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table des matières deS OPUSCULES

 

table des matières de l'œuvre d'Aristote

ARISTOTE

 

OPUSCULES

 

TRAITÉ DE LA LONGÉVITÉ ET DE LA BRIÈVETÉ DE LA VIE.

 

 

texte grec

 

pour avoir le texte grec d'un §, cliquer sur ce paragraphe.

 

 

PLAN DU TRAITÉ DE LA LONGÉVITÉ ET DE LA BRIÈVETÉ DE LA VIE.

Recherchons maintenant pourquoi parmi les êtres qui jouissent de la vie, les uns vivent longtemps et pourquoi les autres vivent beaucoup moins ; car il n'est pas du tout évident que ce soit une seule et unique cause qui produise ces différences, si nombreuses et si singulières. Une question fort voisine de celle-là, c'est de savoir ce que sont au juste la santé et la maladie, et jusqu'à quel point elles se confondent, l'une avec une vie longue, l'autre avec une vie courte. Nous pourrons revenir sur ce sujet, et traiter aussi de la vie et de la mort en général, autant du moins que le comporte la philosophie de la nature. Mais pour le moment nous bornerons nos recherches à ce qui concerne la longévité et la brièveté de la vie. Cette différence dans la durée de la vie sert à distinguer profondément des genres entiers d'êtres, comme elle distingue aussi les êtres divers dans une même espèce. Ainsi l'homme vit plus longtemps que le cheval ; et parmi les hommes, ceux qui habitent les climats chauds vivent en général plus longtemps que ceux qui habitent les climats froids.

Pour bien comprendre la cause de ces phénomènes, il faut savoir d'une manière générale ce que c'est, pour les corps formés par la nature, qu'être ou n'être pas facilement destructible. Les contraires se détruisent et s'engendrent mutuellement dans les corps naturels. Dans les choses qui ne sont pas faites par la nature, la qualité peut être détruite sans que l'être le soit : ainsi la destruction de l'ignorance, c'est le souvenir ou la science ; la destruction de la science, c'est l'oubli ou l'erreur; et les êtres dans lesquels sont toutes ces choses peuvent parfaitement exister pendant que ces choses périssent. Ce raisonnement pourrait s'étendre jusqu'à l'âme, si l'âme n'était dans le corps que comme la science est dans l'esprit; il faudrait en conclure qu'il y a pour elle une autre destruction que celle qu'elle souffre, quand le corps vient à être détruit. Mais il n'en est pas ainsi pour l'âme; et son union avec le corps est tout autre que celle de la science avec l'entendement.

On pourrait se demander si un corps, d'ailleurs destructible, peut être détruit là où il n'a pas de contraire, ou s'il ne devient pas par cela même indestructible, comme le feu dans les régions supérieures. Ceci est vrai en un sens, et ne l'est pas dans un autre. Tout ce qui est matériel a nécessairement un contraire ; car il est impossible que la matière entière n'ait qu'une seule qualité. De plus, le feu des régions supérieures forme toujours quelque résidu ; et le résidu, quel qu'il soit, résultat d'un changement, ne peut être qu'un contraire. Ainsi rien de ce qui est matériel n'est indestructible, parce que la matière n'est jamais sans contraire. Mais revenons à la question que nous nous proposions au début : les êtres les plus grands ne sont pas ceux qui vivent le plus, ce ne sont pas non plus les plus petits. L'homme vit plus que le cheval, qui est plus grand que lui; les insectes vivent à peine une année. D'une manière générale, c'est parmi les végétaux que se trouvent les êtres qui vivent le plus longtemps. Les animaux qui ont du sang vivent plus que ceux qui n'en ont pas; les animaux terrestres, plus que les aquatiques; les grands animaux, plus que les petits. Mais ce ne sont là que des observations toutes générales, qui ne sont pas toujours très exactes dans les cas particuliers. Pour se rendre compte de ces phénomènes, il faut supposer que l'animal est naturellement humide et chaud : il vit tant qu'il conserve ces conditions; mais il vieillit quand il se dessèche, et la mort n'est que le dernier degré de la sécheresse et du froid. Il faut donc que dans l'animal, pour qu'il vive longtemps, l'humide ne se dessèche pas; et que la chaleur ne se refroidisse pas : pour cela, il faut que l'humide soit en assez grande quantité et qu'il reste chaud.

