LIVRE SEPTIÈME.
QUESTION DE L'IDENTITÉ.
MÉTHODE POUR DÉFENDRE LA DEFINITION.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES LIEUX
COMMUNS
CHAPITRE PREMIER.
Seize lieux de l'identité.
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§ 1. [151b] Il faut traiter
maintenant la question de savoir si le sujet dont il s'agit est
identique à un autre, ou s'il est différent, dans le sens le plus
spécial de tous ceux que l'on a indiqués du mot identique.
L'identité proprement dite, comme on s'en souvient, est celle de
[30] l'unité numérique.
§ 2. Il faut regarder aux cas, aux conjugués, aux opposés; car si la
justice est la même chose que le courage, le juste est identique au
courageux, justement à courageusement. Et de même pour les opposés;
car si telles choses sont les mêmes, les opposés de ces choses
seront aussi les mêmes, de quelque espèce [35] d'opposition qu'on entende
parler. En effet, il n'importe pas qu'on fasse le sujet opposé à
ceci ou opposé à cela, puisque les choses sont identiques.
§ 3. Il faut regarder aussi aux choses qui produisent les sujets
[152b] ou
les détruisent, aux générations et aux destructions, et en général,
aux choses qui sont d'une façon semblable relativement à l'un et à
l'autre sujet ; car lorsque les choses sont absolument les mêmes,
les générations et les destructions de ces choses-là sont les mêmes,
et ce qui les fait est le même, ce qui les détruit est le même
aussi.
§ 4. [5] Il faut voir encore pour les choses où l'une des deux est dite
au superlatif, si l'autre de ces deux mêmes choses est dite aussi au
superlatif pour le même sujet. Ainsi, par exemple, Xénocrate prétend
que la vie vertueuse est la même que la vie heureuse, parce que de
toutes les vies la plus désirable est la vie vertueuse et la vie
heureuse. Mais il n'y a qu'une seule et unique chose qui soit la
plus désirable et la [10] plus importante. Et de même pour toutes les
autres définitions de ce genre.
§ 5. Il faut donc que l'une et l'autre des choses présentées, ou
comme la plus désirable, ou comme la plus importante, soit
numériquement une. Si non, il ne sera pas démontré qu'elle est la
même; car il n'est pas nécessaire, si les Péloponnésiens et les
Lacédémoniens sont les plus braves des Grecs, que les Péloponnésiens
et les Lacédémoniens soient les mêmes, [15] puisque Péloponnésien et
Lacédémonien ne sont pas numériquement un; mais il faut
nécessairement que l'un soit compris dans l'autre, comme les
Lacédémoniens le sont dans les Péloponnésiens. Sinon, il arrivera
que les uns seront réciproquement meilleurs que les autres, si les
uns ne sont pas compris dans les autres. Ainsi, [20] il faudra
nécessairement que les Péloponnésiens soient plus braves que les
Lacédémoniens, si les uns ne sont pas compris dans les autres,
puisque les Péloponnésiens sont plus braves que tous les autres
peuples. Et de même, il est nécessaire aussi que les Lacédémoniens
soient plus braves que les Péloponnésiens; car, eux aussi, ils sont
plus braves que le reste; de sorte qu'ils sont réciproquement plus
braves les uns que les autres. [25] Il est donc évident qu'il faut que la
chose la plus désirable, la plus importante, soit numériquement
unique, si l'on veut démontrer l'identité. Aussi Xénocrate ne
démontrent-il pas sa proposition ; car la vie heureuse et la vie
vertueuse ne forment pas numériquement une unité, et par conséquent
il n'est pas nécessaire qu'elles soient la même vie, puisque toutes
les deux sont les plus désirables: mais il faut que l'une soit
comprise [30] dans l'autre.
§ 6. II faut voir encore si l'une des choses est identique à ce à
quoi l'autre est identique; car si toutes deux ne sont pas
identiques à un même sujet, il est clair qu'elles ne le sont pas non
plus l'une à l'autre.
§ 7. Il faut voir en outre aux accidents de ces choses et aux choses
dont elles sont les accidents; car tous les accidents qui sont à
l'un devront aussi être [35] à l'autre, et les choses auxquelles l'un est
comme accident auront aussi l'autre pour accident. Si l'une de ces
relations ne s'accorde pas, il est clair que les choses en question
ne sont pas identiques.
