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PLINE LE JEUNE

 

LIVRE DEUXIÈME.

 

LETTRE I.

PLINE A VOCONIUS ROMANUS.

La pompe funèbre de Virginius Rufus, également distingué par son mérite et par sa fortune, vient de donner aux Romains un spectacle des plus beaux et des plus mémorables qu'ils aient eus depuis longtemps. Il a joui trente années de sa gloire; il a eu le plaisir de lire des poèmes et des histoires à sa louange, et de se voir revivre avant que de mourir. Trois fois consul, il se vit élevé au plus haut rang où pouvait monter un particulier qui n'avait pas voulu être souverain. Suspect ou même odieux par ses vertus aux empereurs, il s'était sauvé de leur jalousie et de leur haine; et mourant, il n'eut la satisfaction de laisser la république entre les mains du meilleur de tous les princes, et qui d'ailleurs l'honorait d'une amitié particulière. Il semble que les destins eussent réservé un si grand empereur pour faire les honneurs des funérailles d'un si grand homme. Il a vécu quatre-vingt-trois ans, toujours heureux, toujours admiré. Sa santé fut parfaite; et il n'eut d'autre incommodité qu'un tremblement de mains, sans aucune douleur. Il est vrai que sa mort a été longue et douloureuse; mais cela même n'a fait que rehausser sa gloire. Comme il exerçait sa voix pour se préparer à remercier publiquement l'empereur du consulat où il l'avait élevé, un livre assez grand, qu'il tenait, échappe par son propre poids à un homme de cet âge, et qui était debout. Il veut le retenir, et se presse de le ramasser; le plancher était glissant, le pied lui manque : il tombe, et se rompt une cuisse. Elle fut si mal remise, que les os ne purent reprendre, la vieillesse s'opposant aux efforts de la nature. Les obsèques de ce grand homme répandent un nouvel éclat sur l'empereur, sur notre siècle, sur le barreau même. Corneille Tacite, consul, a prononcé son éloge. La fortune, toujours fidèle à Virginius, gardait pour dernière grâce un tel orateur à de telles vertus. Quoiqu'il soit mort chargé d'années, comblé d'honneurs, même de ceux qu'il a refusés, nous n'en devons pas moins regretter ce modèle des anciennes moeurs. Mais personne ne le doit plus que moi, qui ne l'aimais, qui ne l'admirais pas moins dans le commerce familier que dans les emplois publics. Nous étions originaires du même pays; nous étions nés dans des villes voisines l'une de l'autre; nos terres se touchaient. Il m'avait été laissé pour tuteur, et avait eu pour moi la tendresse d'un père. Je n'ai point obtenu de charge qu'il ne l'ait briguée publiquement pour moi, et qu'il n'ait accouru du fond de sa retraite pour m'appuyer de sa présence et de son crédit, quoique depuis longtemps il eût renoncé à ces sortes de devoirs. Enfin, le jour que les prêtres ont coutume de nommer ceux qu'ils croient les plus dignes du sacerdoce, jamais il ne manqua de me donner son suffrage. Cette vive affection ne se démentit point pendant sa dernière maladie. Dans la crainte d'être élu l'un des cinq commissaires que le sénat a chargés du soin de retrancher les dépenses publiques, il me choisit à l'âge où vous me voyez pour le remplacer, de préférence à tant d'amis et vieux et consulaires. Mais de quelles paroles obligeantes n'accompagne-t-il point cette faveur? Quand j'aurais un fils, dit-il, je vous préférerais encore à lui. Jugez si j'ai raison de verser dans votre sein des larmes que je donne à sa mort, et de les verser comme si je n'avais pas dû m'y attendre : quoiqu'il ne soit peut-être pas trop permis de la pleurer, ou d'appeler mort le passage qu'il a fait d'une vie courte à une vie qui ne finira jamais. Car enfin il vit, et ne cessera plus de vivre; jamais si présent à l'esprit des hommes, jamais plus mêlé dans leurs discours, que depuis qu'il ne paraît plus à leurs yeux. J'avais mille autres choses à vous mander; mais mon esprit ne peut se détacher de Virginius : je ne puis penser qu'à Virginius; son idée me revient sans cesse. Je crois l'entendre, l'entretenir, l'embrasser. Nous avons et nous aurons peut-être encore des citoyens qui sauront atteindre à ses vertus; mais je ne crois pas qu'aucun arrive jamais au comble de sa gloire.

Adieu.

II, 1

C. Plinius Romano suo s.

1 Post aliquot annos insigne atque etiam memorabile populi Romani oculis spectaculum exhibuit publicum funus Vergini Rufi, maximi et clarissimi civis, perinde felicis. 2 Triginta annis gloriae suae supervixit; legit scripta de se carmina, legit historias et posteritati suae interfuit. Perfunctus est tertio consulatu, ut summum fastigium privati hominis impleret, cum principis noluisset. 3 Caesares quibus suspectus atque etiam invisus virtutibus fuerat evasit, reliquit incolumem optimum atque amicissimum, tamquam ad hunc ipsum honorem publici funeris reservatus. 4 Annum tertium et octogensimum excessit in altissima tranquillitate, pari veneratione. Usus est firma valetudine, nisi quod solebant ei manus tremere, citra dolorem tamen. Aditus tantum mortis durior longiorque, sed hic ipse laudabilis. 5 Nam cum vocem praepararet acturus in consulatu principi gratias, liber quem forte acceperat grandiorem, et seni et stanti ipso pondere elapsus est. Hunc dum sequitur colligitque, per leve et lubricum pavimentum fallente vestigio cecidit coxamque fregit, quae parum apte collocata reluctante aetate male coiit.

6 Hujus viri exsequiae magnum ornamentum principi magnum saeculo magnum etiam foro et rostris attulerunt. Laudatus est a consule Cornelio Tacito; nam hic supremus felicitati ejus cumulus accessit, laudator eloquentissimus. 7 Et ille quidem plenus annis abit, plenus honoribus, illis etiam quos recusavit: nobis tamen quaerendus ac desiderandus est ut exemplar aevi prioris, mihi vero praecipue, qui illum non solum publice quantum admirabar tantum diligebam; 8 primum quod utrique eadem regio, municipia finitima, agri etiam possessionesque conjunctae, praeterea quod ille mihi tutor relictus affectum parentis exhibuit. Sic candidatum me suffragio ornavit; sic ad omnes honores meos ex secessibus accucurrit, cum jam pridem ejusmodi officiis renuntiasset; sic illo die quo sacerdotes solent nominare quos dignissimos sacerdotio judicant, me semper nominabat. 9 Quin etiam in hac novissima valetudine, veritus ne forte inter quinqueviros crearetur, qui minuendis publicis sumptibus judicio senatus constituebantur, cum illi tot amici senes consularesque superessent, me hujus aetatis per quem excusaretur elegit, his quidem verbis: ‘Etiam si filium haberem, tibi mandarem.’

10 Quibus ex causis necesse est tamquam immaturam mortem ejus in sinu tuo defleam, si tamen fas est aut flere aut omnino mortem vocare, qua tanti viri mortalitas magis finita quam vita est. 11 Vivit enim vivetque semper, atque etiam latius in memoria hominum et sermone versabitur, postquam ab oculis recessit. 12 Volo tibi multa alia scribere, sed totus animus in hac una contemplatione defixus est. Verginium cogito, Verginium video, Verginium jam vanis imaginibus, recentibus tamen, audio alloquor teneo; cui fortasse cives aliquos virtutibus pares et habemus et habebimus, gloria neminem.

Vale.

LETTRE Il.

PLINE A PAULIN.

Je suis en colère, et tout de bon. Je n'ai pas encore trop bien démêlé si c'est avec raison. Tout ce qu'il y a de certain, c'est que je suis fort en colère. Vous savez que l'amitié est quelquefois injuste, souvent emportée, toujours querelleuse. Mon chagrin est très grand ; peut-être n'est-il pas trop juste : mais je ne me fâche ni plus ni moins que s'il était aussi juste que grand. Quoi! si longtemps sans me donner de vos nouvelles! Je ne sache plus qu'un moyen de m'apaiser, c'est de m'écrire à l'avenir fort souvent et de très longues lettres. Je ne reçois que cette seule excuse. Je traiterai toutes les autres de chansons; je ne me payerai pas de toutes ces défaites. Je n'étais point à Rome, j'étais accablé d'affaires. Car pour l'excuse, j'étais malade, aux dieux ne plaise que vous puissiez vous en servir ! Moi, je me partage ici entre l'étude et la paresse, enfants de l'oisiveté.

II, 2

C. Plinius Paulino suo s.

1 Irascor, nec liquet mihi an debeam, sed irascor. Scis, quam sit amor iniquus interdum, impotens saepe, μικραίτιος semper. Haec tamen causa magna est, nescio an justa; sed ego, tamquam non minus justa quam magna sit, graviter irascor, quod a te tam diu litterae nullae. 2 Exorare me potes uno modo, si nunc saltem plurimas et longissimas miseris. Haec mihi sola excusatio vera, ceterae falsae videbuntur. Non sum auditurus ‘non eram Romae’ vel ‘occupatior eram’; illud enim nec di sinant, ut ‘infirmior’. Ipse ad villam partim studiis partim desidia fruor, quorum utrumque ex otio nascitur.

Vale.

LETTRE III.

PLINE A NEPOS.

La renommée publiait des merveilles d'Iséus avant qu'il parût; et la renommée n'en disait pas encore assez. Rien n'égale la facilité, la variété, la richesse de ses expressions. Jamais il ne se prépare, et il parle toujours en homme préparé. Il se sert de la langue grecque; bien mieux, de l'attique. Ses exordes sont polis, déliés, insinuants, quelquefois nobles et majestueux. Il demande plusieurs sujets de problèmes. Il en laisse le choix aux auditeurs, et prend le parti qu'il leur plaît. Il se lève, il se compose, il commence; tout se trouve sous sa main. Ses pensées sont profondes; les paroles (mais quelles paroles!) les plus propres et les plus choisies semblent courir et voler au-devant de ses pensées. Il paraît, dans ses discours les moins étudiés, qu'il a lu beaucoup, et beaucoup composé. Il entre avec dignité dans son sujet; il narre avec clarté; il presse vivement; il récapitule avec force, et sème partout des fleurs. En un mot, il instruit, il plaît, il remue à ce point qu'on ne saurait dire dans quoi il réussit le mieux. Il ramène sans cesse de courtes réflexions, et des raisonnements si justes et si serrés, que, même la plume à la main, on aurait peine à leur donner plus d'agrément et plus d'énergie. Sa mémoire est un prodige. Il reprend dès le commencement un discours fait sur-le-champ, et n'y manque pas d'un mot. L'étude et l'exercice lui ont acquis ce merveilleux talent. Car ce qu'il fait, ce qu'il entend, ce qu'il dit, tout se rapporte là. Il passe soixante ans, et il s'exerce encore dans les écoles. C'est chez des hommes de son caractère que l'on trouve de la bonté, de la franchise, de la droiture dans toute sa pureté. Nous autres qui passons notre vie dans les contestations réelles et sérieuses, et dans le tumulte du barreau, nous apprenons, même contre notre intention, plus de chicane que nous ne voulons. Les écoles au contraire, où tout n'est que fiction, que fables, ne nous offrent aussi que des sujets où l'imagination se joue, où l'esprit s'amuse innocemment, surtout lorsque l'on est déjà sur l'âge : car quel plaisir plus innocent pour la vieillesse, que ce qui fait le plus doux amusement d'une jeunesse réglée? Je ne crois donc pas seulement Iséus le plus éloquent, mais encore le plus heureux homme du monde; et je vous crois le plus insensible, si vous ne mourez d'envie de le connaître. Quand d'autres affaires, quand l'impatience de me voir ne vous appelleraient pas ici, vous y devriez voler pour l'entendre. N'avez-vous jamais lu qu'un citoyen de Cadix, charmé de la réputation et de la gloire de Tite-Live, vint des extrémités du monde pour le voir, le vit, et s'en retourna? Il faut être sans goût, sans littérature, sans émulation (peu s'en faut que je ne dise sans honneur), pour n'être pas piqué de cette curiosité, la plus agréable, la plus belle, la plus digne d'un honnête homme. Vous me direz peut-être, Je lis ici des ouvrages où l'on ne trouve pas moins d'éloquence. Je le veux ; mais vous les lirez toujours quand il vous plaira : vous ne pourrez pas toujours entendre ce grand homme. Ignorez-vous d'ailleurs que la prononciation fait bien d'autres impressions, et bien plus profondes? Quelque vivacité qu'il y ait dans ce que vous lisez, ne comptez point qu'il pénètre aussi avant que les traits que l'orateur enfonce par le geste, par la voix, et par tous les autres accompagnements de la déclamation, si vous n'êtes homme à traiter de fable ce que l'on raconte d'Eschine. Un jour qu'il lisait à Rhodes la harangue que Démosthène avait faite contre lui, les auditeurs charmés applaudissaient. Que serait-ce donc, s'écria-t-il, si vous aviez entendu cette bête féroce elle-même? Cependant Eschine, selon Démosthène, avait la déclamation très véhémente; et ce même Eschine avouait que Démosthène avait infiniment mieux prononcé que lui. Où tendent tous ces raisonnements? A vous obliger d'entendre Iséus, quand ce ne serait que pour dire que vous l'avez entendu.

Adieu.

