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DES MATIERES DE PLINE LE JEUNE
PLINE LE JEUNE
LIVRE SIXIÈME.
LETTRE PREMIÈRE.
PLINE A TIRON.
Pendant que nous étions, vous dans la Marche d'Ancône, moi au delà
du Pô, je supportais plus doucement votre absence; mais depuis que
je suis de retour, et que vous continuez à demeurer où vous êtes,
elle me devient insupportable : soit que les lieux où nous avons
coutume de passer la vie ensemble me fassent plus fortement penser a
vous; soit que rien ne redouble tant la passion de revoir les
absents que d'en être plus près, et que plus l'espérance de jouir
d'un bien est prochaine, plus l'impatience de le posséder est vive.
Quoi qu'il en soit, délivrez-moi de cette peine. Venez à Rome, ou
comptez que je m'en retourne d'où je suis trop indiscrètement et
trop tôt revenu, quand ce ne serait que pour avoir le plaisir
d'éprouver, lorsque vous vous trouverez à Rome sans moi, si vous
m'écrirez du style dont je vous écris.
Adieu. |
VI, 1
C. Plinius Tironi suo s.
1
Quamdiu ego trans Padum tu in Piceno, minus te requirebam; postquam
ego in urbe tu adhuc in Piceno, multo magis, seu quod ipsa loca in
quibus esse una solemus acrius me tui commonent, seu quod desiderium
absentium nihil perinde ac vicinitas acuit, quoque propius
accesseris ad spem fruendi, hoc impatientius careas. 2
Quidquid in causa, eripe me huic tormento. Veni, aut ego illuc unde
inconsulte properavi revertar, vel ob hoc solum, ut experiar an
mihi, cum sine me Romae coeperis esse, similes his epistulas mittas.
Vale. |
LETTRE II.
PLINE A ARRIEN.
Je songe quelquefois à Régulus dans nos audiences; car je ne veux
pas dire que je l'y souhaite. Demandez-vous pourquoi j'y songe? Il rendait
hommage à l'importance de notre profession; il tremblait, il pâlissait en
parlant; il écrivait ses discours. Quoiqu'il n'eût pu se défaire de l'habitude
de se défigurer le visage avec un bandeau blanc, qu'il attachait différemment,
selon qu'il devait plaider pour le demandeur ou pour le défendeur; quoiqu'il ne
pût s'empêcher, par une superstition ridicule, de consulter les sacrificateurs
sur le succès de son plaidoyer, il faut avouer que tout cela ne partait que de
la haute opinion qu'il avait de l'éloquence. Mais ce qu'il y avait d'agréable
pour ceux qui devaient parler avec lui, c'est qu'il demandait la liberté de
plaider aussi longtemps qu'il pouvait être nécessaire, et qu'il ramassait un
grand nombre d'auditeurs : car quel plaisir de pouvoir, à la faveur de la haine
qu'un autre s'attire, étendre son discours tant que l'on veut, et dans un
auditoire assemblé pour lui, et qui se trouve comme à souhait pour vous? Quoi
qu'il en soit, Régulus a fort bien fait de mourir, et eût fait encore mieux de
mourir plus tôt. Toutefois sa vie aujourd'hui ne pourrait plus alarmer le
publie, sous un empereur qui ne lui laisserait pas le pouvoir de nuire. Voilà
pourquoi il est permis de se souvenir quelquefois de Régulus. Depuis qu'il est
mort, la coutume s'est partout établie de ne donner, et même de ne demander
qu'une ou deux heures pour plaider, et souvent qu'une demi-heure : car ceux qui
parlent aiment mieux avoir plaidé que de plaider, et ceux qui écoutent songent
plus a expédier qu'à juger : tant la négligence, la paresse, le mépris des
études, et l'indifférence pour les périls auxquels on expose les parties, ont
fait de progrès. Quoi donc ! sommes-nous plus sages que nos ancêtres, plus
justes que les lois, qui accordent tant d'heures, tant de jours, tant de
remises? Nos pères étaient sans doute des stupides, ou des esprits pesants; mais
nous, qui savons nous expliquer bien plus nettement, comprendre bien plus vite,
juger bien plus équitablement, nous expédions les causes en moins d'heures
qu'ils n'y employaient de jours. Où êtes-vous, Régulus, vous qui, par vos
brigues, obteniez de tous les juges ce que très peu d'entre eux accordent aux
obligations de leurs charges? Pour moi, toutes les fois que je suis juge (ce qui
m'arrive plus souvent que d'être avocat), je donne libéralement tout le temps
qu'on me demande. Je trouve qu'il y a de la témérité à deviner combien doit
durer une cause que l'on n'a point entendue, à prescrire des bornes à
l'explication d'une affaire qu'on ne sait pas; et je suis persuadé que la
religion d'un bon juge lui fait compter la patience entre ses premiers devoirs,
et pour une des plus importantes parties de la justice. Mais on dit beaucoup de
choses inutiles. Soit; et ne vaut-il pas mieux les entendre, que de ne pas
laisser dire toutes celles qui peuvent être nécessaires? D'ailleurs, par où
connaître leur inutilité, quand elles n'ont point encore été dites? Il faut
réserver pour nos conversations toutes ces choses, et plusieurs autres
semblables vices du temps; car l'amour du bien public vous fait désirer, aussi
bien qu'à moi, de voir réformer des usages qu'il serait fort difficile d'abolir
tout à fait. Venons maintenant à nos familles. Tout va-t-il bien dans la vôtre?
Il n'y a rien de nouveau dans la mienne. Mais, du caractère dont je suis, plus
je jouis d'un bien, plus il me devient précieux; plus je souffre une peine, et
plus elle me devient légère.
Adieu. |
VI, 2
C. Plinius Arriano suo s.
1
Soleo non numquam in judiciis quaerere M. Regulum; nolo enim dicere
desiderare. 2 Cur ergo quaero? Habebat studiis honorem,
timebat pallebat scribebat, quamvis non posset ediscere. Illud
ipsum, quod oculum modo dextrum modo sinistrum circumlinebat
(dextrum si a petitore, alterum si a possessore esset acturus), quod
candidum splenium in hoc aut in illud supercilium transferebat, quod
semper haruspices consulebat de actionis eventu, a nimia
superstitione sed tamen et a magno studiorum honore veniebat. 3
Jam illa perquam jucunda una dicentibus, quod libera tempora
petebat, quod audituros corrogabat. Quid enim jucundius quam sub
alterius invidia quamdiu velis, et in alieno auditorio quasi
deprehensum commode dicere?
4
Sed utcumque se habent ista, bene fecit Regulus quod est mortuus:
melius, si ante. Nunc enim sane poterat sine malo publico vivere,
sub eo principe sub quo nocere non poterat. 5 Ideo fas
est non numquam eum quaerere. Nam, postquam obiit ille, increbruit
passim et invaluit consuetudo binas vel singulas clepsydras,
interdum etiam dimidias et dandi et petendi. Nam et qui dicunt,
egisse malunt quam agere, et qui audiunt, finire quam judicare.
Tanta neglegentia tanta desidia, tanta denique irreverentia
studiorum periculorumque est. 6 An nos sapientiores
majoribus nostris, nos legibus ipsis justiores, quae tot horas tot
dies tot comperendinationes largiuntur? Hebetes illi et supra modum
tardi; nos apertius dicimus, celerius intellegimus, religiosius
judicamus, quia paucioribus clepsydris praecipitamus causas quam
diebus explicari solebant. 7 O Regule, qui ambitione ab
omnibus obtinebas quod fidei paucissimi praestant! Equidem quotiens
judico, quod vel saepius facio quam dico, quantum quis plurimum
postulat aquae do. 8 Etenim temerarium existimo divinare
quam spatiosa sit causa inaudita, tempusque negotio finire cujus
modum ignores, praesertim cum primam religioni suae judex patientiam
debeat, quae pars magna justitiae est. At quaedam supervacua
dicuntur. Etiam: sed satius est et haec dici quam non dici
necessaria. 9 Praeterea, an sint supervacua, nisi cum
audieris scire non possis. Sed de his melius coram ut de pluribus
vitiis civitatis. Nam tu quoque amore communium soles emendari
cupere quae jam corrigere difficile est.
10
Nunc respiciamus domos nostras. Ecquid omnia in tua recte? in mea
novi nihil. Mihi autem et gratiora sunt bona quod perseverant, et
leviora incommoda quod assuevi.
Vale.
|
LETTRE III.
PLINE A VERUS.
Je vous rends grâces de la bonté que vous avez de faire valoir la
petite terre que j'ai autrefois donnée à ma nourrice. Lorsque je lui
en fis don, elle valait cent mille sesterces : ensuite la diminution
du revenu en avait diminué le fonds, qui reviendra par vos soins à
son premier état. Souvenez-vous surtout que ce ne sont ni les
arbres, ni la terre que je vous recommande (quoiqu'ils entrent aussi
dans ma recommandation), mais mon petit présent. Celle qui l'a reçu
n'a pas plus d'intérêt qu'il produise beaucoup, que moi qui l'ai
donné.
Adieu. |
VI, 3
C. Plinius Vero suo s.
1
Gratias ago, quod agellum quem nutrici meae donaveram colendum
suscepisti. Erat, cum donarem, centum milium nummum; postea
decrescente reditu etiam pretium minuit, quod nunc te curante
reparabit. 2 Tu modo memineris commendari tibi a me non
arbores et terram, quamquam haec quoque, sed munusculum meum, quod
esse quam fructuosissimum non illius magis interest quae accepit,
quam mea qui dedi.
Vale. |
LETTRE IV.
PLINE A CALPURNIE.
Jamais je ne me suis tant plaint de mes affaires que lorsqu'elles ne
m'ont permis, ni de vous accompagner quand votre santé vous obligea
de partir pour la Campanie, ni du moins de vous suivre peu de jours
après que vous fûtes partie. C'était principalement dans ce temps
que j'eusse désiré le plus d'être avec vous, pour juger par mes yeux
si vos forces revenaient, si ce corps délicat se rétablissait, et
comment votre tempérament s'accommodait, soit de la solitude, soit
des douceurs et de l'abondance de ce séjour. Quand vous seriez dans
la meilleure santé, je ne soutiendrais qu'avec chagrin votre
absence; car c'est un état fort triste et fort inquiet, que de
passer quelquefois des heures sans savoir des nouvelles de ce qu'on
aime le mieux. Mais, absente et malade, vous m'alarmez de plus d'une
manière. Il n'est rien que je n'appréhende et que je ne m'imagine;
et selon la coutume de ceux que la crainte a saisis, tout ce qui me
fait le plus trembler est ce que j'ai le plus de penchant à croire.
C'est pourquoi je vous conjure, avec la dernière instance, de
prévenir mon inquiétude par une et même par deux lettres chaque
jour. Je me rassurerai du moins tant que je lirai; mais je
retomberai dans mes premières alarmes dès que j'aurai lu.
Adieu. |
VI, 4
C. Plinius Calpurniae suae s.
1
Numquam sum magis de occupationibus meis questus, quae me non sunt
passae aut proficiscentem te valetudinis causa in Campaniam prosequi
aut profectam e vestigio subsequi. 2 Nunc enim praecipue
simul esse cupiebam, ut oculis meis crederem quid viribus quid
corpusculo apparares, ecquid denique secessus voluptates regionisque
abundantiam inoffensa transmitteres. 3 Equidem etiam
fortem te non sine cura desiderarem; est enim suspensum et anxium de
eo quem ardentissime diligas interdum nihil scire. 4 Nunc
vero me cum absentiae tum infirmitatis tuae ratio incerta et varia
sollicitudine exterret. Vereor omnia, imaginor omnia, quaeque natura
metuentium est, ea maxime mihi quae maxime abominor fingo. 5
Quo impensius rogo, ut timori meo cottidie singulis vel etiam binis
epistulis consulas. Ero enim securior dum lego, statimque timebo cum
legero.
Vale. |
LETTRE V.
PLINE A URSUS.
Je
vous avais écrit que l'on avait accordé à Varénus la permission de
faire entendre ses témoins. Ce décret a paru juste aux uns, injuste
aux autres. Licinius Népos, préteur, a été de ce dernier avis, et il
l'a soutenu avec plus d'opiniâtreté que personne. Dans la première
assemblée du sénat, tenue depuis, et où il s'agissait de tout autre
chose, il a fait un long discours sur ce sujet, et a traité de
nouveau la question jugée. Il a même ajouté qu'il fallait prier les
consuls de vouloir bien demander au sénat si son intention était
qu'à l'avenir on en usât à l'égard du péculat comme à l'égard de la
brigue, et que, dans l'une et l'autre accusation, il fût permis à
l'accusé, aussi bien qu'à l'accusateur, de produire des témoins.
Bien des gens n'ont pas goûté cette remontrance, qu'ils ont trouvée
faite à contretemps et après coup. Ils n'ont pu souffrir que
Licinius, ayant laissé passer l'occasion naturelle de s'opposer au
décret, revînt blâmer ce qui était fait, et ce qu'il avait pu
prévenir. Jubentius Celsus, préteur, n'épargna ni les paroles, ni le
ton, pour lui faire sentir qu'il ne lui appartenait pas de s'ériger
en réformateur du sénat. Népos répondit; Celsus répliqua : et ni
l'un ni l'autre ne ménagea les injures. Je ne veux pas répéter ce
que je n'ai pu sans chagrin leur ouïr dire. Jugez si je puis
approuver la conduite de quelques-uns de nos sénateurs, que le
plaisir de les entendre faisait courir tantôt du côté de Celsus,
tantôt de celui de Népos, à mesure que l'un ou l'autre parlait; et
qui tantôt les irritaient et les animaient, et tantôt semblaient les
apaiser et les réconcilier; ou qui enfin réclamaient souvent la
protection de Trajan pour l'un ou pour l'autre, et quelquefois pour
tous les deux, comme si l'on eût été à un spectacle. Mais ce qui m'a
semblé le plus indigne, c'est que l'un était instruit de ce que
l'autre avait préparé; car Celsus tenait à la main sa réponse dans
une grande feuille, et Népos avait sa réplique écrite sur ses
tablettes. L'indiscrétion de leurs amis les a si bien servis, que
ces deux hommes, qui se devaient quereller, savaient ce qu'ils se
devaient dire comme s'ils se le fussent communiqué.
Adieu. |
V, 2
C. Plinius Urso suo s.
1
Scripseram tenuisse Varenum, ut sibi evocare testes liceret; quod
pluribus aequum, quibusdam iniquum et quidem pertinaciter visum,
maxime Licinio Nepoti, qui sequenti senatu, cum de rebus aliis
referretur, de proximo senatus consulto disseruit finitamque causam
retractavit. 2 Addidit etiam petendum a consulibus ut
referrent sub exemplo legis ambitus de lege repetundarum, an
placeret in futurum ad eam legem adici, ut sicut accusatoribus
inquirendi testibusque denuntiandi potestas ex ea lege esset, ita
reis quoque fieret. 3 Fuerunt quibus haec ejus oratio ut
sera et intempestiva et praepostera displiceret, quae omisso contra
dicendi tempore castigaret peractum, cui potuisset occurrere. 4
Juventius quidem Celsus praetor tamquam emendatorem senatus et
multis et vehementer increpuit. Respondit Nepos rursusque Celsus;
neuter contumeliis temperavit. 5 Nolo referre quae dici
ab ipsis moleste tuli. Quo magis quosdam e numero nostro improbavi,
qui modo ad Celsum modo ad Nepotem, prout hic vel ille diceret,
cupiditate audiendi cursitabant, et nunc quasi stimularent et
accenderent, nunc quasi reconciliarent ac recomponerent, frequentius
singulis, ambobus interdum propitium Caesarem ut in ludicro aliquo
precabantur. 6 Mihi quidem illud etiam peracerbum fuit,
quod sunt alter alteri quid pararent indicati. Nam et Celsus Nepoti
ex libello respondit et Celso Nepos ex pugillaribus. 7
Tanta loquacitas amicorum, ut homines jurgaturi id ipsum invicem
scierint, tamquam convenisset.
Vale. |
LETTRE VI.
PLINE A FUNDANUS.
Jamais je ne vous ai tant souhaité à Rome que dans l'occasion
présente; et vous ne pouvez me faire plus de plaisir que de vous y
rendre. J'ai besoin d'un ami qui seconde mes desseins, et qui
partage mes fatigues et mes inquiétudes. Jules Nason se met sur les
rangs pour demander les dignités. Il a beaucoup de concurrents : il
en a d'un mérite qui ne fera pas moins d'obstacle à ses prétentions
que d'honneur à ses succès. Je me trouve donc suspendu entre la
crainte et l'espérance, et j'oublie que j'ai été consul; car il me
semble que je commence à solliciter les charges que j'ai remplies.