Voilà comment les grands êtres vivent davantage; c'est qu'ils ont plus d'humidité et qu'ils la gardent mieux. Voilà aussi comment des êtres plus petits peuvent vivre plus que de plus grands; c'est qu'ils conservent l'humidité dans des conditions meilleures. Pour vivre longtemps, un être doit produire peu de résidu; car tout résidu détruit l'être d'où il sort. C'est là ce qui fait que les animaux lascifs, et qui perdent beaucoup de sperme, vieillissent de bonne heure ; le sperme est un résidu, et l'émission du sperme dessèche l'animal. La fatigue aussi fait vieillir; et les mâles, qui fatiguent, vieillissent plus vite que les femelles, bien qu'ils soient faits pour vivre davantage, parce qu'ils sont naturellement plus chauds. Les mêmes animaux vivent davantage dans les climats chauds, et y prennent des dimensions énormes. C'est l'humidité chaude qui est cause du développement et de la vie. Aussi dans les régions septentrionales, les animaux sont-ils plus petits et meurent-ils plus vite. Quand les plantes et les
animaux ne prennent pas de nourriture, ils meurent; et l'on peut dire qu'alors c'est l'animal lui-même qui se consume; la chaleur naturelle, qui est le principe de la digestion, absorbe la matière dans laquelle elle est. Si les animaux aquatiques vivent moins que les animaux terrestres, c'est qu'ils sont essentiellement humides, et que leur humidité est très aisément congelable. C'est là aussi ce qui fait que les animaux qui n'ont pas de sang sont si aisément destructibles, quand la grandeur de leurs dimensions ne vient pas les protéger.

C'est, comme nous l'avons dit, dans les végétaux que se trouvent les êtres qui vivent le plus longtemps. Ce qui fait que les arbres vivent pendant des siècles, c'est qu'ils se renouvellent sans cesse : un rameau se dessèche et meurt; un autre pousse à sa place; si l'un s'en va, l'autre repousse; parfois même, c'est un nouveau tronc qui sort des racines. Il n'y a rien de pareil dans les animaux. D'ailleurs, les végétaux sont, à certains égards, comme quelques insectes : on peut les couper, les diviser, et ils n'en vivent pas moins. Le végétal, dans toutes ses parties, renferme en puissance des racines et des tiges ; on peut bien le voir par les boutures. Un autre rapport entre les animaux et les plantes, c'est que les êtres qui, des deux parts, vivent davantage, sont ceux qui ont les parties supérieures les plus développées; or, dans les plantes, les parties supérieures ce sont les racines ; et voilà comment les arbres vivent si longtemps. Nous reparlerons, du reste, de tout cela dans le Traité des Plantes; mais ici il nous faut étudier encore la jeunesse et la vieillesse, la vie et la mort, pour achever nos recherches sur les animaux.

DE LA LONGÉVITÉ ET DE LA BRIÈVETÉ DE LA VIE

CHAPITRE PREMIER.

Questions qu'on peut se faire sur la longueur et la brièveté de la vie, soit dans les animaux, soit dans les plantes. -- Peut-on confondre la santé et la longueur de la vie, la maladie et la brièveté de la vie? — Différences entre les genres divers ; et dans les espèces, d'individu à individu. -- Influence générale des climats.

§ 1. [464b] Recherchons maintenant pourquoi certains animaux ont la vie longue, tandis que d'autres ont la vie courte; et étudions d'une manière générale ce qui fait la longueur ou la brièveté de l'existence.

