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FRONTON

 

LETTRES

DE M. C. FRONTO A M. ANTONINUS, EMPEREUR,

ET

DE M. ANTONINUS A M. C. FRONTO

LIVRE DEUXIÈME

 

 

M. CORNELII FRONTONIS

EPISTULAE

AD M. ANTONINUM IMPERATOREM

ET INVICEM.

EPISTOLA I.

(MAGISTRO MEO.)

 ... Legi ex Caelio paululum ex Ciceronis oratione, sed quasi furtim, certe quidem raptim: tantum instat aliud ex alio curarum ; quom interim requies una librum in manus sumere. Nam parvolae nostrae nunc apud Matidiam in oppido hospitantur: igitur vespera ad me ventitare non possunt propter aurae rigorem. Vale, mi domine magister. Dominus meus frater et filiae cum sua matre, cujus prae... avis ex animo (tibi) salutem dicunt. Mitte mihi aliquid, quod tibi disertissimum videatur, quod legam, vel tuum aut Catonis aut Ciceronis aut Sallustii aut Gracchi aut poetae alicujus : χρῄζω γὰρ ἀναπαύλης, et maxime hoc genus : quae me lectio extollat et diffundat ἐκ τῶν κατειληφυιῶν φροντίδων. Etiam si qua Lucretii aut Ennii excerpta habes εὔφωνα καὶ... φρα et sicubi ἤθους ἐμφάσεις.

LETTRES

DE M. C. FRONTO A M. ANTONINUS, EMPEREUR,

ET

DE M. ANTONINUS A M. C. FRONTO

LIVRE DEUXIÈME

LETTRE I

(A MON MAITRE)

J'ai lu un peu de Coelius et du discours de Cicéro, mais comme à la dérobée, et, je t'assure, fort à la hâte, tant les embarras se succèdent et se pressent ! Mon unique repos, dans les intervalles, est de prendre un livre en main ; car nos petites logent maintenant à la ville, chez Matidia, et ne peuvent venir près de moi ici le soir à cause de la rigueur de l'air. Adieu, mon seigneur, mon maître ; mon frère et seigneur, mes filles avec leur mère te saluent... Envoie-moi, pour mes lectures, ce que tu jugeras de plus éloquent de toi ou de Cato, de Cicero, de Sallustius, de Gracchus, ou de quelque poète, car j'ai besoin de repos et surtout de repos de ce genre ; que cette lecture adoucisse le poids de mes fatigues et me les fasse oublier. Ou bien envoie-moi aussi quelques extraits de Lucretius ou d'Ennius, élégants harmonieux, ou toute autre œuvre de génie qui soient comme le cachet de l'homme.

EPISTOLA II.

DOMINO MEO ANTONINO AUGUSTO FRONTO.

Nae ego post homines natos et locutos omnium facundissimus habear, cum tu, M. Aureli, mea scripta lectitas et probas, et lucrativa tua in tantis negotiis tempora meis quoque orationibus legendis occupare non inutile tibi arbitraris nec infructuosum. Quod sive amore inductus etiam ingenio meo delectaris, beatissimus equidem sum, quod tibi tam sum carus, ut esse videar etiam disertus : sive ita censes, atque ita judicio tuo et animi sententia decernis, mihi quoque jam disertus jure videbor, quoniam videar tibi. Quod vero patris tui laudes a me in senatu designato et inito consulatu meo dictas legisti libenter, minime miror : namque tu Parthos etiam et Hiberos sua lingua patrem tuum laudantis pro summis oratoribus audias. Nec meam orationem, sed patris tui virtutem miratus es : nec laudatoris verba, sed laudati facta laudasti. De tuis etiam laudibus, quas in senatu eadem illa die protuli, ita sentias velim: tunc in te eximiam indolem fuisse, nunc summam virtutem; frugem tunc in segete florentem, nunc messim perfectam et horreo conditam. Sperabam tunc, habeo nunc: spes in rem convertit.  Quod autem mitti a me tibi postulasti acceptis...

