il y eut dans l'antiquité plusieurs villes de ce nom. Celle où la légende faisait régner Eurytos, le père d'Iole, et qui fut prise par Héraclès, était située en Eubée.

163 Un rivage entouré de flots. Le cap Cénée, au nord-ouest de l'Eubée.

164. Au dieu qui dompte la terre, etc. Posidon (ou Neptune).

165. Le fleuve Lycormas. C'était le nom ancien de l'Euénos, qui arrosait l'Étolie. Voir la note 209.

166. Elle reçut de Nessus le sortilège fatal. Cette légende est bien connue : le centaure Nessus en mourant, percé par Héraclès d'une flèche trempée dans le venin de l'hydre de Lerne, lit présent à Déjanire de sa tunique, désormais empoisonnée, sous prétexte qu'elle contenait un charme capable de lui assurer l'amour de son époux. C'est cette tunique qui, envoyée par Déjanire au héros infidèle, lui causa de telles souffrances, qu'il se donna la mort.

XVII

LES JEUNES GENS

ou

THÉSÉE

 

Un navire à la proue azurée, emmenant Thésée ardent au fracas des armes, et deux fois sept beaux enfants, fils et filles des Ioniens, fendait la mer de Crète : dans la voile au loin éclatante s'élançaient les souffles de Borée, par la grâce de l'illustre Athéna à l'égide guerrière. Et Minos sentit son cœur blessé par les redoutables présents de Cypris, la déesse au bandeau d'amour : sa main ne sut pas rester loin d'une vierge ; elle effleura ses joues blanches. Le cri d'Éribée appela le héros à la cuirasse d'airain, issu de Pandion. Thésée la voit : il tourne sous ses sourcils un regard sombre, une douleur cruelle déchire son cœur; il dit : « Fils du souverain Zeus, tu n'es plus en toi-même maître d'un cœur pur : arrête, héros, ta superbe violence.

« Ce que le tout-puissant Destin nous impose par la volonté des dieux, ce qu'a marqué la balance de la Justice, le sort fatal sera subi par nous à l'heure qu'il viendra. Mais toi, refrène un pénible projet. Si lorsqu'elle t'enfanta dans le lit de Zeus, au pied de la cime d'Ida, la fille de Phénix au gracieux nom t'a fait le plus illustre des mortels, moi aussi, la fille de l'opulent Pitthée m'enfanta des embrassements du dieu de la mer, Posidon, et les Néréides aux tresses de violettes lui firent don d'un voile d'or. Ainsi, toi qui mènes les Cnossiens en guerre, je t'enjoins de contenir une insolence qui causerait bien des gémissements. Car je ne voudrais point voir l'aimable lumière de l'immortelle Aurore après t'avoir vu prendre contre son gré une de nos jeunes compagnes. Commençons par montrer la force de nos bras ; c'est aux dieux de décider de la suite. »

Ainsi parla le héros à la lance valeureuse, et les gens du navire s'étonnèrent de sa hautaine audace. Mais la colère saisit au cœur le gendre du Soleil; il trama un dessein inouï, et dit : « Zeus mon père, dont la force est grande, écoute-moi. Si vraiment c'est de toi que m'enfanta la Phénicienne aux bras blancs, envoie maintenant du ciel un rapide éclair aux crins de flamme, signe manifeste; et pour toi, si c'est de Posidon qui ébranle la terre que te donna naissance la Trézénienne Æthra, vois cet ornement d'or qui brille à mon doigt : lance-toi hardiment dans les demeures de ton père, et du fond des ondes salées rapporte l'anneau. Tu sauras si le maître du tonnerre, si le fils de Cronos qui règne sur toutes choses, écoute ma prière. »

Le puissant Zeus écouta sa prière insolente, et fit naître pour Minos une suprême marque d'honneur, voulant la rendre visible à tous pour son fils bien-aimé : il lança l'éclair. A la vue de ce prodige qui contentait son cœur, le héros ferme à la guerre étendit ses deux mains dans l'air brillant et dit : « Thésée, tu vois ici un clair don de Zeus; et toi, bondis dans les profonds murmures de la mer, que ton père le roi Posidon, fils de Cronos, te fasse une haute renommée par la terre aux beaux arbres. » Il dit : le courage de Thésée ne fléchit point, mais se dressant sur les planches bien jointes, il s'élança, et le sein de la mer l’accueillit bienveillant. Saisi d'étonnement au fond de l'âme, le fils de Zeus donna Tordre de maintenir suivant le vent favorable la nef aux beaux ornements ; mais le destin préparait à Thésée une autre route.