II.3

C. Plinius Nepoti suo s.

1 Magna Isaeum fama praecesserat, major inventus est. Summa est facultas copia ubertas; dicit semper ex tempore, sed tamquam diu scripserit. Sermo Graecus, immo Atticus; praefationes tersae graciles dulces, graves interdum et erectae. 2 Poscit controversias plures; electionem auditoribus permittit, saepe etiam partes; surgit amicitur incipit; statim omnia ac paene pariter ad manum, sensus reconditi occursant, verba (sed qualia!) quaesita et exculta. Multa lectio in subitis, multa scriptio elucet. 3 Prohoemiatur apte, narrat aperte, pugnat acriter, colligit fortiter, ornat excelse. Postremo docet delectat afficit; quid maxime, dubites. Crebra ἐνθυμήματα crebri syllogismi, circumscripti et effecti, quod stilo quoque assequi magnum est. Incredibilis memoria: repetit altius quae dixit ex tempore, ne verbo quidem labitur. 4 Ad tantam ἕξιν studio et exercitatione pervenit; nam diebus et noctibus nihil aliud agit nihil audit nihil loquitur. 5 Annum sexagensimum excessit et adhuc scholasticus tantum est: quo genere hominum nihil aut sincerius aut simplicius aut melius. Nos enim, qui in foro verisque litibus terimur, multum malitiae quamvis nolimus addiscimus: 6 schola et auditorium et ficta causa res inermis innoxia est, nec minus felix, senibus praesertim. Nam quid in senectute felicius, quam quod dulcissimum est in juventa? 7 Quare ego Isaeum non disertissimum tantum, verum etiam beatissimum judico. Quem tu nisi cognoscere concupiscis, saxeus ferreusque es. 8 Proinde si non ob alia nosque ipsos, at certe ut hunc audias veni. Numquamne legisti, Gaditanum quendam Titi Livi nomine gloriaque commotum ad visendum eum ab ultimo terrarum orbe venisse, statimque ut viderat abisse? Ἀφιλόκαλον illitteratum iners ac paene etiam turpe est, non putare tanti cognitionem qua nulla est jucundior, nulla pulchrior, nulla denique humanior. 9 Dices: ‘Habeo hic quos legam non minus disertos.’ Etiam; sed legendi semper occasio est, audiendi non semper. Praeterea multo magis, ut vulgo dicitur, viva vox afficit. Nam licet acriora sint quae legas, altius tamen in animo sedent, quae pronuntiatio vultus habitus gestus etiam dicentis affigit; 10 nisi vero falsum putamus illud Aeschinis, qui cum legisset Rhodiis orationem Demosthenis admirantibus cunctis, adjecisse fertur: τί δέ, εἰ αὐτοῦ τοῦ θηρίου ἠκούσατε; et erat Aeschines si Demostheni credimus λαμπροφωνότατος. Fatebatur tamen longe melius eadem illa pronuntiasse ipsum qui pepererat. 11 Quae omnia huc tendunt, ut audias Isaeum, vel ideo tantum ut audieris.

Vale.

 

 

LETTRE IV.

PLINE A CALVINE.

Si votre père avait laissé plusieurs créanciers, ou même un seul à qui il dût plus qu'à moi, vous auriez raison de délibérer si vous accepteriez une succession onéreuse, je ne dis pas à une femme seulement, je dis même à un homme. Mais aujourd'hui j'ai satisfait tous les plus incommodes, ou pour mieux dire les plus pressés. Les liens qui nous unissent m'en faisaient un devoir. Je suis resté seul et le dernier. J'avais déjà contribué cent mille sesterces pour votre dot, outre la somme que votre père promit en quelque façon sur mots bien (car c'était moi proprement qui la devais payer). Ainsi ma conduite passée vous répond de moi. Vous pouvez hardiment épargner à votre père la honte de n'avoir point d'héritier. Mais, pour donner à mes avis toute la vertu que les effets donnent aux paroles, je vous envoie une quittance générale de tout ce que me doit la succession. N'appréhendez point qu'une telle donation me soit à charge; qu'elle ne vous fasse point de peine. Il est vrai, j'ai un bien médiocre : mon rang exige de la dépense; et mon revenu, par la nature de mes terres, est aussi casuel que modique. Ce qui me manque de ce côté-là, je le retrouve dans la frugalité, la source la plus assurée de mes libéralités. Je sais bien pourtant qu'il ne faut pas y puiser jusqu'à la tarir; mais je garde cette précaution pour d'autres que vous. Je suis sûr qu'avec une amie de votre caractère, à quelque excès que je porte mes bienfaits, la raison les justifiera toujours.

Adieu.

II. 4.

C. Plinius Calvinae suae s.

1 Si pluribus pater tuus vel uni cuilibet alii quam mihi debuisset, fuisset fortasse dubitandum, an adires hereditatem etiam viro gravem. 2 Cum vero ego ductus affinitatis officio, dimissis omnibus qui non dico molestiores sed diligentiores erant, creditor solus exstiterim, cumque vivente eo nubenti tibi in dotem centum milia contulerim, praeter eam summam quam pater tuus quasi de meo dixit (erat enim solvenda de meo), magnum habes facilitatis meae pignus, cujus fiducia debes famam defuncti pudoremque suscipere. Ad quod te ne verbis magis quam rebus horter, quidquid mihi pater tuus debuit, acceptum tibi fieri jubebo. 3 Nec est quod verearis ne sit mihi onerosa ista donatio. Sunt quidem omnino nobis modicae facultates, dignitas sumptuosa, reditus propter condicionem agellorum nescio minor an incertior; sed quod cessat ex reditu, frugalitate suppletur, ex qua velut fonte liberalitas nostra decurrit. 4 Quae tamen ita temperanda est, ne nimia profusione inarescat; sed temperanda in aliis, in te vero facile ei ratio constabit, etiamsi modum excesserit.

Vale.

LETTRE V.

PLINE A LUPERCUS.

Je vous envoie une pièce que vous m'avez demandée plus d'une fois, et que je vous ai souvent promise. Vous n'en recevrez pourtant aujourd'hui qu'une partie; l'antre est encore sous la lime. Cependant j'ai cru que je ne ferais pas mal de mettre sous la vôtre ce qui me paraissait déjà de plus achevé. Lisez, je vous prie, avec la même application que j'ai composé. Il n'est encore sorti de mes mains rien qui ait dû m'intéresser davantage. On n'osait à juger dans mes autres discours que de mon zèle et de ma fidélité à remplir mon ministère : ici l'on jugera de l'amour que j'ai pour la patrie. Je ne pouvais manquer d'être long, emporté par le plaisir d'eu relever jusqu'aux moindres avantages, de la justifier des plus petits reproches, et de mettre sa gloire dans tout son jour. Coupez pourtant, taillez à votre gré : car toutes les fois que je fais réflexion sur le dégoût et sur la délicatesse de nos lecteurs, je conçois qu'il est très prudent de donner à un livre jusqu'au mérite du petit volume. Cependant je ne m'abandonne pas si fort à votre sévérité, que je ne lui demande quartier pour les jeux d'esprit qui ont pu m'échapper. Il faut bien donner quelque chose au goût des jeunes gens, surtout lorsque le sujet n'y répugne pas. Dans ces sortes d'ouvrages, il est permis de prêter aux descriptions des lieux qui reviennent souvent, non seulement les ornements de l'histoire, mais peut-être encore les embellissements de la poésie. Que si quelqu'un croit que je me suis sur cela plus égayé que ne le permettait le sérieux de mon sujet, les autres endroits de mon discours demanderont grâce à ce censeur chagrin. J'ai, par la variété de mon style, tâché de satisfaire les différentes inclinations des lecteurs. Ainsi, dans la crainte que l'endroit qui plaît à l'un ne déplaise à l'autre, je me flatte de l'espérance que cette variété même sauvera le corps entier de l'ouvrage. Quand nous sommes à table, nous ne touchons pas à tous les mets : nous louons pourtant tout le repas; et ce qui n'est pas de notre goût ne fait point de tort à ce qui en est. Non que je prétende avoir atteint au degré de perfection dont je parle : je veux seulement vous faire entendre que j'y visais. Peut-être même n'aurai-je pas perdu ma peine, si vous prenez celle de retoucher ce que je vous envoie, et ce que je vous enverrai bientôt. Vous direz qu'il ne vous est pas possible de vous déterminer sans voir toute la pièce. Je l'avoue. Cependant vous vous familiariserez toujours avec ces morceaux, et vous y trouverez quelque endroit qui peut souffrir une critique détachée. Que l'on vous présente une tète, ou quelque autre partie d'une statue, vous ne pourrez pas dire si les proportions sont bien gardées; vous ne laisserez pas de juger si cette partie est parfaite. Et par quel autre motif va-t-on lire de maison en maison les commencements d'un ouvrage, sinon parce que l'on est persuadé qu'ils peuvent avoir leur beauté, indépendamment du reste? Je m'aperçois que le plaisir de vous entretenir m'a mené loin. Je finis. Il sied trop mal à un homme qui blâme même les longues harangues, de faire de longues lettres.

Adieu.

II, 5

C. Plinius Luperco suo s.

1 Actionem et a te frequenter efflagitatam, et a me saepe promissam, exhibui tibi, nondum tamen totam; adhuc enim pars ejus perpolitur. 2 Interim quae absolutiora mihi videbantur, non fuit alienum judicio tuo tradi. His tu rogo intentionem scribentis accommodes. Nihil enim adhuc inter manus habui, cui majorem sollicitudinem praestare deberem. 3 Nam in ceteris actionibus existimationi hominum diligentia tantum et fides nostra, in hac etiam pietas subicietur. Inde et liber crevit, dum ornare patriam et amplificare gaudemus, pariterque et defensioni ejus servimus et gloriae. 4 Tu tamen haec ipsa quantum ratio exegerit reseca. Quotiens enim ad fastidium legentium deliciasque respicio, intellego nobis commendationem et ex ipsa mediocritate libri petendam. 5 Idem tamen qui a te hanc austeritatem exigo, cogor id quod diversum est postulare, ut in plerisque frontem remittas. Sunt enim quaedam adulescentium auribus danda, praesertim si materia non refragetur; nam descriptiones locorum, quae in hoc libro frequentiores erunt, non historice tantum sed prope poetice prosequi fas est. 6 Quod tamen si quis exstiterit, qui putet nos laetius fecisse quam orationis severitas exigat, hujus (ut ita dixerim) tristitiam reliquae partes actionis exorare debebunt. 7 Adnisi certe sumus, ut quamlibet diversa genera lectorum per plures dicendi species teneremus, ac sicut veremur, ne quibusdam pars aliqua secundum suam cujusque naturam non probetur, ita videmur posse confidere, ut universitatem omnibus varietas ipsa commendet. 8 Nam et in ratione conviviorum, quamvis a plerisque cibis singuli temperemus, totam tamen cenam laudare omnes solemus, nec ea quae stomachus noster recusat, adimunt gratiam illis quibus capitur. 9 Atque haec ego sic accipi volo, non tamquam assecutum esse me credam, sed tamquam assequi laboraverim, fortasse non frustra, si modo tu curam tuam admoveris interim istis, mox iis quae sequuntur. 10 Dices te non posse satis diligenter id facere, nisi prius totam actionem cognoveris: fateor. In praesentia tamen et ista tibi familiariora fient, et quaedam ex his talia erunt ut per partes emendari possint. 11 Etenim, si avulsum statuae caput aut membrum aliquod inspiceres, non tu quidem ex illo posses congruentiam aequalitatemque deprendere, posses tamen judicare, an id ipsum satis elegans esset; 12 nec alia ex causa principiorum libri circumferuntur, quam quia existimatur pars aliqua etiam sine ceteris esse perfecta.

13 Longius me provexit dulcedo quaedam tecum loquendi; sed jam finem faciam ne modum, quem etiam orationi adhibendum puto, in epistula excedam.

Vale.

LETTRE VI.

PLINE A AVITUS.

Il faudrait reprendre trop loin une histoire d'ailleurs inutile, pour vous dire comment, malgré mon humeur réservée, je me suis trouvé à souper chez un homme, selon lui, magnifique et économe; selon moi, somptueux et mesquin tout à la fois. On servait pour lui et pour un petit nombre de conviés des mets excellents : l'on ne servait pour les autres que des viandes communes et de mauvais ragoûts. Il y avait trois sortes de vins dans de petites bouteilles différentes; non pas pour eu laisser le choix, mais pour l'ôter. Le premier était pour la bouche du maître de la maison, et pour nous qui étions aux premières places. Le second, pour les amis du second rang (car il aime par étage). Le dernier, pour ses affranchis et pour les nôtres. Quelqu'un qui se trouva près de moi me demanda si j'approuvais l'ordonnance de ce repas. Je lui répondis que non. Et comment donc en usez-vous? dit-il. Je fais servir également tout le monde; car j'assemble mes amis pour les régaler, non pour les offenser par des distinctions injurieuses. La différence du service ne distingue point ceux que ma table égale. Quoi! reprit-il, traitez-vous de même les affranchis? Pourquoi non? Dans ce moment je ne vois point en eux d'affranchis, je n'y vois plus que des convives. Cela vous coûte beaucoup? ajouta-t-il. Point du tout. Quel secret avez-vous donc? Quel secret? C'est que mes affranchis ne boivent pas le même vin que moi, et que je bois le même vin que mes affranchis. Refusez à l'excessive délicatesse ce qu'elle vous demande, et il ne vous coûtera plus rien de traiter les autres comme vous. Il ne faut prendre que sur ce raffinement de bonne chère, et lui ôter ce qu'il a de trop. Une économie réglée par notre tempérance aura toujours meilleure grâce que celle qui sera fondée sur le mépris que nous faisons des autres. A quoi tend ce discours? A instruire un jeune homme bien né comme vous, à le préserver d'une sorte de profusion énorme, et d'autant plus dangereuse qu'elle se pare des dehors de l'économie. L'amitié que je vous ai vouée exige de moi que, toutes les fois qu'en mon chemin je rencontre quelque chose de semblable, je m'en serve pour vous avertir de ce qu'il faut éviter. N'oubliez 'donc jamais que l'on ne peut avoir trop d'horreur de ce monstrueux mélange d'avarice et de prodigalité; et que si un seul de ces vices suffit pour ternir la réputation de quelqu'un, celui qui les rassemble se déshonore infiniment davantage.

Adieu.

II, 6

C. Plinius Avito suo s.

1 Longum est altius repetere nec refert, quemadmodum acciderit, ut homo minime familiaris cenarem apud quendam, ut sibi videbatur, lautum et diligentem, ut mihi, sordidum simul et sumptuosum. 2 Nam sibi et paucis opima quaedam, ceteris vilia et minuta ponebat. Vinum etiam parvolis lagunculis in tria genera discripserat, non ut potestas eligendi, sed ne jus esset recusandi, aliud sibi et nobis, aliud minoribus amicis (nam gradatim amicos habet), aliud suis nostrisque libertis. 3 Animadvertit qui mihi proximus recumbebat, et an probarem interrogavit. Negavi. ‘Tu ergo’ inquit ‘quam consuetudinem sequeris?’ ‘Eadem omnibus pono; ad cenam enim, non ad notam invito cunctisque rebus exaequo, quos mensa et toro aequavi.’ 4 ‘Etiamne libertos?’ ‘Etiam; convictores enim tunc, non libertos puto.’ Et ille: ‘Magno tibi constat.’ ‘Minime.’ ‘Qui fieri potest?’ ‘Quia scilicet liberti mei non idem quod ego bibunt, sed idem ego quod liberti.’ 5 Et hercule si gulae temperes, non est onerosum quo utaris ipse communicare cum pluribus. Illa ergo reprimenda, illa quasi in ordinem redigenda est, si sumptibus parcas, quibus aliquanto rectius tua continentia quam aliena contumelia consulas.

