retour à l'entrée du site

 

TABLE DES MATIÈRES DES PARTIES DES ANIMAUX

 

table des matières de l'œuvre d'Aristote

 

ARISTOTE

 

 

TRAITÉS

 

DES PARTIES DES ANIMAUX

 

ET

 

DE LA MARCHE DES ANIMAUX

 

 



TRAITÉS

DES PARTIES DES ANIMAUX

ET

DE LA MARCHE DES ANIMAUX

 

D'ARISTOTE

 

TRADUITS EN FRANÇAIS POUR LA PREMIÈRE FOIS

ET

ACCOMPAGNÉS DE NOTES PERPÉTUELLES

PAR


J. BARTHELEMY-SAINT HILAIRE

MEMBRE DE L'INSTITUT. SÉNATEUR

 

-------------------------

 

TOME SECOND

---------------------------


PARIS.

 LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie

79. BOULEVARD SAINT-GERMAIN. 79

 

 

texte grec

pour avoir le texte grec d'un chapitre, cliquer sur le chapitre.

 

 

 

 

TRAITÉ

DES

PARTIES DES ANIMAUX

D'ARISTOTE

LIVRE IV

CHAPITRE PREMIER

Des intestins et de l'estomac chez les quadrupèdes ovipares et chez les reptiles ; analogies des reptiles et des poissons ; leur différence ; la vessie de la tortue ; couleur des excréments chez tous ces animaux ; rapports de la vipère et des sélaciens ; conformation spéciale des intestins chez les reptiles ; ressemblance des viscères, chez tous les animaux qui ont du sang.

 

(676a) 1 La même organisation des viscères et de l'estomac, et de chacune des parties dont il vient d'être question, se retrouve chez les quadrupèdes ovipares, et aussi chez les animaux dépourvus de pieds, comme sont les serpents. La nature du serpent se rapproche beaucoup de ces animaux, puisqu'on pourrait dire du serpent qu'il est un long lézard sans pieds.

2 Du reste, tout se ressemble dans les serpents et les poissons, sauf que les uns ont un poumon parce qu'ils vivent sur terre, et que les autres ont des branchies à la place du poumon. Les poissons n'ont pas de vessie ; et parmi les reptiles, la tortue est le seul qui en ait une. Comme ces animaux ne boivent presque pas, parce que leur poumon n'a pas de sang, l'humidité tourne chez eux en écailles, de même que, chez les oiseaux, elle tourne en plumes.

3 Dans tous ces animaux, l'excrément revêt une couleur blanchâtre, de même que chez les oiseaux. Cela lient à ce que, dans ceux qui ont une vessie, il reste une saumure terreuse dans les vaisseaux, après que l'excrément est sorti. La portion douce et potable des fluides est employée dans les chairs, précisément parce qu'elle est légère.

(677a) 4 Dans le genre des reptiles, la vipère présente, comparativement à tous les autres, la même différence qui distingue les sélaciens du reste des poissons. Les sélaciens et les vipères sont également vivipares au dehors, mais préalablement ils sont ovipares à l'intérieur. D'ailleurs, tous ces animaux n'ont qu'un seul estomac, comme tous les autres aussi qui ont une double rangée de dents. Ils ont également de très petits viscères, comme tous les animaux qui manquent de vessie.

5 Les reptiles, par suite de la conformation de leur corps longue et étroite, ont les viscères fort allongés par la même raison, et fort dissemblables de ceux des autres animaux, parce qu'il a fallu que les formes de ces viscères ne fussent en quelque sorte qu'esquissées pour se modeler sur la place où ils sont posés.

6 Tous les animaux pourvus de sang ont un épiploon, un mésentère, et tout ce qui se rapporte à la nature des viscères. Tous aussi ont un poumon et une trachée-artère, sauf les poissons. Dans tous ceux qui ont une trachée-artère et un œsophage, ces parties sont disposées delà même manière, par les raisons que nous en avons précédemment données.



 

§  1. La même organisation des viscères... Le sujet, commencé au chapitre iv du liv. III, sur les viscères, se poursuit ici; et ce premier chapitre du liv. IV est la suite et le complément du livre précédent. J'ai cependant suivi la division ordinaire des livres, bien qu'elle soit peu justifiée ; mais il y a toujours plus d'inconvénient que d'avantage à s'écarter de la tradition en ce genre.

Chez les quadrupèdes ovipares. Comme les lézards, les crocodiles, etc.

Serpent... un long lézard. Dans la classification de Cuvier, Règne animal, tome II; les reptiles sont divisés en quatre ordres, chéloniens, sauriens ou lézards, ophidiens ou serpents, et batraciens. Sur les lézards, voir loc. cit., pp. 30 et suiv., édit. de 1829, et sur les serpents, p. 71. Le rapprochement qu'Aristote fait ici entre les serpents et les lézards est peut-être exagéré. Voir l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. XII, § 17, pp. 186 et suiv.

§ 2. Dans les serpents et les poissons. La ressemblance est réelle pour certaines espèces; mais il ne faut pas l'étendre trop loin.

Un poumon. Les serpents en général n'ont qu'un grand poumon, avec un petit vestige d'un second; Cuvier, loc. cit., p. 75. Les serpents dits Rouleaux n'ont même qu'un seul poumon, ainsi que les Amphisbènes.

La tortue... Voir plus haut, ch. viii, § 3, p. 76.

L'humidité se tourne... en écailles... en plumes. Voir l'Histoire des Animaux, liv. I, ch. i, § 8, p. 6 de ma traduction.

§ 3. Une couleur blanchâtre. Le fait est exact, comme on peut le vérifier plus particulièrement sur la tortue.

Une saumure terreuse. Ceci se rattache à la théorie des quatre éléments, qu'Aristote adopte toujours. Voir Cuvier, Anatomie comparée, xxxe leç., tome V, p. 220, lre édit.

Douce et potable. La science moderne ne ratifierait pas ces théories.

§ 4. La vipère... les sélaciens. Le rapprochement entre la vipère et les sélaciens n'est pas faux, en ce sens que, parmi les sélaciens, les femelles de quelques espèces ont des oviductes qui tiennent lieu de matrice, pour les petits qui éclosent dans le corps. D'autres espèces font des œufs revêtus d'une coque cornée. La vipère aussi a des œufs qui éclosent avant d'avoir été pondus; Cuvier, Règne animal, t. II, p. 87 et p. 384, édit. de 1829.

 — Ils sont ovipares à l'intérieur. C'est-à-dire que les petits éclosent au dedans, avant de paraître au dehors.

Tous ces animaux. Ceci est un peu vague, et l'on ne sait a quoi précisément le rapporter. Les animaux dont on vient de parler sont les reptiles, les sélaciens, et aussi les oiseaux.

Une double rangée de dents. Ce sont tous les mammifères, sauf les ruminants.

§ 5. Les reptiles. Aristote entend parler surtout des serpents, comme le prouvent les détails qui suivent.

Longue et étroite. C'est cette conformation qui frappe tout d'abord dans les serpents; et elle entraîne une foule de conséquences dans leur organisation générale. Les viscères doivent se rétrécir en proportion, ainsi qu'Aristote le fait  observer avec toute raison.

§ 6. Ont un épiploon, un  mésentère... Tout ce paragraphe peut paraître bien écourté, et même assez déplacé. On peut croire que c'est quelque addition qui sera passée de la marge dans le texte.

Trachée-artère.... œsophage. Même remarque.

Précédemment données. Ceci doit se rapporter à tous les développements qui ont été
donnés sur les viscères, depuis  le chapitre iv du liv. III ; mais  on peut le rapprocher aussi de  l'Histoire des Animaux, liv. II, chap. xi et xii.
 

CHAPITRE II

Position de la bile dans les animaux qui ont du sang, et spécialement dans les reptiles et les poissons ; erreurs sur la fonction de la bile ; différences entre des espèces diverses et dans la même espèce ; la bile dans l'homme, dans les moutons et les chèvres de Naxos et de Chalcis ; réfutation de la théorie d'Anaxagore ; nature de la bile dans ses rapports avec le sang ; douceur ou âcreté du foie; théories anciennes sur la corrélation de la bile et de la longévité ; observations insuffisantes ; la bile est nécessaire dans tous les animaux qui ont du sang ; c'est une sécrétion qui les purifie ; le foie est le seul viscère qui puisse accomplir cette fonction indispensable.

1 La plupart des animaux pourvus de sang ont de la bile, tantôt dans le foie, et tantôt isolée et suspendue dans les intestins, comme si la nature de la bile dépendait tout autant que le reste de la cavité inférieure du corps. C'est ce qu'on peut vérifier surtout chez les poissons ; ils ont tous du fiel, et presque tous l'ont dans les intestins. Il y en a même chez qui la bile est répandue dans tout le tissu intestinal, par exemple l'amia. La plupart des reptiles l'ont également placée de cette manière.

2 Cela prouve bien qu'on est dans l'erreur quand on soutient que la nature de la bile doit servir à la sensation ; car il y a des naturalistes qui prétendent que la bile n'a pour fonction que de corroder la partie de l'âme qui réside dans le foie et de la condenser ; et que, quand elle s'épanche librement, elle rend l'âme plus douce. Certains animaux n'ont pas du tout de fiel, le cheval, le mulet, l'âne, le cerf, le daim. Le chameau n'a pas de vésicule biliaire isolée ; mais ce sont plutôt des veinules qui sont comme bilieuses. Le phoque non plus n'a pas de fiel, ni encore le dauphin, parmi les poissons de haute mer.

3 Parfois, dans un même genre, certains animaux ont du fiel, tandis que certains autres n'en ont pas ; par exemple, dans le genre des rats. Tel est l'homme lui-même ; il y a des gens chez qui l'on trouve de la bile dans le foie ; et d'autres n'en ont pas. De là des doutes en ce qui concerne l'organisation du genre dans sa totalité. Parce qu'on a observé par hasard des sujets qui étaient de l'une ou de l'autre façon, on prononce sur tous les autres comme si tous, sans exception, étaient organisés de même. C'est ce qu'on peut observer aussi sur les moutons et les chèvres. Presque toujours ces animaux ont du fiel ; (677b) et parfois même ils en ont un tel excès qu'on y voit une monstruosité, comme dans le bétail de Naxos; mais, d'autres fois, ils n'en ont pas du tout, comme dans quelques localités qu'on cite aux environs de Chalcis, en Eubée.

4 On peut ajouter que, dans les poissons, le fiel est fort loin du foie, ainsi que nous l'avons déjà dit. Mais Anaxagore se trompe quand il suppose que la bile est cause de maladies aiguës, lorsque, par suite de son abondance excessive, elle reflue vers le poumon, les veines et les côtes, qu'elle remplit. En général, les animaux qui souffrent de ces affections morbides n'ont pas de bile ; et c'est ce qu'on verrait clairement si l'on prenait la peine de les disséquer. La quantité de bile qui se forme dans ces maladies et celle qui s'épanche n'ont pas le moindre rapport.

5 A notre avis, de même que la bile qui peut se trouver dans le reste du corps n'est qu'une excrétion et une pourriture de certaine espèce, de même celle qui est dans le foie n'est également qu'une excrétion d'un certain genre, et n'a pas de but ultérieur, non plus que le dépôt qui se forme dans le ventre et dans les intestins. Il est vrai que parfois la nature utilise les excrétions mêmes ; mais ce n'est pas à dire qu'il faille chercher toujours à découvrir dans quel but la chose est faite; et il faut se borner à constater que, telles conditions étant données, il y a beaucoup d'autres phénomènes qui, de toute nécessité, suivent ces premières conditions.

6 Les animaux chez lesquels la constitution du foie est saine et chez lesquels la partie du sang qui, par la sécrétion, se rend dans le foie, est naturellement douce, ne retiennent pas du tout de bile dans le foie, ou n'en ont que dans quelques petites veines ; ou bien les uns en ont, tandis que les autres n'en ont pas. Aussi, les foies de ceux qui n'ont pas de bile sont d'une belle couleur et d'un goût agréable, du moins le plus ordinairement; et dans ceux qui ont de la bile, la partie du foie la plus douce au goût est précisément celle qui est sous la bile. Quand la constitution des parties est d'un sang moins pur, l'excrétion qui en est formée devient de la bile; car l'excrétion est, on peut dire, le contraire de la nutrition, comme la saveur amère est le contraire de la saveur douce; et le sang qui est doux est celui qui fait la santé.

7 On doit donc bien voir que la bile n'a pas un but spécial pour cause ; mais qu'elle est une purgation. Aussi, donnons-nous pleine raison aux anciens naturalistes qui disent que ce qui contribue à faire vivre certains êtres plus longtemps, c'est de n'avoir pas de bile, et qui rapportent cette observation aux solipèdes et aux cerfs ; ces animaux, en effet, n'ont pas de bile, et ils vivent très vieux. Mais d'autres animaux dont ces observateurs n'ont pas dit qu'ils soient sans bile, comme le dauphin et le chameau, ont aussi une existence très longue,

8 La raison reconnaît donc que cette fonction du foie, qui est si utile et si nécessaire, se trouve dans tous les animaux qui ont du sang, et que, selon ce qu'elle est, elle devient la cause d'une vie plus ou moins longue. (678a) Il n'est pas moins conforme à la raison qu'une sécrétion de ce genre appartienne à ce viscère et n'appartienne à aucun autre. Car il n'est pas possible qu'aucun fluide du même genre approche du cœur, qui ne pourrait supporter aucune affection violente. Les autres viscères ne sont jamais absolument indispensables aux animaux ; et il n'y a que le foie qui soit dans cette condition. On aurait certainement tort de croire qu'il n'y a pas d'excrétion partout où l'on voit du flegme ou un dépôt du ventre; mais il n'est pas moins clair que la bile est une excrétion, et que la différence des lieux n'a en ceci aucune importance.

§ 1. Ont de la bile. Cette généralité est exacte ; et tous les vertébrés ont de la bile.

Tantôt dans le foie. La fonction propre du foie, c'est de sécréter la bile, et, en la versant dans le canal intestinal, de modifier le chyme alimentaire, qu'elle convertit en chyle. En même temps, elle excite dans le canal une irritation qui contribue à la propulsion du bol alimentaire. Ce sont les conduits hépatiques qui transportent la bile à l'intestin ; mais la bile est détournée, en quantité plus ou moins grande, dans un réservoir particulier, qui est la vésicule du fiel ; voir Cuvier, Anatomie comparée, xxiie leçon, t. IV, pp. 5 et 35, 1" édit.

Tantôt isolée et suspendue. C'est la vésicule du fiel qu'Aristote désigne ici. Il a bien raison de signaler cette différence dans la sécrétion de la bile, puisqu'il y a une foule d'animaux qui en sont dépourvus, l'éléphant, le rhinocéros, les cerfs, les chameaux, les solipèdes, le marsouin, le dauphin, etc.; Cuvier, loc. cit., p. 36.

Comme si la nature de la bile... Ceci n'est pas très clair; et sans doute Aristote veut faire allusion au rôle delà bile dans la digestion.

Chez les poissons. Le foie est généralement très considérable dans les poissons ; et d'ordinaire il ne forme qu'une seule masse. La situation de la vésicule est très variable; elle est fort grosse dans les espèces les plus voraces. Voir Cuvier, loc. cit. p. 41.

L'amia. Je ne sais pas si la science moderne a sanctionné cette observation d'Aristote ; mais ce détail prouve qu'il avait disséqué ce poisson avec grand soin ; voir Cuvier, Règne animal, t. II, p. 327 sur l'amia, et la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 827, trad. franc. ; voir aussi le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, t. I, p. 124 de leur édition et traduction de l'Histoire des Animaux. L'amia est le boni ton, la pélamys sarda de la Zoologie moderne, dont
Cuvier et Valenciennes ont décrit la vésicule biliaire.

La plupart des reptiles. Voir Cuvier, Anatomie comparée, t. IV, p. 40t xxIIe leçon.

§ 2. Doit servir à la sensation. L'erreur que réfute Aristote est assez singulière, et il est difficile de voir quel était le fondement de cette théorie. Peut-être venait «elle du rapport qu'on croyait trouver entre le tempérament bilieux et le caractère.

Elle rend l'âme plus douce. Les gens atrabilaires sont en général fort irritables.

Le cheval... le cerf... le chameau... Toutes ces observations sont fort exactes, et la zoologie actuelle les a confirmées.

Des veinules. Ce sont sans doute les canaux hépatiques, qui naissent dans le foie par une foule de racines excessivement fines.

Le phoque... le dauphin. Ces remarques sont également exactes.

§ 3. Parfois dans un même genre... le genre des rats ... l'homme. Je ne sais pas si la zoologie moderne a reconnu l'exactitude complète de tous ces détails ; mais ils témoignent encore une fois, après tant d'autres, et du soin qu'Aristote apportait dans toutes ces études, et de ses travaux anatomiques. Les différences entre des individus de la même espèce n'ont pu être reconnues que par les dissections les plus attentives.

On a observé par hasard ... on prononce. C'est toujours l'erreur qui conclut du particulier au général.

Les moutons et les chèvres. Ceci est exact.

Naxos... Chalcis en Eubée. Les mêmes faits sont rapportés dans l'Histoire des Animaux, liv. I, ch. xiv, § 11, p. 91 de ma traduction.

§ 4. Dans les poissons. Sur le foie des poissons et leur vésicule, on peut voir Cuvier, Anatomie comparée, xxne leçon, pp. 15, 32 et 41, Inédit., t. lV.

Fort loin du foie. Ceci ne semble pas très exact.

Nous l'avons déjà dit. Plus haut, § 1.

Anaxagore. Sur les travaux zoologiques d'Anaxagore, voir la Préface à l'Histoire des Animaux, p. LIX.

Elle reflue... Il faut sous-entendre : « D'après la théorie d'Anaxagore ».

La peine de les disséquer. Voilà une des preuves les moins contestables des dissections auxquelles Aristote a dû se livrer.

N'ont pas le moindre rapport. Cette affirmation est bien concise ; il aurait fallu la développer davantage.

§ 5. Qui peut se trouver dans le reste du corps. Peut-être Aristote veut-il par là indiquer la jaunisse.

N'a pas de but ultérieur. L'action de la bile sur la digestion et sur l'organisme entier n'a été bien connue que de notre temps ; voir Cuvier, Anatomie comparée, xxiie leçon, 1e édit.

Chercher toujours à découvrir... C'est au contraire ce qu Aristote a toujours fait, et ce qu'il a fait spécialement dans le présent traité; on ne saurait l'en blâmer, bien qu'il soit souvent prudent à la science de ne pas prononcer sur le but que se propose la nature.

Se borner à constater. Règle de méthode très sage, quand elle est appliquée avec discernement.

§ 6. La constitution du foie est saine. C'est-à-dire, qui n'ont pas de maladie de foie.

La partie du sang. Aristote ne pouvait pas savoir que le foie est alimenté par du sang veineux, au lieu de l'être par du sang artériel, comme tous les autres viscères; voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leç., p. 2, 1e édit.

D'un goût agréable. Dans les animaux dont le foie peut servir à la nourriture de l'homme.

La plus douce au goût. Le texte dit simplement: La plus douce.

Qui est sous la bile. Ceci ne se comprend pas bien ; c'est la traduction littérale ; mais par la bile, il faut sans doute entendre ici la vésicule biliaire. A propos de la douceur du foie, quelques commentateurs ont cru qu'Aristote avait eu comme un pressentiment de la découverte faite de nos jours par Claude Bernard, sur l'élaboration du sucre par le foie. Cette conjecture trop favorable au naturaliste grec n*a rien de fondé, et Aristote ne parle ici que de la saveur et du goût qu'offre le foie quand on le mange.

Des parties. J'ai ajouté ces mots.

Devient de la bile. Il semblerait d'après ceci que la bile résulterait de quelque corruption du sang ; il n'en est rien ; et la bile est un produit indispensable à la bonne digestion et à la santé ; ce produit est tout à fait naturel.

§ 7. N'a pas un but spécial. Tout au contraire le but de la bile, pour prendre les expressions aristotéliques, est très bien déterminé ; c'est une des humeurs qui doivent être versées dans le canal alimentaire, et qui sont absolument nécessaires au travail dont il est chargé.

Anciens naturalistes. Il est regrettable que l'auteur ne les nomme pas.

C'est de n'avoir pas de bile. C'est là une erreur qui se trouve parfaitement réfutée quelques lignes plus bas.

Aux solipèdes et aux cerfs. Sur l'âge des chevaux, voir l'Histoire des Animaux, liv. VI, ch. xxii, § 7, p. 371 de ma traduction, et aussi la note de la page 375. Pour les cerfs et leur longévité, voir le même ouvrage, liv. VI, ch. xxvi, § 5, p. 387.

Le dauphin et le chameau. Ceci est exact ; voir Cuvier, Anatomie comparée, xxiie leçon, t. IV, p. 36, 1re édit. Aristote n'a pu connaître ce détail anatomique que par la dissection.

§ 8. Qui est si utile et si nécessaire. L'observation est parfaitement juste ; mais elle contredit ce qui a été dit un peu plus haut, § 7.

La cause d'une vie plus ou moins longue. Il n'y a pas de preuve suffisante de l'exactitude de cette théorie.

Approche du cœur. Il est certain que le cœur a une tout autre fonction, et qu'il ne saurait sécréter la bile, qui a un organe spécial dans le foie.

Ne sont jeûnais absolument indispensables. Cette théorie n'est pas exacte ; et le cœur, ou l'organe correspondant, est au moins aussi indispensable que le foie, dans toutes les espèces d'animaux.

Il n'y a que le foie... La physiologie moderne n'a pas ratifié cette théorie.

La bile est une excrétion. Aristote semble croire en résumé que la bile est une matière excrémentielle, et qu'elle doit être rejetée du corps, comme la partie des aliments qui ne peut pas être utilisée pour la nutrition ; il n'en est rien ; la bile est une sécrétion régulière, comme celle du pancréas; et l'une et l'autre exercent une action puissante, quoique obscure, sur la masse du sang ; toutes deux sont très utiles.


 

CHAPITRE III

De l'épiploon ; citation d'études antérieures ; position et fonction de l'épiploon dans les animaux, terrestres ou aquatiques, qui ont du sang ; formation de l'épiploon ; sa nature membraneuse; ses rapports avec le sang, la graisse et le suif ; sa fonction est de concourir avec le foie à la coction des aliments, afin que, dans tous les animaux, cette cuisson soit plus facile et aussi plus rapide.

 

1 Nous venons de voir ce qu'est la bile, et pourquoi certains animaux en ont, tandis que d'autres n'en ont pas; maintenant, il nous reste à parler du mésentère et de l'épiploon, puisque ces deux viscères sont aussi dans le même lieu et qu'ils font partie de ces organes. L'épiploon est une membrane garnie de suif chez les animaux qui ont du suif, et garnie de graisse chez ceux qui ont de la graisse ; et nous avons expliqué antérieurement la nature de la graisse et du suif.

2 Dans les animaux qui n'ont qu'un seul estomac et dans ceux qui en ont plusieurs, l'épiploon est de la même manière suspendu, à partir du milieu de l'estomac, comme une couture tracée au-dessous. Il enveloppe le reste du ventre et la totalité des intestins, dans tous les animaux qui ont du sang, soit terrestres, soit aquatiques ; sa disposition y est toujours semblable, et l'organisation de ce viscère est indispensable telle qu'elle est.

3 En effet, quand un mélange de sec et d'humide vient à s'échauffer, l'extrémité se change toujours en une sorte de peau et de membrane ; or ce lieu du corps est constamment plein d'aliments de cette espèce. De plus, l'épaisseur même de la membrane fait que la partie du sang nourricier qui y filtre devient nécessairement de la graisse, puisque c'en est la partie la plus légère ; et que, recuite par la chaleur qui est dans ces lieux, elle se change en suif et en graisse, au lieu de rester de la chair et du sang.

4 Telle est donc l'origine de l'épiploon, qui est ce qu'on vient de dire ; la nature remploie pour achever la complète coction des aliments, et faire que les animaux digèrent et cuisent leur nourriture plus aisément et plus vite. La chaleur fait cuire les choses; or, la graisse est chaude, et l'épiploon est gras. Si donc l'épiploon est flottant au milieu du ventre, c'est pour que la partie postérieure concoure à la coction avec le foie, qui est placé tout auprès.
 

§ 1. Du mésentère. Voir au chapitre suivant; celui-ci sera exclusivement consacré à l'épiploon. L'un et l'autre ne sont que des prolongements du péritoine. Après avoir tapissé l'abdomen, le péritoine se replie sur lui-même pour former les mésentères, et les épiploons, qui fixent et enveloppent différentes portions du canal alimentaire, ou qui forment des culs-de-sac, dont les parois, ordinairement chargées de graisse, sont plus ou moins libres et flottantes dans la cavité abdominale; voir Cuvier, Anatomie comparée, xxiie leçon, tome lV, pp. 68, 74 et 83, 1ire édition.

Garnie de suif. Ou plutôt dégraisse, d'une manière générale ; mais Aristote a soin de faire la distinction selon les diverses espèces d'animaux.

Antérieurement. Voir l'Histoire des Animaux. livre III, ch. XIII, p. 288 de ma traduction ; voir aussi sur l'épiploon et sa place, id. ibid., ch. II, § 3, p. 283.

§ 2. L'épiploon est suspendu. Cette description n'est pas fausse, mais elle est incomplète ; pour savoir précisément quelle est la place des ép-ploons, il faut lire Cuvier, Anatomie comparée, tome IV, pp. 83 et suiv.

Une couture tracée au-dessous. Ce n'est pas là l'apparence des épiploons ; et ce sont évidemment des replis bien plutôt que des coutures.

Il enveloppe..... Ceci s'applique au péritoine et non à l'épiploon.

Sa disposition y est toujours semblable. Ceci est exagéré, et l'on peut voir dans Cuvier, loc. cit., pp. 83 et suiv., toutes les variétés que présente l'épiploon dans les seuls mammifères.

§ 3. En effet... Toute la théorie qui est développée dans ce paragraphe peut paraître bien insuffisante; elle tient à celle des quatre éléments, qui a régné dans toute l'Antiquité, et qui n'a disparu que devant les progrès de la chimie moderne.

L'épaisseur même de la membrane Cette explication est la suite de la précédente.

§ 4. L'origine de l'épiploon. Il est toujours fort difficile de découvrir la vraie cause ; mais ici celle qu'on attribue à l'épiploon peut paraître bien incomplète. Le mieux, était de constater simplement le fait, sans essayer de remonter plus haut.

La nature l'emploie Il est bien certain que la nature a eu un but en faisant l'épiploon tel qu'il est; mais quel est au juste ce but? La science le cherche encore. Mais d'une manière toute générale, l'épiploon ou les épiploons, par la place seule qu'ils occupent, doivent concourir a la fonction de la digestion.

L'épiploon est gras. Ceci est exact; mais la graisse est moins abondante dans l'épiploon gastro-hépatique, que dans le gastro-colique, et dans les petits appendices des gros intestins ; voir Cuvier, Anatomie comparée, loc. cit., p. 85.

Flottant au milieu du ventre. C'est de là que lui est venu son nom, comme on sait.

Avec le foie, qui est placé tout auprès. L'épiploon gastrohépatique sert de moyen d'union entre le foie et l'estomac. De la surface inférieure du foie, il s'étend à la petite courbure de l'estomac, et il tient aussi à la petite courbure depuis l'œsophage jusqu'au duodénum; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome IV, p. 84.

CHAPITRE IV

Du mésentère ; sa position, son organisation ; ses fonctions dans les animaux qui ont du sang ; il conduit le produit de l'alimentation de l'estomac dans les veines ; les veines sont comme les racines du mésentère, analogues aux racines des plantes ; complément de cette théorie annoncé pour le Traité de la Génération des Animaux et pour le Traité de l'Alimentation.

 

1 Après avoir parlé de l'épiploon, nous devons dire que le viscère nommé le mésentère est une membrane qui existe sans discontinuité, à partir de toute l'étendue des intestins (678b) jusqu'à la grande veine et à l'aorte ; il est rempli de veines nombreuses et épaisses, qui se rendent des intestins à l'aorte et à la grande veine. Nous trouverons que son organisation est aussi nécessaire que celle de toutes les autres parties du corps ; et pour peu qu'on y regarde, on comprendra pourquoi le mésentère a été donné aux animaux qui ont du sang.

2 En effet, comme nécessairement les animaux doivent tirer leurs aliments du dehors, et que c'est de ces aliments que provient la nourriture définitive qui se répartit dans toutes les parties du corps, et qui, n'ayant pas de nom dans les animaux dépourvus de sang, s'appelle le sang dans les animaux qui en ont, il doit y avoir quelque organe qui permette à la nourriture de cheminer de l'estomac dans les veines, comme à travers des racines.

3  Les plantes ont leurs racines dans le sol, d'où elles tirent leur nourriture ; chez les animaux, c'est l'estomac et l'action puissante des intestins qui est la terre destinée à leur fournir l'alimentation. La nature du mésentère est en quelque sorte d'avoir pour racines les veines qui le traversent. On voit par là ce qu'est la fonction du mésentère et son objet. Quel est le procédé par lequel les animaux se nourrissent, et comment, extrait des aliments ingérés, circule, par le moyen des veines dans les diverses parties du corps, ce qui est successivement transporté dans les veines, c'est ce que nous dirons plus tard dans nos traités sur la Génération des animaux et sur l'Alimentation.

4 Nous venons de montrer ce qu'est l'organisation des animaux qui ont du sang dans les parties spéciales que nous avons étudiées, et nous en avons expliqué les fonctions. La suite et le complément de ce qui précède seraient de parler de tout ce qui se rapporte et concourt à la génération, en tenant compte des différences qui distinguent la femelle du mâle; mais, comme nous aurons à traiter plus tard de la génération, il sera plus convenable de renvoyer ce que nous aurons à dire sur ces sujets à l'étude spéciale que nous aurons à en faire.
 

§ 1. Le mésentère ... Voir le chapitre précédent, § 1.

 — Le mésentère, ou plutôt les mésentères, sont des prolongements du péritoine qui fournissent une enveloppe extérieure au canal intestinal, et qui le retiennent aux parois de l'abdomen; ils existent dans tous les vertébrés ; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome IV, pp. 74 et suiv., 1re édit.

Jusqu'à la grande veine et à l'aorte. Ceci est assez exact anatomiquement, sans être d'ailleurs assez précis. Le mésentère proprement dit est un vaste repli étendu en avant de la colonne vertébrale, non loin de laquelle passent en effet la veine cave et l'aorte. Puis, viennent les autres mésentères, mésocolon ascendant et descendant, mésocolon transverse, mésocolon iliaque, et mésorectum. Les mésentères vont des parois abdominales à un organe, pour y porter les vaisseaux et les nerfs qui lui appartiennent.

Des intestins à l'aorte... Ces détails sont assez exacts.

Pour peu qu'on y regarde. Et qu'on observe les faits avec le soin qu'Aristote a toujours recommandé.

§ 2. En effet, comme... L'explication donnée ici ne s'applique pas assez directement au mésentère, et elle pourrait aussi bien s'appliquer a tout autre organe.

Il doit y avoir quel que organe... Ceci est exact; mais ce n'est pas là la fonction des mésentères. La fonction qu'Aristote veut désigner ici, et qui est en effet indispensable, est celle des vaisseaux chylifères, qui prennent naissance de la paroi interne des intestins, et qui sucent dans l'intestin toutes les portions définitivement nutritives ; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome III, p. 7, De la digestion en général.

A travers des racines. Voir plus haut, livre II, ch. iii, § 9, cette métaphore déjà employée par l'auteur. Cuvier se sert, toc. cit., de la même métaphore, qui se présente tout naturellement, et il parle « de la succion de petites racines des vaisseaux chylifères. »

§ 3. Qui est la terre. Suite de la métaphore employée dans le paragraphe précédent.

D'avoir pour racines les veines. Ce n'est pas là une condition particulière aux mésentères ; tous les viscères, tous les organes du corps en sont là ; ils sont tous alimentés par le sang que leur apportent les artères, et qui est ramené au cœur par les veines. Les artères principales du mésentère sont l'artère mésentérique supérieure, qui naît de la partie antérieure de l'aorte au-dessous du trou cœliaque, et gagne le mésentère près du mésocôlon transverse, et l'artère mésentérique inférieure, moins volumineuse.

On voit par là... Cette explication n'est pas aussi claire que l'auteur semble le croire.

C'est ce que nous dirons plus tard. L'étude qu'annonce Aristote est celle de la digestion tout entière; c'est une des plus complexes de toute la physiologie et de l'anatomie ; et cette fonction n'a été bien connue que de nos jours, sans l'être même encore tout entière. Cuvier y a consacré près de deux volumes de son Anatomie comparée, tout le troisième, et une partie du quatrième, 1ere édition.

Sur la Génération des animaux, Aristote, dans ce traité spécial, est revenu bien des fois à la question de la nutrition; mais il ne  l'a pas exposée d'une façon particulière; voir la table de l'édition de MM. Aubert et Wimmer, p. 436.

Sur l'Alimentation. Ou la Nutrition. Ce traité, qui est mentionné encore par Aristote dans les Opuscules, du Sommeil, ch. iii, § 2, p. 162 de ma traduction, n'est pas parvenu jusqu'à nous. C'est une perte regrettable, comme tant d'autres.

§ 4. Et concourt à la gèneration. C'est l'objet du grand traité qui porte ce nom, et qui  peut passer pour le chef-d'œuvre zoologique d'Aristote.

Plus tard... plus convenable...  C'est ce qu'a fait le philosophe;  et la question essentielle de la génération a été étudiée par lui  avec toute l'attention qu'exige un tel sujet, et avec une profondeur qui, à certains égards, n'a pas été dépassée.

CHAPITRE V

Des organes de l'alimentation chez les animaux qui n'ont pas de sang ; les deux dents des mollusques et des testacés ; œsophage des mollusques et leur gésier pareil à celui des oiseaux ; motif de cette organisation ; l'encre de certains mollusques ; son emploi dans les seiches, les teuthies et les polypes ; c'est par peur que ces animaux lancent leur encre ; organisation des crustacés et des testacés, et spécialement des colimaçons, qui ont des dents et une langue ; les turbines, les bivalves et les univalves ; différence des crustacés et des testacés avec les mollusques ; citation de F Histoire des Animaux et des Descriptions Anatomiques ; organisation des hérissons de mer (oursins) ; leurs cinq dents et leurs œufs ; la micon ; forme des hérissons ; le nombre des œufs est nécessairement impair ; les cinq estomacs ; les téthyes très rapprochées des plantes; éponges et holothuries; enides et acalcphes ; rapports des animaux inférieurs et des plantes ; nuances insensibles de la nature ; étoiles de mer ; organes de l'alimentation chez tous les animaux inférieurs ; la mytis des mollusques ; cœur et centre de la sensibilité chez les mollusques, chez les testacés et les insectes ; organisation particulière de la cigale ; sa nourriture ; les éphémères ; indication d'études ultérieures.

 

1 Les animaux qu'on appelle mollusques et crustacés présentent une grande différence avec les précédents ; et cette différence consiste tout d'abord en ce qu'ils n'ont pas une organisation intestinale qui soit complète, non plus que tous les animaux qui sont privés de sang ainsi qu'eux. On sait, en effet, qu'il y a encore deux autres genres d'animaux exsangues, les crustacés et les insectes. Aucun de ces animaux n'a le fluide qui compose les entrailles, c'est-à-dire le sang, qui fait essentiellement partie de la nature des intestins.

2 Qu'il y ait des animaux pourvus de sang et d'autres qui en sont privés, c'est là ce qui ressort de la définition essentielle des uns et des autres ; et les exsangues n'ont rien de ce qui exige des viscères intestinaux dans les animaux qui ont du sang ; (679a) car, n'ayant ni veines ni vessie, et ne respirant pas non plus, ils n'ont nécessairement besoin que d'avoir un organe qui réponde au cœur, puisque, chez tous les animaux sans exception, la sensibilité qui appartient à rame, et qui est la cause de la vie, doit résider dans un certain principe de leurs organes et de leur corps.

3 Tous les animaux exsangues eux-mêmes ont nécessairement aussi des organes qui servent à la nutrition ; et la manière différente dont ils s'alimentent tient aux lieux de leur corps qui reçoivent les aliments. Ainsi, les mollusques ont deux dents autour de la partie qu'on appelle leur bouche; et, dans cette bouche, il y a, en place de langue, un appendice charnu qui leur fait sentir le goût agréable de leurs comestibles. Les crustacés ont d'abord, comme les mollusques, les premières dents et le morceau de chair analogue à la langue ; mais les testacés ont tous aussi un organe de ce genre, par la même cause qu'en ont les animaux pourvus de sang, c'est-à-dire pour goûter leur nourriture.

4 Quant aux insectes, quelques-uns ont également une trompe, qui sort de leur bouche ; et telles sont les abeilles et les mouches, dont on a parlé déjà. Ceux des insectes qui n'ont pas un aiguillon antérieur, ont un organe de ce genre dans la bouche, comme l'ont les fourmis et tels autres insectes analogues. Parmi eux, les uns ont des dents, qui sont d'ailleurs organisées autrement, comme en ont les mouches et les abeilles ; les autres, dont la nourriture est liquide, n'en ont pas ; car beaucoup d'insectes ont des dents, qui leur servent non à se nourrir, mais a se défendre.

5 Les testacés ont tantôt, comme on l'a dit au début, cet appendice très dur qu'on appelle leur langue, et tantôt les deux dents, qu'ont les crustacés; et tel est le limaçon.