Le vaisseau voguait d'une marche rapide, poussé par l'haleine de Borée qui soufflait à la poupe. Toute la troupe des jeunes gens athéniens trembla, lorsque le héros se lança dans les flots, et leurs yeux purs versaient des larmes, car ils attendaient une funeste nécessité. Cependant, les dauphins habitants des mers portaient rapidement le grand Thésée dans la demeure de son père, le dieu des chevaux. Il arriva dans le palais des divinités ; là, il frémit à la vue des illustres filles du prospère Nérée. Car de leurs membres splendides brillait une lumière pareille à celle du feu, tandis qu'à leurs chevelures s'enroulaient des bandeaux tressés d'or ; elles charmaient leur cœur en formant des danses de leurs pieds humides. Il vit aussi la chère épouse de son père, Amphitrite aux grands yeux, dans l'aimable demeure. Elle le vêtit d'une robe de pourpre et, sur ses cheveux ondulés, mit une couronne irréprochable, que lui donna jadis, lors de son hymen, l'artificieuse Aphrodite; elle était toute faite de roses.

Rien de ce que les dieux veulent n'est incroyable pour les mortels sensés. Auprès du navire à la poupe fine, il reparut. Ah ! dans quelles pensées il rejeta le chef cnossien, lorsqu'il sortit des ondes son corps non mouillé, à l'admiration de tous : autour de ses membres brillaient les présents des dieux, et les jeunes filles sur leurs sièges éclatants, prenant une confiance nouvelle, poussèrent un cri ; la mer en retentit, et les jeunes hommes, lorsqu'ils furent auprès, entonnèrent le péan de leur voix charmante.

Dieu de Délos, réjouis ton âme des chœurs de Céos, et donne-leur la bonne fortune que les dieux savent envoyer.

ODE XVII

167. Les jeunes gens ou Thésée. Il n'y a pas grande apparence qu'il faille rétablir un xat entre les deux parties du titre, .comme l’a fait l'éditeur. Ce poème est fort bien conservé : il ne manque dans le papyrus que quelques lettres. Le commentateur de Virgile, Servius, le classe parmi les dithyrambes, mais ce n'est là que l'appellation trop générale sous laquelle les anciens grammairiens désignaient la seconde série des poèmes de Bacchylide. L'ode fut, sans aucun doute, exécutée à Délos, dans la fête destinée à rappeler le retour de Thésée vainqueur du Minotaure, et où jeunes gens et jeunes filles exécutaient, en souvenir des détours du Labyrinthe, une sorte de farandole qu'on appelait la Grue. La légende qu'elle rapporte avait souvent servi de thème aux artistes (voir notes 177 et 179) et sans doute aussi aux poètes, bien qu'elle ne nous fût connue jusqu'ici que par des textes en prose de mythographes ou de compilateurs.

168. Un navire à la proue azurée. La légende de l'envoi en Crète des quatorze jeunes gens et jeunes filles de l'Attique destinés à servir de pâture au Minotaure était si présente à l'esprit des auditeurs, que le poète n'a pas besoin de rappeler expressément le motif du voyage accompli sous la conduite de Minos, et qu'il lui suffit d'y faire allusion plusieurs fois.

169. Éribée. C'était te fille d'Alcathoos et la mère du grand Ajax.

170. Issu de Pandion. Le père de Thésée, Egée, était fils de Pandion.

171. La fille de Phénix. Europe, appelée plus loin la « Phénicienne ». C'est en effet de Phénix, fils d'Agénor, que la Phénicie tenait son nom.

172. La fille de l’opulent Pitthée. JEthra, fille de Pitthée, roi de Trézène.

173. Le gendre du Soleil. Minos avait épousé Pasiphaé, fille du Soleil.

175. Poussé par Phaleine de Borée, etc. On a lu aosi vtv.

176. Le dieu des chevaux. Posidon, à qui le cheval était consacré.

177. Dans le palais des dieux. L'entrevue de Thésée avec Posidon, son père, était le sujet d'une des fameuses peintures dont Micon avait orné les murs du temple de Thésée, à Athènes. C'est de l'œuvre de Micon que dérivent, plus ou moins directement, les peintures de plusieurs vases grecs dont la note 179 cite quelques-uns.

178. D'une robe de pourpre. Si le texte n'est pas altéré, il y a dans le grec un mot inconnu, mais dont le sens ne fait pas doute : il désigne une robe ou un manteau.

179. Mit une couronne. Un cratère du Museo civico de Bologne [Monumenti inediti dell’ Instituto archeologico, supplément XII, planche 21) représente Amphitrite donnant une couronne à Thésée. La même scène se trouve peinte à l'intérieur de la célèbre coupe d'Euphronios, au musée du Louvre; mais là, la déesse rend au héros l'anneau qu'il est venu chercher au fond de la mer. On en trouvera la reproduction dans les Monuments grecs inédits, année 1872, planche 1. Euphronios vivait à peu près dans le même temps que Bacchylide. L'anneau et la couronne figurent à la fois sur une amphore trouvée à Ruvo, étudiée dans les Miltheilungen des archœologischen Instituts, Rœmische Abtheilung, t. IX, p. 230, et reproduite a la planche 8.