LETTRE II

A MON SEIGNEUR ANTONINUS AUGUSTUS, FRONTO

Il faut que, de tous les hommes, depuis qu'il y en a et qu'ils parlent, je sois le plus éloquent, puisque toi, M. Aurélius, tu lis, relis et approuves mes écrits ; puisque tu ne regardes pas comme chose inutile et infructueuse d'employer à lire mes ouvrages un temps assez bien rempli par de si grandes occupations. Que si c'est l'amitié qui te porte à trouver quelque charme aux œuvres de mon esprit, je suis en vérité bien heureux que tu m'aimes assez pour me trouver même éloquent, et si cette opinion est chez toi l'affaire du jugement, de la réflexion et du goût, il faudra bien aussi que je me paraisse éloquent à moi-même, puisque je te parais l'être. Mais que tu aies lu avec plaisir l'éloge de ton père que j'ai prononcé dans le sénat lorsque je fus désigné consul, et que j'entrai en fonctions, je n'en suis pas surpris ; car si les Parthes même et les Ibères louaient ton père dans leur langage, tu les écouterais comme de grands orateurs. Et ce n'est point mon discours, c'est la vertu de ton père que tu as admirée ; ce ne sont pas les paroles de celui qui louait, mais les actions de celui qui était loué que tu as louées. Voici ce que je désire aussi que tu penses de tes louanges que j'ai prononcées le même jour dans le sénat ; c'est qu'alors il y avait en toi une admirable nature, aujourd'hui une éminente vertu ; alors la moisson était en fleur, aujourd'hui elle est faite et rentrée au grenier ; j'espérais alors, je possède aujourd'hui ; l'espérance est devenue la réalité ***

EPISTOLA III.

(INEDITA IN CODICE VATICANO)

(MAGISTRO MEO SALUTEM.)

... Ratum atque expeditum sit, mi magister, quam tua clemens in officiis adversum te nostris interpretatio. Scribo igitur domino meo pollicenti tibi multas suas litteras, comperisse te ex me, quae mandavit. Tum cetera adfectionis et comitatis tuae subnecte, mi magister : nam in litteris tuis, ut aequom est, adquiescit. Ego biduo isto, nisi quod nocturni somni cepi, nihil intervalli habui : quam ob rem nondum legere epistulam prolixiorem domino meo a te scriptam potui : sed crastinam opportunitatem avide prospicio. Vale, mi jucundissime magister. Nepotem saluta.

LETTRE III

(A MON MAITRE, SALUT)

*** J'écris donc à mon seigneur, qui te promet bien des lettres de lui, que je t'ai informé de ce qu'il désirait de toi. C'est à ton affection, à ta bonne volonté de faire le reste, mon maître, car il se repose, comme de raison, sur ta lettre. Pour moi, durant ces deux jours, je n'ai eu de relâche que le sommeil forcé de la nuit. C'est pourquoi je n'ai pas pu lire encore la longue lettre que tu as écrite à mon seigneur, mais j'entrevois et je saisis d'avance une occasion pour demain. Adieu, mon très aimable maître. Salue ton petit-fils.

EPISTOLA IV.

(INEDITA IN CODICE VATICANO.)

MAGISTRO MEO SALUTEM.

Quom salubritas ruris hujus me delctaret, sentiebam non mediocre illud mihi deesse, uti de tua quoque bona valetudine certus essem, mi magister. Id uti suppleas, deos oro. Rusticatio autem nostra μετὰ πολιτείας prorsus negotium illud est vitae togatae. Quid quaeris? hanc ipsam epistulam paululum me poregere non sinunt instantes curae, quarum vacatio noctis demum aliqua parte contingit. Vale, mi jucundissime magister. Ciceronis epistulas, si forte electas, totas vel dimidiatas habes, inpertias, vel mone quas potissimum legendas mihi censeas ad facultatem sermonis fovendam.

