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FRONTON

 

LETTRES

 

LETTRES

DE M. C. FRONTO

A M. CAESAR,

ET DE M. CAESAR A M. C. FRONTO

LIVRE CINQUIÈME

Oeuvre numérisée et mise en page par Thierry Vebr

 

 

 

 

 

M CORNELII FRONTONIS

EPISTULAE

AD M. CAESAREM

ET INVICEM

LIBER QUINTUS.

EPISTOLA I.

DOMINO MEO.

Si quicquam nos amas, dormei per istas noctes, ut forti colore in senatum venias et vehementi latere legas.

LETTRES

DE M. C. FRONTO

A M. CAESAR,

ET DE M. CAESAR A M. C. FRONTO

LIVRE CINQUIÈME

LETTRE I

A MON SEIGNEUR

Si tu nous aimes un peu, dors pendant ces nuits, afin de venir au sénat avec un bon teint, et de lire avec de robustes poumons.

EPISOLA II.

MAGISTRO SUO.

Ego te numquam satis amabo: dormiam.

LETTRE II

A MON MAITRE

Moi, je ne t'aimerai jamais assez. Je dormirai.
 

EPISTOLA III.

DOMINO MEO.

Miserere : unum verbum de oratione ablega, et quaeso, ne umquam eo utaris:, dictionem pro oratione. Vale, domine, mea gloria immortalis, Matrem dominam saluta.

LETTRE III

A MON SEIGNEUR

Pardon : efface un mot de ton discours, et, je t'en prie, ne te sers jamais de dictio pour oratio. Adieu, seigneur, ma gloire immortelle. Salue la souveraine ta mère.

EPISTOLA IV.

RESCRIPTUM.

 Cras me de hoc verbo tibi, si admonueris, defendam ...

LETTRE IV

RÉPONSE

Demain, si tu me rappelles ce mot, je le défendrai ***

EPISTOLA V.

(CAESAR FRONTONI)

... In viduo nunc si videtur, dentes adprimamus tamen; et quo brevius iter sit tibi, recenti morbo, Caietae nos opperire. Facio delicias, quod ferme evenit, quibus, quod cupiunt, tandem in manu est, differunt, affluunt, gestiunt; ego vero etiam fastidio omnia. Domina mater te salutat, quam ego hodie rogabo, ut ad me Gratiam perducat. Vel fumum, inquit, patriae Caius poeta. Vale, mi, omnia mea, magister. Amo me, quod te visurus sum.

LETTRE V

(CAESAR A FRONTO)

*** Que dans deux jours, aujourd'hui, s'il le faut, nous serrions cependant les dents, et pour que, sortant de maladie, tu n'aies pas tant de chemin à faire, attends-nous à Gaiete. Je fais l'indifférent de ce qui arrive à presque tous ceux qui tiennent enfin ce qu'ils désirent ; ils le publient ; ils se montrent ; ils se réjouissent : pour moi, je suis dédaigneux de tout. La souveraine ma mère te salue. Je vais la prier de m'amener Gratia. Tout n'est que fumée, comme dit le poète de la patrie, Caius. Adieu, mon maître, mon tout. Je m'aime de ce que je vais te voir.

EPISTOLA VI.

DOMINO MEO.

Postquam profecti estis, genus dolore arreptus sum, verum ita modico, ut et ingrederer pedetemptim et vehiculo uterer. Hac nocte vehementior dolor invasit, ita tamen ut jacens facile patiar, nisi quid amplius ingruerit. Augustam tuam vexatam audio. Diis quidem salutem ejus commendo. Vale, domine dulcissime. Dominam saluta.

LETTRE VI
A MON SEIGNEUR
Après votre départ, j'ai été saisi d'une douleur au genou, à la vérité si peu vive, qu'il m'était encore possible de faire quelques pas, et de me servir de voiture. Cette nuit la douleur est devenue plus violente, de façon néanmoins que je l'endurerai facilement, en me tenant au lit, à moins qu'il ne survienne quelque chose de plus grave. J'apprends que ton Augusta est incommodée. Je recommande bien aux dieux son salut. Adieu, très doux seigneur. Salue la souveraine.

EPISTOLA VII.

MAGISTRO MEO.

Ludis tu quidem : at mihi peramplam anxietatem et summam aegritudinem, dolorem et ignem flagrantissimum litteris his tuis misisti : ne cenare, ne dormire, ne denique studere libeat. Verum tu orationis hodiernae tuae habeas aliquod solacium; at ego quid faciam ? qui e auditionis omnem jam voluptatem consumpsei, et metuo, ne Lorium tardiuscule venias, et doleo, quod interim doles? Vale, mi magister, cujus salus meam salutam inlibatam et incolumem facit.

LETTRE VII

A MON MAITRE

Tu te joues, toi, pendant que, par ta lettre, tu m'as transmis une immense anxiété, une peine inexprimable, une douleur, un feu brûlant, au point que je ne puis ni manger, ni dormir, ni même étudier. Tu tires quelque soulagement de ton discours d'aujourd'hui ; mais que ferai-je, moi, qui ai déjà épuisé tout le plaisir de l'ouïe, et crains encore que tu ne viennes trop tard à Lorium, et souffre de te savoir souffrant. Adieu, mon maître, dont la santé rend ma santé parfaite et inaltérable.

EPISTOLA VIII.

MAGISTRO MEO.

Ego dies istos tales transegi. Soror dolore muliebrium partium ita correpta est repente, ut faciem horrendam viderim : mater autem mea in ea trepidatione inprudens angulo parietis costam inflixit: eo ictu graviter et se et nos adfecit. Ipse cum cubitum irem, scorpionem in lecto offendi; occupavi tamen eum occidere, priusquam supra accumberem. Tu si rectius vales, est solacium. Mater jam levior est deis volentibus. Vale, mi optime, dulcissime magister. Domina mea te salutat.

LETTRE VIII

A MON MAITRE

Voici comment j'ai passé ces derniers jours. Ma sœur a été saisie tout à coup d'une douleur si violente que sa figure était horrible à voir. Ma mère, dans son trouble et l'agitation de cet événement, s'est froissé une côte contre l'angle du mur : le même coup nous a frappés aussi douloureusement qu'elle. Moi-même, lorsque j'allais me coucher, j'ai trouvé un scorpion dans mon lit ; mais je me suis empressé de le tuer, avant de m'étendre dessus. Toi, si tu te portes mieux, c'est une consolation. Ma mère, grâce aux dieux, se porte mieux. Adieu, mon très bon et très doux maître. Ma souveraine te salue.

EPISTOLA IX.

DOMINO MEO.

