Diogène Laërce

DIOGÈNE DE LAERTE



LIVRE IX

 

CHAPITRE VIII. PROTAGORAS - ΠΡΩΤΑΓΟΡΑΣ

7 Démocrite - 9. Diogène d'Apollonie

Autre traduction - Traduction Genaille sur le site de Ugo Bratelli

 

 

 

 

 

DIOGENE DE LAERTE.

 

 

LIVRE IX.

CHAPITRE VIII.

PROTAGORAS.

ΠΡΩΤΑΓΟΡΑΣ

 

[50] Πρωταγόρας Ἀρτέμωνος ἤ, ὡς Ἀπολλόδωρος καὶ Δίνων ἐν Περσικῶν εʹ, Μαιανδρίου, Ἀβδηρίτης, καθά φησιν Ἡρακλείδης ὁ Ποντικὸς ἐν τοῖς Περὶ νόμων, ὃς καὶ Θουρίοις νόμους γράψαι φησὶν αὐτόν· ὡς δ' Εὔπολις ἐν Κόλαξιν, Τήιος· φησὶ γάρ,

Ἔνδοθι μέν ἐστι Πρωταγόρας ὁ Τήιος.

Οὗτος καὶ Πρόδικος ὁ Κεῖος λόγους ἀναγινώσκοντες ἠρανίζοντο· καὶ Πλάτων ἐν τῷ Πρωταγόρᾳ φησὶ βαρύφωνον εἶναι τὸν Πρόδικον. Διήκουσε δ' ὁ Πρωταγόρας Δημοκρίτου. Ἐκαλεῖτό τε Σοφία, ὥς φησι Φαβωρῖνος ἐν Παντοδαπῇ ἱστορίᾳ.  [51] Καὶ πρῶτος ἔφη δύο λόγους εἶναι περὶ παντὸς πράγματος ἀντικειμένους ἀλλήλοις· οἷς καὶ συνηρώτα, πρῶτος τοῦτο πράξας. Ἀλλὰ καὶ ἤρξατό που τοῦτον τὸν τρόπον· « Πάντων χρημάτων μέτρον ἄνθρωπος, τῶν μὲν ὄντων ὡς ἔστιν, τῶν δὲ οὐκ ὄντων ὡς οὐκ ἔστιν. » Ἔλεγέ τε μηδὲν εἶναι ψυχὴν παρὰ τὰς αἰσθήσεις, καθὰ καὶ Πλάτων φησὶν ἐν Θεαιτήτῳ, καὶ πάντα εἶναι ἀληθῆ. Καὶ ἀλλαχοῦ δὲ τοῦτον ἤρξατο τὸν τρόπον· « περὶ μὲν θεῶν οὐκ ἔχω εἰδέναι οὔθ' ὡς εἰσίν, οὔθ' ὡς οὐκ εἰσίν· πολλὰ γὰρ τὰ κωλύοντα εἰδέναι, ἥ τ' ἀδηλότης καὶ βραχὺς ὢν ὁ βίος τοῦ ἀνθρώπου. » [52] Διὰ ταύτην δὲ τὴν ἀρχὴν τοῦ συγγράμματος ἐξεβλήθη πρὸς Ἀθηναίων· καὶ τὰ βιβλία αὐτοῦ κατέκαυσαν ἐν τῇ ἀγορᾷ, ὑπὸ κήρυκι ἀναλεξάμενοι παρ' ἑκάστου τῶν κεκτημένων. Οὗτος πρῶτος μισθὸν εἰσεπράξατο μνᾶς ἑκατόν· καὶ πρῶτος μέρη χρόνου διώρισε καὶ καιροῦ δύναμιν ἐξέθετο καὶ λόγων ἀγῶνας ἐποιήσατο καὶ σοφίσματα τοῖς πραγματολογοῦσι προσήγαγε· καὶ τὴν διάνοιαν ἀφεὶς πρὸς τοὔνομα διελέχθη καὶ τὸ νῦν ἐπιπόλαιον γένος τῶν ἐριστικῶν ἐγέννησεν· ἵνα καὶ Τίμων φησὶ περὶ αὐτοῦ,

Πρωταγόρης τ' ἐπίμεικτος ἐριζέμεναι εὖ εἰδώς.