Nason mérite bien ces sentiments par l'ancienne amitié qu'il a pour
moi. Celle que j'ai pour lui n'est pas un bien qu'il ait hérité de
son père; car son père et moi, nous étions d'âge trop différent pour
avoir pu être amis; mais cependant c'est à son père que cette amitié
doit sa naissance. On me le montrait, dans ma plus tendre jeunesse,
comme un homme digne de vénération. Il n'aimait pas seulement les
lettres, il chérissait ceux qui les cultivaient. On le voyait
presque tous les jours venir aux leçons de Quintilien et de Nicètes,
alors mes professeurs. C'était d'ailleurs un homme de poids, d'une
grande distinction, et tel, que sa mémoire devrait aujourd'hui
servir très utilement son fils. Mais dans le sénat beaucoup de
personnes ne l'ont pas connu, et beaucoup d'autres qui l'ont connu
ne font cas que des vivants. Nason doit donc, sans trop compter sur
la gloire de son père, qui lui donnera plus de lustre que de crédit,
mettre tout en usage. Il semble qu'il s'y soit attendu, et qu'il ait
prévu cette conjoncture. Il a fait des amis, et il les a cultivés;
je suis un de ceux à qui il s'est le plus attaché, et qu'il semble
avoir voulu prendre pour modèle, dès qu'il a été en état de pouvoir
choisir. Je ne plaide point, qu'il ne coure à l'audience; je ne lis
point d'ouvrages en public, qu'il ne soit assis à mes côtés; je n'en
compose point, qu'il ne vienne des premiers me demander à les voir.
Son frère avait pour moi le même attachement : il a perdu ce frère,
et je dois le remplacer. Je regrette celui-là, que la mort nous a
enlevé avant le temps; je plains celui-ci, à qui un frère si
estimable manque au besoin, et qui se voit réduit à ne plus rien
attendre que de ses seuls amis. J'exige donc de votre amitié que
vous veniez au plus tôt fortifier ma sollicitation de la vôtre. J'ai
grand intérêt de vous montrer partout, et d'aller partout avec vous.
On a pour vous une telle considération, que je m'imagine que mes
prières, si les vôtres les soutiennent, seront plus efficaces auprès
de mes amis mêmes. Rompez toutes sortes d'engagements; vous vous
devez à moi dans cette conjoncture. La confiance que J'ai en vous,
mon crédit qui se trouve commis, vous en sollicitent. Je m'intéresse
vivement pour ce magistrat futur, et tout le monde le sait. C'est
moi qui poursuis la charge; c'est sur moi que tombe le risque du
succès. En un mot, si on accorde à Nason ce qu'il demande, il en
aura tout l'honneur; et moi toute la honte, si on le lui refuse.
Adieu. |
VI, 6
C. Plinius Fundano suo s.
1
Si quando, nunc praecipue cuperem esse te Romae, et sis rogo. Opus
est mihi voti laboris sollicitudinis socio. Petit honores Julius
Naso; petit cum multis, cum bonis, quos ut gloriosum sic est
difficile superare. 2 Pendeo ergo et exerceor spe,
afficior metu et me consularem esse non sentio; nam rursus mihi
videor omnium quae decucurri candidatus. 3 Meretur hanc
curam longa mei caritate. Est mihi cum illo non sane paterna
amicitia (neque enim esse potuit per meam aetate); solebat tamen
vixdum adulescentulo mihi pater ejus cum magna laude monstrari. Erat
non studiorum tantum verum etiam studiosorum amantissimus ac prope
cotidie ad audiendos, quos tunc ego frequentabam, Quintilianum
Niceten Sacerdotem ventitabat, vir alioqui clarus et gravis et qui
prodesse filio memoria sui debeat. 4 Sed multi nunc in
senatu quibus ignotus ille, multi quibus notus, sed non nisi
viventes reverentur. Quo magis huic, omissa gloria patris in qua
magnum ornamentum gratia infirma, ipsi enitendum ipsi elaborandum
est. 5 Quod quidem semper, quasi provideret hoc tempus,
sedulo fecit: paravit amicos, quos paraverat coluit, me certe, ut
primum sibi judicare permisit, ad amorem imitationemque delegit.
6 Dicenti mihi sollicitus assistit, assidet recitanti;
primis etiam et cum maxime nascentibus opusculis meis interest, nunc
solus ante cum fratre, cujus nuper amissi ego suscipere partes, ego
vicem debeo implere. 7 Doleo enim et illum immatura morte
indignissime raptum, et hunc optimi fratris adjumento destitutum
solisque amicis relictum. 8 Quibus ex causis exigo ut
venias, et suffragio meo tuum jungas. Permultum interest mea te
ostentare, tecum circumire. Ea est auctoritas tua, ut putem me
efficacius tecum etiam meos amicos rogaturum. 9 Abrumpe
si qua te retinent: hoc tempus meum, hoc fides, hoc etiam dignitas
postulat. Suscepi candidatum, et suscepisse me notum est; ego ambio,
ego periclitor; in summa, si datur Nasoni quod petit, illius honor,
si negatur, mea repulsa est.
Vale. |
LETTRE VII.
PLINE A CALPURNIE.
Vous me mandez que mon absence vous cause beaucoup d'ennui, que vous
ne trouvez de soulagement qu'à lire mes ouvrages, et souvent à les mettre à ma
place auprès de vous. Je suis ravi que vous me désiriez si ardemment, et que ces
sortes de consolations aient quelque pouvoir sur votre esprit. Pour moi, je lis,
je relis vos lettres, et les reprends de temps en temps, comme si c'en était de
nouvelles; mais elles ne servent qu'à rendre plus vif le chagrin que j'ai de ne
vous point voir ; car quelle douceur ne doit-on point trouver dans la
conversation d'une personne dont les lettres ont tant de charmes? Ne laissez pas
pourtant de m'écrire souvent, quoique cela me fasse une sorte de plaisir qui me
tourmente.
Adieu. |
VI, 7
Plinius Calpurniae suae s.
1
Scribis te absentia mea non mediocriter affici unumque habere
solacium, quod pro me libellos meos teneas, saepe etiam in vestigio
meo colloces. 2 Gratum est quod nos requiris, gratum quod
his fomentis acquiescis; invicem ego epistulas tuas lectito atque
identidem in manus quasi novas sumo. 3 Sed eo magis ad
desiderium tui accendor: nam cujus litterae tantum habent
suavitatis, hujus sermonibus quantum dulcedinis inest! Tu tamen quam
frequentissime scribe, licet hoc ita me delectet ut torqueat.
Vale. |
LETTRE Vlll.
PLINE A PRISCUS.
Vous connaissez Attilius Crescens, vous l'aimez : y a-t-il dans Rome
quelque personne de considération qui ne le connaisse et qui ne
l'aime? Pour moi, je ne l'aime pas comme l'aiment la plupart des
autres, mais de tout mon coeur. Les villes dont nous sommes
originaires ne sont qu'à une journée l'une de l'autre. Notre amitié
a commencé dès nos plus jeunes années, et cette sorte d'amitié est
ordinairement la plus vive : le temps et la raison n'ont fait que
l'augmenter. Tous ceux qui nous connaissent un peu le savent ; car
il se vante partout de me tendresse pour lui, et je ne laisse
ignorer à personne combien son honneur, son repos et sa fortune
m'intéressent. Jusque-là qu'un jour qu'il me marquait son inquiétude
sur ce qu'un homme, dont il avait lieu de craindre quelque insulte,
allait entrer en exercice de la charge de tribun du peuple, je ne
pus m'empêcher de lui répondre :
Tant que je jouirai de la clarté du jour,
Jamais sur ces vaisseaux n'appréhendez d'outrages.
Pourquoi tout cela? Pour vous apprendre que, moi vivant, on ne peut
offenser Attilius. Vous me direz encore : A quoi bon cela? Valérius
Varus lui devait de l'argent, il est mort, et a fait Maxime son
héritier. Quoique Maxime soit de mes amis, il est encore plus des
vôtres. Je vous conjure doue, et j'exige de vous, au nom de notre
amitié, que vous fassiez en sorte qu'Attilius soit entièrement
remboursé de tout ce qui lui est dû, en principal et en intérêts
échus depuis plusieurs années. C'est un homme très éloigné d'envier
le bien d'autrui;. mais il ne néglige pas le sien, et n'exerce aucun
emploi lucratif. Sa frugalité fait tout son revenu : car il ne
s'attache aux belles-lettres, où il excelle, que pour son plaisir ou
pour sa gloire. La plus petite perte lui est d'autant plus onéreuse,
qu'il lui est difficile de la réparer. Tirez-nous l'un et l'autre de
cet embarras. Ne m'empêchez pas de jouir de la douceur et des
agréments de sa conversation; car je ne puis voir mélancolique celui
dont la gaieté fait toute la mienne. Enfin, vous connaissez son
enjouement; prenez garde, je vous supplie, qu'une injustice ne le
change en chagrin et en colère. Par la vivacité de sa tendresse,
jugez quelle serait la vivacité de son ressentiment. Une âme aussi
grande et aussi noble ne pardonnera pas une injustice qui lui serait
si préjudiciable; et s'il pouvait la pardonner, je la regarderais,
moi, comme si on me l'avait faite, ou plutôt j'en serais plus
indigné que si je l'avais moi-même reçue. Après tout, pourquoi ces
plaintes et ces menaces anticipées? Il est bien plus sûr de finir
comme j'ai commencé, et de vous supplier de mettre tout en usage
pour ne pas donner sujet de croire, ni à lui (ce que je crains plus
qu'on ne peut dire) que j'aie négligé ses intérêts, ni à moi que
vous ayez négligé les miens. Vous en viendrez à bout, si vous prenez
l'un autant à coeur que je prends l'autre.
Adieu. |
VI, 8
C. Plinius Prisco suo s.
1
Atilium Crescentem et nosti et amas. Quis enim illum spectatior
paulo aut non novit aut non amat? Hunc ego non ut multi, sed
artissime diligo. 2 Oppida nostra unius diei itinere
dirimuntur; ipsi amare invicem, qui est flagrantissimus amor,
adulescentuli coepimus. Mansit hic postea, nec refrixit judicio sed
invaluit. Sciunt qui alterutrum nostrum familiarius intuentur. Nam
et ille amicitiam meam latissima praedicatione circumfert, et ego
prae me fero, quantae sit mihi curae modestia quies securitas ejus.
3 Quin etiam, cum insolentiam cujusdam tribunatum plebis
inituri vereretur, idque indicasset mihi, respondi: οὔ τις ἐμεῦ
ζῶντος. Quorsus haec? ut scias, non posse Atilium me incolumi
injuriam accipere. 4 Iterum dices ‘quorsus haec?’ Debuit
ei pecuniam Valerius Varus. Hujus est heres Maximus noster, quem et
ipse amo, sed Konjunktivs tu. 5 Rogo ergo, exigo etiam
pro jure amicitiae, cures ut Atilio meo salva sit non sors modo
verum etiam usura plurium annorum. Homo est alieni abstinentissimus
sui diligens; nullis quaestibus sustinetur, nullus illi nisi ex
frugalitate reditus. 6 Nam studia, quibus plurimum
praestat, ad voluptatem tantum et gloriam exercet. Gravis est ei vel
minima jactura; quam reparare quod amiseris gravius. 7
Exime hunc illi, exime hunc mihi scrupulum: sine me suavitate ejus,
sine leporibus perfrui. Neque enim possum tristem videre, cujus
hilaritas me tristem esse non patitur. 8 In summa nosti
facetias hominis; quas velim attendas, ne in bilem et amaritudinem
vertat injuria. Quam vim habeat offensus, crede ei quam in amore
habet. Non feret magnum et liberum ingenium cum contumelia damnum.
9 Verum, ut ferat ille, ego meum damnum meam contumeliam
judicabo, sed non tamquam pro mea (hoc est, gravius) irascar.
Quamquam quid denuntiationibus et quasi minis ago? Quin potius, ut
coeperam, rogo oro des operam, ne ille se (quod valdissime vereor) a
me, ego me neglectum a te putem. Dabis autem, si hoc perinde curae
est tibi quam illud mihi.
Vale. |
LETTRE IX.
PLINE A TACITE.
Vous me recommandez d'appuyer Jules Nason, qui aspire aux charges. A
moi me recommander Nason ! c'est comme si vous me recommandiez à moi-même. Je
vous excuse pourtant, et vous le pardonne; car je vous eusse fait la même
recommandation, si je me fusse trouvé absent de Rome dans un temps où vous y
auriez été. C'est le propre de la tendre amitié, de croire tout nécessaire. Je
vous conseille de solliciter les autres, et je vous promets de seconder et de
soutenir vos recommandations de toutes les miennes.
Adieu. |
VI, 9
C. Plinius Tacito suo s.
1
Commendas mihi Julium Nasonem candidatum. Nasonem mihi? quid si me
ipsum? Fero tamen et ignosco. Eundem enim commendassem tibi, si te
Romae morante ipse afuissem. 2 Habet hoc sollicitudo,
quod omnia necessaria putat. Tu tamen censeo alios roges; ego precum
tuarum minister adjutor particeps ero.
Vale. |
LETTRE X.
PLINE A ALBIN.
J'ai été chez ma belle-mère à sa maison d'Alsium, qui était
autrefois à Virginius Rufus. Ce lieu a renouvelé ma douleur, et les
regrets que j'ai de la perte d'un grand homme. Il se plaisait dans
cette retraite, et il avait coutume de l'appeler l'asile de sa
vieillesse. De quelque côté que je me tournasse, mon esprit et mes
yeux le cherchaient. J'ai eu envie même de voir son tombeau, et je
me suis repenti de l'avoir vu; car il est encore imparfait; et il ne
faut pas s'en prendre à l'importance de l'ouvrage, qui est très peu
de chose, ou plutôt qui n'est rien, mais à la négligence de celui à
qui le soin en a été confié. J'entre dans une colère mêlée de
compassion, quand je vois négliger tout ce qui nous reste d'un homme
dont la gloire est répandue par toute la terre; quand je vois ses
cendres,dix ans après sa mort, abandonnées, sans inscription et sans
honneur. Il avait pourtant pris lui-même la précaution d'ordonner
que l'on gravât sur son tombeau ces deux vers, où la plus belle
action de sa vie, action véritablement immortelle et divine, est
marquée:
Ci-gît qui, de Vindex réprimant l'attentat,
Voulut, non subjuguer, mais affranchir l'État.
Il y a si peu de fond à faire sur les amis, les morts sont sitôt
oubliés, que nous devons prendre sur nous le soin de notre tombeau,
et prévenir les plus justes devoirs de nos héritiers. Car comment ne
pas craindre ce que nous voyons être arrivé à Virginius, dont le
mérite ne sert qu'à faire mieux connaître, et l'outrage, et toute
son indignité?
Adieu. |
VI, 10
C. Plinius Albino suo s.
1
Cum venissem in socrus meae villam Alsiensem, quae aliquamdiu Rufi
Vergini fuit, ipse mihi locus optimi illius et maximi viri
desiderium non sine dolore renovavit. Hunc enim colere secessum
atque etiam senectutis suae nidulum vocare consueverat. 2
Quocumque me contulissem, illum animus illum oculi requirebant.
Libuit etiam monimentum ejus videre, et vidisse paenituit. 3
Est enim adhuc imperfectum, nec difficultas operis in causa, modici
ac potius exigui, sed inertia ejus cui cura mandata est. Subit
indignatio cum miseratione, post decimum mortis annum reliquias
neglectumque cinerem sine titulo sine nomine jacere, cujus memoria
orbem terrarum gloria pervagetur. 4 At ille mandaverat
caveratque, ut divinum illud et immortale factum versibus
inscriberetur:
Hic situs est Rufus, pulso qui Vindice
quondam
imperium asseruit non sibi sed patriae.
5
Tam rara in amicitiis fides, tam parata oblivio mortuorum, ut ipsi
nobis debeamus etiam conditoria exstruere omniaque heredum officia
praesumere. 6 Nam cui non est verendum, quod videmus
accidisse Verginio? cujus injuriam ut indigniorem, sic etiam
notiorem ipsius claritas facit.
Vale. |
LETTRE XI.
PLINE A MAXIME.
O jour heureux ! le préfet de la ville m'ayant choisi pour un de ses
assesseurs, j'ai entendu plaider, l'un contre l'autre, deux jeunes
hommes d'une grande espérance, et nés avec des dispositions
excellentes, Fusons Salinator et Numidius Quadratus. On ne peut trop
les admirer; et ils ne feront pas seulement honneur à notre siècle,
mais aux belles-lettres mêmes. Ils ont l'un et l'autre une probité
surprenante, une fermeté judicieuse, un air noble : leur langage est
pur, leur voix mâle, leur mémoire sûre; enfin, la délicatesse de
leur discernement répond bien à l'étendue de leur esprit. Tout cela
m'a causé un véritable plaisir; mais ce qui m'en a fait le plus,
c'est qu'ils avaient tous deux les yeux attachés sur moi comme sur
leur guide, comme sur leur maître, et que les auditeurs croyaient
les voir marcher sur nies traces. Ô jour heureux ! (car je ne puis
m'empêcher de le répéter) ô jour que je dois compter entre les plus
fortunés de ma vie ! Qu'y a-t-il en effet de plus heureux pour le
public, que de voir des jeunes gens d'une naissance illustre
chercher à se faire une réputation et un nom par les lettres? Qu'y
a-t-il de plus heureux pour moi, que de me voir choisi pour modèle
par ceux qui veulent se former à la vertu? Mais, pour goûter
éternellement cette joie, je prie les dieux, et je vous en prends à
témoin, que tous ceux qui m'estimeront assez pour me vouloir suivre
puissent me devancer.