§ 8. II faut voir de plus si les deux choses, au lieu d'être dans un
seul genre de catégorie n'expriment pas, l'une la quantité, l'autre
la qualité ou la relation.
§ 9. De plus encore, si
[152a] le genre des deux n'est pas le même, niais
que l'une soit mauvaise et l'autre bonne, ou que l'une soit vertu et
l'autre science.
§ 10. Ou bien, quand le genre est le même, il faut voir si les mêmes
différences ne peuvent pas être attribuées aux deux : mais que pour
l'une la science soit théorique, et qu'elle soit pratique pour
l'autre. [5] Et de même pour le reste.
§ 11. Il faut aussi regarder à l'expression du plus, si l'une reçoit
le plus et l'autre ne le reçoit pas; ou si la deux le reçoivent,
mais non en même temps; comme celui qui aime plus ne désire pas plus
la cohabitation, de sorte que l'amour et le désir de cohabitation ne
sont pas du tout une même chose.
§ 12. [10] Il faut voir encore à l'addition, et examiner si l'une et
l'autre, ajoutées au même sujet, ne font pas le tout identique.
§ 13. Ou bien, si le même terme étant retranché des deux, le reste
n'est pas différent. Par exemple, si l'on a dit que le double de la
moitié est la même chose que le multiple de la moitié, il faut qu'en
retranchant la moitié de l'un et de l'autre côté, le reste exprime
[15] la même chose; mais il ne l'exprime pas; car le double et le
multiple n'expriment pas la même chose tous les deux.
§ 14. Il faut voir non seulement s'il ressort quelque chose
d'impossible de la proposition, mais encore s'il est possible que la
chose soit selon l'hypothèse. Ainsi, l'on dit que vide et plein
d'air sont la même chose [20]; or, il est évident que si l'air sort, il
n'y aura pas moins vide, mais qu'il y en aura davantage, et que
l'espace ne sera plus plein d'air. Par conséquent, en supposant
ceci, que l'hypothèse d'ailleurs soit vraie ou fausse, ce qui importe
peu, l'un des deux sera détruit tandis que l'autre ne le sera pas;
donc ils ne sont pas la même chose.
§ 15. [25] En général, il faut voir s'il n'y a pas quelque discordance
dans les choses attribuées d'une façon quelconque à l'une et à
l'autre, et dans les choses auxquelles elles-mêmes sont attribuées;
car tout ce qui est attribué à l'une doit être aussi attribué à
l'autre: et les choses auxquelles l'une est attribuée, doivent aussi
recevoir l'autre pour attribut.
§ 16. [30] De plus, comme le même a plusieurs sens, il faut voir si les
choses sont les mêmes suivant une façon différente; car les choses
qui sont les mêmes en espèce ou en genre, ne sont pas nécessairement
les mêmes numériquement : et nous devons voir encore si elles sont
les mêmes de cette façon, ou si elles ne le sont pas.
§ 17. Il faut voir enfin s'il est possible que l'une soit sans
l'autre; car alors elles ne seraient pas la [35] même chose.
§ 18. Voilà donc tous les lieux pour l'identité. |
§ 1. Il faut traiter
maintenant. L'édition de Berlin supprime ces mots sans citer
d'autorité. - De tous ceux que l'on a indiqués du mot identique,
Voir Iiv. 1, ch. 7, § 1 et suiv. - Comme on s'en souvient,
J'ai cru devoir rendre, par l'addition de ces mots, la nuance du
temps passé donnée au verbe qu'emploie Aristote. Voir livre 1, chap.
7, § 5.
§ 2. Aux cas, aux conjugués, aux opposés, Voir,
pour le sens de ces mots qui se présentent si souvent dans les
Topiques, ce qu'on a dit plus haut, liv. 1, ch. 15, §10, et
liv. 2, ch. 9. - De quelque espèce d'opposition, Voir les
Catégories, chap. 10.
§ 3. Xénocrate prétend, Voir plus haut, liv. 2, ch. 6, § 2,
où cette opinion de Xénocrate est déjà rappelée. - Il n'y a
qu'une seule et unique chose, Donc la vie vertueuse et la vie
heureuse se confondent; donc le bonheur et la vertu ne font qu'un.
C'est ce qu'Aristote semble dire implicitement au paragraphe qui
suit; mais il le nie, et avec une sorte de raison, au § 5.
