Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

FRAGMENTS

DE

PHILOLAÜS

 

Fr. 1. [1] a. L'être[2] qui appartient au monde est un composé harmonieux d'éléments infinis et d'éléments finis[3] : il en est ainsi et du monde lui-même dans son tout, et de toutes les choses qu'il renferme.[4]

b. Tous les êtres sont nécessairement finis ou infinis,[5] ou à la fois finis et infinis ; mais ils ne sauraient être tous seulement infinis[6]......

2. Or, puisqu'il est clair que les êtres ne peuvent pas être formés ni d'éléments qui soient tous finis, ni d'éléments qui soient tous infinis, il est évident que le monde dans son tout, et les êtres qui sont en lui sont un composé harmonieux d'éléments finis et d'éléments infinis.[7] C'est ce qu'on voit dans les ouvrages de l'art.[8] Ceux qui sont faits d'éléments finis,[9] sont eux-mêmes finis, ceux qui sont faits d'éléments finis et d'éléments infinis, sont à la fois finis et infinis, et ceux qui sont faits d'éléments infinis, sont infinis.[10]

3. Et[11] toutes choses, celles du moins qui sont connues, ont le nombre : car il n'est pas possible qu'une chose quelconque[12] soit ou pensée ou connue sans le nombre.[13] Le nombre a deux espèces propres : l'impair et le pair, et une troisième provenant du mélange des deux autres, le pair-impair. Chacune de ces espèces est susceptible de formes très nombreuses, que chacune individuellement manifeste.[14]

M. Boeckh donne ici comme fragment un extrait de Nicomaque, Arithm. II, p. 509, sur l'harmonie, ainsi conçu : « L'harmonie est universellement le résultat de contraires : car elle est l'unité du multiple, l'accord des discordances. » Il reconnaît cependant que personne ne cite ce passage comme de Philolaüs, auquel il croit que la suite des idées dans le texte de Nicomaque oblige ou permet de le rapporter.

4. Voici ce qu'il en est de la nature et de l'harmonie : L'essence des choses est une essence éternelle; c'est une nature unique et divine, et dont la connaissance n'appartient pas à l'homme ; et cependant il ne serait pas possible qu'aucune des choses qui sont et sont connues de nous, arrivassent à notre connaissance, si cette essence n'était le fondement interne des principes dont le monde a été formé, c'est-à-dire des éléments finis et des éléments infinis.[15] Or puisque ces principes ne sont pas semblables entre eux, ni de nature semblable, il serait impossible que l'ordre du monde fût formé par eux, si l'harmonie n'était intervenue, de quel que manière d'ailleurs que cette intervention se soit produite. En effet, les choses semblables et de nature semblable, n'ont pis eu besoin d'harmonie ; mais les choses dissemblables, qui n'ont ni une nature semblable,[16] ni une fonction égale, pour pouvoir être placées dans l'ensemble lié du monde, doivent être enchaînées par l'harmonie.

5. L'étendue de l'harmonie est une quarte,[17] plus une quinte.[18] La quinte est plus forte que la quarte de 9/8;[19] car il y a de l'hypate[20] à la mèse,[21] une quarte, et de la mèse à la nète[22] une quinte : mais de la nète à la trite,[23] il y a une quarte, de la trite à l'hypate, une quinte. L'intervalle placé entre la mèse et la trite est de 9/8 ; l'intervalle de la quarte est de 4/3;[24] celui de la quinte, de 3/2; celui de l'octave dans le rapport double.[25] Ainsi l'harmonie comprend cinq 9/8 plus deux dièses;[26] la quinte trois 9/8 plus un dièse; la quarte deux 9/8 plus un dièse.[27]

6.[28] Cependant Philolaüs le pythagoricien a essayé de diviser autrement le ton : il pose pour point de départ du ton le premier nombre impair qui forme un cube, et l'on sait que le premier impair était l'objet d'une vénération particulière chez les pythagoriciens. Or, le premier impair est 3 ; 3 fois 3 font 9, et 9 multiplié par 3 donne 27, qui est distant du nombre 24 de l'intervalle d'un ton, et en diffère de ce même nombre, 3. En effet 3 est la 8e partie de 24, et cette 8e partie de 24 ajoutée à 24 môme, reproduit 27 cube de 3. Philolaüs divise ce nombre 27 en deux parties, l'une plus grande que la moitié, qu'il appelle apotomé ; l'autre plus petite que la moitié qu'il appelle dièse, mais à laquelle on a postérieurement donné le nom de demi-ton mineur. Il suppose que le dièse comprend 13 unités, parce que 13 est la différence entre 256 et 243, et que ce même nombre est la somme de 9, de 3, et de l'unité, dans laquelle l'unité joue le rôle du point, 3 de la première ligne impaire, 9 du premier carré impair. Après avoir, pour ces raisons, exprimé par 13 le dièse qu'on appelle semi-ton, il forme de 14 unités l'autre partie du nombre 27 qu'il nomme apotomé;[29] et comme la différence de 13 à 14 est l'unité, il soutient que l'unité forme le comma, et que 27 unités forment le ton entier, parce que 27 est la différence de 216 à 243 qui sont distants d'un ton.

7.[30] Voici quelles définitions Philolaüs a données de ces intervalles, et des intervalles encore plus petits. Le comma,[31] dit-il, est l'intervalle dont le rapport 8 : 9 excède la somme de deux dièses, c'est-à-dire, la somme de deux demi-tons mineurs.[32] Le schisma est la moitié du comma ; le diaschisma est la moitié du dièse, c'est-à-dire, du demi-ton mineur.[33]

8.[34] Avant de traiter de la substance de l'âme, il (Philolaüs) traite, d'après les principes de la géométrie, de la musique et de l'arithmétique, des mesures, des poids et des nombres, soutenant que ce sont là les principes qui font exister l'univers.[35]

9.[36] Quelques-uns, suivant en cela Philolaüs, pensent que cette sorte de proportion est appelée harmonique, parce qu'elle a la plus grande analogie avec ce qu'on appelle l'harmonie géométrique : or, on appelle harmonie géométrique le cube, parce que toutes ses dimensions sont parfaitement égales entre elles, et par conséquent en parfaite harmonie. En effet, cette proportion s'aperçoit dans toute espèce de cube, qui a toujours 12 côtés, 8 angles et 6 surfaces.[37]

Le nombre huit,[38] que les Arithméticiens appellent le premier carré en acte,[39] a reçu de Philolaüs le pythagoricien le nom d'Harmonie géométrique, parce qu'il croit y retrouver tous les rapports harmoniques.

10.[40] a. Le monde est un : il a commencé à se formera partir du centre.[41] A partir de ce centre, le haut est absolument identique au bas; (cependant on pourrait dire que) ce qui est en haut du centre est opposé à ce qui est en bas de lui ; car pour le bas, le point le plus bas serait le centre, comme pour le haut, le point le plus haut serait' encore le centre, et de même pour les autres parties ; en effet, par rapport au centre chacun des points opposés est identique, à moins qu'on ne fasse mouvoir le tout.[42]

b. Le Premier Composé,[43] l'Un placé au milieu de la sphère s'appelle Hestia.

