1
GLYCÈRE ET THAÏS
1.
GLYCÈRE. Ce soldat, Thaïs, cet Acharnien, qui entretenait autrefois Abrotonum,
et qui fut ensuite mon amant, cet homme toujours habillé de pourpre et vêtu
d'une chlamyde, le connais-tu ou bien l'as-tu oublié ?
THAÏS.
Non, ma petite. Glycère. Je le connais bien. Il faisait ripaille avec nous,
l'année dernière, le jour de la fête des Granges (02).
Mais quoi ? Tu voulais, ce me semble, en dire quelque chose.
GLYCÈRE.
Gorgone, cette coquine, que je croyais mon amie, l'a enjôlé et me l’a soufflé.
THAÏS.
Ainsi, il n'est plus avec toi. Il a pris Gorgone pour maîtresse.
GLYCÈRE.
Hélas ! oui, Thaïs, et cela me fait beaucoup de peine.
THAÏS.
C'est un vilain trait, Glycère, mais tu devais t'y attendre. Nous avons
l'habitude de nous jouer de pareils tours, nous les courtisanes. Il ne faut donc
pas t'en affliger ni en vouloir à Gorgone. Abrotonum ne t’en a pas voulu,
quand il l'a quittée jadis, et vous étiez amies.
2.
Mais ce qui m'étonne c'est ce qu'il trouve de beau à Gorgone, ce soldat-là,
à moins d'être aveugle et de ne pas voir qu'elle n'a presque plus de cheveux,
et que ce qu'il en reste est fort éloigné du front. Ses lèvres sont pâles,
livides comme celles d'un mort, son cou maigre, ses veines grosses, son nez
long. Une seule chose, c'est qu'elle est grande et bien faite, et elle a un
sourire tout à fait engageant.
GLYCÈRE.
Tu crois donc, Thaïs, que l'Acharnien l'aime pour sa beauté ? Tu ne sais pas
qu'elle est fille de la magicienne Chrysarium ? C'est une femme versée dans les
charmes thessaliens. Elle fait descendre la lune sur la terre. Elle aura tout
affolé cet homme, en lui faisant boire quelque philtre, et maintenant elle le
gruge.
THAÏS.
Eh bien, toi, Glycérette, tu en grugeras quelque autre. Dis bonjour à celui-là.
2 MYRTIUM,
PAMPHILE ET DORIS
1.
MYRTIUM. Tu te maries, Pamphile, à la fille de Phidon, le pilote. L'on dit même
que tu l'as épousée. Tant de serments que tu m'as faits, tant de larmes versées,
se sont donc évanouis en un instant ! Tu oublies maintenant ta Myrtium, et
cela, Pamphile, lorsque j'en suis à mon huitième mois de grossesse. Voilà
donc le fruit de tant d'amour. Je suis enceinte de tes oeuvres et bientôt il me
faudra nourrir un enfant, jolie charge pour une courtisane ! Car je ne crois pas
que j'expose, celui dont j'accoucherai, surtout si c'est un garçon. Je
l’appellerai Pamphile. Il sera la consolation de ma tendresse, et, quelque
jour, il te reprochera, s'il te rencontre, d'avoir été infidèle à sa
malheureuse mère. La fille que tu épouses n'est pourtant pas si belle. Je l'ai
vue dernièrement aux Thesmophories, et je ne savais pas qu'elle serait bientôt
cause que je ne verrais plus Pamphile. Regarde-la donc bien auparavant, et
prends garde de te repentir plus tard d'avoir pris une femme dont les yeux gris
louchent et se regardent l'un l'autre. Ou plutôt tu as vu Phidon, le père de
la mariée, tu connais sa face, cela te dispense de voir sa fille.
2.
PAMPHILE. Ces sornettes-là, Myrtium, vais-je les entendre longtemps ? En as-tu
fini avec tes filles de pilote et tes mariages navals ? Est-ce que je sais si la
mariée est belle ou camuse, si Phidon d'Alopèce (03),
car c'est de lui, je pense, que tu veux parler, a une fille nubile ? Ce qu'il y
a de sûr, c'est qu'il est brouillé avec mon père. Je me rappelle qu'ils ont
eu dernièrement un procès pour une affaire maritime. Phidon devait, je crois,
un talent à mon père, et il ne voulait pas payer. Mais celui-ci le cita devant
les jugea nautiques, et il eut grand'peine à se faire rembourser. Encore ne
paya-t-il pas la somme complète au dire de mon père. Si j'étais si pressé de
me marier, aurais-je refusé la fille de Déméa, ma cousine du côté de ma mère,
et dont le père était stratège l'an dernier, pour aller épouser la fille de
Phidon ? Mais qui est-ce qui t'a dit cela ? Où as-tu été inventer, Myrtium,
ces beaux fantômes de jalousie ?
3.
MYRTIUM. Te maries-tu, oui ou non, Pamphile ?
PAMPHILE.
Tu es folle, Myrtium, ou tu as bu. Cependant hier nous n'avons pas fait
ripaille.
MYRTIUM.
C'est Doris qui m'a mis martel en tête. Je l'avais envoyée m'acheter quelques
étoffes de laine pour mes couches et faire un vœu pour moi à Lucine,
lorsqu'elle m'a dit avoir rencontré Lesbie... Mais raconte plutôt toi-même,
Doris, ce que tu as appris, à moins que tout cela ne soit de ton invention.
DORIS.
Que je meure, maîtresse, si j'ai menti d'un mot ! J'étais près du Prytanée,
quand j'ai rencontré Lesbie qui m'a dit en riant : "Eh bien, votre amant
Pamphile épouse la fille de Phidon !" Si j'en doutais, elle m'engagea à
me pencher du côté de votre ruelle, pour voir tout couronné de guirlandes,
les joueuses de flûte, le mouvement de la fête, les chœurs
chantant l'hymen.
PAMPHILE.
Alors tu t'es penchée, Doris ?
DORIS.
Oui, ma foi ; et j'ai vu tout ce qu'elle me disait.
4.
PAMPHILE. Ah ! je comprends l'erreur. Lesbie ne t'a pas absolument trompée,
Doris, et ce que tu as rapporté à Myrtium est vrai, mais c'est mal à propos
que vous avez pris l'alarme. La noce n'est pas pour moi. Je me souviens que ma mère
m'a dit hier, quand je vous eus quittées : "Tu connais, Pamphile,
Charmide, le fils d'Aristénète, notre voisin. Il est de ton âge. Eh bien, il
se marie. C'est un homme rangé, et toi, jusques à quand vivras-tu avec ta maîtresse
?" Je fis semblant de ne pas l'entendre, et j'allai me coucher. Ce matin,
au point du jour, je suis accouru ici, et voilà pourquoi je n'ai rien vu de ce
qu'a vu Doris. Si tu en doutes, retournes-y, Doris. Regarde avec attention non
la ruelle, mais la porte, et vois celle qui est ornée de guirlandes. Tu reconnaîtras
que c'est la porte de nos voisins.
MYRTIUM.
Tu me rends la vie, Pamphile. Je me serais pendue, si cela était arrivé.
PAMPHILE Mais c'est impossible. Je ne suis pas assez fou pour oublier Myrtium,
surtout quand je l'ai rendue mère.
3 PHILINNA
ET SA MÈRE
1.
LA MÈRE. Tu étais folle, Philinna, ou qu'est-ce que tu avais donc hier pendant
le souper ? Diphile est arrivé ce matin tout en larmes, et il m'a raconté ce
qu'il avait eu à souffrir de toi. Te t'es enivrée, tu t'es levée au milieu du
festin pour danser, malgré sa défense, et tu as été ensuite donner un baiser
à son ami Lamprias. Puis, comme Diphile paraissait mécontent, tu l'as laissé
là, tu es allée t'asseoir auprès de Lamprias et tu lui as passé les bras
autour du cou, au grand dépit de Diphile. Cette nuit même, ta n'as pas voulu
coucher avec lui, tu l'as laissé pleurer, et tu es allée dormir seule sur un
lit, voisin du sien, en chantant pour lui faire de la peine.
2.
PHILINNA. Il ne vous a pas dit, ma mère, tout ce qu'il m'a fait, lui. Autrement
vous ne prendriez pas le parti de cet insolent. Il m'a abandonnée pour aller
causer avec Thaïs, la maîtresse de Lamprias, avant que celui-ci fût arrivé.
Il voit que cela me fait de la peine, et je lui fais signe de cesser. Alors il
prend Thaïs par le bout de l’oreille, lui fait pencher la tête, et lui donne
un baiser si serré, quelle y laisse presque ses lèvres. Je pleure, il se met
à rire, à parler longuement à l'oreille de Thaïs, contre moi sans doute, car
Thaïs me regardait en riant. Enfin, lorsqu'ils voient Lamprias entrer, ils
s'arrêtent, fatigués de leurs baisers réciproques, et moi je vais m'asseoir
à côté de Lamprias, sans me figurer que Diphile en prendrait prétexte de
querelle. Thaïs se lève et se met à danser la première, ayant grand soin de
faire voir ses jambes le plus haut possible, comme si elle était la seule qui eût
la jambe bien faite. Quand elle a fini, Lamprias garde le silence, mais Diphile
exalte sa souplesse, son talent chorégraphique. Comme son pied est juste en
mesure avec la cithare ! Quelle jolie jambe ! Et mille autres louanges. On eût
dit qu'il parlait de la Sosandra de Calamis (04),
et non pas de la Thaïs que vous connaissez bien pour l'avoir vue au bain avec
nous. Alors cette Thaïs que vous connaissez, voulant se moquer de moi :
"Si certaine personne, dit-elle, ne craignait pas de nous montrer une jambe
sèche, elle se lèverait et danserait." Que vous dirai-je, ma mère ? Je
me lève et je danse. Que fallait-il donc faire ! Souffrir et accréditer cette
raillerie ? Laisser Thaïs régner en souveraine dans le festin ?
