Diogène Laërce

DIOGÈNE DE LAERTE



LIVRE IX

 

CHAPITRE I. ANAXARQUE - ΑΝΑΞΑΡΧΟΣ

8 Diogène d'Apollonie - 10. Pyrrhon

Autre traduction - Traduction Genaille sur le site de Ugo Bratelli

 

 

 

 

 

DIOGENE DE LAERTE.

 

 

LIVRE IX.

CHAPITRE IX.

ANAXARQUE

ΑΝΑΞΑΡΧΟΣ

 

[58] Ἀνάξαρχος Ἀβδηρίτης. Οὗτος ἤκουσε Διογένους τοῦ Σμυρναίου· ὁ δὲ Μητροδώρου τοῦ Χίου, ὃς ἔλεγε μηδ' αὐτὸ τοῦτ' εἰδέναι ὅτι οὐδὲν οἶδε. Μητρόδωρον δὲ Νεσσᾶ τοῦ Χίου, οἱ δὲ Δημοκρίτου φασὶν ἀκοῦσαι.

Ὁ δ' οὖν Ἀνάξαρχος καὶ Ἀλεξάνδρῳ συνῆν καὶ ἤκμαζε κατὰ τὴν δεκάτην καὶ ἑκατοστὴν Ὀλυμπιάδα καὶ εἶχεν ἐχθρὸν Νικοκρέοντα τὸν Κύπρου τύραννον· καί ποτ' ἐν συμποσίῳ τοῦ Ἀλεξάνδρου ἐρωτήσαντος αὐτὸν τί ἄρα δοκεῖ τὸ δεῖπνον, εἰπεῖν φασιν, « Ὦ βασιλεῦ, πάντα πολυτελῶς· ἔδει δὲ λοιπὸν κεφαλὴν σατράπου τινὸς παρατεθεῖσθαι· » ἀπορρίπτων πρὸς τὸν Νικοκρέοντα. [59] Ὁ δὲ μνησικακήσας μετὰ τὴν τελευτὴν τοῦ βασιλέως ὅτε πλέων ἀκουσίως προσηνέχθη τῇ Κύπρῳ ὁ Ἀνάξαρχος, συλλαβὼν αὐτὸν καὶ εἰς ὅλμον βαλὼν ἐκέλευσε τύπτεσθαι σιδηροῖς ὑπέροις. Τὸν δ' οὐ φροντίσαντα τῆς τιμωρίας εἰπεῖν ἐκεῖνο δὴ τὸ περιφερόμενον, « Πτίσσε τὸν Ἀναξάρχου θύλακον, Ἀνάξαρχον δὲ οὐ πτίσσεις. » Κελεύσαντος δὲ τοῦ Νικοκρέοντος καὶ τὴν γλῶτταν αὐτοῦ ἐκτμηθῆναι, λόγος ἀποτραγόντα προσπτύσαι αὐτῷ. Καὶ ἔστιν ἡμῶν εἰς αὐτὸν οὕτως <ἔχον>·

Πτίσσετε, Νικοκρέων, ἔτι καὶ μάλα· θύλακός ἐστι·
πτίσσετ'· Ἀνάξαρχος δ' ἐν Διός ἐστι πάλαι.
Καί σε διαστείλασα γνάφοις ὀλίγον τάδε λέξει
ῥήματα Φερσεφόνη, « Ἔρρε μυλωθρὲ κακέ. »

[60] Οὗτος διὰ τὴν ἀπάθειαν καὶ εὐκολίαν τοῦ βίου Εὐδαιμονικὸς ἐκαλεῖτο· καὶ ἦν ἐκ τοῦ ῥᾴστου δυνατὸς σωφρονίζειν. Τὸν γοῦν Ἀλέξανδρον οἰόμενον εἶναι θεὸν ἐπέστρεψεν· ἐπειδὴ γὰρ ἔκ τινος πληγῆς εἶδεν αὐτῷ καταρρέον αἷμα, δείξας τῇ χειρὶ πρὸς αὐτόν φησι, « Τουτὶ μὲν αἷμα καὶ οὐκ

ἰχὼρ οἷός πέρ τε ῥέει μακάρεσσι θεοῖσι. »

Πλούταρχος δ' αὐτὸν Ἀλέξανδρον τοῦτο λέξαι πρὸς τοὺς φίλους φησίν. Ἄλλὰ καὶ ἄλλοτε προπίνοντα αὐτῷ τὸν Ἀνάξαρχον δεῖξαι τὴν κύλικα καὶ εἰπεῖν

Βεβλήσεταί τις θεῶν βροτησίᾳ χερί.

Anaxarque d'Abdère était disciple de Diogène de Smyrne, ou, suivant d'autres, de Métrodore de Chio, celui qui disait : « Je ne sais pas même que je ne sais rien. » Métrodore avait lui-même eu pour maître Nessus de Chio ; d'autres disent Démocrite.

Anaxarque vivait dans la familiarité d'Alexandre, et 220 florissait vers la cent dixième olympiade. Il avait pour ennemi Nicocréon, tyran de Chypre. Alexandre lui ayant un jour demandé dans un festin ce qu'il pensait de l'ordonnance du repas, il répondit : « Grand roi, tout y est magnifique ; il n'y manque qu'une seule chose : la tête de certain satrape, » désignant par là Nicocréon. Celui-ci garda souvenir de l'injure, et, après la mort d'Alexandre, Anaxarque ayant été poussé par les vents contraires sur la côte de Chypre, il s'empara de lui, et le fit jeter dans un mortier, pour y être broyé à coups de masse de fer. Ce fut alors qu'Anaxarque, sans s'inquiéter du supplice, prononça ces mots célèbres : « Broie tant que tu voudras l'enveloppe d'Anaxarque , tu ne broieras pas Anaxarque. » Le tyran irrité ordonna de lui arracher la langue; mais il se la coupa lui-même avec les dents, et la lui cracha au visage. J'ai fait sur lui ces vers :

Broyez, redoublez d'efforts, ce n'est que l'enveloppe;
Broyez : Anaxarque est depuis longtemps auprès de Jupiter.
Et toi, bientôt tu t'entendras mander par une voix redoutable ,
La voix de Proserpine qui te dira : « Viens ici, exécrable bourreau. »

On l'avait surnommé l'Eudémonique, à cause de son caractère impassible et de sa tranquillité d'âme. Les orgueilleux trouvaient en lui un censeur plein de sagacité et de finesse ; par exemple il donna cette leçon indirecte à Alexandre, qui se croyait un Dieu : voyant le sang couler d'une blessure qu'il s'était faite, il le lui montra et lui dit : « C'est bien là du sang; ce n'est pas

Cette liqueur céleste qui coule dans les veines des dieux. (1)

Plutarque met ces mots dans la bouche d'Alexandre lui-même s'adressant à ses amis. Une autre fois, il passa à Alexandre la coupe dans laquelle il venait de boire, et lui dit :

Un dieu sera frappé par la main d'un mortel (2).

(1) Homère, Iliade, V, 340.

(2) Euripide, Oreste, v. 265.