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CLEANTHE

HYMNE A ZEUS

 

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

CLEANTHE

HYMNE A ZEUS

 

Traduction de Henri-Frédéric Amiel

 

 

O toi qui reçus mille noms, Dieu tout-puissant, maître du ciel,
De la nature illimitée ordonnateur universel,
Salut! C’est à nous, les mortels à chanter ta bonté féconde,
Car de tous les êtres vivants peuplant la terre, l’air et l’onde,
L’homme, lui seul, est de ta race, et peut seul parler devant toi.
J’exalterai ta force immense et veux magnifier ta loi,
Autour de nous, sous ton regard le firmament et tous les mondes
Suivent d’un vol obéissant la ligne tracée à leurs rondes.
C’est dans ton invincible main que, prête à semer la terreur,
Dort comme un glaive étincelant, la foudre, elle dont la fureur
Fait jusque dans ses fondements tressaillir la terre ébranlée.
Sublime sagesse, c’est toi, c’est ton haleine, à tout mêlée,
Qui fait tout vivre, et tout anime, et tout gouverne, et soutient tout.
Âme du monde omniprésente, en qui tout germe et se résout,
Rien sur la terre ou dans les cieux, sans ton vouloir rien ne peut être,
Et rien n’arrive, hors le mal, le mal que l’insensé fait naître.
Mais encor là, ta main se montre, et tirant l’ordre du chaos,
Ramenant l’informe à la forme et dégageant les biens des maux,
Des haines tu fais de la paix, et des discorde une harmonie,
En sorte que ta loi toujours régit la nature infinie.
Téméraire, pour son malheur, un être seul la méconnaît.
Aveugle il poursuit, il convoite un bonheur grand, profond, complet
Et l’incorruptible gardien qui veille en loi pour le défendre,
La loi divine au fond du cœur, il ne sait la voir ni l’entendre,
Mal inspiré par sa folie il a fait choix de l’imparfait…
Infortuné! c’est vainement que tu veux donner à ta vie
Un but moins haut que la beauté ton âme reste inassouvie.
Qu’on s’entre pour la renommée, ou qu’on s’use pour s’enrichir,
Qu’on se gorge de voluptés, le dégoût suivra le plaisir.
Dispensateur de tous les biens, Roi des éclairs et du tonnerre,
Sauve les hommes du péril et que ta bonté les éclaire,
Que le jour se fasse en leur âme, et que resplendisse à leurs yeux
Ta loi, cette immuable loi, raison des mortels et des dieux.
Père, alors réunis à toi, par le malheur rendus plus sages,
Nous pourrons, ainsi qu’il est bien, répandre à tes pieds nos hommages;
Car la chaîne d’or qui relie ensemble la terre et le ciel,
Dieu souverain, c’est ta justice, — elle est pour tous l’ordre éternel.

 

 

 

Hymne de Cléanthe, le Lycien, second fondateur du Portique,

traduite du grec de Stobée.

 

 

O! toi, qui as plusieurs noms, mais dont la force est une et infinie ! O Jupiter, le premier des immortels, souverain de la nature, qui gouvernes tout, qui soumets tout à une loi ! je te salue; car il est permis à l’homme de t’invoquer. Tout ce qui vit, tout ce qui rampe, tout ce qui existe de mortel sur la terre nous naquîmes de toi, nous sommes de toi une fidèle image. Je t’adresserai donc mes hymnes, et je ne cesserai de te chanter. Cet univers suspendu sur nos têtes, et qui semble rouler autour de la terre, c’est à toi qu’il obéit il marche et se laisse, en silence, gouverner par ton ordre. Le tonnerre ministre de tes lois,  repose sous tes mains invincibles ; ardent, cloué d’une vie immortelle, il frappe, et la nature s’épouvante. Tu diriges l’esprit universel qui anime tout, et vis dans tous les êtres; tant, ô vrai Dieu suprême ! ton pouvoir est illimité, et souverain! Génie de la nature! dans les cieux, sur la terre, sur les mers, rien ne se fait, ne se produit sans toi, excepté le mal, qui sort du cœur du méchant. Par toi, la confusion devient l’ordre; par toi, les éléments qui se combattent, s’unissent. Par un heureux accord, tu fonds tellement ce qui est bien avec ce qui ne l’est pas, qu’il s’établit, dans le tout, une harmonie générale et éternelle. Seuls, parmi tous les êtres, les méchants rompent cette grande harmonie du monde. Malheureux, ils cherchent le bonheur, et ils n’aperçoivent point la loi universelle, qui, en les éclairant, les rendrait, à la fois, tous bons et heureux ; mais tous, s’écartant du beau et du juste, se précipitent chacun vers l’objet qui l’attire ils courent à la renommée, à de vils trésors, à des plaisirs qui en les séduisant, les trompent. O Dieu qui verses tous les dons! Dieu à qui les orages et la foudre obéissent ! écarte de l’homme cette erreur insensée ; daigne éclairer son âme ; attire-la jusqu’à cette raison éternelle, qui lui sert de guide et d’appui dans le gouvernement du monde, afin qu’honorés nous-mêmes, nous puissions t’honorer à ton tour, célébrant tes ouvrages par un hymne non interrompu, comme il convient à l’être faible et mortel car, ni l’habitant de la terre, ni l’habitant des cieux n’a rien de plus grand que de célébrer dans la justice la raison sublime qui préside à la nature.