6 A la suite de la bouche, les mollusques ont un long œsophage ; et après l'œsophage, un gésier pareil à celui des oiseaux. Puis, l'estomac vient après le gésier; et tenant à l'estomac, vient l'intestin, qui est simple jusqu'à l'orifice de sortie. Chez les seiches et les polypes, l'estomac est, pour sa forme et pour sa consistance au toucher, organisé de la même manière. Dans les animaux qu'on appelle des teuthies, on voit également deux cloaques en forme d'estomacs, dont l'un s'éloigne davantage d'un gésier; et ils diffèrent des polypes et des seiches en ce que leur corps tout entier se compose d'une chair plus molle.

7 Du reste, ces parties sont ainsi disposées chez ces animaux par le même motif que chez les oiseaux. Aucun d'eux, en effet, ne peut broyer sa nourriture; et voilà pourquoi il y a un gésier placé en avant de l'estomac. C'est aussi pour se défendre et assurer leur salut que ces animaux sont pourvus de ce qu'on appelle leur encre, contenue dans un manteau membraneux; (679b) et ce manteau a une issue et une extrémité par laquelle ranimai rejette les excréments du ventre, dans l'organe qu'on nomme le conduit. Ce conduit est placé dans les parties de devant.

8 Tous les mollusques ont cet organe spécial ; mais il est surtout remarquable chez la seiche, et il y est plus développé. Dans les moments de crainte et de péril, les seiches font une sorte de rempart en avant de leur corps en noircissant et en troublant l'eau. Les teuthies et les polypes tiennent leur encre en haut, sur la mytis, tandis que la seiche la tient en bas sous le ventre. Elle a aussi davantage de cette encre, parce qu'elle s'en sert plus souvent.

9 La seiche est ainsi organisée, parce que sa vie se passe près de la terre ; elle n'a pas d'autre moyen de défense, tandis que le polype a pour lui ses tentacules, dont il se sert fort utilement, et le changement de couleur, qu'il opère comme la seiche, qui, dès qu'il y a quelque crainte, projette son encre par la même cause. La teuthis est la seule parmi ces animaux à être de haute mer.

10 La seiche a donc comparativement une plus grande quantité d'encre ; et comme elle en a davantage, elle l'a au bas du corps. Cette quantité plus grande lui permet de lancer son encre plus aisément et de loin. L'encre se produit dans la seiche, comme chez les oiseaux se produit le dépôt blanchâtre et terreux sur l'excrément. Chez la seiche, l'encre se produit aussi, parce que la seiche non plus n'a pas de vessie. La partie la plus terreuse s'y dépose sur l'encre, qui est d'autant plus abondante dans la seiche qu'elle a plus de terreux en elle. Ce qui prouve que l'encre n'est que cela, c'est l'os de la seiche, qui est également terreux, tandis que le polype n'en a pas ; et que l'os de la teuthis est cartilagineux et léger.

11 On vient de dire pourquoi, parmi ces animaux, les uns ont de l'encre et pourquoi les autres n'en ont pas, et dans quelle mesure en ont les espèces organisées de cette façon. Ces animaux n'ont pas de sang; et par cela même, ils sont sujets à se refroidir et à être craintifs, de même que, chez quelques personnes, le ventre se trouble et se relâche, pour peu qu'el les aient quelque crainte, et que, chez d'autres, la vessie laisse échapper sa sécrétion. De même, c'est aussi la peur qui fait que ces animaux lancent leur encre, contraints à cette émission nécessaire, qui leur sort, comme l'urine sort régulièrement de la vessie. Mais ici la nature emploie cette sécrétion telle qu'elle est, tout à la fois pour défendre l'animal et pour le sauver.

12 Les crustacés, soit de l'espèce des langoustes, soit de l'espèce des crabes, ont les deux premières dents ; et entre ces dents, le morceau de chair en forme de langue, ainsi que nous l'avons déjà dit. Ils ont l'œsophage immédiatement après la bouche ; cet œsophage est petit comparativement à la dimension de leur corps, et les plus grands l'ont petit, comparativement aux plus petits. A la suite de l'œsophage, vient l'estomac, sur lequel les langoustes et quelques crabes ont d'autres dents, parce que celles d'en haut ne sont pas assez tranchantes ; mais à partir de l'estomac, ils ont un intestin qui est simple et tout droit jusqu'à l'orifice donnant issue aux excréments.

(680a) 13 Les testacés ont tous aussi ces mêmes organes, plus distincts chez les uns, moins distincts chez les autres; ces détails sont reconnaissables surtout chez les plus grands. Les colimaçons ont, ainsi qu'on l'a dit, des dents dures et aiguës ; l'intervalle de ces dents est charnu, comme dans les mollusques et dans les crustacés. Ils ont également la trompe, qui tient le milieu entre le dard et la langue, comme on l'a dit plus haut. À la suite de la bouche, vient une sorte de gésier, dans le genre de celui des oiseaux. Puis, à la suite de ce gésier, vient l'œsophage ; l'œsophage est suivi de l'estomac, dans lequel se trouve ce qu'on nomme la micon ; et après la micon, vient l'intestin, qui en part tout entier. Cette excrétion, qui se trouve dans tous les testacés, est la partie qui est particulièrement bonne à manger.

14 Les autres turbines, tels que les pourpres et les buccins, sont organisés de même que le colimaçon. D'ailleurs, il y a beaucoup de genres et d'espèces ; il y a, par exemple, les turbines comme ceux dont on vient de parler; d'autres ont deux valves, tandis que d'autres encore n'en ont qu'une. Les turbines ressemblent bien aussi aux bivalves; ils ont tous, dès leur naissance, des opercules sur la partie découverte de la chair, comme en ont les pourpres, les buccins, les nérites et toutes les espèces analogues. Ces opercules servent â les défendre; car là où la coquille ne s'étend pas, il y a plus de chance que l'animal soit blessé par les accidents du dehors.

15 Les univalves, étant attachés au roc, sont protégés par la déclivité de leur coquille; et grâce à une couverture qui ne leur appartient pas, elles deviennent en quelque sorte des bivalves, comme les coquillages qu'on appelle les lépades. Au contraire, les bivalves tels que les peignes et les moules deviennent univalves en se contractant; et les turbines deviennent, par cet opercule, en quelque sorte bivalves d'univalves qu'ils étaient. Le hérisson de mer a plus de ressources que tous les autres; car sa coquille se réunit en boule, et il est défendu par le rempart de ses piquants ; c'est une propriété toute spéciale qu'il possède parmi les testacés, ainsi qu'on l'a déjà dit.

16 Les crustacés et les testacés ont une organisation absolument opposée à celle des mollusques. Les uns ont la partie charnue à l'extérieur; les autres l'ont en dedans, avec la partie terreuse au dehors; mais le hérisson n'a aucune espèce de chair. Du reste, tous ces animaux et les autres testacés ont une bouche, puis une sorte de langue, un estomac, et un orifice pour l'issue des excréments. Il n'y a de différence que dans la position et la grandeur de ces organes. (680b) On peut voir la constitution de chacun de ces êtres, soit parce qui en est dit dans l'Histoire des Animaux, soit d'après les Descriptions Anatomiques ; car il y a des choses qu'il est plus facile de faire comprendre clairement par des explications, et d'autres par la vue.

17 Parmi les testacés, les hérissons et l'espèce de ce qu'on appelle les téthyes présentent une organisation singulière. Ainsi, les hérissons ont cinq dents, et la partie charnue est au centre; ce qui est également l'organisation de tous les animaux dont on vient de parler; mais ils ont à la suite un œsophage, et, à partir de ce point, un estomac divisé en plusieurs sections, comme si l'animal avait plusieurs estomacs. Tous ces estomacs sont, en effet, isolés les uns des autres et pleins d'excrétion ; ils dépendent tous d'un seul et unique œsophage, et ils se terminent à une seule issue, qui est celle des excréments. Sauf l'estomac, ils n'ont absolument rien de charnu, ainsi qu'on l'a dit. Leurs œufs, ou ce qu'on appelle de ce nom, sont nombreux et renfermés chacun isolément dans une membrane ; et à partir de la bouche et tout autour, ils ont certains corpuscules noirs, répandus un peu confusément, et auxquels on n'a pas donné de nom.

18 Les genres de hérissons étant fort multipliés, puisqu'il n'y a pas pour eux un genre uniforme, tous sont pourvus de ces organes ; mais, chez tous, les œufs ainsi nommés ne sont pas comestibles ; et ces œufs sont très petits, à l'exception de ceux de la surface. Du reste, c'est là une observation qu'on peut foire sur tous les autres testacés ; la chair de tous n'est pas également bonne ; et leur excrétion qu'on appelle le micon est mangeable chez les uns, tandis qu'elle ne l'est pas chez les autres. Chez les turbines, le micon est dans la spire ; dans les univalves, elle est dans le fond, comme chez les lépades ; et, dans les bivalves, elle est à la jointure qui les ferme.

19 Chez les bivalves, ce qu'on appelle l'œuf est à droite, et la sortie des excréments se fait de l'autre côté, à gauche. On a tort du reste d'appeler cela un œuf; car ce n'est que de la graisse, comme chez les animaux qui ont du sang, quand l'animal se porte bien. Aussi, cet œuf prétendu ne se montre-t-il qu'aux époques de l'année où l'animai est en pleine santé, au printemps et à l'automne ; car tous les testacés souffrent du froid et de la grande chaleur; et les deux excès de température leur sont également nuisibles.

20 On le voit bien par les hérissons de mer ; car ils ont cet œuf dès leur naissance, et ils l'ont plus gros pendant les pleines lunes, non pas parce qu'ils mangent davantage, ainsi qu'on le suppose, mais parce que les nuits sont plus échauffées par la lumière de la lune. Comme ils n'ont pas de sang, ils supportent mal le froid, et ils ont besoin de chaleur pour se réchauffer. Aussi, sont-ils partout mieux portants durant l'été, sauf ceux de l'Euripe de Pyrrha, qui ne se portent pas moins bien en hiver, (681a) parce qu'alors leur nourriture est plus abondante, les autres poissons quittant ces lieux durant cette saison.

21 Les hérissons ont tous le même nombre d'œufs, et toujours en nombre impair; ils en ont cinq, c'est-à-dire autant que de dents et d'estomacs. Cela tient à ce que cet œuf prétendu n'est pas du tout un œuf, ainsi que nous venons de le dire, et que c'est seulement l'embonpoint de l'animal bien nourri. Ce prétendu œuf ne vient que d'un seul côté chez les huîtres. C'est absolument aussi la même chose pour les hérissons. Comme le hérisson est presque sphérique et que le cercle du corps n'est pas unique, ainsi qu'il l'est dans les autres huîtres, et comme le hérisson ne cesse pas d'être sphérique, l'étant tantôt ici et tantôt ne l'étant pas là, et qu'il est partout égal à cause de sa sphéricité, il y a nécessité que l'œuf soit aussi disposé de la même façon ; car le cercle ne peut pas être dissemblable comme dans les autres crustacés.

22 Tous ces animaux ont la tête au centre; et cette partie ressemblant à une tête se trouve en haut. Dès lors, il est impossible par cela même que l'œuf soit continu ; il n'est que dans une certaine partie du cercle, et non dans les autres. Il faut donc, puisque cette disposition est commune dans tous, et que cet animal est le seul à avoir le corps sphérique, que les œufs ne soient pas en nombre pair. L'animal aurait été organisé en diamètre, parce qu'il aurait fallu que les deux parties de l'un et l'autre côté fussent pareilles, si les œufs avaient été en nombre pair et disposés diamétralement. S'il en eût été ainsi, les œufs se trouveraient des deux cotés du cercle. Mais ceci n'était pas possible pour les hérissons, non plus que pour les autres huîtres; et, en effet, les huîtres et les peignes n'ont cette partie que d'un seul des côtés de la circonférence.

23 II y avait donc nécessité qu'il y eut trois ou cinq œufs, ou tel autre nombre impair ; mais à trois, ils eussent été trop éloignés; à plus de cinq, ils eussent été continus en se touchant. La première alternative n'était pas la meilleure ; la seconde était impossible. Il fallait donc que ces animaux eussent cinq œufs.

24 C'est par la même raison que l'estomac de ces animaux est divisé en autant de parties, et que le nombre de leurs dents est ce qu'il est, c'est-à-dire de cinq. Chaque œuf étant en quelque sorte un corps de l'animal, il fallait nécessairement que chaque œuf fût dans un rapport semblable avec son genre d'existence, puisque c'est de là que l'animal tire sa croissance; car s'il n'y avait eu qu'un seul estomac, les dents eussent été trop loin, ou elles auraient rempli toute la place, de sorte que le hérisson eût eu grand'-peine à se mouvoir, et que le creux ne se serait pas rempli de nourriture. Mais les intervalles étant au nombre de cinq, il a fallu que l'estomac, qui correspond à chacun d'eux, fût également partagé en cinq. C'est par la même raison que le nombre des dents doit être de cinq aussi ; et la nature sait par là donner et répartir à toutes ces parties une organisation égale.

(681b) 25 On voit donc pourquoi le hérisson a des œufs en nombre impair, et pourquoi ces œufs sont au nombre de cinq. Ce qui fait que les uns ont des œufs très petits, et que les autres ont de grands œufs, c'est que les derniers ont naturellement plus de chaleur. La chaleur a la force de cuire davantage les aliments; et voilà pourquoi les hérissons qui ne sont pas comestibles sont aussi plus remplis d'excrétion. C'est la chaleur de leur nature qui les dispose à être plus mobiles, de sorte qu'ils vont à la pâture et ne restent pas en place. Ce qui le prouve bien, c'est que ces sortes de hérissons ont toujours quelque chose à leurs piquants, par suite évidemment des mouvements qu'ils se donnent en tous sens. Leurs piquants leur servent de pieds.

26 Quant aux téthyes, leur nature diffère très peu de la nature des plantes, bien qu'elles soient plus animales que les éponges, qui sont tout à fait dans la condition de la plante. C'est que la nature passe sans discontinuité des êtres sans vie aux animaux qui en sont doués, par l'intermédiaire d'êtres qui ont la vie, sans être cependant des animaux ; et ces êtres sont tellement rapprochés les uns des autres, qu'ils ne semblent offrir qu'une différence excessivement légère.

27 Pour l'éponge, qui ne peut vivre, comme on l'a dit, que quand elle est attachée à quelque chose, et qui ne vit plus quand on la détache, elle ressemble absolument à un végétal. Les holothuries, ainsi dénommées, les poumons marins et d'autres animaux analogues qui habitent la mer, ne différent que très peu de ceux-là, en ce qu'ils peuvent se détacher. Ces êtres n'ont aucun des sens ; et ils vivent comme des plantes qui seraient détachées du sol.

28 Car même parmi les plantes de terre, il y en a quelques-unes qui, étant organisées de la même manière, peuvent tantôt vivre et se développer aussi sur d'autres plantes ; et tantôt vivent même en étant détachées, comme cette plante du Parnasse qu'on appelle l'Epipètre (la Pierreuse), et qui vit longtemps encore après qu'on l'a suspendue au sommet des piquets.

29 Les téthyes, et les autres animaux de cet ordre, s'il en est, se rapprochent de la plante en ce qu'elles ne peuvent vivre comme elle qu'en étant attachées à quelque chose. On pourrait croire qu'elles ont quelque sensibilité, parce qu'elles ont une partie charnue; maison ne sait comment on doit les classer. Cet animal a deux conduits et une seule fente, qui reçoit le liquide propre à sa nutrition, et qui rejette le résidu de ce fluide. On ne voit pas clairement qu'il ait des excréments, comme les autres testacés.

30 On pourrait donc à bien juste titre et très particulièrement l'appeler un végétal, ainsi que toutes les espèces d'animaux qui lui ressemblent, puisque le végétal n'a pas non plus d'excréments. La fente légère qui est au milieu peut bien être prise pour le point essentiel de la vie. Quant aux animaux qu'on appelle tantôt Cnides, et tantôt Acalèphes, ce ne sont pas des testacés ; (682a) ils sortent de toutes les divisions admises, et leur nature participe à la fois de la plante et de l'animal. En effet, ce sont des espèces d'animaux, puisque quelques espèces se détachent et vont chercher leur nourriture, et qu'elles sentent aussi les corps qui se détachent d'elles. De plus, elles savent se défendre à l'aide de la dureté de leur corps. Mais par leur imperfection et aussi par leur faculté de s'attacher vite aux rochers, elles se rapprochent beaucoup de la plante ; elles s'en rapprochent en outre par l'absence de tout excrément, du moins de tout excrément visible, bien qu'elles aient une bouche.

31 L'espèce des étoiles de mer ressemble beaucoup aux précédentes ; car elles se jettent sur les huîtres pour en sucer plusieurs, et elles ressemblent aussi à ceux des animaux qui se détachent, parmi ceux qu'on vient de nommer, mollusques et crustacés. On pourrait en dire autant des testacés.

32 Les organes de l'alimentation, qui sont absolument nécessaires à tous les animaux, sont tels qu'on vient de les décrire ; et par une suite non moins évidente, il faut aussi qu'ils aient une partie correspondante à celle qui, chez les animaux pourvus de sang, constitue le siège principal de la sensibilité ; car c'est là une partie indispensable à tous les êtres animés. Dans les mollusques, c'est une partie liquide placée dans une membrane, par laquelle l'œsophage s'étend jusqu'à l'estomac; cette membrane est plutôt en arrière; et c'est ce qu'on appelle parfois la Mytis.

Il y a même quelque chose de ce genre à peu près dans les crustacés, qu'on nomme la Mytis également.

33 Cet organe est tout à la fois liquide et solide comme un corps, et il est traversé dans son milieu par l'œsophage, ainsi qu'on l'a déjà dit. S'il était placé entre l'œsophage et la partie postérieure de l'animal, il n'aurait pas pu prendre aussi aisément la distension indispensable pour la nourriture qui entre; la dureté de son dos eût été un obstacle. Mais l'intestin est en dehors sur la Mytis, et l'encre est sur l'intestin, pour que ces parties fussent le plus loin possible de l'orifice de sortie, et pour que tout ce qui pouvait nuire à l'animal fût éloigné de sa partie la meilleure, et de son principe.

34 Ce qui prouve bien que cet organe est analogue au cœur, c'est d'abord le lieu où il est placé; car ce lieu est le même ; et ensuite c'est la douceur du liquide, qui semble parfaitement cuit et sanguin. Dans les testacés, le siège principal de la sensibilité est disposé de même ; mais c'est moins apparent. Chez les animaux qui sont immobiles, on doit toujours chercher ce principe dans le milieu des deux organes, dont l'un reçoit la nourriture et dont l'autre accomplit la sécrétion, soit spermatique, soit excrémentielle. (682b) Dans tous les animaux qui se meuvent, ce milieu est toujours à chercher entre la droite et la gauche.

35 Chez les insectes, ainsi qu'on l'a dit dans des Études antérieures, l'organe de ce principe est placé entre la tête et le renflement du ventre. Parfois, cet organe, qui le plus souvent est unique, devient multiple, comme on le voit chez les Ioules et les insectes allongés; et c'est là ce qui fait qu'ils vivent encore après qu'on les a coupés en deux. Le vœu de la nature est bien qu'un tel organe soit toujours unique ; et quand elle ne le peut pas, elle fait du moins cet organe unique en fait, et multiple en puissance. Du reste, ceci est plus ou moins évident selon les divers animaux.

36 D'ailleurs, les organes nécessaires à l'alimentation ne sont pas les mêmes dans tous ces animaux, et ils offrent des différences considérables. Chez quelques-uns, ce qu'on appelle le dard est dans la bouche ; et l'on dirait que c'est en quelque sorte un composé qui réunit tout ensemble les fonctions de la langue et celles des lèvres. Ceux qui n'ont pas leur dard en avant ont cet organe de sensibilité à l'intérieur des dents ; mais chez tous vient ensuite l'intestin tout droit, et simple jusqu'à l'orifice pour la sortie des excréments. Chez quelques-uns, l'intestin est en spirale. D'autres ont l'estomac après la bouche, et l'intestin, enroulé après l'estomac, afin que ceux qui ont plus besoin de manger, et qui sont plus gros, puissent recevoir une plus grande quantité de nourriture.

37 C'est la cigale qui, de toutes ces espèces, a l'organisation la plus singulière. C'est un même organe soudé qui lui sert de bouche et de langue ; et c'est une sorte de racine par où elle prend la nourriture qu'elle puise dans les liquides. Ce sont les insectes qui mangent le plus comparativement aux autres animaux, non pas tant à cause de leur petitesse qu'à cause de leur froideur ; car la chaleur a besoin d'aliments, et elle les cuit très vite, tandis que le froid ne nourrit pas bien. Mais à cet égard, la cigale se distingue très spécialement. Son corps se contente de l'humidité qui provient de l'air, comme les éphémères que voit naître le Pont-Euxin, si ce n'est que ces derniers ne vivent que l'espace d'une seule journée, tandis que les cigales vivent davantage de jours, tout en n'en vivant encore que fort peu.

38 Après avoir parlé des parties intérieures des animaux, il nous faudrait arriver à leurs parties extérieures. Mais nous pouvons partir de ce que nous avons déjà dit, sans nous occuper de ce que nous laissons de côté, afin qu'après nous être peu arrêté à ce qui exige moins d'attention, notre étude puisse s'attacher plus longuement à ce qui regarde les animaux parfaits qui ont du sang.

§ 1. Les animaux qu'on appelle mollusques et crustacés... Il ne semble pas que ce sujet tienne assez étroitement à ce qui précède. L'alimentation des mollusques et des crustacés est sans doute fort curieuse à étudier ; mais jusqu'ici il a été surtout question des viscères intérieurs; et c'est cette étude spéciale qui paraîtrait devoir être continuée dans ce chapitre. Du reste, tout ce que dit ici Aristote n'en est pas moins digne d'intérêt. Sur les mollusques et les crustacés en général, voir l'Histoire des Animaux, liv. I, ch. vi, p. 37 de ma traduction, et liv. IV, ch. i, § 2, p. 2.

Une organisation intestinale.... Voir Cuvier, Règne animal, tome III, pp. i et suiv., édit. de 1830. L'organisation des mollusques est fort singulière, et le naturaliste français s'est appliqué longuement à la faire connaître, parce qu'elle est compliquée; il a établi six classes de mollusques, tandis qu'Aristote, en leur donnant un nom commun, semble n'y voir qu'une seule espèce.

Qui sont privés de sang. Comme les insectes et les crustacés, ainsi que le dit l'auteur; voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. i.

Le fluide qui compose les entrailles. Ce fluide, qui est le sang, nourrit les viscères ; mais on ne peut pas dire qu'il les compose.

§ 2. Pourvus de sang... qui en sont privés. Ce sont là les deux classes principales qu'Aristote a établies entre les animaux, selon qu'ils ont ou n'ont pas de sang, d'après ses théories. Mais la zoologie actuelle reconnaît que tous les animaux ont du sang ; seulement il est rouge chez les uns, et blanc chez les autres.

Ni veine ni vessie... ne respirant pas. Ces détails ne sont pas exacts. Les mollusques respirent et leur circulation est double; les testacés respirent également, ainsi que les insectes, bien que par des organismes différents.

Qui réponde au cœur. Ceci est exact; mais le cœur n'est pas le principe de la sensibilité, comme Aristote le dit ici, et comme il l'a répété souvent.

§ 3. Des organes qui servent à la nutrition. Puisque autrement ils ne pourraient pas vivre. Au fond, la fonction est la même ; ce sont les procédés seuls qui différent. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, Introduction, Fonctions organiques, pp. 34 et suiv., édit. de 1830.

Deux dents... Ceci se rapporte spécialement aux mollusques céphalopodes, qui ont dans leur bouche, placée entre leurs pieds, deux fortes mâchoires de corne, semblables au bec d'un perroquet; Cuvier, loc. cit., p. 9. Entre ces deux mâchoires, est une langue hérissée de pointes cornées.

Un appendice charnu. Ce n'est pas dire assez.

Les crustacés... les testacés. Les choses ne sont pas aussi évidentes dans ces deux ordres de mollusques ; voir Cuvier, tome III du Règne animal, édit. de 1830, p. 117 et p. 183.

Pour goûter leur nourriture. Bien que les organes du goût ne soient pas très distincts chez ces animaux, ils doivent nécessairement posséder ce sens par l'excellente raison qu'en donne Aristote; voir Cuvier, Règne animal, Introduction, pp. 11 et suiv.

§ 4. Dont on a parlé déjà. Plus haut, livre II, ch. iv, § 3, il a été question de l'abeille ; mais ceci doit se rapporter surtout à l'étude approfondie qui a été faite de l'abeille dans l'Histoire des Animaux, livre IX, ch. 26 et 27, p.228 et suiv. de ma traduction. Voir également sur les mouches et les fourmis l'Histoire des Animaux, livre V, ch. 7, p. 142 de ma traduction. Tout ce paragraphe sur les insectes paraît ici déplacé, puisque l'auteur revient immédiatement aux crustacés, qu'il avait commencé à étudier dans le paragraphe précédent.

§ 5. Au début. Plus haut, § 4.

Le limaçon. Voir l'Histoire des Animaux, livre IV, ch. 4, § 4, p. 3 de ma traduction, et aussi livre IV, ch. 2, § 20; ibid. ch. 4, § 11, p. 44.

§ 6. Un long œsophage... gésier pareil à celui des oiseaux. Voir l'Histoire des Animaux, livre IV, ch, i, § 16, p. Il de ma traduction. Ces détails sont exacts, si on les rapporte aux céphalopodes. Après la bouche et les deux mâchoires, leur œsophage se renfle en jabot, et donne dans un gésier aussi charnu que celui d'un oiseau. Puis, vient un troisième estomac où le foie, qui est très grand, verse la bile par deux conduits. L'intestin est simple et peu prolongé ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 9e édition de 1830 ; le naturaliste français s'accorde de tous points avec le naturaliste grec.

Les seiches et les polypes. Voir Cuvier, loc. cit., page 11.

Teuthies. Ou Teuthides. C'est le calmar, le petit ou le grand, Loligo vulgaris, ou une espèce très rapprochée; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 14 ; et le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, tome I, p. 150, n° 6.

Deux cloaques en forme d'estomacs. Je ne trouve pas des détails analogues dans les ouvrages modernes de zoologie. Les céphalopodes ont deux branchies, une de chaque côté ; la grande veine cave, arrivée entre elles, se partage et donne dans deux ventricules charnus; ce sont ces ventricules qu'Aristote aura appelés des estomacs. Voir Cuvier, id. ibid., p. 9.— D'une chair plus molle. Les calmars n'ont pas de coquille ; mais, en place, ils ont dans le dos une lame de corne en forme de lancette.

§ 7. Par le même motif que chez les oiseaux. Ce rapprochement est ingénieux et exact, puisque la teuthis ou calmar ne peut pas non plus broyer ses aliments.

Leur encre. Les céphalopodes, qui forment la première classe des mollusques, ont cette sécrétion particulière d'un noir très foncé qu'on appelle leur encre; ils l'emploient à teindre Peau pour se cacher et se dérober à leurs ennemis ; elle est produite par une glande et déposée dans un sac qui est diversement situé selon les espèces ; Cuvier, id. ibid., p. 10.

Ce manteau a une issue. Le manteau des céphalopodes se réunit sous leur corps, et forme un sac musculeux qui enveloppe tous les viscères ; un entonnoir charnu, placé à l'ouverture du sac, devant le col, donne passage aux excrétions; Cuvier, Règne animal, tome III, p. 8.

Le conduit. Ou, Le sac.

§ 8. Tous les mollusques. Il faut restreindre ceci aux céphalopodes.

Chez la seiche. La bourse de l'encre chez les seiches est détachée du foie, tandis que chez les poulpes elle est enchâssée dans le foie, ainsi que chez les calmars; et quoique cette bourse soit enfoncée plus profondément dans l'abdomen, on la distingue davantage ; voir Cuvier, loc. cit.. pp. 12, 14 et 16.

Dans les moments de crainte. Les mêmes détails sont donnés sur la seiche et son encre dans l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. i, § 17, p. 12 de ma traduction.

En haut..... en bas. Ces détails sont assez exacts, comme le montrent ceux qui viennent d'être donnés sur la seiche d'après Cuvier.

Davantage de cette encre. Je ne sois pas si cette différence a été constatée récemment par nos zoologistes.

§ 9. Sa vie se passe près de la terre. Par opposition à la teuthis, qui, selon Aristote, est de haute mer. Je ne sais pas d'ailleurs, si cette différence est bien réelle.

 — Le polype a pour lui... L'expression est un peu trop générale, à moins qu'on n'entende par là le polype appelé Polype d'Aristote, qui a des tentacules six fois aussi Iongues que son corps et garnies de cent vingt paires de ventouses ; Cuvier, Règne animal, t. III, p. 12, édit. de 1830.

Le changement de couleur. Ce phénomène n'a pas été constaté, à ce qu'il semble, par la science moderne. Aristote lui-même n'en parle pas dans l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. i, §§ 19 et suiv., où il s'est étendu longuement sur le polype. Il y dit seulement que les polypes sont de diverses couleurs, § 23, p. 16 de ma traduction ; mais le fait n'est pas faux, puisque Cuvier remarque que la peau des poulpes surtout change de couleur par place et par taches, plus vite encore que celle du caméléon. Cuvier, loc. cit., p. 10.

§ 10. Au bas du corps. Répétition de ce qui vient d'être dit au § 8.

La seiche non plus n'a pas de vessie. Nouvelle preuve du soin avec lequel Aristote avait disséqué les animaux dont il parlait.

La plus terreuse... plus de terreux en elle. C'est toujours l'application de la théorie des quatre éléments. Le terreux ne signifie que la partie solide dans les organes dont il s'agit.

L'os de la seiche. Voir dans Cuvier, Règne animal, t. III, p. 16, édit. de 1830, la description de l'os de la seiche, qui n'est réellement qu'une coquille d'une nature particulière, et qui est friable.

Le polype n'en a pas. Voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. i, § 18, p. 13 de ma traduction.

Cartilagineux et léger. Cette description paraît exacte; voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 14, édit. de 1830. La zoologie moderne ne semble pas avoir attaché autant d'importance à ces détails.

§ 11. On vient de dire... Ce paragraphe tout entier n'ajoute rien à ce qui précède ; et il est assez inutile. On pourrait supposer que ce n'est qu'une addition faite par une main étrangère.

A être craintifs. La privation de sang n'est pas nécessairement cause de la timidité ; des insectes qui n'ont pas de sang, par exemple les abeilles, n'en sont pas moins très courageux ; mais il n'en est pas moins vrai que la disposition à la peur se rattache à une certaine disposition matérielle de l'organisme.

C'est aussi la peur... Voir plus haut, § 8.

§ 12. Les crustacés. Sur les crustacés, voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. ii, p. 18 de ma traduction.

Langoustes... crabes, ld. ibid., § 3,  p. 19.

Les deux premières dents. Voir plus haut, § 3.

Nous l'avons déjà dit. Plus haut, § 5, et aussi § 3. Pour tous ces détails, voir l'Histoire des Animaux, livre IV, ch, II, §§ 17 et suiv., p. 28 et suiv,

Ils ont l'œsophage...  La science moderne n'a guère donné sur l'organisation des crustacés plus de détails qu'Aristote n'en donne ici ; voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 183, et la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 398, trad. franc. Le canal digestif chez les crustacés s'étend en ligne droite de la bouche à l'anus, et il présente dans sa partie gastrique des tubes hépatiques simples ou ramifiés. Dans quelques espèces plus grosses, l'œsophage s'élargit avant de se terminer dans l'estomac, pourconstituer un estomac masticateur, armé de pièces solides. Ce sont sans doute ces pièces qu'Aristote appelle des dents.

Celles d'en haut. On ne voit pas clairement à quoi ceci peut répondre.

Simple et tout droit. Ceci est exact.

§ 13. Les testacés. Sur les testacés, voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. iv, pp. 37 et suiv. de ma traduction.

Chez les plus grands. Cette recommandation, que fait souvent Aristote, était surtout nécessaire en l'absence du microscope.

Ainsi qu'on l'a dit. Un peu plus haut, § 3.

On l'a dit plus haut. Voir § 5. Tout ce paragraphe n'est en grande partie que la répétition de ce qui précède; et c'est sans doute quelque main étrangère qui aura, sans nécessité, fait cette addition.

La micon. Voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch, n, § 19, p. 29 de ma traduction. La micon semble se confondre avec la mytis, ou encre, des céphalopodes. Sur l'organisation entière des testacés, voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. iv, pp. 37 et suiv.

Bonne à manger. Il est probable que, dans la Grèce, on mangeait les escargots, comme on en mange chez nous.

§ 14. Les pourpres et les buccins. Sur l'organisation des buccins et des pourpres, voir Cuvier, Règne animal, t. III, pp. 97 et 99, édit. de 1829.

Beaucoup de genres et d'espèces. De testacés. Cuvier, loc. cit., fait des testacés le premier ordre des acéphales; et il y place les huîtres, les moules, les camacées, les cardiacés, les enfermés, etc. Le deuxième ordre des acéphales est composé des acéphales sans coquille. Id. ibid., pp. 145, 135,141,144, 153 et 162.

D'autres ont deux valves. Ceci est exact; et il semble, d'après Cuvier, que tous les testacés sont bivalves; mais les turbines sont univalves et forment la division la plus nombreuse des pectinibranches ; toutes ces coquilles sont univalves, en spirale; voir Cuvier, loc. cit., p. 70.

Des opercules sur la partie découverte de la chair. Il est difficile de reconnaître clairement dans ces détails trop concis l'organisation réelle des turbines. Peut-être Aristote veut-il parler de leurs branchies, composées de nombreux feuillets, et rangées parallèlement comme les dents d'un peigne, d'où leur vient le nom de Pectinibranches; elles sont attachées au fond de la cavité pulmonaire, qui occupe le dernier tour de la coquille. Près des branchies, est un organe particulier, formé de cellules qui renferment une humeur très visqueuse. Cette humeur forme une enveloppe commune, qui couvre les œufs.

Servent à les défendre. Cuvier parle aussi d'opercules, loc. cit., p. 72; mais il ne dit pas que l'opercule ait été donné à l'animal pour sa défense.

§ 15. Qui ne leur appartient pas. C'est le rocher, qui tient leu d'une seconde valve en quelque sorte.

Les lépades. Ou, Écuelles; voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. îv, § 17, page 48 de ma traduction. La zoologie actuelle a conservé le nom de Lépade ; mais elle l'applique à une espèce de cirrhipède ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 409, trad. franc. La lépade dont il est ici question semble être la Patella mammilaris, qui abonde dans la Méditerranée.

Les peignes et les moules. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, pp. 135 et 122.

Le hérisson de mer. C'est l'oursin, échinus; voir la description qu'en donne Cuvier, Règne animal, t. III9 pp. 230 et suiv., édit. de 1829.

  Ainsi qu'on l'a déjà dit. Voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. v, pp. 56 et suiv. de ma traduction. Tout un chapitre est consacré au hérisson de mer, ou oursin.

§ 16. Absolument opposée à celle des mollusques. Voir l'Histoire des Animaux, livre IV, chapp. iii, îv et v, où ces différences d'organisation sont signalées souvent.

La partie terreuse. C'est-à-dire, Solide.

N'a aucune espèce de chair. C'est exact.

Une bouche, puis une sorte de langue... Pour tous ces détails, voir l'Histoire des Animaux, locc. citt.

Dans l'Histoire des Animaux. Voir l'Histoire des Animaux, aux lieux que nous venons de citer.

D'après les Descriptions Anatomiques. Par malheur, ces descriptions, qui eussent été si curieuses, ne sont pas arrivées jusqu'à nous ; voir la Préface à l'Hist. des Animaux, p. CLXVI, et la Dissertation préliminaire, p, CCXVIII.

Par des explications... par la vue. On ne saurait trop remarquer ce passage, qui montre que c'est d'une manière systématique qu'Aristote a joint des dessins spéciaux à ses descriptions zoologiques.

§ 17. Les hérissons... et les téthyes. On ne peut guère douter que les téthyes d'Aristote ne répondent aux ascidies de la zoologie actuelle, comme le remarquent le docteur de Frantzius, edit. des Parties des Animaux, p. 309, § 33 ; et Cuvier, Règne animal, t. III, p. 165, en confondant les ascidies, avec le Thétyon des Anciens (téthyon). Dans l'Histoire des Animaux, tout un chap., 6 du liv. IV, est donné aux téthyes, que l'auteur rapproche aussi du hérisson de mer, § 2, p. 63 de ma traduction. Mais les téthyes sont des z.oophyles, tandis que les hérissons de mer sont encore des mollusques. Il est donc possible que le nom de téthyes intercalé ici soit une addition étrangère ; et ce qui autorise cette conjecture, c'est qu'il est surtout question des hérissons dans ce paragraphe, et que Fauteur ne revient aux téthyes que plus loin, § 29.

Ont cinq dents. C'est ce que dit aussi Cuvier, Règne animal, t. III, p. 231.

De tous les animaux dont on vient de parler. C'est-à-dire, des crustacés et des testacés.

Un œsophage. Ce n'est pas précisément un œsophage; mais un intestin fort long, attaché en spirale aux parois intérieures du test par un mésentère. Ces animaux ont cinq ovaires, qui sont la partie mangeable des oursins, et qu'Aristote a peut-être pris pour des estomacs. Voir Cuvier. loc. cit., p. 231.

A une seule issue. Qui, en effet, est l'anus des oursins.

Ainsi qu'on l'a dit. Voir plus haut, § 16; et aussi Histoire des Animaux, liv. IV, ch.v, §1, p. 56 de ma traduction.

Leurs œufs. Ce sont les ovaires de Cuvier.

Certains corpuscules noirs. On ne sait pas précisément ce qu'Aristote a voulu désigner par là ; voir la note de M. le docteur de Frantzius, p. 309, § 36.

§ 18. Étant fort multipliés. Ceci est fort exact, et l'on peut voir dans Cuvier, t. III, pp. 218 et suiv., édit. de 1829, tous les genres et les espèces des échinodermes pédicellés et sans pieds, parmi lesquels on peut distinguer les astéries, les oursins, les holothuries, les molpadies, etc., etc.