§ 2. Le début nécessaire de cette recherche, c'est de poser les questions qu'elle soulève. Ainsi, ce n'est pas du tout chose évidente que ce soit une même cause ou une cause différente qui fasse pour tous les animaux et pour les plantes, que les uns vivent longtemps, tandis que les autres vivent peu. En effet, parmi les plantes il y en a qui n'ont qu'une existence annuelle, tandis que d'autres vivent beaucoup plus longtemps.

§ 3. Il faut savoir, en outre, si dans les corps organisés que forme la nature, on doit confondre vivre longtemps et être en bonne santé selon les lois naturelles, ou bien si ce sont choses distinctes; même question pour la brièveté de la vie et la maladie. N'y a-t-il pas certaines affections morbides, où les corps qui sont malades naturellement peuvent se confondre avec ceux qui n'ont qu'une courte existence, tandis que dans quelques autres rien n'empêche que les corps malades ne soient aussi de ceux qui sont doués d'une existence très longue?

§ 4. Nous avons parlé antérieurement du sommeil et de la veille ; nous parlerons plus tard de la vie et de la mort, ainsi que de la maladie et de la santé, autant du moins que le comporte la philosophie de la nature. Ici [465a] nos recherches se borneront à savoir, comme nous venons de le dire, pourquoi tels animaux ont une vie longue, et tels autres ont une vie courte.

§ 5. II y a des genres entiers d'êtres qui sont séparés entre eux par cette différence, les uns relativement aux autres. Et parmi ceux qui sont d'une seule et même espèce, certains individus présentent cette différence, les uns relativement aux autres. J'entends qu'il y a certaines différences de genre à genre, par exemple entre l'homme et le cheval ; et ainsi, le genre des hommes vit plus longtemps que celui des chevaux. Et je dis qu'il y a une différence dans l'espèce, quand elle se manifeste de tel homme par rapport à tel autre homme ; car les hommes, suivant qu'ils habitent tels ou tels lieux, vivent plus ou moins longtemps. Ainsi, les nations qui sont dans les climats chauds ont une vie plus longue ; celles des climats froids vivent moins longtemps. Et même, parmi les hommes qui habitent le même lieu, cette différence existe encore des uns aux autres.
 

§ 1. Recherchons maintenant. Rien n'indique comment ce petit traité se lie à celui qui le précède immédiatement : plus bas, § 4, on verra comment il se rattache aux ouvrages antérieurs et à ceux qui le suivent.

§ 2. Le début nécessaire de cette recherche. Et de toutes les autres auxquelles Aristote a pu se livrer : c'est là sa méthode générale.

Et pour les plantes. Il y a dans les oeuvres d'Aristote un Traité des Plantes ; mais il est apocryphe. C'est un disciple d'Aristote, Théophraste, qui a eu la gloire de fonder, sans doute sous les inspirations de son mettre, cette partie de la science de la nature.

-- Une existence annuelle. C'est là encore une distinction dont la science moderne tient le plus grand compte.

§ 3. Les commentateurs, et Léonicus entre autres, ont remarqué que dans ce paragraphe la pensée n'était pas présentée d'une manière très nette.

§ 4. Du sommeil et de la veille. Voir plus haut le petit traité de ce nom.

-- De la vie et de la mort. Voir plus loin le début du Traité de la Jeunesse et de la Vieillesse. Aristote semble y avoir compris le Traité de la Vie et de la Mort qu'il indique ici. Voir le Traité de la Respiration, ch. XXI, § 8.

-- De la maladie et de la santé. Voir la fin du Traité de la Respiration, ch. XXI, § ont donné ce titre à ces huit ou dix lignes.

-- La philosophie de la nature. C'est la traduction littérale. Dans la Morale à Nicomaque, à la fin, Aristote se propose d'achever la philosophie des choses humaines,  en traitant de la politique.