Adieu. |
VI, 11
C. Plinius Maximo suo s.
1
O diem laetum! Adhibitus in consilium a praefecto urbis audivi ex
diverso agentes summae spei summae indolis juvenes, Fuscum
Salinatorem et Ummidium Quadratum, egregium par nec modo temporibus
nostris sed litteris ipsis ornamento futurum. 2 Mira
utrique probitas, constantia salva, decorus habitus, os Latinum, vox
virilis, tenax memoria, magnum ingenium, judicium aequale; quae
singula mihi voluptati fuerunt, atque inter haec illud, quod et ipsi
me ut rectorem, ut magistrum intuebantur, et iis qui audiebant me
aemulari, meis instare vestigiis videbantur. 3 O diem
(repetam enim) laetum notandumque mihi candidissimo calculo! Quid
enim aut publice laetius quam clarissimos juvenes nomen et famam ex
studiis petere, aut mihi optatius quam me ad recta tendentibus quasi
exemplar esse propositum? 4 Quod gaudium ut perpetuo
capiam deos oro; ab isdem teste te peto, ut omnes qui me imitari
tanti putabunt meliores esse quam me velint.
Vale. |
LETTRE XII.
PLINE A FABATUS, AÏEUL DE SA FEMME.
Vous ne devez pas me recommander avec ménagement ceux que vous jugez
dignes de votre protection. Il vous sied aussi bien d'être utile à
beaucoup de gens, qu'à moi d'acquitter toutes les obligations dont
vous pouvez être chargé. Comptez que je rendrai à Vectius Priscus
tous les services dont je serai capable, particulièrement dans ma
sphère, c'est-à-dire dans le tribunal des centumvirs. Vous
m'ordonnez d'oublier les lettres que vous m'avez, dites-vous,
écrites à coeur ouvert; mais il n'en est point dont je conserve le
souvenir si précieusement. Je leur dois le plaisir de sentir combien
vous m'aimez, lorsque je vois que vous en usez avec moi comme vous
aviez coutume de faire avec votre fils. Je ne feindrai pas même de
vous avouer qu'elles me flattent d'autant plus, que je n'avais rien
à me reprocher: car j'avais exactement satisfait à tout ce que vous
m'aviez commandé. Je vous supplie donc et je vous conjure de vouloir
bien me traiter avec la même franchise, et de ne m'épargner pas les
reproches quand vous me soupçonnerez de vous avoir manqué : je dis
quand vous me soupçonnerez, car je ne vous manquerai jamais. En
effet, nous en retirerons tous deux la satisfaction de connaître,
vous, que je ne les ai pas mérités; moi, qu'ils ne partent que de
l'excès de votre tendresse.
Adieu.
|
VI, 12
C. Plinius Fabato Prosocero suo s.
1
Tu vero non debes suspensa manu commendare mihi quos tuendos putas.
Nam et te decet multis prodesse et me suscipere quidquid ad curam
tuam pertinet. 2 Itaque Bittio Prisco quantum plurimum
potuero praestabo, praesertim in harena mea, hoc est apud
centumviros. 3 Epistularum, quas mihi ut ais ‘aperto
pectore’ scripsisti, oblivisci me jubes; at ego nullarum libentius
memini. Ex illis enim vel praecipue sentio, quanto opere me diligas,
cum sic exegeris mecum, ut solebas cum tuo filio. 4 Nec
dissimulo hoc mihi jucundiores eas fuisse, quod habebam bonam
causam, cum summo studio curassem quod tu curari volebas. 5
Proinde etiam atque etiam rogo, ut mihi semper eadem simplicitate,
quotiens cessare videbor (‘videbor’ dico, numquam enim cessabo),
convicium facias, quod et ego intellegam a summo amore proficisci,
et tu non meruisse me gaudeas.
Vale. |
LETTRE XIII.
PLINE A URSUS.
Avez-vous jamais vu personne plus persécuté que mon ami Varénus, qui
a été obligé de soutenir, et, pour ainsi dire, de demander encore
une fois ce qu'il avait déjà obtenu avec beaucoup de peine? Les
Bithyniens ont eu l'audace non seulement de porter aux consuls des
plaintes contre le décret du sénat, mais encore d'en parler
indignement à l'empereur, qui n'était pas présent quand ce décret
fut rendu ; et, après avoir été renvoyés au sénat, ils ne se soit
pas rebutés. Claude Capiton parla le premier avec plus
d'indiscrétion que de fermeté, en homme qui déclamait ouvertement
contre un décret du sénat dans le sénat même. Fronto Catius répondit
d'une manière sage et judicieuse. Le sénat lui-même s'est
admirablement conduit; car ceux qui, avant le décret, avaient été
d'avis de refuser à Varénus ce qu'il demandait, ont, après le
décret, déclaré dans leurs opinions qu'on ne pouvait pas lui refuser
ce qu'il avait obtenu. Ils ont cru que, lorsque l'affaire était
indécise, chacun avait pu opiner selon ses lumières; mais qu'après
la décision, l'avis qui avait prévalu devait être l'avis de tout le
monde. Acilius Rufus seulement, et avec lui sept ou huit autres, si
vous voulez que je parle juste, sept autres sont demeurés dans leur
premier sentiment. Il y en avait dans ce petit nombre dont la
gravité affectée, ou pour mieux dire contrefaite, excitait la risée.
Jugez pourtant, par tout ce que nous coûte cette espèce
d'escarmouche, quels assauts j'aurai à soutenir dans le véritable
combat.
Adieu. |
VI, 13
C. Plinius Urso suo s.
1
Umquamne vidisti quemquam tam laboriosum et exercitum quam Varenum
meum? cui quod summa contentione impetraverat defendendum et quasi
rursus petendum fuit. 2 Bithyni senatus consultum apud
consules carpere ac labefactare sunt ausi, atque etiam absenti
principi criminari; ab illo ad senatum remissi non destiterunt. Egit
Claudius Capito irreverenter magis quam constanter, ut qui senatus
consultum apud senatum accusaret. 3 Respondit Catius
Fronto graviter et firme. Senatus ipse mirificus; nam illi quoque
qui prius negarant Vareno quae petebat, eadem danda postquam erant
data censuerunt; 4 singulos enim integra re dissentire
fas esse, peracta quod pluribus placuisset cunctis tuendum. 5
Acilius tantum Rufus et cum eo septem an octo, septem immo, in
priore sententia perseverarunt. Erant in hac paucitate non nulli,
quorum temporaria gravitas vel potius gravitatis imitatio ridebatur.
6 Tu tamen aestima, quantum nos in ipsa pugna certaminis
maneat, cujus quasi praelusio atque praecursio has contentiones
excitavit.
Vale. |
LETTRE XIV.
PLINE A MAURICUS.
Vous me priez d'aller à votre maison de Formium. J'irai, à condition
que vous ne vous dérangerez point pour moi, condition que je
prétends bien être réciproque. Ce ne sont ni vos mers, ni vos
rivages; c'est vous, c'est le loisir et la liberté, que je cherche.
Sans cela, il vaudrait mieux demeurer à Rome. Il n'y a point de
milieu; il faut tout faire, ou à son gré, ou au gré d'autrui. Tel
est mon caractère; je ne veux rien à demi : je veux tout un, ou tout
autre.
Adieu. |
VI, 14
C. Plinius Maurico suo s.
1
Sollicitas me in Formianum. Veniam ea condicione, ne quid contra
commodum tuum facias; qua pactione invicem mihi caveo. Neque enim
mare et litus, sed te otium libertatem sequor: alioqui satius est in
urbe remanere. 2 Oportet enim omnia aut ad alienum
arbitrium aut ad suum facere. Mei certe stomachi haec natura est, ut
nihil nisi totum et merum velit.
Vale. |
LETTRE XV.
PLINE A ROMANUS.
Il est arrivé une fort plaisante chose pendant que nous étions tous
deux absents; mais on m'en a fait le conte presque aussitôt.
Passiénus Paulus, chevalier romain d'une grande considération, et
très savant, fait des vers élégiaques : il tient cela de famille. Il
est du pays de Properce, et même il le compte entre ses ancêtres. Il
lisait en public un ouvrage qui commençait par ces mots :
Priscus, vous ordonnez... A cela, Javolénus Priscus, qui se
trouva là présent comme intime ami de Paulus, se presse de répondre
: Moi ! je n'ordonne rien. Imaginez-vous les éclats de rire
et les plaisanteries qui suivent. Aussi Javolénus n'a pas l'esprit
fort sain. Cependant il remplit les devoirs publics : on le prend
pour juge; ce qui rend encore et plus ridicule et plus remarquable
ce qu'il fit alors. L'extravagance d'autrui ne laissa pas de
répandre du froid sur la lecture de Paulus; tant il importe à ceux
qui doivent lire des ouvrages en public, non seulement d'être
sensés, mais même de n'y inviter que des personnes qui le soient.
Adieu. |
VI, 15
C. Plinius Romano suo s.
1
Mirificae rei non interfuisti; ne ego quidem, sed me recens fabula
excepit. Passennus Paulus, splendidus eques Romanus et in primis
eruditus, scribit elegos. Gentilicium hoc illi: est enim municeps
Properti atque etiam inter majores suos Propertium numerat. 2
Is cum recitaret, ita coepit dicere: ‘Prisce, jubes...’ Ad hoc
Javolenus Priscus (aderat enim ut Paulo amicissimus): ‘Ego vero non
jubeo.’ Cogita qui risus hominum, qui joci. 3 Est omnino
Priscus dubiae sanitatis, interest tamen officiis, adhibetur
consiliis atque etiam jus civile publice respondet: quo magis quod
tunc fecit et ridiculum et notabile fuit. 4 Interim Paulo
aliena deliratio aliquantum frigoris attulit. Tam sollicite
recitaturis providendum est, non solum ut sint ipsi sani verum etiam
ut sanos adhibeant.
Vale.
|
LETTRE XVI.
PLINE A TACITE.
Vous me priez de vous apprendre au vrai comment mon oncle est mort,
afin que vous en puissiez instruire la postérité. Je vous en
remercie.: car je conçois que sa mort sera suivie d'une gloire
immortelle, si vous lui donnez place dans vos écrits. Quoiqu'il ait
péri par une fatalité qui a désolé de très beaux pays, et que sa
perte, causée par un accident mémorable, et qui lui a été commun
avec des villes et des peuples entiers, doive éterniser sa mémoire;
quoiqu'il ait fait bien des ouvrages qui dureront toujours, je
compte pourtant que l'immortalité des vôtres contribuera beaucoup à
celle qu'il doit attendre. Pour moi, j'estime heureux ceux à qui les
dieux ont accordé le don, ou de faire des choses dignes d'être
écrites, ou d'en écrire de dignes d'être lues; et plus heureux
encore ceux qu'ils ont favorisés de ce double avantage. Mon oncle
tiendra son rang entre les derniers et par vos écrits et par les
siens ; et c'est ce qui m'engage à exécuter plus volontiers des
ordres que je vous aurais demandés.
Il était à Misène, où il commandait la flotte. Le 23e d'août,
environ une heure après midi, ma mère l'avertit qu'il paraissait un
nuage d'une grandeur et d'une figure extraordinaire. Après avoir été
quelque temps couché au soleil, selon sa coutume, et avoir pris un
bain d'eau froide, il s'était jeté sur un lit, où il étudiait. Il se
lève, et monte en un lieu d'où il pouvait aisément observer ce
prodige. Il était difficile de discerner de loin de quelle montagne
ce nuage sortait. L'événement a découvert depuis que c'était du mont
Vésuve. Sa figure approchait de celle d'un arbre, et d'un pin plus
que d'aucun autre; car, après s'être élevé fort haut en forme de
tronc, il étendait une espèce de branche. Je m'imagine qu'un vent
souterrain le poussait d'abord avec impétuosité, et le soutenait.
Mais, soit que l'impression diminuât peu à peu, soit que ce nuage
fût affaissé par son propre poids, on le voyait se dilater et se
répandre. Il paraissait tantôt blanc, tantôt noirâtre, et tantôt de
diverses couleurs, selon qu'il était plus chargé ou de cendre ou de
terre. Ce prodige surprit mon oncle, qui était très savant; et il le
crut digne d'être examiné de plus près. Il commande que l'on
appareille sa frégate légère, et me laisse la liberté de le suivre.
Je lui répondis que j'aimais mieux étudier; et par hasard il m'avait
lui-même donné quelque chose à écrire. Il sortait de chez lui, ses
tablettes à la main, lorsque les troupes de la flotte qui étaient à
Rétines, effrayées par la grandeur du danger (car ce bourg est
précisément sur Misène, et on ne s'en pouvait sauver que par la
mer), vinrent le conjurer de vouloir bien les garantir d'un si
affreux péril. Il ne changea pas de dessein, et poursuivit avec un
courage héroïque ce qu'il n'avait d'abord entrepris que par simple
curiosité. Il fait venir des galères, monte lui-même dessus, et part
dans le dessein de voir quel secours on pouvait donner non seulement
à Rétines, mais à tous les autres bourgs de cette côte, qui sont en
grand nombre à cause de sa beauté. Il se presse d'arriver au lieu
d'où tout le monde fuit, et où le péril paraissait plus grand; mais
avec une telle liberté d'esprit, qu'à mesure qu'il apercevait
quelque mouvement ou quelque figure extraordinaire dans ce prodige,
il faisait ses observations et les dictait. Déjà sur ces vaisseaux
volait la cendre plus épaisse et plus chaude, à mesure qu'ils
approchaient ; déjà tombaient autour d'eux des pierres calcinées et
des cailloux tout noirs, tout brûlés, tout pulvérises parla violence
du feu; déjà lamer semblait refluer, et le rivage devenir
inaccessible par des morceaux entiers de montagnes dont il était
couvert ; lorsque après s'être arrêté quelques moments, incertain
s'il retournerait, il dit à son pilote, qui lui conseillait de
gagner la pleine mer: La fortune favorise le courage. Tournez du
côté de Pomponianus. Pomponianus était à Stable, en un endroit
séparé par un petit golfe que forme insensiblement la mer sur ces
rivages qui se courbent. Là, à la vue du péril, qui était encore
éloigné, mais qui semblait s'approcher toujours, il avait retiré
tous ses meubles dans ses vaisseaux, et n'attendait pour s'éloigner
qu'un vent moins contraire. Mon oncle, à qui ce même vent avait été
très favorable, l'aborde, le trouve tout tremblant, l'embrasse, le
rassure, l'encourage; et pour dissiper, par sa sécurité, la crainte
de son ami, il serait porter au bain. Après s'être baigné, il se met
à table, et soupe avec toute sa gaieté, ou (ce qui n'est pas moins
grand) avec toutes les apparences de sa gaieté ordinaire. Cependant
on voyait luire, de plusieurs endroits du mont Vésuve, de grandes
flammes et des embrasements dont les ténèbres augmentaient l'éclat.
Mon oncle, pour rassurer ceux qui l'accompagnaient, leur dit que ce
qu'ils voyaient brûler, c'étaient des villages que les paysans
alarmés avaient abandonnés, et qui étaient demeurés sans secours.