Quom te salvom et inlaesum dei praestiterunt, maximas deis gratias ago. Te certum habeo, cum tua instituta reputo, haud perturbatum : ego, quamlibet vos sapientes me inrideatis, comsternatus equidem sum. Vale, domine dulcissime, et deis curae esto. Dominam saluta.

LETTRE IX

A MON SEIGNEUR

Puisque les dieux t'ont préservé de tout mal, de toute blessure, je rends aux dieux les plus grandes grâces. Je suis sûr, quand je pense à tes maximes, que tu n'as éprouvé aucun trouble. Pour moi, dussé-je me faire moquer de vous autres sages, j'avoue que j'ai été consterné. Adieu, très doux seigneur ; et que les dieux veillent sur toi. Salue la souveraine.

EPISTOLA X.

DOMINO MEO.

Modo mihi Victorinus indicat dominam tuam magis valuisse quam heri. Gratia leviora omnia nuntiavit. Ego te idcirco non vidi, quod ex gravidine sum inbecillus. Cras tamen mane domum ad te veniam. Eeadem, si tempestivom erit, etiam dominam visitabo.

LETTRE X

A MON SEIGNEUR

Victorinus me fait dire à l'instant que ta mère s'est sentie plus forte qu'hier. Gratia m'annonçait un mieux général. Si je ne t'ai pas vu, c'est que je suis abattu par une pesanteur de tête. Cependant j'irai te voir demain matin ; et, si je le puis sans indiscrétion, je visiterai aussi la souveraine.

EPISTOLA XI.

MAGISTRO SUO.

Caluit et hodie Faustima : et quidem id ego magis hodie videor mihi deprehendisse. Sed, deis juvantibus aequiorem animum mihi facit ipsa, quod se tam obtemperanter nobis accomodat. Tu, si potuisses, scilicet, venisses. Quod jam potes, et quod venturum promittis, delector, mi magister. Vale, mi jucundissime magister.

LETTRE XI

A MON MAITRE

Faustina a eu aujourd'hui de la fièvre : je crois aussi en avoir ressenti davantage aujourd'hui. Mais, les dieux aidant, elle me rend elle-même mon état plus supportable, en s'y conformant avec tant de complaisance. Pour toi, si tu l'avais pu, tu serais venu, sans doute. Tu le peux à présent, tu promets de venir, j'en suis charmé, mon maître. Adieu, mon très aimable maître.

EPISTOLA XII.

MAGISTRO MEO.

Quomodo manseris, domine, scire cupio. Ego cervicum dolore arreptus sum. Vale, domine. Dominam saluta.

LETTRE XII

A MON SEIGNEUR

Pourquoi tu auras gardé la maison, c'est ce que je ne veux pas savoir. Moi, j'ai été saisi de maux de tête. Adieu, seigneur. Salue la souveraine.
 

EPISTOLA XIII.

MAGISTRO MEO SALUTEM.

Noctem sine febri videor transmisse : cibum non invitus cepi, nunc ago levissime : nox quid ferat, cognoscemus. Sed, mi magister, cervicum dolore te arreptum quo animo didicerim, profecto ex tua proxima sollicitudine metiris. Vale, mi jucundissime magister. Mater mea salutat te.

LETTRE XIII

A MON MAITRE, SALUT

Je crois avoir passé la nuit sans fièvre. J'ai pris de la nourriture sans répugnance. Je me trouve à présent un peu mieux. Nous verrons ce que la nuit apportera. Mais, mon maître, tu mesures sans doute sur ta dernière inquiétude celle que je dois avoir éprouvée en apprenant tes maux de tête. Adieu, mon très aimable maître. Ma mère te salue.

EPISTOLA XIV.

DOMINO MEO.

Cervicum, domine, dolore gravi sum correptus, de pede dolor decessit. Vale, domine optime. Dominam saluta.

LETTRE XIV

A MON SEIGNEUR

J'ai été saisi, seigneur, d'un cruel mal de tête. La douleur de pied s'en est allée. Adieu, très bon seigneur. Salue la souveraine.

EPISTOLA XV.

DOMINO MEO.

Cervicum dolores si tertia quoque die remiserint, erit quod meam redeuntem valetudinem majorem in modum adjuvet, mi magister. Lavi et hodie et ambulavi paulum, cibi paulo plus sumpsi ,nondum tamen libente stomacho. Vale, mi jucundissime magister. Mater mea te salutat.

LETTRE XV

A MON MAITRE, SALUT

Si tes douleurs de tête te laissent du relâche le troisième jour, rien ne servira plus, mon maître, à accélérer le retour de ma santé. Je me suis baigné aujourd'hui, et j'ai marché un peu ; j'ai pris un peu plus de nourriture, sans cependant beaucoup d'appétit. Adieu, mon très aimable maître. Ma mère te salue.

EPISTOLA XVI.

MAGISTRO MEO SALUTEM.

Quom tibi etiam tum cervices doluerint quo mihei scriberes, non possum aequo animo ferre neque sane volo aut debeo. Ego autem juvantibus votum tuum deis lavi hodie et cibi quantum sat erat, cepi; vino etiam libenter usus sum. Vale, mi jucundissime magister. Mater mea te salutat.

LETTRE XVI

A MON MAITRE, SALUT

Que les douleurs de tête t'aient pris pendant que tu m'écrivais, c'est ce que je ne puis, ni ne veux, certes, ni ne dois supporter sans peine. Pour moi, les dieux secondant tes vœux, je me suis baigné aujourd'hui, et j'ai pris suffisamment de nourriture ; j'ai même fait usage de vin avec plaisir. Adieu, mon très aimable maître. Ma mère te salue.

EPISTOLA XVIII.

DOMINO MEO.

Dolores quidem cervicum nihil remiserunt, sed animo bene fuit, qum te balneo et vino libenter usum cognovi. Vale, domine. Dominam saluta.

LETTRE XVII

A MON SEIGNEUR

A la vérité le mal de tête ne m'a laissé aucun relâche ; mais ce qui m'a fait du bien à l'âme, c'a été d'apprendre que tu avais usé du bain et du vin avec plaisir. Adieu, seigneur. Salue la souveraine.
 

EPISTOLA XVIII.

DOMINO MEO.

Gravissimo dolore inguinis sum arreptus, quo omnis dolor a dorso et lumbis incubuit. Vale, domine. Dominam saluta.

LETTRE XVIII

A MON SEIGNEUR

J'ai été saisi d'une douleur très vive à l'aine, sur laquelle tout mon mal de dos et de reins s'est jeté. Adieu, seigneur. Salue la souveraine.

EPISTOLA XIX.

DOMINO MEO.