180. Rien de ce que les dieux veulent, etc. C'est la même réflexion que dans l'Ode III pour Hiéron. « Rien n'est hors de la créance de ce qu'enfante la pensée divine. »

181. Il reparut. C'est à tort, sans doute, qu'on a cru trouver une représentation de cette scène sur un autre vase très renommé, et connu sous le nom de Vase François. C'est une amphore du musée de Florence, qui porte les signatures de Clitias et d'Ergotime, artistes de la fin du vie siècle.

182. Le chef Cnossien. Minos.

183. Entonnèrent le péan. Cette mention d'un chant dédié à Apollon, qui sert évidemment de transition à l’invocation finale, peut nous confirmer dans l'idée que cette ode est à classer parmi les péans.

184. Des chœurs de Céos. L'ode fut donc exécutée par des compatriotes de Bacchylide.

 

XVIII

THÉSÉE

DIALOGUE LYRIQUE LE CHŒUR.

 

LE CHŒUR.

Roi d'Athènes sacrée, prince des Ioniens délicats, quels nouveaux accents aux flancs d'airain de la trompette ont chanté la guerre? Est-ce quelque chef d'armée qui vient en ennemi assaillir les frontières de notre territoire? Ou des ravisseurs perfides chassent-ils devant eux nos troupeaux en dépit des bergers? Ou quel souci déchire ton cœur? Parle ; car nul mortel mieux que toi ne s'assure d'un rempart de jeunes vaillants, ô fils de Pandion et de Creuse.

EGÉE.

Un héraut vient d'arriver; ses pieds ont franchi la longue route de l'Isthme, pour rapporter les indicibles travaux d'un homme puissant : il a tué le violent Sinis, supérieur en force à tous les mortels, rejeton du dieu de Lytes, le fils de Cronos qui ébranle la terre ; il a tué le sanglier homicide dans le val de Cremmyon, il a tué l'orgueilleux Sciron. Il a mis fin aux leçons de Cercyon le lutteur, et le dur marteau de Polypémon est échappé à Procoptas, ayant rencontré un homme qui est son maître. De ces nouvelles je redoute la fin.

LE CHŒUR.

Et ce héros, qui est-il? De quel pays le dit-on? En quel équipage va-t-il? Marche-t-il avec des armes guerrières, menant une nombreuse armée, ou bien seul avec ses suivants, comme un errant voyageur qui se rend en pays étranger? A-t-il tant de vigueur, de vaillance et d'audace, pour triompher des forces puissantes de ceux que tu dis? Certes un dieu le pousse pour faire justice aux hommes injustes ; car c'est chose malaisée d'agir toujours sans rencontrer le malheur. Tout dans le long temps arrive à la fin.

EGÉE.

Deux hommes seulement l'accompagnent, dit-on ; à ses brillantes épaules il porte l'épée ; deux javelots affilés sont dans ses mains, un beau casque forgé en Laconie sur sa tête aux cheveux roux; une tunique de pourpre entoure sa poitrine, avec une chlamyde de laine thessalienne. On dit que ses yeux lancent la rouge flamme des volcans de Lemnos. Et c'est un enfant dans la prime jeunesse, qui sait les jeux d'Arès, la guerre et les combats retentissants d'airain. Il cherche, dit-on, la brillante Athènes.

 

ODE XVIII

185. Thésée, dialogue lyrique. Le manuscrit ne porte comme titre que le nom du héros. On ne peut guère douter que nous n'ayons là un exemple d'un genre de poème dont nous ne connaissions que le nom : «actions tragiques » (xpayixà Spajiata); encore ce nom était-il contesté. La naissance et le développement de la tragédie, sortie du dithyrambe dialogué, ne fit sans doute pas disparaître complètement le dialogue lyrique, qui persista à côté d'elle.

186. Le chœur. La personne et la qualité de l'un des interlocuteurs du dialogue sont clairement indiquées par le texte; c'est le roi Egée. De l'autre on ne peut affirmer qu'une chose, c'est que l'auteur n'a point voulu lui donner de nom. Ce pourrait être un confident, un Athénien quelconque. On se conforme mieux à ce que nous savons des habitudes du lyrisme grec en pensant que le dialogue se passe entre Egée et un chœur. Ce morceau est entièrement conservé, moins un demi-vers.