Ensuite il se coucha, et dormit d'un profond sommeil; car, comme il
était puissant, on l'entendait ronfler de l'antichambre. Mais enfin
la cour par où l'on entrait dans son appartement commençait à se
remplir si fort de cendres, que, pour peu qu'il eût resté plus
longtemps, il ne lui aurait plus été libre de sortir. On l'éveille;
il sort, et va rejoindre Pomponianus et les autres qui avaient
veillé. Ils tiennent conseil, et délibèrent s'ils se renfermeront
dans la maison, ou s'ils tiendront la campagne : car les maisons
étaient tellement ébranlées par les fréquents tremblements de terre,
que l'on aurait dit qu'elles étaient arrachées de leurs fondements,
et jetées tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, et puis remises à
leurs places. Hors de la ville, la chute des pierres, quoique
légères et desséchées par le feu, était à craindre. Entre ces
périls, on choisit la rase campagne. Chez ceux de sa suite, une
crainte surmonta l'autre : chez lui, la raison la plus forte
l'emporta sur la plus faible. Ils sortent donc, et se couvrent la
tète d'oreillers attachés avec des mouchoirs; ce fut toute la
précaution qu'ils prirent contre ce qui tombait d'en haut. Le jour
recommençait ailleurs; mais dans le lieu où ils étaient continuait
une nuit la plus sombre et la plus affreuse de toutes les nuits, et
qui n'était un peu dissipée que par la lueur d'un grand nombre de
flambeaux et d'autres lumières. On trouva bon de s'approcher du
rivage, et d'examiner de près ce que la mer permettait de tenter;
mais on la trouva encore fort grosse, et fort agitée d'un vent
contraire. Là, mon oncle ayant demandé de l'eau et bu deux fois, se
coucha sur un drap qu'il fit étendre. Ensuite des flammes qui
parurent plus grandes, et une odeur de soufre qui annonçait leur
approche, mirent tout le monde en fuite. Il se lève, appuyé sur deux
valets, et dans le moment tombe mort. Je m'imagine qu'une fumée trop
épaisse le suffoqua d'autant plus aisément, qu'il avait la poitrine
faible, et souvent la respiration embarrassée. Lorsque l'on commença
à revoir la lumière (ce qui n'arriva que trois jours après), on
retrouva au même endroit son corps entier, couvert de la même robe
qu'il portait quand il mourut, et dans la posture plutôt d'un homme
qui repose que d'un homme qui est mort. Pendant ce temps, ma mère et
moi nous étions à Misène. Mais cela ne regarde plus votre histoire :
vous ne voulez être informé que de la mort de mon oncle. Je finis
donc, et je n'ajoute plus qu'un mot: c'est que je ne vous ai rien
dit, ou que je n'aie vu ou que je n'aie appris, dans ces moments où
la vérité de l'action qui vient de se passer n'a pu encore être
altérée. C'est à vous de choisir ce qui vous paraîtra plus
important. Il y a bien de la différence entre écrire une lettre, ou
une histoire; entre écrire pour un ami, ou pour la postérité.
Adieu. |
VI, 16
C. Plinius Tacito suo s.
1
Petis ut tibi avunculi mei exitum scribam, quo verius tradere
posteris possis. Gratias ago; nam video morti ejus si celebretur a
te immortalem gloriam esse propositam. 2 Quamvis enim
pulcherrimarum clade terrarum, ut populi ut urbes memorabili casu,
quasi semper victurus occiderit, quamvis ipse plurima opera et
mansura condiderit, multum tamen perpetuitati ejus scriptorum tuorum
aeternitas addet. 3 Equidem beatos puto, quibus deorum
munere datum est aut facere scribenda aut scribere legenda,
beatissimos vero quibus utrumque. Horum in numero avunculus meus et
suis libris et tuis erit. Quo libentius suscipio, deposco etiam quod
injungis.
4
Erat Miseni classemque imperio praesens regebat. Nonum Kal.
Septembres hora fere septima mater mea indicat ei apparere nubem
inusitata et magnitudine et specie. 5 Usus ille sole, mox
frigida, gustaverat jacens studebatque; poscit soleas, ascendit
locum ex quo maxime miraculum illud conspici poterat. Nubes
(incertum procul intuentibus ex quo monte; Vesuvium fuisse postea
cognitum est) oriebatur, cujus similitudinem et formam non alia
magis arbor quam pinus expresserit. 6 Nam longissimo
velut trunco elata in altum quibusdam ramis diffundebatur, credo
quia recenti spiritu evecta, dein senescente eo destituta aut etiam
pondere suo victa in latitudinem vanescebat, candida interdum,
interdum sordida et maculosa prout terram cineremve sustulerat.
7 Magnum propiusque noscendum ut eruditissimo viro visum.
Jubet liburnicam aptari; mihi si venire una vellem facit copiam;
respondi studere me malle, et forte ipse quod scriberem dederat.
8 Egrediebatur domo; accipit codicillos Rectinae Tasci
imminenti periculo exterritae (nam villa ejus subjacebat, nec ulla
nisi navibus fuga): Ut se tanto discrimini eriperet orabat. 9
Vertit ille consilium et quod studioso animo incohaverat obit
maximo. Deducit quadriremes, ascendit ipse non Rectinae modo sed
multis (erat enim frequens amoenitas orae) laturus auxilium. 10
Properat illuc unde alii fugiunt, rectumque cursum recta gubernacula
in periculum tenet adeo solutus metu, ut omnes illius mali motus
omnes figuras ut deprenderat oculis dictaret enotaretque.
11
Jam navibus cinis incidebat, quo propius accederent, calidior et
densior; jam pumices etiam nigrique et ambusti et fracti igne
lapides; jam vadum subitum ruinaque montis litora obstantia.
Cunctatus paulum an retro flecteret, mox gubernatori ut ita faceret
monenti ‘Fortes’ inquit ‘fortuna juvat: Pomponianum pete.’ 12
Stabiis erat diremptus sinu medio (nam sensim circumactis
curvatisque litoribus mare infunditur); ibi quamquam nondum periculo
appropinquante, conspicuo tamen et cum cresceret proximo, sarcinas
contulerat in naves, certus fugae si contrarius ventus resedisset.
Quo tunc avunculus meus secundissimo invectus, complectitur
trepidantem consolatur hortatur, utque timorem ejus sua securitate
leniret, deferri in balineum jubet; lotus accubat cenat, aut hilaris
aut (quod aeque magnum) similis hilari. 13 Interim e
Vesuvio monte pluribus locis latissimae flammae altaque incendia
relucebant, quorum fulgor et claritas tenebris noctis excitabatur.
Ille agrestium trepidatione ignes relictos desertasque villas per
solitudinem ardere in remedium formidinis dictitabat. Tum se quieti
dedit et quievit verissimo quidem somno; nam meatus animae, qui illi
propter amplitudinem corporis gravior et sonantior erat, ab iis qui
limini obversabantur audiebatur. 14 Sed area ex qua
diaeta adibatur ita jam cinere mixtisque pumicibus oppleta
surrexerat, ut si longior in cubiculo mora, exitus negaretur.
Excitatus procedit, seque Pomponiano ceterisque qui pervigilaverant
reddit. 15 In commune consultant, intra tecta subsistant
an in aperto vagentur. Nam crebris vastisque tremoribus tecta
nutabant, et quasi emota sedibus suis nunc huc nunc illuc abire aut
referri videbantur. 16 Sub dio rursus quamquam levium
exesorumque pumicum casus metuebatur, quod tamen periculorum
collatio elegit; et apud illum quidem ratio rationem, apud alios
timorem timor vicit. Cervicalia capitibus imposita linteis
constringunt; id munimentum adversus incidentia fuit. 17
Jam dies alibi, illic nox omnibus noctibus nigrior densiorque; quam
tamen faces multae variaque lumina solvebant. Placuit egredi in
litus, et ex proximo adspicere, ecquid jam mare admitteret; quod
adhuc vastum et adversum permanebat. 18 Ibi super
abjectum linteum recubans semel atque iterum frigidam aquam poposcit
hausitque. Deinde flammae flammarumque praenuntius odor sulpuris
alios in fugam vertunt, excitant illum. 19 Innitens
servolis duobus assurrexit et statim concidit, ut ego colligo,
crassiore caligine spiritu obstructo, clausoque stomacho qui illi
natura invalidus et angustus et frequenter aestuans erat. 20
Ubi dies redditus (is ab eo quem novissime viderat tertius), corpus
inventum integrum illaesum opertumque ut fuerat indutus: habitus
corporis quiescenti quam defuncto similior.
21
Interim Miseni ego et mater - sed nihil ad historiam, nec tu aliud
quam de exitu ejus scire voluisti. Finem ergo faciam. 22
Unum adiciam, omnia me quibus interfueram quaeque statim, cum maxime
vera memorantur, audieram, persecutum. Tu potissima excerpes; aliud
est enim epistulam aliud historiam, aliud amico aliud omnibus
scribere.
Vale. |
LETTRE XVII.
PLINE A RESTITUTUS.
Je ne puis m'empêcher de vous ouvrir mou coeur dans cette lettre,
puisque je ne l'ai pu autrement, sur le petit chagrin que j'ai reçu
dans une assemblée où un de mes amis m'avait invité. On y lisait un
ouvrage excellent. Deux ou trois hommes éloquents, selon eux et
selon un fort petit nombre de gens, écoutaient, comme s'ils -
eussent été sourds et muets: ils ne remuèrent pas les lèvres, ils ne
firent point le moindre geste, ne se levèrent pas même pour se
délasser d'être assis. Est-ce gravité? est-ce goût? ou plutôt est-ce
paresse ou orgueil? Quel travers! et, pour dire encore mieux, quelle
folie, de passer tout un jour à offenser un homme chez qui vous
n'êtes venu que pour lui témoigner votre estime et votre amitié!
Mais vous êtes plus éloquent que lui ! Vous devez d'autant moins lui
porter envie ; car envier, c'est se reconnaître inférieur. En un
mot, soyez ou plus, ou moins, ou aussi habile, vous avez également
intérêt à louer celui qui vous surpasse, que vous surpassez, ou qui
vous égale: celui qui vous surpasse, puisque vous ne pouvez mériter
de louanges, s'il n'en est pas digne; celui que vous surpassez ou
qui vous égale, puisque la gloire qui lui revient rehausse
nécessairement la vôtre. Pour moi, je ne refuse mon estime ni mon
admiration à aucun de ceux qui s'efforcent de se distinguer par les
belles-lettres. Je sais combien l'entreprise est difficile, pénible,
rebutante; et que ceux qui n'en font point assez de cas n'y
réussissent jamais. Peut-être serez-vous d'un autre avis, quoique je
ne connaisse personne qui rende plus d'honneur aux lettres et plus
de justice aux ouvrages d'autrui; et c'est pourquoi je vous ai
choisi pour vous confier un chagrin que vous voudrez bien partager
avec moi.
Adieu. |
VI, 17
C. Plinius Restituto suo s.
1
Indignatiunculam, quam in cujusdam amici auditorio cepi, non possum
mihi temperare quo minus apud te, quia non contigit coram, per
epistulam effundam. Recitabatur liber absolutissimus. 2
Hunc duo aut tres, ut sibi et paucis videntur, diserti surdis
mutisque similes audiebant. Non labra diduxerunt, non moverunt
manum, non denique assurrexerunt saltem lassitudine sedendi. 3
Quae tanta gravitas? quae tanta sapientia? quae immo pigritia
arrogantia sinisteritas ac potius amentia, in hoc totum diem
impendere ut offendas, ut inimicum relinquas ad quem tamquam
amicissimum veneris? Disertior ipse es? 4 Tanto magis ne
invideris; nam qui invidet minor est. Denique sive plus sive minus
sive idem praestas, lauda vel inferiorem vel superiorem vel parem:
superiorem quia nisi laudandus ille non potes ipse laudari,
inferiorem aut parem quia pertinet ad tuam gloriam quam maximum
videri, quem praecedis vel exaequas. 5 Equidem omnes qui
aliquid in studiis faciunt venerari etiam mirarique soleo; est enim
res difficilis ardua fastidiosa, et quae cos a quibus contemnitur
invicem contemnat. Nisi forte aliud judicas tu. Quamquam quis uno te
reverentior hujus operis, quis benignior aestimator? 6
Qua ratione ductus tibi potissimum indignationem meam prodidi, quem
habere socium maxime poteram.
Vale.
|
LETTRE XVIII.
PLINE A SABIN.
Vous me priez de plaider la cause des Firmiens; je le ferai, quoique
je sois surchargé d'affaires. J'ai trop de passion de mettre au
nombre de mes clients une aussi illustre colonie, et de vous rendre
un service qui vous est agréable. Comment pourrais-je vous refuser
quelque chose, surtout quand vous demandez pour votre patrie, vous
qui (si l'on vous en veut croire) avez recherché dans mon amitié de
l'honneur et de l'appui tout ensemble? Qu'y-a-t-il de plus honnête
que les prières d'un bon citoyen,et de plus fort que celles d'un bon
ami? Vous pouvez donc m'engager à vos Firmiens, ou plutôt aux
nôtres. Quand la considération où est leur ville ne me les ferait
pas juger dignes de mon attachement et de mes soins, je ne pourrais
me défendre d'avoir une très haute estime pour des gens à qui un
homme si estimable doit sa naissance et son éducation.
Adieu. |
VI, 18
C. Plinius Sabino suo s.
1
Rogas ut agam Firmanorum publicam causam; quod ego quamquam plurimis
occupationibus distentus adnitar. Cupio enim et ornatissimam
coloniam advocationis officio, et te gratissimo tibi munere
obstringere. 2 Nam cum familiaritatem nostram, ut soles
praedicare, ad praesidium ornamentumque tibi sumpseris, nihil est
quod negare debeam, praesertim pro patria petenti. Quid enim
precibus aut honestius piis aut efficacius amantis? 3
Proinde Firmanis tuis ac jam potius nostris obliga fidem meam; quos
labore et studio meo dignos cum splendor ipsorum tum hoc maxime
pollicetur, quod credibile est optimos esse inter quos tu talis
exstiteris.
Vale. |
LETTRE XIX.
PLINE A NEPOS.
Savez-vous que les terres ont augmenté de prix, particulièrement aux
environs de Rome? La cause de cette augmentation subite est un
désordre dont on a souvent parlé, et qui, dans la dernière assemblée
pour l'élection des magistrats, donna lieu à un règlement qui fait
grand honneur au sénat. Il défend à ceux qui demandent des charges
de donner des repas, d'envoyer des présents, de consigner de
l'argent. De ces abus, les deux premiers étaient venus à un excès
que l'on ne prenait pas même la peine de déguiser; l'autre se
cachait un peu plus, mais n'était pas moins connu. Homullus, notre
ami, profitant de cette disposition du sénat, quand son tour
d'opiner fut venu, supplia les consuls de vouloir bien informer
l'empereur de ce que tout le monde souhaitait, et d'en obtenir qu'il
remédiât à ces maux, comme il avait remédié aux autres. Il y a
pourvu ; son édit réprime les dépenses et les brigues honteuses. Il
veut que ceux qui aspirent aux dignités aient au moins le tiers de
leur bien en fonds de terre. Il a cru qu'il était indécent, comme il
l'est en effet, que ceux qui demandent les magistratures à Rome ne
regardent Rome et l'Italie que comme un lieu de passage, ou plutôt
que comme une hôtellerie où l'on se retire sur la route. C'est donc
un concours général de ceux qui songent aux charges. Ils achètent
tout ce qu'ils apprennent être à vendre; et, par l'empressement
qu'ils ont d'acheter, ils donnent envie de vendre à ceux qui n'y
songeaient pas. C'est pourquoi, si vous êtes dégoûté des terres que
vous avez en Italie, voici la saison de vous en défaire
avantageusement, et d'en avoir à bon marché dans les autres
provinces, où nos magistrats futurs vendent pour acheter ici.
Adieu. |
VI, 19
C. Plinius Nepoti suo s.
1
Scis tu accessisse pretium agris, praecipue suburbanis? Causa
subitae caritatis res multis agitata sermonibus. Proximis comitiis
honestissimas voces senatus expressit: ‘Candidati ne conviventur, ne
mittant munera, ne pecunias deponant.’ 2 Ex quibus duo
priora tam aperte quam immodice fiebant; hoc tertium, quamquam
occultaretur, pro comperto habebatur. 3 Homullus deinde
noster vigilanter usus hoc consensu senatus sententiae loco
postulavit, ut consules desiderium universorum notum principi
facerent, peterentque sicut aliis vitiis huic quoque providentia sua
occurreret. 4 Occurrit; nam sumptus candidatorum, foedos
illos et infames, ambitus lege restrinxit; eosdem patrimonii tertiam
partem conferre jussit in ea quae solo continerentur, deforme
arbitratus (et erat) honorem petituros urbem Italiamque non pro
patria sed pro hospitio aut stabulo quasi peregrinantes habere.
5 Concursant ergo candidati; certatim quidquid venale audiunt
emptitant, quoque sint plura venalia efficiunt. 6 Proinde
si paenitet te Italicorum praediorum, hoc vendendi tempus tam
hercule quam in provinciis comparandi, dum idem candidati illic
vendunt ut hic emant.
Vale. |
LETTRE XX.
PLINE A TACITE.
La lettre que je vous ai écrite sur la mort de mon oncle, dont vous
aviez voulu être instruit, vous a, dites-vous, donné beaucoup
d'envie de savoir quelles alarmes et quels dangers j'essuyai à
Misène, où j'étais resté; car c'est là que j'ai quitté mon histoire.