6 Quorsus haec? ne tibi, optimae indolis juveni, quorundam in mensa luxuria specie frugalitatis imponat. Convenit autem amori in te meo, quotiens tale aliquid inciderit, sub exemplo praemonere, quid debeas fugere. 7 Igitur memento nihil magis esse vitandum quam istam luxuriae et sordium novam societatem; quae cum sint turpissima discreta ac separata, turpius junguntur.

Vale.

LETTRE VII.

PLINE A MACRIN.

Hier le sénat, sur la proposition qu'en fit l'empereur, ordonna qu'il serait élevé une statue triomphale à Vestricius Spurinna ; non pas comme à tant d'autres qui ne se sont jamais trouvés à une bataille, qui n'ont jamais vu de camp, et qui n'ont jamais entendu la trompette qu'au milieu des spectacles; mais comme à ceux pour qui leurs travaux, leurs exploits et leur sang la demandent. Spurinna, à la tête d'une armée, a rétabli le roi des Bructères dans ses États; et, ce qui est de toutes les victoires la plus glorieuse, il n'a fait que paraître, pour dompter, par la terreur de ses armes, une nation très belliqueuse. Mais au même temps que l'on a récompensé le héros, on a pris soin de consoler le père. Spurinna, en son absence, a perdu son fils Cottius, à qui l'on a aussi décerné une statue; distinction rarement accordée à un homme de cet âge. Les services du père l'avaient bien méritée : outre qu'une si grande plaie demandait un tel appareil. L'heureux naturel de Cottius faisait, déjà voir tant de vertus, que l'on ne pouvait prendre trop de soin d'immortaliser en quelque sorte une vie si précieuse, mais si courte. La pureté de ses moeurs, soutenue d'un extérieur grave, imprimait tant de respect, qu'il ne l'eût point cédé aux vieillards, à qui ce nouvel honneur l'a justement égalé. Cet honneur, si je ne me trompe, ne se bornera pas à la consolation du père et à la gloire du fils; il va faire naître une nouvelle émulation dans tous les coeurs. Les jeunes gens, animés par l'espérance du même prix, vont se distinguer à l'envi dans l'exercice des vertus. Les gens de qualité s'empresseront d'élever des enfants, ou pour revivre en eux, s'ils les conservent, ou pour être si glorieusement consolés, s'ils les perdent. Voilà ce qui m'engage à me réjouir avec le public, et plus encore avec moi-même, de la statue dressée à Cottius. J'aimais ce jeune homme si accompli ; et je l'aimais avec une ardeur qui n'a rien d'égal que le regret que je sens de sa perte. Je puis donc me promettre beaucoup de satisfaction à jeter les yeux de temps en temps sur sa statue, à la regarder, à la considérer avec attention, à m'arrêter devant elle, à passer auprès d'elle. Si les portraits des morts qui nous ont été chers adoucissent notre douleur lors même que nous ne les voyons que dans notre maison, quel charme pour nous de les rencontrer dans les places publiques! Non seulement ils nous remettent devant les yeux leur air et leurs traits, mais ils nous rappellent toutes leurs vertus et toute leur gloire.

Adieu.

II, 7

C. Plinius Macrino suo s.

1 Here a senatu Vesticio Spurinnae principe auctore triumphalis statua decreta est, non ita ut multis, qui numquam in acie steterunt, numquam castra viderunt, numquam denique tubarum sonum nisi in spectaculis audierunt, verum ut illis, qui decus istud sudore et sanguine et factis assequebantur. 2 Nam Spurinna Bructerum regem vi et armis induxit in regnum, ostentatoque bello ferocissimam gentem, quod est pulcherrimum victoriae genus, terrore perdomuit. 3 Et hoc quidem virtutis praemium, illud solacium doloris accepit, quod filio ejus Cottio, quem amisit absens, habitus est honor statuae. Rarum id in juvene; sed pater hoc quoque merebatur, cujus gravissimo vulneri magno aliquo fomento medendum fuit. 4 Praeterea Cottius ipse tam clarum specimen indolis dederat, ut vita ejus brevis et angusta debuerit hac velut immortalitate proferri. Nam tanta ei sanctitas gravitas auctoritas etiam, ut posset senes illos provocare virtute, quibus nunc honore adaequatus est. 5 Quo quidem honore, quantum ego interpretor, non modo defuncti memoriae, dolori patris, verum etiam exemplo prospectum est. Acuent ad bonas artes juventutem adulescentibus quoque, digni sint modo, tanta praemia constituta; acuent principes viros ad liberos suscipiendos et gaudia ex superstitibus et ex amissis tam gloriosa solacia. 6 His ex causis statua Cotti publice laetor, nec privatim minus. Amavi consummatissimum juvenem, tam ardenter quam nunc impatienter requiro. Erit ergo pergratum mihi hanc effigiem ejus subinde intueri subinde respicere, sub hac consistere praeter hanc commeare. 7 Etenim si defunctorum imagines domi positae dolorem nostrum levant, quanto magis hae quibus in celeberrimo loco non modo species et vultus illorum, sed honor etiam et gloria refertur!

Vale.

LETTRE VIII.

PLINE A CANINIUS.

Est-ce l'étude, est-ce la pêche, est-ce la chasse, ou les trois ensemble, qui vous amusent? car on peut prendre ces trois sortes de plaisirs dans notre charmante maison près du lac de Côme. Le lac vous fournit du poisson ; les bois qui l'environnent sont pleins de bêtes fauves; et la profonde tranquillité du lieu invite à l'étude. Mais soit que toutes ces choses ensemble ou quelque autre vous occupent, je n'oserais dire que je vous porte envie. Je souffre pourtant avec beaucoup de peine qu'il ne me soit pas permis, aussi bien qu'à vous, de goûter ces innocents plaisirs, après lesquels je soupire avec la même ardeur que le malade soupire après les bains, après le vin, après les eaux. Ne m'arrivera-t-il donc jamais de rompre les noeuds qui m'attachent, puisque je ne puis les délier? Non, je n'ose m'en flatter. Chaque jour, nouveaux embarras viennent se joindre aux anciens. Une affaire n'est pas encore finie, qu'une autre commence. La chaîne que forment mes occupations ne fait que s'allonger et s'appesantir.

Adieu.

II, 8

C. Plinius Caninio suo s.

1 Studes an piscaris an venaris an simul omnia? Possunt enim omnia simul fieri ad Larium nostrum. Nam lacus piscem, feras silvae quibus lacus cingitur, studia altissimus iste secessus affatim suggerunt. 2 Sed sive omnia simul sive aliquid facis, non possum dicere ‘invideo’; angor tamen non et mihi licere, qui sic concupisco ut aegri vinum balinea fontes. Numquamne hos artissimos laqueos, si solvere negatur, abrumpam? Numquam, puto. 3 Nam veteribus negotiis nova accrescunt, nec tamen priora peraguntur: tot nexibus, tot quasi catenis maius in dies occupationum agmen extenditur.

Vale.

 

LETTRE IX.

PLINE A APOLLINAIRE.

Les démarches que fait mon ami Sextus Érucius pour obtenir la charge de tribun me donnent une véritable inquiétude. Je ressens pour cet autre moi-même des agitations qu'en pareille occasion je n'ai point senties pour moi. D'ailleurs, il me semble que mon honneur, mou crédit et ma dignité sont compromis. J'ai obtenu de l'empereur, pour Sextus, une place dans le sénat, et la charge de questeur. Il doit à mes sollicitations la permission de demander celle de tribun. Si le sénat la lui refuse, j'ai peur que je ne paraisse avoir surpris le prince. Je ne dois. donc rien oublier pour faire en sorte que le jugement public confirme l'opinion que, sur ma parole, l'empereur en a bien voulu concevoir. Quand une raison si pressante me manquerait, je n'aurais guère moins d'ardeur pour l'élévation de Sextus. C'est un jeune homme plein de probité, de sagesse, de savoir, et de qui l'on ne peut dire trop de bien, ainsi que de toute sa maison. Son père, Érucius Clarus, s'est acquis une grande réputation. Il n'a pas moins de droiture que d'éloquence. Il ex celle dans la profession d'avocat, dont il s'acquitte avec autant de modestie et de probité que de courage. Caïus Septicius, son oncle, est la vérité, la franchise, la candeur, la fidélité même. Ils m'aiment tous comme à l'envi, et tous également. Voici une occasion où je puis, en payant un seul, m'acquitter envers tous. J'emploie donc tous mes amis. Je supplie, je brigue, je vais de maison en maison, je cours dans toutes les places publiques; et je n'oublie rien pour voir jusqu'où peuvent aller mon crédit et la considération que l'on a pour moi. Partagez, s'il vous plaît, les soins et les mouvements que je me donne; je vous le rendrai au premier ordre, que même je préviendrai. Je sais combien de gens vous chérissent, vous honorent, vous font la cour. Laissez entrevoir seulement vos intentions; nous ne manquerons pas de personnes empressées à les seconder.

Adieu.

II, 9

C. Plinius Apollinari suo s.

1 Anxium me et inquietum habet petitio Sexti Eruci mei. Afficior cura et, quam pro me sollicitudinem non adii, quasi pro me altero patior; et alioqui meus pudor, mea existimatio, mea dignitas in discrimen adducitur. 2 Ego Sexto latum clavum a Caesare nostro, ego quaesturam impetravi; meo suffragio pervenit ad jus tribunatus petendi, quem nisi obtinet in senatu, vereor ne decepisse Caesarem videar. 2 Proinde adnitendum est mihi, ut talem eum judicent omnes, qualem esse princeps mihi credidit. Quae causa si studium meum non incitaret, adjutum tamen cuperem juvenem probissimum gravissimum eruditissimum, omni denique laude dignissimum, et quidem cum tota domo. 4 Nam pater ei Erucius Clarus, vir sanctus antiquus disertus atque in agendis causis exercitatus, quas summa fide pari constantia nec verecundia minore defendit. Habet avunculum C. Septicium, quo nihil verius nihil simplicius nihil candidius nihil fidelius novi. 5 Omnes me certatim et tamen aequaliter amant, omnibus nunc ego in uno referre gratiam possum. Itaque prenso amicos, supplico, ambio, domos stationesque circumeo, quantumque vel auctoritate vel gratia valeam, precibus experior, teque obsecro ut aliquam oneris mei partem suscipere tanti putes. 6 Reddam vicem si reposces, reddam et si non reposces. Diligeris coleris frequentaris: ostende modo velle te, nec deerunt qui quod tu velis cupiant.

Vale.

LETTRE X.

PLINE A OCTAVE.

N'êtes-vous pas bien nonchalant, ou plutôt bien dur (peu s'en faut que je ne dise cruel), de tenir toujours dans l'obscurité de si excellentes poésies? Combien de temps encore avez-vous résolu d'être l'ennemi de votre gloire et de notre plaisir? Laissez, laissez vos ouvrages parcourir en liberté toutes les contrées où se parle la langue latine. : ne les resserrez pas dans des bornes plus étroites que celles de l'empire romain. L'idée qu'ils nous ont donnée n'est-elle pas assez grande, et notre curiosité assez vive, pour vous obliger à ne nous pas faire languir davantage? Quelques-uns de vos vers, échappés malgré vous, ont déjà paru. Si vous ne prenez soin de les rappeler et de les rassembler, ces vagabonds sans aveu trouveront maître. Songez que nous sommes mortels, et qu'ils peuvent seuls vous assurer l'immortalité. Tous les autres ouvrages des hommes ne résistent point au temps, et périssent comme eux. Vous m'allez dire, à votre ordinaire : C'est l'affaire de mes amis. Je souhaite de tout mon coeur que vous ayez des amis assez fidèles, assez savants, assez laborieux pour vouloir se charger de cette entreprise, et pour la pouvoir soutenir. Mais croyez-vous qu'il y ait beaucoup de sagesse à se promettre des autres ce que l'on se refuse à soi-même? Ne parlons plus de publier : ce sera quand il vous plaira. Essayez du moins d'en avoir envie : récitez-les, et donnez-vous enfin la satisfaction que je goûte par avance pour vous depuis si longtemps. Je me représente déjà cette foule d'auditeurs, ces transports d'admiration, ces applaudissements, ce silence même, qui, lorsque je plaide, ou que je lis mes pièces, n'a guère moins de charmes pour moi que les applaudissements, quand il est causé par la seule attention, et par l'impatience d'entendre la suite. Ne dérobez plus à vos veilles, par ce long retardement, une récompense et si grande et si sûre. A différer plus longtemps, vous ne gagnerez rien que le nom d'indolent, de paresseux, et peut-être de timide.

Adieu.

II, 10

C. Plinius Octavio suo s.

1 Hominem te patientem vel potius durum ac paene crudelem, qui tam insignes libros tam diu teneas! 2 Quousque et tibi et nobis invidebis, tibi maxima laude, nobis voluptate? Sine per ora nominum ferantur isdemque quibus lingua Romana spatiis pervagentur. Magna et jam longa exspectatio est, quam frustrari adhuc et differre non debes. 3 Enotuerunt quidam tui versus, et invito te claustra sua refregerunt. Hos nisi retrahis in corpus, quandoque ut errones aliquem cujus dicantur invenient. 4 Habe ante oculos mortalitatem, a qua asserere te hoc uno monimento potes; nam cetera fragilia et caduca non minus quam ipsi homines occidunt desinuntque. 5 Dices, ut soles: ‘Amici mei viderint.’ Opto equidem amicos tibi tam fideles tam eruditos tam laboriosos, ut tantum curae intentionisque suscipere et possint et velint, sed dispice ne sit parum providum, sperare ex aliis quod tibi ipse non praestes. 6 Et de editione quidem interim ut voles: recita saltem quo magis libeat emittere, utque tandem percipias gaudium, quod ego olim pro te non temere praesumo. 7 Imaginor enim qui concursus quae admiratio te, qui clamor quod etiam silentium maneat; quo ego, cum dico vel recito, non minus quam clamore delector, sit modo silentium acre et intentum, et cupidum ulteriora audiendi. 8 Hoc fructu tanto tam parato desine studia tua infinita ista cunctatione fraudare; quae cum modum excedit, verendum est ne inertiae et desidiae vel etiam timiditatis nomen accipiat.

Vale.

LETTRE Xl.

PLINE A ARRIEN.