§ 4. Seront réciproquement meilleurs les uns que les autres .
Ce qui est absurde, et résulte pourtant de a proposition.
§ 5. Il faut que l'une soit comprise dans l'autre, Que la vie
heureuse soit comprise dans la vie vertueuse; c'est-à-dire qu'il n'y
a pas de bonheur sans vertu, tandis qu'il semble qu'il y a souvent
vertu sans bonheur, du moins sans bonheur extérieur et apparent.
§ 6. Deux choses identiques à une troisième sont identiques entre
elles. Ce principe, dont la géométrie fait tant d'usage, n'est
employé ici que dans une de ces applications Indirectes, et à
l'inverse.
§ 8. Dans un seul genre de catégorie, Dans l'une quelconque
des dix catégories.
§ 10. Soit théorique, et qu'elle soit pratique, On sait qu'Aristote
divisait la science en théorique, pratique et poétique, en prenant
ce dernier mot dans son sens le plus large. Voir, sur ce point, la
discussion de M. P. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique, tome 1,
page 250 et plus bain, liv. 6, ch. 6, § 23.
§ 11. L'amour et le désir de la cohabitation, Il a déjà cité
cet exemple, liv. 6, ch. 7, § 3.
§ 14. Vide et plein d'air sont le même chose, Erreur soutenue
par quelques philosophes. |
CHAPITRE
II.
Les lieux négatifs de l'identité peuvent être employés aussi pour la définition
: les lieux affirmatifs ne le peuvent pas. |
§ 1. Il est clair, d'après ce qui a été
dit plus haut, que tous les lieux relatifs à l'identité bons pour réfuter,
peuvent servir relativement à la définition, de la façon qu'on a exposée
précédemment; car si le mot défini et la définition ne signifient pas la même
chose,
[153a] il est clair que l'explication donnée ne serait pas une définition.
§ 2. Mais de tous les lieux qui établissent la proposition d'identité, aucun
n'est utile pour la définition ; car il ne suffit pas, pour établir qu'il y a
définition réelle, de démontrer l'identité du mot et de l'explication qui en est
donnée: mais il faut [5] encore que toutes les conditions dont on a parlé soient
remplies par la définition.
C'est donc toujours de cette façon, et par ces termes, qu'il faut essayer de
réfuter la définition. |
§ 1. D'après ce qui a été
dit plus haut, Dans le chapitre précédent. - Tous les lieux
relatifs à l'identité, Ceux par lesquels on l'attaque, comme il
l'ajoute au § 2. - De la façon qu'on a exposée précédemment,
liv. 1, ch. 5, § 4.
§ 2. De tous les lieux qui établissent, C'est-à-dire, qui
sont affirmatifs. - Toutes let conditions dont on a parlé,
Voir le liv. 6 tout entier, et particulièrement les chapitres 2 et
3.
§ 3. C'est donc toujours, Il semble qu'il est été mieux de
faire voir ici le sixième livre et de commencer le septième. Les
expressions d'Aristote sembleraient exiger cette division. J'ai de
suivre la division reçue. Il est clair que la discussion contenue
dans les chapitres 1 et 2 de ce livre, continue et achève celle du
livre 6. Avec le ch. 3 commence une discussion nouvelle et toute
ditrérente: c'est comme l'affirmation après la négation. |
CHAPITRE
III.
Lieux pour défendre la définition. |
§ 1. Si nous voulons l'établir, au
contraire, il faut d'abord savoir que jamais, ou bien rarement du moins, de la
discussion on ne conclut la définition. D'ordinaire on la pose comme principe,
ainsi qu'on le fait toujours [10] en géométrie, en arithmétique, et dans toutes les
sciences de ce genre.
§ 2. Il faut remarquer, en outre, que c'est à un autre traité que celui-ci
d'exposer avec toute exactitude, et ce qu'est la définition, et le procédé de la
définition. Ici on doit dire, en se bornant au besoin actuel, qu'il est possible
d'obtenir par la conclusion d'un syllogisme, et la définition et l'essence de la
chose. [15] En effet, si la définition est l'explication de ce qu'est la chose, et
s'il faut que les choses attribuées dans la définition soient seules aussi
attribuées essentiellement à la chose, et l'on sait qu'il n'y a que les genres
et les différences qui soient attribuées essentiellement, il est clair qu'en
prenant seulement les attributs essentiels de la chose, [20] l'explication qui
comprend ces attributs est nécessairement une définition; car il ne peut y avoir
une autre définition de la chose, puisqu'il n'y a pas un seul autre attribut
essentiel de la chose. Il est dont clair qu'on peut, par conclusion de
syllogisme, obtenir la définition.