Quoiqu'au seul souvenir je sois saisi d'horreur,
Je commence
Après que mon oncle fut parti,je continuai l'étude qui m'avait
empêché de le suivre. Je pris le bain, je soupai, je me couchai, et
dormis peu, et d'un sommeil fort interrompu. Pendant plusieurs
jours, un tremblement de terre s'était fait sen-tir, et nous avait
d'autant moins étonnés, que les bourgades et même les villes de la
Campanie y sont fort sujettes. Il redoubla pendant cette nuit avec
tant de violence, qu'on eût dit que tout était, non pas agité, mais
renversé. Ma mère entra brusquement dans ma chambre, et trouva que
je me levais, dans le dessein de l'éveiller, si elle eût été
endormie. Nous nous asseyons dans la cour, qui ne sépare le bâtiment
d'avec la mer que par un fort petit espace. Comme je n'avais que
dix-huit ans, je ne sais si je dois appeler fermeté nu imprudence ce
que je fis : je demandai Tite-Live; je me mis à le lire, et je
continuai à l'extraire, ainsi que j'aurais pu faire dans le plus
grand calme. Un ami de mon oncle survint; il était nouvellement
arrivé d'Espagne pour le voir. Dès qu'il nous aperçoit, ma mère et
moi, assis, moi un livre à la main, il nous reproche, à elle sa
tranquillité, à moi ma confiance. Je n'en levai pas les yeux de
dessus mon livre. Il était déjà sept heures du matin, et il ne
paraissait encore qu'une lumière faible, comme une espèce de
crépuscule. Alors les bâtiments furent ébranlés avec de si fortes
secousses, qu'il n'y eut plus de sûreté à demeurer dans un lieu à la
vérité découvert, mais fort étroit. Nous prenons le parti de quitter
la ville : le peuple épouvanté nous suit en foule, nous presse, nous
pousse; et ce qui, dans la frayeur, tient lieu de prudence, chacun
ne croit rien de plus sûr que ce qu'il voit faire aux autres. Après
que nous fûmes sortis de la ville, nous nous arrêtons; et là,
nouveaux prodiges, nouvelles frayeurs. Les voitures que nous avions
emmenées avec nous étaient à tout moment si agitées, quoiqu'en
pleine campagne, qu'on ne pouvait même, en les appuyant avec de.
grosses pierres, les arrêter en une place. La mer semblait se
renverser sur elle-même, et être comme chassée du rivage par
l'ébranlement de la terre. Le rivage en effet était devenu plus
spacieux, et se trouvait rempli de différents poissons demeurés à
sec sur le sable. A l'opposite, une nue noire et horrible, crevée
par des feux qui s'élançaient eu serpentant, s'ouvrait, et laissait
échapper de longues fusées semblables à des éclairs, mais qui
étaient beaucoup plus grandes. Alors l'ami dont je viens de parler
revint une seconde fois, et plus vivement, à la charge. Si votre
frère, si votre oncle est vivant, nous dit-il, il souhaite sans
doute que vous vous sauviez; et s'il est mort, il a souhaité que
vous lui surviviez. Qu'attendez-vous donc? Pourquoi ne vous
sauvez-vous pas? Nous lui répondîmes que nous ne pouvions songer à
notre sûreté, pendant que nous étions incertains du sort de mon
oncle. L'Espagnol part sans tarder davantage, et cherche son salut
dans une fuite précipitée. Presque aussitôt la nue tombe à terre, et
couvre les mers; elle dérobait à nos yeux l'île de Caprée, qu'elle
enveloppait, et nous faisait perdre de vue le promontoire de Misène.
Ma mère me conjure, me presse, m'ordonne de me sauver, de quelque
manière que ce soit; elle me remontre que cela est facile à mon âge;
et que pour elle, chargée d'années et d'embonpoint, elle ne le
pouvait faire; qu'elle mourrait contente, si elle n'était point
cause de ma mort. Je lui déclare qu'il n'y avait point de salut pour
moi qu'avec elle; je lui prends la main, et je la force de
m'accompagner : elle le fait avec peine, et se reproche de me
retarder. La cendre commençait à tomber sur nous, quoiqu'en petite
quantité. Je tourne la tête, et j'aperçois derrière nous une épaisse
fumée qui nous suivait, en se répandant sur la terre comme un
torrent. Pendant que nous voyons encore, quittons le grand chemin,
dis-je à ma mère, de peur qu'en le suivant, la foule de ceux qui
marchent sur nos pas ne nous étouffe dans les ténèbres. A peine
étions-nous écartés, qu'elles augmentèrent de telle sorte, qu'on eût
cru être, non pas dans une de ces nuits noires et sans lune, mais
dans une chambre où toutes les lumières auraient été éteintes. Vous
n'eussiez entendu que plaintes de femmes, que gémissements
d'enfants, que cris d'hommes. L'un appelait son père, l'autre son
fils, l'autre sa femme; ils ne se reconnaissent qu'a la voix.
Celui-là déplorait son malheur, celui-ci le sort de ses proches. Il
s'en trouvait à qui la crainte de la mort faisait invoquer la mort
même. Plusieurs imploraient le secours des dieux; plusieurs
croyaient qu'il n'y en avait plus, et comptaient que cette nuit
était la dernière et l'éternelle nuit, dans laquelle le monde devait
être enseveli. On ne manquait pas même de gens qui augmentaient la
crainte raisonnable et juste, par des terreurs imaginaires et
chimériques. Ils disaient qu'à Misène ceci était tombé, que cela
brûlait; et la frayeur donnait du poids à leurs mensonges. Il parut
une lueur qui nous annonçait, non le retour du jour, mais l'approche
du feu qui nous menaçait; il s'arrêta pourtant loin de nous.
L'obscurité revient, et la pluie de cendres recommence, et plus
forte et plus épaisse. :Nous étions réduits à nous lever de temps eu
temps, pour secouer nos habits ; et, sans cela, elle nous eût
accablés et engloutis. Je pourrais me vanter qu'au milieu de si
affreux dangers, il ne m'échappa ni plainte, ni faiblesse; mais
j'étais soutenu par cette consolation peu raisonnable, quoique
naturelle à l'homme, de croire que tout l'univers périssait avec
moi. Enfin, cette épaisse et noire vapeur se dissipa peu à peu,et se
perdit tout à fait, comme une fumée ou comme un nuage. Bientôt après
parut le jour, et le soleil même, jaunâtre pourtant, et tel qu'il a
coutume de luire dans une éclipse. Tout se montrait changé à nos
yeux, troublés encore ; et nous ne trouvions rien qui ne fût caché
sous des monceaux de cendre, comme sous de la neige. On retourne à
Misène. Chacun s'y rétablit de son mieux : et nous y passons une
nuit entre la crainte et l'espérance, mais où la crainte eut la
meilleure part ; car le tremblement de terre continuait. On ne
voyait que gens effrayés, entretenir leur crainte et celle des
autres par de sinistres prédictions. Il ne nous vint pourtant aucune
pensée de nous retirer, jusqu'à ce que nous eussions eu des
nouvelles de mon oncle, quoique nous fussions encore dans l'attente
d'un péril si effroyable, et que nous avions vu de si près. Vous ne
lirez pas ceci pour l'écrire, car il ne mérite pas d'entrer dans
votre histoire; et vous n'imputerez qu'à vous-même, qui l'avez
exigé, si vous n'y trouvez rien qui soit digne même d'une lettre.
Adieu. |
VI, 20
C. Plinius Tacito suo s.
1
Ais te adductum litteris quas exigenti tibi de morte avunculi mei
scripsi, cupere cognoscere, quos ego Miseni relictus (id enim
ingressus abruperam) non solum metus verum etiam casus pertulerim.
‘Quamquam animus meminisse horret, ...
incipiam.’
2
Profecto avunculo ipse reliquum tempus studiis (ideo enim
remanseram) impendi; mox balineum cena somnus inquietus et brevis.
3 Praecesserat per multos dies tremor terrae, minus
formidolosus quia Campaniae solitus; illa vero nocte ita invaluit,
ut non moveri omnia sed verti crederentur. 4 Irrupit
cubiculum meum mater; surgebam invicem, si quiesceret excitaturus.
Resedimus in area domus, quae mare a tectis modico spatio dividebat.
5 Dubito, constantiam vocare an imprudentiam debeam
(agebam enim duodevicensimum annum): posco librum Titi Livi, et
quasi per otium lego atque etiam ut coeperam excerpo. Ecce amicus
avunculi qui nuper ad eum ex Hispania venerat, ut me et matrem
sedentes, me vero etiam legentem videt, illius patientiam
securitatem meam corripit. Nihilo segnius ego intentus in librum.
6
Jam hora diei prima, et adhuc dubius et quasi languidus dies. Jam
quassatis circumjacentibus tectis, quamquam in aperto loco, angusto
tamen, magnus et certus ruinae metus. 7 Tum demum
excedere oppido visum; sequitur vulgus attonitum, quodque in pavore
simile prudentiae, alienum consilium suo praefert, ingentique agmine
abeuntes premit et impellit. 8 Egressi tecta consistimus.
Multa ibi miranda, multas formidines patimur. Nam vehicula quae
produci jusseramus, quamquam in planissimo campo, in contrarias
partes agebantur, ac ne lapidibus quidem fulta in eodem vestigio
quiescebant. 9 Praeterea mare in se resorberi et tremore
terrae quasi repelli videbamus. Certe processerat litus, multaque
animalia maris siccis harenis detinebat. Ab altero latere nubes atra
et horrenda, ignei spiritus tortis vibratisque discursibus rupta, in
longas flammarum figuras dehiscebat; fulguribus illae et similes et
majores erant. 10 Tum vero idem ille ex Hispania amicus
acrius et instantius ‘Si frater’ inquit ‘tuus, tuus avunculus vivit,
vult esse vos salvos; si periit, superstites voluit. Proinde quid
cessatis evadere?’ Respondimus non commissuros nos ut de salute
illius incerti nostrae consuleremus. 11 Non moratus ultra
proripit se effusoque cursu periculo aufertur. Nec multo post illa
nubes descendere in terras, operire maria; cinxerat Capreas et
absconderat, Miseni quod procurrit abstulerat. 12 Tum
mater orare hortari jubere, quoquo modo fugerem; posse enim juvenem,
se et annis et corpore gravem bene morituram, si mihi causa mortis
non fuisset. Ego contra salvum me nisi una non futurum; dein manum
ejus amplexus addere gradum cogo. Paret aegre incusatque se, quod me
moretur.
13
Jam cinis, adhuc tamen rarus. Respicio: densa caligo tergis
imminebat, quae nos torrentis modo infusa terrae sequebatur.
‘Deflectamus’ inquam ‘dum videmus, ne in via strati comitantium
turba in tenebris obteramur.’ 14 Vix consideramus, et nox
non qualis illunis aut nubila, sed qualis in locis clausis lumine
exstincto. Audires ululatus feminarum, infantum quiritatus, clamores
virorum; alii parentes alii liberos alii coniuges vocibus
requirebant, vocibus noscitabant; hi suum casum, illi suorum
miserabantur; erant qui metu mortis mortem precarentur; 15
multi ad deos manus tollere, plures nusquam jam deos ullos
aeternamque illam et novissimam noctem mundo interpretabantur. Nec
defuerunt qui fictis mentitisque terroribus vera pericula augerent.
Aderant qui Miseni illud ruisse illud ardere falso sed credentibus
nuntiabant. 16 Paulum reluxit, quod non dies nobis, sed
adventantis ignis indicium videbatur. Et ignis quidem longius
substitit; tenebrae rursus cinis rursus, multus et gravis. Hunc
identidem assurgentes excutiebamus; operti alioqui atque etiam
oblisi pondere essemus. 17 Possem gloriari non gemitum
mihi, non vocem parum fortem in tantis periculis excidisse, nisi me
cum omnibus, omnia mecum perire misero, magno tamen mortalitatis
solacio credidissem.
18
Tandem illa caligo tenuata quasi in fumum nebulamve discessit; mox
dies verus; sol etiam effulsit, luridus tamen qualis esse cum
deficit solet. Occursabant trepidantibus adhuc oculis mutata omnia
altoque cinere tamquam nive obducta. 19 Regressi Misenum
curatis utcumque corporibus suspensam dubiamque noctem spe ac metu
exegimus. Metus praevalebat; nam et tremor terrae perseverabat, et
plerique lymphati terrificis vaticinationibus et sua et aliena mala
ludificabantur.
20
Nobis tamen ne tunc quidem, quamquam et expertis periculum et
exspectantibus, abeundi consilium, donec de avunculo nuntius.
Haec nequaquam historia digna non
scripturus leges et tibi scilicet qui requisisti imputabis, si digna
ne epistula quidem videbuntur.
Vale. |
LETTRE XXI.
PLINE A CANINIUS.
J'admire les anciens; mais je ne suis pas de ceux qui méprisent les
modernes. Je ne puis croire que la nature, épuisée et devenue
stérile, ne produise plus rien de bon. J'ai donc été entendre
Virginius Romanus, qui a lu à une petite troupe d'amis choisis une
comédie qu'il a faite sur le modèle de l'ancienne ; mais une comédie
si achevée, qu'elle pourra quelque jour servir elle-même de modèle.
Je ne sais si vous le connaissez, quoique vous deviez bien le
connaître. Il est homme distingué par la pureté de ses moeurs, par
la politesse de son esprit, par la variété de ses ouvrages. Il s'est
amusé à composer de petites pièces comiques, en vers ïambes, et qui
ont tant de légèreté, de finesse, de naïveté, qu'on peut dire
qu'elles sont très éloquemment écrites dans leur genre; car il n'est
point de genre qui, porté à un certain degré de perfection, ne soit
susceptible d'une grande éloquence. Il a écrit dans le goût de
Ménandre et des autres poètes de ce temps-là. Vous donnerez place à
ses pièces entre celles de Térence et de Plaute. C'est ici la
première fois qu'il a pris l'air et le style de l'ancienne comédie;
mais on ne devinerait point que ce fût un coup d'essai. Force,
grandeur, délicatesse, sel, douceur, grâce, rien ne lui manque. Il
fait valoir la vertu et décrie le vice. Il est heureux dans le choix
des noms qu'il invente, et il emploie fort à propos les noms
véritables. Il ne pèche qu'en ce qui me regarde, et par un excès de
prévention en ma faveur; mais il est permis aux poètes de mentir. En
un mot, je lui arracherai sa pièce, et je vous l'enverrai pour la
lire, ou plutôt pour l'apprendre; car je suis sûr que vous ne
pourrez plus la quitter, si vous la lisez une fois.
Adieu. |
VI, 21
C. Plinius Caninio suo s.
1
Sum ex iis qui mirer antiquos, non tamen (ut quidam) temporum nostrorum ingenia
despicio. Neque enim quasi lassa et effeta natura nihil jam laudabile parit.
2 Atque adeo nuper audivi Vergilium Romanum paucis legentem comoediam
ad exemplar veteris comoediae scriptam, tam bene ut esse quandoque possit
exemplar. 3 Nescio an noris hominem, quamquam nosse debes; est enim
probitate morum, ingenii elegantia, operum varietate monstrabilis. 4
Scripsit mimiambos tenuiter argute venuste, atque in hoc genere eloquentissime;
nullum est enim genus quod absolutum non possit eloquentissimum dici. Scripsit
comoedias Menandrum aliosque aetatis ejusdem aemulatus; licet has inter
Plautinas Terentianasque numeres. 5 Nunc primum se in vetere
comoedia, sed non tamquam inciperet ostendit. Non illi vis, non granditas, non
subtilitas, non amaritudo, non dulcedo, non lepos defuit: ornavit virtutes,
insectatus est vitia; fictis nominibus decenter, veris usus est apte. 6
Circa me tantum benignitate nimia modum excessit, nisi quod tamen poetis mentiri
licet. 7 In summa extorquebo ei librum legendumque, immo ediscendum
mittam tibi; neque enim dubito futurum, ut non deponas si semel sumpseris.
Vale.
|
LETTRE XXII.
PLINE A TIRON.
Il vient de se passer une chose qui intéresse infiniment et ceux qui
sont destinés au gouvernement des provinces, et ceux qui se livrent
trop aveuglément à leurs amis. Lustricus Bruttianus ayant trouvé
Montanus Atticinus, son lieutenant, chargé de plusieurs crimes, en a
informé l'empereur. Atticinus renchérit sur tout ce qu'il avait
fait, et accuse l'ami que lui-même il avait trompé. Le procès a été
instruit; j'ai été des juges : l'un et l'autre ont plaidé leur
cause, mais d'une manière aussi serrée qu'on a coutume de le faire
dans une récapitulation ; et c'est le moyen le plus court de
découvrir la vérité. Bruttianus représenta son testament, qu'il
disait écrit de la main d'Atticinus. Bien ne pouvait mieux prouver
et l'étroite liaison qui était entre eux, et la nécessité qui
forçait Bruttianus de se plaindre d'un homme qu'il avait tant aimé.