§ 5. De genre à genre. Ce serait plutôt d'espèce à espèce, comme le remarque Pierre d'Auvergne, à qui appartient le commentaire inséré dans les œuvres de saint Thomas; car l'homme et le cheval sont des espèces dans le genre animal.

Le genre des hommes. Même remarque.

-- Celles des climats froids vivent moins longtemps. Je ne sais si la science moderne ne pourrait pas contredire ces observations. On sait qu'Hippocrate a consacré en partie le Traité des Airs, des Eaux et des Lieux, aux questions que touche ici Aristote. Voir l'édition et la traduction générales d'Hippocrate, par M. Littré, t. II, avec les notes excellentes qu'il y a jointes.
 

CHAPITRE II.

Considérations générales sur les causes de la génération et de la destruction. -- Distinction des corps naturels et de ceux qui ne le sont pas. Causes spéciales de destruction pour certaines choses : destruction de l'âme.

§ 1. Il faut bien comprendre ce que c'est, dans les corps formés par la nature, que d'être facile à détruire et de n'être pas facile à détruire. Ainsi, l'eau et le feu et tous les corps analogues, précisément parce qu'ils ne possèdent pas les mêmes propriétés, sont causes de génération et de destruction les uns pour les autres; et par suite on conçoit sans peine que chacun des autres corps qui viennent de ceux-là et en sont composés, doivent participer à leur nature. Je n'entends pas, du reste, par composés, les choses qui ne sont composées que comme l'est une maison, par la réunion de plusieurs autres choses.

§ 2. Mais pour les choses qui ne sont pas naturelles, l'explication est tout autre. Ainsi, il y a pour bien des choses des causes spéciales de destruction : par exemple, pour la science, pour la maladie, pour la santé; car toutes ces choses se détruisent, sans que pour cela les êtres où elles se trouvent soient détruits; et c'est souvent au contraire quand ces êtres continuent à subsister. Par exemple, la destruction de l'ignorance, c'est le souvenir, c'est l'instruction ; la destruction de la science, c'est l'oubli et l'erreur.

§ 3. Ce n'est donc qu'indirectement que la destruction des choses qui ne sont point de nature, est une conséquence de la destruction des choses naturelles. Ainsi, quand les animaux périssent, la science, la santé, qui ne sont que dans ces animaux, périssent aussi avec eux.

§ 4. De ces faits, on pourrait étendre le raisonnement jusqu'à l'âme. Si, en effet, l'âme n'existe point naturellement, si l'âme n'est dans le corps que comme la science est dans l'âme elle-même, il faut en conclure qu'il y a encore pour elle une autre destruction que la destruction qu'elle souffre, quand le corps vient à être détruit. Mais comme il ne paraît pas qu'il en soit ainsi pour elle, il faut que son union avec le corps soit autre que celle de la science avec l'âme.

§ 1. Et les corps analogues. La terre, l'air et l'éther peut-être.

-- De génération, ou « de production.»

Comme l'est une maison, qui peut perdre plusieurs de ses pierres ou
de ses parties, sans cesser pour cela d'être une maison.

§ 2. Pour les choses qui ne sont pas naturelles. Le texte dit simplement : « Pour les autres. »

§  3. Qui ne sont point de nature. Remarque analogue.

-- De la destruction des choses naturelles. Le texte dit seulement : « La conséquence des choses naturelles. »

§ 4. Si.... l'âme n'existe point naturellement, par sa nature, par sa propre nature. C'est la théorie soutenue dans le Traité de l'Âme; la pensée, pour Aristote, n'est que la suite même des pensées. Voir le Traité de l'Âme, I, ch, 13, et la préface, p. XXXVII.

--- Comme il ne paraît pas qu'il en soit ainsi pour elle. Aristote semble repousser l'hypothèse qu'il vient de faire, et qui cependant est d'accord avec toutes ses théories.