11.[44] a. Philolaüs a mis le feu au milieu, au centre : c'est ce qu'il appelle la Hestia du Tout, la maison de Jupiter et la mère des Dieux, l'autel, le lien, la mesure de la nature.[45] En outre il pose encore un second feu, tout à fait en haut, et enveloppant le monde. Le centre, dit-il, est par sa nature le premier; autour de lui les dix corps divers accomplissent leurs chœurs dansants [46]; ce sont le ciel, les planètes, plus bas le soleil, au-dessous de celui-ci la lune ; plus bas la Terre, et au-dessous de la Terre, l'anti-Terre,[47] et enfin au-dessous de tous ces corps, le feu d'Hestia, au centre, où il maintient l'ordre. La partie la plus élevée de l'Enveloppant, dans laquelle il prétend que les éléments se trouvent à l'état parfaitement pur, il l'appelle l'Olympe ; l'espace au-dessous du cercle de révolution de l'Olympe, et où sont rangés en ordre les cinq planètes, le soleil et la lune, forme le Monde, Cosmos; enfin au-dessous de ces derniers corps est la région sublunaire, qui entoure la terre, et où se trouvent les choses de la génération, amie du changement : c'est le Ciel.[48] L'ordre qui se manifeste dans les phénomènes célestes, est l'objet de la science; le désordre qui se manifeste dans les choses du devenir est l'objet de la vertu : l'une est parfaite, l'autre imparfaite.

b.[49] Philolaüs, le pythagoricien, met le feu au milieu ; c'est la Hestia du Tout ; ensuite l'Anti-Terre ; en troisième lieu, la terre que nous habitons, placée en face de l'autre, et se mouvant circulairement : ce qui fait que les habitants de celle-là ne sont pas visibles aux habitants de la nôtre.

c.[50] Le principe dirigeant, dit Philolaüs, est dans le feu tout à fait central, que le démiurge a placé comme une sorte de carène pour servir de fondement à la sphère du Tout.[51]

12.[52] Philolaüs explique par deux causes la destruction:[53] l'une est le feu qui descend du ciel, l'autre est l'eau de la lune, qui en est chassée par la révolution de l'air : les pertes de ces deux astres nourrissent le monde.

13.[54] a. Philolaüs[55] a le premier dit que la terre se meut en cercle; d'autres disent que c'est Hicétas de Syracuse.

b.[56] Les uns prétendent que la terre est immobile ; mais Philolaüs le pythagoricien dit qu'elle se meut circulairement autour du feu (central)[57] et suivant un cercle oblique, comme le soleil et la lune.

14.[58] Philolaüs, le pythagoricien, dit que le soleil est un corps[59] vitrescent qui reçoit la lumière réfléchie du feu du Cosmos, et nous en renvoie, après les avoir filtrées, et la lumière et la chaleur:[60] de sorte qu'on pourrait dire qu'il y a deux soleils : le corps du feu qui est dans le Ciel,[61] et la lumière ignée qui en émane et se réfléchit dans une espèce de miroir. A moins qu'on ne veuille considérer comme une troisième lumière, celle qui, du miroir où elle se brise, retombe sur nous en rayons dispersés.[62]

15.[63] De la forme apparente de la lune.

Quelques pythagoriciens, entre autres Philolaüs, prétendent que sa ressemblance avec la terre vient de ce que sa surface est, comme notre terre, habitée, mais par des animaux et des végétaux plus grands et plus beaux ; car les animaux de la lune sont quinze fois plus grands que les nôtres, et n'évacuent pas d'excréments. Le jour y est aussi plus long que le nôtre dans la même proportion.[64] D'autres prétendent que la forme apparente de la lune n'est que la réfraction de la mer que nous habitons, qui dépasse le cercle de feu.

16.[65] D'après Philolaüs le pythagoricien, il y a une année, composée de 59·années et de 21 mois intercalaires:[66] l'année naturelle a, d'après lui, 364 jours et un demi-jour.[67]

17.[68] Philolaüs dit que le nombre est la force souveraine et autogène qui maintient la permanence éternelle des choses cosmiques.[69]

18.[70] a. C'est dans la décade qu'il faut voir quelle est dans sa puissance et l'efficacité et l'essence du nombre : elle est grande, elle réalise toutes les fins, est cause de tous les effets ; la puissance de la décade est le principe et le guide de toute vie, divine, céleste, humaine, à laquelle elle se communique;[71] sans elle tout est infini; tout est obscur, et se dérobe. En effet, c'est la nature du nombre qui nous apprend à connaître, qui nous sert de guide, qui nous enseigne toutes choses, lesquelles resteraient impénétrables et inconnues pour tout homme.[72] Car il n'est personne qui pourrait sur aucune chose se faire une notion claire, ni des choses en elles-mêmes, ni de leurs rapports, s'il n'y avait pas le nombre, et l'essence du nombre. Mais maintenant le nombre par une certaine proportion qu'il met dans l'âme, au moyen de la sensation,[73] rend tout connaissable, et établit entre toutes les choses des rapports harmoniques,[74] analogues à la nature du gnomon;[75] il incorpore les raisons intelligibles des choses, les sépare, les individualise, tant des choses infinies que des choses finies. Et ce n'est pas seulement dans les choses démoniques et divines qu'on peut voir la nature et la puissance du nombre manifestant leur force, mais c'est encore dans toutes les œuvres, et dans toutes les pensées de l'homme, partout enfin et jusque dans les productions des arts et dans la musique. La nature du nombre et l'harmonie n'admettent pas l'erreur: le faux n'appartient pas à leur essence;[76] la nature infinie sans pensée, sans raison, voilà le principe de l'erreur et de l'envie. Jamais l'erreur ne peut se glisser dans le nombre; car sa nature y est hostile, en est l'ennemie. La vérité est le caractère propre, inné de la nature du nombre.

b.[77] La Décade porte aussi le nom de Foi, parce que, d'après Philolaüs, c'est par la Décade et ses éléments, si on les saisit avec force et sans négligence,[78] que nous arrivons à nous faire sur les êtres une foi solidement fondée. C'est également la source de la mémoire, et voilà pourquoi on a donné à la Monade, le nom de Mnémosyne.

c.[79] La Décade détermine tout nombre, elle enveloppe en soi la nature de toute chose, du pair et de l'impair, du mobile et de l'immobile, du bien et du mal. Elle a été l'objet de longues discussions d'Archytas dans son ouvrage sur la Décade, et de Philolaüs dans son ouvrage sur la Nature.

d.[80] Il y en a qui appelaient la Tétraclys[81] le grand serment des pythagoriciens, parce que suivant eux elle constitue le nombre parfait, ou bien parce qu'elle est le principe de la santé : de ce nombre est Philolaüs.

19.[82] a. Archytas et Philolaüs appellent indifféremment l'unité monade, et la monade unité.

b.[83] Il ne faut pas croire que les philosophes commencent par des principes pour ainsi dire opposés : ils connaissent le principe qui est placé au-dessus de ces deux éléments,[84] comme l'atteste Philolaüs disant que c'est Dieu qui hypostatise[85] le fini et l'infini; il montre que c'est par la limite, que toute série coordonnée des choses se rapproche davantage de l'Un, et que c'est par l'infinité, que se produit la série inférieure. Ainsi au-dessus même de ces deux principes, ils plaçaient la cause unique et séparée, distinguée de tout par son excellence.[86] C'est cette cause qu'Archénète[87] appelait la cause avant la cause ; et c'est elle que Philolaüs affirme avec force être le principe de tout, et dont Brontinus dit qu'elle surpasse en puissance et en dignité toute raison et toute essence.[88]

c.[89] Dans la formation des nombres carrés par l'addition, l'unité est comme la barrière du diaule d'où l'on part, et aussi le terme où l'on revient ; parce que si on place les nombres en forme d'un double stade, on les voit croître depuis l'unité jusqu'à la racine du carré, et la racine est comme la borne du stade où l'on tourne, et en parlant de là la succession des nombres revient à l'unité, comme dans le carré 25.[90]

Il n'en est pas de même dans la composition des nombres hétéromèques;[91] si l'on veut, à la façon d'an gnomon, ajouter à un nombre quelconque la somme des pairs, alors le nombre deux paraîtra seul en état de recevoir et de comporter l'addition, et sans le nombre deux on ne pourra pas engendrer de nombres hétéromèques. Si l'on veut disposer la série naturelle croissante des nombres dans l'ordre du double stade, alors l'unité, étant le principe de tout, d'après Philolaüs (car c'est lui qui a dit : l'unité, principe de tout), se présentera bien comme étant la barrière, le point de départ qui engendre les hétéromèques, mais elle ne sera pas le but, la borne où la série retourne et revient : ce n'est pas l'unité, c'est le nombre deux qui remplira cette fonction.[92]

d.[93] Philolaüs confirme ce que je viens de dire par les mots suivants : Celui, dit-il, qui commande et gouverne tout, est un Dieu un, éternellement existant, immuable, immobile, identique à lui-même, différent des autres choses.

e.[94] Philolaüs en disant que Dieu tient toutes choses comme en captivité, montre qu'il est un et supérieur à la matière.[95]

20.[96] Même chez les pythagoriciens nous trouvons des angles différents attribués aux différents dieux, comme l'a fait Philolaüs, qui a consacré aux uns l'angle du triangle, aux autres l'angle du rectangle, à d'autres angles, et quelquefois à plusieurs le même.