Bruttianus ex-posa les chefs de cette accusation, qui parurent
également honteux et certains. Atticinus, après d'inutiles efforts,
se retira sans avoir pu se laver; on le regarda comme un infâme
pendant qu'il se défendit, et comme un scélérat pendant qu'il
accusa. Il avait corrompu l'esclave du secrétaire de Bruttianus; et
après avoir, par cet artifice, surpris et altéré les registres, il
osait bien porter sa lâcheté jusqu'à se servir contre son ami d'un
crime que lui-même avait commis. On ne peut rien imaginer de plus
sage que ce que fit l'empereur. Sans daigner rien prononcer pour
absoudre Bruttianus, il passa tout d'un coup à Atticinus, le
condamna, et le relégua dans une île. Bruttianus en est sorti
couvert de gloire, non seulement pour son intégrité, à laquelle on a
fait justice, mais encore pour sa fermeté : car après s'être
justifié en très peu de mots, il a vivement soutenu l'accusation
qu'il avait intentée; et, en montrant beaucoup de force, il a fait
voir sa franchise et sa bonté. Je vous écris tout ceci pour vous
avertir que, dans le gouvernement où vous êtes appelé, vous preniez
sur vous le plus que vous pourrez, et que vous ne comptiez pas trop
sur personne; et encore pour vous apprendre que, s'il arrive qu'on
vous trompe (ce que je prie les dieux d'empêcher), vous avez ici une
vengeance prête, dont vous devez pourtant éviter, avec la dernière
attention, d'avoir besoin: car, après tout, il y a encore moins de
douceur à être vengé, que de chagrin à être trompé.
Adieu. |
VI, 22
C. Plinius Tironi suo s.
1
Magna res acta est omnium qui sunt provinciis praefuturi, magna omnium qui se
simpliciter credunt amicis. 2 Lustricius Bruttianus cum Montanium
Atticinum comitem suum in multis flagitiis deprehendisset, Caesari scripsit.
Atticinus flagitiis addidit, ut quem deceperat accusaret. Recepta cognitio est;
fui in consilio. Egit uterque pro se, egit autem carptim et κατὰ κεφάλαιον, quo
genere veritas statim ostenditur. 3 Protulit Bruttianus testamentum
suum, quod Atticini manu scriptum esse dicebat; hoc enim et arcana familiaritas
et querendi de eo, quem sic amasset, necessitas indicabatur. 4
Enumeravit crimina foeda manifesta; quae ille cum diluere non posset, ita
regessit, ut dum defenditur turpis, dum accusat sceleratus probaretur. Corrupto
enim scribae servo interceperat commentarios intercideratque, ac per summum
nefas utebatur adversus amicum crimine suo. 5 Fecit pulcherrime
Caesar: non enim de Bruttiano, sed statim de Atticino perrogavit. Damnatus et in
insulam relegatus; Bruttiano justissimum integritatis testimonium redditum, quem
quidem etiam constantiae gloria secuta est. 6 Nam defensus
expeditissime accusavit vehementer, nec minus acer quam bonus et sincerus
apparuit. 7 Quod tibi scripsi, ut te sortitum provinciam praemonerem,
plurimum tibi credas, nec cuiquam satis fidas, deinde scias si quis forte te
(quod abominor) fallat, paratam ultionem. Qua tamen ne sit opus, etiam atque
etiam attende; 8 neque enim tam jucundum est vindicari quam decipi
miserum.
Vale. |
LETTRE XXIII.
PLINE A TRIARIUS.
Vous me priez, avec les dernières instances, de me charger d'une
cause où vous prenez grand Intérêt, et qui d'ailleurs est belle et
célèbre. Je m'en chargerai; mais il vous en coûtera quelque chose.
Quoi! direz-vous, se peut-il que Pline.... Oui, cela se peut. Vous
demandez quelle en peut être la raison? C'est que j'ai à vous
demander une récompense, qui me fera plus d'honneur qu'une
plaidoirie gratuite. Je fais donc mou marché : j'exige de vous que
Ruson plaide avec moi; c'est ma coutume. J'en ai déjà usé de même
pour plusieurs de nos jeunes gens de condition. J'ai une passion
extrême de pousser au barreau ceux qui s'y veulent avancer, et de
commencer leur réputation. Si j'ai jamais dû ce service à quelqu'un,
c'est plus à mon cher Ruson qu'à un autre. Sa naissance, et son
attachement pour moi, veulent que je regarde comme un grand avantage
de le faire paraître dans les mêmes occasions où je parais, de le
faire plaider les mêmes causes que je plaide. Obligez-moi de bonne
grâce; hâtez-vous de m'obliger avant qu'il plaide ; car dès qu'il
aura plaidé, vous ne pourrez plus que me remercier. Je vous garantis
qu'il répondra parfaitement à vos désirs, à ma confiance, et à la
grandeur de la cause. il a de merveilleux talents; et dès que je
l'aurai produit, il sera bientôt lui-même en état de produire les
autres : car il ne faut pas s'attendre, quelque excellent que soit
le génie d'un homme, qu'il puisse se tirer de la foule et se
distinguer, s'il manque d'occasion, de matière, ou de patron.
Adieu. |
VI, 23
C. Plinius Triario suo s.
1
Impense petis ut agam causam pertinentem ad curam tuam, pulchram alioqui et
famosam. Faciam, sed non gratis. ‘Qui fieri potest’ inquis ‘ut non gratis tu?’
Potest: exigam enim mercedem honestiorem gratuito patrocinio. 2 Peto
atque etiam paciscor ut simul agat Cremutius Ruso. Solitum hoc mihi et jam in
pluribus claris adulescentibus factitatum; nam mire concupisco bonos juvenes
ostendere foro, assignare famae. 3 Quod si cui, praestare Rusoni meo
debeo, vel propter natales ipsius vel propter eximiam mei caritatem; quem magni
aestimo in isdem judiciis, ex isdem etiam partibus conspici audiri. 4
Obliga me, obliga ante quam dicat; nam cum dixerit gratias ages. Spondeo
sollicitudini tuae, spei meae, magnitudini causae suffecturum. Est indolis
optimae brevi producturus alios, si interim provectus fuerit a nobis. 5
Neque enim cuiquam tam clarum statim ingenium ut possit emergere, nisi illi
materia occasio, fautor etiam commendatorque contingat.
Vale. |
LETTRE XXIV.
PLINE A MACER.
Que la différence des personnes en met dans les actions ! La même
action est obscure ou illustre, selon qu'elle part d'une personne
illustre ou obscure. Je me promenais dernièrement, sur le lac de
Côme, avec un vieillard de mes amis. Il me montra une maison, et
même une chambre, qui s'avance sur le lac. De là, me dit-il, une
femme de nos compatriotes se précipita autrefois avec son mari. J'en
demandai le sujet. Depuis longtemps le mari souffrait beaucoup, par
des ulcères dans ces endroits que la pudeur oblige de cacher. Elle
l'engagea de permettre qu'elle examinât son mal, l'assura que
personne ne lui dirait plus sincèrement qu'elle s'il devait espérer
de guérir. Elle ne l'eut pas plutôt vu, qu'elle en désespéra. Elle
l'exhorte à se donner la mort ; elle s'offre de l'accompagner, lui
montre le chemin et l'exemple, et le met dans la nécessité de la
suivre: car, après s'être étroitement liée avec lui, elle se jeta et
l'entraîna dans le lac. C'est ce que je ne viens que d'apprendre,
moi qui suis de la ville : non que cette action soit moins illustre
que celle qu'on a tant vantée dans Arria, mais parce qu'Arria
elle-même est plus illustre que cette femme.
Adieu. |
VI, 24
C. Plinius Macro suo s.
1
Quam multum interest quid a quoque fiat! Eadem enim facta claritate vel
obscuritate facientium aut tolluntur altissime aut humillime deprimuntur. 2
Navigabam per Larium nostrum, cum senior amicus ostendit mihi villam, atque
etiam cubiculum quod in lacum prominet: ‘Ex hoc’ inquit ‘aliquando municeps
nostra cum marito se praecipitavit.’ 3 Causam requisivi. Maritus ex
diutino morbo circa velanda corporis ulceribus putrescebat; uxor ut inspiceret
exegit; neque enim quemquam fidelius indicaturum, possetne sanari. 4
Vidit desperavit hortata est ut moreretur, comesque ipsa mortis, dux immo et
exemplum et necessitas fuit; nam se cum marito ligavit abjecitque in lacum.
5 Quod factum ne mihi quidem, qui municeps, nisi proxime auditum est, non
quia minus illo clarissimo Arriae facto, sed quia minor ipsa.
Vale.
|
LETTRE XXV.
PLINE A HISPANUS.
Vous me mandez que Robustus, chevalier romain de distinction, a été
jusqu'à Ocriculum, en la compagnie d'Attilius Scaurus, mon ami, et
que depuis on n'a plus revu Robustus. Vous me priez de faire venir
ici Scaurus, pour tirer de lui des éclaircissements qui puissent
remettre sur les voies. Je le ferai venir; mais je crains fort que
ce ne soit inutilement. J'appréhende que Robustus n'ait eu la même
aventure qui arriva à Métilius Crispus, mon compatriote. Je lui
avais obtenu de l'emploi dans l'armée; je lui avais même donné à son
départ quarante mille sesterces, pour se monter et s'équiper; et je
n'ai reçu depuis aucune nouvelle, ni de lui, ni de ce qu'il est
devenu. On ne sait s'il a été tué par ses gens, ou avec eux. Tout ce
qu'on sait, c'est que depuis, ni lui, ni aucun d'eux, n'ont paru. Je
souhaite de tout mon coeur qu'il n'en soit pas de même de Robustus.
Cependant prions Scaurus de venir; donnons cela à vos prières, et
aux louables instances d'un fils qui ne montre pas moins de naturel
que d'application dans la recherche qu'il fait de son père. Puissent
les dieux le lui faire retrouver, comme il a retrouvé déjà celui qui
l'accompagnait!
Adieu. |
VI, 25
C. Plinius Hispano suo s.
1
Scribis Robustum, splendidum equitem Romanum, cum Atilio Scauro amico meo
Ocriculum usque commune iter peregisse, deinde nusquam comparuisse; petis ut
Scaurus veniat nosque, si potest, in aliqua inquisitionis vestigia inducat.
2 Veniet; vereor ne frustra. Suspicor enim tale nescio quid Robusto
accidisse quale aliquando Metilio Crispo municipi meo. 3 Huic ego
ordinem impetraveram atque etiam proficiscenti quadraginta milia nummum ad
instruendum se ornandumque donaveram, nec postea aut epistulas ejus aut aliquem
de exitu nuntium accepi. 4 Interceptusne sit a suis an cum suis
dubium: certe non ipse, non quisquam ex servis ejus apparuit, ut ne Robusti
quidem. 5 Experiamur tamen, accersamus Scaurum; demus hoc tuis, demus
optimi adulescentis honestissimis precibus, qui pietate mira mira etiam
sagacitate patrem quaerit. Di faveant ut sic inveniat ipsum, quemadmodum jam cum
quo fuisset invenit!
Vale. |
LETTRE XXVI.
PLINE A SERVIANUS.
Je suis ravi, et je me réjouis avec vous, de ce que vous mariez
votre fille à Fuscus Salinator. Il descend de sénateurs; son père
est un des plus honnêtes hommes du monde, et sa mère n'a pas moins
de mérite : pour lui, il est fort appliqué à !"étude, très versé
dans les belles-lettres, et me me éloquent; il a la simplicité d'un
enfant, l'enjouement d'un jeune homme, la sagesse d'un vieillard ;
et ma tendresse pour lui ne m'impose point. A la vérité, je l'aime
sans mesure, tant il a su m'y engager et par les soins qu'il a pris
de me plaire, et par son attachement; mais mon amitié n'est point
aveugle. J'en juge d'autant mieux que je l'aime davantage. C'est
pour le connaître à fond que je vous garantis en lui un gendre tel,
qu'il ne vous serait pas possible d'en choisir un plus accompli,
quand vous pourriez vous le donner au gré de vos désirs. Il ne lui
reste qu'à vous faire bientôt aïeul d'un petit-fils qui lui
ressemble. Qu'heureux sera pour moi ce temps où je pourrai prendre
d'entre vos bras ses enfants et vos petits-enfants, pour les tenir
dans les miens avec la même tendresse que s'ils étaient à moi!
Adieu. |
VI, 26
C. Plinius Serviano suo s.
1
Gaudeo et gratulor, quod Fusco Salinatori filiam tuam destinasti. Domus
patricia, pater honestissimus, mater pari laude; ipse studiosus litteratus etiam
disertus, puer simplicitate comitate juvenis senex gravitate. Neque enim amore
decipior. 2 Amo quidem effuse (ita officiis ita reverentia meruit),
judico tamen, et quidem tanto acrius quanto magis amo; tibique ut qui
exploraverim spondeo, habiturum te generum quo melior fingi ne voto quidem
potuit. 3 Superest ut avum te quam maturissime similium sui faciat.
Quam felix tempus illud, quo mihi liberos illius nepotes tuos, ut meos vel
liberos vel nepotes, ex vestro sinu sumere et quasi pari jure tenere continget!
Vale. |
LETTRE XXVII.
PLINE A SEVERE.
Vous me priez d'examiner quels honneurs vous pourriez décerner à
l'empereur lorsque vous prendrez possession du consulat. Il est
aussi aisé de trouver, que difficile de bien choisir ; car ses
vertus fournissent une ample matière. Je vous dirai pourtant ce que
je pense, après vous avoir expliqué le sujet de mon embarras. Je ne
sais si je vous dois donner le conseil que je pris pour moi quand je
fus nommé consul. Je crus que je devais m'abstenir de cette sorte de
flatterie, qui certainement n'en était pas une dans cette occasion,
mais qui en pouvait avoir l'apparence; et cela, je ne le fis pas en
homme qui se piquait d'être libre et hardi, mais en homme qui
paraissait connaître le prince, et savoir que la louange qu'il
méritait le plus, c'était de n'en exiger aucune. Je me souvenais que
l'on avait profané les plus grands honneurs en les décernant aux
plus méchants princes, et qu'on ne pouvait mieux distinguer le nôtre
qu'en ne le traitant pas comme eux. Ce que je pensais, je le dis
ouvertement, de peur que mon silence ne passât pour oubli plutôt que
pour discrétion. Voilà ce que je trouvai alors de plus à propos;
mais les mêmes choses ne plaisent pas et ne conviennent pas à tout
le monde. D'ailleurs, les raisons de prendre un parti plutôt que
l'autre dépendent du caractère des hommes, de la situation des
affaires et des circonstances du temps; car les nouveaux exploits de
notre prince donnent occasion de lui déférer des honneurs aussi
grands que justes et nouveaux. C'est pourquoi je finis où j'ai
commencé. Je ne sais si je dois vous conseiller ce que j'ai fait;
mais je sais bien que j'ai dû faire entrer dans vos vues ce que j'ai
suivi moi-même.
Adieu. |
VI, 27
C. Plinius Severo suo s.
1
Rogas ut cogitem, quid designatus consul in honorem principis censeas. Facilis
inventio, non facilis electio; est enim ex virtutibus ejus larga materia.
Scribam tamen vel (quod malo) coram indicabo, si prius haesitationem meam
ostendero. 2 Dubito num idem tibi suadere quod mihi debeam.
Designatus ego consul omni hac, etsi non adulatione, specie tamen adulationis
abstinui, non tamquam liber et constans, sed tamquam intellegens principis
nostri, cujus videbam hanc esse praecipuam laudem, si nihil quasi ex necessitate
decernerem. 3 Recordabar etiam plurimos honores pessimo cuique
delatos, quibus hic optimus separari non alio magis poterat, quam diversitate
censendi; quod ipsum non dissimulatione et silentio praeterii, ne forte non
judicium illud meum sed oblivio videretur. 4 Hoc tunc ego; sed non
omnibus eadem placent, ne conveniunt quidem. Praeterea faciendi aliquid non
faciendive ratio cum hominum ipsorum tum rerum etiam ac temporum condicione
mutatur. 5 Nam recentia opera maximi principis praebent facultatem,
nova magna vera censendi. Quibus ex causis, ut supra scripsi, dubito an idem
nunc tibi quod tunc mihi suadeam. Illud non dubito, debuisse me in parte
consilii tui ponere, quid ipse fecissem.
Vale. |
LETTRE XXVIII.
PLINE A PONTIUS.
Je sais les raisons qui vous ont empêché d'arriver plus tôt que moi
dans la Campanie; mais, tout absent que vous êtes, je vous y ai
trouvé tout entier, tant vos gens m'ont accablé de toutes les
provisions que peuvent fournir la ville et la campagne. Moi, en
homme grossier, j'ai tout pris. D'un côté, ils m'en pressaient très
fort ; de l'autre, je craignais que si j'en usais autrement, vous ne
fussiez fâché et contre eux et contre moi. Une autre fois mettez des
bornes à votre profusion, si vous ne voulez que j'y en mette
moi-même. J'ai par avance averti vos domestiques que si jamais ils
m'apportaient tant de choses, ils remporteraient tout. Vous me direz
que je ne dois pas user de mon propre bien plus librement que du
vôtre. Non; mais je ne dois pas aussi ménager le vôtre moins que le
mien.