§ 3. Comment il faut l'établir, c'est ce qui
a été expliqué ailleurs [25] plus rigoureusement; et pour la recherche actuelle, les
mêmes lieux sont utiles.
§ 4. Ainsi il faut voir et aux contraires et aux autres opposés, en regardant,
soit aux définitions entières, soit aux parties des définitions.
§ 5. Si la définition opposée est la définition de l'opposé, nécessairement la
définition donnée
sera celle du sujet en question. Mais comme il y a plusieurs combinaisons
possibles des [30] contraires, il faut prendre parmi les définitions contraires celle
qui paraîtra la plus contraire. Il faut donc regarder aux définitions entières
comme on l'a dit.
§ 6. On regardera aux parties de la façon suivante: et
d'abord, si le genre donné a été bien donné; car si le contraire est dans le
contraire, et que le sujet en question ne soit pas dans le même, [35] il est clair
qu'il sera dans le contraire, puisqu'il faut nécessairement que les contraires
soient dans le même genre, ou dans des genres contraires. Et nous pensons que
des différences contraires sont attribuées aux contraires, comme pour le blanc
et le noir, dont l'un recueille, l'autre disperse [153b] la vision. Si donc les
différences contraires sont attribuées au contraire, les différences données
seront attribuées aussi au sujet donné. Par conséquent, puisque le genre et les
différences sont bien indiquées, il est clair que c'est vraiment la définition
qui aura été proposée.
§ 7. Ou bien, ne peut-on pas dire qu'il n'est pas
nécessaire [5] que les différences contraires soient attribuées aux contraires, si
les contraires ne sont pas dans le même genre? Pour les choses dont les genres
sont contraires, rien n'empêche qu'une même différence ne soit dite des deux,
par exemple, pour la justice et et l'injustice: ainsi, l'une est une vertu,
l'autre un vice de l'âme; de sorte que la différence de l'âme est dite [10] pour les
deux, puisque la vertu et le vice peuvent appartenir aussi au corps.
§ 8. Par conséquent, il est vrai que les différences
des contraires sont ou contraires ou identiques. Si donc la différence
contraire est attribuée au contraire, et qu'elle ne le soit pas au sujet en
question, il est clair que la différence posée est bien attribuée à ce sujet.
§
9. En général, puisque la définition se compose du genre et des différences
[15] , si
la définition du contraire est évidente, celle du sujet en question ne le sera
pas moins. En effet, comme le contraire est ou dans un même genre, ou dans un
genre contraire, de méme aussi que les différences attribuées aux contraire sont
contraires [20] ou identiques, il est évident que le même genre sera attribué au
sujet et au contraire, et que les différences seront contraires, soit toutes,
soit quelques-unes, et que les autres seront identiques. Ou bien, à l'inverse,
les différences seront les mêmes et les genres contraires. Ou bien encore, tous
deux seront contraires, les genres et les différences; car tous deux ne
sauraient être les mêmes, puisqu'alors les contraires auraient une même
définition.
§ 10. [25] II faut regarder encore aux cas et aux conjugués; car il faut
nécessairement que les genres suivent les genres, et les définitions les
définitions. Par exemple, si l'oubli est la perte de la science, oublier sera
perdre la science, avoir oublié, avoir perdu la science. En accordant donc
l'une quelconque de ces choses, [30] il faut aussi accorder toutes les autres. Et de
même, si la destruction est la dissolution de la substance, être détruite sera
être dissoute pour la substance, destructif sera dissolutif; et si destructif
est dissolutif de la substance, la destruction sera la dissolution de la
substance. Et de même, pour les autres termes; de sorte que l'une quelconque de
ces choses étant admise, il faut aussi que tout [35] le reste le suit.
§ 11. Il faut voir en outre aux choses qui sont dans un rapport de ressemblance
entre elles; car si le sain est ce qui fait la santé, le fortifiant sera ce qui
fait l'embonpoint, et l'utile ce qui fait le bien; car [154a] chacune des closes
citées est, relativement à sa fin propre, dans un rapport semblable; de sorte
que si la définition de l'une d'elles est d'accomplir sa fin spéciale, cette
définition, à cet égard, sera semblable pour les autres.