Vous avez coutume de montrer de la joie lorsqu'il se passe dans le sénat quelque chose digne de cette auguste compagnie. L'amour du repos, qui vous éloigne des affaires, ne bannit pas de votre coeur la passion que vous avez pour la gloire de l'empire. Apprenez donc ce qui vient d'arriver. C'est un événement fameux par le rang de la personne, salutaire par la sévérité de l'exemple, mémorable à jamais par son importance. Marius Priscus, proconsul d'Afrique, accusé par les Africains, se retranche à demander des juges ordinaires, sans proposer aucune défense. Corneille Tacite et moi, chargés par ordre du sénat de la cause de ces peuples, nous crûmes qu'il était de notre devoir de remontrer que les crimes dont il s'agissait étaient d'une énormité qui ne permettait pas de civiliser l'affaire. On n'accusait pas Priscus de moins que d'avoir vendu la condamnation et même la vie des innocents. Caïus Fronto supplia la compagnie de vouloir bien que toute l'accusation fût renfermée dans le péculat; et cet homme, très savant dans l'art de tirer des larmes, fit jouer tous les ressorts de la pitié. Grande contestation, grandes clameurs de part et d'autre !Selon les uns, la loi assujettit le sénat à juger lui-même: selon les autres, elle lui laisse la liberté d'en user comme il croit convenir à la qualité des crimes. Enfin, Julius Férox, consul désigné, homme droit et intègre, ouvre un troisième avis. Il veut que, par provision, l'on donne des juges à Priscus sur le péculat ; et qu'avant que de prononcer sur l'accusation capitale, ceux à qui il avait vendu le sang des innocents soient appelés. Non seulement cet avis l'emporta, mais il n'y en eut presque plus d'autres après tant de disputes ; et l'on éprouva que si les premiers mouvements de la prévention et de la pitié sont vifs et impétueux, la sagesse et la raison peu à peu les apaisent. De là vient que personne n'a le courage de proposer seul ce qu'il osait soutenir par des cris confus avec la multitude. La vérité, que l'on ne pouvait découvrir tant que l'on était enveloppé dans la foule, se manifeste tout à coup dès que l'on s'en tire. Enfin, Vitellius Honoratus, et Flavius Martianus, complices assignés, comparurent. Le premier était accusé d'avoir acheté trois cent mille sesterces le bannissement d'un chevalier romain, et la mort de sept de ses amis. Le second en avait donné sept cent mille, pour faire souffrir divers tourments à un autre chevalier romain. Ce chevalier avait été d'abord condamné au fouet, de là envoyé aux mines, et à la fin étranglé en prison. Mais une mort favorable a dérobé Honoratus à la justice du sénat. On amena donc Martianus sans Priscus. Tutius Céréalis, homme consulaire, demanda que, suivant le privilège des sénateurs, Priscus en fût averti : soit qu'il cherchât à lui attirer par là ou plus de compassion, ou plus de haine; soit qu'il crût (ce qui me paraît plus vraisemblable) que, selon les règles de la justice, dans un crime commun, la défense ou la condamnation doivent être communes. L'affaire fut renvoyée à la première assemblée du sénat, qui fut des plus augustes. Le prince y présidait, il était consul. Nous entrions dans le mois de janvier, celui de tous qui rassemble à Rome le plus de monde, et particulièrement de sénateurs. D'ailleurs l'importance de la cause, le bruit qu'elle avait fait, et que tant de remises avaient redoublé, la curiosité naturelle à tous les hommes de voir de près les grands et rares événements, avaient de toutes parts attiré le monde. Imaginez-vous quels sujets d'inquiétude et de crainte pour nous, qui devions porter la parole en une telle assemblée, et en présence de l'empereur! J'ai plus d'une fois parlé dans le sénat; j'ose dire même que je ne suis nulle part aussi favorablement écouté. Cependant tout m'étonnait, comme si tout m'eût été inconnu. La difficulté de la cause ne m'embarrassait guère moins que le reste. Je regardais dans la personne de Priscus tantôt un consulaire, tantôt un septemvir, quelquefois un homme déchu de ces deux dignités. J'avais un véritable chagrin d'accuser un malheureux déjà condamné pour le péculat. Si l'énormité de son crime parlait contre lui, la pitié, qui suit ordinairement une première condamnation, parlait en sa faveur. Enfin je me rassurai, je commençai mon discours, et je reçus autant d'applaudissements que j'avais eu de crainte. Je parlai près de cinq heures ( car on me donna près d'une heure et demie au delà des trois et demie qui m'avaient été d'abord accordées). Tout ce qui me paraissait contraire et fâcheux quand j'avais à le dire, me devint favorable quand je le dis. Les bontés, les soins de l'empereur pour moi (je n'oserais dire ses inquiétudes), allèrent si loin, qu'il me fit avertir plusieurs fois, par un affranchi que j'avais derrière moi, de ménager mes forces, et de ne pas oublier la faiblesse de ma complexion. Claudius Marcellinus défendit Martien. Le sénat se sépara; pour se rassembler le lendemain; car il n'y avait pas assez de temps pour achever un nouveau plaidoyer avant la nuit. Le jour d'après, Salvius Liberalis parla pour Marius. Cet orateur a l'esprit délié. Il est habile, très véhément, et tout à la fois très fleuri. Ce jour-là il déploya tous ses talents. Corneille Tacite répondit avec beaucoup d'éloquence, et fit éclater ce grand, ce sublime qui règne dans ses discours. Catius Fronto fit une très belle réplique pour Marius; et, s'accommodant à son sujet, il songea plus à fléchir les juges qu'à justifier l'accusé. La nuit survint au moment où il finissait. Le jour suivant fut réservé à l'examen des preuves. C'était en vérité quelque chose de fort beau, de fort digue de l'ancienne Rome, que de voir le sénat, trois jours de suite assemblé, trois jours de suite occupé, ne se séparer qu'a la nuit. Cornutus Tertullus, consul désigné, homme d'un rare mérite, et très zélé pour la vérité, opina le premier. Il fut d'avis de condamner Marius à porter au trésor public les sept cent mille sesterces qu'il avait reçus, et de le bannir de Rome et d'Italie. Il alla plus loin contre Martien, et fut d'avis de le bannir même d'Afrique. Il conclut par proposer au sénat de déclarer que nous avions, Tacite et moi, fidèlement et dignement rempli et notre attente et notre ministère. Les consuls désignés, et tous les consulaires qui parlèrent ensuite, se rangèrent à cet avis, jusqu'à ce que Pompéius Colléga en ouvrit un autre. Le sien fut de condamner Marius à porter au trésor publie les sept cent mille sesterces, d'en demeurer à la condamnation qu'il avait déjà subie pour le péculat, et d'envoyer en exil Martien pour cinq ans. Chaque opinion eut grand nombre de partisans; et il y avait bien de l'apparence que la dernière, qui était la plus douce, l'emporterait ; car plusieurs qui avaient suivi Cornutus semblaient le quitter pour celui qui venait d'opiner après eux. Enfin, lorsqu'on vint à recueillir les voix, tous ceux qui se trouvèrent autour des consuls commencèrent à se déclarer pour Cornutus. Alors tout changea de face. Ceux qui donnaient lieu de croire qu'ils étaient de l'avis de Colléga repassèrent tout à coup de l'autre côté, en sorte que Colléga se trouva presque seul. Il exhala son chagrin en reproches amers contre ceux qui l'avaient engagé dans ce parti, principalement contre Régulus, qui n'avait pas le courage de suivre un avis dont il était l'auteur. Vous connaissez le caractère de Régulus : c'est un esprit si léger, qu'en un moment il passe de l'audace à la crainte. Voilà quel fut le dénouement de cette grande affaire. Il en reste toutefois un chef qui n'est pas de petite importance : c'est ce qui regarde Hostilius Firminus, lieutenant de Marius Priscus, qui, se trouvant fort impliqué dans cette accusation, a eu de terribles assauts à soutenir. Il est chargé par les registres de Mar-tien, et par la harangue qu'il fit dans l'assemblée des habitants de Leptis, d'avoir rendu d'infâmes offices à Martianus, et reçu dix mille sesterces comme parfumeur de Marius, qualité qui convenait parfaitement à un homme qui est toujours si peigné, si rasé, si parfumé. Cornutus fut d'avis de renvoyer à la première séance ce chef, qui regardait Hostilius; car alors, soit hasard, soit remords, il était absent. Vous voilà bien informé de ce qui se passe ici. Informez-moi à votre tour de ce que vous faites à votre campagne. Rendez-moi un compte exact de vos arbres, de vos vignes, de vos blés, de vos troupeaux; et songez que si je ne reçois de vous une très longue lettre, vous n'en aurez plus de moi que de très- courtes.

Adieu.

II, 11

C. Plinius Arriano suo s.

1 Solet esse gaudio tibi, si quid acti est in senatu dignum ordine illo. Quamvis enim quietis amore secesseris, insidet tamen animo tuo maiestatis publicae cura. Accipe ergo quod per hos dies actum est, personae claritate famosum, severitate exempli salubre, rei magnitudine aeternum. 2 Marius Priscus accusantibus Afris quibus pro consule praefuit, omissa defensione judices petiit. Ego et Cornelius Tacitus, adesse provincialibus jussi, existimavimus fidei nostrae convenire notum senatui facere excessisse Priscum immanitate et saevitia crimina quibus dari judices possent, cum ob innocentes condemnandos, interficiendos etiam, pecunias accepisset. 3 Respondit Fronto Catius deprecatusque est, ne quid ultra repetundarum legem quaereretur, omniaque actionis suae vela vir movendarum lacrimarum peritissimus quodam velut vento miserationis implevit. 4 Magna contentio, magni utrimque clamores aliis cognitionem senatus lege conclusam, aliis liberam solutamque dicentibus, quantumque admisisset reus, tantum vindicandum. 5 Novissime consul designatus Julius Ferox, vir rectus et sanctus, Mario quidem judices interim censuit dandos, evocandos autem quibus diceretur innocentium poenas vendidisse. 6 Quae sententia non praevaluit modo, sed omnino post tantas dissensiones fuit sola frequens, adnotatumque experimentis, quod favor et misericordia acres et vehementes primos impetus habent, paulatim consilio et ratione quasi restincta considunt. 7 Unde evenit ut, quod multi clamore permixto tuentur, nemo tacentibus ceteris dicere velit; patescit enim, cum separaris a turba, contemplatio rerum quae turba teguntur. 8 Venerunt qui adesse erant jussi, Vitellius Honoratus et Flavius Marcianus; ex quibus Honoratus trecentis milibus exsilium equitis Romani septemque amicorum ejus ultimam poenam, Marcianus unius equitis Romani septingentis milibus plura supplicia arguebatur emisse; erat enim fustibus caesus, damnatus in metallum, strangulatus in carcere. 9 Sed Honoratum cognitioni senatus mors opportuna subtraxit, Marcianus inductus est absente Prisco. Itaque Tuccius Cerialis consularis jure senatorio postulavit, ut Priscus certior fieret, sive quia miserabiliorem sive quia invidiosiorem fore arbitrabatur, si praesens fuisset, sive (quod maxime credo) quia aequissimum erat commune crimen ab utroque defendi, et si dilui non potuisset in utroque puniri.

10 Dilata res est in proximum senatum, cujus ipse conspectus augustissimus fuit. Princeps praesidebat (erat enim consul), ad hoc Januarius mensis cum cetera tum praecipue senatorum frequentia celeberrimus; praeterea causae amplitudo auctaque dilatione exspectatio et fama, insitumque mortalibus studium magna et inusitata noscendi, omnes undique exciverat. 11 Imaginare quae sollicitudo nobis, qui metus, quibus super tanta re in illo coetu praesente Caesare dicendum erat. Equidem in senatu non semel egi, quin immo nusquam audiri benignius soleo: tunc me tamen ut nova omnia novo metu permovebant. 12 Obversabatur praeter illa quae supra dixi causae difficultas: stabat modo consularis, modo septemvir epulonum, jam neutrum. 13 Erat ergo perquam onerosum accusare damnatum, quem ut premebat atrocitas criminis, ita quasi peractae damnationis miseratio tuebatur. 14 Utcumque tamen animum cogitationemque collegi, coepi dicere non minore audientium assensu quam sollicitudine mea. Dixi horis paene quinque; nam duodecim clepsydris, quas spatiosissimas acceperam, sunt additae quattuor. Adeo illa ipsa, quae dura et adversa dicturo videbantur, secunda dicenti fuerunt. 15 Caesar quidem tantum mihi studium, tantam etiam curam (nimium est enim dicere sollicitudinem) praestitit, ut libertum meum post me stantem saepius admoneret voci laterique consulerem, cum me vehementius putaret intendi, quam gracilitas mea perpeti posset. Respondit mihi pro Marciano Claudius Marcellinus. 16 Missus deinde senatus et revocatus in posterum; neque enim jam incohari poterat actio, nisi ut noctis interventu scinderetur.

17 Postero die dixit pro Mario Salvius Liberalis, vir subtilis dispositus acer disertus; in illa vero causa omnes artes suas protulit. Respondit Cornelius Tacitus eloquentissime et, quod eximium orationi ejus inest, σεμνῶς. 18 Dixit pro Mario rursus Fronto Catius insigniter, utque jam locus ille poscebat, plus in precibus temporis quam in defensione consumpsit. Hujus actionem vespera inclusit, non tamen sic ut abrumperet. Itaque in tertium diem probationes exierunt. Jam hoc ipsum pulchrum et antiquum, senatum nocte dirimi, triduo vocari, triduo contineri. 19 Cornutus Tertullus consul designatus, vir egregius et pro veritate firmissimus, censuit septingenta milia quae acceperat Marius aerario inferenda, Mario urbe Italiaque interdicendum, Marciano hoc amplius Africa. In fine sententiae adjecit, quod ego et Tacitus injuncta advocatione diligenter et fortiter functi essemus, arbitrari senatum ita nos fecisse ut dignum mandatis partibus fuerit. 20 Assenserunt consules designati, omnes etiam consulares usque ad Pompejum Collegam: ille et septingenta milia aerario inferenda et Marcianum in quinquennium relegandum, Marium repetundarum poenae quam jam passus esset censuit relinquendum. 21 Erant in utraque sententia multi, fortasse etiam plures in hac vel solutiore vel molliore. Nam quidam ex illis quoque, qui Cornuto videbantur assensi, hunc qui post ipsos censuerat sequebantur. 22 Sed cum fieret discessio, qui sellis consulum astiterant, in Cornuti sententiam ire coeperunt. Tum illi qui se Collegae adnumerari patiebantur in diversum transierunt; Collega cum paucis relictus. Multum postea de impulsoribus sis, praecipue de Regulo questus est, qui se in sententia quam ipse dictaverat deseruisset. Est alioqui Regulo tam mobile ingenium, ut plurimum audeat plurimum timeat.

