PARMÉNIDE
DE LA NATURE
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
Ἵπποι ταί με φέρουσιν, ὅσον τ' ἐπὶ θυμὸς ἱκάνοι, |
SUR LA NATURE. Ι.
Les coursiers qui me portent m’ont amené aussi loin que me
poussait mon ardeur, puisqu’ils m’ont conduit sur la route glorieuse de la
divinité qui introduit le mortel savant au sein de tous les secrets. C’était là
que j’allais, c’était là que mes habiles coursiers entraînaient mon char. Notre
course était dirigée par des vierges, par des filles du soleil, qui avaient
abandonné les demeures de la nuit pour celles de la lumière, et qui, de leurs
mains, avaient rejeté les voiles de dessus leurs têtes. L’essieu brûlant dans
les moyeux faisait entendre un sif-flement; car il était pressé de deux côtés
par le mouvement circulaire des roues, quand les coursiers redou-blaient de
vitesse. C’était aux lieux où sont les portes des chemins de la nuit et du jour,
entre un linteau et un seuil de pierre; situées au milieu de l’Ether, elles se
ferment par d’immenses battants: c’est l’austère justice qui en garde les clés.
Les vierges, s’adressant à elle avec des paroles, donc, lui persuadèrent,
habilement d’enlever sans retard pour elles les verrous des portes ; et
aussitôt, les battants s’ouvrirent au large en faisant rouler dans leurs écrous
les gonds d’airain fixés au bois de la porte par des barres et des chevilles: à
l’instant, par cette ou-verture, les vierges lancèrent à l’aise le char et les
coursiers. |
4.
Εἰ δ' ἄγ' ἐγὼν ἐρέω, κόμισαι δὲ σὺ μῦθον ἀκούσας, 5
... Τὸ γὰρ αὐτὸ νοεῖν ἐστίν τε καὶ εἶναι. |
DE LA VÉRITÉ
Hé bien! je vais parler, et toi, écoute
mes paroles: je te dirai quels sont les deux seuls procédés de recherche qu’il
faut reconnaître. L’un consiste à montrer que l’être est, et que le non-être
n’est pas: celui-ci est le chemin de la croyance; car la vérité l’accompagne.
L’autre consiste à prétendre que l’être n’est pas, et qu’il ne peut y avoir que
le non-être; et je dis que celui-ci est la voie de l’erreur complète. En effet,
on ne peut ni connaître le non-être, puisqu’il est impossible, ni l’exprimer en
paroles. |
3
Ξυνὸν δὲ μοί ἐστιν |
Peu importe par où je commencerai, puisque je reviendrai sur mes pas. |
6
Χρὴ τὸ λέγειν τε νοεῖν τ' ἐὸν ἔμμεναι· ἔστι γὰρ εἶναι, |
Il faut que la parole et la pensée soient de l’être; car l’être existe, et le non-être n’est rien. N’oublie pas ces paroles; et d’abord, éloigne ta pensée de cette voie. Ensuite, laisse de côté celle où errent incertains les mortels ignorants, dont l’esprit flotte agité par le doute ils sont emportés, sourds, aveugles, et sans se connaître, comme une race insensée, ceux qui regardent l’être et le non-être à la fois comme une même chose et comme une chose différente; ils sont tous engagés dans une route sans issue. |
7
Οὐ γὰρ μήποτε τοῦτο δαμῇ εἶναι μὴ ἐόντα· 8
Μοῦνος δ' ἔτι μῦθος ὁδοῖο
Οὐδὲ ποτ' ἐκ μὴ ἐόντος ἐφήσει πίστιος ἰσχύς
Οὐδὲ διαιρετόν ἐστιν, ἐπεὶ πᾶν ἐστιν ὁμοῖον·
Αὐτὰρ ἀκίνητον μεγάλων ἐν πείρασι δεσμῶν
Ταὐτὸν δ' ἐστὶ νοεῖν τε καὶ οὕνεκεν ἔστι νόημα.
Αὐτὰρ ἐπεὶ πεῖρας πύματον, τετελεσμένον ἐστί,
Ἐν τῷ σοι παύω πιστὸν λόγον ἠδὲ νόημα 50
Μορφὰς γὰρ κατέθεντο δύο γνώμας ὀνομάζειν·
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Mais toi, éloigne ta pensée de cette route, et que la coutume ne te précipite pas dans ce chemin vague, où l’on consulte des yeux aveugles, des oreilles et une langue retentissantes; mais examine, avec ta raison, la démonstration savante que je te propose. Il ne reste plus qu’un procédé; c’est celui qui consiste à poser l’être. Dans cette voie, bien des signes se présentent pour montrer que l’être est sans naissance et sans destruction, qu’il est un tout d’une seule espèce, immobile et infini; qu’il n’a ni passé, ni futur, puisqu’il est maintenant tout entier à la fois, et qu’il est un sans discontinuité. Quelle origine, en effet, lui chercheras-tu? D’où et comment le feras-tu croître? Je ne te laisserai ni dire, ni penser qu’il vient du non-être; car le non-être ne peut se dire ni se comprendre. Et quelle nécessité, agissant après plutôt qu’avant, aurait poussé l’être à sortir du néant? Donc il faut admettre, d’une manière absolue, ou l’être, ou le non-être. 12. Et jamais de l’être la raison ne pourra faire sortir autre chose que lui-même. C’est pourquoi le destin ne lâche point ses liens de manière à permettre à l’être de naître ou de périr, mais le maintient immobile. La décision à ce sujet est tout entière dans ces mots: l’être ou le non-être. Il a donc été conclu, comme cela devait être, qu’il faut laisser là ce procédé inintelligible, inexprimable; car il n’est pas le chemin de la vérité, et que l’autre est réel et vrai. Comment, ensuite, l’être viendrait-il à exister? Et comment naîtrait-il? S’il vient à naître, c’est qu’il n’est pas, et de même s’il doit exister un jour. Ainsi se détruisent et deviennent inadmissibles sa naissance et sa mort. 22. Il n’est pas divisible, puisqu’il est en tout semblable à lui-même, et qu’il n’y a point en lui de côté plus fort ni plus faible, qui l’empêche de se tenir uni et cohérent; mais il est tout plein de l’être, et de la sorte il forme un tout continu, puisque l’être touche à l’être.