3.
LA MÈRE. Tu es trop glorieuse, ma fille. Il fallait t'en moquer. Dis-moi
comment les choses se sont ensuite passées.
PHILINNA.
Tous les convives m'ont comblée d'éloges. Diphile seul, couché sur le dos, a
regardé au plancher jusqu'à ce que je me fusse arrêtée de fatigue.
LA
MÈRE. Mais est-il vrai que tu aies donné des baisers à Lamprias, que tu aies
quitté ta place pour aller l'embrasser ? Pourquoi ce silence ! Voilà qui est
impardonnable.
PHILINNA.
Je voulais lui rendre la peine qu'il m'avait faite.
LA
MÈRE. Et pour cela tu n'as pas voulu coucher avec lui, tu t'es mise à chanter
pendant qu'il pleurait ! Tu ne songes donc pas, ma fille, que nous sommes
pauvres ? tu oublies les présents qu'il nous a faits, et comment nous aurions
passé l'hiver dernier, si Vénus ne nous eut envoyé ce garçon !
PHILINNA.
Eh quoi ! faut-il pour cela que je supporte ses outrages ?
LA
MÈRE. De la colère, si tu veux, mais pas de mépris. Tu ne sais donc pas que
les amants se rebutent par le mépris et s'en veulent à eux-mêmes ! Tu as
toujours été trop dure envers celui-ci. Prends garde, comme dit le proverbe,
qu'en voulant trop la tendre, nous ne cassions la corde.
4
MÉLITTA ET BACCHIS (05)
1.
MÉLITTA. Si tu connais, Bacchis, quelque vieille, comme on dit qu'il y en a bon
nombre en Thessalie, qui sache rendre les gens aimables par quelque enchantement
et faire aduler la femme la plus haïe, prends-la, que le ciel te le rende ! et
amène-la ici. Ces habillements complets, tout cet or, je suis prête à le lui
donner, si je vois Charinus revenir à moi et détester Simmiché comme il me déteste.
BACCHIS.
Que dis-tu ? Charinus vit maintenant avec Simmiché ? Il t’a quittée, Mélitta,
toi, pour qui il a en tant de démêlés avec sa famille, et refusé d'épouser
cette riche héritière, qui dit-on, lui apportait une dot de cinq talents ? Je
me rappelle t'avoir entendue dire cela.
MÉLITTA.
C'en est fait, Bacchis, tout est perdu pour moi. Il y a cinq jours entiers que
je ne l’ai vu. Il va chez un de ses amis. Pamménès, faire bombance avec
Simmiché.
2.
BACCHIS. C'est triste pour toi, ma pauvre Mélitta. Mais pourquoi vous êtes-vous
brouillés ? Il a fallu quelque chose de grave.
MÉLITTA.
Je ne sais pas du tout pourquoi. Hier, quand il est revenu du Pirée, où son père
l'avait envoyé, je crois, recouvrer une dette, il n'a pas voulu me regarder au
moment où j'accourais au-devant de lui, et, repoussant mon embrassade :
"Laisse-moi, m'a-t-il dit. Va trouver le patron Hermontinus ou plutôt va
lire ce qui est écrit sur les murs du Céramique, où ton nom et le sien sont
gravés sur une colonne. -Quel Hermotimus ? lui dis-je, quelle colonne ?"
Mais lui sans me répondre, sans vouloir dîner, se couche en me tournant le
dos. De quoi ne me suis-je pas ingéniée ? Je l'ai embrassé, j'ai essayé de
le ramener de mon côté, je lui ai baisé le dos ! Insensible à toutes mes
caresses : " Si tu m'importunes plus longtemps, me dit-il, je m'en vais,
quoiqu'il soit minuit."
3.
BACCHIS. Mais connais-tu cet Hermontinus ?
MÉLITTA.
Puisses-tu, Bacchis, me voir plus malheureuse encore que je ne suis, si je
connais ce patron ! Cependant, dès la pointe du jour, au chant du coq, Charinus
s’éveille et s'en va. Je me rappelle qu'il m'a dit avoir vu mon nom inscrit
sur un mur du Céramique (06).
J'y envoie Acis. Elle ne trouve que ces mots gravés à droite en entrant près
du Dipyle : "Mélitta aime Hermontinus." et un peu plus bas : "Le
patron Hermotimus aime Mélitta."
BACCHIS.
Quels mauvais sujets que ces jeunes gens ! Je comprends. Quelqu'un pour faire pièce
à Charinus, le sachant jaloux, aura mis cette inscription. Il a cru la chose
tout de suite. Si je le vois, je lui en parlerai. Il n'a pas d'expérience :
c'est un enfant.
MÉLITTA.
Mais comment pourras-tu le voir ? Il s'enferme toute la journée avec Simmiché.
Ses parents l'ont fait en vain chercher ici... Ah ! Bacchis, si je pouvais
trouver quelque vieille telle que je te la disais, sa présence me sauverait la
vie.
4.
BACCHIS. Il y a, ma très chère, une excellente magicienne, Syrienne de
naissance, robuste et vigoureuse, qui m'a jadis raccommodée avec Phanias,
lequel, ainsi que ton Charinus, s'était brouillé avec moi pour une vétille.
Après quatre mois entiers, elle l'a ramené auprès de moi par ses
enchantements, quand je commençais à en désespérer.
MÉLITTA.
Qu'a donc fait cette vieille, si tu te le rappelles ?
BACCHIS.
Elle ne prend pas cher, Mélitta, elle demande seulement une drachme et un pain.
Il faut, cependant, apporter encore du sel, sept oboles, du soufre et un
flambeau. La vieille les prend. On verse aussi du vin dans un vase, et c'est
elle qui le boit. Il faudra encore que tu te procures quelque chose qui ait
appartenu à ton amant, des habits, des chaussures, quelques cheveux ou autres
objets analogues.
MÉLITTA.
Justement, j'ai ses chaussures.
5.
BACCHIS. Elle les suspendra à un pieu, brûlera du soufre dessous, répandra du
sel sur le brasier, en prononçant vos deux noms, le tien et celui de Charinus.
Puis, tirant une toupie de son sein (07),
elle la fera tourner, et récitera son enchantement composé de plusieurs mots
barbares qui font frémir. Voilà du moins ce qu'elle a fait pour moi. Bientôt
après, Phanias, malgré les reproches de ses amis et les vives instances de Phébis,
avec laquelle il vivait, revint à moi, entraîné par la puissance du charme.
Il y a plus. La vieille m'apprit encore un secret pour inspirer à Phanias la
haine la plus violente contre Phébis. C'était d'observer la trace des pas de
cette fille, de les effacer en posant le pied droit où elle avait posé le pied
gauche, et le pied gauche où elle avait posé le pied droit, et de dire en même
temps : "Je marche sur toi ; je suis au-dessus de toi !" J'ai fait
tout ce qu'elle m'avait prescrit.
MÉLITTA.
Vite, vite, Bacchis ! Fais-moi venir la Syrienne ! Et toi, Acis, procure-toi du
pain, du soufre et tout ce qu'il faut pour l’enchantement.
5
CLONARIUM ET LÉÉNA
1.
CLONARIUM. Nous
en apprenons de belles sur ton compte, Lééna ! Megilla, cette riche Lesbienne,
est, dit-on, éprise de toi, comme un homme, vous vivez ensemble, et il se passe
je ne sais quoi entre vous. Voyons ! Tu rougis ! Parle : est-ce vrai ?
LÉÉNA.
C'est vrai, Clonarium. Mais j'en suis toute confuse. C'est monstrueux !
CLONARIUM.
Par Cérès ! Qu'est-ce donc ? Que te veut cette femme ? Que faites-vous lorsque
vous êtes ensemble ? Tu ne m'aimes pas, sans quoi tu ne me cacherais rien.
LÉÉNA.
Je t'aime plus que personne. Mais tette femme a des goûts terriblement
masculins.
2.
CLONARIUM. Tu veux dire, sans doute, que c'est une de ces tribades comme on en
rencontre à Lesbos, femmes qui ne veulent pas recevoir d'hommes, et qui font
l'office d'hommes avec des femmes.
LÉÉNA.
C'est quelque chose de semblable.
CLONARIUM.
Eh bien ! Raconte-moi, Lééna, ses premières tentatives auprès de toi, ta séduction
et le reste.
LÉÉNA.
Elles avaient organisé une partie, elle et Démonassa de Corinthe, femme riche
et adonnée aux mêmes pratiques que Mégilla. Elles me firent venir pour les
amuser de ma cithare. Lorsque j'eus fini de chanter, c'était le soir, l'heure,
étant venue de se coucher, comme elles avaient bien bu : "Voyons, Lééna,
dit Mégilla, il va faire bon dormir. Tu vas coucher ici entre nous deux."
CLONARIUM.
Tu t'es couchée. Et ensuite ?
3.
LÉÉNA. Ensuite elles m'ont embrassée comme des hommes, non seulement en
appliquant les lèvres, mais en entrouvrant la bouche, me caressant, me pressant
la gorge. Démonassa même me mordait en me donnant des baisers. Pour moi, je ne
voyais pas où elles voulaient en venir. Enfin Mégilla tout animée, enlève sa
chevelure postiche, faite à se méprendre et parfaitement ajustée, se montre
rasée jusqu'à la peau, comme un vigoureux athlète. Cette vue me jette dans un
grand trouble. "Lééna, me dit-elle, as-tu vu un plus beau garçon ? -
Mais, lui dis-je, je ne vois pas de garçon, Mégilla. - Ne parle pas de moi au
féminin, dit-elle, je m'appelle Mégillus. J'ai, depuis longtemps, épousé Démonassa.