Les pythagoriciens[97] disent que le triangle est le principe absolu de la génération des choses engendrées et de leur forme ; c'est pour cela que Timée dit que les raisons de l'être physique, et de la formation régulière des éléments sont triangulaires;[98] en effet, elles ont les trois dimensions ; elles rassemblent dans l'unité les éléments en soi absolument divisés et changeants; elles sont remplies[99] de l'infinité propre à la matière, et établissent au-dessus des êtres matériels des liens, il est vrai, fragiles; c'est ainsi que les triangles sont enveloppés par des droites, ont des angles qui réunissent les lignes diverses et en font le lien.[100] Philolaüs a donc eu ! raison d'attribuer l'angle du triangle à quatre dieux, à Cronos, Hadès, Arès et Dionysos, réunissant sous ces quatre noms la quadruple disposition des éléments, qui se rapporte à la partie supérieure de l'univers, à partir du ciel ou des sections du zodiaque. En effet, Cronos préside à toute essence humide et froide ; Arès à toute nature ignée ; Hadès embrasse toute vie terrestre ; Dionysos dirige la génération des choses humides et chaudes, dont le vin, par sa chaleur et son état liquide, est le symbole. Ces quatre dieux séparent leurs opérations secondes ; mais ils restent unis les uns avec les autres : c'est pour cela que Philolaüs en leur attribuant un seul angle a voulu exprimer cette puissance d'unification.[101] Les pythagoriciens veulent aussi que, de préférence au quadrilatère, ce soit le tétragone qui porte l'image de l'essence divine:[102] c'est par lui qu'ils expriment surtout l'ordre parfait.... Car la propriété d'être droit imite la puissance de l'immuabilité, et l'égalité représente celle de la permanence, car le mouvement est l'effet de l'inégalité, le repos celui de l'égalité. Ce sont donc là les causes de l'organisation de l'être solide[103] dans son tout, et de son essence pure et immuable.... Ils ont donc eu raison de l'exprimer symboliquement par la figure du tétragone. En outre Philolaüs, par un autre trait de génie,[104] appelle l'angle du tétragone, l'angle de Rhéa, de· Déméter et d'Hestia.[105] Car considérant la terre comme un tétragone, et remarquant que cet élément a la propriété du continu, comme nous l'avons appris par Timée, et que la terre reçoit tout ce qui s'écoule de ces corps divins, et en même temps les puissances génératrices qu'ils contiennent, il a eu raison d'attribuer l’angle du tétragone à ces déesses qui engendrent la vie.[106] En effet, quelques-uns appellent la terre Hestia et Déméter et prétendent qu'elle participe de Rhéa, tout entière, et qu'en elle sont contenues toutes les causes engendrées. Voilà pourquoi il dit, dans un langage obscur,[107] que l'angle du tétragone embrasse la puissance une qui fait l'unité de ces créations divines.

Et il ne faut pas oublier que Philolaüs assigne l'angle du triangle à quatre dieux, et l'angle du tétragone i trois, montrant parla la faculté qu'ils ont de se pénétrer, de s'influencer mutuellement, et faisant voir comment toutes choses participent de toutes choses, les choses impaires des paires, et les paires des impaires. La triade et la tétrade, participant aux biens générateurs et créateurs,[108] embrassent toute l'organisation régulière des choses engendrées. Leur produit est la dodécade qui aboutit à la monade unique, le principe souverain de Jupiter ; car Philolaüs dit que l'angle du dodécagone appartient à Jupiter, parce que Jupiter enveloppe dans l'unité le nombre entier de la dodécade.

21.[109] a. Après la grandeur mathématique qui par ses trois dimensions ou intervalles, réalise le nombre quatre, Philolaüs nous montre l'être manifestant dans le nombre cinq la qualité et la couleur, dans le nombre six l'âme et la vie, dans le nombre sept la raison, la santé et ce qu'il appelle la lumière; puis il ajoute que l'amour, l'amitié, la prudence, la réflexion, sont communiqués aux êtres par le nombre huit.

b.[110] Il y a quatre principes de l'animal raisonnable, comme le dit Philolaüs, dans son ouvrage sur la Nature, l'encéphale, le cœur, le nombril, et les organes sexuels. La tête est le siège de la raison, le cœur celui de l'âme (ou de lu vie) et de la sensation, le nombril de la faculté de pousser des racines et de reproduire le premier être, les organes sexuels de la faculté de projeter la semence et d'engendrer. L'encéphale (contient) le principe de l'homme, le cœur celui de l'animal, le nombril celui de la plante, les organes sexuels celui de tous les êtres, car tous les êtres croissent et poussent des rejetons.

c.[111] Il y a cinq corps dans la sphère : le feu, l'eau, la terre, l'air, et le cercle[112] de la sphère qui fait le cinquième.

22.[113] De Philolaüs le pythagoricien, tiré de son livre sur l'âme.[114]

Philolaüs soutient que le monde est indestructible : voici en effet ce qu'il dit dans son livre sur l'âme ·

C'est pourquoi le monde demeure éternellement, parce qu'il ne peut être détruit par un autre, ni s'anéantir de lui-même.[115] On ne trouvera ni au dedans ni en dehors de lui aucune autre force plus puissante qu'elle,[116] capable de le détruire. Mais le monde a existé de toute éternité[117] et il demeurera éternellement, parce qu'il est un, gouverné par un principe dont la nature est semblable à la sienne, et dont la force est toute puissante et souveraine.[118] De plus, le monde, un, continu, doué d'une respiration naturelle, se mouvant éternellement[119] en cercle, aie principe du mouvement et du changement ; une partie en lui est immuable, l'autre est changeante : la partie immuable s'étend depuis l’âme[120] qui embrasse le tout, jusqu'à la lune, et la partie changeante depuis la lune jusqu'à la terre ; or, puisque le moteur agit depuis l'éternité et continue éternellement son action, et que le mobile reçoit sa manière d'être du moteur qui agit sur lui, il résulte nécessairement de là· que l'une des parties du monde imprime toujours le mouvement, que l'autre reçoit toujours passive;[121] l'une est tout entière le domaine[122] de la raison et de l'âme, l'autre de la génération et du changement; l'une est antérieure en puissance et supérieure, l'autre postérieure et subordonnée. Le composé de ces deux choses, du divin éternellement en mouvement,[123] et de la génération toujours changeante, est le Monde. C'est pourquoi l'on a raison de dire qu'il est l'énergie éternelle de Dieu et du devenir qui obéit aux lois de la nature changeante. L'un demeure éternellement dans le même état et identique à lui-même, le reste constitue le domaine de la pluralité qui naît et qui périt. Mais cependant les choses mêmes qui périssent sauvent leur essence et leur forme, grâce à la génération, qui reproduit la forme identique à celle du père qui les a engendrées et les a façonnées.[124]

23.[125] a. L'âme est introduite et associée au corps par le nombre, et par une harmonie à la fois immortelle et incorporelle.... L'âme chérit son corps, parce que sans lui elle ne peut sentir; mais quand la mort l'en a séparée, elle mène dans le monde (le Cosmos) une vie incorporelle.