Doluisse te inguina cognosco, mi magister, et cum recordor, quantam vexationem tibi iste dolor adferre soleat, gravissimam sollicitudinem patior. Sed me levat, quod spero illo spatio, quo perferebatur hoc nuntius, potuisse cedere fomentis et remediis omnem illam vim doloris. Nos aestivos calores adhuc experimur : sed cum parvolae nostrae, dixisse liceat, commode valeant, mera salubritate et verna temperie frui nos existimamus. Vale, mi optime magister.

LETTRE XIX.

A MON MAITRE, SALUT

J'apprends, mon maître, que tu as eu des douleurs à l'aine ; et, quand je me représente ce que tu souffres ordinairement dans cet état, je suis tourmenté d'une bien grande inquiétude. Mais je me rassure un peu en pensant que, dans l'intervalle où l'on m'apportait cette nouvelle, toute cette vive douleur a pu céder aux fomentations et autres remèdes. Pour nous, nous éprouvons encore les chaleurs de l'été ; mais comme nous pouvons dire que nos petites se portent bien, nous croyons jouir d'un air pur et salubre et de la température du printemps. Adieu, mon très bon maître.
 

EPISTOLA XX.

DOMONO MEO.

Patri tuo fac notum de infirmitate mea. An me quoque scribere ei debere putes, scribe mihi.

LETTRE XX

A MON SEIGNEUR

Donne connaissance à ton père de mon infirmité, et fais-moi savoir si tu penses que je doive aussi lui écrire.

EPISTOLA XXI.

RESCRIPTUM.

Statim, mi magister, indicabo domino meo necessitatem hujus quietis tuae : velim tamen et a te scribi. Vale, mi optime et jucundissime magister.

LETTRE XXI

RÉPONSE

Je vais, mon maître, faire connaître à mon seigneur la nécessité de ce repos pour toi. Je désire cependant que tu lui écrives aussi. Adieu, mon très bon et très aimable maître.

EPISTOLA XXII.

DOMINO MEO.

Ego prodormivi. Materiam misi tibi : res seria est. Consul populi romani, posita praetexta, manicam induit, leonem inter juvenes quinquatribus percussit, populo Romano spectante. Apud censores expostulatur. Διασκεύασον, αὔξησον. Vale, domine dulcissime. Dominam saluta.

LETTRE XXII

A MON SEIGNEUR

J'ai très bien dormi. Je t'ai envoyé une matière : la chose est sérieuse. Un consul romain, aux Quinquatries, ayant déposé la prétexte, et revêtu la cotte de mailles, a, parmi les jeunes gens, frappé le lion, en présence du peuple romain. Ceci est du ressort des censeurs. Dispose, développe. Adieu, très aimable seigneur. Salue la souveraine.

EPISTOLA XXIII.

RESCRIPTUM.

Quando id factum  ? et an Romae? Num illud dicis in Albano factum sub Domitiano? Praeterea in hac materia diutius laborandum est, ut factum credatur, quam ut irascatur. Ἀπίθανος ὑπόθεσις videtur mihi, quod plane baluceis, qualem petieram. Rescribe statim de tempore.

LETTRE XXIII

RÉPONSE

Quand cela est-il arrivé ? est-ce à Rome même ? ne veux-tu pas parler de ce qui s'est passé à Albanum, sous Domitianus ? Il faut en outre travailler longtemps sur ce sujet, plutôt pour le croire que pour s'en fâcher, c'est un sujet invraisemblable *** Réponds de suite sur l'époque.

EPISTOLA XXIV.

MAGISDTRO MEO SALUTEM.

Vindemias laetas qam firmissimo corpore agere te, mi magister, opto. Me adlevant nuntii de Domnula mea commodiora dis juvantibus indicantes. Vale, mi jucundissime magister.

 

LETTRE XXIV

A MON MAITRE, SALUT

Je souhaite, mon maître, qu'une santé bien affermie te permette des vendanges joyeuses. Les nouvelles que je reçois de ma petite Domnula, et qui m'annoncent que, les dieux aidant, elle se rétablit, me soulagent beaucoup. Adieu, mon très aimable maitre.

EPISTOLA XXV.

DOMINO MEO.

In hortis vindemias ago : commode valeo : aegre tamen insisto dolore digitorum in sinistro pede. Pro Faustina mane cotidie deos appello: scio enim me pro tua salute optare ac precari. Vale, mi domine dulcissime. Dominam saluta.

LETTRE XXV

A MON SEIGNEUR

Je vendange dans mes jardins. Je me porte assez bien. Cependant la douleur que j'éprouve aux doigts du pied gauche fait que j'ai peine à me tenir sur le pied. Tous les matins j'invoque les dieux pour Faustina, car je sais que c'est faire des vœux et des prières pour ta santé. Adieu, très doux seigneur. Salue la souveraine.

EPISTOLA XXVI.

DOMINO MEO.

Tardius tibi, domine, rescribo; tardius enim libellum tuum aperui, quoniam ad agendum ad forum ibam. Ego commodius me habeo, tamen ulcusculum adhuc altius est. Vale, domine dulcissime. Dominam saluta.

M. Lucilius tribunus pl. hominem liberum civem romanum, cum collegae mitti juberent, adversus eorum sententiam ipsus vi in carcerem compegit. Ob eam rem a censoribus notatur. Divide primum causam : εἶτα εἰς ἑκάτερα τὰ μέρη ἐπιχείρησον καὶ κατηγορῶν καὶ ἀπολογούμενος. Vale, domine, lux omnium tuorum. Matrem dominam saluta.

 

LETTRE XXVI

A MON SEIGNEUR

Je te réponds un peu tard, seigneur, ayant ouvert un peu tard ton billet, parce que j'allais au forum pour plaider. Je me porte mieux ; cependant le petit ulcère est encore assez profond. Adieu, très doux seigneur. Salue la souveraine.

M. Lucilius, tribun du peuple, a envoyé un homme libre, un citoyen romain en prison, de sa propre autorité, contre l'avis de ses collègues, qui l'acquittaient. Et pour cela il est noté par les censeurs. Commence par diviser la cause, ensuite développe-la, pour et contre, comme accusateur et comme défenseur. Adieu, seigneur, lumière de tous les tiens. Salue la souveraine ta mère.

EPISTOLA XXVIII.

MAGISTRO MEO.

Ego adeo perscripsi; et mitte aliud, quod scribam : sed librarius meus non praesto fuit, qui transcriberet. Scripsi autem non ex mea sententia, nam et festinavi, et tua ista valetudo aliquantulum detrivit mihi.  Sed veniam cras petam, cum mittam. Vale, mi dulcissime magister. Domina mea mater salutem tibi dicit. Nomen tribuni plebis, cui inposuit notam Acilius censor, quem scripsi, mitte mihi.

