Aristote : Problèmes

ARISTOTE

PROBLEMES.

SECTION VI.

EFFETS DE LA POSITION DU CORPS ET DE SES HABITUDES.

ς. ΟΣΑ ΕΚ ΤΟΥ ΠΩΣ ΚΕΙΣΘΑΙ ΚΑΙ ΕΣΧΗΜΑΤΙΣΘΑΙ ΣΥΜΒΑΙΝΕΙ

 

Traduction française : BARTHÉLΕMY SAINT-HILAIRE.

 

 

 

LES PROBLÈMES D'ARISTOTE

SECTION VI.

EFFETS DE LA POSITION DU CORPS ET DE SES HABITUDES.

ς. ΟΣΑ ΕΚ ΤΟΥ ΠΩΣ ΚΕΙΣΘΑΙ ΚΑΙ ΕΣΧΗΜΑΤΙΣΘΑΙ ΣΥΜΒΑΙΝΕΙ

 

 

 

 

SECTION VI.

EFFETS DE LA POSITION DU CORPS ET DE SES HABITUDES.

Effets de la vie sédentaire, selon les tempéraments, et de la gymnastique sur les membres : de la flexion du corps durant le sommeil : du vertige quand on est assis, ou debout ; du sommeil selon qu'on est couché sur le côté droit, ou sur le côté gauche ; de l'engourdissement ; de la position sur le côté gauche, ou sur le côté droit.

1.

Διὰ τί ἡ καθέδρα τοὺς μὲν παχύνει τῶν ἀνθρώπων, τοὺς δὲ ἰσχναίνει;

Πότερον ὅτι αἱ ἕξεις διαφέρουσιν; οἱ μὲν γὰρ θερμοί εἰσιν, οἱ δὲ ψυχροί. Οἱ μὲν οὖν θερμοὶ παχύνονται (κρατεῖ γὰρ τὸ σῶμα τῆς τροφῆς διὰ τὴν θερμασίαν)· οἱ δ´ ἐψυγμένοι, διὰ τὸ δεῖσθαι ἐπεισάκτου θερμότητος καὶ τοῦτο πάσχειν μάλιστα τὸ σῶμα ὑπὸ τῶν κινήσεων, οὐ δύνανται πέττειν ἠρεμοῦντες. Ἢ ὅτι οἱ μὲν περιττωματικοί εἰσι, καὶ δέονται κινήσεως ἣ ἀναλώσει ταῦτα, οἱ δὲ οὔ;

2.

Διὰ τί δεῖ ποιεῖν διάτασιν τῶν μερῶν, ὃ ποιεῖ ὁ γυμναζόμενος;

Ἢ ὅτι δεῖ τῷ οἰκείῳ πνεύματι καθαίρεσθαι τοὺς πόρους;

3.

Διὰ τί συγκεκαμμένον βέλτιον κατακεῖσθαι, καὶ πολλοί γε παραγγέλλουσι τοῦτο καὶ τῶν ἰατρῶν;

Ἢ ὅτι ἀλεαίνουσα ἡ κοιλία θᾶττον πέττει; οὕτω δὲ ἀλεαίνει μᾶλλον. Ἔτι δεῖ τοῖς πνεύμασι τόπον διδόναι εἰς ὃν ἀπερείσονται· οὕτω γὰρ ἥκιστα λυπήσουσιν αἱ φῦσαι. Διὰ τοῦτο γὰρ καὶ ἰξίαι καὶ τὰ ἄλλα ἀποστήματα ὑγιεινόν, ὅτι ἔχουσι κοιλίας εἰς ἃς ἀποδέχονται τὰ πνεύματα. Ἐκτεταμένου μὲν οὖν οὐ γίνεται κοιλία (ἅπαντα γὰρ τὸν τόπον τὰ σπλάγχνα κατέχει), συγκαμφθέντος δὲ γίνεται.

4.

Διὰ τί ἀνισταμένοις ἴλιγγος μᾶλλον γίνεται ἢ καθίζουσιν;

Ἢ διότι ἠρεμοῦσι τὸ ὑγρὸν εἰς ἓν μόριον ἀθρόον ἀποκλίνει; διὸ καὶ τὰ ὠμὰ ᾠὰ οὐ δύναται δινεῖσθαι, ἀλλὰ καταπίπτει. Κινούμενον δὲ τὸ ὑγρὸν ὁμοίως ἔχει. Ἀνίστανται μὲν οὖν ἠρεμήσαντες, ὅτε οὕτως διάκεινται· καθιζάνουσι δὲ ἐν κινήσει γενόμενοι, ὅτε ὁμαλῶς ἔχει τὸ ὑγρὸν καὶ ἐσκέδασται.