LETTRE IV

A MON MAITRE, SALUT

Pendant que l'air pur de cette campagne faisait ma joie, je sentais qu'il me manquait, ce qui n'est pas peu de chose, de savoir si tu étais en bonne santé, mon maître. Je prie les dieux que sur ce point tu puisses me satisfaire. Quant à notre séjour à la campagne, il n'est pas étranger aux soins du gouvernement ; nous menons ici la vie de Rome. Que veux-tu ? les affaires qui m'assiègent ne me laissent pas le temps d'achever cette lettre ; souvent même elles prennent sur ma nuit. Adieu, mon très aimable maître ; si tu as fait par hasard un choix de lettres de Cicero, en tout ou en partie, communique-le moi, ou indique-moi les lettres que je dois lire de préférence pour nourrir mon style.

EPISTOLA V.

(INEDITA IN CODICE VATICANO.à

DOMINO MEO.

Quinctus hic dies est ut correptus sum dolore membrorum omnium, praecipue autem cervicum et inguinum. Memini me excerpisse de Ciceronis epistulis ea dumtaxat quibus inesset aliqua de eloquentia vel philosophia vel de re p. disputatio : praeterea, siquid elegantius aut verbo notabili dictum videretur, excerpsi. Quae in usu meo ad manum erant excerpta, misi tibi. Tres libros, duos ad Brutum, unum ad Axium, describi kubebis, siquid rei esse videbitur, et remittes mihi : nam exemplares eorum excerptorum nullos feci. Omnes autem Ciceronis epistulas legendas censeo, mea sententia, vel magis quam omnis ejus orationes. Epistulis Ciceronis nihil est perfectius.

LETTRE V

A MON SEIGNEUR

Voilà cinq jours que je suis pris d'une douleur de tous les membres, mais surtout du cou et de l'aine. Je me souviens d'avoir extrait des lettres de Cicero seulement les passages qui renferment quelque dissertation sur l'éloquence ou la philosophie ou la république. De plus quand une expression m'a semblé élégante ou remarquable, je l'ai extraite. Les extraits que j'ai sous la main à mon usage, je te les ai envoyés. Tu feras transcrire, si tu le crois utile, ces trois livres, deux à Brutus, un à Axius, et tu me les renverras, car je n'ai point fait de copies de ces extraits. Du reste je pense et suis persuadé qu'il faut lire toutes les lettres de Cicero, plutôt même que tous ses discours. Rien n'est plus parfait que les lettres de Cicero.

EPISTOLA VI.

(INEDITA IN CODICE VATICANO.)

DOMINO MEO FRONTO.

Quantam... sollicitudine... ut tuo. Quo...

...tatem historias opera apta neque illam moderationem orationi accommodatam. Figuras etiam, quas Graeci σχήματα vocant, illum historiae, hunc orationi congruentes adhibuisse. Sallustium antithetis honeste compositis usum: “Alieni adpetens, sui profusus : satis eloquentiae, sapientiae parum”.  Paronomasia etiam non absurda nec frivola, sed proba et eleganti: “simulator ac dissimulator. ” Tullium vero commotissima et familiari orationibus figura usum quam scriptores artium ἐπαναφοράν vocant... “Quis clarioribus viris quodam tempore jucundior ? quis turpioribus conjunctior? quis civis meliorum partium aliquando ? quis taetrior hostis huic civitati? quis in voluptatibus inquinatior, quis in laboribus patientior? quis in rapacitate avarior ? quis in largitione difusior?” Et porro deinceps ab eodem isto verbo sententiae inchoantur. Si videbitur, id quoque animadvertito de te... citato an pro cetero ornatu ac tumultu a Cicerone medium illud inculpatum sit, “cum omnibus communicare quod habebat” : nam mihi paulo hoc volgatius et jejunius videtur. Non... post illa Sallusti et Tulli de Catilina a L. Antoni...  utus ait putabam ostendere... praeter veteranum... re magna pars juventutis sequebatur. Idcirco hoc in scripto tu faceres idem quod pictor qui numquam equom pinge... pro... pingit. Jugurthae forma ejusmodi est: “Qui ubi primum adolevit, pollens viribus, decora facie, sed multo maxime ingenio validus, non se luxu neque inertiae corrumpendum dedit, sed, uti mos gentis illius est, equitare, jaculari cursu cum aequalibus certare et, cum omnis gloria anteiret, omnibus tamen carus esse. Ad hoc pleraque tempora in venando agere, leonem atque alias feras primus aut in primis ferire; plurimum facere, minimum ipse de se loqui. Na... ”