Ainsi nommés. Cette formule prouve qu'Aristote ne se trompait pas, et qu'il voyait bien que ces œufs prétendus n'étaient pas de véritables œufs. Aujourd'hui même, l'organisation de ces zoophytes, ou rayonnes, n'est pas parfaitement connue. On mange au printemps les ovaires des oursins, qui sont rougeâtres et d'un goût assez agréable. Voir Cuvier, loc. cit., p. 232.

Le micon. Ou La micon, puisque le mot grec est féminin ; voir sur le micon, l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, § 19, et ch. iv, § 13, p. 46 de ma traduction. On ne sait pas précisément quelle est la matière qu'Aristote appelle le micon ; il est possible que ce soit la liqueur qui est épanchée dans toute la cavité des échinodermes, et qui se porte au gré de l'animal dans la partie extérieure, qu'elle étend, ou qui rentre dans la partie vésiculaire intérieure ; Cuvier, loc. cit., p. 224.

Les lepades. Voir plus haut, § 13.

 § 19. Ce qu'on appelle l'œuf. Il est difficile de savoir ce qu'Aristote appelle l'œuf dans les bivalves ; et il n'y a rien dans la zoologie moderne qui puisse servir à l'expliquer. C'est peut-être le pied, qui est attaché entre les quatre branchies. La bouche est à une extrémité et l'anus à l'autre ; aux côtés de la bouche, sont quatre autres feuillets triangulaires, qui servent de tentacules. Tout en constatant que Ton a tort d'appeler cette partie des bivalves un œuf, Aristote donne des détails trop longs pour qu'on puisse croire qu'il s'est complètement trompé; voir Cuvier, loc. cit. y p. 117. Si ce n'est pas le pied des bivalves qu'Aristote prend pour un œuf, ce ne peut être que leur bouche, qui cependant ne doit pas varier avec les saisons.

§ 20. Les hérissons de mer. Ou, Oursins.

Ils ont cet œuf dès leur naissance. Ici encore, il est bien difficile de voir ce qu'Aristote a voulu décrire ; il n'y a rien dans les oursins qui puisse y répondre ; voir Cuvier, loc. cit., p. 230.

Ainsi qu'on le suppose. L'auteur aurait dû nommer les naturalistes qu'il réfute.

Par la lumière die la lune. C'est une observation délicate, puisque la chaleur de la lune est à peu près nulle.

L'Euripe de Pyrrha. Voir l'Histoire des Animaux, livre V, ch. x, § 3, p. 157 de ma traduction, où tous ces détails sont déjà donnés presque mot pour mot.

§ 21. Ils en ont cinq. On ne peut comprendre par là que les cinq ovaires des oursins, situés autour de l'anus, et ayant chacun un orifice particulier. Les oursins ont bien les cinq dents dont il est question ici ; mais on ne peut pas dire qu'ils aient cinq estomacs.

L'embonpoint de l'animal. Voir plus haut, § 19,

Chez les huîtres. Est-ce du petit ligament de la charnière des huîtres que l'auteur veut parler ici ?

Presque sphérique. C'est exact.

N'est pas unique. En effet, le corps des oursins est composé de cinq pièces anguleuses, qui se joignent exactement.

Que l'œuf soit ainsi disposé. Ici encore l'explication est des plus obscures ; l'oursin n'a pas d'œuf; et s'il s'agit des ovaires, il faut se rappeler qu'il y en a cinq, et non point un seul. Un peu plus bas, il est question non plus d'un œuf unique, mais de cinq œufs, §23.

§ 22. La tête au centre. D'une manière générale, ceci est exact. Comme ces animaux sont rayonnés, le centre a pu être pris pour leur tête, aussi bien que pour leur bouche.

Que l'œuf soit continu. Ceci ne se comprend pas bien ; mais les manuscrits n'offrant pas de variante, il faut garder le texte tel qu'il est.

Les œufs ne soient pas en nombre pair. Il y a autant d'œufs, si ce sont des œufs toutefois, que de rayons composant l'animal.

En diamètre. C'est-à-dire, composé de deux parties correspondantes, comme la suite l'explique.

Les huîtres et les peignes. Ces deux espèces font partie l'une et l'autre de la famille des testacés acéphales; et ici encore, il paraît bien qu'il ne peut être question de la charnière qui se trouve également chez les deux ; voir Cuvier, Règne animal, t. III, pp. 120 et 122, édit. de 1829. On peut croire que toute cette portion du texte a été altérée.

§ 23. Trois ou cinq... cinq œufs. Ceci semble bien indiquer que ce qu'Aristote appelle ici des œufs n'est que la division des oursins en cinq compartiments.

§ 24. L'estomac de ces animaux.... Si tous ces renseignements ne sont pas exacts, et s'ils n'ont pas été ratifiés par la science moderne, ils prouvent do moins avec quelle attention Aristote avait étudié et cherchait à comprendre toutes ces organisations inférieures.

Le nombre de leurs dents. Qui est bien de cinq, comme le dit Aristote.

Chaque œuf. Cette indication semble bien correspondre aux cinq compartiments des oursins. Voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch, v, p. 56 de ma traduction.

A se mouvoir. Bien que les oursins fassent partie des échinodermes pédicellés, le mouvement est bien peu marqué chez eux. Leurs pieds ainsi nommés sont les tentacules qui passent par les petits trous de l'enveloppe. On les compte par centaines, et c'est en les allongeant ou en les raccourcissant que ces animaux peuvent se mouvoir; Cuvier, loc. cit., p. 224.

L'estomac... partagé en cinq. Dans les oursins, la bouche est garnie de cinq dents enchâssées dans une charpente calcaire très compliquée, ressemblant, dit Cuvier, à une lanterne à cinq pans. C'est sans doute ce qu'Aristote aura nommé des estomacs ; Cuvier, loc. cit., p. 231, édit. de 1829.

§ 25. On voit donc... La conclusion n'est peut-être pas aussi certaine que l'auteur semble le croire.

Des œufs. Ou plutôt : Ce qu'on appelle des œufs.

Plus de chaleur. Le fait n'est pas impossible ; mais rien ne le prouve.

Qui ne sont pas comestibles. Cette traduction n'est pas certaine, parce que la signification du mot grec lui-même ne l'est pas. Les manuscrits n'offrent pas de variante.

Quelque chose à leurs piquants. L'explication est ingénieuse, et selon toute apparence, elle est vraie.

Leurs piquants leur serpent de pieds. Ceci n'est exact qu'en partie. La surface du test est armée d'épines articulées sur de petits tubercules, et mobiles au gré de l'animal ; elles servent à ses mouvements avec les pieds, qui sont situés entre elles ; voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 231, édit. de 1829-1830.

§ 26. Quant aux téthyes. Voir plus haut, § 17.

Diffère très peu de la nature des plantes. Et de là, leur nom de Zoophytes, qu'Aristote n'a pas inventé, à ce qu'il semble, mais qu'il a indiqué aussi clairement que possible.

Que les éponges. Cuvier place les éponges, parmi les polypes à polypiers, à la suite des téthyes (Théthyes) id. ibid., p. 321.

La condition de la plante. Les éponges sont des corps marins fibreux ; elles n'ont de sensible qu'une sorte de gélatine ténue qui se dessèche sans laisser aucune trace; Cuvier, id. ibid., p. 322.

C'est que la nature. La zoologie actuelle ne pourrait pas dire mieux.

Excessivement légère. Et c'est là ce qui fait que la science a tant de peine à les classifier.

§ 27. Comme on l'a dit. Voir l'Histoire des Animaux, livre V, ch. xiv, §§ 3 et suiv., pp. 187 et suiv. de ma traduction.

Quand on la détache. Du rocher, où elle est implantée.

Les holothuries, ainsi dénommées. La science moderne a conservé ce nom pour des échinodermes pédiceliés ; mais elle ne place pas les holothuries aussi près des éponges que le fait Aristote; elles ont une organisation assez compliquée, avec bouche, intestin, œsophage, anus, etc.; voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 238.

Les poumons marins. Je ne sais si on peut confondre ces poumons marins d'Aristote avec les pulmonés de la zoologie moderne, dont l'organisation est très supérieure à celle des holothuries et surtout des éponges; Cuvier, loc. cit., pp. 37 et 46.

Aucun des sens. Ceci ne peut pas s'appliquer absolument aux holothuries ni surtout aux pulmonés, qui ont au moins le toucher.

§ 28. L'Épipètre. J'ai conservé le mot grec en mettant l'équivalent français entre parenthèses. Il paraît que cette plante est un sédum rupestre, ou amplexicaule. Théophraste, Histoire des plantes, liv. VII, ch. vii, § 49 p. 119, édit. Firmin-Didot, nomme l'épipètre; mais c'est seulement pour dire que cette plante n'a point de fleur ; il ne parle pas de la propriété particulière dont il est question ici.

§ 29. Les téthyes. Voir plus haut, § 26.

En étant attachées. Comme les éponges.

Quelque sensibilité. On peut le croire d'après la raison qu'en donne Aristote, parce qu'en effet ces animaux ont une substance charnue sans os9 ni corne d'aucun genre ; voir Cuvier, loc. cit., p. 320. La croûte des téthyes comme celle des éponges présente deux ordres de trous pour recevoir l'eau et la rejeter.

Deux conduits et une seule fente. On pourrait trouver ici que les observations du naturaliste grec ont été poussées plus loin que celles de la science moderne.

On ne voit pas clairement... Le fait est exact, et l'eau que les téthyes rejettent ne |>eut pas être prise pour leur excrément.

Comme les autres testacés. On peut douter que les téthyes doivent être classées parmi les testacés.

§ 30. Un végétal. Le rapport indiqué par Aristote est réel, puisque le végétal n'a pas non plus d'excrétion ; mais il y a encore d'autres rapports non moins importants, l'immobilité, par exemple.

Pour le point essentiel de la vie. C'est là une théorie qui peut être exacte; mais qui ne semble pas s'appuyer sur aucun fait.

Cnides. Acalèphes. Sur la cnide ou acalèphe, voir l'Histoire des Animaux, liv. V, ch. xiv, § 1, p. 187 de ma traduction. La zoologie moderne a conservé le nom d'Acalèphe pour les orties de mer, qui forment la troisième classe des zoophytes. Ce ne sont pas en effet des testacés, et Aristote a raison de les distinguer.

Ils sortent de toutes les divisions admises. Et qui chez les Anciens ne pouvaient pas être poussées aussi loin que chez nous ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 274.

De la plante et de l'animal. D'où leur nom de zoophytes, ou animaux rayonnes, quatrième et dernier embranchement des animaux, selon Cuvier.

Quelques espèces se détachent. C'est exact. Par exemple, les méduses nagent en contractant et en dilatant leur ombrelle, bien que leur substance soit gélatineuse et sans fibres apparentes. Parmi les polypes, les uns se fixent par leur base ; les autres peuvent la détacher tout à fait et nager; voir Cuvier, loc. cit. pp. 274 et 290.

Bien qu'elles aient une bouche. Le fait est exact; et dans la plupart des espèces, cette bouche tient lieu aussi d'anus.

§ 31. Des étoiles de mer. Ce sont les astéries de la zoologie moderne, qui forment la première partie des Échinodermes pédicellés. Leur corps est divisé d'ordinaire en cinq rayons, au-dessous desquels est la bouche, qui sert aussi d'anus; Cuvier, loc. cit. p. 225,

Se jettent sur les huîtres. Je ne sais si ce détail a été constaté par la zoologie moderne.

On pourrait en dire autant des testacés. Ceci est trop concis, et n'est pas assez clair.

§ 32. Les organes de l'alimentation... Cette étude a commencé plus haut avec le chapitre V, pour les animaux qui n'ont pas de sang.

Le siège principal de la sensibilité. Il faut se rappeler que, dans les théories d'Aristote, c'est la sensibilité qui constitue essentiellement l'animal et le sépare de la plante, qui n'a que la faculté de nutrition. Cette théorie est profondément juste, et la science l'a conservée comme un de ses principes fondamentaux.

Dans les mollusques... Les détails anatomiques qu'Aristote donne ici sur les mollusques ne sont pas très exacts ; mais l'organisation de ces animaux est très obscure, et il est fort difficile de distinguer les viscères.

Une partie liquide. Ou, Humide.

Une membrane... Je ne crois pas que la science actuelle reconnaisse rien de pareil. Est-ce le système nerveux, est-ce la circulation des mollusques qu'Aristote veut décrire ? La principale masse médullaire, qu'on appelle leur cerveau, est placée en travers de l'œsophage, qu'elle enveloppe comme d'un collier. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 2, édit. de 1830.

La Mytis. Dans l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. i, § 17, ]>. 12 de ma traduction, la mytis des mollusques est la membrane où est contenue l'encre des céphalopodes. Ici, la mytis semble être plutôt le siège de la sensibilité.

Crustacés. Dans l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. ii, consacré aux crustacés, Aristote ne parle pas de leur mytis.

§ 33. Traversé dans son milieu par l'œsophage. Il semble que ceci ne peut se rapporter qu'à la masse médullaire qu'on nomme quelquefois le cerveau des mollusques.

Ainsi qu'on l'a déjà dit. Au paragraphe précédent. Mais au paragraphe qui suit, Aristote assimile cet organe au cœur.

La distension indispensable. Je ne sais pas si l'œsophage des mollusques se développe réellement autant que l'auteur paraît le croire.

De son dos. Ceci ne se comprend pas bien ; mais les manuscrits n'offrent pas de variante.

L'encre est sur l'intestin. Ces détails ne sont peut-être pas très exacts anatomiquement ; sur l'organisation des mollusques céphalopodes et sur leur encre, voir Cuvier, Règne animal, tome III, pp. 9 et suiv., édit. de 1830.

De l'orifice de sortie. Ceci non plus ne paraît pas fort exact. Dans les céphalopodes, l'entonnoir charnu qui donne passage aux excrétions est placé à l'ouverture du sac devant le cou. C'est le manteau qui forme le sac musculeux dont tous les viscères sont enveloppés; la bouche est percée entre les pieds.

§ 34. Analogue au cœur. Le mécanisme de la circulation est assez compliqué chez les mollusques; ils ont trois ventricules; mais il ne paraît pas qu'ils aient un organe qu on puisse appeler leur cœur; voir Cuvier, loc. cit.

La douceur du liquide. De quel liquide peut-il être question ici ? C'est ce qu'on ne voit pas.

Parfaitement cuit et sanguin. Quelle que soit la valeur de ces explications, elles prouvent avec quel soin Aristote avait fait l'anatomie de ces animaux, si difficiles à observer, même aujourd'hui, avec tous les moyens que nous possédons.

Le siège principal de la sensibilité. Voir plus haut, § 32.

Est dispose de même. Il aurait fallu plus de précision dans ce rapprochement.

Dans le milieu des deux organes Ce qui ne veut pas dire que toujours le siège du principe sensible soit à égale distance des deux extrémités, celle par où entre la nourriture, et celle par où sort le résidu.

Entre la droite et la gauche. On ne sait s'il s'agit ici du cœur dans les vertébrés, ou du centre phrénique.

§ 35. Dans des Études antérieures. Ceci se rapporte sans doute à l'Histoire des Animaux, où tout un chapitre, liv. IV, ch. vii, pp. 67 et suiv. de ma traduction, a été consacré aux insectes.

Entre la tête et le renflement du ventre. Voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. vii, §§ 2 et suiv., p. 68.

Ioules. Le nom grec a été conservé par la science moderne à toute une famille d'arthropodes chilognathes, les Iulides; voir la zoologie de M. Claus, p. 533, trad. franc. Les anneaux de ces insectes sont en nombre indéterminé.

Après qu'on les a coupés en deux. Voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. vii, § 3, p. 68.

§ 36. Des différences considérables... Ces observations sont fort exactes.

Les fonctions de la langue et celles des lèvres. Remarque fort ingénieuse, et tout à fait neuve du temps d'Aristote.

Cet organe de sensibilité à l'intérieur des dents. Cette théorie est peut-être moins acceptable que les précédentes. Le système nerveux des insectes est en général composé d'un cerveau formé de deux ganglions opposés, donnant huit paires de nerfs, et de douze ganglions inférieurs. Le lieu où Aristote place la sensibilité chez les insectes paraît choisi d'une manière arbitraire. Voir Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 293 et suiv., édit. de 1830; voir aussi la zoologie de M. le Dr Claus, pp. 548 et suiv., trad. franc.

L'intestin tout droit et simple. Ceci n'est pas très exact ; et le tube digestif des insectes est, au contraire, étendu et compliqué ; voir la Zoologie de M. Claus, p. 543.

§ 37. C'est la cigale... La science moderne s'est surtout occupée pour la cigale d'expliquer le mécanisme du son qu'elle produit; elle a moins étudié son appareil buccal. Aristote en a fait une étude particulière dans l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. vii, § 11, p. 74 de ma traduction.

A cause de leur froideur. Cette théorie peut être fort contestée ; mais on ne peut pas méconnaître que l'explication donnée ici par Aristote ne soit au moins fort ingénieuse.

De l'humidité qui provient de l'air. Il a été reconnu que la cigale se nourrit de la sève des arbres.

Les éphémères ... le Pont-Euxin. Voir l'Histoire des Animaux, liv. V,ch.xvii, § 19, p. 216 de ma traduction.

Les cigales vivent davantage. Voir l'Histoire des Animaux, liv. V, ch. xxiv, consacré tout entier à la cigale, pp. 218 et suiv. de ma traduction; mais l'auteur n'y parle pas de la longévité.

§ 38. Des parties intérieures. Cette étude a commencé surtout avec le chapitre iv du livre III; mais on peut la faire remonter aussi au chapitre i, du livre II. Tout ce paragraphe peut sembler ici hors de sa place, malgré la précision et la justesse des considérations qu'il présente sur la méthode de l'auteur; mais dans les chapitres qui suivent, Aristote revient aux insectes, aux crustacés, aux mollusques, pour passer ensuite à des matières plus importantes, l'homme surtout, et finir par des matières qui le sont beaucoup moins. On ne saurait méconnaître qu'il y a quelque désordre dans la (in de ce quatrième livre. Les sujets qu'il traite sont disparates et n'ont pas entre eux un lien suffisant, Les détails sont toujours du plus grand intérêt, et généralement d'une grande exactitude; mais l'exposition n'est pas régulière ni assez systématique. Voir sur ces questions la Dissertation sur la composition du Traite des Parties des Animaux, et aussi la Dissertation sur la composition de l'Histoire des Animaux.

CHAPITRE VI

Des insectes ; leur organisation ; relation des pattes et des ailes ; nombre des ailes ; leur nature diverse ; causes et objet de la segmentation des insectes ; rapports des insectes et des plantes ; du dard des insectes ; sa position ; ses usages, à l'extérieur et à l'intérieur, au devant ou en arrière ; règle ordinaire de la nature n'employant qu'un organe à une fonction, toutes les fois qu'elle le peut ; des pattes des insectes ; leur nombre et leur position ; de l'organisation des pattes dans les insectes qui sautent.

 


1 Les insectes ne sont pas formés d'autant de parties que d'autres animaux, bien qu'ils présentent entre eux assez de différences. Ils ont tous beaucoup de pattes, pour que cette multiplicité leur rende le mouvement plus facile, entravé comme il l'est en eux par la lenteur (683a) et la froideur de leur nature. Ceux qui ont le plus de pattes sont ceux qui sont les plus froids, à cause de leur longueur, comme les Ioules. Les insectes, ayant plusieurs principes de vie, ont aussi plusieurs sections ; et c'est par le même motif qu'ils ont beaucoup de pattes. Ceux qui ont les pattes plus petites ont des ailes pour compenser l'insuffisance de leurs pattes.

2 Parmi les insectes ailés eux-mêmes, ceux dont la vie est errante, et qui doivent nécessairement changer de lieux pour pouvoir vivre, ont quatre ailes; et le volume de leur corps est très léger, comme on le voit chez les abeilles et leurs congénères, qui ont deux ailes de chaque côté du corps. Les plus petits de ces insectes n'ont que deux ailes, comme l'espèce des mouches. Ceux qui sont courts et qui vivent davantage sur place ont plusieurs ailes comme les abeilles ; mais ils ont des élytres (fourreaux) à leurs ailes, comme les hannetons et les insectes analogues, pour que les ailes puissent conserver toute leur force; car, restant sédentaires, ils pourraient s'abîmer plus aisément que les insectes qui sont plus mobiles ; et c'est pour cela qu'ils ont un abri qui les protège.

3 Leur aile n'est pas divisée et n'a pas de tuyau. Ce n'est pas une plume; mais une membrane qui se rapproche du cuir, et qui, par sa sécheresse, se détache du corps, qui est refroidi et charnu. Les insectes sont divisés en segments par les raisons qu'on vient de dire, et aussi afin de pouvoir se conserver et se défendre, en se repliant et en ne sentant plus rien. Ceux des insectes qui ont quelque longueur s'enroulent sur eux-mêmes; ce qui leur serait impossible s'ils n'étaient pas segmentés. Ceux qui ne peuvent pas s'enrouler ainsi se rendent plus durs, en rapprochant leurs sections. C'est ce dont on. peut se convaincre en les touchant, par exemple les canthares ; quand ils ont peur, ils se tiennent immobiles; et leur corps se durcit.

4 C'est une nécessité pour eux d'être des insectes, puisque leur essence est d'avoir plusieurs centres de vie ; ce en quoi ils se rapprochent des plantes. En effet, de même que les plantes, ils peuvent vivre encore après qu'on les a divisés, si ce n'est que chez les insectes, ceci ne va que jusqu'à un certain point, tandis que les plantes peuvent devenir naturellement complètes en se divisant, et que d'une seule plante il peut en sortir deux ou même davantage.

5 Il y a des insectes qui, en outre, ont des dards pour se défendre contre tout ce qui leur peut nuire. Les uns l'ont en avant ; les autres l'ont en arrière. Ceux qui l'ont en avant l'ont à la langue ; ceux qui l'ont en arrière l'ont à la queue. De même que, chez l'éléphant, l'organe du sens de l'odorat sert tout à la fois à défendre l'animal (683b) et à lui procurer sa nourriture, de même aussi, dans quelques espèces d'insectes, l'organe placé à leur langue leur rend les mêmes offices ; c'est par cet organe qu'ils sentent leur nourriture, qu'ils la saisissent et qu'ils l'attirent à eux.

6 Ceux qui n'ont pas de dard en avant ont des dents, soit pour manger, soit pour prendre et attirer à eux leurs aliments, comme les fourmis et le genre entier des abeilles. Ceux qui ont le dard en arrière l'ont comme une arme de combat, parce qu'ils sont pleins de courage. D'autres portent leur dard au dedans d'eux-mêmes, comme les abeilles et les guêpes, parce qu'ils volent ; car, légers comme ils sont et toujours dehors, ils seraient facilement détruits. Si leur dard sortait comme chez les scorpions, il aurait fait un poids trop lourd. Mais, chez les scorpions, qui rampent à terre et qui ont un dard, il faut nécessairement qu'ils l'aient de cette façon ; ou autrement, il leur serait inutile pour leur défense.

7 Il n'y a pas d'insecte à deux ailes qui ait le dard en arrière. Comme ils sont faibles et petits, ils ne sont pourvus que de deux ailes, parce qu'étant si petits, il leur suffit pour s'enlever de moyens moins nombreux. C'est encore par cette même raison qu'ils ont leur dard en avant ; car ils sont si faibles que c'est à peine s'ils peuvent frapper avec leurs organes antérieurs. Ceux au contraire qui ont plusieurs paires d'ailes, étant d'une nature plus forte, ont aussi des ailes en plus grand nombre, et ils sont plus forts dans les parties postérieures.

8 Mais comme il vaut mieux, quand cela est possible, que le même organe ne serve pas à des usages dissemblables, il faut que le dard qui doit servir à la lutte soit très aigu, et que celui qui se rapproche d'une langue soit spongieux et puisse pomper la nourriture. Toutes les fois que la nature peut se servir de deux organes pour deux fonctions distinctes et ne pas gêner l'un aux dépens de l'autre, elle ne fait ordinairement rien de ce que font les fabricants qui, par économie, mettent une lampe au bout d'une broche. C'est seulement en cas d'impossibilité que la nature se sert d'un même moyen pour plusieurs usages.

9 Quelques insectes ont les pattes de devant plus grandes que les autres pattes, afin qu'ayant des yeux durs et la vue mauvaise, ils puissent repousser avec leurs pattes antérieures tout ce qui peut les salir et leur nuire. C'est ce que font les mouches, comme on peut l'observer, ainsi que les insectes du genre de l'abeille, qui sont sans cesse à se nettoyer, en croisant leurs pattes de devant. Les pattes de derrière sont plus grandes quo les intermédiaires, à la fois pour aider la marche, et pour que l'animal puisse s'enlever plus aisément quand il part de terre.

10 Dans ceux des insectes qui sautent, cette organisation est encore plus évidente, comme dans les sauterelles, et le genre des poux ; car en étendant leurs pattes de nouveau après les avoir fléchies, il faut nécessairement qu'ils s'élèvent de terre. Ce n'est pas en avant, mais seulement en arrière que les sauterelles ont leurs pattes, en forme de gouvernail. (684a) La flexion doit se faire nécessairement en dedans ; et aucun des membres de devant ne pourrait s'infléchir de cette façon. Tous les insectes qui ont ces organes du saut sont pourvus de six pattes.

§ 1. Les insectes. Voir l'étude générale sur les insectes dans l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. vii, p. 67 de ma traduction.

D'autant de parties. Les trois parties les plus apparentes dans les insectes sont la tête, le thorax et l'abdomen ; mais ce ne sont pas les seules ; et avec les pattes, les ailes, les élytres, etc., elles forment à peu près autant de parties que dans une foule d'autres animaux.

Assez de différences. On pourrait même dire : Les plus nombreuses différences. Le nombre des espèces d'insectes actuellement connues s'élève à plusieurs centaines de mille ; voir la Zoologie de M. Claus, p. 563, trad. franc. Il n'y a pas un autre ordre d'animaux qui en présente autant, sans compter les espèces fossiles, qui se multiplient indéfiniment.

Tous beaucoup de pattes. Ceux qui en général en ont le moins en ont six ; les autres en ont un nombre considérable; ce qui leur a fait donner le nom de Myriapodes.

Le mouvement plus facile. L'explication peut être contestée ; car les insectes qui ont tant de pattes ne sont pas ceux qui se meuvent le plus vite.

Les Ioules. Voir au chapitre précédent, § 35.

L'insuffisance de leurs pattes. Cette théorie ne paraît pas non plus très exacte.

§ 2. Ont quatre ailes. Ce sont surtout les coléoptères, qui ont six pattes et quatre ailes, les deux supérieures recouvrant les deux autres, comme des étuis ou élytres.

Chez les abeilles. Les abeilles sont comprises aujourd'hui dans les hyménoptères (ailes membraneuses), formant le quatrième ordre des insectes ; elles ont également six pattes, et quatre ailes, simplement veinées, et non en réseau comme celles des nevroptères, les deux inférieures plus petites que les supérieures.

Des mouches. C'est l'ordre des diptères, avec deux ailes membraneuses, une trompe, des palpes, des antennes, etc. C'est le septième ordre des insectes.

Les hannetons. De l'ordre des coléoptères, six pattes, quatre ailes dont les deux supérieures sont des élytres, d'où l'on a tiré le nom de ce premier ordre des insectes.

C'est pour cela.... Théorie contestable.

§ 3. N'est pas divisée. Comme le sont les ailes et les plumes des oiseaux.

Ce n'est pas une plume. Il était bon de noter cette différence.

Qui se rapproche du cuir. La remarque est juste, bien que l'élytre soit moins souple que le cuir.

En se repliant. Cette faculté n'appartient qu'à certaines espèces.

S'enroulent sur eux-mêmes... se rendent plus durs. Tous ces détails sont exacts.

Les canthares. Voir sur ces insectes, l'Histoire des Animaux, liv. V, ch. xvii, § 15, p. 213 de ma traduction. Le nom de cantharus a été donné par la science moderne à un poisson de la famille des acanthoptères, et celui de cantharis a été conservé à un coléoptère, du genre des pentamères, ou à tarses à cinq articles; voir la Zoologie de M. Claus, pages 637 et 849.

Quand ils ont peur. Beaucoup d'insectes font également cette manœuvre, quand ils éprouvent quelque crainte.

§ 4. Plusieurs centres de vie. Parce qu'ils vivent encore après qu'on les a coupés.

Ils se rapprochent des plantes. Ce rapprochement est peut-être ici un peu exagéré. Cette théorie se retrouve plus précise et plus développée dans le Traité de la Jeunesse et de la Vieillesse, ch. ii, §§ 3 et suiv., p. 315 de ma traduction.

Ne va que jusqu'à un certain point. Car il faut que l'animal ait conservé les organes de la nutrition.

§ 5. Ont des dards. Voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. vii, § 5, p. 71 de ma traduction.

L'ont à la langue. Voir l'Histoire des Animaux, loc. cit. § 4, sur la langue des insectes.

L'organe du sens de l'odorat. C'est la trompe, qui fait aussi l'office d'un nez ; mais il est assez singulier de comparer l'insecte à l'éléphant.

Par cet organe. Voir sur la langue des insectes, Cuvier, Anatomie comparée, xixe leç., tome III, pp. 347 et suiv., 1ere édit. L'organisation de la trompe est surtout remarquable et très variée chez les diptères.

§ 6. Ont des dents. Les insectes n'ont pas de dents, à proprement parler; même les insectes broyeurs n'en ont pas. Leur bouche est formée d'une lèvre supérieure nommée labre ; et de chaque coté, il y a des mandibules ; en dedans, il y a les palpes maxillaires, le menton et la languette ; dans les insectes suceurs, les mâchoires et le labre forment en s'allongeant une trompe tubuleuse plus ou moins longue ; voir la Zoologie de M. Claus, p. 539, trad. franc. C'est la lèvre supérieure, avec les mandibules, qui sert à diviser les matières solides.

Ils seraient facilement détruits. Ceci ne se comprend pas bien ; et l'expression de la pensée est insuffisante. Peut-être cette remarque s'applique-t-elle aux dards et non aux insectes; mais le texte ne se prête pas grammaticalement à cette dernière interprétation.

Chez les scorpions. Voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. vii, § 5, p. 71. Le corps des scorpions se termine par une queue longue et grêle, composée de six nœuds, dont le dernier finit en un dard ; sous l'extrémité de ce dard, sont placés deux petits trous par lesquels sort une liqueur venimeuse, contenue dans un réservoir intérieur. Voir Cuvier, Règne animal, t. IV, p. 267, édit. de 1829.

§ 7. A deux ailes. C'est l'ordre des diptères, comme ce nom l'indique ; il comprend le cousin, le taon, la mouche, etc. Voir le Règne animal de Cuvier, tome IV, p. 325, et la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 597, trad. franc,

Étant si petits... si faibles. Cette explication n'est peut-être pas très juste, bien qu'elle soit certainement fort ingénieuse ; mais il est difficile de savoir pourquoi la nature a mis le dard, tantôt en avant, tantôt en arrière, chez quelques insectes.

§ 8. Le même organe... des usages dissemblables. Sur ce point, l'opinion d'Aristote a varié plus d'une fois; et tantôt il loue la nature d'avoir appliqué un seul organe à plusieurs usages ; tantôt au contraire, il la loue d'avoir consacré exclusivement un seul organe à un usage unique. Voir sur cette théorie la Préface à l'Histoire des Animaux, p. LXXVIII. Mais, comme il le dit ici, il vaut mieux que chaque organe n'ait qu'une seule fonction toute spéciale.

Soit spongieux. Ce n'est pas là tout à fait la nature de la trompe de certains insectes.

Une lampe au bout d'une broche. C'était un instrument à deux fins, comme ces couteaux de Delphes, dont il est parlé dans la Politique,liv. I, ch. i,  § 5,  p. 4 de ma traduction, 3e édit. Aristote, dans ce dernier passage, loue la nature d'être moins parcimonieuse que les fabricants de ces couteaux à plusieurs fins.

En cas d'impossibilité. Voilà l'opinion définitive du philosophe.

§ 9. Les pattes de devant plus grandes... Je ne crois pas que la zoologie moderne ait étudié particulièrement ces différences dans la longueur des pattes des insectes.

Des yeux durs ... Voir, sur les yeux des insectes, Cuvier, Règne animal, t. IV, p. 299, et Anatomie comparée, t. II, xiie leçon, p.442, iere édit. Les yeux des insectes sont durs, comme le dit Aristote ; mais il ne semble pas que leur vue soit mauvaise.

C'est ce que font les mouches. Observation très facile, que chacun de nous a pu faire.

Du genre de l'abeille. Cette habitude n'est pas aussi marquée chez l'abeille que chez la mouche.

Les pattes de derrière sont plus grandes. Ceci semble contredire le début du paragraphe.

§ 10. Qui sautent. Voir, sur le saut des insectes, Cuvier, Anatomie comparée, tome I, viie leçon, p. 497, 1re édit.

En étendant leurs pattes... La zoologie moderne ne semble pas avoir étudié spécialement le mécanisme du saut chez les insectes, bien qu'elle fasse un . groupe particulier des sauteurs, criquets, sauterelles, grillons, etc. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, page 569, trad. franc.

En forme de gouvernail. Cette comparaison n'éclaircit pas les choses ; et elle ne se comprend pas bien. Les manuscrits n'offrent pas de variante ; voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch, vii, § 7, p. 73. Comme l'étymologie du mot de Gouvernail en grec se rapproche beaucoup de l'étymologie du mot de Saut, il est possible qu'il y ait ici quelque erreur de copiste.

Sont pourvus de six pattes. Cette observation est exacte; et les orthoptères, second ordre des insectes, ont tous six pattes, comme le dit Aristote, qui ne se trompe guère dans tous ces détails.
 

CHAPITRE VII

Des testacés ; ils ont en général très peu de mouvement ; et de là vient l'indivision de leur corps, et la dureté de leur coquille ; les univalves et les bivalves ; leur organisation analogue à celle des plantes; position de l'organe qui sert à les nourrir; il est dans une membrane; tête des testacés; les autres parties du corps n'ont pas reçu de nom.

 

1 Le corps des testacés n'est pas divisé en plusieurs parties; et cette organisation tient à ce qu'ils sont naturellement sédentaires. Les animaux qui se meuvent sont nécessairement divisés en plusieurs sections, en vue des actes qu'ils doivent accomplir, parce que ceux qui ont le plus de mouvements à faire ont aussi besoin de plus d'organes. Mais parmi les testacés., les uns sont absolument privés de mouvement; d'autres n'ont qu'un mouvement très faible. En revanche, la nature leur a donné pour protection la dureté des coquilles dont elle les entoure.

2 Les uns sont univalves ; les autres, bivalves ; d'autres encore sont turbines, ainsi que nous l'avons déjà dit. Parmi ceux-là, les uns sont en spirale, comme les buccins ; d'autres sont purement sphériques, comme le genre des oursins ou hérissons de mer. Dans les bivalves, les uns s'ouvrent, par exemple les peignes et les moules, qui se ferment d'un côté, de telle sorte qu'ils s'ouvrent et se ferment du côté opposé. D'autres se rejoignent des deux côtés, comme est le genre des solens.

3 Tous les testacés ont, ainsi que les plantes, la tête en bas ; cela tient à ce qu'ils prennent leur nourriture par en bas, comme les plantes la prennent par leurs racines. Chez les testacés, en effet, le bas est en haut, et le haut est en bas. L'organe par lequel filtre le liquide potable, et par où l'animal prend sa nourriture, est renfermé dans une membrane. Tous les testacés ont une tête ; mais à l'exception de la partie qui reçoit la nourriture, les autres parties de leur corps n'ont pas reçu de nom spécial.


 

§ 1. Le corps des testacés. L'auteur revient aux testacés, dont il a été déjà question dans le chapitre v ; il semble de plus qu'il devrait être traité des testacés, avant les insectes. On peut donc supposer ici quelque désordre ; ce qui n'ôte rien d'ailleurs à l'exactitude et à l'importance des faits.

N'est pas divisé en plusieurs parties. Comme le corps des insectes, dont on vient de parler.

Sédentaires. Ceci est peut-être exagéré et trop général. Les acéphales testacés, qui sont bivalves, se meuvent fort peu ; mais on ne peut pas dire qu'ils soient sans mouvement, puisqu'il y a des espèces qui nagent, comme les peignes elles limes; voir Cuvier, Règne animal, tome III, page 122.

Qu'un mouvement très faible. Ceci n'est pas non plus très exact; car il y a des testacés qui nagent très vite par le mouvement de leurs valves.

La nature leur a donné... C'est là une théorie chère à Aristote et qu'il ne manque jamais de rappeler. Elle est profondément vraie; et sans elle, il est impossible de rien comprendre à l'histoire naturelle; voir la Préface à l'Histoire des Animaux, p. LXXXII. § 2. Ainsi que nous l'avons déjà dit. Voir plus haut, ch. v, §§13 et suiv.

En spirale, comme les buccins. Tous les buccinoides ont une coquille spirale, dont l'ouverture a, près delà columelle, une échancrure pour le passage du siphon, qui lui-même n'est qu'un repli prolongé du manteau ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 91, édit. de 1830.

Le genre des solens. Voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. iv, § 3, p. 37 de ma traduction. Les solens de Cuvier ont la coquille bivalve et oblongue; leur charnière, pourvue de dents saillantes, a toujours son ligament à l'extérieur. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 686, trad. franc. La coquille est étroite et équi-valve, en manche de couteau.