23 Hic finis cognitionis amplissimae. Superest tamen λιτούργιον non leve, Hostilius Firminus legatus Mari Prisci, qui permixtus causae graviter vehementerque vexatus est. Nam et rationibus Marciani, et sermone quem ille habuerat in ordine Lepcitanorum, operam suam Prisco ad turpissimum ministerium commodasse, stipulatusque de Marciano quinquaginta milia denariorum probabatur, ipse praeterea accepisse sestertia decem milia foedissimo quidem titulo, nomine unguentarii, qui titulus a vita hominis compti semper et pumicati non abhorrebat. 24 Placuit censente Cornuto referri de eo proximo senatu; tunc enim, casu an conscientia, afuerat.

25 Habes res urbanas; invicem rusticas scribe. Quid arbusculae tuae, quid vineae, quid segetes agunt, quid oves delicatissimae? In summa, nisi aeque longam epistulam reddis, non est quod postea nisi brevissimam exspectes.

Vale.

LETTRE XII.

PLINE A ARRIEN.

Je ne sais si nous avons bien jugé ce dernier chef qui nous restait de l'affaire de Priscus, comme je vous l'avais mandé; mais enfin nous l'avons jugé. Firminus comparut au sénat, et se défendit en homme qui se voyait déjà vaincu. Les avis se partagèrent entre les consuls désignés. Cornutus opinait à le chasser du sénat; Acutius Nerva, seulement à lui donner l'exclusion dans la distribution des gouvernements. Cette opinion prévalut comme la plus douce, quoiqu'elle soit en effet plus rigoureuse que l'autre. Car enfin qu'y a-t-il de plus cruel que de se voir livré aux soins et aux travaux attachés à la dignité du sénateur, sans espérance de jouir jamais des honneurs qui en sont la récompense? Qu'y a-t-il de plus affreux à un homme flétri d'une telle tache, que de n'avoir pas la liberté de se cacher au fond d'une solitude, mais d'être obligé de s'exposer aux yeux de cette illustre compagnie? Que peut-on d'ailleurs imaginer de plus bizarre et de plus indigne, que de voir assis dans le sénat un homme que le sénat a noté? de voir un homme condamné prendre place parmi ses juges? un homme exclu du proconsulat pour avoir prévariqué dans sa Iieutenance, juger lui-même les proconsuls? enfin, un concussionnaire déclaré prononcer sur les concussions? Mais ces réflexions n'ont pas touché le plus grand nombre; car on ne pèse pas les voix, on les compte; et il ne faut pas s'attendre à rien de mieux dans ces sortes d'assemblées, où il ne se trouve point de plus grand désordre que l'égalité du pouvoir. Chacun a la même autorité; tous n'ont pas les mêmes lumières. Je me suis acquitté de ce que je vous avais promis par ma dernière lettre : sa date me fait croire que vous l'avez reçue, car je l'ai confiée à un courrier qui aura fait diligence, s'il n'a point rencontré d'obstacle sur son chemin. C'est à vous aujourd'hui à payer et ma première et ma seconde lettre, par d'autres aussi remplies que le pays où vous êtes vous le petit permettre.

Adieu.

II, 12

C. Plinius Arriano suo s.

1 Λιτούργιον illud, quod superesse Mari Prisci causae proxime scripseram, nescio an satis, circumcisum tamen et adrasum est. 2 Firminus inductus in senatum respondit crimini noto. Secutae sunt diversae sententiae consulum designatorum. Cornutus Tertullus censuit ordine movendum, Acutius Nerva in sortitione provinciae rationem ejus non habendam. Quae sententia tamquam mitior vicit, cum sit alioqui durior tristiorque. 3 Quid enim miserius quam exsectum et exemptum honoribus senatoriis, labore et molestia non carcere? quid gravius quam tanta ignominia affectum non in solitudine latere, sed in hac altissima specula conspiciendum se monstrandumque praebere? 4 Praeterea quid publice minus aut congruens aut decorum? notatum a senatu in senatu sedere, ipsisque illis a quibus sit notatus aequari; summotum a proconsulatu quia se in legatione turpiter gesserat, de proconsulibus judicare, damnatumque sordium vel damnare alios vel absolvere! 5 Sed hoc pluribus visum est. Numerantur enim sententiae, non ponderantur; nec aliud in publico consilio potest fieri, in quo nihil est tam inaequale quam aequalitas ipsa. Nam cum sit impar prudentia, par omnium jus est. 6 Implevi promissum priorisque epistulae fidem exsolvi, quam ex spatio temporis jam recepisse te colligo; nam et festinanti et diligenti tabellario dedi, nisi quid impedimenti in via passus est. 7 Tuae nunc partes, ut primum illam, deinde hanc remunereris litteris, quales istinc redire uberrimae possunt.

Vale.

LETTRE XIII.

PLINE A PRISCUS.

Nous avons un plaisir égal, vous à me faire des grâces, moi à les recevoir de vous. Deux motifs me déterminent donc à vous en demander une, que je souhaite avec passion. Vous êtes à la tète d'une puissante armée. Ce poste est une source de faveurs ; et le temps qu'il y a que vous l'occupez vous a permis assez d'en combler vos amis. Honorez, je vous prie, les miens d'un regard favorable; je veux dire quelques-uns des miens. Vous seriez charmé, je le sais, de les obliger tous; mais je veux demander avec discrétion : je ne parlerai que d'un ou de deux, ou plutôt je ne vous parlerai que d'un. C'est Voconius Romanus. Son père était d'une grande distinction dans l'ordre des chevaliers, et son beau-père, ou plutôt son second père (car sa tendresse pour son beau-fils lui a mérité ce nom), y acquit encore plus de considération. Sa mère était de l'une des meilleures maisons de l'Espagne de deçà l'Èbre. Vous savez quelle est la réputation de cette province, quelle sévérité de moeurs y règne. Pour lui, la dernière charge par où il a passé a été le sacerdoce. Notre amitié a commencé avec nos études. Nous n'avions qu'une même maison, à la ville et à la campagne. Il entrait dans mes affaires comme dans mes plaisirs. Et où trouver aussi une affection plus sûre, et tout à la fois une compagnie plus agréable? On ne peut exprimer le charme de sa conversation, la douceur de sa physionomie. Il a l'esprit élevé, délicat, doux, aisé, très propre pour le barreau. Vous ne lirez point ses lettres sans croire que les Muses elles-mêmes les ont dictées. Je l'aime plus encore que je ne vous le dis, et je ne l'aime pas pourtant plus qu'il ne m'aime. J'étais tout jeune aussi bien que lui, et déjà peur le servir je cherchais avec empressement les occasions que notre âge me pouvait permettre. Je viens de lui obtenir le privilège que donne le nombre de trois enfants. Quoique l'empereur se soit fait une loi de ne le donner que très rarement, et avec beaucoup de circonspection, il a bien voulu me l'accorder aussi agréablement que s'il l'avait donné par choix. Je ne puis mieux soutenir mes premiers bienfaits que par de nouveaux, principalement avec un homme qui les reçoit d'une manière qui seule pourrait suffire pour en mériter d'autres. Je vous ai dit quel est Romanus, ce que j'en sais, combien je l'aime. Faites-lui, je vous prie, toutes les grâces que je puis attendre de votre inclination bienfaisante, et de la situation où vous êtes. Je vous recommande surtout de l'aimer. Quelque bien que vous lui fassiez, je n'en vois point de plus précieux pour lui que votre amitié. Dans le dessein de vous apprendre combien il en est digne, je vous ai peint au naturel ses inclinations, son esprit, ses moeurs, et toute sa conduite. Je redoublerais encore ici mes recommandations, si je ne savais que vous n'aimez pas à vous faire prier longtemps, et que je ne vous ai déjà que trop prié dans toute cette lettre : car c'est prier, et prier très efficacement, que faire sentir la justice de ses prières.

Adieu.

II, 13

C. Plinius Prisco suo s.

1 Et tu occasiones obligandi me avidissime amplecteris, et ego nemini libentius debeo. 2 Duabus ergo de causis a te potissimum petere constitui, quod impetratum maxime cupio. Regis exercitum amplissimum: hinc tibi beneficiorum larga materia, longum praeterea tempus, quo amicos tuos exornare potuisti. Convertere ad nostros nec hos multos. 3 Malles tu quidem multos; sed meae verecundiae sufficit unus aut alter, ac potius unus. 4 Is erit Voconius Romanus. Pater ei in equestri gradu clarus, clarior vitricu, immo pater alius (nam huic quoque nomini pietate successit), mater e primi. Ipse citerioris Hispaniae (scis quod judicium provinciae illius, quanta sit gravitas) flamen proxime fuit. 5 Hunc ego, cum simul studeremus, arte familiariterque dilexi; ille meus in urbe ille in secessu contubernalis, cum hoc seria cum hoc jocos miscui. 6 Quid enim illo aut fidelius amico aut sodale jucundius? Mira in sermone, mira etiam in ore ipso vultuque suavitas. 7 Ad hoc ingenium excelsum subtile dulce facile eruditum in causis agendis; epistulas quidem scribit, ut Musas ipsas Latine loqui credas. Amatur a me plurimum nec tamen vincitur. 8 Equidem juvenis statim juveni, quantum potui per aetatem, avidissime contuli, et nuper ab optimo principe trium liberorum jus impetravi; quod quamquam parce et cum delectu daret, mihi tamen tamquam eligeret indulsit. 9 Haec beneficia mea tueri nullo modo melius quam ut augeam possum, praesertim cum ipse illa tam grate interpretetur, ut dum priora accipit posteriora mereatur. 10 Habes qualis quam probatus carusque sit nobis, quem rogo pro ingenio pro fortuna tua exornes. In primis ama hominem; nam licet tribuas ei quantum amplissimum potes, nihil tamen amplius potes amicitia tua; cujus esse eum usque ad intimam familiaritatem capacem quo magis scires, breviter tibi studia mores omnem denique vitam ejus expressi. 11 Extenderem preces nisi et tu rogari diu nolles et ego tota hoc epistula fecissem; rogat enim et quidem efficacissime, qui reddit causas rogandi.

Vale.

LETTRE XIV.

PLINE A MAXIME.

Vous l'avez deviné; je commence à nie lasser des causes que je plaide devant les centumvirs. La peine passe le plaisir. La plupart sont peu importantes. Rarement s'en présente-t-il une qui, par la qualité des personnes ou par la grandeur du sujet, attire l'attention. D'ailleurs, il s'y trouve un très petit nombre de dignes concurrents. Le reste n'est qu'un amas de gens dont l'audace fait tout le mérite, ou d'écoliers sans talents et sans nom. Ils ne viennent là que pour déclamer; mais avec si peu de respect et de retenue, que, selon moi, notre ami Attilius a fort bien dit que les enfants commencent au barreau par plaider devant les centumvirs, comme au collège par lire Homère; car dans l'un et dans l'autre, on commence par ce qu'il y a de plus difficile. Mais avant que je parusse dans le monde, les personnes déjà avancées en âge plaidaient ces sortes de causes, et les jeunes gens, même les plus qualifiés, n'étaient point admis à parler devant les centumvirs si quelque homme consulaire ne les présentait, tant on avait alors de vénération pour de si nobles exercices. Aujourd'hui toutes les barrières de la discrétion et de la pudeur, rompues, laissent le champ ouvert à tout le monde. Ils n'attendent plus qu'on les présente, ils s'y jettent d'eux-mêmes. A leur suite marchent des auditeurs d'un semblable caractère, et que l'on achète à beaux deniers comptants. On fait sans honte son marché avec eux ; ils s'assemblent dans le palais, et on en fait une salle à manger, où l'orateur régale et défraye; on les voit à ce prix courir d'une cause à l'autre. De là on les a nommés en grec, assez plaisamment, gens gagés pour applaudir; en latin, louangeurs pour un repas. Cette indignité, caractérisée dans les deux langues, s'établit de plus en plus. Hier j'en fus témoin : deux de mes domestiques à peine sortis de l'enfance, et chargés du soin d'annoncer ceux qui m'abordent, allèrent, bon gré, mal gré, pour une somme très modique, entonner des louanges; tant il en coûte pour être excellent orateur. A ce prix, il n'y e point de chaises et de bancs que vous ne remplissiez, point de lieux où vous ne mettiez les auditeurs en presse, point d'applaudissements que vous n'excitiez, quand il plaît à celui qui règle ce beau concert d'en faire le signal : il faut bien un signal, pour des gens qui n'entendent pas, et qui même n'écoutent point; car la plupart ne s'amusent pas à écouter, et ce sont ceux qui louent le plus haut. S'il vous arrive ce jamais de passer près du palais, et que vous soyez curieux de savoir comment parle chacun de nos avocats, sans vous donner la peine d'entrer et de prêter votre attention, il vous sera facile de le deviner. Voici une règle sûre : celui qui reçoit le plus d'applaudissements est celui qui en mérite le moins. Largius Licinius amena le premier cette mode; mais il se contentait de rassembler lui-même ses auditeurs. Je l'ai ouï dire à Quintilien mon maître. J'accompagnais, disait-il, Domitius Afer, qui plaidait devant les centumvirs avec gravité et d'un ton fort lent; c'était sa manière. Il entendit dans une chambre voisine un bruit extraordinaire. Surpris, il se tut. Le silence succède; il reprend où il en est demeuré. Le bruit recommence, il s'arrête encore une fois. On se tait; il continue à parler, il est encore interrompu. Enfin, fatigué de ces clameurs, il demande qui est-ce donc qui plaide. On lui répond que c'est Licinius. Messieurs, dit-il, c'est fait de l'éloquence. C'est aujourd'hui que cet art, qui ne commençait qu'à se perdre lorsqu'Afer le croyait déjà perdu, est entièrement éteint et anéanti. J'ai honte de vous dire avec quelles acclamations flatteuses sont reçus les plus mauvais discours, et les plus mollement prononcés. En vérité, il ne manque à cette sorte de symphonie que des battements de mains, ou plutôt que des cymbales et des tambours. Pour des hurlements (un autre mot serait trop doux), nous en avons de reste; et le barreau retentit de ces acclamations, indignes du théâtre même. Mon âge pourtant, et l'intérêt de mes amis, m'arrêtent encore. Je crains que l'on ne me soupçonne de ne pas tant fuir ces infamies que le travail. Cependant je commence à me montrer au barreau plus rarement qu'à l'ordinaire; ce qui me conduit insensiblement à disparaître.

Adieu.