LETTRE XXVII

A МОN MAITRE

J'ai tout écrit : envoie-moi autre chose à écrire ; mais je n'ai pas eu mon copiste sous la main pour transcrire. Je n'ai pas écrit non plus comme j'aurais voulu, car je me suis pressé, et j'ai été un peu dérouté par l'idée de ta maladie ; mais à demain les excuses, lorsque j'enverrai. Adieu, mon très doux maître ; la souveraine ma mère te salue. Envoie-moi le nom de ce tribun du peuple qu'avait noté le censeur Acilius, que j'ai écrit.

EPISTOLA XXVIII.

MAGISTRO MEO.

Dies mihi totus vacuus erit. Siquid umquam me amasti, hodie ama ; et uberem mi materiam mitte, oro et rogo καὶ ἀντιβολῶ καὶ δέομαι, καὶ ἱκετεύω. In illa enim centumviralei non inveni praeter ἐπιφωνήματα. Vale, optime magister. Domina mea te salutat. Volebam aliquid, ubi clamari debeat, scribere. Fave mi et quaere clamosam ὑπόθεσιν.

LETTRE XXVIII

A MON MAITRE

Je serai libre toute la journée ; si jamais tu as aimé, aime-moi aujourd'hui, et envoie-moi une matière féconde, je t'en prie et t'en supplie et t'invoque et t'implore et te conjure. Car, dans cette cause centumvirale, je n'ai trouvé autre chose que des exclamations. Adieu, maître très bon. Ma souveraine te salue. Je voulais écrire quelque chose, par exemple, où il eût fallu crier. Favorise-moi, et cherche une cause bien criarde.

EPISTOLA XXIX.

DOMINO MEO.

Perendie, domine, te videbo : sum enim adhuc a cubito et cervice infirmus. Ferme, obsecro, nimia et ardua a te postulantem: Ita in animum meum induxi posse te efficere, quantum contenderis. Nec deprecor quin me oderis, nisei, quantum postulo, perfeceris, si, ut facis, animum et studium accommodaveris. Vale, domine, anima mea mihi potior. Dominam matrem saluta.

LETTRE XXIX

A MON SEIGNEUR

Je ne pourrai te voir que demain, seigneur, car je souffre encore du coude et de la tête. Quand je te demande du trop et du trop difficile, c'est que je me suis mis dans l'esprit que tu n'avais qu'à vouloir pour réussir ; et je consens que tu me haïsses, si, en voulant et en t'appliquant comme tu sais faire, tu ne fais pas autant que je demande. Adieu, seigneur, toi que j'aime plus que ma vie. Salue la souveraine ta mère.

EPISTOLA XXX.

DOMINO MEO.

Annum novum faustum tibi, et ad omnia, quae recte cupis, prosperum, cum tibi tum domino nostro patri tuo et matri et uxori et filiae ceterisque omnibus, quos merito diligis, precor. Metui ego invalido adhuc corpore turbae et inpressioni me committere. Si dei juvabunt, perendie vos vota nuncupantis videbo. Vale, mi domine dulcissime. Dominam saluta.

LETTRE XXX

А MON SEIGNEUR

Bonne année, accomplissement de tout ce que tu peux légitimement désirer, voilà ce que je te souhaite à toi, à notre seigneur ton père, à ta mère, à ton épouse, à ta fille, et à tous ceux qui méritent que tu les aimes. J'ai craint, faible comme je le suis, de m'exposer à la foule et à la presse. Demain, s'il plaît aux dieux, je vous verrai prononcer les voeux. Adieu, mon très doux seigneur, salue la souveraine.

EPISTOLA XXXI.

MAGISTRO MEO SALUTEM.

Et ipse prospere sis ingressus annum. Omne votum tuum dei tibi ad usum tuum, qui noster idem erit, devertant ; atque, ut facis, pro amicis bene optes, ceteris bene velis. Quae pro me precatus es, scio te precatum. Quod a turba cavisti, tibi et meae curae consuluisti. Quietius idem fiet perendie, si dei dent. Gratia tua officio functa est. Nescio, an dominam suam salutaverit. Vale mi dulcissime magister. Mater mea te salutat.

LETTRE XXXI

A MON MAITRE, SALUT

Et toi aussi, puisses-tu entrer heureusement dans cette année ! que les dieux fassent tourner entièrement ton vœu à ton avantage, qui sera également le nôtre ! Continue de faire des souhaits pour tes amis, et de vouloir du bien aux autres ! Je sais avec quelle ardeur tu as prié pour moi. En te gardant de la foule, tu as fait ton bien et le mien. La journée d'après-demain sera encore une journée de calme, s'il plait aux dieux. Ta Gratia s'est acquittée de son devoir. Je ne sais si elle aura salué se souveraine. Adieu, mon très doux maître ; ma mère te salue.

EPISTOLA XXXII.

MAGISTRO MEO.

Et nunc sanus et deinceps validus, laetus, compos omnium votorum agas diem natalem, mi magister ; quae mea precatio sollemnis semper auctior fit, quanto magis accedit et mihi firmitas ad diligendum et aetas suavissimae familiaritatis nostrae. Vale, mi magister jucundissime mihi. Mater mea te salutat. Gratiae salutem dic.

LETTRE XXXII

A MON MAITRE

Qu'aujourd'hui avec de la santé, de la force, de la joie et de l'entière jouissance de tes désirs, tu célèbres, ô mon maître, l'anniversaire de ta naissance. Cette prière solennelle devient toujours plus fervente, à mesure que j'acquiers plus de fermeté pour aimer, et d'âge pour goûter pleinement les douceurs de notre familiarité. Adieu, mon très aimable maître, ma mère te salue. Salue Gratia.

EPISTOLA XXXIII.

(DOMINO MEO)

Quaecumque mihi prae(cari) solitus sum, in tua salute locata sunt : mihi sanitas, bona valetudo, laetitia, res prosperae meae ibi sunt, cum tu corpore, animo, rumore tam incolumi uteris, tam carus patri, tam dulcis matri, tam sacntus uxori, tam fratri bonus ac benignus. Haec sunt quae me cum hac valetudine tamen cupientem vitae faciunt. Absque te, satis superque et aetatis et laboris et artis et gloriae ; dolorum vero et aegritudinum aliquanto plus quam satis superque. Filiae meae jussu tuo osculum tuli: numquam mihi tam suavis tamque saviata visa (est). Dominam saluta, domine dulcissime. Vale et fer osculum matronae tuae.