§ 12. II faut voir aussi, pour le plus et le pareil, en combien de sens on
petit établir ces rapports, [5] en comparant ces choses deux à deux. Par exemple,
si telle définition est plus la définition de telle chose, que telle
autre définition ne l'est de telle autre chose, et que la définition qui semble
le moins l'être le soit cependant, il faudra que celle qui semble l'être le plus
le soit aussi. Si l'une l'est également pour celle-ci, et l'autre pour celle-là,
et si l'autre convient à l'autre, il faudra que la définition restante convienne
à la chose qui reste.
§ 13. Quand il s'agit de comparer une seule définition à
deux choses, ou deux définitions à une seule, il n'y a pas utilité à considérer
[10] le plus; car il n'est pas possible qu'il y ait une seule définition pour deux
choses, non plus que deux définitions pour la même chose.
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§ 1. Que jamais.... on ne
conclut la définition, C'est parce que la définition doit faire
connaître l'essence que l'essence ne peut être la définition d'un
syllogisme; il en a donné les raisons les plus fortes et les plus
développées, Derniers Analytques, liv. 2, ch. 4 et suiv. - On la
pose souvent comme principe, la démonstration ne peut
s'appliquer qu'à l'attribut et non point au sujet.
§ 2. C'est à un autre traité, Les derniers Analytiques, où
cette théorie est exposée tout au long - Ici...au besoin actuel,
Il ne s'agit que de dialectique, et non de philosophie, de science
proprement dite. - Qu'il est posssible d'obtenir. Dans les
Derniers Analytiques, liv. 2, ch. 8, il a montré comment cela est
possible. - Si la définition est l'explication,.. Il s'agit
ici de la première espèce de démonstration de l'essence qui n'est,
comme le dit Aristote lui-même, qu'une démonstration dialectique: de
l'essence, le syllogisme logique de l'essence, Derniers Analytiquss,
liv. 2. ch. 8, § 3. - On peut par conclusion de syllogisme,
En mettant pour majeure, que la réunion des attributs essentiels
d'une chose forme sa définition, et pour mineure que la réunion de
tels attributs est bien la réunion des attributs essentiels de telle
chose, on en conclurait régulièrement que la réunion de ces
attributs est la définition de cette chose. Mais déjà la concutslon
se trouve impliquée dans la mineure, et voilà pourquoi ce n'est
qu'un syllogisme logique et non point un syllogisme vrai.
§ 3. C'est ce qui a été expliqué ailleurs, Derniers
Analytiques, dans les première et troisième sections, et
specialement ch. 4. §, 13 et 14. - Plus rigoureusement, parce
qu'ici le philosophe se met au point de vne de la dialectique, du
probable et non da vrai.
§ 4. Aux contraires et aux autres opposés, Voir Catégories.
chapitre 10 où toute cette théorie se trouve développée.
§ 5. Comme il y a plusieurs combinaisons possibles des contraires,
On peut voir ces voir ces combinaisons diverses, liv. 2, ch.7. –
Comme on l'a dit, Comme on vient de le dire, § 4.
§ 7. La vertu et le vice peuvent
appartenir aussi an corps, Ceci
pourrait être contesté dans notre langue: la vertu ne s'applique qu'à l'âme pour nous; mais dans
la langue grecque ce mot a un sens plus étendu, et il
s'entend du physique aussi bien que du moral.
§ 9. En général... Pour bien comprendre ceci, il faut se représenter qu'il
s'agit ici de deus espèces contraires dont il faut donner la définition.
Quatre cas alors pourront ête supposés, puisque la définition de chaque espèce
se compose du genre et des différences : 1° Le genre est le même et les
différences sont contraires; 2° le genre est différent et les différences sont
les mêmes; 3° ou le genre est contraire et les différences sont contraires;
4° ou enfin le genre est le même et les différences sont les
mèmes. Ce quatrième cas n'est pas possible ; car alors, les espèces supposées
contraires, ayant même genre et mêmes différences, n'auraient qu'une seule et
même définition ; ce qui est absurde, puisque les contraires ne peuvent avoir
la même définition. - Dans le même genre, 1er cas. - Ou dans un genre contraire,
2e cas. - Les différences sont contraires ou identiques. comme l'est le genre.
