Anonyme

ΑΝΟΝΥΜΕ

 

 

CHANT DU FILS D’ANDRONIC.

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

Ὁ υἱὸς τοῦ Ἀνδρονίκου

 

CHANT DU FILS D’ANDRONIC.

NOTICE

Ce poème héroïque célèbre un jeune héros byzantin appelé Constantin qui, né et élevé chez les Sarrasins, d’enfuit pour rechercher son père (Andronic). Il en existe d’autres versions.

 

 

Les Sarrasins font des incursions, les Arabes font des incursions;

Ils en font une chez Andronic et lui enlèvent sa belle,

Enceinte de neuf mois, sur le point d'avoir un enfant.

Dans la prison elle donna le jour à un fils, elle l'éleva dans les fers.

Sa mère le nourrissait de pain émietté dans le lait,

La femme de l'émir le nourrissait de pain émietté dans le miel.

Sa mère lui disait : Mon fils, fils d'Andronic!

La femme de l'émir lui disait : Mon fils, fils de ton émir!

— A un an il saisit l'épée, à deux ans la lance,

Et quand il marcha sur trois ans on le tint pour pallikare.

Il sort, il parle à tout le monde, il ne redoute personne,

Ni Pierre Phocas ou Nicéphore,

Ni Pétrotrakhélos qui fait trembler la terre et le monde,

Et, si la guerre est juste, pas même Constantin.

On lui amène son cheval, il s'y élance et il chevauche,

Il donne un coup d'éperon, et le voilà sur la montagne ;

Il trouve les Sarrasins qui luttaient à franchir l'espace.

— L'espace que vous franchissez, vous autres, des femmes mêmes le franchissent,

Non des femmes qui n'ont pas conçu, mais des femmes enceintes.

Vos chevaux sont au nombre de neuf, et le mien fait dix ;

Liez-moi, garrottez-moi avec une corde trois fois redoublée.

Cousez mes paupières avec un fil trois fois redoublé,

Mettez sur mes épaules un poids de plomb de trois quintaux,

A mes pieds attachez deux entraves de fer,

Et vous verrez comment sautent les pallikares romains.

— Ils le lient avec une corde trois fois redoublée,

Ils lui cousent les paupières avec un fil trois fois redoublé,

Ils lui mettent sur les épaules un poids de plomb de trois quintaux,

Et à ses pieds ils attachent deux entraves de fer.

Cela fait, les Sarrasins lui disent :

« Jeune fou, jeune imprudent, reprends ta liberté ! »

Il ouvre les yeux et le fil est coupé,

Il secoue ses mains et brise la chaîne,

Il remue les épaules et le plomb tombe,

Il fait un bond et les entraves tombent de ses pieds ;

Et par-dessus les neuf coursiers il se trouve sur le sien,

Il lui donne un coup d'éperon et descend dans la plaine.

Sa mère lui crie de la fenêtre :

« Mon fils, si tu vas vers ton père, arrête que je te parle ;

Toutes les tentes sont écarlates, celle de ton père est noire.

Et si l'on ne t'en adjure pas trois fois, ne mets point pied à terre. »

Il fait ainsi que lui a dit sa mère, ainsi qu'elle a recommandé.

Toutes les tentes sont écarlates; celle de son père est noire;

Il en fait trois fois le tour et ne voit pas de porte.

Il donne un grand coup d'éperon et se trouve dans l'enceinte.

Andronic qui le voit sort et le salue ;

Il l'engage à mettre pied à terre, lui fait mainte et mainte question :

« Ah! jeune gars téméraire, quelle est donc ta famille?

Quelle est la souche dont tu sors ? où as-tu reçu le jour ? »

— Si tu ne m'en adjures trois fois, je ne mettrai point pied à terre.

Si je saisis mon épée, je t'en adjurerai bien.

Si tu saisis ton épée, moi, j'ai aussi la mienne.

Si je saisis ma lance, je t'en adjurerai bien.

Si tu saisis ta lance, moi, j'ai aussi la mienne.

Par cette épée que je porte, et qui frappe en avant et en arrière,

Qu'on me l'enfonce dans le cœur si je te fais aucun mal. »

Et le jeune homme fit un demi-tour et descendit de cheval.

Alors on l'interroge sur sa famille,

Sur la souche dont il sort, sur le lieu de sa naissance ;

Et il raconte ce qui est dit plus haut :

Les Sarrasins font des incursions, etc.

jusqu'à : « Si l'on ne t'en adjure pas trois fois, ne mets point pied à terre. »

Andronic qui le regarde est baigné de larmes ;

Il lève (au ciel) ses mains et glorifie Dieu :

« Je te glorifie, Dieu de douceur, deux fois et trois fois ;

J'étais l’épervier solitaire, aujourd'hui nous voici deux ! »