LETTRE XXXIII

(A MON SEIGNEUR)

Je ne fais pas de prières pour moi qu'il n'en soit une pour ta conservation. La santé, la vigueur, la joie, la prospérité sont pour moi à te voir sain de corps et d'esprit, de renommée, toujours aussi cher à ton père, aussi doux à ta mère, aussi saint pour ton épouse, aussi bon et bienveillant pour ton frère. Voilà ce qui, avec ma déplorable santé, me fait cependant désirer de vivre. Sans toi, assez et trop pour moi d'âge, de travail, d'art et de gloire, et surabondance de douleurs et de peines. J'ai donné, d'après ton ordre, un baiser à ma fille ; jamais baiser ne m'a paru si suave et n'a été si bien appliqué. Salue la souveraine, très doux seigneur ; adieu, et donne un baiser à ton épouse.

EPISTOLA XXXIV.

DOMINO MEO.

Saenius Pompejanus in plurimis causis a me defensus, postquam publicum Africae redemit, plurimis causis rem familiarem nostram adjuvat. Commendo eum tibi, cum ratio ejus a domino nostro patre tuo tractabitur, benignitatem ingenitam tibi, quam omnibus ex more tuo tribuis, ut huic et mea commendatione et tua consuetudine ductus inpertias. Vale, domine, dulcissime.

LETTRE XXXIV

A MON SEIGNEUR

Saenius Pompéianus, que j'ai défendu dans plusieurs causes, après son administration en Afrique, m'est utile pour plusieurs causes dans mes affaires domestiques. Je te le recommande lorsque sa gestion sera examinée par notre seigneur ton père. Je désire que, cédant à ma recommandation et à ton propre penchant, tu lui accordes cette bienveillance innée en toi, et que tu n'es jamais d'humeur à refuser. Adieu, très doux seigneur.

EPISTOLA XXXIV.

DOMINO MEO.

Pompejanus meritis isdem, quibus te sibi conciliavit, me quoque promeruit. Quare cupio omnia ei ex indulgentia domini mei patris obsecundare. Nam ea, quae tibi ex sententiae procedunt, gaudia sunt mea. Vale, mi magister jucundissime. Faustina et parvolae nostrae te salutant.

LETTRE XXXV

RÉPONSE

Pompéianus m'a gagné aussi par les mêmes mérites qui lui ont valu ton affection. C'est pourquoi je désire que le seigneur mon père use envers lui de son indulgence accoutumée, car mes joies sont que tout succède à ton gré. Adieu, mon très aimable maître ; Faustina et nos petites te saluent.

EPISTOLA XXXVI.

MAGISTRO MEO.

Si te in provincia, mi magister, adierit Themistocles quidam, qui se Apollonio magistro meo dicat philosophiae cognitum, eum sese, qui hac hieme Romam venerit et mihi voluntate magistri per filium Apollonium sit demonstratus ; ei tu, mi magister, velim, quod possis, bene facias, bene suadeas. Nam jus et aequom omnibus Asianeis erit apud te paratissimum : sed consilium, comitatem, quaeque amicis sine ullo quojusquam incommodo propria inpertire fides ac religio proconsulis permittit, peto Themistocli libens inpertias. Vale, mi jucundissime magister. Rescripto nihil opus est.

LETTRE XXXVI

A MON MAITRE

Si, dans la province, il se présente à toi, mon maître, un certain Thémistoclès qui se dise connu d'Apollonius, mon maître de philosophie, et être celui qui est venu cet hiver à Rome, et qui m'a été présenté par Apollonius le fils, par ordre de mon maître, je te prie, mon maître, de lui faire tout le bien que tu pourras, et de le bien conseiller. Ce qui sera juste et convenable, tu seras toujours prêt à le faire, pour tous les Asiatiques ; mais le conseil, le bon accueil, tout ce que la fidélité et la religion permettent à un proconsul d'accorder à des amis sans nuire à personne, je te demande de l'accorder de bonne grâce à Thémistoclès. Adieu, mon très aimable maître. Il n'est pas besoin de réponse.

EPISTOLA XXXVII.

DOMINO MEO.

Aridelus iste, qui tibi litteras meas reddit, a pueritia me curavit a studio perdicum usque ad seria officia. Libertus vester est; procuravit vobis industrie ; est enim homo frugi et sobrius et acer et diligens. Petit nunc procurationem ex forma suo loco ac justo tempore. Faveto ei, domine, quod poteris. Si formam non cognosces hominis, ubi ad nomen Arideli ventum fuerit, memento a me tibi Aridelum commendatum. Vale, domine dulcissime. Dominam saluta.

LETTRE XXXVII

A MON MAITRE

Cet Aridélus qui te rend ma lettre m'a soigné dès l'enfance, depuis la passion des perdrix jusqu'aux occupations sérieuses. Il est votre affranchi ; il fera très bien vos affaires, car c'est un bomme honnête, sobre, diligent, exact. Il demande maintenant une procurature, selon la forme, en son rang et en son temps. Favorise-le, seigneur, de tout ton pouvoir. Si tu ne connais pas sa figure, souviens-toi, lorsqu'on sera venu au nom d'Aridélus, qu'Aridélus t'a été recommandé par moi. Adieu, très doux seigneur, salue la souveraine.

EPISTOLA XXXVIII.

DOMINO MEO.

Utrum facti virtus ornaverit orationem, an oratio factum nobilissimum aequiperaverit, incertus sum : certe quidem ejusdem dicta, cujus illa facta. Sed et fratris tui oratio me delectavit : nam et ornata fuit et cordata : et certum habeo eum minimum spatii habuisse ad meditandum.

LETTRE XXXVIII

A MON SEIGNEUR

Le mérite de l'action a-t-il embelli le discours, ou le discours a-t-il égalé une action aussi noble ? je l'ignore ; mais je sais que l'auteur d'un tel discours devait l'être d'une telle action. La réponse de ton frère m'a fait aussi un grand plaisir ; elle est pleine d'élégance et d'âme, et je suis sûr qu'il a eu très peu de temps pour se préparer.

LETTRE XXXIX.

RESCRIPTUM.

Reversus a convivio patris libellum tuum accepi, dimisso jam, ut cognosco, eo per quem fuerat allatus. Rescribo igitur vespera multa, quod tu legas die crastino : Orationem patris mei parem materiae suae visam tibi, nihil mirum est, mi magister. Fratris autem mihi gratiarum actio eo laudabilior est, quo minus ad meditandum, ut conjectas, habuit spatii. Vale, mi jucundissime mihi magister. Mater mea te salutat.

LETTRE XXXIX

RÉPONSE

En revenant du souper de mon père, j'ai reçu ton billet, et j'apprends que le messager qui l'a apporté est déjà reparti. Je t'écris ce soir assez tard, et tu ne liras cette réponse que demain. Le discours de mon père t'a paru digne du sujet ; ce n'est point étonnant, ô mon maître ! Quant à l'action de grâces de mon frère, elle mérite d'autant plus d'éloges qu'il a eu, comme tu l'imagines, moins de temps pour s'y préparer. Adieu, mon très aimable maître ; ma mère te salue.