b.[126] Platon dit que l'âme est une essence qui se meut elle-même; Xénocrate la définit un nombre qui se meut lui-même ; Aristote l'appelle une entéléchie ; Pythagore et Philolaüs une harmonie.

c.[127] Philolaüs disait encore qu'il ne fallait pas se tuer, parce que c'était un précepte pythagoricien qu'il ne faut pas déposer son fardeau, mais aider les autres à porter le leur; c'est-à-dire qu'il faut venir en aide à la vie, et non s'en prendre à elle.[128]

d.[129] Il est bon aussi de se rappeler le mot de Philolaüs le pythagoricien qui dit : les anciens théologiens et devins attestent que c'est en punition de certaines fautes que l'âme est liée au corps et y est ensevelie comme dans un tombeau.[130]

24.[131] a. Comme l'a dit Philolaüs, il y a des raisons plus fortes que nous.

b.[132] J'aurai ailleurs une autre occasion de rechercher avec plus de soin comment, en élevant un nombre au carré, par la position des unités simples qui le composent, on arrive à des propositions évidentes, naturellement et non par la loi, comme dit Philolaüs.[133]

25.[134] Anaxagore a dit que la Raison en général est la faculté de discerner et de juger; les pythagoriciens disent également que c'est la Raison, non pas la raison en général, mais la Raison qui se développe en l'homme par l'étude des mathématiques, comme le disait aussi Philolaüs, et ils soutiennent que si cette Raison est capable de comprendre la nature du tout, c'est qu'elle a quelque affinité d'essence avec celte nature, car il est dans la nature des choses que le semblable soit compris par le semblable.

26.[135] a. Philolaüs a donc eu raison de l'appeler Décade, parce qu'elle reçoit (δέχομαι) l'infini, et Orphée de l'appeler la Tige, parce qu'elle est comme la tige d'où sortent tous les nombres comme autant de branches.

b.[136] Philolaüs a donc eu raison d'appeler sans mère le nombre sept.

c.[137] Philolaüs a donc eu raison d'appeler la Dyade l'épouse de Cronos.

 


 

[1] Conf. Boeckh., Phil., p. 45; Stob., éd. Meinek., c. xxi. Segm. 7, t. I, p. 127. Diog. L., VIII, 85.

[2]φύσις. C'est l'être naturel, l'être qui naît, qui se développe, qui devient, φύομαι.

[3] Le mot περαίνοντα signifie à la fois ce qui est en soi déterminé et limité, et ce qui détermine et limite : c'est la forme informante des Scolastiques. Stobée, I, xi, xii, p. 298, dit que Philolaüs l'appelait aussi, comme plus tard Platon, τπέρας.

[4] Diog. L., VIII, 85, rapporte que, suivant Démétrius, c'était là le commencement de l'ouvrage de Philolaüs sur la nature : Περφύσεως. M. Boeckh croit le passage corrompu, et voudrait en supprimer au commencement ἐν τκόσμῳ : c'est une erreur qui provient du faux sens donné à ἡ φύσις.

[5] On lit à la marge des manuscrits de Stobée : ἐκ τοῦ Φιλολάου περκόσμου. Μ. Boeckh voit dans ce fragment le commencement du premier livre de l'ouvrage de Philolaüs et donne à ce premier livre le titre : du Monde. La citation de Stobée présente le passage comme s'il formait un développement suivi et continu ; mais le peu de liaison des idées y fait soupçonner par Heeren, Meineke et Boeckh des lacunes. Nicomaque, (Harmon., p. 17. Meib.,) en cite la fin, et rapporte sa citation au premier livre du De natura de Philolaüs. Ailleurs (Arithm., II, p. 59), il cite également cette proposition : « Philolaüs dit : il est nécessaire que les êtres soient ou infinis ou finis, ou à la fois l'un et l'autre. » Ce que Boèce traduit (Arithm., II, p. 52) : « Philolaus vero, Necesse est, inquit, omnia quae sunt vel infinita vel finita esse. »

[6] La preuve manque. M. Boeckh la retrouve dans ce passage d'Iamblique (Villois., Anecd. Graec., II, p. 196) : « D'abord, d'après Philolaüs, il ne saurait y avoir de connaissance, si toutes les choses étaient infinies, et il est cependant nécessaire de reconnaître chez les êtres l'existence naturelle de la science. » C'est ce que répète Syrien, dans la traduction latine (ad Met., XII, p. 88) : « Principio enim, inquit (Philolaüs) nullum erit cognitum omnibus infinitis existentibus. » Le texte du fragment était primitivement : μόνον οὐκ ἀεί. Heeren y avait substitué οὐκ ἀν εη, que Meineke a corrigé en οὐ κα εη.

[7] C'est le grand principe pythagoricien; l'être est un composé, un rapport, la synthèse des contraires. Celte doctrine leur est encore attribuée et particulièrement à Philolaüs par Proclus (Plat. Theol. III, vii, p. 182), qui dit : « D'après Philolaüs, la nature des êtres est un tissu formé d'éléments finis (συμπεπλεγμένης) et d'éléments infinis; » et (ad Tim., I, p. 26) : « L'être est un composé indissoluble, la synthèse des contraires, le fini et l'infini, comme le dit Philolaüs, δημιουργίαν ἄρηκτον. »

[8] Εργα, particulièrement les ouvrages de l'architecture et de la sculpture.

[9] Quant à la dimension et au nombre.

[10] La comparaison est loin d'éclaircir l'idée; car il n'est guère possible de se représenter un ouvrage d'architecture dont les pierres n'aient aucune forme ni aucun nombre.

Le fini pour les pythagoriciens était l'impair, et l'infini le pair. Cf. Arist., Phys., III, 4, et Met., I, 5. Syrianus (ad Met., XIV, texte latin, Boeckh, p. 54; texte grec, Schol. Met. Aristt., Braud., p. 326, et De perdit. libr. Aristt., p. 35) commente ainsi la pensée de Philolaüs : « Il ne faut pas croire que les pythagoriciens commencent absolument par les contraires : ils connaissaient le principe qui est placé au-dessus de ces deux éléments, comme l'atteste Philolaüs, disant que c'est Dieu qui a hypostatisé le fini et l'infini (πέρας καὶ ἀπειρίαν ὑποστῆσαι. Cf. Procl., Theol. Platon., III, vii, p. 137, appelant Dieu πέρατος καὶ ἀπειρίας ὑποστάτην) ; il montre que c'est du fini, qui a plus d'affinité avec l'unité, que vient toute espèce d'ordre, et de l'infini que vient cet état de choses qui n'est qu'une dégradation du premier. Ainsi, au-dessus des deux principes, et antérieurement à eux, il posait une cause une, unique, séparée de toutes les autres choses, qu'Archénène (M. Boeckh propose de lire Archytas) disait être la cause avant la cause, et que Philolaüs affirmait être le principe de Tout. » Proclus (Theol. Plat., I, v, p. 13) observe que Platon, dans le Philèbe, p. 16, rapporte aux pythagoriciens ces deux genres de causes premières, et il ajoute : « Sur ce sujet, Philolaüs le pythagoricien avait écrit des choses admirables, et exposé avec d'abondants développements comment ces principes se développent et procèdent dans les êtres, εἰς τὄντα πρόοδον, et forment la création distincte des choses. »

[11] Il est clair qu'il y a une lacune ici, et que ce qui suit ne se lie pas avec ce qui précède ; ce passage forme le 2e fr. de M. Boeckh.

[12] Les manuscrits donnent ὁτι ῶν τε, que M. Boeckh a ingénieusement change en ὁτιῶν οον τε. M. Meineke, moins hardi, supprime ὁτιῶν, pour ne laisser subsister qu'οοντε.