- Les différences seront contraires, 1er cas complet. - Les différences seront les
mêmes et les genres contraires,
2e cas complet. - Tous deux seront
contraires. 3e cas. - Car tous deux se sauraient être les mêmes, 4e cas
déclaré absurde et Impossible.
§ 10. Les genres, les définis eux-mêmes.
§ 12. II y a ici quatre termes
: d'abord une définition et un défini,
puis une autre définition avec un
autre défini.
§ 13. Il n'y a plus ici que trois termes: une seule définition et deux sujets,
ou bien deux définitions et un seul sujet. |
CHAPITRE
IV.
Indication générale des lieux les plus utiles. |
§ 1. Les plus commodes de tous ces lieux sont ceux qui viennent d'être indiqués,
et ceux qui se tirent des cas et des conjugués. Aussi sont-ce ceux-là surtout
qu'il faut connaître et avoir à sa disposition; car [15] ils sont
utiles dans le plus d'occasions. Et parmi les autres, il faut s'attacher aux
plus communs; car ils sont plus puissants que tous les autres. Et, par exemple,
il faut regarder eu particulier à chaque cas individuel : mais aussi il faut
voir si la définition convient également aux espèces, puisque l'espèce est
synonyme. Ce lieu est encore utile contre ceux qui admettent les idées, ainsi
qu'on l'a dit [20] auparavant. Il faut encore voir si l'on a pris le mot par
métaphore, ou si on l'attribue à lui-même comme s'il était autre. Et s'il y a
encore quelque autre lieu commun et énergique, il faut s'en servir. |
§ 1. Qui viennent d'être indiqués, Ceux de la comparaison des définis et des
définitions. - Ainsi qu'on l'a dit auparavant, Voir plus haut, liv. 6, ch. 6, §
5. - Pacius semble croire que ce chapitre est une sorte de méthode générale pour
toutes les questions dialectiques, bien qu'Aristote ait dit positivement, liv. 1, ch. 6, § 2, qu'il ne
peut y avoir de méthode de ce genre , ou bien qu'elle serait obscure et d'un
emploi presque impossible. Il me semble qu'il ne s'agit ici que de la
définition et non point des autres questions dialectiques. Ces préceptes
généraux ne se rapportent qu'à cette partie de la dialectique et non point à la
dialectique tout entière. |
CHAPITRE
V.
De la facilité et de la difficulté des argumentations. |
§ 1. On verra clairement, par ce qui sera dit plus loin, qu'il est plus facile
de renverser la définition que de l'établir; car il n'est pas aisé de découvrir
soi-même, et d'obtenir de ceux qu'on interroge, des propositions du genre des
suivantes : par exemple, que des choses comprises dans la définition donnée,
l'une est genre et
l'autre différence, et que le genre seul et les différences sont attribués
essentiellement au sujet. Or, sans ces propositions, il est impossible qu'il y
ait syllogisme de la définition; car si quelques autres choses [30] encore sont
attribuées essentiellement au sujet, on ne sait plus si c'est la définition
dite ou une autre qui convient au sujet, puisque la définition est l'explication
qui exprime l'essence de la chose.
§ 2. Voici ce qui le prouve: c'est qu'il est
plus facile de conclure une seule chose que d'en conclure plusieurs. Or, il
suffit, quand on réfute, de détruire un seul élément de la définition; car en
détruisant une partie quelconque, nous aurons [35] aussi détruit toute la
définition. Au contraire, quand on établit la définition, il faut démontrer la
réalité de toutes les choses qui sont mises dans la définition.
§ 3. II faut
aussi, quand on établit la définition, faire une conclusion universelle; car
il faut que [154b] la définition soit applicable à tout ce à quoi l'est le mot; et, en
outre, qu'il y ait réciprocité, et que le mot s'applique à tout ce à quoi
s'applique la définition, s'il faut que la définition donnée soit spéciale au
défini. Quand on réfute, au contraire, il n'est pas nécessaire de démontrer
universellement; car il suffit de montrer que la définition n'est pas vraie pour l'une des
choses qui sont comprises [5] sous le nom. Et quand bien même il faudrait réfuter
universellement, il ne serait pas nécessaire pour réfuter qu'il y eût
réciprocité; car il suffit, pour réfuter universellement, de montrer que la
définition n'est pas attribuable à l'une des choses auxquelles le défini est
attribué. Mais il n'est pas réciproquement nécessaire de montrer que le défini
n'est pas attribué aux choses auxquelles [10] la définition ne l'est pas.