§ 3. La tête en bas. Il est difficile de comprendre ce qu'Aristote a voulu dire ici, bien que les détails où il entre attestent une observation fort attentive. Les testacés, qui forment la quatrième classe des mollusques, sont appelés acéphales, parce qu'en effet ils n'ont point de tête apparente, et qu'ils ont seulement une bouche cachée dans le fond du manteau ; le corps de l'animal, composé du foie et des viscères, y est également renfermé. Le cerveau est sur la bouche, qui est à une extrémité, tandis que l'anus est à l'autre ; voir Cuvier, Règne animal, t. III, pp. 115 et suiv.

Renfermé dans une membrane. Cette membrane est le manteau, qui a deux lames, avec les quatre feuillets branchiaux ; Cuvier, ibid., p. 117.

Tous les testacés ont une tête. La science moderne ne reconnaît pas de tête aux testacés; ce que le naturaliste grec prend pour une tête n'est que la bouche de l'animal.
 

CHAPITRE VIII

Des crustacés ; leurs quatre genres et leurs espèces ; différences de quelques parties de leur organisation ; les malas ; les héracléotes ; leurs pinces ; usages divers de leurs pieds pour nager ou pour marcher ; organisation spéciale des femelles des crabes ; elles gardent leurs œufs plus que d'autres poissons; différences des pinces, dont la droite est généralement la plus forte ; prévoyance delà nature; exceptions des homards; citations de l'Histoire des Animaux et des Descriptions Anatomiques.

 

1 Les crustacés peuvent tous se mouvoir, parce qu'ils ont beaucoup de pieds; il y en a quatre espèces principales, ceux qu'on appelle les langoustes (carabos), les homards (astacos), les squilles (caris), et les crabes (carcinos). Dans chacun de ces genres, il y a beaucoup de sous-espèces, qui ne diffèrent pas seulement par la forme, mais aussi par la grandeur, les unes étant très grandes, et les autres très petites.

2 Les crabes et les langoustes se ressemblent en ce que les uns et les autres ont des pinces. Ces pinces ne leur servent pas à marcher, mais leur tiennent lieu de mains pour prendre et retenir les objets. C'est pour cela aussi qu'ils les plient en sens contraire de leurs pieds; ils fléchissent et roulent les unes en dedans, les autres en cercle, parce que, de cette façon, les pinces servent à porter la nourriture à la bouche, après l'avoir prise.

(684b) 3 La différence, c'est que les langoustes ont une queue, tandis que les crabes n'en ont pas. La queue sert aux unes parce qu'elles nagent, et elles s'y appuient comme sur de véritables rames; mais la queue ne servirait en rien aux crabes, parce qu'ils passent leur vie près de la terre, et qu'ils vivent dans les trous. Ceux d'entre les crustacés qui habitent la haute mer ont des pieds beaucoup moins bien disposés pour la marche, comme les maïas, et les crabes appelés les Héracléotes; ils n'ont que très peu de mouvement ; et leur seule ressource, pour leur défense, c'est d'être durs comme des huîtres.

4 C'est par ce motif aussi que les maïas ont les pattes très grêles, et que les Héracléotes les ont très courtes. Les tout petits crabes, qu'on prend avec d'autres petits poissons, ont leurs derniers pieds fort larges, afin de pouvoir s'en servir pour nager, comme si leurs pieds étaient des nageoires ou des rames. Les carides diffèrent des crabes en ce qu'elles ont une queue ; et des craboïdes (langoustes), en ce qu'elles n'ont pas de pinces. Si elles n'en ont pas, c'est qu'elles ont des pieds en plus grand nombre, et c'est à ces pieds qu'est employé le développement que les pinces pourraient prendre. Les carides ont un plus grand nombre de pieds, parce qu'elles nagent plus qu'elles ne marchent.

5 Les parties inférieures du corps et celles qui avoisinent la tête ressemblent à des branchies, pour recevoir le liquide et le rejeter. Mais les femelles des langoustes ont les parties du bas plus larges que les mates, et elles sont aussi plus velues que les mâles dans l'opercule, parce qu'elles y étalent leurs œufs, et qu'elles ne les déposent pas au dehors d'elles comme le font les poissons, et les autres animaux qui pondent des œufs ; car étant plus larges, elles offrent aussi plus d'espace pour leurs œufs.

6 Les langoustes et les crabes ont tous la pince droite plus grosse et plus forte que la gauche. C'est qu'en général tous les animaux agissent davantage par la droite ; et la nature accorde chacun des organes, ou seul, ou plus énergique, à ceux qui peuvent s'en servir, comme les crocs, les dents, les cornes, les ergots et d'autres organes analogues qui servent à la fois à la préservation de l'animal et à la lutte.

7 Les homards seuls ont indifféremment l'une des pinces plus forte que l'autre, les femelles aussi bien que les mâles. Ce qui fait que les homards ont des pinces, c'est qu'ils appartiennent à un genre qui en a ; et ce qui cause l'irrégularité, c'est que ces animaux sont mutilés, et qu'ils n'emploient pas la pince à son usage naturel, mais à la marche.

(685a) 8 Du reste, c'est dans les Descriptions Anatomiques et dans l'Histoire des Animaux qu'on peut voir et étudier chacune de ces parties, leur position, leurs différences mutuelles, et les différences spéciales des mâles et des femelles, pour les parties autres que celles-là.


 

§ 1. Peuvent tous se mouvoir. Voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. ii, pp. 18 et suiv. de ma traduction. Cuvier fait des crustacés la seconde forme des animaux articulés, troisième grande classe du règne animal; il reconnaît aussi que, grâce à leur organisation, on retrouve en eux, comme parmi les vertébrés, la marche, la course, le saut, la natation et le vol; Règne animal, tome III, p. 180. L'étude des crustacés ne paraît pas complète dans le grand ouvrage de Cuvier, écrit de sa main; mais elle est reprise dans le IVe volume du Règne animal, p. 30. Voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 398 et suiv., trad. franc., qui divise la classe des crustacés en six ordres. Les quatre genres d'Aristote ne sont pas assez étendus ; il est vrai qu'il ne prétend citer que les principaux; mais, même en se bornant, il aurait pu être plus précis. L'identification que je donne n'est peut-être pas très certaine. Voir le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, Histoire des Animaux, tome 1, page 154.

De sous-espèces... Ceci est très exact, et l'on peut s'en convaincre par la Zoologie de M. Claus, loc. cit. M. Latreille, Règne animal de Cuvier, p. 81, tome IV, édit. de 1829, reconnaît qu'Aristote a fait sur les langoustes des observations intéressantes.

§ 2. Les crabes et les langoustes. Voir, pour les crabes, Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 30 et 36, de la main de Latreille ; et pour les langoustes, p. 80, ibid. Les crabes se distinguent des langoustes surtout par la différence de longueur de la queue ; les uns forment la famille des brachyures; les secondes, celle des macroures.

Des pinces. Ce sont, en général, les deux pieds antérieurs, qui sont en forme de serres, et parfois aussi les suivants ; voir Cuvier, id. ibid., tome IV, p. 23.

Leur tiennent lieu de mains. Le rapprochement est exact.

Les uns en dedans. Ce sont les pieds.

Les autres en cercle. Ce sont les pinces ; mais la description n'est pas exacte; et il eût été bon de la développer un peu davantage pour la rendre plus claire.

§ 3. Les crabes n'en ont pas. C'est exagéré; les crabes ont une queue; seulement cette queue est moins grande que celle des langoustes.

Parce qu'elles nagent. Ceci est tellement vrai que les langoustes se tiennent pendant l'hiver dans les profondeurs de la mer, et qu'au printemps elles se rapprochent de la terre ; voir Cuvier-Latreille, Règne animal, tome IV, p. 80, édit. de 1829.

Comme sur de véritables rames. La comparaison est très juste.

Leur vie près de la terre. Je ne sais pas si ce détail s'applique très bien aux crabes, qui vont aussi en pleine mer ; mais, encore une fois, l'identification de ces crustacés est fort difficile ; il s'agit peut-être des écrevisses plutôt encore que des crabes.

Les maïas. Le nom grec a été conservé par la science moderne pour une famille de crustacés brachyures ; voir Cuvier-Latreille, tome IV, p. 59, édit. de 1829, et la Zoologie de M. Claus, p. 495.

Les Héracléotes. Il semble bien que ces crabes d'Héraclée sont nos crabes tourteaux ; voir le catalogue de MM. Aubert et Wiramer, Histoire des Animaux, tome I, p. 155. Voir aussi l'Histoire des Animaux, livre IV, ch. 11, § 3, p. 19 de ma traduction. Les héracléotes étaient ainsi nommés, sans doute, parce qu'on les trouvait dans le voisinage d'une ville du nom d'Héraclée.

§ 4. Les pattes très grêles... très courtes. Ces détails paraissent assez exacts.

Avec d'autrès petits poissons. Le sens du texte n'est pas très net ; celui que j'ai adopté me paraît encore le plus probable.

Leurs derniers pieds fort larges. Les pieds des crabes sont attachés ur les côtés de la poitrine ; les derniers sont terminés par un article très aplati en nageoire, plus large que le même article des pieds précédents ; voir Cuvier-Latreille, Règne animal, tome IV, p. 31, édit. de 1829.

Ou des rames. Répétition de ce qui vient d'être dit au § 3.

Les carides. Ou Les squilles; voir Cuvier-Latreille, tome IV du Règne animal, p. 108.

En ce qu'elles ont une queue. Plus haut, dans le paragraphe précédent, il a été dit déjà que les crabes n'ont pas de queue.

Elles n'ont pas de pinces. Tandis que les langoustes en ont de très fortes.

Un plus grand nombre de pieds. L'auteur aurait pu préciser le nombre de pieds des uns et des autres.

§ 5. Les parités inférieures du corps. Ceci se rapporte plus particulièrement aux langoustes, comme la suite le prouve.

Ressemblent à des branchies. Ceci est très exact. Les branchies dans les crustacés, en gé néral, au nombre de sept paires, sont placées sur les côtés du corps. Dans l'Histoire des Animaux, livre IV, ch. ii, § 11, p. 25 de ma traduction, Aristote a minutieusement décrit cette organisation chez le homard.

Les femelles des langoustes. Aristote a comparé aussi la femelle et le mâle de la langouste, mais sur des points différents, dans l'Histoire des Animaux, livre IV, chapitre ii, §§ 8 et suivants, p. 22.

Les parties du bas. Ceci désigne la queue.

Elles y étalent leurs œufs. Dans tous les crustacés, brachyures ou macroures, cette organisation est presque toujours pareille ; la queue de la femelle s'infléchit et se recourbe pour protéger les œufs.

Au dehors d'elles. Le texte dit précisément: Au loin.

Les poissons. Dans la plupart des espèces de poissons, la femelle pond ses œufs, que le mâle vient ensuite couvrir de sa laite, qu'il répand.

Les autres animaux. Comme les oiseaux. Voir l'Histoire des Animaux, livre IV, ch. ii, § 14, p. 26 de ma traduction.

§ 6. La pince droite plus grosse. Cette observation se trouve déjà dans l'Histoire des Animaux, livre IV, ch. ii, § 15, p. 27.

C'est qu'en général... Cette explication générale n'est peut-être pas très juste, comme le prouve ce qui est dit au paragraphe suivant.

La nature accorde... Voir l'étude des dents, en général, dans l'Histoire des Animaux, livre II, ch. ni, §§ 12 et suiv., p. 126 de ma traduction.

§ 7. Les homards seuls. Je ne sais pas si la science moderne a ratifié ces observations; voir aussi l'Histoire des Animaux, livre IV, ch. u, § 17, p. 27 de ma traduction.

Ils appartiennent à un genre qui en a. L'explication peut paraître un peu trop simple.

Sont mutilés. Ceci n'est pas suffisamment clair ; car il aurait fallu dire si cette mutilation est de nature, ou si elle est purement accidentelle chez quelques homards mutilés par d'autres, dans les combats qu'ils se livrent. Comme les pinces de la première paire de pattes sont excessivement développées, il est possible qu'elles se brisent souvent aux obstacles qu'elles rencontrent.

§ 8. Dans les Descriptions Anatomiques. Malheureusement, ces collections anatomiques de dessins et d'explications ne sont pas arrivées jusqu'à nous. Elles eussent été infiniment curieuses.

Dans l'Histoire des Animaux. On peut voir, pour toutes les références qui précèdent, les études faites sur les crustacés dans l'Histoire des Animaux, passim ; sur cette question des dessins et des explications d'anatomie, je me permets encore de renvoyer le lecteur à ma Préface de la traduction de l'Histoire des Animaux, tome I, p. CLXVI

CHAPITRE IX

Des mollusques ; leur organisation ; leurs pieds ; organisation des testacés comparée à celle des autres animaux ; représentation graphique par une ligne droite recourbée d'un sommet à l'autre ; l'orifice des excréments se trouve ainsi près de la bouche ; organisation spéciale des seiches et des teuthies ; rapports que la nature a mis entre le manteau et les pieds ; les deux trompes ou tentacules ; leur usage ; organisation fibreuse des polypes ; leurs deux suçoirs; espèce qui n'a qu'un suçoir unique ; position de la nageoire dans tous ces animaux ; sa position ; ses dimensions ; l'animal s'en sert pour nager et pour se diriger ; la nageoire est très petite chez les polypes. Résumé sur les animaux qui n'ont pas de sang.

 

1 Nous avons déjà traité des organes intérieurs des mollusques, comme nous l'avons fait pour les autres animaux. À l'extérieur, ils ont le sac de leur corps, sans divisions, et les pieds en avant, près de la tête ; en dedans, des yeux autour de la bouche et des dents. Parmi les animaux pourvus de pieds, les uns les ont en avant et en arrière; les autres les ont de côté, comme les polypes et les animaux exsangues. Mais les mollusques ont cette organisation particulière que tous leurs pieds sont sur la partie qu'on appelle en eux le devant. Cela tient à ce que, chez ces animaux, le derrière est soudé au devant, de même que chez les testacés turbines,

2 En général, les testacés sont organisés en partie comme les crustacés, et en partie comme les mollusques. En ce qu'ils ont la partie terreuse au dehors et la partie charnue en dedans, ils ressemblent aux crustacés ; et par la forme de leur corps, ils se rapprochent des mollusques. Tous les testacés ont ces ressemblances; mais ce sont surtout les turbines à hélice qui les présentent.

3 La nature des uns et des autres pourrait être figurée par une ligne droite, comme le serait aussi la nature des quadrupèdes et des hommes. Au sommet de la ligne, la bouche serait représentée par À ; l'œsophage le serait par B ; l'estomac, par C ; et de l'intestin à la sortie des excréments, par D. Dans les animaux qui ont du sang, telle est leur organisation ; sur cette ligne, il y a la tête, et ce qu'on appelle le tronc. C'est en vue de ces parties et en vue du mouvement que la nature a disposé et ajusté toutes les autres parties, comme les membres de devant et ceux de derrière.

4 Dans les crustacés et les insectes, la ligne droite tend à s'établir de la même manière pour les parties intérieures; mais ils diffèrent des animaux pourvus de sang par les organes extérieurs qui doivent servir au mouvement. Les mollusques et les testacés turbines se rapprochent entre eux, mais sont l'opposé des autres. L'extrémité s'infléchit vers le point de départ, (685b) comme si, sur la droite représentée par E, on pliait D vers À. Les parties intérieures ayant pris cette position, elles sont enveloppées chez les mollusques par le manteau, qui, dans les polypes seuls, prend le nom spécial de tête ; et dans les testacés, cette partie est précisément la spire.

5 La seule différence, c'est que chez les uns la partie molle est placée à la circonférence, tandis que chez les autres la nature a mis la partie dure autour du charnu, pour les préserver des dangers que peut produire la difficulté qu'ils ont à se mouvoir. Voilà comment, chez les mollusques et les turbines, l'excrément sort près de la bouche; et la seule différence, c'est que dans les mollusques il sort en bas, tandis qu'il sort de côté dans les turbines.

6 C'est encore pour la même raison que chez les mollusques les pieds sont disposés comme ils le sont, et contrairement à ce qu'ils sont chez les autres. Les seiches et les petits calmars (teuthies) sont en cela dissemblables aux polypes, en ce qu'ils ne font que nager, tandis que les polypes peuvent aussi marcher. Les petits calmars (teuthies) ont les dents du haut, et les deux dernières de ces dents sont plus fortes ; des huit autres, les deux du bas sont les plus grandes de toutes.

7 De même que, chez les quadrupèdes, ce sont les parties postérieures qui sont les plus fortes, de même aussi, chez les seiches et les teuthies, ce sont les dents d'en bas qui sont les plus grandes. Celles-là surtout portent le poids et le meuvent; et les deux dernières sont plus fortes que les moyennes, afin d'agir avec elles et de leur venir en aide. Chez le polype, ce sont les quatre dents du milieu qui sont les plus grosses.

8 Tous ces animaux ont huit pieds ; mais les seiches et les teuthies les ont tout courts, tandis que l'espèce des polypes les a très grands. Elles ont aussi le manteau du corps fort grand, tandis que les polypes l'ont petit, de telle sorte que la nature a retranché quelque chose à leur corps pour développer les pieds chez ceux-ci, tandis que chez celles-là, elle a pris aux pieds pou r accroître le corps.

9 C'est là ce qui fait que les pieds servent aux uns non seulement pour nager, mais aussi pour marcher, tandis qu'ils sont inutiles aux seiches et aux teuthies. Les pieds sont petits ; mais le manteau est grand. Puis, comme les pieds sont petits et ne peuvent leur servir pour s'attacher et n'être pas emportés par les flots et la tempête, ni pour rapprocher les objets éloignés, il y est suppléé par deux trompes fort longues, qui leur permettent de lever l'ancre et de naviguer, comme un bateau, malgré le mauvais temps. (686a)Les seiches et les teuthies s'en servent aussi pour saisir leur proie et s'approprier les objets éloignés. Les polypes n'ont pas besoin de ces trompes, parce que leurs pieds peuvent leur rendre les mêmes services.

10 Ceux qui ont aux pieds des suçoirs et des tentacules y trouvent la même force et la même disposition qu'offraient les tissus où les anciens médecins inséraient leurs doigts. C'est ainsi que ces animaux sont tissus de fibres, à l'aide desquelles ils attirent à eux les petits morceaux de chair et tout ce qui vient à leur portée. Comme elles sont flexibles, elles entourent ces objets; et quand elles se resserrent, elles les pressent et les gardent dans leur intérieur, qui les touche tout entier. N'ayant rien pour attirer leur proie, les uns que leurs pieds et les autres que leurs trompes, ils ont ces organes au lieu de mains, pour lutter et pour tout autre emploi utile.

11 Toutes les autres espèces ont deux rangs de suçoirs ; mais une espèce de polype n'en a qu'un ; cela tient à leur longueur et à leur ténuité; car, étroits comme ils sont, ils ne peuvent avoir qu'un suçoir unique. Ce n'est pas parce que c'est le mieux ; mais c'est là une condition nécessaire de leur organisation toute spéciale.

12 Tous ces animaux ont la nageoire placée circulairement autour du manteau. Dans les autres espèces, elle est continue et sans interruption, ainsi que dans les grands calmars. Mais les plus petites espèces, qu'on appelle les teuthies, ont la nageoire plus large et non pas étroite comme les seiches et les polypes ; cette nageoire ne commence qu'au milieu, et elle ne règne pas circulairement tout autour. Ces animaux ont cet organe pour nager et pour se diriger, comme le croupion chez les oiseaux, et la caudale chez les poissons. Si la nageoire est très petite et à peine visible chez les polypes, c'est que leur manteau est très petit, et que leurs pieds suffisent à les diriger.

13 Voilà ce que nous avions à dire des insectes, des crustacés, des testacés et des mollusques, en ce qui concerne leurs parties intérieures et extérieures.

 


 

§ 1. Nous avons déjà traité. Voir plus haut, ch. v, §§ 1 et suiv. ; voir aussi l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. i, pp. 1 et suiv. de ma traduction.

Comme nous l'avons fait pour les autres animaux. Dans le présent traité passim, et dans l'Histoire des Animaux.

A l'extérieur. Par opposition à l'étude des viscères, dont il a été question uniquement.

Le sac de leur corps. Cette description générale des mollusques est exacte dans ses traits principaux ; on peut la comparer à celle qu'en donne Cuvier, Règne animal, t. III, p. 7, édit. de 1830.

Les pieds en avant, près de la tête. Tout ceci s'adresse plus particulièrement à ceux des mollusques qui s'appellent les céphalopodes, première classe des mollusques. Leur manteau, qui se réunit sous le corps, forme un sac musculeux qui enveloppe tous les viscères ; leur tête sort de l'ouverture du sac; elle est ronde et pourvue de deux grands yeux, et couronnée par des bras ou pieds charnus, à l'aide desquels l'animal peut saisir, marcher et nager. Entre les bases des pieds, est percée la bouche dans laquelle deux fortes mâchoires de corne sont assez semblables à un bec de perroquet ; Cuvier, loc. cit., p. 9.

Le derrière est soudé au devant. Ceci est expliqué dans le paragraphe suivant, par le diagramme que trace l'auteur.

Les testacés turbines. Dont la coquille est en spirale d'un bout à l'autre.

§ 2. La partie terreuse au dehors. C'est toujours la théorie des quatre éléments, qui domine dans ces explications ; et ici la partie terreuse des testacés, c'est leur coquille.

La forme de leur corps. La ressemblance n'est pas aussi grande que I'auteur semble le croire.

Les turbines à hélice. C'est en général la famille des pectinibranches de la zoologie moderne; voir Cuvier, Règne animal; tome III, pp. 70 et suiv.

§ 3. Figurée par une ligne droite. L'idée est fort ingénieuse ; et l'on peut y reconnaître la théorie de l'unité de composition, appliquée à toute la série animale, telle qu'Aristote pouvait la connaître ; d'ailleurs, il ne l'exagère pas, comme on l'a fait de nos jours; voir ma Préface à l'Histoire des Animaux, p. CXLIX.

La tête et ce qu'on appelle le tronc. Ces deux parties ne manquent jamais dans les animaux supérieurs, dont Aristote a fait la classe des animaux qui ont du sang.

C'est en vue de ces parties  Cette considération est très vraie ; et en effet la tête et le tronc sont les parties essentielles de l'animal.

Les membres de devant et ceux de derrière. Ce ne sont que des accessoires, fort utiles sans doute, mais non indispensables.

§ 4. La ligne droite tend à s'établir.... C'est là une théorie que la science moderne a négligée, et qui vaut cependant la peine qu'on la recueille. L'animal, dans toute sa généralité, peut alors être représenté par un tube ouvert à ses deux extrémités ; et ce tube est tantôt en ligne droite, et tantôt il est infléchi de manière à ce que les deux extrémités se touchent, comme c'est le cas dans les céphalopodes.

L'extrémité s'infléchit. Ceci est fort admissible ; et, depuis Aristote, on n'a pas donné de meilleure explication.

Par le manteau. C'est exact.

Dans les polypes. Qui forment la quatrième classe des zoophytes. Parmi les céphalopodes, on distingue les polypes dits d'Aristote. Ce sont probablement ceux dont il est parlé ici en termes généraux. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 12, édit. de 1830.

Le nom spécial de tête. C'est bien en effet une tête ; et cette partie de l'animal ne peut pas recevoir un autre nom.

La spire. Le mot grec est Strombos ; et la science moderne l'a conservé pour une famille de mollusques a siphon ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 715, de la trad. franc. La coquille est en spirale conique.

§ 5. Chez les uns. Chez les mollusques, qui n'ont point de squelette articulé, ni de canal vertébral ; leur peau est nue et très sensible, Cuvier, loc. cit., p. 3. Ceci est vrai des mollusques nus surtout.

Chez les autres. Ce sont les testacés, où le manteau ne peut plus contenir et cacher la substance plus ou moins dure qui s'y dépose, et qui finit par former une coquille; voir Cuvier, loc. cit., p. 5. Mais les testacés sont si près des mollusques que le naturaliste français a pris le parti de ne plus en faire un ordre particulier. La distinction subsistait pour Aristote.

Voilà comment... Ceci se rapporte au diagramme du § 4.

L'excrément sort près delà bouche. Dans les céphalopodes, un entonnoir charnu, placé à l'ouverture du sac devant le cou, donne passage aux excrétions.

§ 6. Chez les mollusques, les pieds... Chez les mollusques et particulièrement chez les céphalopodes, les pieds peuvent être pris tout aussi bien pour des bras, placés près de la tête. Longs et charnus, en forme de cônes, ils peuvent se fléchir en tous sens, et ils sont très vigoureux ; armés de suçoirs et de ventouses, ils peuvent se fixer avec beaucoup de force aux corps qu'ils embrassent; voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 8.

Contrairement à ce qu'ils sont chez les autres. C'est bien vague.

Ils ne font que nager. Ce détail ne  paraît  pas très exact ; car la seiche, qui a huit pieds, peut aussi ramper.

Les polypes. Ce sont sans doute les polypes dits d'Aristote.

Les dents du haut. Ce qu'Aristote appelle ici des dents représente tes pieds du calmar; l'animal en a huit avec des suçoirs, quatre de chaque côté ; puis, la tête porte encore deux bras beaucoup plus longs, dont le bout, armé de suçoirs, est élargi ; voir Cuvier, loc. cit., p. 14. Sur les teuthies ou petits calmars, voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. i, § 8, p. 6 de ma traduction. Peut-être Aristote veut-il aussi parler des deux nageoires qu'a le sac des calmars.

Des huit autres. On ne peut pas douter qu'ici Aristote entende parler des pieds, bien qu'il les appelle des dents. L'usage des tentacules peut les faire prendre pour des dents aussi bien que pour des pieds.

§ 7. Les seiches et les teuthies. Dans la zoologie moderne, il y a encore une espèce de calmar qui se nomme Onychoteu-his; Cuvier, loc. cit., p. 15. On a donné aussi le nom de teuthis à une famille de poissons acanthoptères ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 855, trad. franc.

Portent le poids et le meuvent. Ceci prouve qu'il s'agit bien de pieds et non pas de dents ; mais comme ces pieds sont aussi des mâchoires, la confusion est possible.

Chez le polype. Ce sont les poulpes et les polypes dits d'Aristote ; ce ne sont pas les polypes à polypiers de la zoologie actuelle.

§ 8. Ont huit pieds. Aristote revient ici à parler de pieds et non plus de dents. Le nombre huit est, d'ailleurs, exact. Les huit pieds des seiches sont tous à peu près égaux ; mais ils ne sont pas petits, comme le dit Aristote. Cuvier les trouve, au contraire, très grands, à proportion du corps ; ils sont réunis à leur base par une membrane. L'animal peut s'en servir pour ramper.

La nature... Aristote se plaît à signaler ces compensations, où il reconnaît la sagesse prévoyante de la nature.

§ 9. Aux uns... pour nager. Ce sont les polypes que l'auteur veut designer.

Pour marcher. L'expression est peut-être un peu exagérée.

Deux trompes fort longues. Ceci se rapporte moins spécialement aux polypes d'Aristote qu'aux calmars, qui ont près de la tête deux bras beaucoup plus longs que leurs pieds, et qui leur servent pour se tenir comme à l'ancre, quand les flots sont agités. Voir Cuvier, Règne animal, t. III, pp. 12 et 14, édit. de 1830. Il semble du reste que le naturaliste grec fait ici quelque confusion entre les seiches et les polypes ; et qu'il attribue aux uns ce qui n'appartient qu'aux autres. Du moins, c'est ce qui résulte des descriptions que la science moderne donne de ces différents mollusques.

Les polypes n'ont pas besoin de ces trompes. Il reste toujours de l'obscurité sur ce qu'il faut entendre par Polypes.

§ 10. Des suçoirs et des tentacules. Tous les céphalopodes ont des suçoirs et des ventouses, qui leur rendent tous les services que signale ici Aristote.

Les tissus... Il est assez difficile de bien voir de quel instrument de chirurgie il peut être question ici. Pour certains pansements ou pour certaines opérations, les médecins, dès le temps d'Hippocrate, revêtaient leurs doigts d'une enveloppe faite de feuilles de palmiers ; mais on ne sait pas très précisément comment était faite cette espèce de gant; voir le mot Saura dans le Trésor d'Henri Etienne, édit. Firmin-Didot. Je ne trouve rien dans le traité de l'Officine du Médecin, qui ait rapport à ce détail, Œuvres d'Hippocrate, t. III, pp. 273 et suiv., édit. et trad. E. Littré.

Sont tissus de fibres. Ceci ne représente pas bien la conformation de ces animaux.

Tout ce qui vient à leur portée. Ce sens n'est pas très sûr, parce que l'expression du texte est très vague.

Comme elles sont flexibles. Ceci est exact, qu'il s'agisse des pieds ou des tentacules des mollusques.

Qui les touche tout entier. Ceci est également exact.

Au lieu de mains. Le rapprochement est tout naturel ; et ces tentacules, longs et puissants, sont, pour bien des mollusques, des armes redoutables, comme Cuvier le remarque, loc. cit.7 p. 12.

§ 11. Toutes les autres espèces. Cette indication est trop vague ; et Ton ne voit pas assez, clairement de quelles espèces il est question ici.

N'en a qu'un. Ce détail est assez précis pour qu'il puisse faire reconnaître l'espèce particulière que l'auteur veut signaler. Les élédons, dits d'Aristote, n'ont qu'une rangée de ventouses le long de chaque pied ; voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 12, édit. de 1830; mais je ne trouve rien de pareil dans les ouvrages actuels de zoologie ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 725 et suiv., trad. franc.

Le mieux... une condition nécessaire. Ce sont bien là les théories ordinaires d'Aristote. Le nécessaire dont il est question ici est le nécessaire hypothétique, c'est-à-dire la nécessité de certaines conséquences d'après les conditions initiales.

§ 12. Tous ces animaux. On doit entendre par là les mollusques en général. Les seiches en particulier ont, outre leurs deux longs bras, une nageoire charnue régnant de chaque côté de leur sac. Les calmars ont également deux nageoires aux côtés de leur sac. C'est là sans doute ce qu'Aristote veut désigner.

La nageoire plus large... Tous ces détails attestent de nombreuses observations, auxquelles la science moderne ne paraît pas avoir attaché la même importance.

Pour se diriger. Cette explication paraît vraie.

Le croupion... la caudale. Le rapprochement est ingénieux et exact.

Chez les polypes. Ici encore l'indication est trop peu précise. Dans les calmars, les nageoires sont placées vers la pointe du sac.

§13. Des insectes, des crustacés Ces études diverses commencent avec le chapitre v, et se continuent dans les chapitres suivants.

CHAPITRE X

De la tête et du cou ; leurs fonctions et leur place ; leurs relations avec le reste du corps et le tronc ; station droite de l'homme, qui a seul cette attitude ; les parties supérieures de son corps sont les moins lourdes ; difformité des nains, générale dans tous les autres animaux ; l'homme, étant le plus intelligent des êtres, est seul à avoir des mains ; réfutation d'Anaxagore ; admirable conformation de la main ; rôle du pouce et des ongles ; différente position des mamelles chez l'homme et les autres animaux ; citations de l'Histoire des Animaux, des ouvrages d'Anatomie et du Traité de la Génération, à propos des organes sexuels ; disposition spéciale de ces organes chez l'homme ; organisation particulière des jambes de l'homme et des parties inférieures; les fesses, les cuisses, les mollets ; leur nature charnue; pourquoi l'homme n'a pas de queue ; rôle de la queue chez les autres animaux ; différences des pieds chez les quadrupèdes ; solipèdes, fissipèdes ; polydactiles ; usage de l'osselet ; organisation particulière des pieds de l'homme.

 

1 Nous allons encore une fois, pour reprendre les choses dès le principe, revenir sur les animaux vivipares qui ont du sang, et nous commencerons par l'étude des parties que nous avions pu laisser de côté, parmi celles dont nous avons déjà parlé. Après que nous aurons fait cette étude, nous en arriverons, en suivant la même méthode, aux animaux ovipares pourvus de sang.

2 Antérieurement, nous avons traité des parties qui, dans les animaux, sont la tête, et ce qu'on appelle le cou et le dos. Tous les animaux pourvus de sang ont une tête. Chez quelques-uns de ceux qui sont exsangues, cette partie n'est pas distincte; par exemple, chez les crabes. Tous les vivipares ont un cou ; mais, parmi les ovipares, les uns en ont un aussi ; les autres n'en ont pas. Tous ceux qui ont un poumon ont un cou également ; mais ceux qui ne tirent pas leur respiration du dehors n'ont pas non plus cette partie.

3 La tête est faite surtout pour le cerveau. Cette partie est de toute nécessité dans les animaux pourvus de sang; et elle est située à l'opposé du cœur, par les raisons que nous avons antérieurement exposées. La nature a aussi placé dans la tête quelques-uns des sens, parce que le mélange du sang y est bien tempéré, et qu'il y est tout à fait propre à entretenir la chaleur du cerveau, en même temps que le calme et la vigueur des sens. Au-dessous, elle y a joint une troisième partie pour l'ingestion des aliments ; car c'était là que ce conduit pouvait être le mieux placé

4. Il était bien impossible que l'estomac fût mis au-dessus du cœur et du point de départ ; et l'estomac étant en bas, comme il y est dans l'état actuel, il n'était pas possible que le passage des aliments frit placé plus bas encore que le cœur, parce qu'alors la longueur du corps eût été trop grande, et que le conduit aurait été trop éloigné du centre du mouvement et de la coction.

5 La tête est donc faite en vue de ces organes. Le cou est fait pour la trachée-artère ; c'est une protection ; et en entourant circulairement l'artère et l'œsophage, il les conserve et les défend. Dans tous les animaux, le cou est flexible, et il a des vertèbres; mais les loups et les lions n'ont le cou composé que d'un seul os. Pour eux, la nature a eu en vue de leur assurer un cou qui leur donnât surtout de la force, plutôt qu'il ne leur servit à d'autres usages.

6 Chez les animaux, les membres antérieurs et le tronc viennent à la suite du cou et de la tête. Mais l'homme, au lieu des membres et des pieds de devant, a des bras, et ce qu'on appelle des mains. Entre tous les êtres, il est le seul qui ait une station droite, parce que sa nature et son essence sont divines. Or, le privilège du plus divin des êtres est de penser et de réfléchir. Mais ce n'eût pas été chose facile que de penser, si la partie supérieure du corps avait été trop lourde et trop considérable. Le poids rend le mouvement bien difficile pour l'esprit et pour l'action générale des sens.

7 Quand la pesanteur et le matériel viennent à l'emporter, il est inévitable que le corps s'abaisse vers la terre ; et voilà comment la nature a donné aux quadrupèdes, au lieu de bras et de mains, leurs pieds de devant, placés sous leur corps, pour qu'ils puissent se soutenir. Tous ceux de ces animaux qui marchent ont nécessairement aussi les deux pieds de derrière ; et ils sont devenus (687a) quadrupèdes, parce que l'âme ne pouvait supporter tout le poids du corps.

8 C'est que tous les animaux, excepté l'homme, ont quelque chose de la constitution du nain ; car il faut entendre par Nain tout être dont la partie supérieure est fort grosse, et dont la partie qui porte le poids et «qui marche est relativement petite. A partir de la tête jusqu'à l'issue des excréments, ce qu'on appelle le tronc est en haut. Or, dans l'homme, cette partie de son corps est en harmonie avec les portions inférieures ; et, dans les adultes, elle est beaucoup plus petite, tandis qu'au contraire, chez les enfants, c'est la partie supérieure qui est très forte, et le bas qui est très petit.

9 Aussi les tout jeunes enfants rampent-ils et ne peuvent-ils marcher. Et même, tout d'abord, ils ne rampent pas; mais ils restent immobiles. Aussi, tous les petits enfants sont des espèces de nains; mais, à mesure que l'homme grandit, ce sont les parties inférieures qui se développent. Chez les quadrupèdes, au contraire, ce sont les parties inférieures qui sont d'abord les plus grosses; et, en grandissant, l'animal se développe par en haut, c'est-à-dire, par le tronc compris entre le siège et la tête.

10 C'est encore ainsi que les poulains sont aussi hauts ou presque aussi hauts que des chevaux ; et, quand ils sont tout petits, ils peuvent se toucher la tête avec leur jambe de derrière, tandis que, plus âgés, ce mouvement leur est impossible. Ce sont du reste les solipèdes et les animaux à pieds fourchus qui sont ainsi organisés; ceux qui sont polydactyles et qui sont dépourvus de cornes ont aussi cette forme de nains, mais dans une moindre mesure. Ce sont alors les parties basses qui, relativement aux parties hautes, se développent proportionnellement à la différence originelle.

11 Les oiseaux, les poissons et tous les animaux qui ont du sang sont également conformés comme des nains, ainsi qu'on l'a dit. C'est là ce qui fait qu'ils ont tous bien moins d'intelligence que l'homme. De là vient encore que, dans l'espèce humaine, les enfants comparés aux hommes, ou, entre les hommes mêmes, ceux qui ont, malgré leur âge, quelque chose du nain, sont moins intelligents, bien que d'ailleurs ils puissent avoir d'autres facultés assez remarquables.

12 La cause en est, redisons-le, que le principe de l'âme a trop de peine à se mouvoir et qu'il est trop corporel. La chaleur qui pousse en haut s'amoindrissant de plus en plus et la partie terreuse s'accroissant, les corps des animaux deviennent de plus en plus petits ; le nombre des pieds s'augmente ; les pieds mêmes finissent par disparaître entièrement, et ranimai s'allonge vers la terre. En allant un peu plus loin encore dans cette voie, les êtres animés finissent par avoir le principe de vie tout en bas ; la partie qui avoisine la tête devient à la fin immobile et insensible ; l'animal passe à l'état de plante, ayant le haut en bas et le bas en haut. C'est que, dans les plantes, les racines remplissent les fonctions (687b) de la bouche et de la tête, tandis que la graine est à l'opposé ; car elle se forme en haut et à l'extrémité des branches.