Elle est ma femme." A ces mots, Clonarium, ne pouvant m'empêcher de rire :
"Mégillus lui dis-je, vous étiez un homme, à votre insu, comme Achille,
caché parmi les filles sous ses habits de pourpre. Mais alors vous êtes fait
comme un homme, et vous vous conduisez en mari avec Démonasa ? - Je n'ai pas précisément
tout ce qu'il faut, Lééna, reprit-elle, mais je n'en ai pas absolument besoin.
D'ailleurs, tu me verras à l'œuvre et travailler de fort agréable manière. -
Vous êtes donc un hermaphrodite, lui dis-je, comme on dit qu'il y a eu beaucoup
de gens ayant les deux sexes ?" En effet, Clonarium, je ne me doutais pas
de ce qu'il en était. "Non, me répondit-elle, je suis vraiment homme.
4.
- C'est que j'ai entendu dire, repris-je, à la Béotienne Isménodore, joueuse
de flûte, qui me racontait les histoires de son pays, qu'il y a eu jadis un Thébain
changé de femme en homme. C'était aussi, je crois, un fameux devin, nommé Tirésias.
Est-ce qu'il vous est arrivé quelque chose de pareil ? - Non, dit-elle, Lééna
; je suis venue au monde, comme vous toutes, mais j'ai les goûts, les désirs
et le reste d'un homme. - Et il vous suffit des désirs ? lui répondis-je. - Lééna,
me dit-elle, laisse-moi faire, si tu ne me crois pas, et tu comprendras que je
suis tout à fait un homme. J'ai ce qu'il faut pour te convaincre : encore une
fois, laisse-toi faire, et tu verras." Je me suis laissé faire, Clonarium,
j'ai cédé à ses instances, accompagnées d'un magnifique collier et d'une
robe de lin du plus fin tissu. Je l'ai saisie dans mes bras comme un homme. Elle
m'a embrassée toute haletante, et m'a paru goûter le plus vif plaisir.
CLONARIUM.
Qu'a-t-elle donc fait et comment s'y est-elle prise ? C'est là surtout ce qu'il
faut me raconter.
LÉÉNA.
N'en demande pas plus long. Ce n'est pas beau. Aussi, j'en jure par Vénus, je
n'en dirai rien.
6 CROBYLE
ET CORINNE (08)
1.
CROBYLE. Corinne, tu vois que ce n'est pas, comme tu te le figurais, un si grand
malheur que de cesser d'être fille, de vivre avec un beau jeune homme, et de
gagner tout de suite une mine (09),
avec laquelle je vais t'acheter un collier.
CORINNE.
Oui, maman. Mais, surtout, qu'il ait des pierres couleur de feu, comme celui de
Philénis.
CROBYLE.
Il sera tout pareil. Mais j'ai autre chose à te dire. Écoute bien ce que tu
dois faire et comment il faut te conduire avec les hommes. Nous n'avons pas
d'autres ressources pour vivre, ma fille. Depuis deux ans que ton père,
d'heureuse mémoire, est allé de vie à trépas, tu ne peux pas te douter
comment nous avons vécu. De son vivant, nous ne manquions de rien. C'était un
excellent forgeron, qui s'était fait une grande réputation au Pirée, et tout
le monde dit encore aujourd'hui qu'on ne verra jamais un forgeron comme
Philinus. Après sa mort, je fus d'abord obligée de vendre ses tenailles, son
enclume et son marteau, le tout deux mines, dont nous vécûmes quelque temps.
Ensuite j'ai fait de la toile, poussé la navette ou tourné le fuseau, afin de
gagner péniblement de quoi manger, et je t'ai élevée, ma fille, comme mon
unique espérance.
2.
CORINNE. Vous voulez parler de la mine ?
CROBYLE.
Non. J'ai pensé qu'à ton âge tu me nourrirais à ton tour, en te procurant à
toi-même de belles toilettes, de l'aisance, des robes de pourpre, des
servantes.
CORINNE.
Comment cela, maman ? Que voulez-vous dire ?
CROBYLE.
En vivant avec les jeunes gens, en buvant et en couchant avec eux, moyennant
finance.
CORINNE.
Comme Lyra, la fille de Daphnis ?
CROBYLE.
Oui.
CORINNE.
Mais, maman, c'est une courtisane.
CROBYLE.
Voyez le grand malheur ! Tu deviendras riche comme elle, tu auras de nombreux
amants. Pourquoi pleures-tu, Corinne ? Ne vois-tu pas tout ce qu'il y a de
courtisanes, comme elles sont recherchées, combien elles gagnent d'argent ?
J'ai connu Daphnis en haillons (viens à notre aide, Adrastée !), avant que sa
fille fût jolie et regardée. Tu vois maintenant comme elle est mise : de l'or,
des robes brodées, quatre servantes.
3.
CORINNE. Comment Lyra a-t-elle gagné tout cela ?
CROBYLE.
D'abord elle s'est habillée avec élégance, parfaitement ajustée, faisant bon
visage à tous, non pas en éclatant de rire, comme c'est ton habitude, mais en
prenant un air souriant, plein de douceur et de séduction. Ensuite, elle a
traité tous les hommes avec adresse, sans tromper ceux qui viennent la voir ou
qui la reconduisent, mais aussi sans s'attacher à aucun. Si pour un salaire on
la fait venir à un festin, au lieu de s'enivrer, défaut souverainement
ridicule et que les hommes détestent, au lieu de se jeter sur les plats, comme
une mal apprise, elle touche délicatement les mets du bout des doigts, prend
chaque bouchée en silence, sans se remplir les joues, boit doucement, et non
pas d'un seul trait, mais par petites gorgées.
CORINNE.
Même lorsqu'elle a soif, maman ?
CROBYLE.
Surtout lorsqu'elle a soif, Corinne. Elle ne parle pas plus qu'il ne faut, ne
raille point les convives, et ne regarde que celui qui la paye. Aussi, tout le
monde l'aime. Lorsqu'il faut se mettre au lit, elle ne se montre ni dévergondée
ni froide. Elle ne se préoccupe que de captiver son amant et de se l'attacher.
C'est là surtout ce que l'on approuve en elle. Si tu retiens bien cette leçon,
nous aussi nous serons heureuses, car tes attraits sont bien supérieurs aux
siens... Mais je n'en dis pas plus long. Viens à notre aide, Adrastée ! Que
les dieux seulement te prêtent vie !
4.
CORINNE. Dites-moi, maman, tous ceux qui nous donneront de l'argent
ressemblent-ils à Eucrite, avec qui j'ai couché hier ?
CROBYLE.
Non. Il y en a de plus beaux, de plus robustes, et quelques-uns de figure moins
agréable.
CORINNE.
Et il faudra que je couche aussi avec ceux-là ?
CROBYLE.
Surtout avec ceux-là, ma fille. Ce sont eux qui payent le mieux. Les beaux ne
veulent payer que de leur beauté. Songe avant tout aux gros bénéfices, si tu
veux qu'avant peu toutes les femmes disent, en te montrant au doigt :
"Voyez Corinne, la fille de Crobyle, comme la voilà superlativement riche
! Comme elle a rendu sa mère trois fois heureuse !" Qu'en dis-tu !
Feras-tu cela ? Oui, tu le feras, j'en suis sûre, et bientôt tu seras la reine
de toutes tes rivales. Maintenant, va prendre un bain. Il se peut faire que le
jeune Eucrite vienne aujourd'hui. Il me l'a promis.
7
MUSARIUM ET SA MÈRE
1.
LA MÈRE. Si nous trouvons encore, Musariun, un galant comme Chéréas, il
faudra immoler une chèvre blanche à Vénus Pandème, une génisse à la Vénus
Uranie des Jardins, et offrir une couronne à Cérès qui envoie les trésors,
car nous serons alors heureuses et trois fois heureuses. Tu vois tout ce que
nous recevons de ce jeune homme. Il ne t'a encore donné ni obole, ni robe, ni
chaussures, ni parfums, mais ce sont toujours des réponses évasives, des
promesses, des espérances à long terme. Il répète sans cesse : "Ah ! si
mon père... Ah ! si j'étais maître de mon héritage, tout serait à toi
!" Et toi, tu prétends qu'il a juré de t'épouser.
MUSARIUM.
Oui, ma mère, il l'a juré par les deux déesses (10)
et par Minerve Poliade.
LA
MÈRE. Et tu crois cela ! C'est probablement pour cette raison que l'autre jour,
comme il n'avait pas de quoi payer son écot, tu lui as donné ton anneau, à
mon insu. Il est allé le vendre pour boire, et tu lui as donné ensuite ces
deux colliers d'Ionie, qui pesaient deux dariques chacun, et que le patron
Praxias de Chios t'avait rapportés d'Éphèse, où il les avait fait faire. Il
fallait bien, en effet, que Chéréas eût de quoi payer son écot avec ses
amis. Quant à tes robes et à tes chemises, je n'en parle pas. En vérité, ce
garçon-là est un trésor que Mercure a fait tomber chez nous.
2.
MUSARIUM. Mais il est beau, sans barbe. Il me dit qu'il m'adore, il verse des
larmes, et puis il est fils de Dinomaque et de Lachès, l'aréopagite. Il nous
promet de m'épouser, il nous donne les plus belles espérances, dès que son
vieux aura fermé l'œil.
MUSARIUM.
