Aristote : Physique

ARISTOTE

PHYSIQUE.

TOME DEUX : LIVRE ΙII : DÉFINITION DU MOUVEMENT. - THÉORIE DE L'INFINI. CHAPITRE X
 

Traduction française : BARTHÉLÉMY SAINT-HILAIRE.

chapitre IX - chapitre XI

paraphrase du livre III

 

 

 

LIVRE III

DÉFINITION DU MOUVEMENT. - THÉORIE DE L'INFINI.

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE X.

Suite; complément de la définition de l'infini.
 

1  ἐπεὶ ἐντεῦθέν γε λαμβάνουσι τὴν σεμνότητα κατὰ τοῦ ἀπείρου, τὸ πάντα περιέχειν καὶ τὸ πᾶν ἐν ἑαυτῷ ἔχειν, διὰ τὸ ἔχειν τινὰ ὁμοιότητα τῷ ὅλῳ. 2 Ἔστι γὰρ τὸ ἄπειρον τῆς τοῦ μεγέθους 3 τελειότητος ὕλη καὶ τὸ δυνάμει ὅλον, ἐντελεχείᾳ δ' οὔ, διαιρετὸν δ' ἐπί τε τὴν καθαίρεσιν 4 καὶ τὴν ἀντεστραμμένην πρόσθεσιν, 5 ὅλον δὲ καὶ πεπερασμένον οὐ καθ' αὑτὸ ἀλλὰ κατ' ἄλλο· 6 καὶ οὐ περιέχει ἀλλὰ περιέχεται, ᾗ ἄπειρον. 7 Διὸ καὶ ἄγνωστον ᾗ ἄπειρον· εἶδος γὰρ οὐκ ἔχει ἡ ὕλη. Ὥστε φανερὸν ὅτι μᾶλλον ἐν μορίου λόγῳ τὸ ἄπειρον ἢ ἐν ὅλου· μόριον γὰρ ἡ ὕλη τοῦ ὅλου ὥσπερ ὁ χαλκὸς τοῦ χαλκοῦ ἀνδριάντος, 9 ἐπεὶ εἴ γε περιέχει ἐν τοῖς αἰσθητοῖς, καὶ ἐν τοῖς νοητοῖς τὸ μέγα καὶ τὸ μικρὸν ἔδει περιέχειν τὰ νοητά. Ἄτοπον δὲ καὶ ἀδύνατον τὸ ἄγνωστον καὶ ἀόριστον περιέχειν καὶ ὁρίζειν.
 

§ 1. C'est qu'en effet si l'on trouve une si haute importance à l'infini, qui, dit-on, embrasse toutes choses et qui renferme tout l'univers en soi, c'est qu'il a bien quelque ressemblance avec un entier, avec un tout. § 2. L'infini est, on peut dire, la matière de la perfection que peut recevoir la grandeur. § 3. Il est l'entier, le tout en puissance, mais non point en acte. § 4. Il est divisible, soit par le retranchement, suit par l'addition prise en sens inverse. § 5. Il devient entier, si l'on veut, et fini, non pas en soi, mais relativement à un autre terme. § 6. À vrai dire, il ne contient pas; mais il est contenu, en tant qu'infini. § 7. Et ce qui fait qu'il est impossible de le connaître en tant qu'infini, c'est que la matière n'a pas de forme. § 8. Donc il est évident que l'idée de l'infini est plutôt renfermée dans la notion de partie que dans la notion d'entier et de tout ; car la matière est une partie du tout, de l'entier, comme l'airain est une partie de la statue, dont il est la matière. § 9. Du reste, si dans les choses sensibles et intelligibles, c'est le grand et le petit qui embrassent toutes choses, il faudrait aussi qu'ils embrassassent les intelligibles; mais il est absurde et impossible que ce soit l'inconnu et l'indéterminé qui embrassent les choses, et les fassent connaître en les déterminant.


 

Ch. X, § 1. Dit-on, cette pensée n'est pas exprimée formellement dans le texte: mais elle y est impliquée; et j'ai cru pouvoir la faire saillir.

- Embrasse toutes choses et renferme tout l'univers en soi, il est probable que c'est là une citation textuelle, on tout au moins un résumé, des théories qu'Aristote combat.

- Avec un entier, avec un tout, il n'y n qu'un seul mot dans le texte.

§ 2. L'infini est, on peut dire, c'est la définition personnelle d'Aristote; ce n'est plus une citation de théories antérieures.

- La matière de la perfection, c'est-à-dire de l'achèvement, de l'entéléchie, que la forme vient apporter à la matière.

- Que peut recevoir la grandeur, le texte dit simplement « De la grandeur. » Cette phrase d'ailleurs peut sembler assez recherchée, en même temps qu'elle est obscure.

§ 3. Il est l'entier, le tout, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

- En puissance et non point en acte, il n'est peut-être pas exact de dire que l'infini soit le tout en puissance; car d'après la démonstration établie plus haut, ch. 8. § 10, l'infini s'approche du tout autant qu'on le veut; mais il n'est jamais égal au tout lui-même.

§ 4. Il est divisible, soit par le retranchement, voir plus haut, ch. 8. § 10.

 - L'addition prise en sens inverse, c'est-à-dire en ajoutant indéfiniment à l'une des moitiés du tout les parties proportionnelles qu'on enlève indéfiniment à l'autre moitié.

§ 5. Si l'on veut, cette nuance est implicitement dans le contexte sans y être formellement exprimée.

- Relativement à un autre terme, comme dans l'exemple cité au § 10 du ch. 8, l'infini qui croit et celui qui décroît, sont finis relativement aux deux moitiés du tout dont l'une n'est jamais épuisée, et dont l'autre ne, devient jamais égale à l'entier primitif.

§ 6. À vrai dire, nuance que fui tirée du contexte où elle n'est qu'implicitement.

 - Il est contenu en tant qu'infini, cette théorie qui peut paraître singulière au premier coup d'oeil, est conforme à la démonstration donnée plus haut, ch. 8, § 10.

§ 7. La matière n'a pas de forme, c'est toute la théorie qui a été exposée plus haut, Livre I, ch. 8, § 18, et surtout Livre II, ch, I, § 16.

§ 8. Donc il est évident, même remarque qu'au § 6. Cette théorie qui fait de l'infini une sorte de partie, est la conséquence de la théorie exposée au ch. 8, § 10; mais l'infini réveille l'idée de partie non pas en tant qu'il est lui-même une partie, mais en tant qu'il se compose de parties successives ajoutées sans terme les unes aux-autres.

- Du tout, de l'entier, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

- Une partie de la statue, et l'autre partie serait la forme.

- Dont il est la matière, le texte dit simplement : « de l'airain. »

§ 9. C'est le grand et le petit, suivant la théorie de Platon, qui a reconnu deux espèces d'infinis, l'un de grandeur et l'autre de petitesse. Voir plus haut ch. 8, § 13.

- Les intelligibles, c'est-à-dire les Idées, au sens où Platon les entend.

- L'inconnu et l'indéterminé, il est probable que ce sont là deux expressions qu'Aristote veut attribuer à Platon.