[13] On retrouve dans Epicharme, pythagoricien d'après la tradition, à peu près la même pensée. Voy. plus loin Hist. de la philosophie pythagoricienne, Epicharme.

[14] Passage corrompu. Les leçons des manuscrits varient : les uns donnent αὔ ταὐτό δημαίνει; les autres, αὔ αὐτό. Heeren propose αὐταυτσημαίνει ; Jacobs (Epist. crit., p. 134), ὤν ἑκάστα αὐ ταὐτό παθαίνεται, « quarum unaquaeque iterum eadem ratione afficitur. »

[15] Le texte n'est pas sûr. Le manuscrit donne τὰς ἐντούς, que Canter change avec Boeckh en αὔτά; ἐντός, et Meineke en τὰς ἐστοῦς. Le sens est pour moi très obscur : il me semble que l'auteur des fragments veut dire que l'essence en soi nous échappe, et que nous ne pouvons la connaître que lorsqu'elle se manifeste dans le phénomène, dans le monde et le devenir ; et toutefois c'est par elle que le devenir lui-même nous peut être connu.

[16] Ίσολοχῆ, ἰσοτελῆ, ἰσοταχῆ, ἰσόπαλῆ, telles sont les variantes des manuscrits et des éditions.

[17] Συλλαβά, nom donné à la quarte, parce que c'est le premier système (σύλληψις) des sons consonants.

[18] Δι' ξείων, ou διὰ πέντε.

[19] Ἐπόγδοον, c'est-à-dire : 1/8 + un entier = 1/8+ 8/8 = 9/8.

[20] La corde grave du tétracorde inférieur.

[21] La corde aiguë de ce même tétracorde. Dans la jonction des deux tétracordes, cette corde devenait la corde grave du tétracorde supérieur, et occupait le milieu des deux systèmes : de là son nom.

[22] La corde aiguë du tétracorde supérieur.

[23] L'auteur se place ici dans le système de l'heptacorde, où manquait une corde, et où de la paranète à la corde la plus grave du tétracorde supérieur, il n'y avait pas d'intervalle divisé, mais un intervalle de trois demi-tons. Alors la corde, qui dans le système de l’octocorde était et s’appelait la paramèse, devenait et s’appelait la trite, c’est-à-dire la troisième corde en partant de l’aigu.

[24]  Ἐπίτριτον, un tiers en sus de l’entier.

[25] De 1 : 2 ou 2 : 4. C’est donc notre octave mais autrement divisée, διὰ πασῶν.

[26] C’est ici un demi-ton mineur, 248 : 256. Le sens primitif est division. Ce demi-ton mineur porte ailleurs le nom de limma (λεῖμμα), et le dièse alors = 1\3 de ton dans le genre chromatique, 1\4 de ton dans le genre enharmonique.

[27] Ici se termine le long fragment de Stobée, que M. Boeckh a partagé en cinq parties. M. Schaarschmidt veut bien reconnaître que ces cinq fragments ne contiennent rien qui ne soit conforme aux doctrines pythagoriciennes, telles que nous les connaissons par Aristote.

[28] Ce fragment est en latin et extrait de Boèce (de Music., III, 5), qui «près avoir montré la division exacte et scientifique du ton, ajoute : Cependant Philolaüs, etc.

[29] Ce calcul de l'apotomé est inexact, d'après M. Boeckh, qui le démontre ainsi : Le limma ou dièse n'est dans le rapport 243 : 256 que si on pose le ton à 243 : 273 3/8; si au contraire on le fait 216 : 243, le nombre du limma est trop petit pour que la différence en soit 13. De sorte que les différences du limma et de l'apotomé, et le nombre du comma sont faux dans le calcul de Philolaüs. > Cf. Th. H. Martin, Études s. le Timée, t. I, p. 410.

[30] Encore extrait de Boèce, de Music, III, 8.

[31] Il faut lire ici comma, quoique M. Boeckh donne diesis.

[32] La somme de deux demi-tons mineurs ou limmas (que Philolaüs appelle dièse) ne fait pas un ton. Le comma est ce qui manque à deux limmas pour valoir un ton.

[33] Je ne traduis pas la suite du chapitre de Boèce, qui n'appartient' pas à Philolaüs.

[34] Après un fragment incomplet de Porphyre, où il semble dire que Philolaüs étendait le nom d'excès, ὑπεροχή, à tous les intervalles musicaux, H. Boeckh passe à un extrait latin de Claudien Mamert (de Stat. anim., II, 3).

[35] Cf. dans la Bible le livre de la Sagesse, II, 22.

[36] Tiré de Nicomaq., Arithm., II, p. 72.

[37] Dans la proportion harmonique, le moyen surpasse chaque extrême, et est surpassé par chaque extrême d'une même fraction de chacun d'eux : c'est ce qui se présente dans la série des nombres 12 : 8 : 6; car 12 = 8 + 4, et 4 est le tiers de 12; 8 = 6 + 2, et 2 est le tiers de 6. Le cube contenant ces trois nombres est donc le type de la proportion harmonique. Boèce (Arithm., II, 49) reproduit la même théorie avec un peu plus de développements, mais sans la rapporter à Philolaüs.

[38] Tiré de Cassiodore (Expos, in Psalm. IX, p. 36).

[39] C'est-à-dire le premier cube.

[40] Fragm. tiré de Stobée (Eclog., I, c. xv, 7, p. 360), qui le cite comme faisant partie d'un ouvrage de Philolaüs, intitulé Βάκχαι

[41] Il est certain que la théorie de Philolaüs est que le monde s'est formé d'un noyau central se développant jusqu'aux extrémités où il atteint l'infini. On est donc obligé de donner ce sens aux mots ἄχρι τοῦ μέσου.

[42] Le texte est des plus obscurs : il semble que l'auteur a voulu dire que, dans une sphère, l'opposition du haut et du bas est simplement relative. Par rapport au centre, tous les points de la circonférence sont également en bas ; en sorte que pour le bas, le milieu est le vrai bas, l'extrême bas, et de même pour le haut : telle est du moins l'interprétation de M. Boeckh, que j'ai adoptée dans ma traduction. M. Schaarschmidt objecte qu'Aristote nie que les pythagoriciens aient connu l'opposition du haut et du bas dans le monde, et qu'ils n'ont soutenu que celle de droite et de gauche. Boeckh avait cité un passage d'une ΣυναγωγΠυθαγορικῶν produit par Simplicius (Scholl. in Aristt., p. 492, f. 47), contraire à l'assertion d'Aristote ; et M. Schaarschmidt triomphe, parce qu'entre ces deux autorités, on ne peut pas balancer à qui accorder la préférence. Mais si on relit le fragment avec attention, on voit que, pour l'auteur, il ne comprend pas l'opposition réelle du haut et du bas, et que cette distinction n'a pour lui qu'une valeur tout à fait relative. Quant à la contradiction de faire le monde éternel, et cependant d'en indiquer le commencement et d'en décrire le développement, on peut dire qu'elle se retrouve dans presque tous les systèmes, qu'elle est inhérente au problème philosophique, parce qu'il est à peu près également impossible de comprendre qu'il ait ou qu'il n'ait pas commencé, et qu'enfin on peut dire que cette description d'un commencement de l'éternel est faite διδασκαλίας χάριν, comme le dit Aristote en parlant des pythagoriciens, ou comme le disait Pythagore lui-même, κατ' ἐπινοίαν (Stob., Ecl., I, 21, 6, p. 450).

[43] Τὸ πρᾶτον ἅρμοσθεν. Fr. tiré de Stob., Ecl., I, 21, 8, p. 468.

[44] Fragm. tiré de Stob., Ed., I, 22, I, p. 488

[45] Aristt. (De cœlo, II, 13) dit que les pythagoriciens appelaient le feu central le poste de veille (φυλακήν) de Jupiter. Dans Proclus et Simplicius, les mots Διὸς οκον sont remplacés par ceux de Ζανς πργον.