Eh bien, Musarium, quand nous aurons besoin de souliers, et que le cordonnier
nous demandera une double drachme, nous lui dirons : "Nous n'avons pas
d'argent, mais nous allons vous donner quelques espérances. Prenez." Nous
en dirons autant au boulanger, et quand on nous demandera notre terme :
"Attendez, dirons-nous, que Lachès de Colytte soit mort : nous vous
payerons après notre mariage." N'es-tu pas honteuse d'être la seule de
tes compagnes qui n'ait ni pendants d'oreilles, ni colliers, ni robe de Tarente
?
3.
MUSARIUM. Eh bien, ma mère, sont-elles plus heureuses ou plus belles que moi ?
LA
MÈRE. Non, mais elles sont plus avisées. Elles savent leur métier, elles ne
se fient pas aux belles paroles ni aux jeunes gens qui ne jurent que des lèvres.
Toi, tu es fidèle, attachée à Chéréas, comme s'il était ton époux, et tu
ne reçois personne autre que lui. L'autre jour, lorsque ce laboureur acharnien,
qui n'a pas de barbe non plus, vint t'offrir deux mines, puis du vin que son père
lui avait envoyé vendre, tu le refusas d'un air dédaigneux, mais tu devais
coucher avec ton Adonis.
MUSARIUM.
Quoi donc ? Fallait-il laisser là Chéréas pour recevoir ce manouvrier qui pue
le bouc ? Chéréas, au moins, a la peau douce. C'est, comme on dit, un petit
cochon d'Acharné.
LA
MÈRE. J'en conviens, l'autre est un rustre, et il ne sent pas bon. Mais
Antiphon, fils de Ménécrate, qui te promettait une mine, pourquoi ne l'as-tu
pas reçu ? Il est beau, galant, de l'âge de Chéréas.
4.
MUSARIUM. Ah ! ma mère ! Chéréas
m'a menacée de nous tuer tous les deux, s'il nous trouve jamais ensemble.
LA
MÈRE. Combien d'autres ont fait de ces menaces ! Avec tout cela, tu n'auras pas
d'amants, tu vivras en honnête femme. Tu ne seras pas une courtisane, mais une
prêtresse de Cérès. Mais, à propos, c'est aujourd'hui la fête des Granges.
Qu'est-ce qu'il t'a donné pour cette fête ?
MUSARIUM.
Rien, maman.
LA
MÈRE. Il est donc le seul qui ne sache rien soutirer à son père, lui dépêcher
un esclave fripon, demander de l'argent à sa mère en la menaçant, si elle
refuse, de se faire soldat de marine ! Il aime mieux rester planté chez nous,
à titre onéreux, ne donnant rien et empêchant de recevoir des autres.
Crois-tu donc, Musarium, que tu auras toujours seize ans, que Chéréas aura
toujours pour toi-même la même tendresse, quand il sera riche et que sa mère
lui aura trouvé un beau mariage ? A la vue d'une dot de cinq talents, se
souviendra-t-il, dis-le-moi, de ses larmes, de tes baisers et des serments qu'il
t'aura faits ?
MUSARIUM.
Il s'en souviendra. La preuve, c'est qu'il n'a pas encore voulu se marier. Malgré
les instances et la contrainte, il a toujours refusé.
LA
MÈRE. Puisse-t-il ne pas mentir l Mais, Musarium, je te rafraîchirai la mémoire
en temps voulu.
8
AMPÉLIS ET CHRYSIS
1.
AMPÉLIS. Celui qui n'est pas jaloux, Chrysis, qui ne se met pas en colère, ne
donne pas de soufflets, n'arrache pas de cheveux et ne déchire pas de robes,
celui-là n'est pas amoureux.
CHRYSIS.
Comment, Ampélis, ce sont là les seules preuves de tendresses ?
AMPÉLIS.
Oui, ma chère. C'est l'indice d'un cœur vraiment épris. Tout le reste,
baisers, larmes, serments, visites fréquentes, sont les marques d'un amour qui
naît et qui débute,
mais le véritable feu éclate dans la jalousie. Si donc ton Gorgias t'a
souffletée, comme tu dis, s'il est jaloux, aie bon espoir et souhaite qu'il
agisse toujours de même.
CHRYSIS.
Toujours de même ! Que dis-tu là? Tu veux qu'il me soufflette toujours ?
AMPÉLIS.
Non, mais qu'il soit fâché, lorsque tu ne le regardes pas exclusivement. En
effet, s'il n'était pas amoureux, il ne se mettrait pas en colère en te voyant
un autre amant.
CHRYSIS.
Mais je n'en ai pas d'autre. C'est sans motif qu'il me soupçonne d'aimer ce
richard, dont je lui ai parlé étourdiment l'autre jour.
2.
AMPÉLIS. Ce n'est pas désagréable pour toi qu'on te soupçonne d'être
recherchée par les riches. Ton amant en éprouvera plus de chagrin, il se
piquera d'honneur et craindra de rester en arrière de ses rivaux.
CHRYSIS.
Oui, mais en attendant il ne fait que se mettre en colère et donner des
soufflets. Ce sont là ses seuls présents.
AMPÉLIS.
Il en fera d'autres. Les jaloux ont l'humeur chagrine.
CHRYSIS.
Je ne sais pas, ma petite Ampélis, pourquoi tu veux que je reçoive des
soufflets.
AMPÉLIS.
Pas du tout, mais, je te le dis, ils deviennent fort amoureux quand ils croient
qu'on les dédaigne. Lorsque au contraire, un amant se figure qu'il est seul
favorisé, sa passion s'évanouit. Je te parle d'après une expérience de vingt
ans, et tu n'en as que dix-huit à peine. Si tu veux, je te raconterai ce qui
m'est arrivé il y a quelques années. J'avais pour amant Démophante l'usurier,
qui demeure derrière le Poecilé. Jamais il ne m'avait donné plus de cinq
drachmes, et il voulait être le maître. Il ne m'aimait, Chrysis, que d'un
amour à fleur d'eau. Jamais de soupirs, de larmes, de stations à ma porte
pendant la nuit. Il couchait avec moi tout simplement de loin en loin.
3.
Un jour il vient me voir. Je lui ferme la porte au nez. J'avais chez moi le
peintre Callidès, qui m'avait envoyé dix drachmes ; et Démophante s'en va
pestant fort contre moi. Quelques jours s'écoulent, je ne l'envoie pas
chercher. Callidès était encore chez moi. Démophante s'échauffe, il arrive
tout bouillant de colère, voit la porte ouverte, entre, pleure, me frappe, me
menace de me tuer, déchire ma robe, met tout en combustion et finit par me
donner un talent pour lequel il m'eut toute seule huit mois entiers. Sa femme
disait à tout le monde que je l'avais affolé avec des philtres. Mon philtre était
la jalousie. Fais-en usage, Chrysis, avec ton Gorgias. C’est un garçon qui
sera riche, s'il arrive quelque chose à son père.
9
DORCAS, PANNYCHIS, PRILOSTRATE, POLÉMON
1.
DORCAS. C'est fait de nous, maîtresse, c'est fait de nous ! Polémon est revenu
de la guerre tout cousu d'or, dit-on. Je l'ai vu passer, vêtu d'un manteau de
pourpre que retenait une agrafe d'or, et suivi d'un grand nombre de valets. Dès
que ses amis l'ont aperçu, ils sont accourus l'embrasser. En ce moment j'ai
avisé derrière lui le garçon qui l'avait accompagné dans la dernière
campagne, je l'ai abordé, et le saluant la première : "Eh bien, Parménon,
lui ai-je dit, comment cela va-t-il pour nous ? Qu'est-ce que vous nous
rapportez de bon de la guerre ?"
PANNYCHIS.
Il ne fallait pas lui dire cela tout de suite, mais : "Ah ! vous voilà
sains et saufs ! Grâces en soient rendues aux dieux, et surtout à Jupiter
hospitalier et à Minerve guerrière ! Ma maîtresse me demandait tous les jours
ce que vous faisiez, où vous étiez." Si même tu avais ajouté :
"Elle a pleuré, elle n'a fait que penser à Polémon", c'eût été
encore mieux.
2.
DORCAS. C'est ce que j'avais commencé par lui dire, mais je ne voulais pas vous
le répéter, ayant hâte de vous rapporter ce que j'ai appris. Quand je fus
auprès de Parménon : "Parménon, lui dis-je, est-ce que les oreilles
ne vous tintaient pas ? Ma maîtresse ne parlait que de vous et toujours en
pleurant, surtout quand il revenait quelqu'un d'un combat où l'on disait qu'il
y avait eu beaucoup de monde de tué ; elle s'arrachait les cheveux, se
meurtrissait la poitrine et fondait en larmes à chaque nouvelle."
PANNYCHIS.
Très bien, Dorcas. Voilà ce qu'il fallait.
DORCAS.
Un instant après je lui ai fait la question que je vous ai dite. Alors lui :
"Nous revenons, dit-il, superbes !"
PANNYCHIS.
Comment ! Son premier mot n'a pas été que Polémon se souvenait encore de moi,
qu'il désirait me retrouver vivante ?
DORCAS.
Il m'a dit toutes sortes de choses de ce genre, mais l'essentiel, c'est qu'il
m'a parlé de richesses immenses, d'or, d'étoffes, d'esclaves, d'ivoire, ils
apportent de l'argent non plus compté, mais mesuré au médimne, des médimnes
entiers. Parménon a lui-même au petit doigt un anneau énorme, taillé à
facettes, avec une pierre tricolore, d'un rouge fort vif. Je l'ai laissé me
racontant comment, après avoir traversé l'Halys, ils avaient tué Tiridate, et
comment Polémon s'était comporté dans une rencontre avec les Pisides, et je
suis venue tout courant vous faire part de ces nouvelles, afin que vous preniez
un parti dans la circonstance. En effet, si Polémon arrive ici (or, il va venir
aussitôt débarrassé de ses amis), s'il apprend ce qui s'y passe, et s'il
rencontre Philostrate, que fera-t-il, pensez-vous ?