[53] Οὗτος καὶ τὸ Σωκρατικὸν εἶδος τῶν λόγων πρῶτος ἐκίνησε. Καὶ τὸν Ἀντισθένους λόγον τὸν πειρώμενον ἀποδεικνύειν ὡς οὐκ ἔστιν ἀντιλέγειν οὗτος πρῶτος διείλεκται, καθά φησι Πλάτων ἐν Εὐθυδήμῳ. Καὶ πρῶτος κατέδειξε τὰς πρὸς τὰς θέσεις ἐπιχειρήσεις, ὥς φησιν Ἀρτεμίδωρος ὁ διαλεκτικὸς ἐν τῷ Πρὸς Χρύσιππον. Καὶ πρῶτος τὴν καλουμένην τύλην, ἐφ' ἧς τὰ φορτία βαστάζουσιν, εὗρεν, ὥς φησιν Ἀριστοτέλης ἐν τῷ Περὶ παιδείας· φορμοφόρος γὰρ ἦν, ὡς καὶ Ἐπίκουρός πού φησι. Καὶ τοῦτον τὸν τρόπον ἤρθη πρὸς Δημοκρίτου ξύλα δεδεκὼς ὀφθείς. [54] Διεῖλέ τε τὸν λόγον πρῶτος εἰς τέτταρα· εὐχωλήν, ἐρώτησιν, ἀπόκρισιν, ἐντολήν (οἱ δὲ εἰς ἑπτά· διήγησιν, ἐρώτησιν, ἀπόκρισιν, ἐντολήν, ἀπαγγελίαν, εὐχωλήν, κλῆσιν), οὓς καὶ πυθμένας εἶπε λόγων. Ἀλκιδάμας δὲ τέτταρας λόγους φησί· φάσιν, ἀπόφασιν, ἐρώτησιν, προσαγόρευσιν.

Πρῶτον δὲ τῶν λόγων ἑαυτοῦ ἀνέγνω τὸν Περὶ θεῶν, οὗ τὴν ἀρχὴν ἄνω παρεθέμεθα· ἀνέγνω δ' Ἀθήνησιν ἐν τῇ Εὐριπίδου οἰκίᾳ ἤ, ὥς τινες, ἐν τῇ Μεγακλείδου· ἄλλοι ἐν Λυκείῳ, μαθητοῦ τὴν φωνὴν αὐτῷ χρήσαντος Ἀρχαγόρου τοῦ Θεοδότου. Κατηγόρησε δ' αὐτοῦ Πυθόδωρος Πολυζήλου, εἷς τῶν τετρακοσίων· Ἀριστοτέλης δ' Εὔαθλόν φησιν.[55] Ἔστι δὲ τὰ σωζόμενα αὐτοῦ βιβλία τάδε·* * Τέχνη ἐριστικῶν, Περὶ πάλης, Περὶ τῶν μαθημάτων, Περὶ πολιτείας, Περὶ φιλοτιμίας, Περὶ ἀρετῶν, Περὶ τῆς ἐν ἀρχῇ καταστάσεως, Περὶ τῶν ἐν Ἅιδου, Περὶ τῶν οὐκ ὀρθῶς τοῖς ἀνθρώποις πρασσομένων, Προστακτικός, Δίκη ὑπὲρ μισθοῦ, Ἀντιλογιῶν αʹ βʹ. Καὶ ταῦτα μὲν αὐτῷ τὰ βιβλία. Γέγραφε δὲ καὶ Πλάτων εἰς αὐτὸν διάλογον.