187. Prince des Ioniens délicats. Expression citée par les commentateurs du rhéteur Hermogène (Rhetores græci, éd. Walz, V, 493; VI, 211 ; VII, 982). C'est le fragment XLII de Bergk.

188. O fils de Pandion et de Creuse. Le poète a pris ses précautions pour qu'il n'y eût pas de doute sur son personnage. L'intérêt vraiment dramatique du dialogue est que Thésée, dont le nom n'est point prononcé, mais que l'auditeur ne peut méconnaître à ses exploits, se dirige vers Athènes pour retrouver son père Egée qui d'abord, conseillé par Médée, tentera de le faire périr, et seulement ensuite le reconnaîtra pour son fils. — On ne peut croire que la Creuse nommée ici soit la femme d'Erechthée, un des ancêtres d'Egée; mais les mythographes donnent pour femme à Pandion, père d'Egée, une certaine Pylia; il faut admettre que le poète a suivi une autre version de la légende, suivant laquelle Pandion avait épousé une Creuse.

189. Sinis. C'était un brigand d'une force extraordinaire. Il tenait la route aux environs de Corinthe, s'emparait des voyageurs et les attachait aux branches de deux pins qu'il courbait et qui, en se redressant, écartelaient le corps de la victime. Thésée lui fît subir le même supplice.

190. Rejeton du dieu de Lytes. C'est-à-dire Posidon (ou Neptune). Le territoire de Lytes, en Thessalie, lui était particulièrement consacré.

191. Le sanglier homicide. Bête redoutable qui désolait les environs de Cremmyon, dans le pays de Mégare, et dont Thésée vint à bout.

192. L'orgueilleux Sciron. Ce brigand célèbre, qui détroussait les passants sur les frontières de la Mégaride et de l'Attique, fut précipité par Thésée du haut des rochers.

193. Il a mis fin aux leçons, etc. L'Arcadien Cercyon, établi sur le chemin de Mégare à Eleusis, forçait tous les voyageurs à lutter avec lui, et, quand il les avait terrassés, les mettait à mort.

194. Le dur marteau de Polypémon. Procoptas, qui n'est nommé qu'ici, semble être le même que Procruste Le marteau est celui qui lui servait à briser les jambes de ses victimes. Il l'avait hérité de Polypémon, qui était son père, comme le montre un vers d'Ovide (Ibis, 407). Le même surnom de Procruste était donné au père et au fils.

196. Il porte l’épée. Le copiste a omis ici un ou deux mots, qui devaient contenir quelque qualification de l'épée. Comme cette arme est précisément celle qui doit servir à Thésée de signe de reconnaissance auprès de son père, il serait peu naturel que le poète n'y eût pas insisté par une épithète ou une désignation remarquable, par exemple « à garde d'ivoire ». Il est justement question de cette épée à garde d'ivoire dans le récit d'Ovide (Métamorphoses, VII, 421).

197. Un beau casque forgé. On a conservé la leçon du papyrus.

198. Une chlamyde de laine. Littéralement: « une chlamyde frisée, crépue »; ces étoffes de laine imitaient l'aspect des toisons.

199. La brillante Athènes. Le choix du sujet, la répétition du nom d'Athènes au premier et au dernier vers, ne permettent guère de douter que ce poème ait été exécuté dans une solennité athénienne. On penserait volontiers à la fête de Thésée, qui se célébrait le 8 du mois de Pyanopsion, soit dans le milieu d'octobre, s'il était plus certain qu'elle comportât des concours lyriques. La légende du héros étant ce jour-là plus que jamais présente à l'esprit du public, on s'expliquerait mieux ainsi les nombreux sous-entendus de l'œuvre de Bacchylide.

XIX

IO

POUR LES ATHÉNIENS

 

Il est mille sentiers de chants immortels, pour il qui a reçu les dons des Muses Piérides, et vu ses hymnes revêtus d'honneur par les Charités aux yeux de violettes, qui portent les couronnes. Viens ourdir aujourd'hui quelque illustre matière dans l'aimable cité d'Athènes, où abondent les prospérités, ô pensée de Céos qu'on renomme. Il te convient d'aller par la plus belle des routes, puisque tu as reçu les dons suprêmes de Calliope. Dis comment, laissant l'hippique Argos, fuyait une génisse dorée, par les soins du grand Zeus qui domine au loin ; c'était la fille d'Inachos, aux doigts de roses.