5.

Διὰ τί ἐπὶ τὰ δεξιὰ κατακειμένοις μᾶλλον ἐπέρχεται ὕπνος;

Πότερον ὅτι ἐναντίως ἔχοντες ἐγρηγόρασι καὶ καθεύδουσιν; ἐπεὶ οὖν ἐγρηγορότες ἐπὶ τὰ ἀριστερὰ κατάκεινται, τοὐναντίον ἔσται ἐπ´ ἄλλης ἀρχῆς καὶ τῆς ἐναντίας. Ἢ ὅτι ἀκινησία ὁ ὕπνος; τὰ οὖν κινητικὰ μέρη δεῖ ἠρεμεῖν, τὰ δὲ δεξιὰ κινητικά. οὕτω δὲ κατακειμένων οἷον δέδεται ἀρχή τις ἐπεγερτική.

6.

Διὰ τί ναρκῶσιν; καὶ διὰ τί χεῖρας καὶ πόδας μᾶλλον;

Ἢ ὅτι κατάψυξίς ἐστιν ἡ νάρκη; διὰ στέρησιν γὰρ αἵματος γίνεται καὶ μετάστασιν. Ἀσαρκότατα δὲ ταῦτα καὶ νευρωδέστατα, μάλιστα δὲ οἱ πόδες. Ὥστε προοδοποιεῖται ὑπὸ τῆς φύσεως πρὸς τὸ καταψύχεσθαι ταχέως.

7.

Διὰ τί κατακείμεθα μὲν ἐπὶ τὰ ἀριστερὰ ἡδέως, καθεύδομεν δὲ ἐπὶ τὰ δεξιὰ μᾶλλον;

 Πότερον ὅτι ἀποστραφέντες πρὸς τὸ φῶς οὐ βλέπομεν; ἐν γὰρ τῷ σκότει θᾶττον ὕπνος λαμβάνει. Ἢ διότι ἐγρηγόραμεν κατακείμενοι ἐπὶ τοῖς ἀριστεροῖς, καὶ αἱ χρήσεις ἡμῖν οὕτω πρόχειροι, ὥστε πρὸς τὸ ἐναντίον σχῆμα πρὸ ἔργου; Παρακαλεῖ δὲ ἕκαστον πρὸς τὸ ἔργον τὸ σχῆμα μᾶλλον.
 

1.

Pourquoi l'habitude d'être assis fait-elle engraisser certaines personnes, et en fait-elle maigrir d'autres ?

N'est-ce pas parce que les dispositions individuelles sont différentes ? Tel a un tempérament chaud ; tel autre l'a froid. Les gens qui ont de la chaleur grossissent, parce que le corps domine la nourriture, à cause de la chaleur qu'il possède. Ceux qui sont d'un tempérament froid maigrissent, parce qu'il leur faut une chaleur factice et que leur corps ne se la procure que par des mouvements ; ils ne peuvent digérer leur nourriture en restant en repos. Ou bien n'est-ce pas encore que les uns ont beaucoup de résidus et de sécrétions, et qu'ils ont besoin du mouvement qui doit consumer ces résidus, tandis que les autres n'ont pas ce superflu ?

2.

Pourquoi est-il besoin de se distendre les membres, comme on le fait par la gymnastique ?

N'est-ce pas parce qu'on a besoin d'ouvrir et de purifier les pores par son souffle propre ?

3.

Pourquoi lorsqu'on est couché, vaut-il mieux replier le corps sur lui-même, ainsi que le recommandent la plupart des médecins ?

N'est-ce pas parce que le ventre en s'échauffant digère plus vite; et que, dans la position indiquée, le ventre s'échauffe davantage ? En outre, il faut donner de l'espace aux vents pour qu'ils puissent se développer. Dans cette condition, les vents font le moins de mal possible. C'est là aussi ce qui fait que les varices et les autres gonflements sont bons pour la santé, parce qu'ils offrent des creux où les vents peuvent se loger. Or quand le corps est étendu, il n'y a plus de creux ; car alors les intestins remplissent tout l'espace. Au contraire, il va des creux, quand le corps est replié.

4.

Pourquoi sent-on plus le vertige quand on se lève debout que quand on reste assis ?