II, 14

C. Plinius Maximo suo s.

1 Verum opinaris: distringor centumviralibus causis, quae me exercent magis quam delectant. Sunt enim pleraeque parvae et exiles; raro incidit vel personarum claritate vel negotii magnitudine insignis. 2 Ad hoc pauci cum quibus juvet dicere; ceteri audaces atque etiam magna ex parte adulescentuli obscuri ad declamandum huc transierunt, tam irreverenter et temere, ut mihi Atilius noster expresse dixisse videatur, sic in foro pueros a centumviralibus causis auspicari, ut ab Homero in scholis. Nam hic quoque ut illic primum coepit esse quod maximum est. 3 At hercule ante memoriam meam (ita majores natu solent dicere), ne nobilissimis quidem adulescentibus locus erat nisi aliquo consulari producente: tanta veneratione pulcherrimum opus colebatur. 4 Nunc refractis pudoris et reverentiae claustris, omnia patent omnibus, nec inducuntur sed irrumpunt. Sequuntur auditores actoribus similes, conducti et redempti. Manceps convenitur; in media basilica tam palam sportulae quam in triclinio dantur; ex judicio in judicium pari mercede transitur. 5 Inde jam non inurbane Σοφοκλεῖς vocantur ἀπὸ τοῦ σοφῶς καὶ καλεῖσθαι, isdem Latinum nomen impositum est Laudiceni; 6 et tamen crescit in dies foeditas utraque lingua notata. Here duo nomenclatores mei (habent sane aetatem eorum qui nuper togas sumpserint) ternis denariis ad laudandum trahebantur. Tanti constat ut sis disertissimus. Hoc pretio quamlibet numerosa subsellia implentur, hoc ingens corona colligitur, hoc infiniti clamores commoventur, cum mesochorus dedit signum. 7 Opus est enim signo apud non intellegentes, ne audientes quidem; 8 nam plerique non audiunt, nec ulli magis laudant. Si quando transibis per basilicam et voles scire, quo modo quisque dicat, nihil est quod tribunal ascendas, nihil quod praebeas aurem; facilis divinatio: scito eum pessime dicere, qui laudabitur maxime.

9 Primus hunc audiendi morem induxit Larcius Licinus, hactenus tamen ut auditores corrogaret. Ita certe ex Quintiliano praeceptore meo audisse me memini. 10 Narrabat ille: ‘Assectabar Domitium Afrum. Cum apud centumviros diceret graviter et lente (hoc enim illi actionis genus erat), audit ex proximo immodicum insolitumque clamorem. Admiratus reticuit; ubi silentium factum est, repetit quod abruperat. 11 Iterum clamor, iterum reticuit, et post silentium coepit. Idem tertio. Novissime quis diceret quaesiit. Responsum est: “Licinus.” Tum intermissa causa “Centumviri,” inquit, “hoc artificium periit.”᾿ 12 Quod alioqui perire incipiebat cum perisse Afro videretur, nunc vero prope funditus exstinctum et eversum est. Pudet referre quae quam fracta pronuntiatione dicantur, quibus quam teneris clamoribus excipiantur. 13 Plausus tantum ac potius sola cymbala et tympana illis canticis desunt: ululatus quidem (neque enim alio vocabulo potest exprimi theatris quoque indecora laudatio) large supersunt. 14 Nos tamen adhuc et utilitas amicorum et ratio aetatis moratur ac retinet; veremur enim ne forte non has indignitates reliquisse, sed laborem fugisse videamur. Sumus tamen solito rariores, quod initium est gradatim desinendi.

Vale.

LETTRE XV.

PLINE A VALÉRIEN.

La terre que vous avez acquise depuis longtemps dans le pays des Marses vous plaît-elle toujours? Comment vous trouvez-vous de cette acquisition nouvelle? La possession ne lui a-t-elle rien fait perdre de ses charmes? Il est rare qu'elle laisse aux choses toutes les grâces que leur prêtaient nos désirs. Pour moi, je n'ai pas trop à me louer des terres que j'ai héritées de ma mère : elles ne laissent pas de me faire plaisir, parce qu'elles viennent de ma mère; et d'ailleurs, une longue habitude m'a endurci. C'est ordinairement où se terminent les plaintes qui reviennent trop souvent. A la fin, on a boute le se plaindre.

Adieu.

II, 15

C. Plinius Valeriano suo s.

1 Quo modo te veteres Marsi tui? quo modo emptio nova Placent agri, postquam tui facti sunt? Rarum id quidem nihil enim aeque gratum est adeptis quam concupiscentibus. 2 Me praedia materna parum commode tractant, delectant tamen ut materna, et alioqui longa patientia occallui. Habent hunc finem assiduae querellae, quod queri pudet.

Vale.

 

LETTRE XVI.

PLINE A ANNIEN.

Je reconnais votre attention ordinaire à mes intérêts, quand vous me mandez que les codicilles d'Acilien, qui m'a institué son héritier en partie, doivent être regardés comme nuls, parce que son testament ne les confirme pas. Je n'ignore pas ce point de droit, connu du jurisconsulte le plus médiocre; mais je me suis fait une loi particulière : c'est de ne trouver jamais aucun défaut dans la volonté des morts, quoi qu'en puissent dire les formalités. Les codicilles dont il s'agit sont certainement écrits de la main d'Acilien. C'en est assez pour oublier avec lui qu'ils doivent être confirmés par son testament, et pour les exécuter comme s'il en avait fait la cérémonie, surtout ici, où je ne vois rien à craindre de la chicane des délateurs : car, je sous l'avouerai, j'hésiterais davantage, si j'avais lieu d'appréhender qu'une confiscation ne détournât, vers le trésor public, des libéralités que je veux faire aux légataires. Mais, comme il est permis à un héritier de disposer à son gré des biens d'une succession, je ne vois rien qui puisse traverser l'exécution de ma loi particulière, que les lois publiques ne désapprouvent pas.

 Adieu.

II, 16

C. Plinius Annio suo s.

1 Tu quidem pro cetera tua diligentia admones me codicillos Aciliani, qui me ex parte instituit heredem, pro non scriptis habendos, quia non sint confirmati testamento; 2 quod jus ne mihi quidem ignotum est, cum sit iis etiam notum, qui nihil aliud sciunt. Sed ego propriam quandam legem mihi dixi, ut defunctorum voluntates, etiamsi jure deficerentur, quasi perfectas tuerer. Constat autem codicillos istos Aciliani manu scriptos. 3 Licet ergo non sint confirmati testamento, a me tamen ut confirmati observabuntur, praesertim cum delatori locus non sit. 4 Nam si verendum esset ne quod ego dedissem populus eriperet, cunctantior fortasse et cautior esse deberem; cum vero liceat heredi donare, quod in hereditate subsedit, nihil est quod obstet illi meae legi, cui publicae leges non repugnant.

Vale.

LETTRE XVII.

PLINE A GALLUS.

Vous êtes surpris que je me plaise tant à ma terre de Laurentin, ou, si vous voulez, de Laurens. Vous reviendrez sans peine de votre étonnement quand vous connaîtrez ce charmant séjour, les avantages de sa situation, l'étendue de nos rivages. Le Laurentin n'est qu'à dix-sept milles de Rome : si bien qu'on y peut aller après avoir achevé toutes ses affaires, et sans rien prendre sur sa journée. Deux grands chemins y mènent, celui de Lamente et celui d'Ostie. Si vous prenez le premier, il faut le quitter à quatorze milles; si vous prenez le second, il faut le quitter à onze. Tous deux tombent dans un autre, où les sables rendent le voyage assez fâcheux, et assez long pour les voitures; mais à cheval, il est plus doux et plus court. La vue est de tous côtés fort diversifiée : tantôt la route se resserre entre des bois, tantôt elle s'ouvre et s'étend dans de vastes prairies. Là, vous voyez des troupeaux de moutons, de boeufs, de chevaux, qui s'engraissent dans les pâturages, et profitent du printemps dès qu'il a chassé l'hiver de leurs montagnes. La maison est d'une grande commodité, et n'est pas d'un grand entretien : l'entrée est propre, sans être magnifique. On trouve d'abord une galerie de figure ronde, qui enferme une petite cour assez riante, et qui offre une agréable retraite coutre le mauvais temps; car elle vous met à l'abri par des vitres qui la ferment de toutes parts, et beaucoup plus par un toit avancé qui la couvre. De cette galerie, vous passez dans une grande cour fort gaie, et dans une assez belle salle à manger qui s'avance sur la mer, dont les vagues viennent mourir au pied du mur, pour peu que le sent du midi souffle : tout est portes à deux battants, ou fenêtres, dans cette salle, et les fenêtres y sont aussi hautes que les portes : ainsi à droite, à gauche, en face, vous découvrez comme trois mers en une seule; à l'opposite, l'oeil retrouve la grande cour, la galerie, la petite cour, encore une fois la galerie, et enfin l'entrée, d'où l'on voit des bois et des montagnes en éloignement. A la gauche de cette salle à manger est une grande chambre moins avancée vers la mer; et de là on entre dans une plus petite qui a deux fenêtres, dont l'une reçoit les premiers rayons du soleil, l'autre en retient les derniers : celle-ci voit aussi la mer, dont la vue est plus éloignée, et n'en est que plus douce. L'angle que l'avance de la salle à manger forme avec le mur de la chambre semble fait pour recueillir, pour arrêter, pour réunir toute l'ardeur du soleil; c'est l'asile de mes gens contre l'hiver, c'est où ils font leurs exercices : là, on ne connaît d'autres vents que ceux qui, par quelques nuages, troublent la sérénité du ciel; mais il faut que ces vents s'élèvent, pour chasser mes domestiques de cet asile. Tout auprès il y a une chambre ronde, et percée de manière que le soleil y donne à toutes les heures du jour : on a ménagé dans le mur une armoire eu façon de bibliothèque, où j'ai soin d'avoir de ces livres qu'on ne peut trop lire et relire. De là, vous passez dans des chambres à coucher séparées de la bibliothèque par un passage suspendu, et garni de tuyaux qui répandent et distribuent la chaleur de tous côtés. Le reste de cette aile est occupé par des affranchis ou par des valets; et cependant la plupart des appartements en sont tenus si proprement, qu'on y peut fort bien loger des maîtres. A l'autre aile, est une chambre fort bien entendue; ensuite une grande chambre, ou une petite salle à manger, que le soleil et la mer à l'envi semblent égayer : vous passez après cela dans une chambre accompagnée de son antichambre, aussi fraîche en été par son exhaussement, que chaude en hiver par les abris qui la mettent à couvert de tous les vents : à côté, on trouve une autre chambre avec son antichambre; de là, on entre dans la salle des bains, où est un réservoir d'eau froide. Cette salle est grande et spacieuse : des deux murs opposés sortent en rond deux baignoires, si profondes et si larges que l'on pourrait au besoin y nager à son aise; auprès de là est une étuve pour se parfumer, et ensuite le fourneau nécessaire au service du bain. 1)e plain-pied, vous trouvez encore deux salles, dont les meubles sont plus galants que magnifiques; et un autre bain tempéré, d'où l'on voit la mer en se baignant. Assez près de là est un jeu de paume, percé de manière que le soleil, dans la saison où il est le plus chaud, n'y entre que sur le déclin du jour, et lorsqu'il a perdu sa force. D'un côté s'élève une tour, au bas de laquelle sont deux cabinets, deux autres au-dessus, et une terrasse où l'on peut manger, et dont la vue se promène au loin, et fort agréablement, tantôt sur la mer ou sur le rivage, tantôt sur les maisons de plaisance des environs. De l'autre côté est une autre tour : on y trouve une chambre percée au levant et au couchant : derrière est un garde-meuble fort spacieux, et puis un grenier; au-dessous de ce grenier est une salle à manger, où le bruit de la mer agitée vient de si loin, qu'on ne l'entend presque plus quand il y arrive : cette salle donne sur le jardin, et sur l'allée qui règne tout autour. Cette allée est bordée des deux côtés de buis, ou de romarin au défaut de buis; car dans les lieux où le bâtiment couvre le buis, il conserve toute sa verdure; mais au grand air et en plein vent, l'eau de la mer le dessèche, quoiqu'elle n'y rejaillisse que de fort loin. Entre l'allée et le jardin est une espèce de palissade d'une vigne fort touffue, et dont le bois est si tendre, que l'on pourrait marcher dessus nu-pieds sans se blesser. Le jardin est plein de figuiers et de mûriers, auxquels le terrain est aussi favorable que contraire à tous les autres arbres. Une salle à manger près de là jouit de cet aspect, qui n'est guère moins agréable que celui de la mer, dont elle est plus éloignée : derrière cette salle il y a deux appartements, dont les fenêtres regardent l'entrée de la maison, et un potager fort fertile. De là vous trouvez une galerie voûtée, qu'à sa grandeur on pourrait prendre pour un ouvrage public. Elle a grand nombre de croisées sur la mer et de demi-croisées sur le jardin, et quelques ouvertures en petit nombre dans le haut de la voûte: quand le temps est calme et serein, on les ouvre toutes ; si le vent donne d'un côté, on ouvre les fenêtres de l'autre. Devant cette galerie est un parterre parfumé de violettes. La réverbération du soleil,que la galerie renvoie, échauffe le terrain, et en même temps le met à couvert du nord; ainsi, d'un côté la chaleur se conserve, et de l'autre le frais. Enfin, cette galerie vous défend aussi du sud; de sorte que de différents côtés elle vous offre un abri contre les vents différents. L'agrément que l'on trouve l'hiver en cet endroit augmente en été. Avant midi, vous pouvez vous promener à l'ombre de la galerie dans le parterre; après midi, dans les allées, ou dans les autres lieux du jardin qui sont le plus à la portée de cette ombre. On la volt croître ou décroître, selon que les jours deviennent plus longs ou plus courts. La galerie elle-même n'a point de soleil lorsqu'il est le plus ardent, c'est-à-dire quand il donne à plomb sur la voûte.

