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FRONTON

 

ARION

Oeuvre numérisée et mise en page par Thierry Vebr

 

 

 

M. Frontonis

Arion

Arion Lesbius, proinde quod Graecorum memoria est, cithara et dithyrambo primus, Corintho, ubi frequens incolebat, secundum quaestum profectus, magnis divitiis per oram Siciliae atque Italiae paratis, Corinthum Tarento regredi parabat. Socios navalis Corinthios potissimum delegit; eorum navem audacter re bona maxime onerat. Nave in altum provecta cognoscit socios, quae veherent, cupidos potiri, necem sibi machinari. Eo, precibus fatigat aurum omne sibi haberent, unam sibi animam sinerent. Postquam id frustra orat, aliam tamen veniam impetravit, in exitu vitae, quantum posset cantaret. Id praedones in lucro duxere, praeter spolia, summum artificem audire, cujus vocem praeterea nemo umquam postilla auscultaret. Ille vestem induit auro intextam, itemque citharam insignem : tum pro puppi aperto maxime atque edito loco constitit. Sociis inde consulto per navem ceteram dispersis, ibi Arion studio inpenso cantare orditur scilicet mari et caelo artis suae supremum commemoramentum. Carminis fine cum verbo in mare desilit : delphinus excipit, sublimem avehit, navi praevortit, Taenaro exponit, quantum delphino fas est, in extimo litore. Arion inde Corinthum proficiscitur : et homo et vestis et cithara (et) vox incolumis. Periandrum, regem Corinthium, cui per artem cognitus acceptusque diu fuerat, accedit : ordine memorat rem gestam in navi et postea in mari. Rex homini credere, miraculo addubitare ; navem et socios navalis, dum reciperent, opperiri. Postquam cognovit portum invectos, sine tumultu acciri jubet : vultu comi, verbis lenibus percontatur, numquidnam super Arione Lesbio comperissent ? Illi facile respondent, Tarenti vidisse fortunatissimum mortalem, secundo rumore (populorum florere, in) pre(tioque) esse, (cithara) cantare. Qua(re) diutius amore atque lucro et laudibus retineri. Cum haec ita dicerent, Arion inrupit (ita ut in puppi)  steterat aperte veste auro intexta et cithara insigni. Praedones inopinato (visu) Arionis terreri, cum neque quicquam postilla negare aut non credere aut deprecari ausi sunt. Delphini facinus (statua ad Taenarum conlocata testatur. Etenim) visitur: Delphino residens homo, parva figura (atque ut) (sit) argumento magis, quam simulacro composita.

ARION

PAR M. C. FRONTO

Arion le Lesbien, le premier, d'après les récits de la Grèce, pour la cithare et le dithyrambe, étant parti, par amour du gain, de Corinthe, où il séjournait fréquemment, avait amassé de grandes richesses sur les côtes de Sicile et d'Italie, et se préparait à repasser de Tarente à Corinthe. Il choisit de préférence des Corinthiens pour compagnons, et mit sans défiance toute sa fortune sur leur navire. Quand le vaisseau fut au large, il s'aperçut que ses compagnons, qui transportaient, brûlaient aussi de posséder, et méditaient sa mort. Il les fatigue de prières : qu'ils prennent tout son or ; qu'ils lui laissent seulement la vie. Ne pouvant les fléchir, il obtient d'eux cependant une autre grâce, celle de chanter, autant qu'il le pourrait, sur le seuil de la vie ; et les brigands de regarder comme un gain, outre les dépouilles, le plaisir d'entendre la voix de ce souverain artiste, que personne après n'entendra plus. Arion prend une robe tissue d'or et une magnifique cithare ; puis, debout sur la poupe, il s'arrête au lieu le plus élevé, le plus découvert, laissant à dessein, loin de là, ses compagnons dispersés sur le reste du navire. Là, il se met à chanter plus mélodieusement qu'il ne le fît jamais, comme pour laisser à la mer et au ciel un dernier souvenir de son talent. A peine il a fini qu'il s'élance dans la mer ; un dauphin le reçoit, l'enlève sur son dos, devance le navire, le dépose sur le rivage de Ténare, aussi près de la terre qu'un dauphin peut en approcher. Arion s'achemine de là vers Corinthe : ainsi homme, vêtement, cithare et voix, tout fut sauvé. Il se rend chez Périander, roi de Corinthe, dont il était depuis longtemps connu et chéri pour son talent. Il lui raconte par ordre ce qui lui était arrivé sur le navire et puis sur la mer. Le roi, de croire à l'homme, sans trop croire au miracle : il attendra que le navire et l'équipage soient de retour. A la nouvelle de leur entrée dans le port, il ordonne qu'on les reçoive sans bruit ; et d'un visage riant et du ton le plus doux il leur demande s'ils avaient entendu parler d'Arion le Lesbien. Ils répondent, sans hésiter, qu'ils l'ont vu à Tarente le plus fortuné des mortels, tout florissant de gloire, au milieu des acclamations des peuples, et s'enrichissant avec sa cithare ; qu'il y était retenu par l'amitié, le gain et les louanges. Pendant qu'ils parlaient ainsi, Arion paraît, debout comme sur la poupe, avec sa robe tissue d'or, et sa magnifique cithare à la main. Les brigands, épouvantés à cette apparition soudaine, n'osèrent plus rien nier, ni rien croire, ni demander grâce. On voit à Ténare cette action d'un dauphin ; un dauphin porte un homme sur son dos ; mais c'est un petit groupe composé plutôt pour servir de témoignage au fait que pour le peindre.