§ 4. Et de
plus, tout en s'appliquant à tout le défini, la définition, si elle ne
s'applique pas au défini seul, se trouve détruite par là même.
§ 5. Il en est encore ainsi pour le propre et pour le genre; car pour les deux,
il est plus facile aussi de renverser que d'établir.
§ 6. Cela est évident
pour [15] le propre, d'après ce qui a été dit. En effet, comme le propre est donné le
plus souvent en combinaison avec d'autres termes, on peut le réfuter en ne
détruisant qu'un seul élément, tandis que nécessairement, quand on établit la
proposition, on doit prouver tout par syllogisme.
§ 7. Du reste, on pourrait
dire convenablement du propre presque tout ce qui s'applique à la définition.
Ainsi il faut, quand on établit la thèse, montrer que la chose est à tout ce qui
est compris sous le mot, tandis qu'il suffit, quand on réfute, de montrer
qu'elle n'est pas à un seul terme quelconque. Et si le propre est bien
à tout le sujet, mais qu'il ne soit pas à ce sujet tout seul, on a par cela même
réfuté, ainsi qu'on l'a dit également pour la définition.
§ 8. Quant au genre, il n'y a nécessairement, quand on a démontré qu'il est à
tout [25] le sujet, qu'une seule façon de l'établir. Mais quand on réfute, il y en a
deux manières; car si l'on a démontré qu'il n'est à aucune partie du sujet, ou
qu'il n'est pas à quelque partie du sujet, on a détruit le genre posé dans le
principe.
§ 9. De plus, quand on établit la proposition, il ne suffit pas de
montrer que le genre est au défini : mais il faut aussi montrer qu'il lui
appartient comme genre. Quand on réfute, il suffit de montrer qu'il n'appartient
pas à quelque partie du sujet, ou qu'il n'est [30] à aucune.
§ 10. Il semble que,
comme en toute autre chose il est plus facile de détruire que de faire, ici
aussi il soit plus facile de réfuter que d'établir la thèse.
§ 11. Pour l'accident, il est plus facile de le réfuter universellement que de
l'établir. Et, en effet, quand on l'établi, il faut montrer [35] qu'il est à tout le
sujet ; et quand on réfute, il suffit de montrer, pour un seul terme, que
l'accident ne lui appartient pas. Pour le discuter particulièrement, c'est tout
le contraire; car il est plus aisé ici d'établir que de réfuter la proposition.
Ainsi, quand on [155a] l'établit, il suffit de montrer que l'accident est à quelque
terme; et quand on réfute, il faut montrer qu'il n'est à aucun.
§ 12. On voit clairement pourquoi le plus aisé de tout, c'est de réfuter la
définition ; car le grand nombre des éléments qui la forment fournit aussi plus
de données pour la réfutation, et le syllogisme [5] se forme d'autant plus vite qu'on a plus d'éléments. Il semble, en effet, que l'erreur est
d'autant plus fréquente que le nombre même des choses est plus grand.
§ 13. De
plus, pour la définition , ou peut aussi la combattre par les autres moyens
indiqués; car, soit que l'explication qu'elle donne ne soit pas propre au
défini, soit que le terme attribué ne soit pas le genre, soit que quelqu'une des
choses comprises dans la définition n'appartienne pas au défini, la définition
est [10] détruite. Pour les autres questions, au contraire, on ne peut les attaquer,
ni par les lieux relatifs aux définitions, ni par tous les autres. En effet , il
n'y a que les lieux relatifs à l'accident qui soient communs à toutes les
questions indiquées, puisqu'il faut que chacun de ces termes appartienne au
sujet. Quant au genre, il peut ne pas être au sujet comme propre, sans pour cela
être détruit. De même, il n'est pas nécessaire [15] que le propre soit au sujet comme
genre, et l'accident n'a pas besoin d'y être comme genre ou comme propre; mais
il faut seulement qu'il y soit. Ainsi donc, il n'est pas possible de se servir
des arguments d'une des questions contre les autres, si ce n'est contre la
définition; donc, il est évident que le plus facile de tout, c'est de réfuter la
définition.