L'on y trouve encore cette commodité, qu'elle est percée de manière que les fenêtres, lorsqu'on les veut ouvrir, laissent aux zéphyrs un passage assez libre pour empêcher que l'air trop renfermé ne se corrompe. Au bout du parterre et de la galerie est, dans le jardin, un appartement détaché, que j'appelle mes délices, je dis mes vraies délices : je l'ai moi-même bâti. Là, j'ai un salon, qui est une espèce de poêle solaire qui d'un côté regarde le parterre, de l'autre la mer, et de tous les deux reçoit le soleil : son entrée répond à une chambre voisine, et une de ses fenêtres donne sur la galerie. J'ai pratiqué du côté de la mer un enfoncement qui fait un effet fort agréable : on y peut placer un lit et deux chaises; et, par le moyen d'une cloison vitrée que l'on approche ou que l'on recule, ou de rideaux que l'on ouvre ou que l'on ferme, on joint cet enfoncement à la chambre, ou, si l'on veut, on l'en sépare; les pieds du lit sont tournés vers la mer, le chevet vers les maisons. A côté sont des forêts. Trois différentes fenêtres vous présentent ces trois différentes vues, et tout à la fois les confondent. De là, on entre dans une chambre à coucher, où la voix des valets, le bruit de la mer, le fracas des orages, les éclairs, ni le jour même, ne peuvent pénétrer, à moins que l'on n'ouvre les fenêtres. La raison de cette tranquillité si profonde, c'est qu'entre le mur de la chambre et celui du jardin, il y a un espace vide qui rompt le bruit. A cette chambre tient une petite étuve, dont la fenêtre fort étroite retient ou dissipe la chaleur, selon le besoin. Plus loin, on trouve une antichambre et une chambre, où le soleil entre au moment qu'il se lève, et où il donne encore après midi, mais de côté. Quand je suis retiré dans cet appartement, je m'imagine être à cent lieues de chez moi. Il me fait surtout un singulier plaisir dans le temps des Saturnales. J'y jouis du silence et du calme, pendant que tout le reste de la maison retentit des cris de joie que la licence de ces fêtes excite parmi les domestiques. Ainsi mes études ne troublent point les plaisirs de mes gens; ni leurs plaisirs, mes études. Ce qui manque à tant de commodités, à tant d'agréments, ce sont des eaux courantes : à leur défaut, nous avons des puits, ou plutôt des fontaines; car ils sont très peu profonds. Le terrain est admirable. En quelque endroit que vous fouilliez, vous avez de l'eau, mais de l'eau pure, claire et fort douce, quoique près de la mer. Les forêts d'alentour vous donnent plus de bois que vous n'en voulez. Ostie vous fournit abondamment toutes les autres choses nécessaires à la vie. Le village même peut suffire aux besoins d'un homme frugal. Il n'y a qu'une seule maison de campagne entre la mienne et le village : on y trouve jusqu'à trois bains publics. Imaginez-vous combien cela est commode, soit que vous arriviez lorsqu'on ne vous attend pas, soit que le peu de séjour que vous avez résolu de faire dans votre maison ne vous donne pas le temps de préparer vos propres bains, Tout le rivage est bordé de maisons, les unes contiguës, les autres séparées, qui, par leur beauté différente, forment le plus agréable aspect du monde, et semblent offrir plus d'une ville à vos yeux. Vous pouvez également jouir de cette vue, soit que vous vous promeniez sur terre ou sur mer. La mer y est quelquefois tranquille, le plus souvent fort agitée. On y pêche beaucoup de poisson, mais ce n'est pas du plus délicat. On y prend pourtant des soles excellentes, et des cancres assez bons. La terre ne vous est pas moins libérale de ses biens. Surtout nous avons du lait en abondance au Laurentin; car les troupeaux aiment à s'y retirer quand la chaleur les chasse du pâturage, et les oblige de chercher de l'ombrage ou de l'eau. N'ai-je pas raison de tant chérir cette retraite, d'en faire mes délices, d'y, demeurer si longtemps? En vérité, vous aimez trop la ville, si vous n'avez envie de passer avec moi quelques jours en un lieu si agréable. Puissiez-vous y venir, pour ajouter à tous les charmes de ma maison ceux qu'elle emprunterait de votre présence !

Adieu.

II, 17

C. Plinius Gallo suo s.

1 Miraris cur me Laurentinum vel (si ita mavis), Laurens meum tanto opere delectet; desines mirari, cum cognoveris gratiam villae, opportunitatem loci, litoris spatium. 2 Decem septem milibus passuum ab urbe secessit, ut peractis quae agenda fuerint salvo jam et composito die possis ibi manere. Aditur non una via; nam et Laurentina et Ostiensis eodem ferunt, sed Laurentina a quarto decimo lapide, Ostiensis ab undecimo relinquenda est. Utrimque excipit iter aliqua ex parte harenosum, junctis paulo gravius et longius, equo breve et molle. 3 Varia hinc atque inde facies; nam modo occurrentibus silvis via coartatur, modo latissimis pratis diffunditur et patescit; multi greges ovium, multa ibi equorum boum armenta, quae montibus hieme depulsa herbis et tepore verno nitescunt. Villa usibus capax, non sumptuosa tutela. 4 Cujus in prima parte atrium frugi, nec tamen sordidum; deinde porticus in D litterae similitudinem circumactae, quibus parvola sed festiva area includitur. Egregium hac adversus tempestates receptaculum; nam specularibus ac multo magis imminentibus rectis muniuntur. 5 Est contra medias cavaedium hilare, mox triclinium satis pulchrum, quod in litus excurrit ac si quando Africo mare impulsum est, fractis jam et novissimis fluctibus leviter alluitur. Undique valvas aut fenestras non minores valvis habet atque ita a lateribus a fronte quasi tria maria prospectat; a tergo cavaedium porticum aream porticum rursus, mox atrium silvas et longinquos respicit montes. 6 Hujus a laeva retractius paulo cubiculum est amplum, deinde aliud minus quod altera fenestra admittit orientem, occidentem altera retinet; hac et subjacens mare longius quidem sed securius intuetur. 7 Hujus cubiculi et triclinii illius objectu includitur angulus, qui purissimum solem continet et accendit. Hoc hibernaculum, hoc etiam gymnasium meorum est; ibi omnes silent venti, exceptis qui nubilum inducunt, et serenum ante quam usum loci eripiunt. 8 Annectitur angulo cubiculum in hapsida curvatum, quod ambitum solis fenestris omnibus sequitur. Parieti ejus in bibliothecae speciem armarium insertum est, quod non legendos libros sed lectitandos capit. 9 Adhaeret dormitorium membrum transitu interjacente, qui suspensus et tubulatus conceptum vaporem salubri temperamento huc illuc digerit et ministrat. Reliqua pars lateris hujus servorum libertorumque usibus detinetur, plerisque tam mundis, ut accipere hospites possint. 10 Ex alio latere cubiculum est politissimum; deinde vel cubiculum grande vel modica cenatio, quae plurimo sole, plurimo mari lucet; post hanc cubiculum cum procoetone, altitudine aestivum, munimentis hibernum; est enim subductum omnibus ventis. Huic cubiculo aliud et procoeton communi pariete junguntur. 11 Inde balinei cella frigidaria spatiosa et effusa, cujus in contrariis parietibus duo baptisteria velut ejecta sinuantur, abunde capacia si mare in proximo cogites. Adjacet unctorium, hypocauston, adjacet propnigeon balinei, mox duae cellae magis elegantes quam sumptuosae; cohaeret calida piscina mirifica, ex qua natantes mare aspiciunt, 12 nec procul sphaeristerium quod calidissimo soli inclinato jam die occurrit. Hic turris erigitur, sub qua diaetae duae, totidem in ipsa, praeterea Chianti quae latissimum mare longissimum litus villas amoenissimas possidet. 13 Est et alia turris; in hac cubiculum, in quo sol nascitur conditurque; lata post apotheca et horreum, sub hoc triclinium, quod turbati maris non nisi fragorem et sonum patitur, eumque jam languidum ac desinentem; hortum et gestationem videt, qua hortus includitur. 14 Gestatio buxo aut rore marino, ubi deficit buxus, ambitur; nam buxus, qua parte defenditur tectis, abunde viret; aperto caelo apertoque vento et quamquam longinqua aspergine maris inarescit. 15 Adjacet gestationi interiore circumitu vinea tenera et umbrosa, nudisque etiam pedibus mollis et cedens. Hortum morus et ficus frequens vestit, quarum arborum illa vel maxime ferax terra est, malignior ceteris. Hac non deteriore quam maris facie Chianti remota a mari fruitur, cingitur diaetis duabus a tergo, quarum fenestris subjacet vestibulum villae et hortus alius pinguis et rusticus. 16 Hinc cryptoporticus prope publici operis extenditur. Utrimque fenestrae, a mari plures, ab horto singulae sed alternis pauciores. Hae cum serenus dies et immotus, omnes, cum hinc vel inde ventis inquietus, qua venti quiescunt sine injuria patent. 17 Ante cryptoporticum xystus violis odoratus. Teporem solis infusi repercussu cryptoporticus auget, quae ut tenet solem sic aquilonem inhibet summovetque, quantumque caloris ante tantum retro frigoris; similiter africum sistit, atque ita diversissimos ventos alium alio latere frangit et finit. Haec jucunditas ejus hieme, major aestate. 18 Nam ante meridiem xystum, post meridiem gestationis hortique proximam partem umbra sua temperat, quae, ut dies crevit decrevitve, modo brevior modo longior hac vel illa cadit. 19 Ipsa vero cryptoporticus tum maxime caret sole, cum ardentissimus culmini ejus insistit. Ad hoc patentibus fenestris favonios accipit transmittitque nec umquam aere pigro et manente ingravescit. 20 In capite xysti, deinceps cryptoporticus horti, diaeta est amores mei, re vera amores: ipse posui. In hac heliocaminus quidem alia xystum, alia mare, utraque solem, cubiculum autem valvis cryptoporticum, fenestra prospicit mare. 21 Contra parietem medium zotheca perquam eleganter recedit, quae specularibus et velis obductis reductisve modo adicitur cubiculo modo aufertur. Lectum et duas cathedras capit; a pedibus mare, a tergo villae, a capite silvae: tot facies locorum totidem fenestris et distinguit et miscet. 22 Junctum est cubiculum noctis et somni. Non illud voces servolorum, non maris murmur, non tempestatum motus non fulgurum lumen, ac ne diem quidem sentit, nisi fenestris apertis. Tam alti abdicitque secreti illa ratio, quod interjacens andron parietem cubiculi hortique distinguit atque ita omnem sonum media inanitate consumit. 23 Applicitum est cubiculo hypocauston perexiguum, quod angusta fenestra suppositum calorem, ut ratio exigit, aut effundit aut retinet. Procoeton inde et cubiculum porrigitur in solem, quem orientem statim exceptum ultra meridiem oblicum quidem sed tamen servat. 24 In hanc ego diaetam cum me recepi, abesse mihi etiam a villa mea videor, magnamque ejus voluptatem praecipue Saturnalibus capio, cum reliqua pars tecti licentia dierum festisque clamoribus personat; nam nec ipse meorum lusibus nec illi studiis meis obstrepunt. 25 Haec utilitas haec amoenitas deficitur aqua salienti, sed puteos ac potius fontes habet; sunt enim in summo. Et omnino litoris illius mira natura: quacumque loco moveris humum, obvius et paratus umor occurrit, isque sincerus ac ne leviter quidem tanta maris vicinitate corruptus. 26 Suggerunt affatim ligna proximae silvae; ceteras copias ostiensis colonia ministrat. Frugi quidem homini sufficit etiam vicus, quem una villa discernit. In hoc balinea meritoria tria, magna commoditas, si forte balineum domi vel subitus adventus vel brevior mora calfacere dissuadeat. 27 Litus ornant varietate gratissima nunc continua nunc intermissa tecta villarum, quae praestant multarum urbium faciem, sive mari sive ipso litore utare; quod non numquam longa tranquillitas mollit, saepius frequens et contrarius fluctus indurat. 28 Mare non sane pretiosis piscibus abundat, soleas tamen et squillas optimas egerit. Villa vero nostra etiam mediterraneas copias praestat, lac in primis; nam illuc e pascuis pecora conveniunt, si quando aquam umbramve sectantur.

29 Justisne de causis jam tibi videor incolere inhabitare diligere secessum? quem tu nimis urbanus es nisi concupiscis. Atque utinam concupiscas! ut tot tantisque dotibus villulae nostrae maxima commendatio ex tuo contubernio accedat.

Vale.

LETTRE XVIII.

PLINE A MAURICUS.

Quelle commission plus agréable pourriez-vous me donner, que celle de chercher un précepteur pour vos neveux? Je vous suis redevable du plaisir de revoir des lieux où l'on a pris soin de former ma jeunesse, et où il me semble que je reprends en quelque sorte mes plus belles années. Je recommence à m'asseoir, comme j'avais coutume de faire, entre les jeunes gens, et je m'aperçois de la considération que mon inclination pour les belles-lettres me donne auprès d'eux. Le dernier jour, j'arrivai pendant qu'ils disputaient ensemble dans une assemblée nombreuse, et en présence de plusieurs sénateurs. J'entrai : ils se turent. Je ne vous rapporterais pas ce détail, s'il ne leur faisait plus d'honneur qu'à moi, et s'il ne vous promettait une heureuse éducation pour vos neveux. Ce qui me reste, c'est d'entendre tous les professeurs, et de vous mander mon sentiment. Je ferai si bien, autant qu'une lettre le pourra permettre, que vous serez en état d'en juger comme si vous les aviez entendus vous-même. Je vous dois ce soin, je le dois à la mémoire de votre frère, et surtout dans une occasion de cette importance : car mie pouvez-vous avoir plus à coeur que de rendre ses enfants (je dirais les vôtres, si ce n'est que vous aimez ceux-ci davantage); de rendre, dis-je, ses enfants dignes d'un tel père et d'un tel oncle? J'aurais de mon propre mouvement rempli ce devoir, quand même vous ne l'eussiez pas exigé. Je sais que la préférence donnée à un précepteur ne manquera pas de me brouiller avec tous les autres ; mais, pour l'intérêt de vos neveux, il n'est point d'inimitiés si fortes que je ne doive affronter avec autant de courage qu'un père le ferait pour ses propres enfants.

Adieu.

II, 18

C. Plinius Maurico suo s.

1 Quid a te mihi jucundius potuit injungi, quam ut praeceptorem fratris tui liberis quaererem? Nam beneficio tuo in scholam redeo, et illam dulcissimam aetatem quasi resumo: sedeo inter juvenes ut solebam, atque etiam experior quantum apud illos auctoritatis ex studiis habeam. 2 Nam proxime frequenti auditorio inter se coram multis ordinis nostri clare jocabantur; intravi, conticuerunt; quod non referrem, nisi ad illorum magis laudem quam ad meam pertineret, ac nisi sperare te vellem posse fratris tui filios probe discere. 3 Quod superest, cum omnes qui profitentur audiero, quid de quoque sentiam scribam, efficiamque quantum tamen epistula consequi potero, ut ipse omnes audisse videaris. 4 Debeo enim tibi, debeo memoriae fratris tui hanc fidem hoc studium, praesertim super tanta re. Nam quid magis interest vestra, quam ut liberi (dicerem tui, nisi nunc illos magis amares) digni illo patre, te patruo reperiantur? quam curam mihi etiam si non mandasses vindicassem. 5 Nec ignoro suscipiendas offensas in eligendo praeceptore, sed oportet me non modo offensas, verum etiam simultates pro fratris tui filiis tam aequo animo subire quam parentes pro suis.

Vale.