[46] La terre se meut donc. Cf. plus loin fr. 13, et Boeckh, de Platon. System., p. xv et xvi.

[47] Astre imaginé par les pythagoriciens, dit Aristote (Met., I, 5, et de Cœl., II, 13. Cf. Simplicius, ad Arist., de Cœl., p. 124 b) pour compléter la Décade.

[48] Platon, dans le Phèdre, distingue également trois diacosmes : l'un, ὔπερουράνιος; le moyen, qu'il appelle le Ciel; le troisième est le monde sublunaire. Le corps de l'homme est en affinité avec le troisième; l'âme avec le second ; l'intelligence et les idées avec le premier. Un anonyme, auteur d'une Vie de Pythagore (Phot., Biblioth., col. 1313), donne une description différente du système cosmologique des pythagoriciens, mais qui ne semble guère fidèle, et qui n'est d'ailleurs pas rapportée à Philolaüs. Les objections contre l'authenticité du fragment sont tirées : 1° de la division en trois parties, de perfection inégale, ce qui est contraire à la notion du κόσμος et à l'unité qui est le principe philosophique du système ; 2° de l'emploi des mots ὄλυμπος, Οὐρανς, κόσμος, εἰλικρίνεία; 3° de la place du feu central, qui paraît supprimé à la fin du fragment par un feu enveloppant. Je réponds qu'il est tout à fait conforme aux idées pythagoriciennes de poser le premier principe à la fois comme enveloppant et comme enveloppé; que l'inexactitude des termes, si elle est réelle, peut être attribuée au citateur; et que la contradiction réelle que signale la première objection peut faire l'objet d'une critique fondée contre le système, mais ne porte pas témoignage contre l’authenticité du fragment. M. Schaarschmidt explique d'une manière bien incompréhensible l’origine de ce passage apocryphe : L'auteur l'a commencé en ayant sous les yeux le texte du De Cœlo, II, 13; — puis, sans songer qu'il ait pris le masque d'un ancien pythagoricien, il le continue en exposant les sentiments particuliers d'Aristote. Voilà, sans mentir, un falsificateur bien maladroit. Comment la conscience même de la fraude qu'il commettait ne l'a-t-elle pas mis en garde contre une si grossière combinaison d'éléments si disparates? Ceci est assurément de toutes les possibilités la plus invraisemblable et la plus incroyable.

[49] Extr. de Plut., Placit. Philos., III, 11.

[50] Tiré de Stob., Ed., I, 21, 6, p. 452.

[51] Les expressions τἡγεμονιχόν et ὁ δημιοργος, l'une stoïcienne, l’autre platonicienne, la doctrine d'un Dieu séparé de l'âme du monde, ont rendu suspect ce fragment. Quant à ce dernier argument, il est réfuté par notre exposition de la doctrine des pythagoriciens, qui y montre, malgré leurs théories toutes physiques, une tendance et comme un soupir vers l'idéalisme. C'est une grande erreur de croire, comme M. Schaarschmidt, qu'un esprit sensé n'a jamais pu admettre la doctrine qui fait de l'Un un composé, et de rejeter l'authenticité d'un fragment, parce que cette doctrine y est exprimée.

[52] Extr. de Plut., Placit. Philos., II, 5, et reproduit en partie par Stob., Ecl., I, 21, 2, p. 452.

[53] Φθοράν. La destruction de quoi ? Le titre sous lequel est rangée cette proposition, dans les Placita, est : Πόθεν τρέφεται ὁ κόσμος. Ne serait-il pas naturel de changer alors dans le texte φθοράν en τροφάν? La réponse serait plus conforme à la question.

[54] Cf. Fragm. 11, b.

[55] Tiré de Diogène de Laërte, VIII, 85.

[56] Tiré de Plut., Placit. Philos., III, 7.

[57] Il ne s'agit donc pas d'un mouvement de rotation sur son axe, ou de translation autour du soleil. Cependant c'est le premier de ces mouvements que Cicéron, d'après Théophraste, croit avoir été découvert par Nicétas. Acad. qu. IV, 39. Cf. Copernic, Epist. Ad Paulum, III : « Reperi apud Ciceronem primum Hicetam scripsisse terram moveri.... Inde igitur occasionem nactus, cœpi et ego de terra; mobilitate cogitare. » Sans nommer Philolaüs, Aristote attribue également aux philosophes de l'École Italique, aux pythagoriciens, comme on les nomme, la doctrine du mouvement circulaire de la terre autour d'un centre. De Cœlo, II, 13 : « Ils disent que le feu est au milieu, que la terre est un astre, et se meut circulairement autour de ce centre, et par ce mouvement produit le jour et la nuit. »

[58] Tiré de Stob., Ecl., I, 25, 3, p. 530.

[59] Un disque, suivant Eusèb., XV, 23.

[60] Plutarque (Placit. Philos., II, 20). Eusèbe et Stobée donnent la leçon διωθοῦντα, que Boeckh remplace par la leçon meilleure διηθοῦντα, quoiqu'elle fournisse un sens acceptable.

[61] Οὐρανός semble mis ici improprement par l'auteur de l'extrait, au lieu de κόσμος.

[62] Il y a donc trois soleils : le feu central ; le soleil qui en reçoit la lumière; et la lumière qui nous est renvoyée de ce dernier, et qu'on peut appeler un troisième soleil. Comme le dit Plutarque (Placit., II, 20), en reproduisant presque intégralement ce passage, ce dernier soleil est l'image d'une image.

[63] Tiré de Stob., Eclog., I, 26, 1, p. 562.

[64] Ici s'arrête le texte de Boeckh. Il ne dit pas pourquoi il ne donne pas le texte complet de Stobée.

[65] Tiré de Censorinus, de Die natal., 18.

[66] La grande année platonique est de 10.000 ans; mais c'est une période qui semble toute mythique. Ici nous avons affaire plutôt à un vrai cycle astronomique, comme celui de Cléostrate de 8 ans, de Méton de 19, de Démocrite de 82 années solaires. Le cycle de 59 ans est attribué par Stobée (Eclog., I, 8, p. 264) à Œnopide et à Pythagore.

[67] Ici se terminent les fragments qui, d'après M. Boeckh, ont appartenu au premier livre de l'ouvrage de Philolaüs, et qui traitait du Cosmos. Le second traite de la nature.

[68] Iambl., ad Nicomac. Arithm., p. 11.

[69] Syrianus (ad Met., XII, p. 71 b) a reproduit deux fois ce morceau : « Philolaus autem mundanorum aeternae permanentiae imperantem et sponte genitam continentiam (συνόχην) numerum esse enuntiavit; » et plus loin, p. 85 b : « Philolaus quoque affirmavit numerum esse continuationem (?) aeternae mundanorum permanentiae ex se genitam et imperantem. »

[70] Tiré de Stob., Ecl., I, 3, p. 8, où il a pour titre : « De Philolao. » M. Scharschmidt, tout en ne croyant pas ce fragment authentique, n'y trouve rien qui ne soit pythagoricien.

[71] Passage fort obscur, où M. Boeckh soupçonne une lacune, et que je traduis comme s'il n'y en avait pas, en me bornant à supprimer un καὶ dans la phrase κοινωνοῦσα δναμις [καὶ] τὰς δεκάδος. Heeren propose de lire κοινῶς ἐοῦσα φαίνεται δναμις ἁ τὰς δεκάδος, qu'il traduit un peu librement : « patet vim ejus omnibus praeesse. » Badham, dans son commentaire sur le Philèbe de Platon, p. 99, en propose une autre : κοινωνίας ἁ δναμις ἁ τὰς δεκάδος, qui ne me semble pas nécessaire. Je crois que κοινωνούσα peut très bien s'expliquer tout seul.

[72] Badham, l. 1, par conjecture, au lieu de παντὶ, donne la leçon πάρεντι. Je crois que la leçon ordinaire est confirmée par la suite des idées, et par le mot οὐδενί, qui ne fait guère que répéter παντὶ.