13 On doit voir maintenant pourquoi, parmi les animaux, les uns ont deux pieds, pourquoi les autres en ont plusieurs, et pourquoi quelques-uns sont dépourvus de pieds. On voit aussi comment tels êtres sont des plantes, et tels autres des animaux. Enfin, on a vu pourquoi l'homme est le seul animal qui se tienne droit. Comme sa nature était d'avoir une station droite, il n'avait aucun besoin des membres antérieurs ; mais, à la place de ces membres, la nature l'a pourvu de bras et de mains.

 14 Anaxagore prétend que l'homme est le plus intelligent des êtres parce qu'il a des mains ; mais la raison nous dit, tout au contraire, que l'homme n'a des mains que parce qu'il est si intelligent. Les mains, en effet, sont un instrument; et la nature sait toujours, comme le ferait un homme sage, attribuer les choses à qui est capable de s'en servir. N'est-il pas convenable de donner une flûte à qui sait jouer de cet instrument, plutôt que d'imposer à celui qui a un instrument de ce genre d'apprendre à en jouer ? La nature a accordé le plus petit au plus grand et au plus fort ; et non point du tout, le plus grand et le plus précieux au plus petit.

15 Si donc cette disposition des choses est meilleure, et si la nature vise toujours à réaliser ce qui est le mieux possible dans des conditions données, il faut en conclure que ce n'est pas parce que l'homme a des mains qu'il a une intelligence supérieure, mais que c'est au contraire parce qu'il est éminemment intelligent qu'il a des mains. C'est en effet le plus intelligent des êtres qui pouvait se bien servir du plus grand nombre d'instruments ; or la main n'est pas un instrument unique ; elle est plusieurs instruments à la fois. Elle est, on peut dire, un instrument qui remplace tous les instruments.

16 C'est donc à l'être qui était en état de pratiquer le plus grand nombre d'arts et d'industries que la nature a concédé la main, qui, de tous les instruments, est applicable au plus grand nombre d'emplois. On a bien tort de croire que l'homme est mal partagé et que sa constitution est inférieure à celle de tous les animaux, parce que, dit-on, l'homme n'est pas aussi bien chaussé qu'eux, parce qu'il est nu, et qu'il est sans armes pour sa défense. "

17 Mais tous les animaux autres que l'homme n'ont jamais qu'une seule et unique ressource pour se défendre ; il ne leur est pas permis d'en changer pour en prendre une autre. Mais il faut nécessairement que, de même que toujours l'animal dort tout chaussé, il fasse aussi tout le reste dans les mêmes conditions ; il ne peut jamais modifier le mode de protection donné à son corps, ni l'arme qu'il peut avoir, quelle qu'elle soit. (688a) Tout au contraire, l'homme a pour lui une foule de ressources et de défenses; il peut toujours en changer à son gré, et avoir à sa disposition l'arme qu'il veut et toutes les fois qu'il le veut. La main devient tour à tour griffe, pince, corne, lance, épée, ou toute autre arme et tout autre instrument. Si elle peut être tout cela, c'est qu'elle peut tout saisir et tout retenir.

18 La conformation même de la main a été parfaitement adaptée à sa destination naturelle. Elle est à la fois capable de s'écarter et de se diviser en plusieurs segments ; c'est parce qu'elle peut s'écarter, qu'elle peut aussi se réunir, bien que la faculté de se réunir n'implique pas nécessairement celle de s'écarter. On peut se servir de la main d'une seule façon, ou de deux, ou même de plusieurs.

19 Les flexions des doigts permettent aisément de tout saisir et de tout presser. D'un côté, il n'y a qu'un seul doigt; et celui-là est court et épais; il n'est pas long. De même que sans la main on ne pourrait absolument rien prendre, de même on ne le pourrait pas davantage, si ce doigt n'était pas ainsi placé de coté ; il presse alors de bas en haut ce que les autres doigts pressent de haut en bas. Cette disposition était indispensable pour qu'il pût fortement serrer ce qu'il prend, comme fait un lien puissant, et que, dans son isolement, il pût égaler l'action de tous les autres.

20 S'il est court, c'est pour qu'il ait la force indispensable, et aussi parce qu'il n'aurait pas été du tout utile s'il eût été long. Il convient aussi que le dernier doigt soit petit et que celui du milieu soit allongé, comme la rame au milieu du navire; car il faut de toute nécessité que l'objet saisi soit saisi surtout circulairement par son milieu, pour qu'on puisse l'utiliser à ce qu'on veut faire. C'est pour cela qu'on appelle le pouce le grand doigt, bien qu'il soit très petit ; car on peut dire que, sans lui, les autres doigts ne serviraient presque à rien.

21 La conformation des ongles n'est pas moins bien conçue. Les autres animaux ont des ongles pour s'en servir; chez l'homme, ils ne sont faits que pour couvrir et pour protéger l'extrémité des doigts. Chez l'homme aussi, les flexions des bras, soit pour approcher la nourriture, soit pour tout autre usage, sont disposées à l'inverse des quadrupèdes. Chez ceux-ci nécessairement, les membres de devant se replient en dedans, parce que, si leurs pieds doivent leur servir pour la marche, la nature veut en outre que les membres de devant ne servent pas seulement à la marche dans ceux de ces animaux qui ont plusieurs doigts, mais que ces membres remplacent les mains, comme Ton voit qu'effectivement ces animaux s'en servent à cette fin. C'est en effet avec les membres de devant qu'ils saisissent les objets et qu'ils combattent, de même que c'est avec les pieds de derrière (688b) que les solipèdes se défendent, parce que, chez eux, il n'y a rien dans les membres de devant qui ressemble ni aux bras ni aux mains.

22 C'est encore pour cela que quelques animaux polydactyles ont cinq doigts aux pieds de devant, et qu'ils n'en ont que quatre aux pieds de derrière; tels sont les lions et les loups, les chiens et les léopards. Ce cinquième doigt tient chez eux la place du grand cinquième doigt de la main. Quant aux petits polydactyles, ils ont aussi cinq doigts aux pieds de derrière, parce qu'ils rampent, et afin qu'appuyés sur un plus grand nombre de doigts, ils montent plus aisément en rampant vers tout ce qui les dépasse et est au-dessus de leur tête.

23 Chez l'homme, il y a entre les bras, et chez les autres animaux entre les pattes de devant, ce qu'on appelle la poitrine. Dans l'homme, il est convenable que la poitrine ait de la largeur; car la position des bras n'empêche pas que cette région du corps ne soit large, puisqu'ils sont de côté. Mais dans les quadrupèdes, cette région doit être étroite, parce que lès membres antérieurs doivent s'étendre en avant, pour la marche et pour tous les changements de lieu.

24 C'est là encore ce qui fait que les quadrupèdes n'ont pas de mamelles dans cette partie du corps. Dans l'homme, au contraire, comme la place est fort large et qu'elle doit couvrir et protéger la région du cœur, et que, dans cette vue, le lieu est garni de chair, les mamelles s'y développent à l'aise. Chez les mâles, ce n'est que de la chair, par la raison qu'on vient de dire ; mais chez les femmes, la nature emploie encore les mamelles à un second usage, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer bien souvent. Ici, c'est dans les mamelles qu'elle dispose la nourriture des nouveau-nés. S'il y a deux mamelles, c'est qu'il y a aussi deux côtés du corps, le gauche et le droit. Elles sont plus fermes chez la femme; et elles sont séparées, parce que c'est aussi en ce point que les côtes se réunissent les unes aux autres, et pour que leur nature ne devînt pas une fatigue.

25 Chez les autres animaux, il était bien impossible que les mamelles fussent placées sur la poitrine entre les jambes, parce qu'elles auraient été un obstacle à la marche. Aussi, chez ces animaux, les mamelles sont-elles disposées de bien des manières. Les solipèdes, qui font peu de petits et qui portent des cornes, ont les mamelles entre les cuisses ; et ils n'en ont que deux. Au contraire, les quadrupèdes qui font beaucoup de petits et qui ont le pied fendu ont les mamelles de côté, sur le ventre, et en grand nombre, comme le porc et le chien. D'autres n'en ont que deux, mais vers le milieu du ventre, comme le lion ; (689a) cela tient chez lui, non pas à ce qu'il fait peu de petits, puisqu'il en fait parfois plus de deux, mais cela tient à ce qu'il a peu de lait. Il emploie à l'entretien du corps toute la nourriture qu'il absorbe, et il en prend rarement, parce qu'il est Carnivore.

26  Quant à l'éléphant, il n'a que deux mamelles seulement, qui sont placées sous les aisselles des membres antérieurs. Ce qui fait qu'il n'a que deux mamelles seulement, c'est qu'il n'a qu'un petit; si ses mamelles ne sont pas dans les cuisses, c'est qu'il est fissipède et qu'aucun fissipède ne les a dans cet endroit. Et si elles sont placées en haut près des aisselles, c'est que ce sont là les premières mamelles chez les animaux qui en ont de nombreuses, et qu'elles sécrètent plus de lait.

27 On peut bien s'en convaincre en observant les porcs. Les petits cochons qui naissent les premiers occupent les premières mamelles ; mais dans l'animal où le jeune doit rester unique, il faut nécessairement qu'il n'y ait que les premières mamelles; et les premières sont les mamelles qui sont placées sous les aisselles. On comprend donc bien pourquoi l'éléphant n'en a que deux, posées dans le lieu où elles sont, tandis que les animaux qui font de nombreux petits ont les mamelles dans la région du ventre, puisqu'il faut plus de mamelles à ceux qui ont plus de petits à nourrir.

28 Comme, en largeur, il ne peut y en avoir que deux seulement, attendu qu'il n'y a également que deux côtés, le gauche et le droit, il est dès lors nécessaire que les mamelles soient placées en long; car la région placée entre les membres de devant et ceux de derrière est la seule à avoir de la longueur. Les animaux qui n'ont pas le pied fendu, qui ne font que peu de petits, ou qui ont des cornes, ont aussi les mamelles entre les cuisses, comme le cheval, l'âne, le chameau, qui n'ont tous qu'un petit, mais dont les uns sont solipèdes et dont le dernier a le pied fourchu ; puis encore, le cerf, le boeuf, la chèvre et tous les animaux de même ordre.

29 Cela tient à ce que, chez ces animaux, la croissance se fait par le haut du corps. Aussi faut-il en conclure que c'est là où l'excrétion et le sang se réunissent en grande abondance, c'est-à-dire dans le bas du corps et vers les issues, que la nature a placé les mamelles ; car c'est où se dirige le mouvement de la nourriture, que là aussi les animaux peuvent prendre celle qu'il leur faut. L'homme femelle et mâle a des mamelles; mais, dans d'autres espèces, quelquefois les mâles n'en ont pas ; par exemple, dans les chevaux, où les uns n'en ont pas, et où les autres en ont, quand les poulains ressemblent à la mère.

30 On vient de voir ce que sont les mamelles ; mais après la poitrine, vient la région du ventre. Le ventre n'est pas limité et fermé par les côtes, à cause de la raison qu'on vient de rappeler tout à l'heure ; c'est-à-dire, pour que les cotes n'empêchent pas (689b) le gonflement qu'amène l'ingestion des aliments, et que provoque nécessairement la chaleur de la nourriture. C'est en outre pour que les côtes ne gênent pas non plus la matrice dans la parturition. L'extrémité de ce qu'on nomme le tronc est la région de la sortie des excréments, soit secs, soit liquides.

31 La nature se sert d'un même organe à la fois pour l'issue de l'excrément liquide et pour l'accouplement, dans toutes les femelles; et à l'exception d'un petit nombre de mâles, dans tous les animaux qui ont du sang et dans tous les vivipares. La raison en est que la semence est un liquide de certain genre et une excrétion; nous nous bornons ici à cette affirmation, que nous nous proposons de démontrer plus tard. C'est parla aussi que, dans les femelles, s'écoulent les menstrues, comme c'est également par là qu'elles émettent leur fruit.

32 Nous nous réservons encore de démontrer ceci un peu plus tard. Mais pour le moment, nous nous bornons à dire que les menstrues sont aussi chez les femelles une excrétion ; les menstrues sont de nature liquide, ainsi que la semence, de telle sorte que, dans ces parties du corps, ce sont les mêmes matières ou des matières assez semblables qui sont sécrétées proportionnellement. Quant à ce qui concerne l'organisation intérieure des parties, et la différence que présentent l'élaboration du sperme et les phénomènes de la grossesse, on peut voir ce qu'il en est dans l'Histoire des Animaux et dans l'Anatomie; et il en sera parlé plus tard dans le Traité de la Génération.

33 Il n'est pas difficile d'ailleurs de remarquer que les formes mêmes de ces diverses parties sont tout à fait nécessaires pour les fonctions qu'elles doivent remplir. L'organe des mâles a des différences qui correspondent aux différences mêmes du corps. Ces organes ne sont pas tous également nerveux de leur nature. De plus, c'est là le seul organe qui, sans altération morbide, se gonfle ou s'abaisse ; car l'un de ces états est indispensable pour que l'accouplement ait lieu, et l'autre ne l'est pas moins à la disposition habituelle du corps, qui en serait fort gêné si l'organe était toujours dans le même état. Mais la constitution naturelle de cet organe est composée d'éléments qui permettent ces deux situations ; il est à la fois nerveux et cartilagineux, de manière à pouvoir se contracter et à pouvoir s'étendre, et à recevoir l'air.

34 Chez les quadrupèdes, toutes les femelles urinent par derrière, parce que cette position leur est utile dans l'accouplement; mais il n'y a que quelques mâles qui urinent de cette façon : le lynx, le lion, le chameau, le lièvre. Pas un seul solipède n'urine par derrière.

(690a) 35 Chez l'homme, la disposition des parties postérieures et celle des jambes est très spéciale comparativement aux quadrupèdes. Presque tous les quadrupèdes ont une queue, non seulement les vivipares, mais aussi les ovipares ; et lorsque chez eux cette partie n'est pas développée, elle leur donne encore un moignon dans sa petitesse. Mais l'homme est sans queue ; et il a des fesses, tandis qu'aucun quadrupède n'en a. De plus, l'homme a des membres inférieurs charnus, des cuisses et des jambes ; dans tous les autres animaux, ces parties sont dépourvues de chair. Ce ne sont pas seulement les vivipares, ce sont aussi tous ceux qui ont des pattes. Ces parties sont chez eux musculeuses, ou osseuses, ou même épineuses.

36 La cause, unique peut-on dire, de toutes ces particularités, c'est que l'homme est le seul de tous les animaux qui se tienne droit. En vue de lui faire porter aisément les parties supérieures rendues légères, la nature a diminué le matériel des parties d'en haut pour ajouter du poids à celles d'en bas. Voilà comment, dans l'homme, elle a fait le siège charnu, ainsi que les cuisses et les mollets. En même temps, elle a disposé l'organisation des fesses de manière à ce qu'elles pussent servir aussi au repos. Les quadrupèdes se tiennent sans peine debout, et ils ne souffrent pas d'y rester continuellement; car avec leurs quatre supports, ils sont, on peut dire, toujours couchés. Mais chez l'homme, ce n'est pas chose facile que de rester longtemps debout; et son corps a besoin de repos et d'assiette.

37 Ainsi, l'homme a des fesses et des jambes charnues pour le motif qu'on vient de rappeler ; et c'est là aussi ce qui fait qu'il est sans queue. La nourriture qui se porte vers ces parties du corps est employée à la former; et du moment que l'homme a des fesses, l'usage de la queue n'est plus nécessaire. Mais chez les quadrupèdes et les autres animaux, c'est tout le contraire. Comme ils ont des formes de nains, tout le poids et tout le matériel se portent et s'accumulent vers le haut, aux dépens des parties inférieures. Voilà comment ils n'ont pas de fesses, et comment ils ont des jambes très sèches.

38 Mais pour que la partie qui procure l'expulsion des excréments fut protégée et couverte, la nature leur a donné ce qu'on appelle la queue et le croupion, en retranchant quelque chose de la nourriture qui se porte aux jambes. Quant au singe, comme il participe des deux formes, et qu'il n'appartient à aucune tout en appartenant aux deux, il n'a ni queue ni fesses, étant sans queue parce qu'il est bipède, et n'ayant pas de fesses parce qu'il est quadrupède.

(690b) 39 Du reste, il y a de très grandes différences dans ce qu'on appelle les queues ; et la nature emploie aussi ces organes à plusieurs usages détournés, puisqu'elle ne protège et ne couvre pas seulement le siège avec les queues, mais qu'elle les fait servir à la commodité et aux besoins des animaux qui en sont pourvus.

40 Les pieds ne sont pas moins différents chez les quadrupèdes. Les uns sont solipèdes ; les autres ont deux pinces ; d'autres ont plusieurs divisions. Les solipèdes sont ceux chez lesquels, à cause de leur grosseur et de l'abondance de l'élément terreux, cette partie a pris la sécrétion pour la tourner à la nature de l'ongle, au lieu de cornes et de dents ; et alors cette surabondance fait qu'au lieu de plusieurs ongles, il n'y a plus qu'un seul ongle qui est la sole.

41 En général, et par la même raison, les quadrupèdes n'ont pas d'osselet, parce que la flexion de la jambe de derrière eût été beaucoup moins mobile, s'il y avait eu un osselet dedans. Avec une seule articulation, le membre s'ouvre et se ferme plus vite qu'avec plusieurs. L'osselet, qui est un gond, s'introduit comme un membre étranger entre les deux autres ; et tout en donnant du poids, il rend la base plus solide et plus sure. Voilà pourquoi les animaux qui ont un osselet ne l'ont jamais dans les parties antérieures, et qu'ils l'ont dans les membres postérieurs, parce qu'il faut que les parties qui guident le mouvement soient légères et flexibles ; et que ce qui fait la solidité et l'aplomb soit par derrière.

42 L'osselet fait en outre que le coup est bien plus pesant, lorsque l'animal doit se défendre. Les animaux ainsi organisés se servent des membres postérieurs pour ruer contre ce qui les gêne. Les quadrupèdes à deux pinces ont un osselet, parce que les parties de derrière ont chez eux moins de poids ; et comme ils ont l'osselet, ils ne sont pas solipèdes. On dirait que la partie osseuse qui manque aux pieds s'arrête en quelque sorte dans la flexion. Les polydactyles n'ont pas d'osselet ; car s'ils en avaient un, ils ne seraient plus polydactyles ; et la largeur s'est agrandie autant que l'osselet prend de place. Aussi, la plupart de ceux qui ont l'osselet sont-ils pourvus de deux pinces.

43 L'homme a des pieds plus grands que ceux d'aucun autre animal, comparativement à la dimension de son corps ; et on le comprend bien. Comme il est le seul être qui se tienne droit, les deux pieds devant à eux seuls supporter tout le poids du corps doivent avoir aussi longueur et largeur. La dimension des doigts est avec toute raison contraire dans les pieds et dans les mains. La fonction des mains étant de saisir et de serrer les objets, il faut que les doigts soient longs, (691a) puisque la main enveloppe les objets saisis par sa partie fléchissante ; mais la fonction des pieds est de rendre la marche aussi sûre que possible ; et l'on doit croire que c'est à cela que sert la partie du pied qui n'est pas fendue comme les doigts.

44. Il est préférable que l'extrémité soit fendue plutôt qu'elle ne le soit pas. Car le pied tout entier ressentirait par sympathie la souffrance d'une seule de ses parties ; mais cet effet ne se produit plus autant avec la division des doigts telle qu'elle est. De plus, les doigts étant courts peuvent avoir beaucoup moins à souffrir. Voilà comment les pieds de l'homme ont plusieurs divisions, et comment les doigts n'en sont pas longs. C'est encore pour la même raison que l'homme a également des ongles sur les mains, dont les extrémités doivent être couvertes plus que tout le reste, à cause de leur délicatesse.

§ 1. Encore une fois. Ceci peut se rapporter tout à la fois et à ce Traité des Parties, et aussi à l'Histoire des Animaux, passim. Du reste, l'étude annoncée ici, et qui se poursuivra dans les chapitres suivants, n'a pas la prétention d'être complète ; elle ne fait qu'ajouter des considérations générales, fort importantes, aux détails qui ont été donnés antérieurement.

Vivipares qui ont du sang. Ce sont les animaux supérieurs, les mammifères de la science moderne.

Que nous avions pu laisser de côté. Le texte n'est pas tout à fait aussi précis.

Parmi celles dont nous avions déjà parlé. Aristote ne se répétera pas pour cela ; et dans les questions qu'il a étudiées antérieurement, il ne prendra que quelques points spéciaux pour les développer de nouveau, et Un peu davantage.

Aux animaux ovipares pourvus de sang. Le chapitre xi, qui suit, traite surtout des reptiles ; le chapitre xii traite des oiseaux ; et le chapitre xiii, des poissons. Ces chapitres sont fort curieux ; mais ils sont bien incomplets.

§ 2. La tête... le cou... le dos. Il n'a pas été très souvent question de ces parties de l'animal, dans le présent ouvrage, bien qu'elles n'aient pas été tout a fait omises; voir plus haut, liv. III, ch. iii; mais c'est dans l'Histoire des Animaux qu'il en a été traité tout au long, liv. I, ch. vii, p. 43 de ma traduction ; ch. x, p. 58, sur le cou ; ch. xii, § 4, p. 70, ch. xiii, sur le cerveau, p. 72 ; et liv. II, ch. i, § 2, p. 99.

Chez les crabes. Voir plus haut, ch. vin, § 1. Dans les crustacés décapodes, la tête est tellement unie au thorax qu'on ne peut presque pas la distinguer ; ils ont cependant un cerveau; Cuvier, Règne animal, t. IV, pp. 18 et 30.

Les uns en ont un aussi. Ce sont les oiseaux.

Les autres n'en ont pas. Ce sont les poissons.

Un poumon... un cou. Ces relations du poumon et du cou sont exactes, sous la forme générale où elles sont présentées ici.

Qui ne tirent pas leur respiration du dehors. Ce sont sans doute les poissons qu'Aristote veut désigner par là. Voir plus haut, liv. III, ch. vi, sur les fonctions générales du poumon.

§ 3. Pour le cerveau... Voir l'Histoire des Animaux, liv. 1, ch. XIII, § 2, p. 73 de ma traduction.

Située à l'opposé du cœur. C'est encore plus une opposition de fonctions qu'une opposition de lieu.

Antérieurement exposées. Voir plus haut, liv. II, ch. vii; et aussi, ch. I, § 10.

Quelques-uns des sens. Il aurait mieux valu dire que la nature a placé tous les sens dans la tête, sauf un seul, le toucher, qui est répandu dans tout le corps.

Une troisième partie. C'est la bouche, ou l'orifice par lequel doivent entrer les aliments qui servent à la nutrition de l'animal, avant que le résidu inutile ne soit rejeté.

§ 4. Fût mis au-dessus du cœur. Cette théorie est très vraie, bien qu'Aristote ne connût pas tout ce que la physiologie a pu nous révéler sur les rapports nécessaires des viscères entre eux. D'ailleurs, les considérations de cet ordre appartiennent à la philosophie bien plus encore qu'à l'histoire naturelle.

Le passage des aliments. Qui se fait surtout par l'oesophage, qui commence dès l'arrière-bouche et le pharynx.

Du centre du mouvement et de la coction. Il est probable que ceci doit s'appliquer à la fonction du cœur et à la digestion.

§ 5. Le cou est fait pour la trachée-artère. C'est trop dire ; le cou renferme bien la trachée-artère ; mais il renferme encore bien d'autres organes ; et il n'est pas fait spécialement pour celui-là, comme d'ailleurs l'auteur lui-même le reconnaît quelques lignes plus bas, en comprenant dans le cou la trachée-artère et l'œsophage.

Le cou est flexible. C'est exact; mais on ne conçoit pas comment Aristote a pu se tromper sur l'ostéologie du cou chez le loup et le lion. Cette erreur étrange sur le lion a été déjà commise et signalée dans l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. i, § 2, p. 99 de ma traduction ; ici, on joint une seconde erreur sur le loup, qui n'a pas plus que le lion cette organisation irrégulière. La vue qui est prêtée à la nature relativement à ces animaux est donc tout à fait fausse. Si le cou du lion et du loup n'eût été composé que d'un seul os, loin d'être plus fort, il eût été très faible et presque inutile, parce qu'il n'aurait presque pas eu de mouvement. Le lion a treize vertèbres dorsales, six lombaires, trois sacrées et vingt-trois coccygiennes ; le loup en a un peu moins ; mais elles sont disposées de même ; voir Cuvier, Anatomie comparée, IIIe leçon, t. I, pp. 155 et 157, 1re édit. Ce qui est vrai, c'est que dans les carnassiers, l'atlas et l'axis sont proportionnellement beaucoup plus grands.

§ 6. Chez les animaux. Ceci s'applique surtout aux quadrupèdes, et non pas aux animaux en général.

Au lieu des membres. On pourrait traduire aussi : Des pattes, puisqu'il s'agit des animaux.

Et ce qu'on appelle des mains. La tournure peut paraître assez étrange, puisque Aristote ne l'emploie habituellement que pour des choses peu connues.

Il est le seul qui ait une station droite. Cette remarque était très neuve au temps d'Aristote.

Sont divines. Cette haute estime de la nature de l'homme est toute platonicienne, ou plutôt Socrate la proclamée le premier ; voir les Mémoires de Xénophon, liv. I, ch. iv.

De penser et de réfléchir. La philosophie du xixe siècle ne saurait dire mieux.

§ 7. Le matériel... Le rapport indique ici entre la matière et l'esprit, dont est composée la nature de l'homme, est le vrai ; et la sagesse moderne n'a rien à y changer.

Et ils sont devenus des quadrupèdes. Cette interprétation des vues du Créateur peut être contestée ; mais elle est du moins bien ingénieuse.

§ 8. Quelque chose de la constitution du nain. La suite explique bien ce qu'Aristote entend par là. D'une manière générale, le nain est, dans cette théorie, l'être dont les parties supérieures sont beaucoup plus grosses proportionnellement que les parties inférieures du corps,

Ce qu'on appelle le tronc est en haut. Au lieu de tronc, on pourrait garder le mot grec de Thorax, qu'emploie le texte et que la science moderne a conservé.

Dans les adultes. Par opposition aux enfants, dont il est parlé plus bas, et chez qui la disproportion est manifeste.

§ 9. Rampent-ils... C'est aussi à cause de la faiblesse de leurs muscles ; car les enfants se redressent longtemps avant que leur conformation de nains ait disparu.

Ils restent immobiles. C'est en effet le premier état de l'homme, qui exige tous les soins des parents et qui provoque la famille.

Les parties inférieures qui se développent. Il ne paraît pas que la science moderne ait porté ses observations sur ce point, qui est cependant bien curieux.

Chez les quadrupèdes. Peut-être cette différence de croissance n'est-elle pas aussi marquée qu'Aristote semble le croire.

§ 10. Les poulains... L'observation est juste ; et cette conformation des jeunes chevaux est en effet très remarquable.

Se toucher la tête avec la jambe de derrière. On peut voir très souvent les poulains faire ce mouvement, qui leur est familier, et qui plus tard devient beaucoup plus difficile, si ce n'est tout à fait impossible.

Polydactyles... dépourvus de cornes. Ceci s'applique plus spécialement à une partie des quadrupèdes.

§11. Les oiseaux, les poissons... Il faut toujours sous-entendre que ces animaux sont considérés ici au moment de leur naissance ; car plus tard, cette observation s'appliquerait à eux beaucoup moins bien.

Ainsi qu'on l'a dit. Voir plus haut, § 8.

Moins d'intelligence que l'homme. Le fait est certain, quoique l'explication ne le soit peut-être pas autant.

Quelque chose du nain. Par exemple, une tête démesurément grosse par rapport au reste du corps.

D'autres facultés. Toutes physiques.

§ 12. Redisons-le. Voir plus haut, § 6.

Qui pousse en haut. Le mot du texte est d'un sens obscur; et celui que je donne paraît encore le plus probable.

La partie terreuse. Ou Solide.

L'animal s'allonge vers la terre. L'expression de cette pensée n'est pas assez claire. Le passage de l'animal à la plante est une des questions les plus curieuses et les plus difficiles de la physiologie générale ou biologie; et il semble que pour la résoudre, c'est surtout à l'étude des zoophytes qu'il faudrait s'adresser. Quoi qu'il en puisse être, M. le Dr de Frantzius a raison de trouver que cette théorie est une des plus importantes de tout l'ouvrage.

Le haut en bas. C'est-à-dire, le principe de vie dans les racines, qui plongent dans la terre, au lieu de l'avoir en haut, dans la tête et le cœur. Cette généralité, ainsi comprise, est vraie.

La graine. Le texte dit positivement: La semence.

§ 13. On doit voir... pourquoi. Ce qu'on voit très clairement, c'est le fait; mais on n'en voit pas aussi bien la cause ; et l'explication du philosophe n'est pas absolument satisfaisante.

Pourquoi l'homme... Quelle que soit l'opinion que l'on porte sur ces théories, on doit rendre cette justice à Aristote qu'il a senti profondément la grandeur et le privilège de l'homme parmi tous les animaux.

Il n'avait aucun besoin. Ceci est parfaitement vrai.

§ 14. Anaxagore prétend... Sur la haute valeur de cette théorie d'Aristote, voir ma Préface à l'Histoire des Animaux, p. cxxxvi.

La raison nous dit, tout au contraire. Cette réfutation est d'une finesse et d'un bon sens des plus rares; la science moderne ne saurait dire mieux, et souvent elle est loin de dire aussi bien. Sur la question générale, voir la Physique, livre II, ch. m, p. 53 de ma traduction.

La nature sait toujours... Aristote ne cesse d'admirer la nature dans toutes ses œuvres ; et ici, en effet, son admiration ne saurait être exagérée.

— De donner une flûte... La comparaison est frappante, quoique un peu familière.

Le plus petit au plus grand... L'expression du texte est aussi indéterminée que celle de ma traduction.

§ 15. Est meilleure... C'est une application du principe de l'optimisme, qu'Aristote empruntait à l'école Platonicienne.

Dans des conditions données. Cette réserve est très sage et très conforme à la réalité ; seulement, les conditions primordiales échappent au jugement de l'homme ; et il doit le plus souvent les accepter et les subir comme des faits, qu'il peut comprendre, mais dont il ne dispose pas.

Un instrument qui remplace tous les instruments. On ne peut pas faire de la main humaine une description plus exacte, ni une appréciation plus pratique.

§ 16. La nature a concèdé... Voir plus haut, § 14.

Applicable au plus grand nombre d'emplois. Il serait difficile de trouver rien de plus juste et de plus vrai ; et la supériorité de l'homme sur le reste des animaux éclate dans la conformation de sa main, presque autant que dans les facultés de son intelligence.

Que l'homme est mal partagé. La science, aidée de la raison, n'a jamais trouvé des arguments plus simples ni plus forts.

Parce que, dit-on  Il serait curieux de savoir à qui Aristote répond dans ce passage ; c'étaient sans doute les Sophistes, qui avaient soutenu cette opinion.

Parce qu'il est nu. C'est déjà la pensée reproduite en termes si simples et si grands par Pline : « Nudum et in nudo humo », Livre VII, ch. i.

§ 17. Une seule et unique ressource. L'observation est de toute évidence; mais Pline ne l'a pas recueillie, quoiqu'elle méritât de l'être.

Tour à tour griffe... lance... épée... Tout cela est aussi ingénieux que vrai. On ne saurait trop remarquer des considérations si hautes et si exactes.

Elle peut tout saisir et tout retenir. En ces quelques mots, le philosophe caractérise l'utilité prodigieuse de la main; voir sur toute cette théorie Chateaubriand, Génie du christianisme, livre V, ch. xiii, citant Cicéron et Aristote.

§ 18. La conformation même de la main. Ceci est de la physiologie et de l'anatomie d'une profonde intelligence.

Capable de s'écarter et de se diviser. Cette analyse générale suffit pour bien faire comprendre le rôle de la main. La différence de la longueur et de la position des doigts suffit pour l'expliquer entièrement ; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome I, ive leçon, Os de la main, et Muscles de la main, pp. 300 et 317.

§ 19. De côté, il n'y a qu'un seul doigt. C'est le pouce, « le seul doigt dont l'os du métacarpe puisse s'écarter et se rapprocher des autres d'une manière sensible ; aussi est-il opposable aux autres doigts »; Cuvier, loc. cit., p. 307, 1ere édition.

Court et épais. Ces deux épithètes conviennent bien au pouce, comparé aux autres doigts.

De bas en haut... C'est bien là en effet l'office du pouce.

Égaler l'action de tous les autres. C'est la traduction littérale ; mais on peut trouver que cette pensée pouvait être exprimée plus exactement.

§ 20. S'il est court... L'argument est très solide, et il est certain que, si le pouce était aussi long que les autres doigts, il rendrait beaucoup moins de services.

Le dernier doigt soit petit. Il s'agit du petit doigt, à ce qu'il semble; cependant la suite tendrait à prouver qu'il s'agit toujours du pouce, qui en un sens est bien aussi le dernier doigt, en même temps qu'il est le plus petit.

Celui du milieu soit allongé. C'est le fait ; mais la comparaison que fait Aristote du doigt du milieu à la rame d'un navire est plus poétique que scientifique. La rame du milieu dans un navire est la plus longue, parce qu'elle correspond à la plus grande largeur du vaisseau ; mais la main de l'homme n'offre rien de pareil.

Le grand doigt. L'idée de grandeur équivaut ici à celle d'importance; il ne s'agit pas de la grandeur effective.

Les autres doigts ne serviraient presque à rien. Cette observation est parfaitement juste, et c'est parce que le pouce est opposable, qu'il est si utile. On peut remarquer, relativement à tout ce passage, qu'Aristote n'a pas parlé des phalanges des doigts, qui ont cependant aussi une grande importance.

§ 21. La conformation des ongles. Cette seconde théorie tient essentiellement à celle qui précède et qui concerne les doigts. Le rôle assigné aux ongles par Aristote est bien le leur; ils diffèrent chez l'homme de ce qu'ils sont chez les autres animaux.

Les flexions des bras... disposées à l'inverse. Ces observations ne sont pas moins justes que les précédentes.

Que ces membres remplacent les mains... II aurait fallu ajouter: « Dans une certaine mesure. »

Les solipèdes. Dans la zoologie moderne, les solipèdes forment un genre très nettement déterminé qui comprend le cheval, l'âne, le zèbre, le louagga et le dauw, qui peut-être n'étaient pas tous connus d'Aristote. Ce sont des pachydermes à sabot et non ruminants ; sous leur sabot, ils portent de chaque coté de leur métacarpe et de leur métatarse des stylets, qui représentent deux doigts latéraux; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 251, édit. de 1829. Le sabot entoure le doigt du milieu; les doigts, dont il reste des indices, sont le deuxième et le quatrième. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 1046, trad. franc.

Avec les pieds de derrière. C'est en effet par la ruade à peu près exclusivement que les solipèdes, ou équidés, peuvent se défendre.

§ 22. C'est encore pour cela. L'explication peut paraître insuffisante; il fallait se borner à constater les faits.

Tels sont les lions et les loups...  Cette conformation des doigts, cinq en avant et quatre en arrière, est fort exacte pour le lion et les félidés en général, léopards, panthère, tigre, puma, etc. Il en est de même pour les chiens et les loups. Tous ces renseignements donnés par Aristote sont parfaitement exacts ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 1077 et 1079, trad. franc.

Ce cinquième doigt... Des pattes de devant. — Du grand cinquième doigt de la main. C'est-à-dire : Du pouce ; mais ceci est un peu exagéré ; et dans ces digitigrades, à ongles rétractiles ou non-rétractiles, le cinquième doigt antérieur n'est pas opposable comme le pouce.

Quant aux petits polydactyles. C'est sans doute aux lézards que ceci se rapporte, et aussi aux tortues. Le nombre des doigts varie beaucoup dans les reptiles ; voir Cuvier, Anatomie comparée, ve leçon, p. 390, 1e édit.

Afin qu'appuyés... Ici encore l'explication peut ne pas satisfaire.

§ 23. Ce qu'on appelle la poitrine. Il semblerait, d'après cette tournure, que le mot dont Aristote se sert était encore assez récent ; voir, sur la poitrine, l'Histoire des Animaux, livre I, ch. vii et ch. x, § 2, pp. 43 et 59, de ma traduction. Souvent la poitrine est confondue avec le tronc.

Large... étroite. Toutes ces considérations sont parfaitement justes; et, de tous les animaux, c'est l'homme qui a la poitrine la plus large.

§ 24. C'est là encore ce qui fait... Cet argument est très solide ; et l'homme seul est conformé de manière à avoir des mamelles sur la poitrine, où, comme le dit Aristote, elles se développent librement.

Par la raison qu'on vient de dire. La chair a été placée sur la poitrine de l'homme, selon Aristote,  pour protéger la région du cœur. Il en est de même chez la femme; mais de plus, les mamelles de la femme servent à l'allaitement des enfants.

Déjà fait remarquer bien souvent. C'est en effet une théorie qu'Aristote a bien souvent exposée dans ses ouvrages d*histoire naturelle et dans les autres. Mais cette théorie n'est pas très constante chez lui; et tantôt il loue la nature d'employer un seul organe à plusieurs fins, et tantôt il la loue de n'appliquer qu'un seul et unique organe a une fonction unique.

S'il y a deux mamelles. La raison donnée est de toute évidence.

Les côtes se réunissent les unes aux autres. Anatomiquement ceci n'est pas exact, et ne se comprend pas bien. M. le Dr de Frantzius suppose avec raison que ce passage doit être altéré. Les cotes ne se réunissent pas : mais elles vont s'appuyer sur le sternum.

§ 25. Un obstacle à la marche. L'argument est excellent et très clair.

Disposées de bien des manières. Selon la conformation particulière de chaque animal.