26. Mais l’être est immuable dans les limites de ses grands
liens; il n’a ni commencement ni fin, puisque la nais-sance et la mort se sont
retirés fort loin de lui, et que la conviction vraie les a repoussées. Il reste
donc le même en lui-même et demeure en soi: ainsi il reste stable; car une forte
unité le retient sous la puissance des liens et le presse tout autour. Contemple fortement ces choses, qui sont présentes à l’esprit, quoique absentes (pour les sens); car rien n’empêchera l’être d’être uni à l’être, et rien ne fera qu’il soit dispersé entièrement et de tous côtés dans son arrangement, ni qu’il soit reconstruit.
34. Or, la pensée est identique à son objet. En effet, sans
l’être, sur lequel elle repose, vous ne trouverez pas la pensée; car rien n’est
ni ne sera, excepté l’être, puisque la nécessité a voulu que l’être fût le nom
unique et immobile du tout, quelles que fussent à ce sujet les opinions des
mortels, qui regardent la naissance et la mort comme des choses vraies, ainsi
que l’être et le non-être, le mouvement, et le changement brillant des couleurs.
50. Je termine ici ma démonstration et mes réflexions au sujet de la vérité: apprends ensuite les opinions des mortels, en écoutant la trompeuse harmonie de mes vers. Les hommes ont prétendu signaler deux espèces d’objets, dont l’une ne peut être admise, et en cela ils se sont trompés ils les ont jugées de nature contraire, et leur ont appliqué des désignations entièrement séparées. Ils ont distingué d’une part le feu éthéré de la flamme, léger, très peu consistant, entièrement semblable à lui-même et différent de l’autre espèce; d’autre part celle-ci, qui a également sa nature propre, savoir, à l’opposé, la nuit obscure, matière épaisse et lourde. Je t’exposerai l’arrangement de tout cela, afin que tu n’ignores rien des opinions des mortels. |
9
Αὐτὰρ ἐπειδὴ πάντα φάος καὶ νὺξ ὀνόμασται |
Mais comme tout s’appelle lumière et nuit, et reçoit les noms divers qui appartiennent, suivant leur valeur propre, soit à l’une, soit à l’autre de ces deux choses, tout est plein en même temps de la lumière et de la nuit obscure, puisque toutes les deux sont égales, et qu’il n’y a aucun vide dans aucune des deux. |
12
Αἱ γὰρ στεινότεραι πλῆντο πυρὸς ἀκρήτοιο, |
Car les (orbes) plus étroits sont faits de feu grossier, et ceux qui suivent sont faits de nuit, avec une flamme de feu qui les traverse. Au milieu de cela se trouve la déesse qui gouverne tout: principe de l’odieux enfante-ment et de la procréation, elle pousse toutes choses d’une manière violente et unit le mâle à la femelle et la femelle au mâle. |
13 Πρώτιστον μὲν Ἔρωτα θεῶν μητίσατο πάντων. |
Elle enfanta l’amour, le premier des dieux. |
10
Εἴσῃ δ' αἰθερίαν τε φύσιν τά τ' ἐν αἰθέρι πάντα |
Tu connaîtras la nature de l’air et tous les astres qui sont dans l’éther, et les effets cachés de la brillante lu-mière du soleil pur, et d’où tout cela vient; et tu apprendras les travaux circulaires de la lune ronde et sa nature: tu connaîtras aussi le ciel qui entoure l’univers, et tu sauras d’où il naquit, et comment la nécessité, qui le dirige, l’enchaîne pour qu’il maintienne les astres dans leurs limites. |
11
Πῶς γαῖα καὶ ἥλιος ἠδὲ σελήνη |
Comment la terre, le soleil et la lune, et l’air, qui est partout, la voie lactée, et l’olympe suprême, et la puissance brûlante des astres, ont commencé de naître. |
14 Νυκτιφαὲς περὶ γαῖαν ἀλώμενον ἀλλότριον φῶς |
Une lumière empruntée erre pendant la nuit autour de la terre. |
15 Αἰεὶ παπταίνουσα πρὸς αὐγὰς ἠελίοιο. |
Tournée sans cesse vers les rayons du soleil: |
16
Ὡς γὰρ ἕκαστος ἔχει κρᾶσιν μελέων πολυπλάγκτων, |
Suivant que le tempérament variable des membres des hommes est dans tel ou tel état, il en est de même de leur intelligence; car c’est la même chose, savoir la nature des membres, qui pense dans tous les hommes et dans chacun d’eux; en effet, ce qui domine dans le tempérament constitue la pensée même. |
17 Δεξιτεροῖσιν μὲν κούρους, λαιοῖσι δὲ κούρας ... |
A droite les garçons, à gauche les filles. |