[73] La connaissance va du semblable au semblable; il faut donc qu'il y ait entre le sujet qui connaît, l'âme, et l'objet qui est connu, analogie, rapport, similitude, harmonie. Le nombre, étant l'essence des choses, doit se trouver également dans l'âme, si l'on admet que l'âme connaît les choses.

[74] Le nombre est donc principe de l'être et du connaître.

[75] Le gnomon était une figure en forme d'équerre de même hauteur à l'intérieur qu'un carré et qui, ajoutée à ce carré, formait un second carré, plus grand que le premier de la surface de cette équerre, composée de deux rectangles égaux et d'un petit carré.

Je pense que Philolaüs veut dire que le sujet doit envelopper, et en partie embrasser l'objet, comme le gnomon embrasse et enveloppe en partie le carré dont il est complémentaire. De plus, le gnomon, exprimant la différence de deux carrés, peut, en certains cas du moins, être équivalent à un carré ; ainsi dans la proposition du carré de l'hypoténuse a² = b² + c², le gnomon a² — b² = c². Ainsi le gnomon est non pas égal en dimension, mais équivalent en espèce au carré dont il est complémentaire. Il est un carré en puissance, et c'est ainsi que le sujet pensant doit être en puissance l'objet pensé.

[76] Cf. Aristot., Analyt. pr., I, 32, p. 47 a, 8. Eth. Nic., I, 8, p. 1098, b, 11.

[77] Tiré des Theologoumena, p. 61.

[78] Passage corrompu, οὐ παρργως καταλαμβανόμενοις.

[79] Tiré de Théon de Smyrne, Platon. Mathem., p. 49.

[80] Tiré de Lucien, Pro laps. inter salut., 5.

[81] La somme des premiers nombres forme la Décade ou grande Tétractys.

[82] Tiré de Théon de Smyrne, Plat. Math., 4.

[83] Tiré de Syrien, sub initio Comment, in l. XIV, Metaph., trad. lat. de Bagolini (ad Arist. Met., XIII, p. 102).

[84] Στοιχείων Quelques manuscrits donnent la leçon συστοιχείων.

[85] Leur donne une réalité substantielle, une hypostase : ὑποστῆσαι. Cf. fragm. 1 b, n. 4.

[86] Πάντων ἐξηρημένην.

[87] Personnage inconnu : peut-être faut-il lire Archytas.

[88] On reconnaît ici les termes mêmes de Platon : ἐπέκεινα οὐσίας.

[89] Tiré d'Iambl., ad Nic. Arithm., p. 109. Il n'y a rien dans ce fragment de propre à Philolaüs, si ce n'est la citation ἐν ἀρχά πάντων.

[90] 1. 2. 3. 4.

                  5

 1. 2. 3. 4.

Or 5 est la racine de 25, et 25 est un carré obtenu par l’addition de ces neuf nombres.

[91] Rectangles, plus longs dans un sens que dans un antre.

[92] En effet,

1. 2. 3. 4.

               5

1. 2. 3. 4.

donnent la somme de 24, nombre plan rectangle, dont un coté = 4, l'autre = 6. Par hétéromèques, il faut donc entendre non des polygones dont le nombre de côtés s'augmente sans cesse, mais des rectangles dont les côtés changent sans cesse de dimension, et où l'espèce de la figure peut paraître constamment modifiée, à chaque changement dans le rapport des côtés. Cf. Aristot., Phys., III, 4 : Αλλο μὲν ἀεὶ γίννεσθαι τὸ εἴδος. Et Simplic, Schol. Aristt., p. 362 a. 1.25: Ό δὲ ἄρτιος προςτιθέμενος ἀεὶ τῷ τετραγώνῳ) ἐναλλάσσει τὸ εἰδος, ἑτερομήκη ποιῶν, ἄλλοτε κατ' ἄλλην πλεύραν παρηυξημένον.

[93] Tiré de Philon, De mundi opificio, p. 24. C'est toujours le même argument qu'on reproduit contre l'authenticité : Comment accorder ce monothéisme avec les autres doctrines de l'Ecole ? V. plus haut, fr. 11 c.

[94] Tiré d'Athenagor., Legat. pro Christ., 6.

[95] Έν φρουρᾷ, terme platonicien; ῦλη, terme aristotélique.

[96] Tiré de Proclus, ad Euclid. Elem., I, p. 36.

[97] Id., mais plus loin. M. Schaarschmidt pose en principe que la distinction de l'arithmétique et de la géométrie n'est possible que dans les systèmes qui admettent la distinction de l'idéal et du matériel ; et il conclut que les pythagoriciens n'ont pas pu employer des constructions géométriques pour expliquer le monde. Mais Plutarque le dit, et il le dit sur l'autorité d'Eudoxe, mathématicien savant et pythagoricien lui-même. Vous croyez M. Schaarschmidt embarrassé? Pas du tout ! Plutarque s'est trompé ; ou bien c'est un autre Eudoxe ; ou bien encore, ce qui est plus vraisemblable, Plutarque a emprunté son renseignement à l'ouvrage d'un faussaire, qui l'a publié sous le nom d'Eudoxe. M. Schaarschmidt voit partout des faussaires : c'est une maladie.

[98] Je suppose que cela signifie que les raisons séminales, identifiées aux atomes, ont, comme dans Platon, les éléments primitifs, la forme triangulaire.

[99] Άναπίμπλανται. Je ne vois pas d'autre sens que celui-ci ; la réalité, suivant les pythagoriciens, est ainsi produite. Le point engendre la ligne ; la ligne engendre la surface ; les surfaces ou plans sont des limites enveloppantes, mais vides, des formes sans contenu réel que remplit la matière, qui de sa nature est sans forme ; l'être réel est la synthèse de la forme et de la matière : la forme vide sert d'enveloppe à la matière qui la remplit.

[100] Le texte ajoute (γωνίας).... γωνίαν ἐπίκτητον αὐταῖς,... παρεχομένας, littéralement : .... « des angles donnant à ces lignes un angle supplémentaire. » Phrase à laquelle je ne comprends absolument rien.

[101] Ένωσιν. Peut-être le mot ne veut-il exprimer ici que l'unité où se confondent ces quatre dieux, et non celle dont ils sont la cause efficiente.

[102] C'est-à-dire qu'une surface n'est pas un corps et qu'un solide en est un. Il s'agit donc ici d'angles dièdres.

[103] L'essence divine est donc encore considérée comme enveloppée dans un corps solide. Les dieux des pythagoriciens sont les astres.

[104] Έπιβολήν.

[105] Plutarque (de Is. et Os., c. xxx) rapporte une autre distribution de ces angles, qu'il attribue aux pythagoriciens, sans nommer Philolaüs, et sur le témoignage d'Eudoxe.

[106] Ζωογόνοις.

[107] Le grec dit : souterrain, χθονίως.

[108] Comme M. Boeckh, au lieu de ποιοτικῶν, je lis κοιτιηκῶν.

[109] Tiré des Theolog. Arithm., p. 56.

[110] Theolog. Arithm., p. 22.

[111] Tiré de Stob., Eclog. Phys., I, 2, 3, p. 10.