EPISTOLA XL.

DOMINO MEO.

Cholera usque eo adflictus sum, ut vocem amitterem, singultirem, suspirio tum angerer, postremo venae deficerent, sine ullo pulsu venarum animo male fieret : denique conclamatus sum a nostris; neque sensi aliquandiu : ne balneo quidem aut frigida, aut cibo recreandi me ac fovendi medicis tempus aut occasio data; nisi post vesperam micularum minimum cum vino destillatum gluttivi. Ita focilatus totus sum. Postea per continuum triduum vocem non reciperavi. Sed nunc, deis juvantibus, commodissime valeo, facilius ambulo, clarius clamito : denique, si dei juvabunt, cras vehiculo vectari destino. Si facile silicem toleravero, quantum pote ad te curram : tum vixero, cum te videro. Ad. VII kal. Roma proficiscar, sei dei juvabunt. Vale, domine dulcissime, desiderantissime, causa optima vitae meae. Dominam saluta.

LETTRE XL.

A MON SEIGNEUR

J'ai été tellement déchiré par une colique que j'en perdais la voix ; je sanglotais, puis j'étouffais. Le sang s'arrêtait dans mes veines ; j'étais sans pouls et le cœur défaillant ; enfin les nôtres m'avaient appelé à haute voix comme un mort. Je restai quelques instants sans rien sentir ; les médecins n'ont trouvé ni le temps ni l'occasion de me faire revenir et de me raviver par le bain, l'eau froide, ou de la nourriture. Ce n'est que sur le soir que j'ai pu prendre quelques miettes trempées dans du vin. Je me suis ainsi entièrement remis. Après cela, j'ai été trois jours de suite sans recouvrer la voix ; mais aujourd'hui, les dieux aidant, je me trouve très bien ; je marche avec plus d'aisance ; j'ai la voix plus claire. Enfin, avec l'aide des dieux, je compte sortir demain en voiture ; si je supporte aisément le pavé, de tout ce que je pourrai je courrai vers toi ! Je vivrai alors seulement quand je te verrai. Le VII des kal., je partirai de Rome, avec l'aide des dieux. Adieu, seigneur très doux, très désiré, source la meilleure de ma vie. Salue la souveraine.

EPISTOLA XLI.

MAGISTRO MEO SALUTEM.

Post tempus te videre cupiebam: Quid tu censes , post periculum quod suffigisse te, mi magister, iterum deis ago gratias, lectis litteris tuis, quae me rusum quasi renovant; cum commemorares, quo in loco fueris, consternarunt. Sed habeo te, deis volentibus ; et, ut promittis, propediem videbo : et bene spero de bona longa valetudine. Salutat te mater mea. Vale, mi jucundissime magister.

LETTRE XLI

A MON MAITRE, SALUT

Depuis longtemps je désirais te voir. Dis-moi, après le danger auquel je remercie encore les dieux de t'avoir fait échapper, ne juges-tu pas quelle a dû être ma consternation à la lecture de la lettre où tu me fais le détail des extrémités dont tu sors à peine ? Mais, grâce aux dieux, je te possède, et je te verrai au premier jour, ainsi que tu me le promets, et je compte bien sur une longue santé. Ma mère te salue. Adieu, mon très aimable maître.

EPISTOLA XLII.

DOMINO MEO.

Plurimos natales liberum tuorum prosperis tuis rebus ut celebres, parentibus probatus, populo acceptus, amicis probatus, fortuna et genere et loco tuo dignus, omni vita mea redemisse cupiam, non hac modo exigua vita, quae mihi superest, sed illa etiam, quam vixi, siquo modo in integrum redigi ac pro te tuisque ac liberum tuorum commodis in solutum dependi potest. Si facile ingredi possem, hic erat dies, quo cum primis conplecti te cuperem : sed concedendum est pedibus scilicet, quando ipsi parum procedunt. Ego de aquarum usu delibero. Si certius quid statuero, faciam tibi notum. Vale, mi domine dulcissime. Faustinam tuam meis verbeis appella et gratulare et matronas nostras meo nomine exosculare : sed uti ego soleo, cum plantis illis et manibus. Dominam saluta.

LETTRE XLII

A MON SEIGNEUR

Pour te voir célébrer le plus grand nombre possible d'anniversaires de tes enfants, toujours heureux. estimé de tes parents, cher au peuple, estimé de tes amis, et toujours digne de ta fortune, de ta naissance et de ton rang, je livrerais volontiers toute ma vie, non pas seulement cette courte vie qui me reste à vivre, mais encore toute celle que j'ai vécu, si je pouvais en refaire un tout, et la dépenser intégralement pour toi, tes intérêts et ceux de tes enfants. Si je pouvais marcher aisément, c'est surtout en ce jour que je voudrais t'embrasser ; mais il faut céder aux pieds quand eux-mêmes ils ont peine à avancer. Je balance si je ferai usage des eaux : si je prends un parti, j'aurai soin de t'en informer. Adieu, mon très doux seigneur. Parle comme je parle à ta Faustina, félicite-la, et baise pour moi nos dames, mais comme j'ai coutume de faire, aux pieds et aux mains. Salue la souveraine.

EPISTOLA XLIII.

MAGISTRO MEO SALUTEM.

Salvos esto nobis, salva sit domus tibi domus tua, salva nostra; quae si animum nostrum spectes, una est domus. Recte scio autem, si vel difficulter ingredi posses, venturum te ad nos fuisse. Sed venies saepe, et tecum celebrabimus, si dei volent, omnia festa nostra. Vale, mi magister jucundissime. Mater mea te salutat.

LETTRE XLIII

A MON MAÎTRE, SALUT

Que tu sois sauvé pour nous, que soit sauvée pour toi ta famille, sauvée la nôtre, qui, par le cœur, n'en fait qu'une avec la tienne. Je sais bien que, si tu avais pu marcher, même difficilement, tu serais venu nous voir ; mais tu viendras souvent, et, s'il plaît aux dieux, nous célébrerons toutes nos fêtes avec toi. Adieu, mon très aimable maître ; ma mère te salue.

EPOSTOLA XLIV.

DOMINO MEO.

Pueri dum e balneis me sellula, ut adsolent, advehunt, inprudentius ad ostium balnei fervens adflixerunt. Ita genum mihi simul abrasum et ambustum est : postea etiam inguem ex ulcere extitit. Visum medicis, ut lectulo me tenerem. Hanc causam, si tibi videbitur, etiam domino patri tuo indicabis, si tamen videbitur. Etiam cras mihi adsistendum erit familiari. Hodierno igitur otio et quiete labori me crastino praeparabo. Victorinus noster aget, ne me acturum putes. Vale, domine dulcissime. Dominam saluta.