Artes imperatoriae honore (summo) habitae... quid... sperent... ab (per)... tibi nat... is... qui tum... rem... omnia... Ne agrei quidem forma praetereunda: “Mare saevum, inportuosum : ager frugum fertilis, bonus pecori, arbori infecundus : caelo terraque penuria aquarum. Genus hominum salubri corpore, velox, patiens laborum. Nec plerosque senectus dissoluit, nisi qui ferro aut bestiis interiere.  Nam morbus haud saepe quem superat... ”  non inscti... “In regnum animum intendit. Ipse acer, bellicosus : at is, quem petebat quietus, inbellis, placido ingenio, opportunus injuriae, metuens magis quam metuendus... In consule nostro multae bonaeque artes et animi et corporis erant, quas omnis avaritia praepediebat: patiens laborum, acri ingenio, satis providens, belli haud ignarus, firmissimus contra pericula et insidias....” deinde.. “Exercitus ei traditur a Spurio Albino proconsule iners, inbellis, neque periculi neque laboris patiens, lingua quam manu promptior, praedator ex sociis et ipse praeda hostium, sine imperio et modestia habitus. Ita imperatori novo plus ex malis moribus sollicitudinis quam ex copia militum auxilii aut spei bonae accedebat.... Nam Albinus Auli fratris exercitusque clade perculsus, postquam decreverat non egredi provincia, quantum temporis aestivorum in imperio fuit, plerumque milites stativis castris habebat ; nisi cum odor aut pabuli egestas locum mutare subegerat. Sed neque muniebantur, neque more militari vigiliae deducebantur : uti cuique libebat, ab signis aberat. Lixae permixti cum militibus, diu noctuque vagabantur : palantes agros vastare, villas expugnare, pecoris et mancipiorum praedas certantes agere, eaque mutare cum mercatoribus vino advecticio, et aliis talibus : praeterea frumentum datum publice vendere, panem in dies mercari : postremo quaecumque dici aut fingi queunt ignaviae luxuriaeque probra, ea in illo exercitu cuncta fuere et alia amplius.

Sed in ea difficultate Metellum nec minus quam in rebus hostilibus magnum et sapientem virum fuisse (comperior), tanta temperantia inter ambitionem saevitiam... Animo... suetum... ava(rum)... inju(rias)... habuisset... ab illo... sae... bene.  Sed... et voluptatiba...  “Sed in his erat Sempronia quae multa saepe virilis audaciae facinora commiserat. Haec mulier genere atque forma, praeterea viro, liberis satis fortunata fuit; litteris graecis, latinis docta ; psallere, saltare elegantius quam necesse est probae : multa alia, quae instrumenta luxuriae sunt. Sed ei cariora semper omnia quam decus...  adflictare sese, manus supplices ad caelum tendere, miserari parvos liberos, rogitare omnia, omni rumore pavere, adripere omnia superbia atque deliciis omissis...” Formis... miserat... malus... ne damnum... misisti... nonus. Sed... quel... sal...