Les solipèdes... les mamelles entre les cuisses. Les juments, les ânes ses, parmi les solipèdes, ont bien les mamelles entre les cuisses; mais elles n'ont pas de cornes. On appelle ces mamelles Inguinales.

Et ils n'en ont que deux. C'est exact dans toute la famille des équidés (solipèdes,, uniongulés.

Le porc et le chien. On connaît la multiplicité des mamelles et des petits chez ces deux espèces d'animaux domestiques.

Comme le lion. C'est également exact; voir, sur les mamelles chez les divers animaux, l'Histoire des Animaux, livre II, ch. m, pp. 119 et suiv. de ma traduction.

§ 26. Quant à l'éléphant... Voir l'Histoire des Animaux, loc. cit. § 2, p. 120.

C'est qu'il est fissipède. Voir l'Histoire des Animaux, livre II, ch. 1, § 4, p. 100. La conformation des pieds de l'éléphant est très curieuse.

C'est que ce sont là les premières mamelles On ne voit pas bien quel est le rapport que l'auteur prétend établir ici.

Elles sécrètent plus de lait. Je ne sais pas si la science moderne a vérifié le fait ; mais ce détail prouve, après mille autres, combien les observations d'Aristote étaient attentives et minutieuses.

§ 27. On peut bien s'en convaincre. Ces renseignements sont d'une parfaite exactitude.

Où le jeune doit rester unique. En général, les pachydermes, comme l'éléphant, le cheval, etc., n'ont qu'un petit, de même que l'espèce humaine n9a ordinairement qu'un enfant.

Les premières mamelles. Au nombre de deux le plus habituellement, parce qu'il peut y avoir quelquefois deux petits, et parce qu'il y a deux parties du corps.

Dans la région du ventre. L'expression du texte est aussi indéterminée.

Qui ont plus de petits à nourrir. L'explication est de toute évidence.

§ 28. En largeur... deux seulement. Toutes ces considérations sont très justes.

Placées en long. C'est évident, du moment qu'il y a plus de deux mamelles.

Ou qui ont des cornes. Comme le cerf, le bœuf, etc., énumérés un peu plus bas.

N'ont tous qu'un petit. C'est exact.

Tous les animaux de même ordre. C'est-à-dire, les ruminants en général.

§ 29. Se fait par le haut du corps. Cette théorie n'est peut-être pas très sûre.

Que la nature a placé les mamelles. L'explication laisse beaucoup à désirer; mais il n'est pas toujours facile de discerner précisément les vues de la nature dans tout ce qu'elle fait.

L'homme femelle et mâle. J'ai conservé la formule du texte.

Dans les chevaux... les uns n'en ont pas... les autres en ont. Je ne sais pas si la zoologie moderne a confirmé ces observations. Sur les mamelles et leur conformation dans la série animale, il faut lire Cuvier, Anatomie comparée, xxixe leçon, t. V, pp. 153 et suiv., 1e édit.

§ 30. La région du ventre. C'est le terme général qu'emploie le texte.

Le ventre n'est pas limité... L'observation est très juste ; et la disposition du ventre et de l'abdomen est en effet tout autre que celle de la poitrine et du thorax. Voir l'Anatomie comparée de Cuvier, iiie leçon, pp. 202 et suiv. 1ere édit.

Les côtes n'empêchent pas le gonflement. L'argument est très vrai ; et l'intention de la nature est en ceci parfaitement manifeste.

Ne gênent pas non plus la matrice... Même remarque.

L'extrémité de ce qu'on nomme le tronc. Il aurait peut-être fallu ajouter : l'extrémité postérieure et antérieure, puisque l'excrétion sèche ou liquide a deux sorties différentes.

§ 31. A l'exception d'un petit nombre de mâles. L'auteur aurait dû indiquer plus précisément quelques exemples. Il  paraît  que chez beaucoup d'invertébrés, et notamment les vers, il n'y a qu'un seul conduit pour les deux sécrétions. Voir l'Anatomîe comparée de M. Gegenbaur, p. 817, trad. franc.

Nous nous proposons de démontrer plus tard. Dans le grand Traité de la Génération des Animaux, où la question du sperme et de son action sera discutée tout au long.

Qu'elles émettent leur fruit. Ce sens me paraît le plus probable ; mais l'expression du texte n'est pas tellement claire qu'on ne pût aussi l'interpréter autrement.

§ 32. Un peu plus tard. Dans le Traité de la Génération des Animaux, livre l% §§ 68 à 86, edit. et trad. de MM. Aubertet Wimmer.

Une excrétion. Ceci est de toute évidence.

Des matières assez semblables. Cette restriction est exacte ; et si les deux matières se rapprochent l'une de l'autre, la ressemblance n'est pas une identité.

— Dans l'Histoire des Animaux. Voir l'Histoire des Animaux, liv. III, ch. xvii, pp. 312 et suiv. de ma traduction ; et liv. VII, ch. i, §§ 2 et suiv., p. 404 de ma traduction.

Dans l'Anatomie. On sait que les nombreux ouvrages consacrés par Aristote à l'anatomie ne sont pas parvenus jusqu'à nous. C'est une perte des plus regrettables. Il est possible qu'il s'agisse aussi des Dessins Anatomiques ; voir ma Préface à l'Histoire des Animaux, p. CLXVI.

Dans le Traité de la Génération. Voir ce traité spécial, loc. cit.

§ 33. Les formes mêmes de ces diverses parties. Toutes ces considérations sont aussi justes que profondes. Il ne paraît pas que la science moderne les ait reprises, bien qu'elles soient essentielles.

Nerveux. Le terme est bien général; mais j'ai dû reproduire l'expression du texte, sans essayer de la changer. Voir l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. iii, § 8, p. 124.

 — Sans altération morbide. La remarque est exacte et très ingénieuse.

Est composée d'éléments qui permettent ces deux situations. Cette généralité est vraie, quoique vague ; mais c'est seulement dans ces derniers temps que l'anatomie et la physiologie ont bien connu l'organisation très compliquée de ces parties.

 — Et à recevoir l'air. Ceci se rapporte aux théories particulières d'Aristote sur l'émission du sperme ; voir l'Histoire des Animaux, liv. VII, ch. vii, § 1, p. 437 de ma traduction. Voir Cuvier, Anatomie comparée, xxixe leç., tome V, pp. 63 et suiv., 1ere édit.

§ 34. Chez les quadrupèdes. Ceci s'applique surtout aux mammifères.

Urinent par derrière. Voir l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. iii, § 7, p. 123 de ma traduction.

Cette position leur est utile dans l'accouplement. C'est, en effet, par derrière que s'accouplent les quadrupèdes, sauf quelques rares exceptions, qui du reste ne sont pas bien constatées.

Le lynx. Le nom a été conservé par la zoologie actuelle ; le lynx, ou loup-cervier, est de la famille des félidés ; il a presque disparu de l'Europe ; il se distingue par les pinceaux de poils dont ses oreilles sont ornées ; voir Cuvier, Règne animal, l.1, p. 163, édit. de 1829; et la Zoologie descriptive de M. Claus, page 1079, trad. franc. Les détails donnés ici sont exacts; mais quoique ces animaux urinent par derrière, l'accouplement n'en a pas moins lieu, en avant du mâle, comme chez les autres quadrupèdes.

Pas un seul solipède. Ajoutez : Mâle.

§ 35. La disposition des jambes. La raison en est donnée au paragraphe suivant ; c'est la station droite qui exige cette conformation des parties inférieures du corps humain.

Mais l'homme est sans queue. Ceci est exact, bien que le coccyx puisse passer pour un rudiment de queue, et, comme dirait Aristote, un indice de queue. Placé à l'extrémité du sacrum, il en est le prolongement. Il répond aux vertèbres de la queue chez les mammifères. Cuvier, en parlant des vertèbres dans l'homme, dit que la région de la Queue a très peu d'étendue ; Anatomie comparée, iiie leç., p. 150, 1ere édit.

Il a des fesses... Sur la conformation de l'homme, voir l'Histoire des Animaux, liv. I, chapp. xi et XII, pp. 66 et suir. de ma traduction; et liv. II, ch. n, § 12, p. 114.

Sont dépourvues de chair. Tandis que chez l'homme elles sont remarquablement charnues.

Épineuses. Il est difficile de comprendre ceci, à moins que l'on ne suppose que l'auteur désigne par là les ergots de certains volatiles.

§ 36. La cause unique... Toutes ces considérations sont d'une exactitude irréprochable, et la science de nos jours n'a rien à y ajouter.

La nature a diminué... On ne peut guère contester cette vue de la nature dans les proportions qu'elle a données au corps de l'homme, allégeant les parties hautes et donnant du poids aux parties inférieures.

Servir aussi au repos. Cette destination est de toute évidence; et la théorie des causes 6nales reçoit ici une application dont il n'est guère permis de douter; l'homme ne s'asseoit pas simplement parce qu'il a des fesses ; mais il a des fesses pour s'asseoir. Cette partie de l'organisation humaine n'a point été étudiée récemment à ce point de vue ; voir Buffon, Description de l'homme, t. XI, pp. 412 et suiv., édit. de 1830.

Avec leurs quatre supports... toujours couchés. C'est là ce qui fait que bon nombre de quadrupèdes dorment habituellement debout.

Chez l'homme ... Observation dont chacun de nous peut vérifier la justesse par une expérience constante.

§ 37. Qu'il est sans queue. Voir plus haut, § 35.

L'usage de la queue n'est plus nécessaire. L'équilibre de poids que la queue doit établir est obtenu par le poids des fesses; et la queue n'est plus indispensable.

Des formes de nains. Voir plus haut, §§ 11 et 12.

Des jambes très sèches. C'est surtout aux pattes que ceci s'applique ; car chez beaucoup de quadrupèdes, le haut de la cuisse est très charnu ; voir l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. ii p. 113 de ma traduction.

§ 38. Protégée et couverte.... Cette partie de l'explication est acceptable ; mais la théorie de la répartition de la nourriture entre le croupion et les pattes, l'est bien peu; et ici, il aurait fallu se borner à constater les faits sans chercher à les expliquer.

Quant au singe. Voir, sur le singe, l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. v, pp. 134 et suiv. de ma traduction.

Des deux formes. Moitié bipède, moitié quadrupède.

Il n'a ni queue ni fesses. Ceci n'est pas exact si on le prend d'une manière générale. Ainsi, les orangs n'ont pas de queue, et ce sont les singes propres, dont Buffon faisait sa première classe ; les gibbons n'en ont pas non plus ; maïs ils ont des fesses calleuses comme les guenons, tandis que les orangs n'ont pas de callosités aux fesses. Les guenons sont pourvues de queue et de fesses calleuses, etc., etc.; mais ce que dit Aristote n'est pas faux cependant, en ce sens que les caractères indiqués par lui ne se retrouvent que dans quelques singes, et non dans tous; voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 86 et suiv., édit. de 1829.

§ 39. De très grandes différences. Le fait est exact ; et les queues sont de formes, de longueur et de mobilité très diverses selon les espèces d'animaux. Voir l'Histoire des Animaux, livre II, ch. u, § 4, p. 106 de ma traduction, et ch. vi, § 1, p. 440. Je ne connais pas dans la science moderne une étude générale de la queue ; c'est un sujet qui mériterait une investigation particulière.

§ 40. Les pieds ne sont pas moins différents. Voir Cuvier, Anatomie comparée, tome I, pp. 387 et suiv., 1ere édition.

Sont solipèdes. Ou Équidés. Ils n'ont qu'un doigt parfait et deux imparfaits, réduits à un seul os en forme de stylet ; voir Cuvier, loc. cit., p. 390.

Deux pinces. Ce sont les pieds fourchus, ou bisulques.

D'autres ont plusieurs divisions. Ce sont les polydactyles ou fissipèdes. Les animaux à pieds fourchus sont en général les ruminants, formant, selon Buffon, une quarantaine d'espèces. Tous les autres quadrupèdes sont fissipèdes, ainsi que l'homme. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 254, édit. de 1829.

De l'élément terreux. C'est toujours la théorie des quatre éléments, où tous les corps solides sont assimilés à la terre. — Au lieu de cornes et de dents. Les solipèdes n'ont pas de cornes ; mais ils ont des dents.

§ 41. N'ont pas d'osselet. Sur le rôle de l'osselet, voir l'Histoire des Animaux, livre II, ch. ii, § 15, p. 116 de ma traduction.

Qui est un gond. La comparaison est simple et ingénieuse ; et le rôle de l'osselet est bien en effet celui-là ; mais il est difficile de savoir pourquoi cet os, donné à certains animaux, a été refusé à certains autres. L'explication d'Aristote est acceptable, faute d'une meilleure, que les modernes n'ont pas donnée.

Plus solide et plus sûre. Il n'y a qu'un seul mot dans le texte. Mais il semble que ceci tend à faire l'éloge de l'osselet, dont l'auteur ne semblait pas d'abord approuver l'intervention entre les deux parties du membre.

Voilà pourquoi... Cette explication est excellente pour la position de l'osselet, placé toujours dans les membres de derrière et non dans ceux de devant.

Ce qui fait la solidité et l'aplomb. On peut répondre que les animaux qui n'ont pas d'osselet, ont, dans leur train de derrière, au moins autant d'aplomb et de solidité que les autres.

§ 42. Le coup est bien plus pesant. Il n'est pas impossible que la présence de l'osselet ait ce résultat; mais les membres dans lesquels l'osselet existe ne l'appliquent guère de cette façon.

Pour ruer contre ce qui les gêne. Ceci ne paraît pas exact ; et l'auteur semble se contredire lui-même, en supposant que les solipèdes ne ruent pas.

On dirait... Cette théorie des compensations naturelles est une de celles auxquelles Aristote se plaît à revenir le plus souvent.

Les polydactyles n'ont pas d'osselet. Le fait est exact.

Et la largeur s'est agrandie... Le sens n'est pas très sûr; et l'expression du texte présente la même obscurité que ma traduction.

Pourvus de deux pinces. Ce sont les bisulques, ou pieds fourchus, comme la plupart des ruminants, Il est remarquable que ces études sur l'osselet et ses fonctions n'aient pas été reprises par les Modernes.

§ 43. L'homme a des pieds plus grands. Cette observation est très juste, et tout ce qu'Aristote dit du pied de l'homme est le digne pendant de ce qu'il a dit plus haut de la main. La science actuelle a presque complètement abandonné ces considérations générales, qui sont cependant plus importantes que les faits de détail, accumulés avec tant de soin, et parfois d'inutilité.

Le seul être qui se tienne droit. Voilà la véritable raison de la conformation du pied.

Étant de saisir et de serrer les objets. La fonction de la main ne peut pas être expliquée avec plus de concision et de vérité. Ces explications, devenues aujourd'hui banales, étaient fort neuves du temps d'Aristote.

La partie du pied qui n'est pas fendue. Et que nous appelons la plante du pied.

§ 44.  Il est préférable... Il n'y a pas moins de vérité dans ces considérations que dans les précédentes, et l'on serait fort embarrassé de nos jours d'expliquer la conformation du pied de l'homme mieux que ne le fait  le naturaliste grec.

Des ongles sur les mains. Voir l'Histoire des Animaux, livre I, ch. xi, § 8, p. 69 de ma traduction.

A cause de leur délicatesse. Le texte dit précisément : « A cause  de leur faiblesse. »

 

CHAPITRE XI

Des ovipares ; organisation spéciale des serpents ; citation du Traité de la Marche des Animaux; de la langue des poissons; fonction de la langue chez les animaux ; forme de la langue des serpents et des quadrupèdes ovipares ; organisation des yeux chez les ovipares ; paupières des oiseaux ; leur vue perçante ; organisation et rôle des mâchoires ; le crocodile seul remue sa mâchoire supérieure ; cause de cette organisation ; organisation analogue des pinces dans les crabes ; rôle et fonctions du cou chez les animaux ; le serpent seul peut tourner la tête en arrière sans mouvoir le reste du corps ; fonctions et place des mamelles ; citation du Traité de la Génération, et du Traité de la Marche des Animaux; analogie du lait et de l'œuf; le caméléon ; causes de ses changements de formes; sa timidité. — Résumé.

 

1 Jusqu'ici nous avons étudié presque tous les animaux qui ont du sang, qui sont vivipares et qui marchent à terre. Parmi les animaux qui ont aussi du sang, mais qui sont ovipares, les uns sont quadrupèdes ; les autres sont dépourvus de pieds. Il n'y a qu'un seul genre d'ovipares terrestres qui soit sans pieds, c'est celui des serpents ; nous avons expliqué d'où vient qu'ils n'ont pas de pieds, dans les études que nous avons consacrées à la Marche des Animaux.

2 Tous les animaux ovipares autres que les serpents ont une forme qui se rapproche de celle des quadrupèdes vivipares. Ainsi, ils ont une tête, et les parties que la tête renferme, à peu de chose près comme les autres animaux qui ont du sang, de même qu'ils ontcomme eux aussi une langue dans la bouche. Il faut toutefois excepter le crocodile de rivière, qui ne peut pas sembler avoir précisément une langue, et qui n'en a que la place. Cela tient à ce qu'il est en quelque sorte tout à la fois un animal terrestre et un animal aquatique. En tant que terrestre, il a la place de la langue ; mais en tant qu'il est aquatique, il n'en a pas.

3 Les poissons, comme on l'a vu plus haut, semblent tantôt ne pas en avoir du tout, si on ne leur ouvre fortement la bouche en l'inclinant; et tantôt ils n'en ont qu'une, qui est sans aucune articulation. La cause en est qu'une langue serait bien peu utile aux poissons, parce qu'ils ne peuvent, ni mâcher, ni déguster leurs aliments, mais que la sensation et le plaisir que les aliments leur causent à tous ne consistent qu'à les avaler. C'est la langue qui fait sentir les saveurs des choses, et le plaisir que ranimai éprouve ne consiste que dans le passage des aliments. C'est en avalant que les poissons ont la sensation, soit de la graisse, soit de la chaleur, soit des autres impressions de ce genre.

4 Les vivipares aussi possèdent donc ce sens ; et la plupart des comestibles cuits ou crus (691b) qu'ils avalent leur causent cette satisfaction par le gonflement de l'œsophage. D'ailleurs, les animaux de même espèce ne sont pas tous également avides des aliments liquides ou solides, ni des aliments naturels ou de ceux qu'on leur prépare. Les autres animaux ont bien le sens du goût ; mais ceux-ci ont en quelque sorte un autre sens.

5 Parmi les quadrupèdes ovipares, les lézards, ainsi que les serpents, ont la langue bifide ; et à l'extrémité, cette langue est aussi fine qu'un cheveu, ainsi que nous l'avons déjà dit. Les phoques ont aussi la langue fendue ; et par suite, tous ces animaux sont friands. Les quadrupèdes ovipares ont encore les dents carnassières, comme les ont les poissons. Ils possèdent, du reste, tous les organes des sens, comme les autres animaux; ainsi, ils ont les narines pour sentir l'odeur, les yeux pour voir, les oreilles pour entendre ; mais chez eux, ces derniers organes ne sont pas proéminents, non plus que dans les oiseaux, et il n'y a que le simple conduit.

6 La cause en est pour les uns et pour les autres la dureté de leur peau ; car les uns, parmi ces animaux, ont des plumes; et les derniers ont tous des carapaces. La carapace tient lieu de l'écaillé et y est assez semblable, quoique par sa nature elle ait plus de dureté. C'est ce qu'on peut bien voir sur les tortues, sur les gros serpents et sur les crocodiles de rivière. Leurs écailles deviennent plus dures que des os, ce qui montre bien que c'est là leur nature. Ces animaux n'ont pas la paupière supérieure, non plus que les oiseaux, et ils ferment l'œil à l'aide de la paupière d'en bas, par la raison qu'on a déjà donnée pour ces derniers. Il y a quelques oiseaux qui ferment encore leurs yeux par le mouvement de la membrane qui vient des coins de l'œil; mais ces autres animaux ne clignent pas de cette façon, parce qu'ils ont les yeux plus durs que les oiseaux. C'est que les oiseaux étant destinés à voler ont plus besoin, pour leur subsistance, d'une vue perçante, tandis que les autres en ont bien moins besoin; ils vivent en effet toujours dans des trous.

7. La tête étant divisée en deux portions, celle d'en haut et la mâchoire d'en bas, l'homme et les quadrupèdes ovipares remuent les mâchoires en haut, en bas et de côté ; mais les poissons, les oiseaux et les quadrupèdes ovipares, ne les remuent qu'en haut et en bas seulement.

8 La cause en est que ce dernier mouvement peut servir à déchirer et à mordre, tandis que le mouvement oblique ne sert qu'à broyer. (692a) Le mouvement oblique est fait pour les animaux qui ont des molaires ; mais il ne servirait en rien a ceux qui n'en ont pas; aussi manque-t-il à tous les animaux qui sont organisés de cette façon, parce que la nature ne fait jamais rien d'inutile.

9 Chez tous les autres animaux, c'est la mâchoire d'en bas qui est mobile; le crocodile de rivière est le seul qui fasse mouvoir la mâchoire d'en haut. Cela tient a ce que ses pieds ne servent aucunement, ni à retenir, ni à saisir les choses, parce qu'il sont excessivement petits ; et alors la nature a donné au crocodile, au lieu de pieds, une bouche qui lui est fort utile pour remplacer les emplois auxquels les pieds ne peuvent pas servir. Quand il s'agit de retenir ou de prendre, c'est dans le sens où le coup peut être le plus fort que le mouvement est le plus utilement dirigé. Or le coup est toujours plus fort d'en haut que d'en bas. Mais comme la bouche peut rendre ces deux offices, et peut à la fois prendre et mordre, et que le mouvement de retenir est plus nécessaire à un animal qui n'a ni mains ni pieds adaptés à cet usage, il en résulte que le mouvement de la mâchoire d'en haut est bien plus utile au crocodile que le mouvement de la mâchoire d'en bas.

10 C'est pour la même raison que les crabes remuent la partie supérieure de leur pince, et ne remuent pas la partie d'en bas. Comme ils ont des pinces au lieu de mains, il faut que la pince puisse leur servir à prendre les choses et non à les déchirer ; ce sont les dents qui sont chargées de déchirer et de mordre. Aussi, chez les crabes et chez tous les animaux qui n'ont pas à se presser de saisir les choses, parce que dans l'eau la bouche ne serait pas utile, la fonction est divisée ; ils prennent avec des mains ou des pieds, et ils divisent et ils mordent avec la bouche. Dans les crocodiles, la nature a fait une bouche qui peut leur rendre les deux services à la fois; par le mouvement particulier qu'ont les mâchoires.

11 Tous ces animaux ont aussi un cou, parce qu'ils ont un poumon ; ils reçoivent l'air par la trachée-artère, qui est fort longue. Si l'on entend par le Cou la partie placée entre la tête et les épaules, c'est, de toutes ces bêtes, le serpent qui paraîtra avoir le moins de cou véritable, et seulement quelque chose d'analogue à un cou, si l'on peut définir cette partie d'après les animaux qu'on vient de désigner en dernier lieu.

Une particularité qui sépare les serpents de leurs congénères, c'est qu'ils peuvent tourner la tête (692b) en arrière sans que le reste du corps vienne à bouger.

12 La cause en est que, comme les insectes, le serpent peut se rouler, et que ses vertèbres doivent être très flexibles et cartilagineuses. Pour la même raison, cette organisation était d'absolue nécessité chez les serpents; mais elle a lieu aussi en vue du mieux pour les défendre contre tout ce qui pourrait leur nuire par derrière. Le serpent, long comme il est, dépourvu de pieds, n'est pas fait naturellement pour se retourner à son aise, et pour rechercher ce qui se passe derrière lui; il ne lui servirait de rien de lever la tête s'il ne pouvait la tourner.

13 Les animaux de ce genre ont bien une partie de leur corps qui répond à la poitrine ; mais ils n'ont pas de mamelles, ni dans cette région, ni dans aucune autre, pas plus que les oiseaux ou les poissons . Cela tient à ce qu'aucun d'eux non plus n'a de lait. La mamelle est le réservoir et comme le vase du lait ; mais le lait ne se trouve, ni dans ces animaux, ni dans aucun de ceux qui ne sont pas vivipares en eux-mêmes ; aussi, ils font des œufs; et dans l'œuf se trouve la nourriture analogue à ce qu'est le lait dans les vivipares. Nous parlerons du reste plus complètement de tout ceci dans le Traité de la Génération.

14  Nous avons antérieurement parlé de la flexion des jointures dans le Traité de la Marche des animaux, où nous avons exposé ce sujet dans ce qu'il a de commun et de général. Nous y avons expliqué également pourquoi les animaux ont une queue, les uns plus grande, et les autres plus petite.

15 Le caméléon est le plus lent de tous les vivipares terrestres, parce que c'est celui de tous qui a le moins de sang. C'est le caractère de cet animal qui en est cause. La peur lui fait sans cesse changer déforme; et la peur n'est pas autre chose que le refroidissement amené par la pauvreté du sang et le défaut de chaleur.

16 Nous en avons à peu près fini avec ce que nous avions à dire sur les animaux qui ont du sang, soit dépourvus de pieds, soit quadrupèdes; et nous avons étudié leurs parties extérieures et les fonctions de ces parties diverses.


 

§ 1. Nous avons étudié presque tous les animaux. Sous les points de vue où ils sont considérés dans le présent traité ; car le but de l'Histoire des Animaux est tout autre et purement descriptif, tandis qu'ici l'objet que s'est proposé l'auteur, c'est d'expliquer le mécanisme des fonctions de chaque organe et de chaque viscère.

Les uns sont quadrupèdes. Ce sont les chéloniens et les sauriens.

C'est celui des serpents. Ou comme les appelle la science moderne, les Ophidiens ; ce sont les serpents proprement dits, parmi les reptiles.

A la Marche des Animaux. Voir ce traité, ch. vu, édition de Berlin, p. 707, b, 21.Il faut bien distinguer ce traité de la Marche des Animaux, du traité du Mouvement dans les Animaux. Ce dernier se trouve dans les Opuscules psychologiques, p. 237 de ma traduction; mais il s'occupe exclusivement du principe général du mouvement dans l'animal, rattaché au mouvement même de 1*univers. Sur les reptiles, voir Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 4 et suiv.

§ 2. Autres que les serpents. L'exception est fort et acte. Les ophidiens sont seuls sans pieds, et par cette raison, ils méritent le mieux le nom de reptiles; voir Cuvier, loc. cit., p. 68.

— Une forme qui se rapproche.... L'observation est très juste, et les détails qui suivent la fortifient.

— Le crocodile de rivière. C'est le crocodile ordinaire, spécialement celui du Nil. Aristote l'appelle ainsi pour le distinguer de l'animal que les Grecs appelaient le crocodile de terre, et qui n'est qu'un saurien stellion de grande taille ; voir le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, tome I, p. 117; voir Cuvier, Règne animal, tome II p. 32,

Une langue... Voir l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. vi, § 2, p. 141 de ma traduction.

Un animal terrestre et un animal aquatique. C'est en effet parmi les amphibies qu'on peut classer les crocodiles.

 — La place de la langue. L'expression est exagérée ; le crocodile a bien une langue; mais elle est non-protractile, et elle est attachée presque complètement jusque sur les bords ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, page 18. Cuvier n'a presque rien dit de cette organisation du crocodile dans son Anatomie comparée, xviiie leç., article III, c, sur la langue des reptiles; voir aussi xve leçon, t. II, p. 680.

§ 3. Plus haut. Voir plus haut liv. II, ch. 17, §8; et aussi l'Histoire des Animaux, loc.cit., où il est dit également que, pour bien voir la langue des poissons, il faut leur ouvrir fortement la bouche. Les chondroptérygiens n'ont même pas de langue.

Une langue serait bien peu utile aux poissons. L'explication est vraie, et, tout au moins, fort ingénieuse. — Ni mâcher, ni déguster. Le fait est incontestable.

- Ne consistent qu'à les avaler. De là vient la voracité bien connue des poissons, et particulièrement des squales et des traies.

La langue qui fait sentir les saveurs. Voir l'Histoire des Animaux, liv. I, ch. îx, § 13, p. 56 de ma traduction. On n'est pas d'accord, même aujourd'hui, sur la partie de la langue qui fournit surtout la gustation ; voir la Physiologie comparée de M. G. Colin, 2e édit., tome I, p. 299; voir aussi la Zoologie de M. P. Gervais, 3e édition, p. 266. Il paraît que c'est le nerf lingual de la cinquième paire qui donne plus particulièrement la sensation de la saveur,

§ 4. Possèdent donc ce sens, C'est-à-dire que tous les vivipares ont le sens du goût beaucoup plus développé que les autres animaux dont il vient d'être question.

Par le gonflement de l'œsophage. Je ne sais pas si la science moderne accepté cette théorie ; mais elle reconnaît au moins que la partie supérieure des voies digestives, le pharynx, partage avec la langue la propriété de transmettre les impressions du goût ; voir le Traité élémentaire de physiologie humaine de M. J. Béclard, pp. 928 et 934, 6e édit. Il semble que, pour Cuvier, la langue est exclusivement l'organe du goût ; voir l'Anatomie comparée, XVe leç., articles I et H, pp. 676 et suiv.

Ont en quelque sorte un autre sens. Malgré la forme restrictive de l'expression, ceci peut paraître un peu exagéré ; les vivipares n'ont pas, à proprement parler, un autre sens ; mais il est certain qu'en général le sens du goût est beaucoup moins développé chez les animaux que le sens de l'odorat. C'est peut-être là ce qu'Aristote a voulu indiquer.

 

§ 5. La langue bifide. Ceci est un fait évident ; la zoologie moderne ne paraît pas y avoir donné grande attention, bien que cette conformation soit certainement fort curieuse. Voir plus haut, Iiv. II, ch. xvii, § 6, p. 192.

—  Ainsi que nous l'avons déjà dit. Ceci se rapporte à l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. xii, § 19, p. 188 de ma traduction, où Aristote parle de la langue des serpents, à peu près dans les mêmes termes qu'ici.

— Les phoques. Dans ce même passage de l'Histoire des Animaux, Aristote parle également de la langue du phoque. Cuvier, Règne animal, tome I, p. 167, édit. de 1829, dit que la langue du phoque est échancrée ; mais on peut trouver qu'elle est bifide comme celle du serpent, quoique moins fine.

Sont friands. Je ne suis pas sûr de ce sens; le mot du texte ne signifie habituellement que Maigre, et c'est la signification qui lui est donnée plus d'une fois dans l'Histoire des Animaux. Cette signification n'est pas acceptable ici ; et bien des commentateurs ont compris que ces animaux étaient Avides et non pas Maigres. J'ai suivi cet exemple.

Les dents carnassières. C'est le sens le plus probable du mot grec; il est souvent employé dans l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. iii, § 13, p. 127 de ma traduction. On pourrait traduire encore: « Les dents en scie », ou simplement : « Dents aiguës ».

 — Comme les ont les poissons. L'expression est bien vague ; il faudrait dire plutôt : « Certains poissons ». Voir Cuvier, Anatomie comparée, xviie leçon, article IV, Dents des poissons, pp, 175 et suiv.

Tous les organes des sens. Tandis que dans beaucoup d'espèces d'animaux, il n'y a que quelques-uns des sens, à l'exclusion des autres. Ici, les quadrupèdes ovipares sont les chéloniens et les sauriens de Cuvier, et aussi les batraciens ; il y a quelques sauriens à deux pieds. Voir le Règne animal de Cuvier, t. II, pp. 4 et suiv., édit. de 1829.

Il n'y a que le simple conduit. Ceci est vrai pour beaucoup de quadrupèdes ovipares ; mais ce n'est pas exact pour le crocodile, qui a pour l'oreille deux sortes de lèvres charnues, lesquelles se ferment à volonté; Cuvier, id. ibid., p. 18. Voir l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. vi, § 3, p. 141 de ma traduction.

§ 6. La cause en est... la dureté de leur peau. La physiologie actuelle n'admettrait pas sans doute cette explication.

 — Les uns,.. Ce sont les oiseaux dont on vient de parler.

Les derniers. Ce sont les quadrupèdes ovipares, dont il est surtout question.

Des carapaces. Le sens du mot grec est assez indéterminé, et il est plus général. Les carapaces appartiennent surtout aux chéloniens ; les sauriens, comme les crocodiles, ont une peau très dure; mais ce n'est pas précisément une carapace. Voir sur cette synonymie douteuse l'Histoire des Animaux, Li. I, ch. Vii § 5, p. 38 de ma traduction, et la note.

Les gros serpents. Ils n'ont que des écailles ou des plaques.

Les crocodiles de rivière. Ce sont les crocodiles ordinaires pour les distinguer des crocodiles de terre, qui ne sont qu'une espèce de gros lézard ; voir plus haut, liv. II, ch. XVII, § 7.

N'ont pas la paupière supérieure. L'expression est insuffisante ; et l'auteur veut dire seulement que, chez ces animaux, la paupière supérieure ne sert pas à fermer l'œil comme la paupière d'en bas chez les oiseaux ; voir l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. viii, § 6, p. 151 de ma traduction.

Par la raison qu'on a déjà donnée. Ceci se réfère sans doute au passage de l'Histoire des Animaux qui vient d'être cité.

Il y a quelques oiseaux. Dans l'Histoire des Animaux, loc. cit. ce sont surtout les oiseaux lourds, et qui volent mal.

Ces autres animaux. C'est-à-dire, les quadrupèdes ovipares.

Ont les yeux plus durs. Le fait peut être exact ; mais l'explication paraît assez douteuse.

Ont plus besoin.... d'une vue perçante. Cette théorie est vraie.

§ 7. La tête étant divisée... en bas seulement. Ces détails sont exacts ; mais ils sont ici hors de place, ainsi que tous ceux qui suivent jusqu'à la fin du chapitre. On peut supposer qu'il y a quelque désordre; mais ces renseignements n'en sont pas moins curieux. Quant à la tête, c'est l'expression du texte; mais ce n'est pas précisément de la tête qu'il s'agit; c'est plutôt des deux mâchoires. On peut voir l'importance que Cuvier attache à la fonction des mâchoires, Anatomie comparée, tome III, pp. 11  et suiw, xvie leçon.

§ 8. La cause en est. L'explication est excellente; et c'est déjà la théorie de Cuvier sur les conditions d'existence. Voir ma Préface à l'Histoire des Animaux, p. cxxiv,

Ne sert qu'à broyer. Comme on le voit chez les ruminants ou chez le cheval.

Qui ont des molaires. Voir Cuvier, Anatomie comparée, xviie leçon, Des molaires chez les mammifères, tome III, p. 158 et suiv.  1ere édit.

La nature ne fait jamais rien d inutile. Grand et solide principe, qu'Aristote a cent fois répété, et qu'on ne saurait répéter trop souvent; voir ma Préface à l'Histoire des animaux, p. LXXVIII.

§ 9. Qui fasse mouvoir la mâchoire d'en haut. C'est une erreur énoncée déjà dans l'Histoire des Animaux, livre I, ch. IX, § 11, p. 55 de ma traduction; et livre III, ch. vu, § 4, p. 255.

Cela tient à ce que ses pieds... Sur les pieds du crocodile, voir l'Histoire des Animaux, livre II, ch. i, § 7, p. 103 de ma traduction. Il ne paraît pas que la science moderne ait trouvé rien de particulier dans les pieds du crocodile ; ils sont petits comme tous ceux des sauriens ; et il est vrai, comme le remarque Aristote, qu'ils ne peuvent servir, ni à saisir ni à retenir les choses.

—  Ou le coup peut être le plus fort. L'explication serait ingénieuse, si elle était exacte ; mais elle ne l'est pas, puisque la mâchoire d'en haut chez le crocodile n'est pas mobile ; elle ne se meut qu'avec la tête entière; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 18, édit. de 1829. Ce qui fait l'illusion, c'est que la mâchoire inférieure se prolonge derrière le crâne.

Le mouvement de la mâchoire d'en haut. C'est une simple supposition, que l'observation dément.

§ 10. Les crabes. Voir plus haut, ch. vin, § 1, p. 176.

De leur pince. Ou peut-être plutôt: « De leur serre ». Elle est placée sur la première paire de pieds.

Il faut que la pince... L'explication est exacte.

Les dents qui sont chargées de déchirer. Voir dans l'Histoire des Animaux, livre II, ch. ni, § 12, p. 126 de ma traduction, une longue étude sur les dents.

Qui n'ont pas à se presser. Le sens n'est pas très clair; mais l'expression du texte n'est pas plus nette que celle que j'ai dû employer.

La fonction est divisée. L'explication est ingénieuse et vraie.

Les deux services à la fois. Il ne paraît pas en réalité que cette organisation de la bouche du crocodile ait rien de particulier.

§ 11. Parce qu'ils ont un poumon. Cette relation du cou et du poumon n'est pas aussi  générale dans la série animale que l'auteur semble le croire.

Si l'on entend par le Cou... Voir l'Histoire des Animaux, livre I, ch. vi, p. 43, e tch. x, p. 58 de ma traduction.

Le serpent... de cou véritable. En général, les ophidiens ont une trachée-artère très longue; ils n'ont qu'un grand poumon avec vestige d'un second très petit ; et l'on comprend que cette organisation, jointe à celle de leurs mâchoires, ne comporte guère de cou. La physiologie moderne ne paraît pas s'être arrêtée, comme Aristote, à cette étude du cou des serpents.

Une particularité qui sépare... Cette particularité est en effet fort remarquable et méritait d'être notée. Cuvier en dit un mot, Anatomie comparée, me leçon, p. 175, 1ere édition; el il explique l'absence du cou dans les serpents par la disposition générale de leurs vertèbres ; mais il ne parle pas du mouvement giratoire du cou.