3. PANNYCHIS. Cherchons, Dorcas, à sortir d'embarras. Il n'est pas honnête de
mettre à la porte Philostrate, qui m'a donné l'autre jour un talent. C'est,
d'ailleurs, un marchand qui m'a fait de belles promesses. D'un autre côté, je
perdrais beaucoup à ne pas recevoir Polémon qui revient si superbe. En outre
il est jaloux, insupportable, quand il était pauvre, que ne fera-t-il pas
aujourd’hui !
DORCAS.
Le voici qui arrive !
PANNYCHIS.
Ah ! je me trouve mal, Dorcas !... Je ne sais que faire. Je tremble !...
DORCAS.
Voilà aussi Philostrate.
PANNYCHIS.
Que devenir ? Je voudrais être à cent pieds sous terre !
4.
PRILOSTRATE. Pourquoi ne pas nous mettre à boire, Pannycchis ?
PANNYCHIS.
Malheureux ! tu me perds ! ... Bonjour, Polémon. Comme il y a longtemps qu'on
ne vous a vu !
POLÉMON.
Quel est cet homme qui vient d'entrer chez vous ? Vous ne répondez pas ! Eh
bien, va te promener, Pannychis ! Moi qui accours de Pylos ici en cinq jours,
pour retrouver cette femme ! Ce qui m'arrive est bien fait, et je t’en
remercie. Désormais tu ne me pilleras plus.
PRILOSTRATE.
Tiens ! Qui êtes-vous donc, mon ami ?
POLÉMON.
Avez-vous entendu parler d'un certain Polémon de Stiriée (11),
de la tribu de Pandion, jadis chiliarque (12),
aujourd'hui capitaine de cinq mille hommes, amant de Pannychis, quand je la
croyais raisonnable ?
PRILOSTRATE.
Eh bien, seigneur capitaine de mercenaires, maintenant Pannychis est à moi.
Elle a reçu un talent, et elle en recevra bientôt un autre, dès que j'aurai
placé mes marchandises. Allons! suis-moi, Pannychis, laisse ce capitaine
conduire ses mille hommes chez les Odryses.
DORCAS.
Elle est bien libre de le suivre, si elle veut.
PANNYCHIS.
Que faire, Dorcas ?
DORCAS.
Le mieux est de rentrer chez vous. Polémon est trop en colère pour que vous
restiez ici. Et puis sa jalousie ne fera que s'accroître.
PANNYCHIS.
Puisque tu le veux, rentrons.
5.
POLÉMON. Très bien ! Mais je vous dis que c'est la dernière fois que vous
boirez ensemble. Ce n'est pas pour rien que je me suis fait la main par d'épouvantables
massacres. Holà ! mes Thraces, Parménon ! En avant ! Que leur phalange occupe
l'entrée de la rue ! Sur le front les hoplites, de chaque côté les frondeurs
et les archers, le reste à l'arrière-garde !
PRILOSTRATE.
Ah ! mercenaire, tu nous crois des petits enfants ! Ohé ! beau masque! Mais tu
n'as jamais tué un poulet! As-tu vu la guerre, seulement? Tu as peut-être été
chef d'un corps de garde, à la tête d'une compagnie, et encore je te fais la
part belle.
POLÉMON.
Tu en sauras des nouvelles, quand tu nous verras la lance en main, avec nos
armes bien fourbies.
PRILOSTRATE.
Viens donc ici en ordre de bataille, Moi et Tibius, mon unique valet, nous
allons vous recevoir à coups de pierres et de coquilles d'huîtres, et, pressés
de fuir, vous ne saurez plus où vous fourrer.
10 CHÉLIDONIUM
ET DROSÉ
1.
CHÉLIDONIUM. Il ne vient donc plus te voir, Drosé, le jeune Clinias ? Il y a
un siècle que je ne l'ai vu chez vous.
DROSÉ.
Non, ma chère Chélidonium. Son maître lui a défendu de m'approcher.
CHÉLIDONIUM.
Qu'est-ce que c'est que cet homme-là ? Est-ce que tu veux parler de Diotime, le
maître du gymnase ? Il est de mes amis.
DROSÉ.
Non. C'est un infâme philosophe, un certain Aristénète.
CHÉLIDONIUM.
Ce butor, velu et barbu, qui a l'habitude de se promener avec des jeunes gens
dans le Poecilé ?
DROSÉ.
Justement. Un charlatan que je voudrais voir traîner par la barbe et mettre en
pièces par le bourreau.
2.
CHÉLIDONIUM. Comment a-t-il fait pour décider Clinias ?
DROSÉ.
Je n'en sais rien, Chélidonium. Mais ce garçon, qui n'a pas découché une
seule nuit, depuis qu'il sait ce que c'est qu'une femme, commerce auquel je l'ai
initié, n'a pas paru dans notre rue depuis trois jours consécutifs. Inquiète
et poussée par je ne sais quel pressentiment, j'envoie Hébris à la découverte,
pour voir s’il était à l'Agora ou au Poecilé. Elle m'a dit qu'elle l’a vu
se promener avec Aristénète, qu'elle lui a fait de loin un signe de tête,
mais que lui, rougissant et baissant le nez, après l'avoir aperçue, n'a plus
levé les yeux de son côté. Ils sont entrés ensemble dans la ville. Hébris
les a suivis jusqu'au Dipyle, mais comme il ne s'est pas retourné une seule
fois, elle est rentrée sans pouvoir me rien dire de positif. Songe un peu dans
quel état je suis depuis ce temps-là. Je me perds en conjectures sur ce qu'on
a fait de ce jeune homme. "Mais, disais-je en moi-même, je ne lui ai
jamais fait la moindre peine. A-t-il un autre amour qui m'ait fait prendre en
haine ? C'est son père qui l'empêche de revenir !" Telles étaient les
pensées qui me passaient par la tête. Le soir, assez tard, Dromon m'apporte
une lettre de la part de Clinias. Prends, lis, Chélidonium ; tu sais lire,
n'est-ce pas ?
3.
CHÉLIDONIUM. Voyons cette lettre. L'écriture n'est pas merveilleuse. Les
caractères embarrassés indiquent un homme qui a écrit à la hâte. Mais
lisons : "Combien je t'aime, ma chère Drosé ! j'en prends les dieux à témoin...
"
DROSÉ.
Ah ! le malheureux ! il ne me dit pas seulement bonjour !
CHÉLIDONIUM.
"Et maintenant, ce n'est pas la haine, mais la contrainte qui me sépare de
toi. Mon père m'a remis aux mains d'Aristénète, pour étudier la philosophie.
Et celui-ci, qui sait notre liaison, m'en a fait de vifs reproches, en me disant
que c'était une indignité de vivre avec une courtisane, quand on était fils
d'Architélès et d'Érasiclée, parce qu'il faut, avant tout, préférer la
vertu au plaisir..."
DROSÉ.
Aux corbeaux le bélître, qui donne de semblables leçons à la jeunesse !
CHÉLIDONIUM.
"Il faut de toute nécessité que je lui obéisse : il me suit et me garde
avec soin, et il ne me laisse voir que lui. Si je suis sage et si je fais tout
ce qu'il me dit, il me promet que je serai heureux et vertueux pour prix de mes
efforts. J'ai eu toutes les peines du monde à t'écrire ces mots à la dérobée.
Sois heureuse et souviens-toi de Clinias."
4.
DROSÉ. Que dis-tu de cette lettre, Chélidonium ?
CHÉLIDONIUM.
Tout le reste est écrit à la scythe, mais les mots "Souviens-toi de
Clinias" laissent encore un peu d'espoir.
DROSÉ.
C'est ce que je crois aussi, mais je meurs d'amour. D'ailleurs Dromon m'a dit
qu'Aristénète est un pédéraste, qui, sous prétexte de philosophie, vit avec
les plus jolis garçons. Il a déjà eu quelques conversations particulières
avec Clinias. Il lui a fait de belles promesses et lui a dit qu'il le rendrait
égal aux dieux, et même il lit avec lui les dialogues érotiques des anciens
philosophes avec leurs disciples. Enfin il obsède le pauvre jeune homme. Mais
Dromon l'a menacé de prévenir le père de Clinias.
CHÉLIDONIUM.
Il fallait, Drosé, remplir le ventre à Dromon.
DROSÉ.
C'est ce que j'ai fait, mais sans cela il eût été à moi. Il est amoureux d'Hébris.
CHÉLIDONIUM.
Du courage. Tout ira bien. Moi, je suis d'avis d'écrire sur la muraille du Céramique,
du côté où Architélès a coutume de se promener : "Aristénète
corrompt Clinias." Cette inscription coïncidera parfaitement avec le
rapport de Dromon.
DROSÉ. Mais comment feras-tu pour qu'on ne te voie pas écrire ?
CHÉLIDONIUM.
J’irai l'écrire la nuit avec un charbon, que je prendrai n'importe où.
DROSÉ.
A merveille ! Unissons-nous, Chélidonium, pour faire la guerre à ce fourbe
d'Aristénète.
11 TRYPHÉNA
ET CHARMIDE
1.
TRYPHÉNA. A-t-on jamais vu prendre une courtisane, la payer cinq drachmes,
coucher avec elle et lui tourner le dos, pour ne faire que soupirer et larmoyer
? Non. Tu n'avais aucun plaisir à boire. Seul tu ne voulais pas manger, et,
pendant le repas, tu fondais en larmes, je le voyais bien. Maintenant même
encore, tu pleures comme un enfant. D'où viennent, Charmide, toutes ces façons
d'agir ? Ne me cache rien. J'aurai du moins gagné cela ! Passer une nuit
blanche avec toi.