Dis qu'alors Argus, tout couvert d'yeux aux regards infatigables, reçut de la reine des grandeurs, Héra au péplos d'or, l'ordre d'aller, sans couche et sans sommeil, garder la génisse aux belles cornes ; que le fils de Maïa même ne put le tromper, ni sous les brillants rayons du jour, ni dans l'obscurité de la nuit. Mais ensuite la destinée, ouvrage des Parques, s'accomplit : l'agile messager de Zeus fit mourir l’orgueilleux Argus, né de la semence vigoureuse de la terre. Fut-ce qu'enfin les veilles assidues rusèrent? fut-ce que les Piérides, par leur douce harmonie, créèrent dans ses yeux le repos des soucis? Pour moi, le plus sûr est de ne dire que les choses certaines.

Sur les rives fleuries du Nil parvint Io, portant dans son sein l'enfant Epaphos; c'est là que Zeus mit fin à ses courses errantes, et l'établit souveraine d'une race d'hommes vêtus de lin, regorgeant de richesses immenses, et fonda la plus noble race des mortels, dont le rejeton Cadmos, fils d'Agénor, dans Thèbes aux sept portes, engendra Sémélé, mère du dieu qui mène la bacchanale, Dionysos, dispensateur des couronnes données aux chœurs.

ODE XIX

200. Io. Des cinquante et un vers dont se compose ce morceau, vingt-sept sont conservés intégrale ment, les autres sont mutilés des derniers mots, de façon pourtant qu'on peut en saisir assez bien le sens, sans toujours répondre de la lettre. Il doit évidemment être rangé parmi les dithyrambes.

201. Pour les Athéniens. Le poème commence en effet par l'éloge d'Athènes. On est conduit, par le tour du début et par le texte de la fin, malheureusement défectueux, à penser qu'il a été composé pour un concours de poésie lyrique, par exemple à la Fête des Pressoirs ou aux Grandes Dionysies.

202. O pensée de Céos. Le poète s'adresse à son propre esprit.

203. Dis comment. Le texte est ici altéré, à moins qu'il ne faille voir une vieille formule de conte.

204. Une génisse dorée. Io, changée en vache par Héra, pour avoir été aimée de Zeus.

205. Le fils de Mata. Hermès (ou Mercure).

206. Mais ensuite la destinée. C'est à partir d'ici jusqu'à la fin que le texte est défectueux. On a suivi à peu près la restitution de Jebb.

207. Fut-ce que les Piérides. Le poète refuse de prendre parti pour l'une ou l'autre des deux versions de la légende. Les Piérides sont les Muses, honorées dans la Piérie, en Macédoine.

208. Cadmos. La mention de Cadmos, de Sémélé et de Dionysos est amenée d'une manière un peu inattendue. C'est ce qui donne à croire que nous avons affaire à un dithyrambe, genre où l'éloge de Dionysos est de rigueur.

 

XX

IDAS

POUR LES LACÉDÉMONIENS

 

Ainsi jadis dans la grande Sparte, les blondes filles de Lacédémone faisaient résonner leurs chants, le jour où le hardi guerrier Idas emmenait dans sa maison la vierge aux beaux bras, Marpessa, couronnée de violettes. Il avait fui la mort qui courait après lui, monté sur un char merveilleux qu’il reçut en présent du dieu de la mer, Posidon, avec des chevaux rapides comme le vent, lorsqu'il se rendait dans la forte cité de Pleuron. Le fils d’Arès au bouclier d'or ne put l’atteindre.

……………………………

 

ODE XX

209. Idas. Ce poème est fort incomplet : des onze vers que conservait le papyrus, il ne reste que la première moitié. Le texte en est donc fort incertain. On peut cependant en reconnaître le sens général, grâce surtout à un récit du mythographe Apollodore (Bibliothèque, I, 7-9), qui rapportait la légende, non d'après Bacchylide, mais d'après un poème de Simonide. On a essayé de rendre la suite des idées et d'indiquer le tour que dut leur donner le poète. Voici la traduction du passage d'Apollodore : « Euénos engendra Marpessa, qui fut recherchée d'Apollon; mais Idas, fils d'Apharès, l'enleva, sur un char ailé qu'il avait reçu de Posidon. Euénos se mit à sa poursuite en char ; arrivé près du fleuve Lycormas, désespérant de l'atteindre, il tua ses propres chevaux, et se jeta lui-même dans le fleuve, qui depuis en prit le nom d'Euénos. Cependant Idas arrive à Messène ; là, Apollon le rencontre et lui enlève la jeune fille. Comme ils se disputaient la main de l'enfant, Zeus mit fin à leur différend en remettant à la vierge elle-même le soin de désigner celui d'entre eux qu'elle voudrait épouser. Marpessa, craignant qu'une fois vieillie le dieu Apollon ne l'abandonnât, choisit pour époux Idas. »

210. Pour les Lacédémoniens. Le début montre assez que l'œuvre est un épithalame, chanté sans doute par un chœur de jeunes filles.