LETTRE VI

A MON SEIGNEUR, FRONTO

*** Les figures que les Grecs appellent attitudes, celui-là les place avec art dans l'histoire, celui-ci dans le discours. Sallustius s'est heureusement servi de l'antithèse : “Avide du bien d'autrui, prodigue du sien ; assez d'éloquence, de bon sens peu.” La paronomase aussi n'est chez lui ni choquante ni puérile, mais naturelle et ingénieuse : “Il savait simuler et dissimuler.” Tullius s'est servi d'une figure très favorable et familière aux orateurs, et que les grammairiens appellent épanaphore. “Qui fut, selon les temps, plus agréable aux plus illustres hommes ? Qui plus uni aux plus infâmes ? Qui parfois citoyen d'un parti meilleur ? Qui plus implacable ennemi de cette cité ? Qui plus avili dans les plaisirs ? Qui plus patient dans les travaux ? Qui plus avide dans la rapine ? Qui plus prodigue dans les largesses ?” *** Mais cette phrase qui vient au milieu de tous ces ornements et de tous ces fracas, la crois-tu irréprochable ? “Avec tous il partageait ce qu'il avait.” Pour moi, je la trouve vulgaire et maigre *** Voici le portrait de Jugurtha : “Dès qu'il commença de grandir, puissant par ses forces, sa belle figure, mais de plus et surtout vigoureux par l'âme, il ne se livra point à la corruption du luxe et de l'oisiveté ; mais, selon l'usage de sa nation, monter à cheval, lancer le javelot, lutter à la course avec ses égaux, et, lorsqu'il les dépassait tous en gloire, à tous pourtant rester cher encore. Et puis s'exercer la plupart du temps à la chasse, frapper le premier ou l'un des premiers le lion et les autres bêtes féroces, faire le plus, et de soi parler le moins” *** Il ne faut même point oublier la nature du sol. “Mer orageuse et sans port ; champ fertile en moissons, bon au troupeau, stérile en arbres ; ciel et terre sans eau. Race d'hommes au corps sain et agile, patiente du travail. La vieillesse seule les détruit presque tous, à moins que le fer ou les bêtes ne les tuent ; car la maladie n'en vient pas souvent à bout. *** Il dirige sa pensée sur le royaume... Lui actif, belliqueux ; celui qu'il attaquait, au contraire, indolent, mou, d'une nature pacifique, prêtant à l'injure, craignant plus qu'il n'était à craindre. *** Dans notre consul étaient de nombreuses et bonnes qualités d'esprit et de corps, mais que l'avarice étouffait toutes. Patient des travaux, esprit actif, assez prévoyant, point malhabile dans la guerre, très ferme contre les dangers et les embûches... L'armée à lui livrée par Spurius Albinus, proconsul, énervée, inerte, impatiente du péril et des travaux, plus agile de la langue que du bras, pillarde des alliés et pillée elle-même par l'ennemi, sans discipline et sans retenue. De là vint au nouvel empereur plus d'inquiétude de ces mauvaises mœurs que de secours et de bon espoir dans le nombre de ses soldats... Car Albinus, frappé du désastre de son frère Aulus et de l'armée, après s'être décidé à ne point sortir de la province tant qu'il aurait le commandement de la campagne, retenait presque toujours ses soldats dans un camp stationnaire, à moins que l'infection ou la disette de fourrages ne le forçât de changer de lieu. Mais nulle fortification, nulle garde faite selon la discipline militaire ; chacun d'après son caprice quittait les enseignes. Les valets de l’аrmée, mêlés aux soldats, erraient jour et nuit, fourrageaient, dévastaient les campagnes, escaladaient les fermes, entraînaient à l'envi les troupeaux, les esclaves pillés, et les échangeaient avec des marchands contre des vins étrangers et de pareilles choses ; de plus ils vendaient le froment donné par le peuple, et achetaient du pain au jour le jour ; enfin toutes les infamies de la lâcheté et du désordre qui se peuvent dire ou imaginer étaient là dans cette armée, et bien d'autres encore.”

“Mais, au milieu de ces difficultés, Métellus, à mon sens, fut homme non moins grand et non moins sage que dans les combats, tant il fut, par sa modération entre l'indulgence et la sévérité ! ***

*** “Mais parmi elles était Sempronia, qui avait souvent commis beaucoup d'actions d'une audace virile. Cette femme, assez heureuse par sa naissance et sa beauté, et en outre par son époux, et ses enfants, savante dans les lettres grecques et latines, chantait, dansait avec plus de talent qu'il ne sied à une honnête femme. Beaucoup d'autres avantages en elle, dont elle fit des instruments de débauche. Mais tout lui fut toujours plus cher que l'honneur elles de s'affliger, de tendre au ciel des mains suppliantes, de plaindre leurs petits enfants, d'interroger chacun, d'avoir peur de tout, laissant là l'orgueil et les délices, “ ***

EPISTOLA VII.