CHARMIDE.
L'amour me tue, Tryphéna. Je ne puis résister à la violence de mon mal.
TRYPHÉNA.
Mais ce n'est pas moi que tu aimes, c'est évident, car je n'éprouverais ni tes
dédains ni tes refus quand je veux t'embrasser. Tu n'élèverais pas entre nous
deux le rempart de tes habits, de peur que je ne te touche. Mais dis-moi quelle
est la belle. Peut-être pourrai-je te servir dans tes amours. Je sais comment
on rend de pareils offices.
CHARMIDE.
Ah ! tu la connais bien, et elle te connaît. C'est une courtisane en vogue.
2.
TRYPHÉNA. Dis-moi son nom, Charmide.
CHARMIDE.
Philématium, Tryphéna.
TRYPHÉNA.
De laquelle veux-tu parler ? Elles sont deux. Est-ce celle qui demeure au Pirée,
qui est passée depuis peu de l'état de fille à celui de femme, et qui a pour
amant Damyllus, fils du stratège actuel ? Ou bien est-ce l'autre, qu'on a
surnommée Pagis (13)
?
CHARMIDE.
C'est Pagis, c'est elle qui me tue. Elle m'a pris dans ses lacs.
TRYPHÉNA.
Et c'est pour elle que tu verses tant de larmes ?
CHARMIDE.
Oui, sans doute.
TRYPHÉNA.
Y a-t-il longtemps que tu l'aimes ou cet amour est-il de nouvelle date ?
CHARMIDE.
Il date de loin. Il y a près de sept mois, depuis l’époque des Dionysiaques,
que je l'ai vue pour la première fois.
TRYPHÉNA.
Mais l'as-tu vue tout entière, ou seulement son visage et ce qu'elle consent à
laisser voir, en femme qui a ses quarante-cinq ans ?
CHARMIDE.
Comment ? Elle jure qu'elle aura vingt-deux ans en Elaphébolion (14)
prochain !
3.
TRYPHÉNA. En crois-tu ses serments plutôt que tes propres yeux ? Examine-la
bien. Regarde ses tempes où il lui reste encore quelques cheveux, le reste est
une perruque bien fournie. Quand la couleur dont elle se teint sera effacée, tu
la verras couverte de cheveux gris. Mais ce n'est pas assez. Presse-la de se
laisser voir toute nue.
CHARMIDE.
Elle n'a jamais voulu m'accorder cette faveur.
TRYPHÉNA.
Ce n'est pas sans raison. Elle sait bien que tu ne pourrais sans dégoût voir
toutes ses taches blanches, car depuis la gorge jusqu'aux genoux elle ressemble
à une panthère. Et tu te désoles de ne pouvoir jouir d'une pareille beauté ?
Mais as-tu donc essuyé ses rigueurs et ses mépris ?
CHARMIDE.
Oui, Tryphéna, malgré les présents dont je l'ai comblée. Aujourd'hui, parce
que je n'ai pu lui donner tout de suite mille drachmes qu'elle m'a demandées
(tu connais l'avarice de mon père), elle a reçu Meschion, et m'a laissé à la
porte. C'est pour lui rendre le chagrin qu'elle m'a causé, que je t'ai fait
prendre.
TRYPHÉNA.
Par Vénus ! Je ne serais pas venue, si l'on m'avait dit que tu m'envoyais
chercher pour faire de la peine à une autre, et surtout à Philématium, un
vrai tombeau. Mais je m'en vais. Déjà le coq a chanté pour la troisième
fois.
4.
CHARMIDE. Ne t'en va pas si vite, Tryphéna. Si ce que tu me dis de Philematium
est vrai, qu'elle a une perruque, qu'elle se teint, qu'elle a des taches, je ne
saurais plus la regarder.
'TRYPHÉNA. Demande à ta mère, si quelquefois elle a pris le bain avec elle.
Quant à son âge, ton grand-père pourra te le dire, s'il vit encore.
CHARMIDE.
Puisqu'elle est comme cela, enlevons ce rempart, rapprochons-nous,
embrassons-nous et soyons tout à fait ensemble. Bien du plaisir à Philématium
!
12 IOESSA,
PYTHIAS ET LYSIAS
1.
IOESSA. Tu fais le renchéri avec moi, Lysias ? C'est parfait ! Jamais je ne
t'ai demandé d'argent, jamais je ne t'ai fermé ma porte en te disant :
"Il y a quelqu'un." Jamais je ne t'ai engagé, comme font toutes les
autres, à tromper ton père ou à voler ta mère pour m'apporter quelque présent,
mais je t'ai reçu tout de suite gratis, et sans exiger ton écot. Tu sais
combien d'amants j'ai éconduits : Étoclès, aujourd'hui prytane, Pasion,
patron de vaisseau, Mélissus, ton camarade, que la mort de son père laisse à
la tête de sa fortune. Toi seul as toujours été mon Phaon. Je n'ai eu d'yeux
que pour toi, je n'ai ouvert qu'à toi. Je croyais, pauvre folle, à la sincérité
de tes serments, et mon amour pour toi me rendait sage comme Pénélope, malgré
les criailleries de ma mère, qui m'accusait auprès de mes amies. Mais toi, dès
que tu t'es aperçu de ton empire, dès que tu as vu que je desséchais d'amour
pour toi, tu n'as songé qu'à me chagriner, tantôt en jouant, sous mes yeux
avec Lycéna, tantôt en me faisant l'éloge, quand nous étions couchés
ensemble, de Magidium, la joueuse de cithare. Moi, je ne fais que pleurer, et je
sens tes outrages. L'autre jour, vous buviez ensemble, toi, Thrason et Diphile.
Il y avait là Cymbalium, la joueuse de flûte, et Pyrallis, mon ennemie, tu le
savais bien. Et que tu aies donné cinq baisers à Cymbalium, je ne m'en suis
pas beaucoup préoccupée. Tu te faisais injure à toi-même en l'embrassant,
mais que de signes de tête à Pyrallis ! Lorsque tu buvais, tu lui présentais
la coupe, et, en la rendant à l'esclave, tu lui disais à l'oreille de ne
verser à personne, si Pyrallis ne le commandait. Enfin, tu mords dans une
pomme, après t'être assuré que Diphile n'en voyait rien et se penchait pour
causer avec Thrason, puis tu vises de ton mieux et tu la lui jettes dans le
sein, sans essayer d'échapper à mes regards. Elle la prend, la baise et la
cache dans sa gorge, sous son réseau (15).
2.
Pourquoi te conduis-tu de la sorte ? T'ai-je jamais fait une grande on une
petite injure ? T'ai-je causé le plus léger chagrin ? En ai-je regardé un
autre ? N'est-ce pas pour toi seul que je vis ? Ah ! Lysias, ce n'est pas une
belle prouesse d'affliger une pauvre femme à qui l'amour a troublé la raison,
mais il est une déesse, Adrastée, qui voit tout cela. Peut-être, un jour,
verseras-tu des larmes, quand tu apprendras que je n'existe plus, que je me suis
pendue ou jetée dans un puits la tête la première, enfin que j’ai trouvé
un genre de mort quelconque, pour ne plus t'importuner de ma présence. Tu
triompheras alors, comme un homme qui a fait un grand et glorieux exploit. Mais
pourquoi me regarder de travers ? Pourquoi grincer des dents ? Si tu as quelque
reproche à me faire, parle. Pythias sera notre juge. Eh bien ! tu ne réponds
point ? Tu t’en vas ! Tu me laisses là ? Vois-tu, ma Pythias, comme Lysias me
traite ?
PYTHIAS.
Oh ! le sauvage ! Comment ! Ces larmes ne vous attendrissent point ? Vous êtes
donc un rocher, et non pas un homme ? Mais aussi, pour tout dire, c'est toi,
Ioessa, qui l'as gâté par l'excès de ton amour et en laissant voir ta
faiblesse. Il ne fallait pas courir ainsi après lui. Les hommes font les fiers,
quand ils s'aperçoivent qu'on les aime. Cesse de pleurer, ma pauvre enfant, et,
si tu veux m'en croire, ferme-lui une ou deux fois ta porte au nez. Bientôt tu
le verras prendre feu et s'affoler à son tour.
IOESSA.
Ah ! ne me donne pas de pareils conseils. Fi donc ! Que je ferme ma porte à
Lysias ! Fassent les dieux qu'il ne s'en aille pas le premier !
PYTHIAS.
Mais il revient.
IOESSA.
Tu m'as perdue, Pythias. Il t'a peut-être entendue dire : "Ferme-lui ta
porte au nez. "
3.
LYSIAS. Non, je ne reviens pas ici pour cette femme, Pythias. Je ne veux plus la
voir, mais c'est pour vous, pour que vous ne blâmiez pas ma conduite et que
vous ne disiez pas : "Lysias est un homme impitoyable."
PYTHIAS.
C'est pourtant ce que j'ai dit, Lysias.
LYSIAS.
Vous voulez donc, Pythias, que je consente à ce que cette Ioessa, qui pleure si
bien aujourd'hui, me soit infidèle, quand je l'ai surprise, l'autre jour, couchée
avec un jeune homme ?
PYTHIAS.
Eh bien, Lysias, n'est-elle pas courtisane ? Mais quand les avez-vous surpris
ensemble ?
LYSIAS.