N'est-ce pas parce que, quand on est au repos, le liquide descend et s'accumule sur un seul point ? C'est là ce qui fait aussi que les œufs frais ne peuvent se mélanger, mais retombent au fond. Le liquide, quand il est remué, en fait autant en nous. Quand nous nous relevons, c'est après nous être reposés, parce que nous ressentons cette indisposition. Au contraire, nous nous asseyons après avoir été agités par le mouvement, parce que le liquide reprend son niveau, et qu'il se remet régulièrement en équilibre dans notre corps.

5.

Pourquoi le sommeil vient-il plus vite quand on se couche sur le côté droit?

N'est-ce pas parce que, durant la veille, on a une position contraire à celle que l'on a pendant le sommeil ? Puis donc que, pendant la veille, on se repose sur le côté gauche, ce sera le contraire pour un autre principe et pour le principe contraire. N'est-ce pas aussi parce que le sommeil est l'immobilité ? Or les parties qui font le mouvement doivent se reposer ; et c'est la droite qui est la plus mobile. Quand on est ainsi couché, le principe qui causerait le réveil est en quelque sorte enchaîné.

6.

D'où vient qu'on est engourdi et qu'on sent davantage l'engourdissement aux mains et aux pieds?

N'est-ce pas parce que l'engourdissement est un refroidissement? Car il se produit par l'absence et le déplacement du sang. Or les mains et les pieds ont très peu de chair, et ils ont beaucoup de nerfs, les pieds plus encore que les mains. La nature les dispose donc à se refroidir très vite.

7.

Pourquoi a-t-on du plaisir à se reposer sur le côté gauche, bien que l'on dorme plutôt sur le côté droit ?

N'est-ce pas parce qu'en se détournant de la lumière, on cesse de voir, et que le sommeil vient plus vite quand on est dans les ténèbres ? Ou n'est-ce pas parce que nous sommes, pendant la veille, sur le côté gauche, et que, dans cette position, les actes que nous pouvons accomplir nous sont plus faciles, de telle sorte qu'alors on agit aisément en sens contraire ? Car c'est surtout le sens des choses qui, dans chaque cas, nous pousse à l'œuvre que nous avons à faire.

8.

(Dans l'édition de Firmin-Didot, le § 8 ne fait que répéter, avec des variantes insignifiantes, le § 1 de cette section, C'est évidemment une erreur d'un copiste grec. Les éditions ordinaires n'ont pas ce § 8.)

 

§ 1. L'habitude d'être assis. Il n'y a qu'un seul mot dans le texte ; j'ai dû , dans notre langue, adopter une périphrase.

Les dispositions individuelles sont différentes. L'explication est de toute évidence.

Un tempérament chaud... tel autre l'a froid. Le grec dit simplement : « les uns sont chauds, et les antres sont froids ».

Domine la nourriture. C'est la traduction fidèle de l'original. Ceci veut dire que le corps digère sans peine et complètement la nourriture qu'il reçoit; la suite du texte confirme cette interprétation.

Les uns ont beaucoup de résidus. Ce sont les natures froides.

Les autres. Ce sont les natures chaudes.

§ 2. De se distendre les membres. L'image est juste ; et les exercices distendent toujours les muscles, par les mouvements qu'ils leur imposent.

Par la gymnastique, que les Anciens cultivaient plus régulièrement que les Modernes.

Par son souffle propre. C'est la traduction exacte du texte ; mais cette théorie physiologique ne paraît guère acceptable, si ce n'est en ce sens que les exercices violents agissent surtout sur l'appareil respiratoire. La sueur qu'ils provoquent ouvre les pores, et jusqu'à certain point débarrassent le corps de bien des éléments malsains.

§ 3. Replier le corps sur lui-même. C'est un mouvement si naturel que tout le monde le fait pour dormir; il faut un acte exprès, et contraire, de la volonté pour se coucher autrement.

La plupart des médecins La recommandation des médecins est utile ; mais elle est peu nécessaire, puisque cette position est instinctive.

Le ventre en s'échauffant. Cette première raison peut n'être pas fausse, bien qu'il ne soit pas prouvé que la position ainsi prise favorise la chaleur et la digestion.

En outre... Cette seconde explication peut paraître bizarre ; et l'on ne voit pas sur quel fait physiologique elle s'appuie.

Aux vents. Sous-entendu, Intestinaux. Peut-être, au lieu de Vents , on pourrait traduire Souffles.

Les varices et les autres gonflements. Les varices ne servent pas à l'usage qui est indiqué ici ; elles résultent d'un certain amincissement du tissu des veines ou des artères ; et elles tiennent à des causes qui ne sont pas bien connues. Quelquefois ce sont des marches excessives qui les font saillir aux jambes.

Où les vents peuvent se loger. C'est une simple hypothèse.