Φησὶ δὲ Φιλόχορος, πλέοντος αὐτοῦ εἰς Σικελίαν, τὴν ναῦν καταποντωθῆναι· καὶ τοῦτο αἰνίττεσθαι Εὐριπίδην ἐν τῷ Ἰξίονι. Ἔνιοι κατὰ τὴν ὁδὸν τελευτῆσαι αὐτόν, βιώσαντα ἔτη πρὸς τὰ ἐνενήκοντα· [56] Ἀπολλόδωρος δέ φησιν ἑβδομήκοντα, σοφιστεῦσαι δὲ τεσσαράκοντα καὶ ἀκμάζειν κατὰ τὴν τετάρτην καὶ ὀγδοηκοστὴν Ὀλυμπιάδα. Ἔστι καὶ εἰς τοῦτον ἡμῶν οὕτως ἔχον·

Καὶ σεῦ, Πρωταγόρη, φάτιν ἔκλυον, ὡς ἄρ' Ἀθηνέων
ἔκ ποτ' ἰὼν καθ' ὁδὸν πρέσβυς ἐὼν ἔθανες·
εἵλετο γάρ σε φυγεῖν Κέκροπος πόλις· ἀλλὰ σὺ μέν που
Παλλάδος ἄστυ φύγες, Πλουτέα δ' οὐκ ἔφυγες.

Λέγεται δέ ποτ' αὐτὸν ἀπαιτοῦντα τὸν μισθὸν Εὔαθλον τὸν μαθητήν, ἐκείνου εἰπόντος, « ἀλλ' οὐδέπω νίκην νενίκηκα, » εἰπεῖν, « ἀλλ' ἐγὼ μὲν ἂν νικήσω, ὅτι ἐγὼ ἐνίκησα, λαβεῖν με δεῖ· ἐὰν δὲ σύ, ὅτι σύ. »

Γέγονε δὲ καὶ ἄλλος Πρωταγόρας ἀστρολόγος, εἰς ὃν καὶ Εὐφορίων ἐπικήδειον ἔγραψε· καὶ τρίτος Στωικὸς φιλόσοφος.

Protagoras était fils d'Artémon, ou de Méandre, suivant Apollodore et Dinon dans les Persiques. Héraclide de Pont dit, dans le traité des Lois, qu'il était d'Abdère et avait donné des lois aux habitants de Thurium ; mais Eupolis dans les Flatteurs, lui donne Téos pour patrie ; car il dit :

Ici dedans est Protagoras de Téos.

Protagoras et Prodicus de Céos faisaient des lectures publiques moyennant salaire. Platon dit à ce sujet, dans le Protagoras, que Prodicus avait une voix forte et sonore. Protagoras fut disciple de Démocrite. Phavorinus dit dans les Histoires diverses qu'on l'avait surnommé Sagesse. Il est le premier qui ait prétendu qu'en toute question on peut soutenir le pour et le contre et qui ait appliqué cette méthode à la discussion. Il commence ainsi un de ses ouvrages : « L'homme est la 216 mesure de toutes choses, de l'être en tant qu'il est, du non-être en tant qu'il n'est pas. » Il enseignait aussi, au dire de Platon dans le Théétète, que l'âme n'est pas distincte des sens et que tout est vrai. Un autre de ses traités commence par ces mots : « Quant aux dieux, je ne puis dire s'ils existent ou non ; bien des raisons m'en empêchent, entre autres l'obscurité de la question et la brièveté de la vie humaine. » Cette proposition le fit expulser par les Athéniens ; ordre fut donné par un héraut à quiconque possédait ses ouvrages de les livrer, et on les brûla sur la place publique. Il est aussi le premier qui ait exigé pour ses leçons un salaire de cent mines. Le premier il a déterminé les parties du temps et expliqué l'importance de l'à-propos. Il institua les luttes oratoires et donna aux jouteurs l'arme du sophisme ; on lui doit aussi l'invention de ces futiles discussions, aujourd'hui en honneur, qui laissent les choses pour ne s'attacher qu'aux mots. C'est là ce qui a fait dire de lui par Timon :

L'insaisissable Protagoras, cet habile disputeur.