211. Le fils d'Arès au bouclier d'or. Euénos. — Ici se termine le papyrus.

FRAGMENTS

 

DES ODES TRIOMPHALES

I

(Voir la note 41.)

II (41)

La prospérité n'accompagne aucun des humains en tout temps.

(Voir de plus la note 52.)

III (42)

Petit est le nombre des mortels à qui le sort a jamais donné d'agir à propos toute la vie et d'atteindre à la vieillesse aux tempes chenues avant d'avoir rencontré le malheur.

IV (43)

Pour tout dire d'un mot, l'esprit de l'homme même le plus subtil est surpris par l'espoir du profit.

VI

(Voir la note 39.)

VII (44)

O seuil de l'île brillante de Pélops, œuvre des dieux!

VIII (5)

La déesse au sceptre d'or... leur adresse la parole pour louer leurs victoires de sa bouche charmante.

IX

(Voir la note 95.)

 

DES HYMNES

 

XI (45)

Hélas! mon enfant, tout deuil est moindre que le malheur qui se révèle à nous, la parole ne peut l’égaler.

 

DES PÉANS

 

XIII (46)

La paix est pour les mortels mère de grands biens, la richesse et les fleurs des chansons à la voix de miel, et que sur les autels splendides la blonde flamme brûle en l'honneur des dieux les cuisses des bœufs et des brebis aux poils longs, et que les jeunes gens aient pour soucis les gymnases, les flûtes et les banquets. Dans les anses des boucliers, liens de fer, les fauves araignées tissent leurs toiles; les pointes des piques et les glaives à deux tranchants sont domptées par la rouille; les trompettes d'airain n'ont point de voix ; le doux sommeil qui nous échauffe le cœur n'est pas arraché de nos paupières; les joyeux festins remplissent les rues, et les hymnes des enfants éclatent par les airs.

XIV (47)

L'homme à l'homme transmet la sagesse, et jadis et maintenant. Car il n'est pas aisé de trouver l'accès des paroles qui n'ont pas été dites.

 

DES PROSODIES

 

XIX (48)

Il n'est qu'une règle, il n'est qu'une voie de bonheur pour les mortels, c'est de pouvoir conserver toute la vie un cœur exempt de soucis. L'homme dont l'esprit est environné de mille désirs, qui, jour et nuit, tourmente son cœur pour l'amour des choses à venir, prend une peine qui ne portera point de fruit.

XX (49)

Quel allégement de plus peut-on trouver à ces gémissements sans effet qui agitent le cœur?

XXI (50)

A tous les mortels le destin assigne des peines, aux uns les unes, aux autres les autres.

 

DES HYPORCHÈMES

 

XXII (51)

La pierre de Lydie dénonce l'or; chez les hommes, la vertu et la sagesse ont pour témoin la toute-puissance de la vérité.

XXIII (52)

Ce n'est point le temps de rester assis ni de différer, mais il faut aller au temple bien orné de la déesse Itonienne à l'égide d'or montrer quelque exploit délicat.

 

DES POÈMES D'AMOUR

 

XXIV (53)

Lorsque, lançant le vin de sa coupe à ces jeunes hommes, elle lève son bras blanc.

XXV (54)

Certes Théocrite est beau : tu n'es point parmi les hommes le seul épris.

XXVI (55)

Et toi, vêtu de la seule tunique, tu t'enfuis auprès de ta femme chérie.

 

DE POÈMES DE GENRE INDÉTERMINÉ

 

XXVII (56)

La douce autorité des coupes qui se pressent échauffe le cœur ainsi que Cypris. Car, se mêlant aux présents de Dionysos, l'espérance enflamme les esprits, et exalte au plus haut les pensées des mortels : aussitôt l'un délie les ceintures de tours des villes et croit devenir souverain de tous les hommes; l'or et l'ivoire éclatent dans les demeures, et les vaisseaux chargés de grains ramènent d'Egypte, avec le fruit brillant, une immense richesse : ainsi se donne carrière l'âme du buveur.

XXVIII (57)

Ici, point de corps de bœufs, point d'or, point de tapis de pourpre, mais un cœur bienveillant, la douce Muse et dans les coupes de Béotie un vin agréable.

XXIX

(Voir la note 156.)

XXX

(Voir la note 7.)

XXXI (58)

O Périclite, le reste, je n'ai point l'espérance que tu l'ignores.

XXXIII (59)

Il s'arrêta sur le seuil de pierre, tandis qu'on apprêtait le festin, et parla ainsi : « D'eux-mêmes les mortels justes viennent aux riches banquets des hommes généreux ».

XXXIV (60)

Ceux-ci ne connaissent pas le joug indigne des maladies, ni la souffrance; en rien ils ne ressemblent aux humains.