[112] M. Schaarschmidt propose ὑλοτάς ou ὁ ὄγχος au lieu de ἡ ὁλχάς ; j'adopte l'ingénieuse correction de Meineke: ἡ κυκλάς. C'est l'éther qui enveloppe comme d'un cercle la sphère entière. La quintessence, à laquelle il est d'ailleurs fait allusion par Platon (Tim., 55 c, et Epinom., p. 94) n'est donc pas, comme l'a cru Cicéron, une découverte d'Aristote. M. Schaarschmidt conteste que par les mots, ἔτι δὲ οῦσης ξυστάσεως μις πέμπτης (Tim., 55 c), Platon fasse allusion à un cinquième élément ; il prétend que les pythagoriciens n'ont point connu la théorie des corps élémentaires, et que ceux même qui la leur prêtent ne parlent que de quatre. Quant au sens du passage du Timée, celui que tout le monde adopte est au moins aussi vraisemblable et aussi autorisé que celui qu'invente M. Schaarschmidt. A moins de contester aussi l'authenticité des fragments suivants, M. Schaarschmidt sera bien obligé d'admettre la théorie au moins de quatre éléments chez les pythagoriciens. Vitruve, en effet, dit : « Pythagoras, Empedocles, Epicharmus.... haec principia quatuor esse posuerunt. »

Et Ménandre, fr., p. 196. Meineke :

Ό μὲν Επίχαρμος τοὺς θεοὺς εἴναι λέγει

'Ανέμους, ὕδωρ, γῆν, ἥλιον, πῦρ, ἀστέρας.

Le fait qu'Epicharme croyait à une divinité unique et supérieure au monde, ne prouve pas qu'il n'admettait pas, comme tant d'autres philosophes grecs, une sorte de polythéisme. D'ailleurs, cette doctrine d'Épicharme était exposée par Ennius (Varr. de L. L., IV, de R. R., I, 4; Priscien, VII). Or, Épicharme était pythagoricien (Plut., Num., 8 : τῆς πυθαγορικῆς διατρβης, et Iambl., Vit. Pyth., 36), quoique H. Welcker en doute (Kl. Schrift., p. 481). Maintenant le partage de Stobée, I, c. xv, p. 357, où renvoie M. Schaarschmidt, dit tout le contraire de ce qu'il lui prête : « Les pythagoriciens donnent au monde la forme sphérique, d'après la figure des quatre éléments : seul, le feu supérieur, τἀνωτάτω πῦρ, a la forme d'un cône. » Il est clair qu'ici il est fait mention de cinq éléments, quatre dont la figure a imprimé au monde la forme sphérique, et un cinquième qui a la forme conique. Il n'y a donc aucune raison de douter de l'authenticité du fragment.

[113] Fragm. tiré de Stob., Eclog., I, 20, 2, p. 418.

[114] C'est ici que M. Boeckh fait commencer le troisième livre de Philolaüs qui traitait de l'âme du monde et de l'âme de l'homme. Les manuscrits portent en marge la glose suivante : Φιλολάου Πυθαγορείου ἐκ τοῦ περὶ ψυχῆς.

[115] Άφθαρτος καὶ ἀκαταπόνατος. Ce dernier mot exprime qu'il ne contient pas en lui-même cet élément de corruption, qui use la force et finit par anéantir l'essence de l'être imparfait.

[116] Que son âme.

[117] L'éternité du monde n'est pas, comme le dit Zeller, une opinion propre à Aristote. Elle a été enseignée par Héraclite (Simplic., Scholl. Aristot., 487 b, 33 : ἀλλ' ἤν ἀεὶ καὶ ἔσται πῦρ ἀείζωον), et rien n'autorise à affirmer que l'âme du monde était inconnue avant Platon. Il est évident que le Νους d'Anaxagore y ressemble beaucoup.

[118] M. Boeckh suppose ici, sans nécessité et sans preuve, une lacune.

[119] Avec Meineke, je lis ἐξ αῖδίω au lieu de ἀρχιδίω.

[120] L'âme du monde l'enveloppe donc, ce qui n'empêche pas qu'elle en pénètre toutes les parties, comme le dit Cicéron, De nat. D., I, 11 : « Animum esse per naturam rerum omnem intentum et commeantem. »

[121] Le texte dit τμὲν ἀεικίνατον, τδὲ ἀειπαθς. Quoiqu'il n'y ait pas de variantes dans les manuscrits, je lis ἀεικίνουν, qui me semble exigé par le sens. L'auteur du fragment distingue dans le Cosmos deux parties, l'une immuable, l'autre changeante; l'une motrice, l'autre mue. Or, si l'immuable n'est pas nécessairement l'immobile, ce n'est pas cependant son caractère d'être éternellement mobile. Pour rétablir l'opposition, il faut ou lire ἀειακίνατον ou ἀεικίνουν, et je choisis ce dernier. Cette opposition est une des causes légitimes de soupçonner l'authenticité du fragment. Mais ce n'est qu'un doute, et ne pourra jamais être qu'un doute ; car qui peut déterminer ce qu'il y a d'éléments transmis et pythagoriciens dans les doctrines platoniciennes. En fait d'histoire, les arguments internes me semblent trop dangereux et trop arbitraires. Les faits ne peuvent être détruits comme confirmés que par des faits ; et les faits probants sont ici des témoignages : ils sont valables, tant qu'on n'a pas démontré l'impossibilité qu'ils ne le soient pas. Or, qu'y a-t-il d'impossible à ce que les pythagoriciens aient été les premiers à soutenir cette doctrine.

[122] 'Ανάκωμα, mot inconnu.

[123] Τῶ μὲν ἀεὶ θέοντος θείω, jeu de mots qu'on retrouve dans le Cratyle, p. 397 d.

[124] On reconnaît dans δαμιουργῷ, qui se rencontre également dans le fragm. 11 c, les formules platoniciennes : ce qui rend l'origine du fragment suspecte.

[125] Tiré de Claudien Mamert, De statu anim., II, p. 7.

[126] Tiré de Macrobe, Songe de Scip., I, 14.

[127] Olympiod., ad Plat. Phaedon., p. 150.

[128] Cf. Phœd., p, 62 b, Crat., p. 400 d, Gorg., 493, où Platon fait allusion peut-être à Philolaüs, mais sans le nommer.

[129] Clément., Strom., III, p. 433. Theodor., Graec. Aff. Curat., V, p. 821.

[130] Platon, dans le Gorgias, 493 a, semble désigner Philolaüs comme l'auteur de cette doctrine pythagoricienne : que les vivants sont des morts et que le corps est un tombeau : Τοῦτο ἄρα τις μυθολογῶν κομψς ἀνρ, ἴσως Σικελός τις Ίταλιχός. Un des motifs pour lesquels M. Schaarschmidt refuse de croire à l'authenticité de ce passage, que semble cependant singulièrement confirmer Platon même dans le Cratyle, où il rapporte le mot aux οἱ ἀμφὶ 'Ορφέα, c'est qu'un tombeau donne l'idée que ce qu'il renferme n'est qu'un cadavre sans vie ; or, telle ne peut pas être l'opinion des pythagoriciens. Mais M. Schaarschmidt est-il bien sûr que les anciens étaient persuadés que ce que renferme un tombeau est ce je ne sais quoi qui n'a de nom dans aucune langue humaine? Ne sait-il pas que les anciens supposaient, au contraire, que l'âme était enfermée dans cette caverne de la tombe, qu'elle pouvait bien errer autour de cette horrible demeure, mais sans l'abandonner, sauf dans des circonstances particulières ; et que c'est cette superstition qui avait donné naissance aux Ombres, et aux Mânes, et à tout ce qu'on appelle la religion des tombeaux? En sorte que la vie dans le corps pouvait bien être comparée i cette forme incertaine et inquiète de la vie après la mort.

[131] Tiré d'Aristote, Ethic. Eudem., II, 8, où il traite des actes volontaires, non volontaires et forcés.

[132] Tiré d'Iambl., in Nicom. Arxthm., I, p. 25.

[133] Φύσει καὶ οὐ νόμῳ. L'opposition de la nature et des lois conventionnelles aurait donc été connue de Philolaüs.

[134] Tiré de Sext., Emp. adv. Math., VII, 92, p. 388.

[135] Tiré de Laurent Lydus, de Mens., p. 16. Cedrenus, t. I, p. 169 b. Etym. magn., v. δεκάς.

[136] Cedrenus, t. I, p. 72.

[137] Cedrenus, t. I, p. 208.