MAGISTRO MEO.

Oratones desiderat dominus meus frater vel a me vel a te quam primum mitti. Sed ego (malo), mi magister, tu mittas; easque ut in promptu haberes, exemplaria, quae apud nos erant, misi tibi. Ego mox alia conficiam, quae... sine in mora intercedar alia mihi scripsit. Vale, mi dulcissime magister. Nepotem saluta.

LETTRE VII

A MON MAITRE

Mon seigneur et frère désire que les discours lui soient envoyés au plus tôt ou par moi ou par toi ; mais j'aime mieux, mon maître, que tu les lui envoies, et pour que tu les aies sous la main, je te fais passer les copies qui étaient chez nous. J'achèverai le reste. *** Adieu, mon très doux maître. Salue ton petit-fils.

EPISTOLA VIII.

DOMINO MEO.

Pro cetera erga me benivolentia tua fecisti, quod orationum, quas frater tuus dominus noster desideraverat, huic mittendarum me gratias jam inire voluisti. Adjunxi ultro ego tertiam orationem pro Demostrato Petiliano, de qua illi scripsi: Adjunxi, inquam, orationem pro Demostrato, quam eum cum primum fratri tuo obtuli, didici ex eo Asclepiodotum, qui oratione ista compelleretur, a te non inprobari. Quod ubi prumum comperi, curavi equidem abolere orationem, sed jam pervaserat in manus plurium quam, ut abolere posset. Quid igitur? quid inquam ? Nisi Asclepiodotum, cum a te probetur mihi quoque fieri amicissimum, tam hercule quam est Herodes summus nunc meus, quamquam exortet oratio. Vale, mi domine dulcissime.

LETTRE VIII

A MON SEIGNEUR

C'est une nouvelle preuve de ta bienveillance pour moi ; tu as voulu me faire mériter un remercîment pour l'envoi des discours que désirait ton frère, notre seigneur. J'y ai joint en outre le troisième discours pour Démonstratus Pétilianus, au sujet duquel je lui ai écrit ceci : “J'y ai joint, dis-je, le discours pour Démonstratus, que j'offrais d'abord à ton frère, lorsque j'appris de lui qu'Asclépiodotus, qui est maltraité dans ce discours, n'était pas désapprouvé par toi. A cette nouvelle, j'ai vraiment fait tout ce que j'ai pu pour supprimer ce discours ; mais il était déjà dans les mains de tout le monde, et je n'ai pu le détruire. Quoi donc ? que dis-je ? Si ce n'est que, puisque tu approuves Asclépiodotus, il faut qu'il devienne mon meilleur ami, comme l'est devenu Hérodès, aujourd'hui à moi de cœur, quoique le discours subsiste.”

Adieu, mon très doux seigneur.

EPISTOLA IX.

DOMINO MEO.

Has interea orationes mittito.  In le... duas delig...

LETTRE IX

A MON SEIGNEUR
***

EPISTOLA X.

DOMINO MEO.

... Post... per... quid... ing... nus tibi et cud... ter... non ... potes... nondum... aliqua in... tus.  Nisi... res... ad...

LETTRE X

A MON SEIGNEUR
***

EPISTOLA XI.

MAGISTRO MEO SALUTEM.

... Ne... sum...

Male me, Marce, praeteritae vitae meae paenitet.

LETTRE XI

A MON MAITRE, SALUT

*** Oui, Marcus, ma vie passée est mon repentir.

EPISTOLA XII.

(DOMINO MEO.)