XXXV (61)

Ce n'est point en effet une parole couverte que la sagesse met dans la bouche des mortels.

XXXVI (62)

Il n'appartient pas aux mortels de choisir librement ni la prospérité, ni l'inflexible Arès, ni la dissension ruineuse, mais la nuée tombe tantôt sur une, tantôt sur une autre terre, envoyée par le Destin, distributeur de tout.

XXXVII (63)

Mais si quelqu'un dit autrement, large est la route.

XXXVIII (64)

Le noir fantôme de l'homme d'Ithaque.

XXXIX (65)

Memphis inaccessible aux hivers et le Nil plein de roseaux.

XL (66)

Hécate porte-flambeau, fille de la Nuit au sein noir.

XLI (2)

Lorsque les Mantinéens, portant sur leurs boucliers ornés d'airain le trident de Posidon....

XLII

(Voir la note 187.)

XLIII (67)

(Comme la pierre de touche) révèle à l'esprit des mortels la pureté de l'or,

XLIV (68)

Il est chez les hommes mille appétits divers.

XLVII

(Voir la note 37.)

 

DES INSCRIPTIONS

 

XLVIII (71)

Fille de Pallas, appelée de tant de noms, Victoire souveraine, que ta providence veille toujours sur l'aimable chœur des fils de Cranaos, et fais que dans les jeux des Muses Bacchylide de Céos ceigne de nombreuses couronnes.

XLIX (72)

Eudème sur son domaine a élevé ce sanctuaire au plus fertile de tous les vents, à Zéphire, parce qu'à sa prière il est venu à son aide pour lui donner plus tôt le fruit de ses épis mûrs.

 

FRAGMENTS

212. Fragments. Les chiffres de Bergk ayant été conservés, quelques numéros manquent dans la série. Ce sont ceux des fragments vraiment trop courts pour se prêter à une traduction ou de ceux qui ne sont pas des citations littérales.

213. Fragment VII. Nous avons là le début d'une ode qui célébrait une victoire aux jeux Isthmiques. L'île de Pélops n'est autre que le Péloponnèse, l'isthme de Corinthe en est la porte.

214. Fragment VIII. Deux morceaux rapprochés du papyrus contiennent le fragment 5 de Kenyon. Il comprend quelques mots mutilés qui coïncident en partie avec le fragment VIII de Bergk (citation d'Apollonios Dyscole, Sur le pronom, p. 568), On a traduit les mots qui peuvent, ce semble, être restitués avec certitude.

215. Fragment XI. On ne sait qui prononçait ces paroles.

216. Des Péans. Le Péan était un chant en l'honneur d'Apollon.

217. Fragment XIII. Mère de grands biens.

218. Des Prosodies. Ce nom désigne des chants exécutés dans les processions.

219. Des Hyporchèmes. L'Hyporchème, chant accompagné de danses en l'honneur d'Apollon, se distinguait du péan par un rythme plus vif. Il semble d'ailleurs n'avoir pas été réservé exclusivement au dieu d& Delphes.

220. Fragment XXII. La pierre de Lydie est la pierre de touche. Cette sentence se trouve transcrite sur une gemme reproduite dans Caylus, Recueil d’antiquités, t. V, pl. 50, n° 4, et qui paraît avoir servi comme pierre d'essai.

221. Fragment XXIII. Il y avait à Iton, en Béotie, un célèbre temple d'Athéna; de là ce nom de « déesse itonienne ».

222. Fragment XXIV. Allusion au jeu du cottabe; il consistait à lancer une goutte restée au fond de la coupe contre un but, qui variait selon le caprice et la mode.

223. Fragment XXVII. Avec le fruit brillant. C'est-à-dire le blé, que l'Egypte produisait en abondance.

224. Fragment XXVIII. Athénée, qui cite ces vers, nous apprend qu'ils sont une invitation adressée aux Dioscures, Castor et Pollux.

225. Fragment XXXIII. Il s'agit d'Héraclès, au moment d'entrer dans la maison de Céyx.

226. D'eux-mêmes les mortels. C'est la paraphrase d'un vers d'Hésiode, devenu proverbe.

227. Fragment XXXVI. Nous savons par Clément d'Alexandrie, qui cite ce passage, qu'il s'agit des dieux.

228. Fragment XXXV. Le texte est incertain.

229. Fragment XXXVI. L'inflexible Arès. C'est-à-dire la guerre.

230. Fragment XXXVII. Il est possible que les derniers mots seuls de cette phrase, citée par Plutarque {Vie de Numa, 4), soient de Bacchylide.