LETTRE XLIV

A MON SEIGNEUR

Pendant que les esclaves me ramenaient du bain, comme à l'ordinaire, sur ma petite chaise, ils m'ont heurté par mégarde contre la porte du bain, qui était brûlante, en sorte que j'ai eu le genou écorché à la fois et brûlé. L'inflammation ensuite a gagné jusqu'à l'aine. Les médecins m'ont ordonné de me tenir au lit. Tu pourras, si tu le juges à propos, alléguer aussi cette raison au seigneur ton père ; je dis : si tu le juges à propos. Il me faudra encore demain défendre un ami. Je me préparerai ainsi, par le loisir et le repos d'aujourd'hui, au travail de demain. Notre Victorinus plaidera : ne va pas croire que je plaiderai. Adieu, très doux seigneur. Salue la souveraine.

EPISTOLA XLV.

MAGISTRO MEO SALUTEM.

Auxisti curas mihi, quas opto quam primum releves, sedatis tibi doloribus genus et inguinis. Me autem infirmitas dominae meae matris quiescere non sinit. Eo accedit adpropinquatio partus Faustinae. Sed confidere dis debemus. Vale, mi magister jucundissime mihi. Mater mea te salutat.

 

LETTRE XLV

A MON MAITRE, SALUT

Tu as redoublé mes inquiétudes, et je désire que tu les calmes le plus tôt possible en m'apprenant que tes douleurs du genou et de l'aine sont apaisées. D'un autre côté, la maladie de la souveraine ma mère ne me laisse pas de repos : ajoute l'approche des couches de Faustina ; mais nous devons confiance aux dieux. Adieu, mon très aimable maître ; ma mère te salue.

EPISTOLA XLVI.

DOMINO MZO.

Ipsa die, qua proficisci destinabam, genus dolorem sensi. Spero in paucis diebus me recte fore. Vale, domine optime. Dominam saluta.

LETTRE XLVI

A MON SEIGNEUR

Le jour même où je comptais partir, j'ai senti de la douleur au genou. J'espère que dans peu de jours je serai mieux. Adieu, très bon seigneur. Salue la souveraine.

EPISTOLA XLVII.

MAGISTRO MEO SALUTEM.

Nunc denique opto, mi magister, jucundiora indices : nam doluisse te in id tempus, quo mihi scribebas, litterae declarant. Haec obambulans dictavi. Nam eum motum in praesentia ratio corpusculei desiderabat. Vindemiarum autem gratiam nunc demum integram sentiam, cum tua valetudo placatior esse nobis coeperit. Vale, mi jucundissime magister.

LETTRE XLVII

A MON MAÎTRE, SALUT

Maintenant enfin je désire, mon maître, que tu m'apprennes de meilleures nouvelles, car je vois, par ta lettre, que tu souffrais encore pendant le temps que tu m'écrivais. J'ai dicté ceci en me promenant, le soin de ma santé exigeant alors que je fisse cet exercice. Je ne goûterai bien pleinement le plaisir des vendanges que lorsque ta santé aura commencé à s'améliorer. Adieu, mon très aimable maître.

EPISTOLA XLVIII.

DOMINO MEO.

Plantae, domine, dolore impedior : ideo vos per istos dies non salutavi. Vale, domine optime. Dominam saluta.

LETTRE XLVIII

A MON SEIGNEUR

Je suis retenu, seigneur, par une douleur à la plante du pied : voilà pourquoi je ne vous ai pas salués ces jours-ci. Adieu, très bon seigneur. Salue la souveraine.

EPISTOLA XLIX.

DOMINO MEO.

Quom salubre tibi est facile progredi, tunc et nobis conspectus tuus erit jucundus. Id ut quam primum eveniat et dolor plantae quiescat, di juvent. Vale, mi optime magister.

 

LETTRE XLIX

A MON MAÎTRE

Lorsqu'il te sera salutaire et facile de marcher, alors aussi ta présence nous sera agréable. Plaise aux dieux que cela soit le plus tôt possible, et que ta douleur à la plante du pied se calme. Adieu, mon très bon maître.
 

EPISTOLA L.

DOMINO MEO.

Ego gravissime arreptus sum iterum ab altero inguine.

LETTRE L

A MON SEIGNEUR

Je viens d'être encore sérieusement entrepris de l'autre aine.

EPISTOLA LI.

RESCRIPUM.

Quom haec scribas mihi, magister, credo, intelligis sollicitissimum me vota facere pro salute tua, cujus dis juvantibus cito compotes erimus. Vale, mi magister jucundissime.

LETTRE LI

RÉPONSE

Lorsque tu m'écris cela, mon maître, je pense bien que tu te représentes mon empressement à faire des vœux pour ta santé, qu'avec l'aide des dieux nous verrons bientôt rétablie. Adieu, mon très aimable maître.

EPISTOLA LII.

DOMINO MEO.

Decem tanta te amo. Filiam tuam vidi. Videor mihi te simul et Faustinam infantes vidisse: tantum boni ex utriusque voltu est commixtum ! Decem tanta te amo. Vale, domine dulcissime. Dominam saluta.

LETTRE LII

A MON SEIGNEUR

Je t'en aime dix fois autant. J'ai vu ta fille. Il m'a semblé que je vous voyais enfants toi et Faustina, tant elle est un heureux mélange de vos deux physionomies ! Je t'en aime dix fois autant. Adieu, très doux seigneur. Salue la souveraine.

EPISTOLA LIII.

MAGISTRO MEO.

Et nos Gratiam, quod tui similis est, magis amamus. Facile ergo intellegimus, quanta apud te sit filiolae nostrae conciliatrix similitudo utriusque nostri : et omnino, quod eam vidisti, est jucundum mihi. Vale, mi optime magister.

LETTRE LIII

A MON MAÎTRE

Et nous, nous aimons Gratia d'autant plus qu'elle te ressemble davantage. Nous comprenons donc facilement combien la ressemblance de notre petite fille avec nous peut te donner d'affection pour elle ; c'est bien aussi une joie pour moi que tu l'aies vue. Adieu, mon très bon maître.

EPISTOLA LIV.

DOMINO MEO.

Tertius est dies, quod per noctem morsus ventris cum profluvio patior. Hac vero nocte ita sum vexatus, uti prodire non potuerim, sed lectulo me teneam. Medici suadent balneo uti. Multos nataleis tuos ut celebres, a dis precatus sum. Vale, domine. Dominam saluta.