On lui doit également l'invention de l'argumentation appelée socratique. Platon dit dans l'Euthydème, qu'il s'est le premier servi des raisonnements par lesquels Antisthène cherchait à établir qu'on ne peut rien contredire. Il est le premier, au dire d'Artémidore le dialecticien dans le traité Contre Chrysippe, qui ait institué l'argumentation régulière sur un sujet donné. Aristote, dans le traité de l'Éducation, lui attribue l'invention des coussinets pour porter les fardeaux ; car il était portefaix, ainsi que l'atteste quelque part Épicure ; on dit même que c'est en le voyant lier un faix de bois que Démocrite conçut pour lui une haute estime. Il a le premier divisé le discours en quatre parties : la 217 prière, l'interrogation, la réponse et l'injonction. D'autres prétendent qu'il distinguait sept parties : narration, interrogation, réponse, injonction, déclaration, prière, invocation, et qu'il appelait ces parties les fondements du discours. Alcidamas au contraire ne distingue que quatre parties du discours : affirmation, négation, interrogation, appellation.

Le premier ouvrage de Protagoras lu par lui en public est son traité sur les Dieux, dont nous avons donné le commencement : il en fit la lecture dans la maison d'Euripide, ou, suivant une autre version, dans celle de Mégaclide. On a aussi prétendu que la lecture en avait été faite au Lycée par un de ses disciples, Archagoras fils de Théodotus. Il fut accusé au sujet de cet ouvrage par Pythodorus, l'un des quatre cents, fils de Polyzélus, ou, suivant Aristote, par Évathlus. Ceux de ses ouvrages qui subsistent encore sont : l'Art de la Discussion ; de la Lutte ; des Sciences ; du Gouvernement; de l'Ambition ; des Vertus ; de l'Organisation première ; des Enfers ; des Mauvaises Actions des hommes; Préceptes ; Plaidoyer pour le salaire ; deux livres de Contradictions. Platon a composé un dialogue sous le nom de Protagoras.

Philochorus prétend que le vaisseau qui le portait en Sicile périt dans la traversée, et qu'Euripide fait allusion à cet événement dans l'Ixion. Suivant d'autres auteurs, il serait mort pendant la traversée à l'âge de quatre-vingt-dix ans. Apollodore assure de son côté qu'il ne vécut que soixante ans, sur lesquels il en consacra quarante à la philosophie, et qu'il florissait vers la quatre-vingt-quatrième olympiade. J'ai fait sur lui les vers suivants :

Protagoras, j'ai appris ton sort : tu venais de quitter Athènes lorsque la mort le surprit en chemin dans un âge avancé. Les 218 fils de Cécrops t'avaient exilé ; mais toi, si tu as pu fuir la ville de Pallas, lu n'as point échappé à Pluton.

Un jour, dit-on, il réclamait à Évathlus, son disciple, le salaire de ses leçons ; celui-ci lui ayant répondu : « Je n'ai encore gagné aucune cause, » il répliqua : « Mais moi si je gagne ma cause, je serai payé, et si tu la gagnes je le serai également (1). »

Il y a eu deux autres Protagoras : un astronome dont Euphorion a fait le panégyrique et un philosophe stoïcien.

(1) Ce trait ainsi isolé est inintelligible; nous en trouvons l'explication dans Aulu-Gèle (livre V, chap. x) : « Évathlus voulant prendre des leçons de Protagoras , celui-ci lui fit payer comptant la moitié du salaire qu'il exigeait, et il fut convenu que le reste ne serait payable que le jour où Évathlus aurait gagné sa première cause. Le disciple devint fort habile ; mais pour se dispenser de le payer il refusa obstinément de plaider. Protagoras le cita alors en justice et lui proposa ce dilemme : « Si tu perds ta cause, tu dois me payer en vertu de la sentence ; si tu la gagnes, tu me payeras également d'après nos conventions. » Mais Évathlus retourna l'argument contre son maître, et les juges embarrassés laissèrent la cause pendante. »