231. Fragment XXXVIII. L'homme d'Ithaque. C'est Ulysse.

232. Fragment XLI. Quelques débris de cette phrase se rencontrent parmi des morceaux isolés du papyrus qui faisaient partie du commencement d'une colonne (fragment 2 de Kenyon).

233. Fragment XLIII. Les mots placés entre parenthèses sont suppléés d'après le sens.

234. Des inscriptions. Les deux épigrammes qui forment les fragments XLVIII et XLIX nous ont été conservées dans l'Anthologie palatine.

235. Fragment XLVII. Inscription votive (Anthologie palatine, VI, 315) qui accompagnait une offrande

faite par Bacchylide à la déesse Victoire, dans un sanctuaire d'Athènes, sans doute à la suite d'une récompense remportée dans un concours de poésie.

236. Fragment XLIX. Inscription dédicatoire (Anthologie palatine, VI, 53) composée pour un certain Eudème.

Une inscription en vers pour la dédicace d'un trépied consacré par une tribu d'Athènes, en souvenir de sa victoire dans un concours dithyrambique, est attribuée, dans l’Anthologie palatine (XIII, 28), à Bacchylide ou à Simonide. Elle n'est sans doute ni de l'un ni de l'autre, mais plutôt d'un poète alexandrin, comme Callimaque, à qui on l'a souvent donnée. En voici la traduction, d'après le texte qu'en a publié Bergk, sous le n° 148, parmi les fragments faussement prêtés à Simonide; on a lu les vers 6 et 8 comme Meineke :

« Bien souvent, lorsque chantaient les chœurs de la tribu Acamantide, les Heures amies de Dionysos saluèrent de leurs cris les dithyrambes parés de lierre ; cette fois, de rubans et de roses en fleurs elles ont ombragé la brillante chevelure des chantres habiles qui consacrent ici ce trépied, pour leur être un témoin du triomphe bacchique. Ils eurent, pour les bien instruire, les leçons d'Antigène; pour bien gouverner leurs aimables accents, Ariston d'Argos, dont la douce haleine versait un son pur dans les flûtes doriques; pour défrayer leur cercle aux voix de miel, Hipponicos, fils de Strouthon, qui, porté sur le char des Charités, a reçu d'elles un nom illustre parmi les hommes et une victoire éclatante, grâce aux déesses qui se couronnent de violettes, grâce aux Muses. »

 


 

 

 

FIN

 

TABLE

Préface

Notice

Odes triomphales

I. Pour Argeios de Céos

II. Pour le même

III. Pour Hiéron de Syracuse

IV. Pour le même

V. Pour le même

VI. Pour Lachon de Céos

VII. Pour le même

VIII. Pour un inconnu

IX. Pour Automède de Phlionte

X. Pour Pasias d'Athènes

XI. Pour Alexidame de Métaponte

XII. Pour Tisias d'Égine

XIII. Pour Pythéas d'Égine

XIV. Pour Cléoptolème de Thessalie

Odes diverses

XV. Les fils d'Anténor ou Hélène réclamée

XVI. Héraclès

XVII. Les jeunes gens ou Thésée

XVIII. Thésée, dialogue lyrique

XIX. Io. — Pour les Athéniens

XX. Idas. — Pour les Lacédémoniens.

Fragments

Des Odes triomphales

Des Hymnes

Des Péans

Des Prosodies

Des Hyporchèmes

Des Poèmes d'amour

De Poèmes de genre indéterminé

Des Inscriptions

 


 

[1] The Pœnis of Bacchylide 8, from a papyrus in the British Muséum edited by Frédéric G. Kenyon, Londres, 1897. Le facsimilé complet du manuscrit a également paru en un volume in-folio. Il est inutile de dire qu'on y a eu constamment recours pour la vérification des lectures et la mesure des lacunes.

[2] On s'est forcément rencontré plusieurs fois avec les auteurs de ces articles, comme ils se sont rencontrés entre eux et comme cela est inévitable dans les premiers temps de la publication d'un texte aussitôt lu et étudié partout.

[3] Voici cet endroit, dans la traduction de Boileau : « Et de même, pour le lyrique, choisiriez-vous d'être plutôt Bacchylide que Pindare ? ou, pour la tragédie, Ion, ce poète de Chio, que Sophocle ? En effet, ceux-là ne font jamais de faux pas, et n'ont rien qui ne soit écrit avec beaucoup d'élégance et d'agrément. Il n'en est pas ainsi de Pindare et de Sophocle : car, au milieu de leur plus grande violence, durant qu'ils tonnent et qu'ils foudroient, pour ainsi dire, souvent leur ardeur vient mal à propos à s'éteindre, et ils tombent malheureusement; et toutefois y a-t-il un homme de bon sens qui daignât comparer tous les ouvrages d'Ion ensemble au seul Œdipe de Sophocle?