Adieu. |
VI, 28
C. Plinius Pontio suo s.
1
Scio quae tibi causa fuerit impedimento, quominus praecurrere adventum meum in
Campaniam posses. Sed quamquam absens totus huc migrasti: tantum mihi copiarum
qua urbanarum qua rusticarum nomine tuo oblatum est, quas omnes improbe, accepi
tamen. 2 Nam me tui ut ita facerem rogabant, et verebar ne et mihi et
illis irascereris, si non fecissem. In posterum nisi adhibueritis modum ego
adhibebo; et jam tuis denuntiavi, si rursus tam multa attulissent, omnia
relaturos. 3 Dices oportere me tuis rebus ut meis uti. Etiam: sed
perinde illis ac meis parco.
Vale. |
LETTRE XXIX.
PLINE A QUADRATUS.
Avidius Quiétus, qui m'aimait tendrement, et (ce qui ne me plaît pas
moins) qui m'honorait de son estime, me racontait, entre plusieurs
autres choses qu'il avait retenues de Thraséas, dont il avait été
ami, que ce grand homme avait coutume de dire qu'on devait se
charger de trois sortes de causes : de celles de ses amis, de celles
qui manquent de protection, et enfin de celles qui doivent tirer à
conséquence pour l'exemple. Pourquoi des causes de ses amis? Cela
s'entend. Pourquoi des causes destituées de protection? C'est là que
se montrent et la grandeur d'âme et la générosité d'un avocat.
Pourquoi enfin des causes qui tirent à conséquence pour l'exemple?
Parce qu'il importe infiniment à la république qu'il n'en soit
introduit que de bons. J'ajouterai à ces trois genres, et peut-être
en homme qui a de l'ambition, les causes grandes et fameuses : car
il est juste de plaider quelquefois pour sa réputation et pour sa
gloire, c'est-à-dire de plaider sa propre cause. Voilà, puisque vous
m'en demandez mon avis, quelles bornes je voudrais marquer à un
homme de votre rang et de votre modestie. Je n'ignore pas que
l'usage passe pour être le meilleur de tous les maîtres d'éloquence,
et il l'est en effet. Je vois même plusieurs personnes qui, sans
littérature et avec un médiocre génie, à force de plaider, plaident
bien. Mais j'éprouve en moi la vérité de ce que disait Pollion, ou
de ce qu'on lui a fait dire : Plaider aisément, m'a fait plaider
souvent; plaider souvent, m'a fait plaider moins aisément. Le
fréquent usage donne plus de facilité que de justesse, plus de
témérité que de confiance. La faiblesse de la voix, la timidité
naturelle, ont bien pu empêcher Isocrate de paraître en public, mais
non de passer pour un des plus excellents orateurs. Lisez donc,
composez, retouchez, afin d'être en état de parler quand vous le
voudrez, et vous parlerez quand vous le devrez. C'est la règle que
j'ai suivie : j'ai quelquefois obéi à la nécessité, qui tient
elle-même sa place entre les meilleures raisons. J'ai plaidé, par
l'ordre du sénat, des causes qui véritablement sont renfermées dans
la division de Thraséas ; car elles étaient importantes pour
l'exemple. J'ai parlé pour les peuples de la Bétique contre Bébius
Massa. Il s'agissait de savoir si on leur permettrait d'informer ;
cela leur fut accordé. J'ai prêté mon ministère aux mêmes peuples
dans l'accusation qu'ils ont intentée contre Cécilius Classicus. Il
était question d'examiner si les officiers qu'il avait pris dans la
province pourraient être recherchés et punis comme complices de ses
crimes; ils l'ont été. J'ai accusé Marius Priscus, qui prétendait
qu'ayant une fois subi jugement sur la loi du péculat, avec laquelle
l'énormité de ses crimes n'avait aucun rapport, on ne pouvait plus
le juger une seconde fois; il a été relégué. J'ai défendu Julius
Bassus; je fis voir qu'il avait été plus imprudent que méchant: on a
civilisé son procès, et sa place lui a été conservée dans le sénat.
Enfin, j'ai plaidé depuis peu pour Varénus, qui demandait permission
de faire entendre des témoins de sa part; on le lui a permis.
Adieu. |
VI, 29
C. Plinius Quadrato suo s.
1
Avidius Quietus, qui me unice dilexit et (quo non minus gaudeo) probavit, ut
multa alia Thraseae (fuit enim familiaris) ita hoc saepe referebat, praecipere
solitum suscipiendas esse causas aut amicorum aut destitutas aut ad exemplum
pertinentes. 2 Cur amicorum, non eget interpretatione. Cur
destitutas? quod in illis maxime et constantia agentis et humanitas cerneretur.
Cur pertinentes ad exemplum? quia plurimum referret, bonum an malum induceretur.
3 Ad haec ego genera causarum ambitiose fortasse, addam tamen claras
et illustres. Aequum est enim agere non numquam gloriae et famae, id est suam
causam. Hos terminos, quia me consuluisti, dignitati ac verecundiae tuae statuo.
4 Nec me praeterit usum et esse et haberi optimum dicendi magistrum;
video etiam multos parvo ingenio litteris nullis, ut bene agerent agendo
consecutos. 5 Sed et illud, quod vel Pollionis vel tamquam Pollionis
accepi, verissimum experior: ‘Commode agendo factum est ut saepe agerem, saepe
agendo ut minus commode’, quia scilicet assiduitate nimia facilitas magis quam
facultas, nec fiducia sed temeritas paratur. 6 Nec vero Isocrati quo
minus haberetur summus orator offecit, quod infirmitate vocis mollitia frontis
ne in publico diceret impediebatur. Proinde multum lege scribe meditare, ut
possis cum voles dicere: dices cum velle debebis. 7 Hoc fere
temperamentum ipse servavi; non numquam necessitati quae pars rationis est
parui. Egi enim quasdam a senatu jussus, quo tamen in numero fuerunt ex illa
Thraseae divisione, hoc est ad exemplum pertinentes. 8 Adfui Baeticis
contra Baebium Massam: quaesitum est, an danda esset inquisitio; data est. Adfui
rursus isdem querentibus de Caecilio Classico: quaesitum est, an provinciales ut
socios ministrosque proconsulis plecti oporteret; poenas luerunt. 9
Accusavi Marium Priscum, qui lege repetundarum damnatus utebatur clementia
legis, cujus severitatem immanitate criminum excesserat; relegatus est. 10
Tuitus sum Julium Bassum, ut incustoditum nimis et incautum, ita minime malum;
judicibus acceptis in senatu remansit. 11 Dixi proxime pro Vareno
postulante, ut sibi invicem evocare testes liceret; impetratum est. In posterum
opto ut ea potissimum jubear, quae me deceat vel sponte fecisse.
Vale. |
LETTRE XXX.
PLINE A FABATUS.
Nous devons en vérité célébrer le jour de votre naissance comme
celui de la nôtre même, puisque tout le bonheur de nos jours dépend
des vôtres, et que nous vous sommes redevables de notre repos à Rome
et de notre sûreté à Côme. Votre maison de campagne, qui vient de
Camillius, est véritablement fort en désordre et fort caduque : les
principales pièces du bâtiment sont pourtant entières, ou fort peu
endommagées; nous songeons donc à la faire parfaitement rétablir. Je
crois avoir beaucoup d'amis; mais de l'espèce dont vous les
cherchez, et tels que l'affaire présente les demande, je n'en ai
presque pas un seul. Ce sont tous gens de robe, que leurs emplois
attachent à la ville; et cette inspection sur des terres veut un
campagnard endurci à cette sorte de travail, et qui ne trouve ni la
fatigue pénible, ni le soin bas, ni la solitude ennuyeuse. Vous
faites justice à Rufus de songer à lui. Il était ami de votre fils;
j'ignore quels services il pourra nous rendre dans cette occasion;
mais je suis persuadé qu'il nous voudra rendre tous ceux qu'il
pourra.
Adieu. |
VI, 30
C. Plinius Fabato Prosocero suo s.
1
Debemus mehercule natales tuos perinde ac nostros celebrare, cum laetitia
nostrorum ex tuis pendeat, cujus diligentia et cura hic hilares istic securi
sumus. 2 Villa Camilliana, quam in Campania possides, est quidem
vetustate vexata; et tamen, quae sunt pretiosiora, aut integra manent aut
levissime laesa sunt. 3 Attendimus ergo, ut quam saluberrime
reficiantur. Ego videor habere multos amicos, sed hujus generis, cujus et tu
quaeris et res exigit, prope neminem. 4 Sunt enim omnes togati et
urbani; rusticorum autem praediorum administratio poscit durum aliquem et
agrestem, cui nec labor ille gravis nec cura sordida nec tristis solitudo
videatur. 5 Tu de Rufo honestissime cogitas; fuit enim filio tuo
familiaris. Quid tamen nobis ibi praestare possit ignoro, velle plurimum credo.
Vale. |
LETTRE XXXI.
PLINE A CORNÉLIEN.
L'empereur m'a fait l'honneur de m'appeler au conseil qu'il a tenu
en sa maison des Cent Chambres; c'est le nom du lieu. Je ne puis
vous dire combien j'y ai eu de plaisir; car qu'y a-t-il de plus
agréable que de voir à découvert la justice, la majesté,
l'affabilité du prince dans un séjour écarté, où elles se
manifestent davantage? On a jugé différents procès, propres à
exercer de plus d'une manière la sagesse et la capacité du juge.
Claudius Ariston, le premier entre les Éphésiens, homme qui, sans
être intrigant, est bienfaisant et populaire, s'est attiré des
envieux. Un délateur, d'un caractère bien différent, et suscité par
des gens de même espèce, est venu l'accuser. Ariston a été absous et
vengé. Le jour suivant, on a jugé Galitta, accusée d'adultère. Après
avoir épousé un colonel qui se disposait à demander les charges à
Rome, elle avait déshonoré le rang de son mari et le sien, par le
commerce qu'elle avait eu avec un centurion. Le mari en avait écrit
au lieutenant du gouverneur, et celui-ci en avait informé le prince,
qui, après avoir pesé toutes les preuves, cassa le centurion, et le
relégua. Il restait encore à punir la moitié du crime, qui, de sa
nature, est nécessairement le crime de deux. Mais l'amour retenait
le mari, non sans quelque soupçon de connivence; car il avait gardé
sa femme depuis qu'il l'avait accusée, et comme s'il eût été content
d'avoir éloigné son rival. On l'avertit qu'il devait achever
d'instruire le procès : il le fit malgré lui; mais, malgré lui, il
fallut la condamner aux peines portées par la loi Julia. L'empereur
voulut que, dans le jugement, on fit mention, et du nom du
centurion, et de la discipline militaire, de peur qu'il ne semblât
évoquer à lui toutes les affaires de cette espèce. Le troisième
jour, on examina les codicilles de Tiron, dont il avait été tant et
si diversement parlé, et que l'on soutenait aussi faux dans une
partie qu'ils étaient véritables dans l'autre. Sempronius Sénécion,
chevalier romain, et Eurythmus, affranchi de l'empereur, et l'un de
ses procureurs, étaient accusés. Les héritiers, par une lettre
écrite en commun, avaient supplié le prince, pendant qu'il était à
son expédition contre les Daces, de vouloir bien se réserver la
connaissance de cette affaire; il se l'était réservée. De retour à
Rome, il leur avait donné jour pour les entendre. Quelques-uns des
héritiers ayant voulu, comme par respect, se désister de
l'accusation contre Eurythmus, il dit ce beau mot : Nous ne sommes,
ni lui Polyclète, ni moi Néron. Il avait pourtant accordé un délai
aux accusateurs, après lequel il voulut prononcer. Il parut
seulement deux héritiers, qui demandèrent que tous ensemble ayant
intenté l'accusation, tous fussent obligés de la soutenir, ou qu'il
leur fût permis, comme aux autres, de l'abandonner. L'empereur parla
avec beaucoup de douceur et de majesté; et l'avocat de Sénécion et
d'Eurythmus ayant dit que l'on ne pouvait refuser d'entendre les
accusés, sans les livrer à toute la malignité des soupçons: Ce qui
m'embarrasse, dit-il, ce n'est pas qu'ils y soient livrés; c'est de
m'y voir livré moi-même. Après cela, se tournant vers nous : C'est à
vous, continua-t-il, à me dire ce que nous devons faire : vous
entendez. Ensuite, de l'avis du conseil, il prononça, ou que tous
les héritiers seraient tenus de poursuivre en commun l'accusation,
ou que chacun d'eux serait tenu de justifier les raisons qu'il avait
eues de l'abandonner; sinon qu'il les condamnerait comme
calomniateurs. Vous voyez combien ces jours ont été honnêtement et
utilement employés. Ils étaient mêlés de divertissements très
agréables. Tous les jours l'empereur nous admettait à sa table, très
frugale, par rapport à un si puissant prince. Quelquefois il faisait
jouer des comédies; d'autres fois une partie de la nuit se passait
en conversations charmantes. Le dernier jour, et avant notre départ,
il prit soin (tant sa bonté descend dans le détail) de nous envoyer
à chacun des présents. Pour moi, la majesté qui règne dans ces
jugements, l'honneur d'avoir assisté à ce conseil, la douce et
familière communication du prince, m'ont enchanté; mais je n'ai pas
laissé d'être touché de la beauté du lieu même. La maison, qui est
magnifique, se trouve environnée de vertes campagnes; elle commande
la mer, dont le rivage ouvre, en cet endroit, un très grand port en
forme d'amphithéâtre. Le côté gauche de ce port est soutenu d'un
ouvrage fort solide : on travaille actuellement au côté droit.
Au-devant est une île qui rompt l'impétuosité des flots que les
vents pourraient y pousser avec trop de violence, et qui des deux
côtés assure et facilite l'entrée aux vaisseaux. C'est une merveille
que cette île : on l'élève d'une manière surprenante. De grands
bâtiments transportent en cet endroit des rochers presque entiers :
on en jette continuellement les uns sur les autres, et leur propre
poids, qui les affermit et les lie, en fait une espèce de digue.
Déjà l'île parait à l'entrée du port. Elle brise et jette fort haut
les vagues qui la viennent heurter : cela ne se fait pas sans un
grand bruit, et sans couvrir toute la mer d'écume. On ajoute à ces
rochers des monceaux de pierres qui, par la suite des temps, feront
assez ressembler cet ouvrage à une île naturelle. Ce port
s'appellera du nom de celui qui l'a construit, et il sera infiniment
commode; car c'est une retraite sur une côte qui s'étend fort loin,
et dans laquelle il n'y en avait aucune.
Adieu. |
VI, 31
C. Plinius Corneliano suo s.
1
Evocatus in consilium a Caesare nostro ad Centum Cellas (hoc loco nomen), magnam
cepi voluptatem. 2 Quid enim jucundius quam principis justitiam
gravitatem comitatem in secessu quoque ubi maxime recluduntur inspicere? Fuerunt
variae cognitiones et quae virtutes judicis per plures species experirentur.
3 Dixit causam Claudius Ariston princeps Ephesiorum, homo munificus
et innoxie popularis; inde invidia et a dissimillimis delator immissus, itaque
absolutus vindicatusque est.
4
Sequenti die audita est Gallitta adulterii rea. Nupta haec tribuno militum
honores petituro, et suam et mariti dignitatem centurionis amore maculaverat.
Maritus legato consulari, ille Caesari scripserat. 5 Caesar excussis
probationibus centurionem exauctoravit atque etiam relegavit. Supererat crimini,
quod nisi duorum esse non poterat, reliqua pars ultionis; sed maritum non sine
aliqua reprehensione patientiae amor uxoris retardabat, quam quidem etiam post
delatum adulterium domi habuerat quasi contentus aemulum removisse. 6
Admonitus ut perageret accusationem, peregit invitus. Sed illam damnari etiam
invito accusatore necesse erat: damnata et Juliae legis poenis relicta est.
Caesar et nomen centurionis et commemorationem disciplinae militaris sententiae
adjecit, ne omnes ejus modi causas revocare ad se videretur.
7
Tertio die inducta cognitio est multis sermonibus et vario rumore jactata, Juli
Tironis codicilli, quos ex parte veros esse constabat, ex parte falsi
dicebantur. 8 Substituebantur crimini Sempronius Senecio eques
Romanus et Eurythmus Caesaris libertus et procurator. Heredes, cum Caesar esset
in Dacia, communiter epistula scripta, petierant ut susciperet cognitionem.
9 Susceperat; reversus diem dederat, et cum ex heredibus quidam quasi
reverentia Eurythmi omitterent accusationem, pulcherrime dixerat: ‘Nec ille
Polyclitus est nec ego Nero.’ Indulserat tamen petentibus dilationem, cujus
tempore exacto consederat auditurus. 10 A parte heredum intraverunt
duo omnino; postulaverunt, omnes heredes agere cogerentur, cum detulissent
omnes, aut sibi quoque desistere permitteretur. 11 Locutus est Caesar
summa gravitate summa moderatione, cumque advocatus Senecionis et Eurythmi
dixisset suspicionibus relinqui reos, nisi audirentur, ‘Non curo’ inquit ‘an
isti suspicionibus relinquantur, ego relinquor.’ 12 Dein conversus ad
nos: ‘Ἐπιστήσατε, quid facere debeamus; isti enim queri volunt quod sibi
licuerit non accusari.’ Tum ex consilii sententia jussit denuntiari heredibus
omnibus, aut agerent aut singuli approbarent causas non agendi; alioqui se vel
de calumnia pronuntiaturum.