§ 12. Peut se rouler. Voir Cuvier, loc. cit. p. 176. Ses vertèbres doivent être très flexibles. C'est très vrai ; et de plus, ces vertèbres sont très nombreuses; le boa constrictor en a 304, dont 252 portant les côtes ; les autres serpents en ont presque autant. Les vertèbres de la queue ne portent point de côtes.

Cartilagineuses. C'est peut-être trop dire.

En vue du mieux. C'est une application du principe de l'optimisme, qu' Aristote a toujours soutenu.

Il ne lui servirait de rien. Tout cela est fort ingénieux.

§ 13. Les animaux de ce genre. Ceci se rapporte sans doute exclusivement aux serpents ; mais l'expression aurait pu être plus précise ; j'ai dû la rendre telle qu'elle est.

Qui répond à la poitrine. Les serpents proprement dits n'ont pas de sternum ; et il n'est pas exact de dire qu'ils ont une partie de leur corps répondant à la poitrine des autres animaux.

Ils n'ont pas de mamelles. La chose est tellement évidente qu'il n'y avait pas besoin de le dire; mais Aristote aura cru nécessaire de la mentionner, parce qu'il y a des reptiles vivipares, tels que la vipère.

La mamelle... Voir sur les fonctions des mamelles, l'Histoire des Animaux, livre VII, ch. i, § 10, p. 409, et aussi livre I, ch. x, § 2, p. 59 de ma traduction.

Le lait ne se trouve... Voir l'Histoire des Animaux, livre III, ch. xvi, p. 301, et livre Vil, ch. vif p. 431 de ma traduction.

La nourriture analogue. C'est le jaune de l'œuf; voir l'Histoire des Animaux, livre VIII ch. II, p. 258 de ma traduction.

Dans le Traité de la Génération. Voir ce traité livre III, § 40, édit. et trad. de MM. Aubert et Wimmer ; mais dans ce traité spécial, livre III, § 41, Aristote renvoie à l'Histoire des Animaux pour des détails plus complets ; voir ce dernier traité, loc. cit.

§ 14. Traité de la Marche des animaux. Voir ce traité, ch. i et chap. xii et suiv. A la fin du ch. i, Aristote se réfère aussi à l'Histoire des Animaux, où, en effet, il a étudié les différents modes de flexion dans les Animaux, livre II, ch. i, § 6, p. 102 de ma traduction. Sur les queues des animaux, voir l'Histoire des Animaux, livre II, ch. H, p. 107 de ma traduction; et sur la queue des oiseaux, voir le Traité de la Marche, ch. x. § 15. Le caméléon. Il est évident que ce passage sur le caméléon est ici complètement déplacé; c'est sans doute une erreur des premiers copistes. D'ailleurs, Aristote a traité tout au long du caméléon dans l'Histoire des Animaux, livre II, ch. vii, p. 143 de ma traduction.

La peur... Voir plus haut, livre II, ch. iv, § 3. Il ne paraît pas d'ailleurs que ce soit la peur qui fasse changer le caméléon de couleur.

§ 16. Nous en avons à peu près fini... Le résumé n'est pas très exact, puisque l'auteur, dans tout ce qui précède, a parlé aussi fort longuement des animaux qui n'ont pas de sang, par exemple au ch. ix, de ce livre IV, qui leur est consacré.
 

CHAPITRE XII

De l'organisation commune à tous les oiseaux ; ils ne diffèrent entre eux que du plus au moins ; comparaison de leur organisation à celle des autres animaux ; leurs ailes ; leur bec ; leur cou, plus ou moins long, suivant leur genre de vie; leurs pattes; flexions des pattes ; les ailes tiennent chez les oiseaux la place de membres antérieurs ; leur poitrine ; absence de nombril ; puissance ou faiblesse du vol ; les ergots ; les serres crochues ; les palmipèdes ; organisation des pieds et des doigts ; l'oiseau ne se tient pas droit comme l'homme; conformation de la hanche ; les doigts sont toujours au nombre de quatre malgré les répartitions exceptionnelles ; citations du Traité de la Génération des Animaux.

 

(693a) 1 Pour les oiseaux, la différence qui les sépare les uns des autres, c'est la prédominance ou le défaut de certaines parties, qui sont ou plus grosses ou plus petites. Ainsi, les uns ont de longues pattes ; les autres en ont de très courtes ; les uns ont une large langue ; d'autres ont la langue étroite. Les mêmes différences se remarquent encore pour d'autres parties du corps. Les oiseaux ont peu de parties qui diffèrent spécialement des uns aux autres ; mais ils diffèrent de tous les animaux pair l'organisation des parties qui leur sont propres.

2' Ils ont tous des ailes ; et c'est une particularité qui les distingue de tous les autres. Dans les autres animaux, certaines parties sont velues; d'autres sont écailleuses; d'autres sont cornées; mais ce sont des ailes qu'ont les oiseaux. L'aile est divisée, et elle n'est pas de la même espèce chez ceux qui ont des ailes pleines; tantôt elle n'est pas fendue; tantôt elle l'est ; tantôt elle a un tuyau ; et tantôt elle en est privée.

3 Les oiseaux ont en outre dans la tête cet organe du bec, qui est fort remarquable, et qui leur est spécial, comparativement aux autres animaux. Chez l'éléphant, la trompe sert de main ; chez quelques insectes la langue remplace la bouche; dans les oiseaux, le bec, qui est osseux, remplit la fonction des dents et des lèvres. Nous avons antérieurement parlé des sens chez les oiseaux. Ils ont un cou, qui naturellement est tendu, et par la même raison qui fait que les autres animaux en ont également un. Mais les uns l'ont court, les autres ont le cou très long; et pour la plupart, le cou correspond à peu près à la longueur des pattes. Ceux qui ont de longues pattes ont aussi un long cou; ceux qui ont des pattes courtes ont un cou qui l'est également. Cependant les palmipèdes font exception. Si leur cou était tout court avec de longues pattes, il ne leur permettrait plus de ramasser la nourriture qui est à terre ; et s'il était long chez ceux qui ont des pattes courtes, il leur serait également peu utile.

4 Pour ceux des oiseaux qui sont carnivores, la longueur du cou les empêcherait presque complètement de trouver leur vie ; car un long cou est toujours faible; et ceux-là ne peuvent vivre qu'à la condition d'employer la force. Aussi, aucun oiseau pourvu de serres recourbées n'a-t-il un long cou. Les palmipèdes et les oiseaux qui, ayant comme eux des pieds divisés, les ont néanmoins fort écourtés, ont, parce qu'ils sont du même genre que les palmipèdes, un long cou qui leur sert à prendre leur nourriture, tirée de l'eau ; mais les pattes qui leur servent à nager sont courtes.

5 Les becs n'offrent pas moins de différences, selon la vie que mènent les oiseaux. Tels oiseaux l'ont tout droit; tels autres l'ont recourbé; le bec tout droit est à ceux qui en ont besoin pour se nourrir ; et les carnivores ont un bec crochu. Cette forme du bec leur est indispensable pour triompher dans la lutte, parce que nécessairement ils ne se nourrissent guère que d'animaux vivants, et qu'ils doivent le plus souvent les vaincre à force ouverte.

6 Ceux qui vivent dans les marais et qui mangent de l'herbe ont le bec fort large; car c'est à cette condition que le bec leur sert à fouiller l'eau, à arracher et à dépecer leurs aliments. Quelques-uns de ces oiseaux ont le bec long, ainsi que le cou, pour pouvoir prendre leur nourriture à de grandes profondeurs ; car la plupart de ces oiseaux et des palmipèdes ne vivent des petites bêtes qui se trouvent dans l'eau qu'en les saisissant ou directement, ou grâce à ce cou si long. Le cou leur sert alors comme d'une ligne à pêcher, et leur bec est comme le flotteur et l'hameçon.

7 Chez les oiseaux, les parties supérieures de leur corps, ainsi que le dessous et ce qu'on nomme le tronc chez les quadrupèdes, tout cela est de la même venue. Au lieu de bras et de membres de devant, ils ont des ailes, qui peuvent se déployer, et qui forment pour eux une partie (694a) toute spéciale ; ils ont, au lieu d'omoplate, les extrémités des ailes sur le dos. D'ailleurs ils ont deux jambes, ainsi que l'homme; mais ces jambes se plient en dedans comme chez les quadrupèdes, et non pas en dehors, comme elles se plient chez l'homme.

8 Les ailes, ainsi que les membres antérieurs des quadrupèdes, sont à la circonférence du corps. Mais il y a nécessité que l'oiseau soit bipède ; car la nature de l'oiseau le range parmi les animaux qui ont du sang, et en même temps il est de la race ailée. Or les animaux pourvus de sang ne se meuvent pas par plus de quatre appareils, et les quatre parties rattachées au corps se retrouvent dans les oiseaux, de même que chez lés autres animaux pourvus de sang qui vivent sur terre et qui y marchent. Seulement, tandis que les autres ont des bras et quatre membres, ce qui distingue l'oiseau, c'est d'avoir des ailes au lieu des membres antérieurs et des bras.

9 Les ailes de l'oiseau sont très puissantes ; et il est de l'essence de l'oiseau de pouvoir voler. Il faut donc de toute nécessité que les oiseaux aient deux pieds; et grâce à leurs ailes, ils peuvent se mouvoir avec quatre appareils, lis ont tous la poitrine en pointe et charnue; elle est pointue en vue du vol ; car, trop large, elle se meut difficilement, parce qu'elle déplace beaucoup d'air ; et elle est charnue, parce qu'une pointe est toujours faible si elle n'a pas un grand revêtement.

10 Sous la poitrine est le ventre qui s'étend jusqu'à la sortie des excréments, et à la flexion des pattes, tout comme chez les quadrupèdes et chez l'homme. Ces parties sont placées entre les ailes et les membres. Tous les animaux venant de vivipares ou d'ovipares ont à leur naissance un nombril ; mais chez les oiseaux adultes, il disparaît. Nous en expliquons clairement la cause dans les Études sur la Génération. C'est que la suture se fait à l'intestin, et ce n'est pas une partie des veines, comme dans les vivipares.

11 Il y a, parmi les oiseaux qui sont faits pour le vol, des espèces qui ont des ailes (694b) étendues et puissantes, comme les oiseaux à serres recourbées, et comme les carnassiers. Ne pouvant vivre qu'à la condition de voler beaucoup, il faut qu'ils aient, dans cette vue, des plumes en abondance et de grandes ailes. Mais ce ne sont pas seulement les espèces des rapaces qui volent bien; ce sont aussi toutes celles qui ne peuvent trouver leur subsistance que grâce à la rapidité de leur vol, ou qui, pour vivre, sont forcées de changer de lieux.

12 Il y a aussi des espèces d'oiseaux qui ne volent guère, et qui sont fort lourdes. Ce sont les espèces qui vivent à terre, qui mangent des fruits, ou encore qui nagent et vivent près de l'eau. Les oiseaux à serres crochues ont de très petits corps, à les considérer sans leurs ailes, parce que c'est dans leurs ailes que passe toute la nourriture, pour faire à l'animal des armes qui puissent le défendre. Au contraire, les oiseaux qui ne volent pas ont des corps volumineux, et c'est ce qui les rend si lourds.

13 Quelques espèces d'oiseaux pesants ont aux pattes pour se défendre ce qu'on appelle des ergots, au lieu d'ailes ; mais les oiseaux ne sont jamais tout ensemble pourvus d'ergots et de serres crochues. C'est que la nature ne fait jamais rien d'inutile. Des ergots ne serviraient en quoi que ce soit aux oiseaux à serres crochues et à grand vol, tandis que les ergots servent beaucoup dans les combats qui se livrent à terre. C'est pour ce motif que certaines espèces d'oiseaux lourds en sont armés ; car pour ceux-là, les serres crochues ne seraient pas seulement inutiles, elles seraient en outre dangereuses, attendu que, faites pour empoigner, elles gêneraient beaucoup la marche.

14 Aussi, tous les oiseaux à serres recourbées marchent mal, et ne se posent jamais sur des pierres ; car dans ces deux cas, la nature de leurs ongles est absolument contraire à ces deux emplois. C'est là une suite nécessaire de leur constitution; car la partie terreuse de leur corps et leur chaleur native leur deviennent des instruments utiles pour la lutte. Se portant en haut, cet élément fait la dureté ou la grosseur de leur bec; et s'il se porte en bas, il y fait les ergots sur les pattes; ou bien, dans les ongles des pieds, il fait leur grosseur et leur force. Du reste, les deux choses ne se produisent pas à la fois en plusieurs lieux différents ; car la nature de cette excrétion s'affaiblit en se dispersant.

(695a) 15 Aux uns, la nature donne la longueur des pattes. À quelques autres, au lieu de cette longueur, elle remplit l'intervalle des doigts des pieds. Aussi, les oiseaux qui nagent ont-ils nécessairement, ou des pieds qui sont entièrement palmés, ou des doigts qui, tout en étant divisés séparément les uns des autres, ont pourtant, chacun une sorte de rame, qui est absolument continue pour le pied entier. C'est là une organisation qui, pour des causes faciles à comprendre, est tout à fait nécessaire.

16 Chez ces oiseaux, c'est en vue du mieux et pour faciliter leur vie qu'ils ont les pieds ainsi disposés ; car vivant dans l'eau et leurs ailes étant à peu près inutiles, ils ont des pieds faits pour leur servir à nager. En effet, les nageoires des poissons sont bien également des espèces de rames, comme celles des bateaux. Aussi, de même que les poissons cessent de pouvoir nager quand les nageoires leur manquent, de même ces oiseaux ne nagent plus quand la membrane intermédiaire de leurs pieds vient à faire défaut.

17 Si quelques espèces d'oiseaux ont des pattes fort longues, cela vient de ce qu'ils doivent vivre dans les marécages. Or la nature fait les organes pour l'action à laquelle ils doivent s'appliquer, et non pas l'action pour les organes. Comme ces oiseaux ne nagent pas, ils ne sont pas palmipèdes; mais comme ils doivent vivre dans une matière qui cède sous leurs pieds, ils ont de longues pattes et de longs doigts ; et presque tous ont, en outre, plusieurs flexions dans ces doigts mêmes.

18 N'étant pas faits pour voler, et toutes les parties du corps étant composées de la même matière, la nourriture qui se dirige vers le croupion passe dans les pattes et les développe. Aussi, quand ils volent, se servent-ils de ces pattes au lieu de leur croupion ; ils volent en les étendant en arrière; de cette façon, les pattes leur sont alors utiles, tandis qu'autrement elles ne feraient que les gêner. Un petit nombre d'espèces qui ont des pattes très courtes sous le ventre peuvent aisément voler. Dans ces oiseaux, les pattes ainsi disposées ne les gênent plus ; et dans les oiseaux à serres crochues, ces pieds leur servent à saisir leur proie.

19 Parmi les oiseaux qui ont un long cou, les uns, quand ce cou est plus épais, retendent en volant ; ceux qui Font léger et long volent en le repliant, afin que, quand ils s'abattent quelque part, le cou ainsi couvert soit moins exposé à des accidents.

20 Tous les oiseaux ont une hanche, placée là où il semblerait qu'ils n'en doivent pas avoir; et ils ont deux cuisses à cause de la longueur de la hanche, qui s'étend en dessous jusqu'au milieu du ventre. C'est pour cela que l'oiseau, bien qu'ayant deux pieds, ne se tient pas droit, comme il pourrait le faire s'il avait, ainsi que l'homme et les quadrupèdes, une hanche courte à partir du siège, et la jambe venant immédiatement après. L'homme se tient droit ; et les quadrupèdes ont pour soutenir le poids du corps les membres de devant, sur lesquels ils reposent soiidement ; mais les oiseaux ne sont pas droits, parce que leur conformation naturelle est celle des nains et qu'ils n'ont pas de membres antérieurs ; à la place de ces membres, ils ont des ailes.

21 La nature leur ayant fait une longue hanche, au lieu de cette partie, les a soutenus fortement par le milieu. Puis, elle a posé les pattes par dessous, afin que le poids du corps étant également réparti, l'oiseau pût tantôt marcher, ou tantôt se tenir en repos, en équilibrant l'un et l'autre côté. On voit par là comment l'oiseau, tout en ayant deux pieds, ne se tient pas droit cependant. D'ailleurs, ce qui fait que leurs pattes n'ont pas de chair est aussi ce qui cause la même disposition chez les quadrupèdes ; et Ton s'est déjà expliqué plus haut à ce sujet.

22 Tous les oiseaux sans exception ont quatre doigts aux pieds, les palmipèdes aussi bien que les fissipèdes. Quant au moineau de Libye (l'autruche), nous verrons plus tard qu'il n'a que deux divisions aux pieds, sans parler d'autres différences qu'il offre encore avec le reste des oiseaux. Tantôt, les oiseaux ont trois doigts en avant, et un seul en arrière, au lieu de talon, et pour assurer leur marche. Dans les oiseaux à longues pattes, ce dernier doigt n'a aucune longueur, comme c'est le cas pour la crex. Les oiseaux n'ont jamais plus de quatre doigts.

23 Telle est la position des doigts chez tous les autres oiseaux ; mais le torcol est le seul à avoir deux doigts en arrière et deux en avant ; c'est peut-être parce que, dans cet oiseau, le corps est moins porté en avant que chez les autres. Tous les oiseaux ont des testicules; mais ils les ont à l'intérieur. Nous expliquerons la cause de cette organisation en traitant de la Génération des Animaux.

§ 1. Pour les oiseaux Il faut comparer ces généralités sur les oiseaux à celles qu'a présentées Cuvier, Règne Animal, tome I, pp. 301 et suiv., édit. de 1829; et celles de Buffon, Discours sur la nature des oiseaux, tome XIX, pp. 24 et suiv., édition de 1829.

Les oiseaux ont peu de parties..,.. Ils différent de tous les animaux. Cuvier reconnaît aussi, loc. cit.9 p. 310, « que de toutes les classes d'animaux, celle des oiseaux est la mieux caractérisée, celle dont les espèces se ressemblent le plus » et qui est séparée de toutes  les autres par un plus grand  intervalle. » Buffon a énuméré également les qualités particulières et distinctives de l'oiseau, qu'il loue avec une sorte d'enthousiasme ; voir surtout p. 70, loc. cit.

§ 2. Ils ont tous des ailes. C'est en effet la particularité essentielle qui sépare l'oiseau du reste des êtres; voir l'Histoire des Animaux, livre I, ch. v, § 9, p. 32 de ma traduction.

L'aile est divisée. Ceci est vrai pour la plupart des oiseaux.

 — Des ailes pleines. C'est là sans doute une allusion aux ailes des chauves-souris. La membrane qui remplit les intervalles des bras, des avant-bras et des doigts, est une aile véritable, plus étendue en surface que l'aile des oiseaux, et qui permet à l'animal de voler très haut et très rapidement. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 112, édit. de 1829.

Tantôt elle a un tuyau. Ce détail se rapporte à la plume et non plus a l'aile ; mais en grec, le même mot désigne l'aile et la plume.

§ 3. Cet organe du bec. Voir l'Histoire des Animaux, livre II, ch. viii, § 5, p. 151 de ma traduction.

Chez l'éléphant. On ne comprend pas bien que l'auteur parie aussi brusquement de l'éléphant, qui semble n'avoir rien à faire ici. Le bec de l'oiseau remplace en quelque sorte le nez; et par une association d'idées assez naturelle, on passe du nez à la trompe ; mais dans tout ceci, la pensée n'est pas suffisamment exprimée.

Chez quelques insectes. Il eût été bon de désigner plus précisément quelques-uns de ces insectes. L'appareil buccal est très divers selon que l'insecte se nourrit de liquides, ou qu'il est broyeur comme les coléoptères, les névroptères, etc., etc., ou suceur comme les lépidoptères, etc. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 540, trad. franc. ; voir aussi Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 4 et suiv. et p. 297, édit. de 1829.

Remplit la fonction des dents et des lèvres. Cette appréciation est fort exacte.

Des sens, chez les oiseaux. Ceci n'est pas dans le texte ; mais j'ai cru devoir faire cette addition, à cause de cequi suit. Il a été question de la répartition des sens chez les animaux en général dans l'Histoire des Animaux, livre IV, ch. 8, pp. 77 et suiv. de ma traduction.

 — Ils ont un cou. Ce détail se rapporte évidemment aux oiseaux.

Par la même raison... Sur le cou des animaux, voir l'Histoire des Animaux, livre II, ch. vin, pp. 148 et suiv.

Court... très long. Tous ces détails sont parfaitement exacts; et c'étaient les premiers qui devaient frapper l'observateur. Voir Cuvier, Règne animal, t. I, p. 302.

Les palmipèdes. Voir Cuvier, loc. cit.} p. 311 et 543 et suiv. Ce sont es seuls oiseaux dont le cou dépasse et quelquefois de beaucoup, la longueur des pattes.

La nourriture qui est à terre. Et aussi, dans la profondeur de l'eau.

§ 4. Qui sont carnivores. Ces observations ne sont pas moins exactes que les précédentes. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 313 et suiv. Les oiseaux de proie sont parmi les oiseaux ce que les carnassiers sont parmi les quadrupèdes.

N'a-t-il un long cou. Cette remarque est exacte.

Les palmipèdes... fort écourtés. Ce sont les nageurs, comme le cygne, le canard, etc. C'est plus particulièrement la famille des Lamellirostres de Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 565 et suiv. § 5. Les becs n'offrent pas moins de différences. Sur le bec des oiseaux, voir Cuvier, Anatomie comparée, xvie leç., t. III, pp. 60 et suiv.,  1ere édit.

Tout droit. Comme les pics, qui en ont besoin pour, percer l'écorce des arbres.

 — Un bec crochu. Comme celui de tous les oiseaux de proie.

Les vaincre à force ouverte. Ceci est une .sorte de répétition de ce qui a été dit au paragraphe précédent.

§ 6. Ceux qui vivent dans les marais... de l'herbe. Le cygne, par exemple, vit également de poissons et de végétaux.

Le bec leur sert à fouiller l'eau... La description est fort exacte.

Le bec long, ainsi que le cou. Ceci convient particulièrement aux échassiers,qui ont un bec proportionné à la longueur de leurs pattes.

-- Vivent des petites bêtes. Les échassiers vivent de poissons, de reptiles, de vers, d'insectes ; quelques-uns se contentent d'herbages, et vivent éloignés de l'eau; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 494, édit. de 1829.

Comme d'une ligne à pécher. Il est possible que ceci ne soit qu'une interpolation. La comparaison n'est pas tout à fait fausse ; mais elle n'est guère dans les habitudes du style aristotélique.

Comme le flotteur et l'hameçon. Ce rapprochement est exagéré.

§ 7. Est de la même venue. L'expression du texte ne semble avoir que ce sens ; mais elle est bien vague et bien incomplète, et elle ne donne pas une description suffisante de la constitution de l'oiseau, bien que cette description ne soit pas fausse.

Au lieu de bras. Comparativement à l'homme.

Et de membres de devant. Comparativement au reste des animaux.

Qui peuvent se déployer. Ou peut-être, Suspendues.

Une partie toute spéciale. Et oui est le caractère essentiel de leur organisation.

Au lieu d'omoplate. Ceci n'est pan exact ; et l'épaule des oiseaux est composée de trois os : la clavicule, la fourchette et l'omoplate. Voir Cuvier, Anatomie comparée, ive leç., t. I, p. 248, 1e édit. La fourchette est uo os particulier à l'oiseau ; il est étonnant qu'Aristote l'ait omis.

Se plient en dedans. Voir, sur les flexions dans les membres des animaux, l'Histoire des Animaux, liv. I, ch. xi, § 3, p. 65 de ma traduction.

§ 8. Sont à la circonférence du corps. C'est la traduction littérale du texte; mais l'expression n'est pas tout à fait juste ; et il aurait mieux valu dire : Aux cotés du corps.

Il y a nécessité. Afin que l'oiseau conservât encore quelques affinités avec les quadrupèdes, et que la nature procédât, ici comme ailleurs, par nuances presque insensibles.

Par plus de quatre appareils. Voir l'Histoire des Animaux, liv. I, ch. v, §14, p. 34 de ma traduction.

Qui vivent sur terre et qui y marchent. C'est bien aussi ce que fait l'oiseau; mais il a de plus le privilège de voler.

Seulement.. Cette restriction est très juste.

§ 9. Sont très puissantes. Ceci est surtout vrai des oiseaux de proie; mais on peut dire d'une manière générale que les muscles des ailes des oiseaux sont les plus puissants de toute la création. Le vol exige un effort prodigieux ; et l'organisation entière de l'oiseau correspond à cette nécessité primordiale ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 301 et suiv.; et aussi Buffon, Discours sur la nature des oiseaux, p. 34, édit. de 1829.

Avec quatre appareils. C'est ce qui vient d'être dit, plus haut, § 8.

La poitrine en pointe et charnue. C'est la fourchette et le sternum, qui chez les oiseaux ont une forme toute particulière. Voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 941, trad. franc.

Pointue en vue du vol. C'est évident.

Un grand revêtement. L'expression grecque n'est pas plus précise.

§ 10. Sous la poitrine. Ou plutôt : Sous la partie qui répond à la poitrine.

La flexion des pattes. C'est précisément le haut de la cuisse plus que la flexion des pattes ; on pourrait traduire aussi : La flexion des membres.

Un nombril. Sur l'organisation de l'œuf, voir l'Histoire des Animaux, liv. VI, ch. iii, § 2, p. 269 de ma traduction.

 — Il disparaît. Il est certain qu'il n'y a pas trace de nombril chez les oiseaux adultes, comme il en reste chez l'homme durant toute sa vie ; mais ceci tient à tout le développement de l9oiseau. Tant qu'il est dans l'œuf, il a nécessairement certaines attaches, d'abord avec l'oviducte de la mère, puis ensuite avec le jaune, qui le nourrit; mais une fois nés il n'a plus rien de tous ces rapports ombilicaux; la vésicule germinative répond peut-être à l'ombilic. Voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 956, trad. franc.

Les Études sur la Génération. Voir le Traité de la Génération des Animaux, liv. III, § 29, édit. et trad. de MM. Aubert et Wimmer, page 226 et passim ; notamment, liv. II, §66, p. 168.

La suture se fait à l'intestin. L'expression du texte n'est pas plus claire; et je ne trouve pas dans la science actuelle des investigations spéciales sur ce sujet, qui mérite d'ailleurs l'attention qu'Aristote y a donnée. Voir Cuvier, Règne animal, t.1, p. 309, édit. de 1829.

Une partie des peines. Voir l'Histoire des Animaux, liv. VII, ch. vu, § 6, p. 440 de ma traduction.

§ 11. Des ailes étendues et puissantes. Ceci s'applique surtout aux oiseaux de proie diurnes.

 — A la condition de voler beaucoup. La science actuelle ne pourrait pas trouver des explications plus complètes, ni plus vraies.

Des plumes en abondance. Selon Cuvier, « les plumes ont été données à l'oiseau pour le garantir contre les rapides variations de température, auxquelles ses mouvements l'exposent » ; Règne animal, t. I, p. 304 et p. 396, édit. de 1829.

Et de grandes ailes. L'envergure varie beaucoup de dimension; elle est surtout étendue chez les rapaces.

La rapidité de leur vol. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, page 956 de la trad. franc.

§ 12, Qui ne volent guère... fort lourdes. Ce sont surtout les gallinacés, dont le port est pesant et dont le vol est court. Voir Cuvier, Règne animal, t.1, pp. 311 et 468, édit. de 1829. Les muscles pectoraux sont très faibles et rendent le vol difficile.

Qui mangent des fruits. Les gallinacés vivent principalement de grains.

Qui nagent et vivent près de l'eau. Ce sont les oies, les canards, les cygnes, etc.

Les oiseaux à serres crochues. Ce sont les oiseaux de proie.

— De très petits corps. Comparativement à l'envergure des ailes.

Des corps volumineux. Comme on peut le voir chez les gallinacés.

§ 13. Des ergots. Voir l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. vin, § 9, p. 154 de ma traduction.

Au lieu d'ailes. Ceci n'est pas exact ; les ergots n'excluent pas les ailes; mais ils vont d'ordinaire avec de mauvaises ailes.

D'ergots et de serres crochues. C'est exact.

Ne fait jamais rien d'inutile. Grand principe, dont Aristote ne cesse jamais de montrer les applications.

Ne serviraient en quoi que ce soit. C'est peut-être trop dire; les oiseaux de proie ont assez d'armes sans celle-là ; elle pourrait néanmoins leur servir, s'ils l'avaient avec les autres.

Elles seraient en outre dangereuses. Ceci est parfaitement vrai ; et il suffit de voir marcher des vautours et des aigles, pour se convaincre de l'exactitude de cette observation.

Faites pour empoigner. C'est la force de l'expression du texte.

§ 14. Marchent mal. Tout au contraire, les gallinacés, par exemple, et tant d'autres oiseaux non carnassiers, marchent très fermement sur le sol.

La partie terreuse de leur corps et leur chaleur native. C'est une application de la théorie des quatre éléments, adoptée par Aristote, et qui a régné, quelque fausse qu elle fût, jusque dans les temps modernes.

Les ergots sur les pattes. Dans Tordre des gallinacés, par exemple.

Dans les ongles des pieds. Dans l'ordre des oiseaux de proie.

S'affaiblit en se dispersant. Il ne faut pas attacher trop d'importance à ces théories singulières; la physiologie était alors privée de trop de secours pour être plus exacte dans ses analyses.

§ 15. Aux uns, la nature donne... Toutes ces observations sont pleines de sagacité, et la science moderne les ratifie.

La longueur des pattes. Ce sont les échassiers de la zoologie actuelle, " Le bas de leurs jambes est nu ; leurs tarses sont très hauts; et ils peuvent ainsi entrer dans l'eau jusqu'à une certaine profondeur sans se mouiller les plumes, et y pêcher au moyen de leur cou et de leur bec, dont la longueur est généralement proportionnée à celle des jambes » ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 493, édit. de 1829.

Elle remplit l'intervalle des doigts des pieds. Ce sont les palmipèdes, « dont les pieds sont faits pour la natation, implantés à l'arrière du corps, portés sur des tarses courts et comprimés et palmés entre les doigts » ; Cuvier, id. ibid., p. 545.

Une sorte de rame. La comparaison est fort juste.

Des causes faciles à comprendre. Ces causes sont les circonstances diverses qui dominent la vie de ces oiseaux, habitant le long des eaux ou vivant dessus.

§ 16. En vue du mieux. C'est le principe de l'optimisme, qu'Aristote a toujours soutenu.

Les nageoires des espèces de rames. Nouvelle comparaison aussi juste que la précédente. Cette forme de style est fort rare dans Aristote.

Les poissons.. ... ces oiseaux. Le rapprochement est frappant; et la science moderne pourrait en tenir compte.

Vient à faire défaut. Soit par suite de l'organisation naturelle, soit par suite d'un accident.

§ 17. Ils doivent vivre dans les marécages. C'est là en effet la vie des échassiers, sur les rives des fleuves et des lacs,au bord de la mer et des étangs, en un mot, dans les contrées marécageuses. Perchés sur leurs longues jambes, ils cherchent de petits insectes, des mollusques, des vers, des grenouilles, des poissons. Leurs pattes très hautes ont les tibias nus, avec des tarses fort allongés.

De longs doigts. Parmi les échassiers, les uns n'ont pas de doigts postérieurs. Ils doivent marcher dans les eaux basses, sur des fonds vaseux. Le quatrième doigt est tantôt rudimentaire, tantôt long et armé ; tantôt aussi à demi-palmé, ou tantôt tout à fait libre.

Plusieurs flexions. Je ne vois pas que la science moderne ait observé ce dernier détail ; voir sur les échassiers en général M. Claus, Zoologie descriptive, p. 970, trad. franc. Les échassiers s'appellent aussi Oiseaux de rivage, dans les nomenclatures actuelles. Voir encore Cuvier, Règne animal, tome I, p. 433 sur les doigts des échassiers ; et sur les doigts des oiseaux, id. ibid, p. 304, édit. de 1829; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 946, édit. franc.

§ 18. N'étant pas faits pour voler. Ceci n'est pas applicable à tous les échassiers ; car les hérons volent très haut et très longtemps.

La nourriture qui se dirige... Voir plus haut, § 14 et la note.

 — En les étendant en arrière. L'observation est fort exacte; et les pattes ainsi placées font équilibre, avec la queue, qui est très courte en général, à la partie antérieure du corps. Cuvier adopte aussi en partie le système des compensations d'organes; ainsi en parlant des brévipennes, il dit que leurs extrémités postérieures ont repris en force ce que leurs ailes ont perdu ; Règne animal, tome I, p. 494,édit. de 1829.

—  Un petit nombre d'espèces... Il aurait fallu désigner plus précisément ces espèces, puisque ce détail ne s'applique, ni aux échassiers, ni aux palmipèdes dont il vient d'être question.

Dans les oiseaux à serres crochues. Ceci peut sembler une interpolation, ou tout au moins une addition mal placée.

§ 19. L'étendent en volant. Cette observation est encore très exacte; et cette extension du cou en avant est faite aussi pour équilibrer le corps entraîné dans un vol rapide.

Volent en le repliant. Il aurait fallu ici encore indiquer précisément quelques espèces de volatiles.

Soit moins exposé à des accidents. Il n'est pas sûr que cette explication soit aussi bonne que l'auteur semble le croire; et cette position du cou tient sans doute plutôt aux conditions mêmes du vol.

§ 20. Ont une hanche. Voir sur cette conformation de l'oiseau l'Histoire des Animaux, livre II, ch. vii, § 2, p. 149 de ma traduction, et la note. Voir aussi, sur cette articulation des membres postérieurs chez les oiseaux, la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 942 et 945, trad. franc. ; voir également Cuvier, Règne animal, t. I, p. 304, où il n'y a que des indications succinctes.

Ils ont deux cuisses. Ceci est exagéré; et le bassin des oiseaux, tout allongé qu'il est, ne peut pas être assimilé à une cuisse. Le fémur est court et solide, et la jambe est beaucoup plus longue que la cuisse; la cuisse est presque horizontale; et par suite, la jambe doit être reportée en avant; voir M. Claus, Zoologie descriptive, pp. 912 et 945, comme ci-dessus.

Ne se tient pas droit. L'explication est excellente; le tronc chez les oiseaux est toujours placé plus ou moins obliquement ; il ne peut jamais être droit comme chez l'homme.

Est celle des nains. Dans les théories mêmes d'Aristote, ceci n'est pas très exact, puisque la tête et le cou des oiseaux sont en général assez petits, tandis que, chez les nains, la partie supérieure du corps est trop grosse, et particulièrement la tête. Voir plus haut, ch. x, §§ 8, 9, 11 et 38.

§ 21. Au lieu de cette partie. Le texte est aussi vague que ma traduction; « Cette partie » désigne sans doute la partie supérieure du corps.

Le milieu. C'est le sternum des oiseaux avec tous ses appendices.

Ne se tient pas droit cependant. Cuvier, Règne animal, tome I, p. 302, édit. de 1829, a expliqué aussi pourquoi l'oiseau ne peut se tenir droit, « Les extrémités antérieures, destinées à les soutenir dans le vol, ne pouvaient servir ni à la station, ni à la préhension ; ils sont donc bipèdes ; leur corps devait être penché en avant de leurs pieds ; les cuisses se portent donc en avant, et les doigts s'allongent pour lui fournir une base suffisante ; le bassin est très étendu en longueur... les ischions et surtout les pubis se prolongent en arrière, etc., etc. » Voir aussi la Zoologie descriptive de M. daus, p. 938, trad. franc. et p, 942.

La même disposition chez les quadrupèdes. Les jambes des quadrupèdes sont en général osseuses et sèches, en vue de rendre le mouvement plus facile.

Plus haut. Voir plus haut, ch. x, § 35, et aussi § 22. Sans exception. J'ai ajouté ces mots pour rendre toute la force de l'expression grecque ; mais le fait n'est pas exact ; et il y a des oiseaux, comme l'outarde, qui n'ont que trois doigts. Il est bien vrai que l'autruche (le moineau de Libye) n'en a que deux, à quatre phalanges chacun.

Les palmipèdes aussi bien que les fissipèdes. Ces détails ne sont pas tout aussi vrais que l'auteur semble le croire ; voir Cuvier, Anatomie comparée, ve leçon, tome I, p. 390, 1ere édit. ; voir aussi M. Claus, Zoologie descriptive, p. 942,trad. franc.

Plus tard. Voir le ch. xiv qui termine l'ouvrage.

Les oiseaux ont trois doigts. On aurait pu désigner précisément quelques espèces.

N'a aucune longueur. C'est ce qu'on observe souvent chez les échassiers, dont le pouce est en général oblitéré.

Pour la crex. J'ai dû conserver le nom grec, parce que l'identification n'est pas sûre; voir le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, édit. et trad. de l'Histoire des Animaux, tome I, p. 100; ils croient que la crex pourrait être l'himantopus rufipes, ou ostralegus. Voir l'Histoire des Animaux, livre IX, ch. II, § 10, p. 137 de ma traduction. Dans la zoologie moderne, la crex est une espèce de râle, dont le doigt postérieur est plus court que les autres ; mais ce ne serait pas un échassier, comme on l'avait cru quelquefois, et comme le dit ici Aristote.

— Jamais plus de quatre doigts. Cette observation est exacte.

§ 23. Torcol. Le mot grec est Yunx, que la zoologie moderne a conservé, en y ajoutant l'épithète de Torquilla. Cette conformation singulière des pieds du torcol est signalée aussi dans l'Histoire des Animaux, livre II, ch. viii, § 3, p. 150 de ma traduction.

Moins porté en avant. Je ne sais pas si la science moderne a noté ce détail.

Tous les oiseaux ont des testicules. Ceci ne tient pas à ce qui précède, et cette fin du chapitre n'est peut-être qu'une interpolation. Voir, sur les testicules intérieurs des oiseaux, l'Histoire des Animaux, livre IV, ch. i. § 4, p. 199 de ma traduction.