Il y a environ six jours, je dis bien, six jours. C'était le deux du mois, et
nous sommes aujourd'hui le sept. Mon père, connaissant ma folle passion pour
cette honnête fille, m'avait enfermé, avec défense expresse au portier de
m'ouvrir. Moi, qui ne puis me passer d'elle, j'ordonne à Dromon de se baisser
auprès de la muraille, du côté où elle est le moins élevée, et de me
laisser grimper sur son dos, afin de pouvoir escalader. Bref, j'escalade,
j'arrive ici, je trouve la porte d'entrée soigneusement fermée. Il était
minuit. Je ne frappe pas. Je soulève doucement la porte, ce que j'avais fait
maintes fois. Elle tourne sur ses gonds, et j'entre sans bruit. Tout le monde
dormait, je suis la muraille à tâtons, et j'arrive auprès du lit.
4.
IOESSA. Que va-t-il dire ? Ô Cérès ! je suis à l'agonie.
LYSIAS.
Comme j'entends deux respirations, je crois d'abord que Lydé est couchée avec
elle, mais ce n'était pas cela, Pythias. En tâtant, je sens un menton délicat
et sans barbe, une tête rasée jusqu'à la peau et exhalant les parfums. En ce
moment, si j'avais eu une épée, je n'aurais pas hésité, sache-le bien.
Pourquoi riez-vous, Pythias ? Est-ce que mon récit est plaisant ?
IOESSA.
Voilà, Lysias, ce qui t'a mis de mauvaise humeur ? Eh bien ! C'est Pythias qui
était couchée avec moi.
PYTHIAS.
Il ne fallait pas le lui dire, Ioessa.
IOESSA.
Pourquoi ? C'était Pythias, mon bon ami. Je l'avais fait prier de venir dormir
auprès de moi, toute chagrine de ne pas t'avoir.
5.
LYSIAS. C'est Pythias qui a la tête rasée jusqu' à la peau, et, depuis six
jours, il lui a poussé une pareille chevelure ?
IOESSA.
Elle a été obligée, Lysias, de se faire raser à la suite d'une maladie,
parce que tous ses cheveux tombaient. Mais fais-lui voir, Pythias, fais-ici
voir, afin de le convaincre. Tiens, voilà le beau garçon, le rival dont tu es
jaloux.
LYSIAS.
Pouvais-je m'en défendre, Ioessa ? Je suis amoureux, et je l'avais touché de
mes mains...
IOESSA.
Te voilà convaincu. Veux-tu, à présent, que je te rende tous les chagrins que
tu m'as causés en me fâchant contre toi, à mon tour ? J'aurais bien raison.
LYSIAS.
Non, ma chère ! Buvons plutôt, et Pythias avec nous. Je veux qu'elle assiste
à notre raccommodement.
IOESSA.
Elle restera. Ah ! que de mal tu m'as fait, Pythias, le plus charmant de nos
jeunes gens !
PYTHIAS.
C'est vrai, mais enfin, je vous ai raccommodés. Ainsi, Lysias, vous ne devez
plus m'en vouloir. Seulement, pas un mot, je vous prie, sur ma chevelure.
13
LÉONTICHUS, CHÉNIDAS ET HYMNIS (16)
1.LÉONTICHUS.
Et dans le combat contre les Galates, dis-lui, Chénidas, comment je m'avançai
hors des rangs de la cavalerie, monté sur un cheval blanc, et comme les
Galates, gens courageux pourtant, ont été frappés de terreur à ma vue, à ce
point que personne ne m'a tenu tête. Alors, tenant ma lance en arrêt, je perce
du même coup le chef des ennemis et son cheval. Je fonds ensuite, le fer en
main, sur ceux qui résistent encore. Il y en avait, en effet, quelques-uns qui
tenaient bon après la déroute de la phalange, et qui s'étaient formés en
bataillon carré. Je les charge avec vigueur, l'épée nue. Le choc de mon
cheval renverse sept de leurs chefs. D'un coup d'épée, je fends en deux la tête
du capitaine. Alors vous arrivez, Chénidas, quand déjà les ennemis étaient
en fuite.
2.
CHÉNIDAS. Lorsque dans la Paphlagonie, Léontichus, vous vous êtes battu seul
à seul avec le satrape, ne vous êtes-vous pas admirablement comporté ?
LÉONTICHUS.
Tu as bien fait de me rappeler ce combat, il n'est pas sans gloire. Ce satrape
était une sorte de géant, passait pour une fine lame, et méprisait fort les
Grecs. Il s'avance entre les deux armées et défie qui voudra à un combat
singulier. Personne ne bouge : lochages, taxiarques, notre général même, un
homme qui n'est pas lâche, pourtant. C'était Aristechmus, d'Etolie, un lancier
de première force. Moi, je n'étais encore que chiliarque. Je n'écoute que mon
audace. Je repousse mes amis, qui veulent me retenir et qui tremblent pour moi.
Ils voient ce barbare, dont les armes d'or étincellent avec sa taille, son
aigrette effrayante et sa lance qu'il brandit.
CHÉNIDAS.
Et moi aussi, j'avais peur, Léontichus. Vous savez que je vous retenais, en
vous suppliant de ne pas vous exposer pour les autres, car je n'aurais pu vivre,
si vous étiez mort.
3.
LÉONTICHUS. Je n’écoute donc que mon audace. Je m'élance sur le champ de
bataille, couvert d'une armure aussi brillante que celle du Paphlagonien. J'étais
tout d'or. Un cri s'élève parmi nos soldats et chez les barbares. On m'avait
reconnu à mon bouclier, à mon harnais et à mon aigrette. Dis un peu, Chénidas,
à qui tout le monde me comparait-il en ce moment ?
CHÉNIDAS.
A quel autre, par Jupiter ! si ce n'est à Achille, fils de Thétis et de Pélée
? Le casque vous allait si bien ! Votre manteau de pourpre était si fleuri !
votre bouclier si brillant !
LÉONTICHUS.
Quand nous sommes en présence, le barbare commence par me faire une blessure légère.
La pointe de sa lance m'effleure la peau, un peu au-dessus du genou. Moi, d'un
coup de sarisse, je perce son bouclier de part eu part, et je le frappe lui-même
en pleine poitrine. J'accours, je lui tranche la tête, je le dépouille de ses
armes, et je reviens au camp, portant sa tête au bout de ma sarisse et tout
couvert de son sang.
4.
HYMNIS. Fi donc, Léontichus ! Que vos récits sont affreux et dégoûtants ! On
ne peut vous regarder sans frémir, quand vous faites gloire d'un pareil
massacre. Boive et couche avec vous qui voudra. Moi, je m'en vais.
LÉONTICHUS.
Mais je te payerai double.
HYMNIS.
Non, je ne pourrais dormir entre les bras d'un meurtrier.
LÉONTICHUS.
N’aie pas peur, Hymnis. Tout cela s'est passé en Paphlagonie. Aujourd'hui, je
suis en paix.
HYMNIS.
Non. Vous êtes un homme abominable. Le sang découlait sur vous de la tête du
barbare que vous portiez au bout de votre sarisse. Et moi, j'embrasserais, je
caresserais un pareil homme ? Non, de par les Grâces ! Un monstre de cette espèce
ne vaut pas mieux que le bourreau.
LÉONTICHUS.
Ah ! si tu me voyais sous les armes, je suis sûr que tu m'aimerais.
HYMNIS.
En vous entendant, Léontichus, le cœur me faut, je frissonne, je crois voir
des ombres, des spectres d'hommes massacrés, entre autres celui du capitaine
dont vous avez fendu la tête en deux. Que serait-ce, je vous le demande, si
j'avais vu le fait lui-même, et le sang, et les morts ? Il me semble que je
serais morte, moi qui n'ai jamais vu tuer un poulet.
LÉONTICHUS.
Ah ! que tu es faible et poltronne, Hymnis ! Je pensais que ce récit allait
beaucoup t'amuser.
HYMNIS.
Amuse de semblables récits les Lemniennes ou les Danaïdes que tu pourras
trouver, moi, je retourne auprès de ma mère, attendre qu'il soit jour.
Suis-moi, Grammis. Adieu, brave chiliarque, massacre qui tu voudras.
5.
LÉONTICHUS. Demeure, Hymnis, demeure donc... Elle est partie !
CHÉNIDAS.
C'est votre faute, Léontichus : vous avez effarouché cette fillette toute
novice, en agitant vos aigrettes et en racontant des prouesses incroyables. Je
l'ai vue pâlir dès le début, quand vous avez parlé du capitaine. Puis elle a
changé de visage et s'est mise à frissonner à l'endroit où vous fendiez la tête
de votre ennemi.
LÉONTICHUS.
Je croyais lui paraître plus aimable. Mais toi-même tu as contribué à me
perdre, en me donnant l'idée, de ce combat singulier.
CHÉNIDAS.
Ne fallait-il pas vous aider à mentir, en voyant le motif de votre fanfaronnade
? Mais vous avez rendu la chose trop effrayante. Que vous coupiez la tête du
malheureux Paphlagonien, soit ! A quoi bon la piquer au bout de votre sarisse et
vous couvrir de son sang !
6.
LÉONTICHUS. C'est affreux, en effet, Chénidas, quoique le reste ne fût pas
mal imaginé. Va, et fais-la, consentir à coucher avec moi.
CHÉNIDAS.
Je lui dirai donc, que toutes ces histoires sont autant de mensonges pour lui
paraître brave.
LÉONTICHUS.
C'est un peu honteux, Chénidas.
CHÉNIDAS.
Sans cela, elle ne viendra pas. Choisissez de deux choses l'une : ou de faire détester
votre prétendue promesse, ou de coucher avec Hymnis en lui avouant vos
mensonges.
LÉONTICHUS.
L'alternative est dure, Cependant je préfère Hymnis. Va donc, Chénidas, et
dis-lui que j'ai menti, mais pas en tout.
14 DORION
ET MYRTALE
1.