LETTRE XIX.

PLINE A CÉREALIS.

Vous me pressez de lire mon plaidoyer dans une assemblée d'amis : je ne m'y sens pas trop disposé; mais vous le voulez, je le ferai. Je sais que dans la lecture les harangues perdent leur feu, leur force; en un mot, qu'elles cessent presque d'être harangues. Rien ne les fait ordinairement tant valoir, rien ne les anime tant, que la présence des juges, le concours des avocats, l'attente du succès, la réputation du demandeur, et l'inclination secrète qui divise les auditeurs et les attache à différents partis. Le geste même de l'orateur, sa démarche, sa prononciation, enfin un air vif répandu dans toute sa personne, et qui exprime les mouvements de son âme, tout frappe, tout impose. On s'en aperçoit dans ceux qui déclament assis. Quoiqu'ils conservent d'ailleurs tous les autres avantages, cette seule posture semble rendre toute leur action plus faible et plus languissante. Ceux qui lisent ont bien plus à perdre. Comme ils ne peuvent presque se servir ni de l'oeil ni de la main, si propres à soutenir le déclamateur, il ne faut pas s'étonner que l'attention languisse, lorsqu'aucun agrément extérieur ne la pique, ne la réveille. Outre ces désavantages, j'avais celui de traiter un sujet rempli de subtilités et de chicanes. Il est naturel à l'orateur de croire que le sujet qui lui a donné du dégoût et de la peine, en doit donner aussi à ses auditeurs. Où en trouver d'assez équitables pour préférer un discours grave et serré, à un discours coulant et harmonieux? C'est une discorde honteuse, mais très réelle pourtant, que celle des juges et des auditeurs, qui demandent des choses toutes différentes. Un auditeur raisonnable devrait se mettre à la place du juge, et n'être touché que de ce qui le toucherait lui-même, s'il avait à prononcer. Cependant, malgré tant d'obstacles, la nouveauté pourra peut-être faire passer ma pièce. J'entends nouveauté par rapport à nous; car les Grecs avaient un genre d'éloquence qui, bien opposé à celui dont je vous parle, revient en quelque sorte au même. Quand ils réfutaient une loi comme contraire à une plus ancienne qui n'était point révoquée, ils déterminaient ordinairement le sens contesté, en comparant ces lois avec d'autres qui pouvaient y avoir du rapport. Moi, au contraire, ayant à défendre la disposition que je prétendais trouver dans la loi du péculat, je l'ai soutenue par d'autres lois qui l'expliquaient plus clairement. Le vulgaire aura peine à goûter un ouvrage de cette nature, mais il n'en doit avoir que plus de grâce pour les savants. Si vous persistez toujours à vouloir que je lise ma pièce, je la lirai indistinctement devant toutes les personnes habiles. Mais, encore une fois, examinez bien sérieusement st je dois m'engager à cette lecture : comptez, pesez tout ce que je viens de vous dire, et n'écoutez, pour vous déterminer, que la raison. Vous seul aurez besoin d'apologie. Je trouverai la mienne dans ma complaisance.

Adieu.

II, 19

C. Plinius Ceriali suo s.

1 Hortaris ut orationem amicis pluribus recitem. Faciam quia hortaris, quamvis vehementer addubitem. 2 Neque enim me praeterit actiones, quae recitantur, impetum omnem caloremque ac prope nomen suum perdere, ut quas soleant commendare simul et accendere judicum consessus, celebritas advocatorum, exspectatio eventus, fama non unius actoris, diductumque in partes audientium studium, ad hoc dicentis gestus incessus, discursus etiam omnibusque motibus animi consentaneus vigor corporis. 3 Unde accidit ut ii qui sedentes agunt, quamvis illis maxima ex parte supersint eadem illa quae stantibus, tamen hoc quod sedent quasi debilitentur et deprimantur. 4 Recitantium vero praecipua pronuntiationis adjumenta, oculi manus, praepediuntur. Quo minus mirum est, si auditorum intentio relanguescit, nullis extrinsecus aut blandimentis capta aut aculeis excitata. 5 Accedit his quod oratio de qua loquor pugnax et quasi contentiosa est. Porro ita natura comparatum est, ut ea quae scripsimus cum labore, cum labore etiam audiri putemus. 6 Et sane quotus quisque tam rectus auditor, quem non potius dulcia haec et sonantia quam austera et pressa delectent? Est quidem omnino turpis ista discordia, est tamen, quia plerumque evenit ut aliud auditores aliud judices exigant, cum alioqui iis praecipue auditor affici debeat, quibus idem si foret judex, maxime permoveretur. 7 Potest tamen fieri ut quamquam in his difficultatibus libro isti novitas lenocinetur, novitas apud nostros; apud Graecos enim est quiddam quamvis ex diverso, non tamen omnino dissimile. 8 Nam ut illis erat moris, leges quas ut contrarias prioribus legibus arguebant, aliarum collatione convincere, ita nobis inesse repetundarum legi quod postularemus, cum hac ipsa lege tum aliis colligendum fuit; quod nequaquam blandum auribus imperitorum, tanto majorem apud doctos habere gratiam debet, quanto minorem apud indoctos habet. 9 Nos autem si placuerit recitare adhibituri sumus eruditissimum quemque. Sed plane adhuc an sit recitandum examina tecum, omnesque quos ego movi in utraque parte calculos pone, idque elige in quo vicerit ratio. A te enim ratio exigetur, nos excusabit obsequjum.

Vale.

LETTRE XX.

PLINE A CALVISIUS.

Que me donnerez-vous? et je vous conterai une histoire qui vaut son pesant d'or. Je vous en dirai même plus d'une, car la dernière m'en rappelle d'autres: il n'importe par où commencer. Véranie, veuve de Pison (celui qui fut adopté par Galba), était à l'extrémité. Régulus la vient voir. Quelle effronterie à un homme qui avait toujours été l'ennemi déclaré du mari, et l'horreur de la femme! Encore passe pour la visite : mais il prend la place la plus proche d'elle, ose s'asseoir prés de son lit, lui demande le jour, l'heure de sa naissance. Elle lui dit l'un et l'autre. Aussitôt il compose son visage, fixe ses yeux, remue les lèvres, compte par ses doigts sans rien compter; et tout ce vain mystère ne va qu'à tenir l'esprit de cette pauvre malade suspendu par une longue attente. Vous êtes, dit-il, dans votre année climatérique; mais vous guérirez. Pour plus grande certitude, je vais consulter un sacrificateur, dont je me suis souvent fort bien, trouvé. Il part; il fait un sacrifice, revient, jure que les entrailles des victimes sont d'accord avec ce qu'il a promis de la part des astres. Cette femme, crédule comme on l'est d'ordinaire dans le péril, fait un codicille, et laisse un legs à Régulus. Peu à peu le mal redouble, et, dans les derniers soupirs, elle s'écrie : Le scélérat, le perfide, qui renchérit même sur le parjure, et affirme des impostures par les jours de son fils! Ce crime est familier à Régulus. Il expose salis scrupule à la colère des dieux, qu'il trompe tous les jours, la tète de son malheureux fils, et le donne pour garant d'un si grand nombre de faux serments. Vellélus Blésus, ce riche consulaire, voulait, pendant sa dernière maladie, changer quelque chose à son testament. Régulus, qui se promettait quelque avantage de ce changement, parce qu'il avait pris des mesures pour s'insinuer dans l'esprit du malade, s'adresse aux médecins, les prie, les conjure de prolonger, à quelque prix que ce soit, la vie de son ami. Le testament est à peine scellé, que Régulus change de personnage et de ton. Eh! messieurs, dit-il aux médecins, combien de temps voulez-vous encore tourmenter un malheureux? Pourquoi envier une douce mort à qui vous ne pouvez conserver la vie? Blésus meurt; et, comme s'il eût tout entendu, il ne laisse rien à Régulus. C'est bien assez de deux contes: m'en demandez-vous un troisième, suivant le précepte de l'école? Il est tout prêt. Aurélie, femme d'un rare mérite, se pare de ses plus riches habits, sur le point designer son testament. Régulus, invité à la signature, arrive; et aussitôt, sans autre détour : Je vous prie, lui dit-il, de me léguer ces habits. Aurélie, de croire qu'il plaisante; lui, de la presser fort sérieusement : enfin, il fait si bien, qu'il la contraint d'ouvrir son testament, et de lui faire un legs de l'habit qu'elle portait. Il ne se contenta pas de la voir écrire, il voulut encore lire ce qu'elle avait écrit. Il est vrai qu'Aurélie est réchappée ; mais ce n'est pas la faute de Régulus : il avait bien compté qu'elle mourrait. Un homme de ce caractère ne laisse pas de recueillir des successions et de recevoir des legs, comme s'il le méritait. Cela doit-il surprendre dans une ville où le crime et l'impudence sont en possession de disputer ou même de ravir à l'honneur et à la vertu leurs récompenses? Voyez Régulus. C'était un gueux : il est devenu si riche, à force de lâchetés et de crimes, qu'il m'a dit : Je sacrifiais un jour aux dieux, pour savoir si je parviendrais jamais à jouir de soixante millions de sesterces; doubles entrailles trouvées dans la victime m'en promirent six vingt millions. Il les aura, n'en doutez point, s'il continue à dicter ainsi des testaments; espèce de fausseté, de toutes les faussetés, à mon avis, la plus punissable. Adieu.

II, 20

C. Plinius Calcisio suo s.

1 Assem para et accipe auream fabulam, fabulas immo; nam me priorum nova admonuit, nec refert a qua potissimum incipiam. 2 Verania Pisonis graviter jacebat, hujus dico Pisonis, quem Galba adoptavit. Ad hanc Regulus venit. Primum impudentiam hominis, qui venerit ad aegram, cujus marito inimicissimus, ipsi invisissimus fuerat! 3 Esto, si venit tantum; at ille etiam proximus toro sedit, quo die qua hora nata esset interrogavit. Ubi audiit, componit vultum intendit oculos movet labra, agitat digitos computat. Nihil. Ut diu miseram exspectatione suspendit, ‘habes’ inquit ‘climacterium tempus sed evades. 4 Quod ut tibi magis liqueat, haruspicem consulam, quem sum frequenter expertus.’ 5 Nec mora, sacrificium facit, affirmat exta cum siderum significatione congruere. Illa ut in periculo credula poscit codicillos, legatum Regulo scribit. Mox ingravescit, clamat moriens hominem nequam perfidum ac plus etiam quam perjurum, qui sibi per salutem filii pejerasset. 6 Facit hoc Regulus non minus scelerate quam frequenter, quod iram deorum, quos ipse cotidie fallit, in caput infelicis pueri detestatur.

7 Vellejus Blaesus ille locuples consularis novissima valetudine conflictabatur: cupiebat mutare testamentum. Regulus qui speraret aliquid ex novis tabulis, quia nuper captare eum coeperat, medicos hortari rogare, quoquo modo spiritum homini prorogarent. 8 Postquam signatum est testamentum, mutat personam, vertit allocutionem isdemque medicis: ‘Quousque miserum cruciatis? quid invidetis bona morte, cui dare vitam non potestis?’ Moritur Blaesus et, tamquam omnia audisset, Regulo ne tantulum quidem.

9 Sufficiunt duae fabulae, an scholastica lege tertiam poscis? est unde fiat. 10 Aurelia ornata femina signatura testamentum sumpserat pulcherrimas tunicas. Regulus cum venisset ad signandum, ‘Rogo’ inquit ‘has mihi leges.’ 11 Aurelia ludere hominem putabat, ille serio instabat; ne multa, coegit mulierem aperire tabulas ac sibi tunicas quas erat induta legare; observavit scribentem, inspexit an scripsisset. Et Aurelia quidem vivit, ille tamen istud tamquam morituram coegit. Et hic hereditates, hic legata quasi mereatur accipit.

12 Ἀλλὰ τί διατείνομαι in ea civitate, in qua jam pridem non minora praemia, immo majora nequitia et improbitas quam pudor et virtus habent? 13 Aspice Regulum, qui ex paupere et tenui ad tantas opes per flagitia processit, ut ipse mihi dixerit, cum consuleret quam cito sestertium sescentiens impleturus esset, invenisse se exta duplicia, quibus portendi miliens et ducentiens habiturum. 14 Et habebit, si modo ut coepit, aliena testamenta, quod est improbissimum genus falsi, ipsis quorum sunt illa dictaverit.

Vale.

 

 

NOTES SUR LES LETTRES DE PLINE.

LIVRE II.

Lett. 1. Virginii Rufi. Virginius Rufus, citoyen digne des anciens temps de la république. Tacite eu fait un grand éloge. Deux fois les soldats lui offrirent l'empire, après la mort de Néron et après celle d'Othon, et deux fois il le refusa, au risque d'être massacré.

Reservatum. J'ai suivi la leçon qui porte reservatum, et non celle qui porte reservatus, et qui ne m'a pas paru si belle. (D. S.)

Lett. 2. Μικραίτιος. In rebus parvulis querulus. (D S.)

Lett. 3. Νοήματα. Sententiae. (D. S.)

Ἕξιν. Facultatem. (D. S.)

Ἀφιλόκαλον. Alienum ab homine rerum honestarum studioso. (D. S.)

Τί δέ, εἰ αὐτοῦ, etc. Quid si illam ipsam belluam audivissetis. (D. S.)

Λαμπροφω,ότατος. Clarissima vero praeditus (D. S.)

Lett. 11. Σεμνῶς. Graviter, et quadam cum majestate. (D. S.)

Λειτούργιον. Negotium publicum. (D. S.)

Lett. 12. Λειτούργιον. Même note que la précédente.

Lett. 14. Istas majores natu solebant dicere. Je hasarde ici la correction d'un mot du texte qui me paraît altéré. Je lis istas solebant dicere, qui fait un sens parfait, au lieu de ista, qui le gâte. (D. S.)

Ubi tam palam sportulae. Les gens riches faisaient distribuer du pain et de la viande à ceux de leurs clients qui étaient misérables. C'était proprement une aumône. Beaucoup de poètes médiocres n'avaient pas d'autres ressources pour vivre.

Σοφοκλεῖς. Acclamantes sapienter. (D. S.)

Ternis denariis. Le texte dit trois deniers, qui en valent environ vingt-quatre de notre monnaie. (D. S.)

Μεσόχορος. Qui medio in choro consistit.

Lett.17. Laurentinum , etc. Laurente, petite ville à six lieues de Rome.

Lett. 20. Signatum testamentum. Invité à la signature. C'était une action de cérémonie chez les Romains. (D. S.)

Ἀλλά τι διατείμοναι, etc. Sed quid pluribus verbis contende? (D. S.)