... Abripere terrae, ut dicitur, immo cellae filios. Tantam de thesauris Antonini pecuniam prodigi, quam nescio quae ista altilis alumna accipiat, unde nihil Egatheus acceperit. Quanti vero rumores adversi, quantae querimoniae exorientur bonis lege falcidia distractis? Lineam istam famosam atque celebratam, ceteraque tantae pecuniae ornamenta quis emet? Tua uxor si emerit, praedam invasisse et minimo aere eripuisse dicetur eoque minus ad eos, quibus legatum erat, pervenisse, An non emet haec ornamenta Faustina? Quis igitur emet margarita quae filiabus tuis legata sunt? Iis margaritis collos filiarum tuarum despoliabis, ut cujus tandem ingluvies turgida ornetur? An hereditas Matidiae a vobis non adibitur? Summo genere, summis opibus nobilissima femina de vobis optime merita intestata obierit? Ita prosus eveniet, ut cui funus oublicum decreveris ei ademeris tastamentum. Adhuc usque in omnibus causis justum te et gravem et sanctum judicem exhibuisti: ab uxorisne tuae causa prave judicare inchoabis. Tum tu quidem ignem imitaberis, si proximos ambures, longinquis lucebis.

 

LETTRE XII.

(A MON SEIGNEUR)

*** Souffriras-tu gué cet héritage te soit enlevé par des enfants de la terre, comme on dit, et pis encore par des enfants de dessous terre ? Qu'on éloigne des trésors d'Antoninus tant d'argent et pour qui ? pour cette femme grossière, tandis qu'Egatheus n'en recevra rien ? Quels reproches, quelles plaintes s'élèveront de voir ces biens vendus en vertu de la loi falcidia ! Ce rang de perles si vanté et tous ces ornements d'une si grande valeur, qui les achètera ? Si ton épouse les achète, on dira qu'elle a envahi une proie, qu'il en reviendra d'autant moins aux légataires ? Mais Faustina n'achètera pas ces ornements ? et qui donc achètera ces perles qui sont le legs de tes filles ! Tu dépouilleras de ces perles le cou de tes filles pour en parer une gorge indigne ! Vous ne feriez pas adition de l'hérédité de Matidia ! Cette femme si noble par sa haute naissance, par sa haute fortune, et qui a si bien mérité de vous, serait morte sans testament ! Car il arrivera qu'après lui avoir décerné de publiques funérailles tu briseras son testament. Jusqu'à présent, dans toutes les causes, tu t'es montré un juge juste, sage et religieux ; sera-ce par la cause de ton épouse que tu commenceras à mal juger ? Alors tu imiteras le feu, tu brûleras ceux qui sont proche, tu éclaireras ceux qui sont loin.

EPISTOLA XII.

RESCRIPTUM.

MAGISTRO MEO.

Ergo magister meus jam nobis et patronus erit ? Equidem possum securus esse, cum duas res animo meo carissumas secutus sim, rationem veram et sententiam tuam. Di velint, ut semper, quod agam, secundo judicio tuo, mi magister, agam. Vides quid horae tibi rescribam. Nam post consultationem amicorum in hoc tempus collegi sedulo ea, quae nos moverant, ut domino meo perscriberem faceremque eum nobis in isto quoque negotio praesentem. Tum demum ἐγὼ θαρσήσω τοῖς βεβουλευμένοις, cum fuerint ab illo comprobata. Orationem qua causam nostram defendisti Faustinae comfestim ostendam et agam gratias ei, quod mihi talis epistula tua legenda ex isto negotio nata est. Bone et optime magister, vale.

LETTRE XII

(RÉPONSE)

A MON MAITRE

Ainsi, mon maître, tu vas être aussi notre patron. A la vérité je puis être tranquille, puisque j'ai suivi les deux choses les plus chères à mon cœur, la saine raison et ton sentiment. Veuillent les dieux qu'en tout ce que je ferai je me règle toujours selon ton jugement, ô mon maître ! Tu vois à quelle heure je te fais cette réponse. C'est qu'après la consultation de nos amis j'ai recueilli jusqu'à ce moment, avec soin, tout ce qui nous avait frappés, afin de l'écrire à mon seigneur, et de nous le rendre aussi favorable dans cette affaire. J'aurai alors plus de confiance en notre résolution, quand il l'aura approuvée. Je m'empresserai de montrer à Faustina le discours par lequel tu as défendu notre cause, et je lui rendrai grâce de ce que cette affaire m'a fourni l'occasion de lire de toi une pareille lettre. Bon et très bon maître, adieu.