 — Il n'y a plus de creux. Que le corps soit étendu ou plié, les cavités qu'il présente n'existent ni plus ni moins.

Les intestins remplissent tout l'espace. La disposition des intestins ne change pas. avec les postures que le corps peut prendre.

§ 4. Pourquoi sent-on le vertige... La question est très curieuse ; mais la solution que donne l'auteur paraît peu satisfaisante. Le fait d'ailleurs est certain ; et quand le vertige vous prend, on est porté à s'asseoir, parce que ce repos arrête l'affection dont on souffre.

Les œufs frais. Le texte a précisément : Crus, au lieu de Frais.

Se mélanger. Le sens du mot grec, appliqué aux œufs, reste obscur. L'auteur a sans doute voulu dire que dans les œufs frais le blanc et le jaune ne se mêlent pas aisément ; et que chacun d'eux reste à sa place.

Mais retombent au fond. Cette traduction est tout à fait insuffisante ; mais elle est fidèle ; et je n'ai pas voulu risquer une interprétation, qui aurait été par trop arbitraire.

En nous. J'ai cru devoir ajouter ces mots, pour que la pensée fût plus claire. L'auteur semble attribuer le vertige à l'agitation de quelque liquide dans le corps. La sensation du vertige a en effet quelque chose de semblable ; c'est, on dirait, une sorte de liquide qui oscille dans le corps et lui ôte tout équilibre.

Dans notre corps. J'ai ajouté ces mots.

§ 5. Quand on se couche sur le côte droit. Le fait n'est pas général, comme l'auteur semble le croire ; et la promptitude du sommeil, plus ou moins grande, dépend beaucoup du tempérament individuel et du régime. Quand on se conche sur la gauche, le cœur peut être gêné en partie ; et la pression du corps peut, l'action de ce viscère étant troublée, retarder la venue du sommeil.

Pendant la veille, on se repose sur le côté gauche. L'expression est évidemment insuffisante ; et il aurait fallu dire dans quels cas on se repose sur le côté gauche plutôt que sur le côté droit, pendant la veille. L'auteur vent faire allusion sans doute à la station sur la jambe gauche, qui nous est plus naturelle que la station sur la jambe droite.

Ce sera le contraire. La raison n'est pas péremptoire, bien que Septali semble s'en contenter.

Le sommeil est l'immobilité. Cette raison, qui s'appuie sur un fait certain, est plus spécieuse, mais n'est guère plus vraie.

Doivent se reposer. Pendant la veille, la gauche n'agit guère moins que la droite ; et les jambes notamment ont une égale action. l'une ne pouvant rien sans l'autre. Il est vrai que la main droite agit plus que la gauche ; mais cette différence n'a aucun rapport au sommeil.

Est en quelque sorte enchaîné. L'expression est fort ingénieuse ; mais elle n'est pas juste. Aristote a fait un traité spécial sur le Sommeil et la Veille ; voir dans les Opuscules (Parva naturalia).

§ 6. Engourdi... engourdissement. L'expression n'est peut-être pas très juste, parce que l'engourdissement ne vient pas toujours du froid, et qu'il suffit d'une position mauvaise d'un membre pour l'engourdir.

L'engourdissement est un refroidissement. Cette assimilation n'est pas assez exacte.

Beaucoup de nerfs. Par nerfs, les Anciens, du temps d'Aristote, comprenaient les nerfs proprement dits et les muscles.

A se refroidir très vite. Les mains, qui sont généralement exposées à l'air plus que les pieds, se refroidissent naturellement plus vite.

§ 7. A se reposer sur le côté gauche. Voir la même question, § 5. « Se reposer» ne suffit pas; il faudrait ajouter: « pendant la veille » et « sur la jambe gauche ». Mais il s'agit sans doute ici du repos que les Anciens prenaient sur des lits ; on devait nécessairement s'appuyer sur le bras et le côté gauches, pour que la main droite fût libre d'agir. Il paraît aussi que les salles à manger recevaient le jour sur le côté gauche des convives, afin qu'ils pussent avoir de la lumière, éclairant le repas. Pour dormir, ou n'avait qu'à tourner le dos au jour, en se mettant sur le côté droit. L'auteur aurait dû entrer un peu plus dans ces détails, pour se faire mieux comprendre.

Nous sommes...sur le côté gauche. Ceci semble confirmer qu'il s'agit dans ce passage de repas pris sur des lits.

Les actes que nous pouvons accomplir. Sous- entendu : « de la main droite ».

En sens contraire... le sens des choses. L'expression grecque signifie simplement : «la forme».