§ 14. Et le plus difficile, c'est de l'établir; car il faut prouver
d'abord tous ces éléments par syllogisme, c'est-à-dire que [20] toutes les parties
énumérées appartiennent bien au sujet, et
que c'est le genre qui a été donné, et que l'explication est propre au défini;
et en outre, il faut prouver que la définition exprime bien l'essence de la
chose; et il faut faire tout cela régulièrement.
§
15. Parmi les autres questions, le propre est le plus semblable à la définition;
car il est plus facile de le réfuter, parce qu'il se compose ordinairement de
plusieurs éléments; et [25] le plus difficile, c'est de l'établir, parce qu'il faut
réunir plusieurs choses: et, qu'en outre, il faut prouver qu'il n'est qu'au seul
terme en question, et qu'il peut être pris réciproquement pour la chose dont il
est le propre.
§
16. Le plus facile de tout c'est d'établir l'accident; car pour les autres
questions, il faut montrer non seulement que le terme indiqué est au sujet,
mais encore qu'il y est de telle façon : pour l'accident, au contraire, il
suffit de montrer [30] qu'il y est d'une façon quelconque.
§ 17. Le plus difficile est de réfuter l'accident, parce qu'on y donne le moins
possible d'éléments, puisqu'on n'ajoute pas pour l'accident comment il est au
sujet. Et dès lors pour les autres questions, on peut réfuter de deux façons, en
montrant que le terme n'est pas au sujet, [35] ou bien qu'il n'y est pas de telle
manière, tandis que pour l'accident on ne peut réfuter qu'en montrant qu'il
n'est pas au sujet.
§ 18. Nous avons donc à peu près énuméré tous les lieux qui fournissent les
moyens de traiter chacune des questions indiquées.
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§ 1. Dans ce chapitre, au contraire, commencent des règles générales qui
s'appliquent à toute la topique, à toutes Ies question, dialectiques; et il
semble que l'on devrait, sinon joindre tout ce qui va suivre au huitième livre,
du moins en faire un livre à part. J'ai dû respecter la division géneralement admise; mais je ne la crois pas bonne, et l'on sait qu'elle n'est pas d'Aristote
même. - Par ce qui sera dit plus loin, Dans tout ce chapitre et particulièrement
§ 2. - Il est impossible qu'il y ait syllogisme de la définition, et encore
syllogisme logique comme il l'a dit plus haut, ch. 3, § 2.
§
3. Et que le mot s'applique à tout ce à quoi, etc., L'édition de Berlin supprime
cette phrase et la cite seulement dans les variantes, d'après un manuscrit.
Cette partie de phrase n'est pas indispensable au sens, mais elle le complète
bien, et elle doit être conservée. - Qu'il y eût réciprocité, Au sens qui a été
expliqué dans la phrase précédente, et comme d'ailleurs il l'explique de
nouveau dans celle-ci. - Que le
défini n'est pas attribué, L'édition de Berlin dit au contraire par
l'affirmation : que le défini est attribué, et elle cite le texte ordinaire
dans les variantes. J'ai préfére conserver la leçon reçue qui peut très bien se
justifier aussi Les manuscrits offrent d'ailleurs ici des variantes que les
éditeurs, et Pacius entre autres, ont connues et discutées. Le choix qu'ils ont
fait paraît le meilleur et j'ai dû m'y tenir.
§ 4. Et de plus, Pacius trouve tout ce § inutile.
§ 5. Pour le propre et pour le genre, Après la définition viennent daux autres
questions dialectiques
qui s'en approchent mais ne se confondent pas avec elle.
§ 6. D'après ce qui a été dit, en traitant du propre, liv.
5.
§ 7. Ainsi qu'on l'a dit, § 4.
§ 13. Les autres moyens indiqués, Pour le propre, le genre et l'accident,
tandis que ces trois termes ne sont pas réfutés par les moyens indiqués pour la
définition. - Appartienne au sujet , Ce qui est
le caractère le plus général de l'accident.
§ 14. Que toutes les parties
énumérées, L'édition de Berlin se donne pas toutes
dans le texte, elle le donne seulement en variante.
§ 16. Qu'il y est d'une façon
quelconque, Voir plus haut, § 13.
§ 18. Chacune des questions
indiquées, Voir liv. 1, ch. 5. Ici finit la théorie; le livre huitième traitera de
la pratique
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FIN DU LIVRE VII DES TOPIQUES. |