DORION. Maintenant tu me mets à la porte, Myrtale, maintenant que je suis
devenu pauvre par toi ? Quand je te faisais ces beaux présents, j'étais ton
amant, ton mari, ton maître. J’étais tout pour toi. Aujourd'hui que je suis
complètement à sec, et que tu as trouvé pour amant un marchand bithynien, je
suis mis à la porte. Je reste à pleurer sur le seuil tandis qu'il est le
bien-aimé de tes nuits, seul admis à l'intérieur, vivant en liesse, jusqu'au
matin, et tu prétends être enceinte de ses oeuvres.
MYRTALE.
Tout cela me suffoque, Dorion, et surtout lorsque je t'entends dite que tu m'as
fait de grands présents, et que c'est pour moi que tu t'es ruiné. Compte tout
ce que tu m'as donné, depuis que nous avons fait connaissance.
2.
DORION. Eh dieu, oui, Myrtale, comptons. Premièrement des souliers de Sicyone,
deux drachmes. Mets deux drachmes.
MYRTALE.
C'est vrai, mais tu as couché deux nuits.
DORION.
A mon retour de Syrie, un vase d'albâtre rempli de parfums de Phénicie ! Deux
drachmes encore, par Neptune !
MYRTALE.
Et moi, ne t'ai-je pas donné, à ton départ, cette petite tunique qui descend
jusqu'aux cuisses, pour te servir quand tu rames, et qu'a oubliée chez moi
Epiurus, le timonier, un jour qu'il avait couché ici ?
DORION.
Il me l’a bien reprise, ton Epiurus qui l'avait reconnue sur moi, à Santon,
et après une longue lutte, bons dieux ! Moi, je t'ai apporté des oignons de
Chypre, cinq anchois et quatre perches, lorsque nous sommes revenus du Bosphore.
Qu'est-ce qu'il y a en outre ? Ah ! huit biscuits de mer dans leur corbillon, un
cabas de figues de Carie, et dernièrement des sandales dorées de Patare,
vilaine ingrate. J'allais oublier un superbe fromage de Gythium (17).
MYRTALE.
Tout cela, Dorion, fait bien quelque chose comme cinq drachmes.
3.
DORION. Ah ! Myrtale, c'était tout ce que pouvait t'apporter un pauvre marin à
solde. Il n'y a pas longtemps que je commande le flanc droit du navire, et tu me
dédaignes. Mais tout récemment, aux Aphrodisiaques, n'ai-je pas déposé à
ton intention une drachme d'argent aux pieds de Vénus ? J'ai, de plus, donné
deux drachmes à ta mère, pour s’acheter une chaussure, et je glisse souvent
dans la main de cette Lydé deux on trois oboles. Le tout additionné fait la
fortune d'un matelot.
MYRTALE.
Des oignons et des anchois, Dorion ?
DORION.
Certainement : je ne pouvais pas te donner davantage. Je ne serais pas matelot,
si j'étais riche. Ma mère, je ne lui ai jamais apporté même une tête d'ail.
Je voudrais bien savoir maintenant les cadeaux que tu as reçus de ton
Bithynien.
MYRTALE.
D'abord la robe que voici. Il me l'a achetée, et puis ce gros collier.
4.
DORION. Ce collier ? Mais je te le connaissais depuis longtemps.
MYRTALE.
Celui que tu m'as vu était bien plus mince et n'avait pas d'émeraudes. Vois
encore ces pendants d'oreilles, ce tapis : dernièrement c'étaient deux mines.
Il a aussi payé notre loyer. Ce ne sont pas là sandales de Patare, fromage de
Gythium et autres babioles.
DORION.
Mais tu ne nous dis pas comment est fait ce bel amoureux avec qui tu couches, un
homme qui a passé la cinquantaine, complètement chauve et au teint de
langouste. As-tu vu ses dents ? Ô Dioscures ! le gracieux personnage, surtout
lorsqu'il chante et qu'il fait le joli ! Un âne jouant de la lyre, comme dit le
proverbe ! Jouis-en donc à ton gré, tu en es bien digne. Puisse-t-il naître
de vous deux un poupon qui ressemble à son père ! Moi, je trouverai sans peine
quelque Delphis, quelque Cymbalium de ma condition ou notre voisine, la joueuse
de flûte, ou toute autre enfin. Des tapis, des colliers, des présents de deux
mines, nous n'en avons pas tous à donner.
MYRTALE.
Heureuse la belle qui t'aura pour amant, Dorion ! Tu lui apporteras des oignons
de Chypre et du fromage, quand tu reviendras de Gythium.
15 COCHLIS
ET PARTHÉNIS
1.
COCHLIS. Pourquoi pleures-tu, Parthénis ? D'où viens-tu, avec tes flûtes brisées
?
PARTHÉNIS.
Ce soldat, ce grand Étolien, l'amant de Crocale, m'a donné des soufflets,
parce qu'il m'a trouvée chez sa maîtresse, où je jouais de la flûte, payée
par son rival Gorgus. Il a brisé mes flûtes, renversé la table sur laquelle
nous soupions, et jeté les coupes par terre, puis, saisissant ce rustre de
Gorgus par les cheveux, il l'a traîné hors de la salle. Là, ce soldat, qui
s'appelle, je crois, Dinomaque, et un de ses camarades, l'ont entouré et l'ont
frappé si violemment que je me demande, Cochlis, s'il est mort ou vif. Le sang
lui coulait du nez, il avait le visage gonflé et tout meurtri.
2. COCHLIS. Cet homme était-il fou, ou bien était-ce ivresse et délire
bachique !
PARTHÉNIS.
Jalousie tout simplement, Colchis, et transport amoureux. Crocale, je crois, lui
avait demandé deux talents s'il voulait vivre avec elle. Dinomaque refuse.
Alors Crocale lui jette sans ménagement la porte sur le nez, reçoit Gorgus
d'OEnée, riche laboureur, qui depuis longtemps lui faisait la cour, boit avec
lui et m'envoie quérir pour jouer de la flûte. La partie allait bon train, je
jouais un air lydien, et notre paysan se levait pour danser aux applaudissements
de Crocale. Tout était à la joie, quand soudain on entend du bruit, des cris.
La porte d'entrée est brisée, et au même moment huit jeunes gaillards s'élancent,
et le Mégarien avec eux. Ils culbutent tout. Gorgus, comme je te l'ai dit, est
poussé, jeté par terre, foulé aux pieds. Crocale, je ne sais comment, s'était
enfuie chez Thespias, sa voisine. Après m'avoir souffletée : "Va-t'en aux
corbeaux !" s'écrie Dinomaque, et en même temps, il me jette au nez mes
flûtes brisées, et maintenant je me sauve raconter tout à mon maître.
Cependant notre paysan est allé trouver quelques-uns de ses amis de la ville,
pour livrer le Mégarien aux magistrats.
3.
COCHLIS. Voilà ce qu’on gagne à ces amours soldatesques, des coups et des
procès. D'ailleurs, ils se disent tous généraux ou capitaines, mais, quand il
faut financer : "Attendez la solde, répondent-ils. Je recevrai mon
traitement et je vous donnerai tout ce que vous voudrez !" Foin de tous ces
hâbleurs ! J'ai bien raison de n'en pas recevoir un seul. Que le sort m'envoie
un pêcheur, un matelot, un paysan de ma condition, qui fait peu de compliments,
mais beaucoup de présents ! Quant à ces porteurs d'aigrettes, à ces
raconteurs de batailles, chansons, Parthénis !
(01)
Cf. Lettres d’Alciphron ; Barhélemy,
Voyage d’Anacharsis, chap. XX ; de
Pauw, Recherches philosophiques sur les
Grecs, partie II, § 2 ; Fêtes et
courtisanes de la Grèce, ou Supplément aux voyages d’Anacharsis et d’Anthénor,
sans nom d’auteurs ; Philarète Chasles, les
Hétaïres grecques, p. 290 des études
sur l’antiquité ; Ch. Dezoby, Rome au
siècle d’Auguste, lettre IV, à la fin, et lettre LXV ; E. Deschanel, Courtisanes
grecques, revue des Deux Mondes du 15 juillet 1847 ; Balzac, Splendeur
et misère des courtisanes.
(02)
Le fête nommée
ƒAlÇa chez
les Athéniens se célébrait en l’honneur de Cérès, après la moisson et
après la vendange.
(03)
Bourgade de l'Attique, de la tribu Antiochide.
(04)
Voy.
les Portraits, 4, 6.
(05)
Cf. Théocrite, Idylle II ; Virgile, Eglogue
VIII ; Horace, Epode V.
(06)
C'était un usage des Athéniens, quand ils voulaient faire une déclaration
d'amour à quelqu’un, d'écrire le nom de cette personne sur la muraille
d’un lieu public, où l’on savait que cette personne allait souvent. La
formule de cette inscription était ordinairement "Une telle est
belle". Le Céramique dont il s’agit ici est celui de la ville dans
lequel les courtisanes se promenaient, car il y avait un autre Céramique hors
de la ville ; mais celui-ci servait de sépulture aux citoyens qui étaient
morts en combattant pour la patrie. BELIN DE BALLU.
(07)
Voy Horace, Épode XII, v. 7 et la
note d'Orelli.
(08)
Cf. Satire XIII de Régnier.
(09)
92 fr. 66 centimes.
(10)
Cérès et Proserpine.
(11)
Bourgade de l’Attique.
(12)
Chef de mille hommes.
(13)
Le filet.
(14) Mois
qui répondait à la fin de février et au commencement de mars.
(15)
Voy. Juvénal, Sat. VI, v. 122.
(16) Cf.
Plaute. le Soldat fanfaron.
(17) Petite
ville maritime de Laconie.
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