De la Génération des Animaux. Voir ce traité spécial, livre I, § 32, p. 60, édit. et trad. Aubert et Wimmer

 

CHAPITRE XIII

De l'organisation des poissons ; leur conformation générale ; des nageoires et de leur nombre ; citation des traités sur la Marche et le Mouvement des Animaux ; poissons à deux nageoires ; variétés dans la position des nageoires ; les branchies des poissons; citation du Traité de la Respiration; organisation des branchies dans les sélaciens ; du nombre et de la dimension des branchies ; citations des Descriptions Anatomiques et de l'Histoire des Animaux ; variétés des formes de la bouche dans les poissons ; de la bouche des dauphins et des sélaciens ; leurs mouvements nécessaires pour saisir leur proie ; de la peau des poissons ; leurs écailles ; les poissons n'ont jamais de testicules ; évent des dauphins, des baleines, etc.; rôle de l'évent et des branchies ; organisation équivoque des phoques et des chauves-souris.

 

(696a) 1 On vient de voir ce que sont les différents membres des oiseaux ; mais, chez les poissons, les parties extérieures sont encore bien plus déformées. Ils n'ont, ni jambes, ni mains, ni ailes; et nous avons expliqué antérieurement les causes de cette organisation. Mais le volume de leur corps entier est continu de la tête à la queue. Tous les poissons n'ont pas la queue faite de la même manière ; les uns l'ont a peu près pareille; quelques autres, parmi les poissons larges, l'ont épineuse et longue.

2 À partir de la queue, le poisson se développe en largeur, ainsi qu'on le voit dans les torpilles, dans les trygons, et autres espèces de sélaciens. Dans ces poissons, la queue est épineuse et longue ; dans d'autres, elle est charnue et courte, par la même cause que dans les torpilles ; il n'y a aucune différence, ou à ce qu'elle soit courte et plus charnue,, ou à ce qu'elle soit longue et moins charnue. C'est le contraire qu'on observe dans les grenouilles ; car, comme leur largeur en avant n'est pas charnue, toute la chair qui a été enlevée est reportée par la nature en arrière et à la queue.

3 Si les poissons n'ont pas de membres indépendants, c'est qu'ils sont faits naturellement pour nager, comme l'indique leur définition essentielle, attendu que la nature ne fait jamais rien de superflu ni d'inutile. Comme, d'après leur essence, ils ont du sang, ils ont reçu des nageoires pour nager ; et comme ils ne sont pas faits pour marcher, ils n'ont pas reçu de pieds, parce que l'appendice des pieds n'est utile que pour se mouvoir sur le sol.

4 Mais il n'était pas possible qu'ils eussent tout ensemble quatre nageoires et des pieds, ni rien de ce qui ressemble à des pieds en fait de membres, du moment qu'ils avaient du sang. Pourtant les cordyles, qui ont des branchies, ont des pieds ; en revanche, ils n'ont pas de nageoires, mais ils ont une queue sèche et large. Ceux des poissons qui ne sont pas larges, comme le sont le batos et le trygon, ont quatre nageoires, deux en avant et les autres en arrière ; (696b) aucun de ces poissons n'en a plus de quatre ; car, autrement, ils seraient dépourvus de sang.

5 Presque tous ont les nageoires du dos; mais quelques-uns des poissons, longs et épais, n'ont pas les nageoires du ventre; telles sont l'anguille, le congre et l'espèce de kestres qui se trouve dans le lac de Siphées. deux qui sont plus longs encore et qui se rapprochent davantage des serpents, comme la murène, n'ont pas du tout de nageoires ; ils se meuvent par des flexions successives, se servant de l'eau ainsi que les serpents se servent de la terre; car les serpents nagent de la même manière qu'ils rampent sur la terre.

6 La raison qui est cause que les poissons ressemblant à des serpents n'ont pas de nageoires, est celle même qui fait que les serpents n'ont pas de pieds. C'est ce que nous avons expliqué dans nos Traités sur la Marche et sur le Mouvement des Animaux. S'ils avaient eu quatre appareils de mouvement, ils auraient eu grand'peine à se mouvoir ; car, soit que les nageoires fussent rapprochées, ils ne pourraient presque pas avoir de mouvement ; et soit qu'elles fussent éloignées, il en serait encore de même, parce que l'intervalle serait trop grand. Si les appareils de locomotion étaient plus de quatre, c'est que ces animaux seraient exsangues.

7 C'est encore la même cause qui veut que certains poissons n'aient que deux nageoires. Ces poissons ressemblent à des serpents, et ils sont fort longs ; et c'est par la flexion qu'ils remplacent les deux nageoires. Aussi, rampent-ils sur le sol, et vivent-ils longtemps hors de l'eau ; les uns ne frétillent pas tout de suite ; les autres frétillent moins, parce qu'ils sont près d'avoir une nature qui serait capable de marcher. Les poissons qui n'ont que deux nageoires ont ces nageoires sur le dos ; et ce sont ceux qui ne sont pas gênés dans leur mouvement par leur largeur. Ceux qui ont ces nageoires les ont près de la tête, parce qu'en ce lieu il n'y a pas de largeur qui pourrait les aider à se mouvoir en place des nageoires; et, en effet, le corps de ces poissons est fort développé vers la queue.

8 Le batos et les poissons de cette espèce se servent, pour nager, de cette extrémité, qui est fort large, en place des nageoires qu'ils n'ont pas. La torpille et la grenouille-marine ont les nageoires du dessous en bas, à cause de la largeur d'en haut ; et celles du dessus, près de la tête. En effet, de cette façon, la largeur ne les empêche pas de nager ; mais, pour compenser les nageoires du haut, ces parties sont, chez ces poissons, plus petites que celles du dos. La torpille a ses deux nageoires à la queue ; et au lieu des deux nageoires qui lui manquent, elle se sert de sa largeur et de l'un et l'autre de ses demi-cercles, comme si elle avait deux nageoires.

9 Nous avons déjà parlé des organes qui se trouvent dans la tête des poissons, et aussi de leurs sens. Ce qui distingue les poissons entre tous les animaux qui ont du sang, c'est l'organisation des branchies ; (697a) nous avons expliqué à quoi elles servent, dans le Traité de la Respiration. Ceux des poissons qui ont des branchies les ont, en général, couvertes ; mais les sélaciens, qui ont des épines cartilagineuses, ont les branchies découvertes. La cause en est que certains poissons sont épineux et que l'opercule de leurs branchies Test également, tandis que tous les sélaciens sont cartilagineux.

10 Il faut ajouter que les mouvements de ces derniers poissons sont lents, parce que les branchies ne sont pas épineuses ni nerveuses, tandis que le mouvement des branchies épineuses est rapide. Or, il faut que le mouvement de l'opercule ait beaucoup de rapidité, puisque les branchies sont faites naturellement, on peut dire, pour l'expiration ; et de là vient que, chez les sélaciens, la réunion des conduits mêmes qui composent les branchies a lieu directement, et il ne fout pas d'opercule pour qu'elle soit aussi rapide que possible.

11 Certains poissons ont de nombreuses branchies ; d'autres en ont très peu ; ceux-ci les ont doubles, ceux-là les ont simples. Il faut voir les détails précis sur ces différences dans les Descriptions Anatomiques et dans l'Histoire des Animaux. Ce qui fait que les branchies sont plus ou moins nombreuses, c'est la plus ou moins grande chaleur dont le cœur est animé. Le mouvement est nécessairement plus rapide et plus énergique chez ceux qui ont plus de chaleur ; et des branchies nombreuses, ou des branchies doubles, ont aussi cette vigueur naturelle plus que ne l'ont des branchies simples ou plus petites. De là vient que certains de ces poissons peuvent aussi vivre longtemps hors de l'eau ; et ce sont ceux qui ont des branchies en moindre nombre et moins fortes ; par exemple, l'anguille et les poissons à forme de serpents, qui n'ont pas besoin de beaucoup de refroidissement.

12 La bouche des poissons offre aussi de grandes variétés. Les uns ont la bouche en avant et fort proéminente ; les autres l'ont en dessous, comme les dauphins et les sélaciens, qui se retournent sur le dos pour saisir leur proie. La nature les a ainsi organisés, non pas seulement pour préserver les autres animaux, puisque, grâce à la lenteur de ce mouvement nécessaire pour se retourner, les autres poissons ont le temps de se sauver de ceux-là, qui sont tous carnivores, mais c'est aussi pour ne pas trop favoriser leur voracité excessive; car, s'ils pouvaient saisir leur proie plus facilement, ils périraient bien vite à force de se gorger de nourriture.

13 Il faut ajouter que la forme de leur museau circulaire et étroit les empêche de l'ouvrir beaucoup. On peut remarquer en outre que ceux même qui ont la bouche en haut ont, les uns la bouche tout ouverte, (697b) les autres l'ont pointue. Tous les poissons carnivores ont la bouche très fendue, comme les poissons à dents alternantes, parce que, pour ces poissons, toute leur force est placée dans la bouche ; mais ceux qui ne sont pas carnivores ont la bouche en pointe.

14 Certains poissons ont la peau écailleuse; et l'écaille se détache du corps par son éclat et sa légèreté. D'autres poissons ont la peau rugueuse, comme la raie et le batos, et les poissons de ce genre. Il y a très peu de poissons qui aient la peau lisse. Les sélaciens n'ont pas d'écaillés ; et leur peau est rugueuse, parce qu'ils ont des piquants cartilagineux. Chez eux, la nature a employé l'élément terreux, qu'elle prenait aux écailles, pour en faire leur peau.

15 Aucun poisson n'a de testicules, ni au dehors, ni à l'intérieur, pas plus que n'en a aucun animal privé de pieds ; et voilà comment les serpents n'en ont pas non plus. Le canal des excréments et celui de la génération est le même dans les poissons, ainsi qu'il Test chez les quadrupèdes ovipares, parce qu'ils n'ont pas de vessie ni d'excrément liquide.

16 Telles sont les différences générales qu'offrent les poissons comparativement à tous les autres animaux. Mais les dauphins, les baleines et tous les cétacés de cette espèce n'ont pas de branchies, et ils ont un évent, parce qu'ils ont un poumon. Ils reçoivent l'eau de la mer par la bouche, et ils l'expulsent par l'évent. D'abord, ils sont forcés de recevoir le liquide, parce que c'est dans le liquide qu'ils trouvent leur nourriture; mais, après l'avoir reçu, c'est une nécessité non moins grande de le rejeter,

17 Les branchies ne sont utiles qu'aux animaux qui ne respirent pas. Nous en avons expliqué le motif dans nos études sur la Respiration, et nous avons dit qu'il est impossible d'avoir tout ensemble la respiration et des branchies. L'évent des cétacés est fait précisément pour expulser le liquide ; et il est placé en avant de leur encéphale ; autrement, il aurait séparé l'encéphale du rachis. Ce qui fait que ces animaux ont un poumon et qu'ils respirent, c'est que les gros animaux ont besoin de plus de chaleur pour se mouvoir ; et c'est dans cette vue que leur a été donné le poumon, qui est rempli de la chaleur du sang. Ces animaux sont en quelque sorte tout à la fois terrestres et aquatiques. En tant que terrestres, ils reçoivent l'air ; mais ils sont dépourvus de pieds; et ils tirent leur nourriture du liquide, comme les animaux aquatiques.

18 Les phoques et les chauves-souris, qui sont des deux genres, les premiers se rapprochant des animaux aquatiques et terrestres, les autres se rapprochant des animaux volatiles et terrestres, participent de tous les deux, sans être précisément d'aucun. Les phoques, quoique aquatiques, ont des pieds; et quoique terrestres, ont des nageoires ; leurs pieds de derrière les rapprochent tout à fait des poissons, et toutes leurs dents sont en scie et fort aiguës. Quant aux chauves-souris, elles ont des pieds comme volatiles, mais elles n'en ont pas comme quadrupèdes ; elles n9ont ni queue, ni croupion, pas de queue comme elles pourraient en avoir en tant que volatiles, pas de croupion comme elles en auraient en tant qu'animaux terrestres. C'est là, pour les chauves-souris, une organisation nécessaire. Leurs ailes sont de la peau ; et il n'y a pas d'animal qui ait un croupion, si ce n'est à la condition d'avoir des ailes divisées ; car c'est des ailes de ce genre que se forment le croupion. La queue serait en outre un obstacle à la fonction des ailes.



 

§ 1. Bien plus déformées. Aristote établit donc une sorte de gradation entre les animaux, les oiseaux venant après les quadrupèdes, les reptiles après les oiseaux, et les poissons après les reptiles. C'est encore à peu près l'ordre que suit Cuvier dans son Règne animal.

Ni jambes, ni mains, ni ailes. Ce sont là en effet les premières différences qui doivent frapper tout d'abord les observateurs, bien qu'elles ne soient pas les seules.

Antérieurement. Ceci se rapporte sans doute à l'Histoire des Animaux, livre II, ch. ix, p. 155 de ma traduction.

Est continu de la tête à la queue. C'est-à-dire qu'ils n'ont pas de cou distinct. Cuvier se borne à dire, Règne animal, tome II, p. 123, que les membres étant peu utiles aux poissons sont fort réduits. Le corps des poissons a généralement la forme d'un fuseau, plus ou moins comprimé; voir M. Glaus, Zoologie descriptive, pp. 778 et 779, trad. franc. La tête est immédiatement réunie au tronc et solidement articulée avec lui. La région cervicale mobile fait presque complètement défaut.

La queue faite de la même manière. La queue est chez les poissons une pièce essentielle; car c'est elle qui sert surtout à la progression et à la natation. Aristote a toute raison d'y attacher beaucoup d'importance.

§ 2. Dans les torpilles. M. le docteur de Frantzius, p. 319, note 108, pense qu'il y a ici quelque erreur ; la torpille a la queue courte et assez charnue ; voir aussi Cuvier, Règne animal, tome II, p. 396, édit. de 1829.

Les trygons. Le trygon est une espèce de pasténague et de raie, dont la queue est armée d'un aiguillon, et est assez grêle ; c'est un repli en forme de nageoire ; voir Cuvier, Règne animal, t. II, p. 399, édit. de 1829; voir aussi l'Histoire des Animaux, liv. I, ch. v, §4, p. 30 de ma traduction.

Et autres espèces de sélaciens. Les poissons ici nommés sont bien des sélaciens, c'est-à-dire des chondroptérygiens à branchies fixes ; les squales, les raies en font partie.

Épineuse et longue. La queue des squales est grosse et charnue, particulièrement celle des rhinobates, parmi les raies, qui ont en général la queue mince ; voir Cuvier, loc. cit., pp. 385f 395 et 397.

Par la même cause. L'auteur n'a pas dit cette cause pour les torpilles ; il a seulement signalé le fait.

Dans les grenouilles. Il s'agit ici des grenouilles marines, et non des grenouilles ordinaires; voir l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. ix, § 5, p. 159 de ma traduction ; et liv. IX, ch. xxv, § 1, p. 214. Voir aussi le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, édit. et trad. de l'Histoire des Animaux, t. I, p. 146, n° 90. La grenouille marine d'Aristote paraît être le Lophius piscatorius ou Baudroie, qui n'est pas une espèce de raie, et qui n est pas un sé-lacien ; voir M. le docteur de Frantzius, loc. cit., p. 320, note 109. Il y a encore dans la zoologie moderne une famille de poissons appelés les batrachides ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 856.

§ 3. N'ont pas de membres indépendants. Ceci est en partie une répétition du paragraphe 1.

Sont faits naturellement pour nager. Il y a d'autres animaux que les poissons qui nagent aussi; mais ce n'est pas là leur qualité essentielle, comme pour les poissons.

— La nature ne fait jamais rien de superflu. Principe de la plus haute importance, qu'Aristote a toujours soutenu, et dont il démontre l'application réelle chaque fois que l'occasion s'en présente.

Comme. ...ils ont du sang. Cette réflexion ne paraît pas ici bien placée.

§ 4. Quatre nageoires et des pieds. Il semblerait résulter de ceci que tous les poissons auraient quatre nageoires ; ce serait une erreur, puisque beaucoup de poissons en ont moins ou plus, ou même n'en ont pas du tout.

Du moment qu'ils avaient du sang. Ceci ne se comprend pas bien ; et ce pourrait être une interpolation.

Les cordyles. Sur le cordyle, voir l'Histoire des Animaux, liv. I, ch. i, § 13, p. 10, et ch. v, § 6, p. 31 de ma traduction, et liv. VIII, ch. ii §8, p. 12.

Qui ont des branchies, ont des pieds. Il semble que ceci se rapporterait assez bien au têtard des grenouilles, comme le croit M. le docteur de Frantzius. Le têtard est, à sa naissance, pourvu d'une longue queue charnue, sans autres membres que de petites franges autour du cou ; elles disparaissent au bout de quelques jours pour devenir des branchies ; les pattes de derrière et de devant se développent ; la queue disparaît, ainsi que les branchies, et les poumons restent seuls à respirer ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 103, édit. de 1829. MM. Aubert et Wimmer, ëdit. et trad. de l'Histoire des Animaux, t. ii catalogue, p. 116, §8, croient que le cordyle est la larve du Triton palustris, comme le soupçonnait Cuvier.

Le batos. Sur le batos, voir l'Histoire des Animaux, liv. I, ch. iv, § 2, p. 26 de ma traduction. On ne sait pas au juste ce qu'est le batos; mais il paraît bien qu'il est de la famille des sélaciens plats; voir le catalogue de MM. Aubert et Wimmer. p. 145.

Le trjgon. C'est la Pasténague; voir l'Histoire des Animaux, liv. I, ch. v, § 49 p. 30 de ma traduction. Le corps des raies, dont le trygon fait partie, est horizontalement aplati et ressemble à un disque; mais il n'est pas exact de dire qu'elles sont sans nageoires; il est vrai que les nageoires des pasténagues sont moins développées que celles des raies communes. Voir Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 395 et 399, édit. de 1829.

Car autrement ils seraient dépourvus de sang. Ceci encore peut paraître une interpolation.

§ 5. L'anguille, le congre. Voir l'Histoire des Animaux, liv. I, ch. v, § 2, p. 29.

Des kestres. J'ai cru devoir conserver le mot grec, parce que l'identification est fort douteuse; dans l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. ix, § 4, p. 157, j'ai traduit kestres par mulets; mais cette identification non plus n'est pas sûre.

— Dans le lac (ou l'étang) de Siphées Voir, sur le même fait, F Histoire des Animaux, toc. cit. Siphées ou Tiphées est en Béotie.

N'ont pas du tout de nageoires. La même observation se trouve dans l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. îx, § 5, p. 158 de ma traduction.

§ 6. La raison... L'explication est fort ingénieuse.

La Marche... Voiri le traité spécial sur la Marche des Animaux, ch. vii et viii, où il est question aussi des Kestres de l'étang de Siphées.

Le Mouvement des Animaux. Voir ce traité spécial, ch. ix, p. 268 de ma traduction, Opuscules psychologiques ; mais cette référence n'est peut-être pas très exacte ; et il n'y a rien dans ce petit traité qui se rapporte précisément aux serpents.

Exsangues. C'est toute la classe des insectes,

§ 7. Deux nageoires. Aristote attache une grande importance au nombre des nageoires ; et c'est une opinion que partage encore Linné ; mais la science actuelle ne semble pas en tenir autant de compte ; les nageoires ne lui fournissent que des caractères secondaires par leur nature plus encore que par leur nombre (Malacoptérygiens, Acanthoptérygiens). Aristote aurait dû nommer les poissons à deux nageoires. L'anguille a deux nageoires, près des branchies. Histoire des Animaux, liv. IV, ch. ix, § 4,

Ressemblent à des serpents. Telles sont les anguilles et les lamproies. C'est la famille des malacoptérygiens apodes, qui, outre les anguilles, contient le congre commun, le serpent de mer, les murènes, etc.; voir Cuvier, Règne animal, t. II, p. 348, édît de 1829.

Les deux nageoires. Sous-entendu : « Qui leur manquent ».

Longtemps hors de l'eau. Dans les Fragments de Théophraste, p. 455, édit. Firmin-Didot, on trouve une étude sur les poissons qui peuvent vivre plus ou moins longtemps hors de l'eau.

Ne frétillent. C'est le sens le plus certain du mot grec.

Une nature qui serait capable de marcher. A la manière des serpents ; mais l'organisation de l'appareil respiratoire chez les serpents ne leur permet pas de vivre longtemps ainsi.

Ces nageoires sur le dos. C'est exact.

Près de la tête. Même remarque.

A se mouvoir en place des nageoires. C'est ce qui arrive aux raies, qui te meuvent surtout grâce à leur largeur.

§ 8. Le batos. Voir plus haut § 4.

Et les poissons de cette espèce. Cette indication reste obscure, parce que nous ne savons pas ce qu'est précisément le batos, si ce n'est peut-être qu'il est de la famille des raies.

En place des nageoires qu'ls n'ont pas. On ne peut pas dire que la raie n'a pas de nageoires, bien qu'elle soit fort large; elle a des pectorales extrêmement étendues, qui se joignent en avant l'une à l'autre. Voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 395.

La grenouille-marine. Voir l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. ix,  § 5, page 59 de ma traduction.

La torpille a ses deux nageoires à la queue. Ceci est vrai de toute la famille des raies, dont la torpille fait partie ; ce sont les nageoires dorsales qui sont sur la queue; voir Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 395 et 397 ; mais Cuvier donne plus d'attention à la faculté électrique de la torpille qu'à ses nageoires.

Ses demi-cercles. Ceci se rapporte à la conformation générale de la famille des raies, dont le disque est rhomboïdal. Les cyclostomes n'ont qu'une nageoire sur le dos.

§ 9. Nous avons déjà parlé. Voir l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. ix, pp. 155 et suiv. de ma trad.

Et ainsi de leurs sens. Voir l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. viii, § 6, p. 80 de ma traduction.

Des branchies. C'est ce qui a été établi dans l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. ix, § 4, p. 157, et dans l'étude générale sur les poissons, comparés aux autres animaux.

Dans le Traité de la Respiration. Voir le Traité spécial de la Respiration, chap. ii et iii, pp. 351 et 354 de ma traduction, Opuscules psychologiques.

 — Les sélaciens... ont les branchies découvertes. Ceci n'est peut-être pas tout à fait exact. Les branchies des sélaciens ne sont pas libres par le bord externe, comme chez les autres poissons ; elles sont adhérentes par ce bord, et elles laissent échapper l'eau par des trous. C'est là ce qui fait ranger les sélaciens parmi les chondroptérygiens à branchies fixes ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 383.

Sont cartilagineux. C'est-à-dire que leurs os, au lieu d'être durs, ne sont que des cartilages. Voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 376, édit. de 1829.

§ 10. Les mouvements... sont lents. Ceci semble se rapporter uniquement au mouvement des branchies; car le mouvement des squales-sélaciens est, au contraire, d'une rapidité prodigieuse; mais j'ai dû conserver dans ma traduction l'indécision qui est dans le texte. D'ailleurs, la suite explique assez clairement la pensée de l'auteur.

Puisque les branchies. Le texte ne désigne pas expressément les branchies ; mais il ne peut être ici question que de ces organes.

Pour l'expiration. Il serait mieux de dire d'une manière générale : « Pour la respiration ». Voir le Traité de la. Respiration, loc. cit., où Aristote réfute Anaxagore, Démocrite et Diogène d'Apollonie, sur la respiration des poissons.

Il ne faut pas d'opercule. Quelle que soit la valeur de ces théories physiologiques, elles attestent une fois de plus l'attention extrême qu'Aristote apportait à observer les faits, pour arriver à les expliquer.

§ 11. Les Descriptions Anatomiques. Malheureusement cet ouvrage d'Aristote nous manque comme tant d'autres ; voir la Préface à ma traduction de l'Histoire des Animaux, p.CLXVI.

Dans l'Histoire des Animaux. Voir l'Histoire des Animaux, liv. II, ch. ix, § 4, pp. 157 et suiv. de ma traduction.

Ce qui fait... Cette explication est la conséquence des théories d'Aristote sur les quatre éléments et sur la chaleur animale. La science moderne ne paraît pas s'être occupée du nombre plus ou moins grand des branchies.

§ 12. La bouche des poissons. Cette observation est très juste; et la conformation de la bouche dans les poissons est un caractère assez important pour constituer toute une famille, celle des cyclostomes ou suceurs. Voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 402, et M. Claus, Zoologie descriptive, p. 808, trad. franc. Les cyclostomes paraissent être, en fait de squelette, les plus imparfaits de tous les vertébrés.

En dessous. Tous ces détails sont exacts.

Qui se retournent sur le dos. La même observation est déjà faite dans l'Histoire des Animaux, livre VIII, chapitre iv, § 8, page 24, de ma traduction.

La nature... C'est la théorie ordinaire d'Aristote sur la sagesse qui éclate dans toutes les œuvres de la nature.

De se gorger de nourriture. Ces poissons sont en effet très voraces et semblent l'être même plus que tous les autres. Parmi les sélaciens, les requins ont une renommée terrible, qui, comme le dit Cuvier, en fait l'effroi des navigateurs; Règne animal, tome II, p. 388.

§ 13. Leur museau circulaire et étroit... C'est fort exact.

La bouche tout ouverte. Ce sont les cyclostomesv seconde famille des chondroptérygiens.

 — A dents alternantes. Ou En forme de scie.

 — Ceux qui ne sont pas carnivores... Je ne sais pas si la science moderne accepte ces généralités.

§ 14. Ont la peau écailleuse. Voir Cuvier, Règne animal, Tome II, p. 125, Les écailles sont générales chez les poissons ; mais elles manquent parfois, comme dans les clycostomes. Quand il y en a, elles sont implantées dans la peau ; quelquefois aussi elles sont tellement petites qu'elles paraissent manquer, comme dans les anguilles. D'ordinaire, elles constituent des lamelles solides, et elles se recouvrent les unes les autres, comme les tuiles d'un toit, etc., etc. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 782, trad. franc.

Par son éclat. Cet éclat très réel est produit par des paillettes cristallines irisées; ce sont des pigments de la couche épidermique ; mais parfois aussi, la peau est rugueuse et comme chagrinée, par exemple dans les squales, ainsi que l'auteur le dit un peu plus bas.

Des piquants cartilagineux. Ce n'est pas tout à fait le cas des sélaciens. La zoologie moderne a souvent employé les écailles comme caractères distinctif des espèces.

§ 15. Aucun poisson n'a de testicules. La même observation se trouve dans l'Histoire des Animaux, livre III, ch. i, § 4,p. 199 de ma traduction. C'est d'ailleurs une erreur; et chez les poissons, la laite tient lieu de vrais testicules.

Les serpents n'en ont pas. Tout ceci encore n'est guère qu'une répétition de ce qui est dît dans l'Histoire des Animaux, loc. cit. Les serpents ont aussi des testicules, contrairement à ce que croit le naturaliste grec.

Le canal des excréments et celui de la génération. Le fait est exact; mais comme ceci ne tient pat assez à ce qui précède, on peut supposer que c'est une interpolation.

Ils n'ont pas de vessie. Dans l'Histoire des Animaux, Aristote fait une exception pour la tortue, livre II, ch. xii, § 1, p. 176 de ma traduction. Il répète la même observation livre III, ch. ii, § 4, et livre V, ch. iv, § 5 ; il se répète encore dans le Traité de la Génération, livre I, § 25, p. 62, édit. et trad. Aubert et Wimmer. Voir aussi plus haut, dans ce Traité des Parties, livre III, ch. viii, § 3.

§ 16. Les différences générales qu'offrent les poissons. Voir les généralités sur les poissons dans l'Histoire des Animaux, livre II, ch. ix, p. 155 de ma traduction.

Un évent. Voir l'Histoire des Animaux, livre I, ch. iv, § 2, p. 26 de ma trad.; et liv. IV, ch. x, § 8, p. 107.

Ils reçoivent  l'eau de la mer. Sur la respiration du dauphin, voir l'Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. ii, § 4, p. 10 de ma trad. Voir aussi Cuvier, Règne animal, tome I, p. 285, édit. de 1829.

Une nécessité non moins grande de le rejeter. Toutes ces explications sont remarquables d'exactitude.

§ 17. Sur la Respiration. Voi le traité spécial sur la Respiration, ch. XII consacré tout entier au mécanisme de la respiration chez les cétacés à évent ; au § 6 de ce chapitre, Aristote renvoie à l'Histoire des Animaux, Opuscules psychologiques, p. 385 de ma trad.

La respiration et des branchies. Cette opposition n'est pas aussi nettement marquée dans le Traité de la Respiration, ch. n, § 2, p. 382 de ma trad. Aristote croyait que les branchies ne servaient qu'au refroidissement de l'animal; il ne savait pas que les branchies ne servent qu'à la respiration.

En avant de leur encéphale. Voir l'organisation particulière des cétacés dans Cuvier, Règne animal, tome I, p. 285, édit. de 1829. L'ouverture par laquelle s'échappe le jet d'eau est percée au-dessus de la tête.

Ce qui fait... L'explication peut paraître insuffisante.

Terrestres et aquatiques. Ceci peut sembler exagéré ; mais l'auteur indique lui-même ce qu'il entend par là.

§ 18. Les phoques et les chauves-souris. Au premier coup d'œil, le rapprochement paraît étrange ; mais ce qui le justifie, c'est que ces deux espèces d'animaux sont mammifères. On peut voir que, dans la science actuelle, les chauves-souris sont rangées aussi parmi les carnassiers chéiroptères, entre les singes, les ours et les phoques; Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 111, 135 et 166, édit. de 1820. Ainsi la classification d'Aristote n'a rien de faux ; et même elle doit paraître très profonde.

Les phoques, quoique aquatiques... Voir sur le phoque, l'Histoire des Animaux, liv.II, ch. i, § 11, p. 105 de ma trad. Dans le livre I, ch. i, § 17, p. 13, le phoque et la chauve-souris sont rapprochés comme ils le sont ici.

Ont des pieds. Le fait est exact ; mais les pieds du phoque ne lui servent presque pas à marcher, comme Aristote lui-même le remarque, loc. cit. Voir Cuvier, Règne animal, t. I, p. 167. Le phoque a cinq doigts à tous les pieds. Les doigts vont en décroissant du pouce au petit doigt; aux pieds de derrière c'est le pouce et le petit doigt qui sont les plus longs. Les pieds sont enveloppés dans la peau du corps en avant jusqu'au poignet, en arrière jusqu'au talon. Les intervalles des doigts sont remplis par des membranes.

Les rapprochent tout à fait des poissons. Ceci est peut-être un peu exagéré.

Sont en scie et fort aiguës. Les phoques ont quatre ou six incisives en haut, quatre ou deux en bas, des canines pointues, et des machelières au nombre de vingt, vingt-deux ou vingt-ejuatre, toutes tranchantes et coniques ; Cuvier, loc. cit.} p. 166.

Quant aux chauves-souris, elles ont des pieds. Les pieds des chauves-souris sont faibles ; ils ont cinq doigts, en général égaux, armés d'ongles tranchants et aigus.

Comme volatiles. Le texte n'est pas plus explicite que ma traduction, et le sens reste assez obscur ; les manuscrits ne donnent aucune variante.

Pas de queue... Ceci ne serait pas exact, si l'auteur ne faisait lui-même une restriction ; absolument parlant, les chauves-souris ont une queue, plus ou moins courte selon les espèces ; mais cette queue n'est pas en effet comme celle des volatiles. Le croupion non plus ne ressemble pas à celui des gallinacés.

Leurs ailes sont de la peau. C'est là en effet le caractère distinctif des chéiroptères. Le repli de la peau qui prend aux côtés du cou s'étend entre les quatre pieds et leurs doigts ; cette appareil les soutient dans l'air et leur permet de voler. L'intervalle des bras, des avant-bras et des doigts est rempli par une membrane, qui constitue des ailes plus étendues en surface que celles des oiseaux. Aussi les chauves-souris volent très haut et très rapidement. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 112, édit. de 1829.

Des ailes divisées. Tandis que celles des chauves-souris ne le sont pas. Quelles que soient l'exactitude et la valeur des renseignements donnés ici, ils montrent tout au moins l'attention qu'Aristote avait donnée à l'étrange organisation de la chauve-souris et des animaux qui lui ressemblent.

La queue serait en outre un obstacle... Peut-être aurait-il fallu expliquer ceci un peu davantage, puisque chez les oiseaux, la queue, loin d'être un obstacle, facilite au contraire le vol, comme on l' établi plus haut.

CHAPITRE XIV

De l'autruche, ou moineau de Libye ; sa double organisation d'oiseau et de quadrupède ; ses ailes inutiles ; les pinces de ses pattes ; annonce d'études sur la Génération des animaux.

 

1 Une double organisation se retrouve aussi chez l'autruche, ou moineau de Libye ; elle a des parties d'oiseau et des parties de quadrupède. En tant que cet oiseau n'est pas quadrupède, il a des ailes ; en tant qu'il n'est pas oiseau, il ne vole pas, en s'élevant dans l'air ; et il a des ailes qui ne lui servent pas à voler, et qui sont assez pareilles à des poils.

2 De plus, en qualité de quadrupède, il a des cils aux paupières supérieures, et il est pelé sur la tête et sur le sommet du cou ; les cils qu'il a sont comme des crins. Puis, en tant qu'oiseau, ses parties inférieures sont couvertes de plume ; il a deux pattes comme un oiseau ; il a deux pinces comme un quadrupède ; car il n'a pas de doigts, mais des pinces.

3 Cette singularité vient de ce que sa grosseur n'est pas celle d'un oiseau, mais bien celle d'un vrai quadrupède. Or il y a nécessité absolue que la grosseur du corps chez les oiseaux soit en général la plus petite possible, parce qu'il serait par trop difficile de mouvoir et d'élever dans l'air un corps d'une masse considérable.

4 Dans tout ce qui précède, il a été traité des organes des animaux, afin d'expliquer dans quel but chacun de ces organes leur a été donné, et l'on a exposé ces détails pour chaque espèce d'animal en particulier. Après toutes ces descriptions, c'est une suite naturelle d'en venir à ce qui concerne la génération des animaux.

FIN DU TRAITE DES PARTIES DES ANIMAUX

 

§ 1. Une double organisation ...C'est ce caractère qui permet de joindre l'autruche aux animaux dont il vient d'être question dans le chapitre précédent. Comme le phoque, comme la chauve-souris, l'autruche semble tenir de deux natures, de l'oiseau et du quadrupède tout à la fois.

N'est pas quadrupède... n'est pas oiseau. La zoologie moderne range l'autruche parmi les échassiers brévipennes, quoiqu'elle présente de grandes différences avec les oiseaux de cette famille ; ils volent en général très bien, tandis qu'elle ne vole pas, comme Aristote le remarque; voir Cuvier, Règne animal, t.1, p. 395, édit. de 1829.

A des poils. Ceci est très exact. On sait que les plumes de l'autruche sont très particulières ; elles sont lâches et flexibles; leurs tiges sont minces; les barbes, quoique garnies de barbules, ne s'accrochent point ensemble comme celles des autres oiseaux ; Cu-vier, loc. cit.

§ 2. Des cils aux paupières supérieures. Cuvier remarque aussi que les paupières de l'autruche sont garnies de cils; mais il ne dit pas que ce soit exclusivement la paupière supérieure, ni que les cils soient dur» comme des crins.

Deux pinces comme un quadrupède. Ceci n'est pas tout à fait exact ; mais l'autruche n'a que deux doigts, dont l'externe, plus court de moitié que l'autre, manque d'ongle. Aristote se trompe quand il dit que ce sont des pinces et non pas des doigts. On connaît des autruches à trois doigts ; mais elles sont d'Amérique et d'Australie.

§ 3. Sa grosseur. Cuvier fait aussi la même observation, et il semble qu'il avait sous les yeux le texte d'Aristote, en décrivant les échassiers brévipennes comme il le fait. Selon lui, les forces musculaires dont lu nature dispose auraient été insuffisantes pour mouvoir les énormes ailes que la masse de ces oiseaux aurait exigées, s'ils avaient dû se soutenir dans l'air ; mais leurs extrémités postérieures ont repris en force ce que leurs ailes ont perdu. Les muscles des cuisses et des jambes ont une épaisseur énorme; l'autruche court si vite qu'aucun animal ne peut l'atteindre à la course. Aussi, dans la zoologie contemporaine, a-t-on pu faire des autruches un ordre à part sous le nom de coureurs; voir Buffon, l'Autruche, tome XIX, p. 319, éd. de 1829, et la Zoologie descriptive de M. Claus, page 1003, trad. franc.; voir aussi M. Pettigrew, la Locomotion chez les animaux, 1874, p. 65 et 71. Dans l'Histoire des Animaux, liv. IX, ch. xvi, § 1, page 185 de ma trad. Aristote parle du nombre considérable des œufs du moineau de Libye, l'autruche. Il ne rappelle pas ici ce détail, qui est très exact ; les œufs sont au nombre de 16 h 20 ; et c'est le mule qui les couve. La nomenclature actuelle a conservé en partie le mot grec qui répond à Moineau, et elle appelle l'autruche Struthio-camelus.

§ 4. Dans tout ce qui précède. Ce résumé,quoique un peu bref, est exact ; et c'est de la physiologie comparée, comme nous dirions, qu'Aristote a faite dans le Traité des Parties. Il a posé les fondements de la science, voilà plus de vingt-deux siècles; et si les observations récentes ont accumulé un nombre immense de faits nouveaux, elles n'ont rien ajouté, ni aux principes, ni à la méthode. Voir sur ces généralités la Préface au Traité des Parties et la Dissertation ; voir aussi la Préface à l'Histoire des Animaux.

La génération. Voir le traité spécial où Aristote a étudié ce sujet essentiel, avec une profondeur qui, depuis lui, n9a guère été surpassée ; sur bien des points, la science moderne n'a eu qu'à confirmer ses observations et ses théories.