LETTRE LIV

A MON SEIGNEUR

Voilà trois jours que, je suis tourmenté de la colique et d'un flux de ventre. Mais cette nuit j'ai tellement souffert que je ne pourrai sortir, et que je me tiendrai au lit. Les médecins me conseillent l'usage du bain. J'ai demandé aux dieux que tu puisses célébrer de nombreux anniversaires de naissance. Adieu, seigneur. Salue la souveraine.

EPISTOLA LV.

MAGISTRO MEO.

Tu quoque intellegis, mi magister, quid ego pro me optem: sanum et validum te deinceps et hunc diem tuum sollemnem, et ceteros vel nobiscum vel nobis utique securis pro te quam diutissime celebrare. Ceterum ego conjectavi statim fuisse ejusmodi aliquid, quam ob rem te non viderim. Et, si dicendum est, delector potius talem querellam corpusculi, quam dolores aliquos intercessisse. Praeterea de profluvio isto bene spero : nam, etsi nunc te exhauserit, tamen dis volentibus, confido salubriter sponte provenisse alvum tibi verno tempore, quom alii id consulto movent et machinantur. Vale, mi jucundissime magister. Mater mea te salutat.

LETTRE LV

A MON MAÎTRE

Tu comprends aussi, mon maître, ce que je souhaite pour moi : c'est que, pourvu d'une santé ferme et robuste, tu célèbres le plus longtemps possible et le jour de ta fête et les autres, soit avec nous, soit pour nous, désormais tranquilles sur ton état. Du reste j'ai conjecturé tout de suite que quelque chose de semblable avait empêché que je ne te visse ; et, s'il faut le dire, j'aime mieux que ce soit ce petit dérangement que quelques douleurs. Il y a plus, c'est que j'espère bien de ce flux : car, s'il t'a épuisé pour le moment, néanmoins, avec l'aide des dieux, j'ai confiance que c'est pour ta santé que ce cours de ventre t'est venu de lui-même au printemps où les autres se mettent en peine et en travail pour s'en donner. Adieu, mon très aimable maître. Ma mère te salue.

EPISTOLA LVI.

DOMINO MEO.

Fauces miseras habeo ; unde etiam calui per noctem. In genu dolor est modicus. Vale, domine. Dominam saluta.

LETTRE LVI.

A MON SEIGNEUR.

J'ai un mal de gorge tel que j'en ai eu la fièvre toute la nuit. Ma douleur de genou est peu de chose. Adieu, seigneur. Salue la souveraine.

EPISTOLA LVII.

MAGISTRO MEO.

Jam habeo, quod primum et praecipuum desiderabam: desisse febriculam colligo ex litteris tuis. Nunc, mi magister, quod ad fauces adtinet, brevi temperantia aspelletur ; et mihi adplenior nuntius veniet. Vale, mi magister jucundissime mihi. Mater mea te salutat.

LETTRE LVII

A MON MAÎTRE

J'obtiens enfin ce que je désirais avant tout et surtout. Je crois, par ta lettre, que la fièvre t'a quitté. Maintenant, mon maître, pour ce qui regarde la gorge, qu'un peu de ménagement survienne et j'attends de toi de meilleures nouvelles. Adieu, mon très aimable maître. Ma mère te salue.

EPISTOLA LVIII.

DOMINO MEO.

Vexatus sum, domine, nocte diffuso dolore per umerum et cubitum et genu et talum. Denique id ipsum tibi mea manu scribere non potui.

LETTRE LVIII

A MON SEIGNEUR

Seigneur, j'ai été tourmenté cette nuit d'une douleur qui s'étend à l'épaule, au coude, au genou et au talon ; c'est au point que ceci même, je n'ai pu te l'écrire de ma main.

EPISTOLA LIX.

HAVE, MI MAGITER OPTIME.

Egone ut studeam, cum tu doleas ? praesertim cum mea causa doleas? non me omnibus incommodis sponte ipse adflictem? merito hercule. Quis enim tibi alius dolorem genus, quem scribis nocte proxuma auctum, quis alius eum suscitavit nisi Centumcellae, ne me dicam? Quid igitur faciam, qui nec te video et tanto angore discrucior? Adde eo quod, etiamsi libeat studere, judicia prohibent, quae, ut dicunt, qui sciunt, dies totos eximent. Misi tamen tibi hodiernam γνώμην, et nudiustertianum locum communem. Heri totum diem in itinere adtrivimus : hodie difficile est, ut praeter vespertinam γνώμην, quicquam agi possit. Nocte, inquis, tam longa dormis? Et dormire quidem possum, nam sum multi somni ; sed tantum frigoris est in cubiculo meo, ut manus vix exseri possit. Sed revera illa res maxime mihi animum a studiis depulit, quod, dum nimium litteras amo, tibi incommodus apud Portum fui, ut res ostendit. Itaque valeant omnes Porci et Tulli et Crispi, dum tu valeas, et te vel sine libris firmum tamen videam. Vale, praecipuum meum gaudium, magister dulcissime. Domina mea te salutat. Γνώμας tres et locos communes mitte.

LETTRE LIX

BONJOUR, MON TRES BON MAITRE

Qui ! moi ! que j'étudie lorsque tu souffres et surtout lorsque tu souffres à cause de moi ! Ne devrais-je pas plutôt m'accabler moi-même de toutes tes souffrances ? Oui, sans doute ; car quel autre t'a causé ce redoublement de douleur au genou que tu m'écris avoir éprouvé la nuit dernière ? quel autre que Centumcellae, pour ne pas dire moi ? Que ferai-je donc, moi qui ne te vois plus et que déchirent tant d'angoisses ? Ajoute à cela qu'avec le plus vif désir d'étudier, j'en suis empêché par les jugements qui, comme le disent ceux qui le savent, emportent des jours entiers. Je t'envoie pourtant une pensée que j'ai développée ce matin, et un lieu commun d'avant-hier. Hier, toute la journée nous avons battu les chemins ; aujourd'hui il sera difficile de pouvoir faire autre chose que la pensée du soir. Quoi ! vas-tu dire, dormiras-tu toute une nuit si longue ? Oui, je puis la dormir, car je suis un grand dormeur ; mais il fait si froid dans ma chambre qu'à peine je puis mettre ma main à l'air. Mais ce qui me détourne surtout l'esprit de l'étude, c'est de t'avoir, par mon extrême amour des lettres, porté malheur avec mon Porcius, comme l'événement le prouve. Adieu donc tous les Porcius, tous les Tullius, tous les Crispus, pourvu que tu te portes bien, et que, même sans livres, je te voie ferme et debout. Adieu, ma première joie, mon très doux maître. Ma souveraine te salue. Envoie-moi trois pensées et des lieux communs.