13
Vides quam honesti, quam severi dies; quos jucundissimae remissiones
sequebantur. Adhibebamur cotidie cenae; erat modica, si principem cogitares.
Interdum acroamata audiebamus, interdum jucundissimis sermonibus nox ducebatur.
14 Summo die abeuntibus nobis (tam diligens in Caesare humanitas)
xenia sunt missa. Sed mihi ut gravitas cognitionum, consilii honor, suavitas
simplicitasque convictus, ita locus ipse perjucundus fuit. 15 Villa
pulcherrima cingitur viridissimis agris, imminet litori, cujus in sinu fit cum
maxime portus. Hujus sinistrum brachium firmissimo opere munitum est, dextrum
elaboratur. 16 In ore portus insula assurgit, quae illatum vento mare
objacens frangat, tutumque ab utroque latere decursum navibus praestet. Assurgit
autem arte visenda: ingentia saxa latissima navis provehit contra; haec alia
super alia dejecta ipso pondere manent ac sensim quodam velut aggere
construuntur. 17 Eminet jam et apparet saxeum dorsum impactosque
fluctus in immensum elidit et tollit; vastus illic fragor canumque circa mare.
Saxis deinde pilae adicientur quae procedente tempore enatam insulam imitentur.
Habebit hic portus, et jam habet nomen auctoris, eritque vel maxime salutaris;
nam per longissimum spatium litus importuosum hoc receptaculo utetur.
Vale. |
LETTRE XXXII.
PLINE A QUINTILIEN.
Quoique vous soyez très modeste, et que vous ayez élevé votre fille
dans les vertus convenables à la fille de Quintilien et à la
petite-fille de Tutilius, cependant aujourd'hui qu'elle épouse
Nonius Céler, homme de distinction, et à qui ses emplois et ses
charges imposent une certaine nécessité de vivre dans l'éclat, il
faut qu'elle règle son train et ses habits sur le rang de son mari.
Ces dehors n'augmentent pas notre dignité, mais ils lui donnent plus
de relief. Je sais que vous êtes très riche des biens de l'âme, et
beaucoup moins de ceux de la fortune que vous ne le devriez être. Je
prends donc sur moi une partie de vos obligations; et, comme un
second père, je donne à notre chère fille cinquante mille sesterces.
Je ne me bornerais pas là, si je n'étais persuadé que la médiocrité
du petit présent pourra seule obtenir de vous que vous le receviez.
Adieu. |
VI, 32
C. Plinius Quintiliano suo s.
1
Quamvis et ipse sis continentissimus, et filiam tuam ita institueris ut decebat
tuam filiam, Tutili neptem, cum tamen sit nuptura honestissimo viro Nonio
Celeri, cui ratio civilium officiorum necessitatem quandam nitoris imponit,
debet secundum condicionem mariti veste comitatu, quibus non quidem
augetur dignitas, ornatur tamen et instruitur. 2 Te porro animo
beatissimum, modicum facultatibus scio. Itaque partem oneris tui mihi vindico,
et tamquam parens alter puellae nostrae confero quinquaginta milia nummum plus
collaturus, nisi a verecundia tua sola mediocritate munusculi impetrari posse
confiderem, ne recusares.
Vale.
|
LETTRE XXXIII.
PLINE A ROMANUS.
Soit que vous composiez, soit que vous lisiez, abandonnez tout pour
prendre mon plaidoyer, comme les Cyclopes pour forger les armes que
Vulcain leur demandait. Pouvais-je plus fièrement débuter? Aussi
s'agit-il du meilleur de mes plaidoyers; car c'est bien assez pour
moi que de combattre avec moi-même. Il a été fait pour Accia
Variola. Le rang de la personne, la singularité de la cause, et la
majesté de l'audience, l'ont rendu célèbre. Cette femme, d'une
naissance illustre, mariée à un homme qui a été préteur, et
déshéritée par un père octogénaire, le onzième jour qu'une folle
passion l'avait engagée dans de secondes noces, revendiquait sa
succession devant les quatre chambres des centumvirs assemblés. Nous
avions cent quatre-vingts juges c'est le nombre que les quatre
chambres renferment. Beaucoup d'avocats de part et d'autre, une
infinité de siéges, et une foule extraordinaire d'auditeurs,
formaient dans la salle de l'audience plusieurs cercles qui
environnaient nos juges de tous côtés. Le tribunal même où ils
étaient assis en était comme assiégé; et les galeries hautes du
palais étaient remplies, les unes de femmes, les autres d'hommes,
qui s'empressaient, ou de regarder, et cela n'était pas difficile ;
ou d'entendre, et cela était moins aisé. Les pères, les
belles-mères, les filles étaient dans une grande attente. Les avis
ont été partagés; car deux chambres ont été pour nous, les deux
autres contre. 'Il est sans doute remarquable et merveilleux qu'une
même cause plaidée par les mêmes avocats, entendue par les mêmes
juges, ait été, dans le même temps, jugée par hasard si diversement,
qu'il semblerait que le hasard ne s'en serait point mêlé. Enfin, la
belle-mère a perdu son procès; elle était instituée héritière pour
un sixième. Subérinus n'a pas eu un meilleur succès, lui qui, après
avoir été déshérité par son propre père, sans avoir jamais osé se
plaindre, avait l'impudence de venir demander la succession du père
d'un autre. Je vous ai fait ce détail, d'abord pour vous apprendre
par cette lettre ce que vous ne pourrez apprendre par mon plaidoyer,
et puis (car je vous avouerai mon artifice) pour vous mettre en état
de lire mon discours avec plus de plaisir, quand vous croirez, en le
lisant, être à l'audience et l'entendre. Tout long qu'il est, je ne
désespère pas qu'il ne vous plaise autant qu'un plus court; car
l'abondance des choses, l'ordre dans lequel elles sont placées, les
courtes narrations dont il est semé, et la variété de l'expression,
semblent le rendre toujours nouveau. Vous y trouverez (je n'aurais
pas le front de le dire à d'autres) des endroits élevés; vous y en
trouverez de véhéments, quelques-uns de secs; car j'ai été obligé de
mêler à cette force et à ce sublime des supputations si détaillées,
qu'on eût dit qu'il n'y eût plus qu'à demander le registre et à
prendre des jetons, et que le tribunal des centumvirs s'était changé
en un tribunal domestique. Nous avons déployé toutes les voiles de
l'indignation, de la colère, de la douleur; et dans une si grande
cause nous avons ménagé, comme en pleine mer, plusieurs vents
différents. En un mot, la plupart de mes amis regardent ce plaidoyer
(je le dirai encore une fois) comme le meilleur que j'aie jamais
fait. C'est mon chef-d'oeuvre, c'est ma harangue pour Ctésiphon.
Personne n'en jugera mieux que vous, qui savez si bien tous mes
autres plaidoyers, qu'il vous sera très facile, en lisant celui-ci,
d'en faire la comparaison.
Adieu. |
VI, 33
C. Plinius Romano suo s.
1
‘Tollite cuncta’ inquit ‘coeptosque auferte labores!’ Seu scribis aliquid seu
legis, tolli auferri jube et accipe orationem meam ut illa arma divinam (num
superbius potui?), re vera ut inter meas pulchram; nam mihi satis est certare
mecum. 2 Est haec pro Attia Viriola, et dignitate personae et exempli
raritate et judicii magnitudine insignis. Nam femina splendide nata, nupta
praetorio viro, exheredata ab octogenario patre intra undecim dies quam illi
novercam amore captus induxerat, quadruplici judicio bona paterna repetebat.
3 Sedebant centum et octoginta judices (tot enim quattuor consiliis
colliguntur), ingens utrimque advocatio et numerosa subsellia, praeterea densa
circumstantium corona latissimum judicium multiplici circulo ambibat. 4
Ad hoc stipatum tribunal, atque etiam ex superiore basilicae parte qua feminae
qua viri et audiendi (quod difficile) et (quod facile) visendi studio
imminebant. Magna exspectatio patrum, magna filiarum, magna etiam novercarum.
5 Secutus est varius eventus; nam duobus consiliis vicimus, totidem
victi sumus. Notabilis prorsus et mira eadem in causa, isdem judicibus, isdem
advocatis, eodem tempore tanta diversitas. 6 Accidit casu, quod non
casus videretur: victa est noverca, ipsa heres ex parte sexta, victus Suburanus,
qui exheredatus a patre singulari impudentia alieni patris bona vindicabat, non
ausus sui petere.
7
Haec tibi exposui, primum ut ex epistula scires, quae ex oratione non poteras,
deinde (nam detegam artes) ut orationem libentius legeres, si non legere tibi
sed interesse judicio videreris; quam, sit licet magna, non despero gratiam
brevissimae impetraturam. 8 Nam et copia rerum et arguta divisione et
narratiunculis pluribus et eloquendi varietate renovatur. Sunt multa (non
auderem nisi tibi dicere) elata, multa pugnacia, multa subtilia. 9
Intervenit enim acribus illis et erectis frequens necessitas computandi ac paene
calculos tabulamque poscendi, ut repente in privati judicii formam centumvirale
vertatur. 10 Dedimus vela indignationi, dedimus irae, dedimus dolori,
et in amplissima causa quasi magno mari pluribus ventis sumus vecti. 11
In summa solent quidam ex contubernalibus nostris existimare hanc orationem
(iterum dicam) ut inter meas ὑπὲρ Κτησιφῶντος esse: an vere, tu facillime
judicabis, qui tam memoriter tenes omnes, ut conferre cum hac dum hanc solam
legis possis.
Vale. |
LETTRE XXXIV.
PLINE A MAXIME.
Vous avez fort bien fait de promettre un combat de gladiateurs au
peuple de Vérone, qui depuis longtemps vous aime, vous honore et
vous respecte. Vous deviez à la mémoire d'une femme qui vous était
chère, que vous estimiez, et que vous avez prise en cette ville,
quelque monument public, ou quelque spectacle: Et quel autre
spectacle pouviez-vous choisir, qui fût plus convenable à des
funérailles? D'ailleurs, on vous le demandait si unanimement, qu'il
y aurait eu plus de dureté que de gravité à le refuser. Ce qui
relève le plus votre présent, c'est que vous vous en soyez acquitté
de si bonne grâce et avec tant de magnificence; car la noblesse de
l'âme parait même dans ces choses. J'aurais fort souhaité que les
panthères, que vous aviez achetées en Afrique, fussent arrivées à
point nommé. Mais quoique la tempête, qui les a retenues, les ait
fait manquer à la fête, vous méritez pourtant qu'on vous en ait
toute l'obligation, puisqu'il n'a pas tenu à vous qu'elles n'y aient
paru.
Adieu. |
VI, 34
C. Plinius Maximo suo s.
1
Recte fecisti quod gladiatorium munus Veronensibus nostris promisisti, a quibus
olim amaris suspiceris ornaris. Inde etiam uxorem carissimam tibi et
probatissimam habuisti, cujus memoriae aut opus aliquod aut spectaculum atque
hoc potissimum, quod maxime funeri, debebatur. 2 Praeterea tanto
consensu rogabaris, ut negare non constans, sed durum videretur. Illud quoque
egregie, quod tam facilis tam liberalis in edendo fuisti; nam per haec etiam
magnus animus ostenditur. 3 Vellem Africanae, quas coemeras plurimas,
ad praefinitum diem occurrissent: sed licet cessaverint illae tempestate
detentae, tu tamen meruisti ut acceptum tibi fieret, quod quo minus exhiberes,
non per te stetit.
Vale.
|
NOTES SUR LES LETTRES DE PLINE.
LIVRE VI
Lett. 2. Quod oculum modo dextrum, modo sinistrum.
Le texte ajoute qu'il se frottait l'oeil droit quand il plaidait pour le
demandeur; l'oeil gauche, quand il parlait pour le défenseur; et que, suivant
cette règle, il transportait de l'un à l'autre sourcil le bandeau blanc dont il
le cachait. Mais j'ai cru que ce détail présentait une image peu agréable aux
lecteurs , et je donne celte note à la fidélité que je dois à l'auteur. (D. S.)
Binas vel singulas clepsydras. De Sacy a traduit : une ou deux heures. La
clepsydre ne représentait pas exactement la durée d'une heure : c'était un peu
plus ou un peu moins.
Lett. 4. Calpurniae suae. Calpurnie, seconde femme de Pline. Elle était
fille de Pompéia Célérina. On prétend que Pline était âgé de 36 ans lorsqu'il
l'épousa.
Voluptates regionisque abundantiam. Le texte ne dit pas en quoi
consistait celte abondance, mais on ne peut guère l'entendre que du gibier et
des fruits. (D. S.)
Lett. 5. Jubentius Celsus. Célèbre jurisconsulte sous Adrien. Il fut deux
fois consul.
Ut in ludicro aliqua precabantur. Dans les combats de gladiateurs, le
peuple demandait quelquefois grâce pour l'un des combattants. (D. S.)
Lett. 8. Prisco suo. On croit que c'est Nesiatius Priscus, consul sous
Trajan. C'était un jurisronsulte célèbre. Adrien en fit un de ses conseillers.
Οὔτις ἐμεῦ ζῶντος, etc. Nullus, me vivente et super terram lucem intuente, tibi
cavas apud naves manus afferet. Il. I, 88. (D. S.)
Lett. 10. Hic situs est Rufus, etc. Virginius Rufus commandait les
légions de Germanie. Ses soldats voulurent le forcer à accepter l'empire, qu'il
refusa. Il leur résista au péril de sa vie.
Lett. 11. Adhibitus in consilium. Dans les affaires difficiles le juge
prenait des assesseurs, comme font aujourd'hui les magistrats lorsqu'ils ne sont
pas en nombre.
Os latinum. D'autres éditions portent os planum; ce qui a été
traduit par une prononciation nette, au lieu de un langage pur, connue le dit de
Sacy, d'après la leçon qu'il a adoptée, et qu'il a eu raison de suivre, à notre
avis. Le vox virilis, à la suite de cet os planum, pris dans le
sens de une prononciation nette, est une sorte de redondance, tandis que l'os
latinum exprime une qualité toute particulière, et si nécessaire à
l'orateur, que Pline n'a pas dû l'oublier dans l'éloge qu'il fait de ces deux
jeunes gens.
Lett. 15. Javolenus Priscus. Jabolenus, suivant quelques uns;
jurisconsulte célèbre, du temps de Trajan. Son nom est cité avec éloge dans les
Pandectes. Il avait été préteur, et chargé du gouvernement de l'Afrique et de la
Syrie.
Stabiis. Stable, ville de la Campanie, détruite pendant la guerre
sociale.
Et statim concidit. Suétone raconte cette mort différemment; voici la
version : Quum Misenensi classi preaesset, et flagrante Vesuvio, ad
explorandas propius causas liburnica pertendisset, neque adversantibus ventis
remeare posset, vi pulveris ac favillae oppressus est : vel, ut quidam
existimant, a servo suo occisus , quem deficiens aestu, ut necem sibi maturaret,
oraverat.
Lett. 21. Scripsit mimiambos. Les mimiambes, petites pièces comiques qui
se rapprochaient de nos vaudevilles.
Lett. 25. Ocriculum. Aujourd'hui Otricoli.
Lett. 27. Nam recentia opera maxima principis. Les dernières victoires
remportées sur les Daces par Trajan, l'an 106.
Lett. 31. Ad centum cellas. Le palais des cent chambres. Ce palais était
construit sur l'emplacement occupé aujourd'hui par la petite ville de
Cività-Vecchia.
Damnata Julia legis. La loi Julia, destinée à réprimer la corruption des
moeurs. D'après cette loi, une femme convaincue d'adultère était reléguée dans
une ile. La moitié de sa dot était confisquée, et on la privait du tiers de son
bien.
Lett. 31. Nec ille Polycletus. Polyclète, affranchi de Néron, et l'un des
compagnons de ses débauches.
Ἀκροάματα. Festivae auditiones. (D. S.)
Lett. 33. Tollite cuncta, inquit, etc. Eneid. VIII, 439. (D. S.)
Revera, ut inter meas, pulchram. C'est de ce plaidoyer que Sidonius
Apollinaris, dans sa lettre à Rusticus, dit que Pline remporta plus de gloire
que de son panégyrique de Trajan. (D. S.)
Lett. 33. Ὡς ὑπὲρ Κτησιφῶντος. Harangue de Démosthène estimée la plus belle. (D.
S.)
Lett. 34. Veronensibus nostris. Pline l'ancien était né à Vérone, ce qui
explique le nostris.
Africanae quas coemeras. Pantherae, quas Africanas vocari solitas testis
est Plinius major, VIII, c. 18 (D. S.)
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