Son union avec le corps. L'âme, selon Aristote, est la forme du corps, tandis qu'il ne fait pas de la science la forme de l'âme. Il faut interroger le Traité de l'Aine sur toutes ces graves questions.

 

CHAPITRE III.

Suite des considérations générales : le destructible, quand il n'a pas de contraire, devient-il indestructible? Oui, si la destruction n'est jamais causée que par des contraires; mais toutes les choses matérielles sont dans un perpétuel changement, parce qu'elles ont toujours des contraires.

§ 1. [465b] On pourrait bien avec raison se demander si un corps, d'ailleurs destructible, peut, là où il n'a pas de contraire, par exemple le feu dans les régions supérieures, devenir par cela seul indestructible.

§ 2. Les choses qui existent dans les contraires, ne sont détruites qu'accidentellement par la destruction de ces contraires ; car les contraires s'excluent mutuellement. Mais jamais les contraires qui sont dans les substances ne sont détruits par accident, attendu que la substance n'est jamais l'attribut d'aucun sujet. Par conséquent, ce qui n'a pas de contraire ne saurait être détruit; et là où il n'y a pas de contraire, il ne saurait y avoir de destruction. En effet, qui est-ce qui pourrait alors détruire, s'il n'y a de destruction possible que par les contraires, et qu'il n'y ait pas de contraires, soit d'une manière absolue, soit dans le lieu particulier dont il s'agit?

§ 3. Ou bien ne peut-on pas dire que ceci est vrai en un sens, et ne l'est pas dans un autre? car il est impossible que ce qui est matériel n'ait pas aussi un contraire, du moins en quelque façon. Ainsi, le chaud ou le droit peuvent bien être dans toutes les parties de la matière; et pourtant il est impossible que la matière tout entière soit chaude, ou droite, ou blanche; car alors les modifications des choses en seraient séparées. Si donc, du moment que ce qui agit et ce qui souffre l'action se trouvent ensemble, il faut toujours que l'un agisse et que l'autre souffre, il est impossible qu'il n'y ait pas de changements.

§ 4. De plus encore, s'il faut nécessairement que le feu des régions supérieures laisse un résidu, ce résidu est un contraire, parce que le changement ne vient jamais que du contraire; et le résidu n'est qu'un reste d'une chose antérieure.

§ 5. Mais si même tout contraire en acte était éliminé, cela seul suffirait-il pour que dans ce cas même le feu soit indestructible? ou bien ne le sera-t-il pas? et doit-il être détruit par le milieu qui l'entoure?

§ 6. Si cette explication est suffisante, il faut s'en tenir à ce que nous venons de dire; sinon, il faut admettre par hypothèse qu'il existe toujours quelque contraire en acte, et qu'il se forme toujours un résidu. Voilà comment une petite flamme est consumée accidentellement par une plus considérable, parce que la nourriture, c'est-à-dire la fumée, que celle-là n'absorbe qu'à la longue, la forte flamme l'absorbe en quelques moments. Voilà aussi pour quoi toutes les choses sont toujours en mouvement, soit pour naître soit pour se détruire. Le milieu qui les environne peut d'ailleurs seconder ou contrarier ce mouvement; et c'est ainsi que les choses, quand elles sont changées de lieu, sont tantôt plus durables et tantôt le sont moins que ne les fait leur nature propre. Les choses ne sont jamais éternelles, quand elles ont des contraires; car la matière n'est jamais un instant sans contraire ; ainsi, pour le lieu, elle se déplace ; pour la quantité, elle s'accroît ou diminue; pour les modifications, elle s'altère.






 

 

§ 1. On pourrait bien avec raison. Ces considérations sur la destruction des corps se rattachent à la question de la longévité, sans doute, mais elles en sont cependant un peu éloignées; et peut-être eût-il été convenable de les moins développer ici.

-- Par cela seul qu'il ne rencontre pas de contraires.

§ 2. Les choses qui existent dans les contraires, c'est-à-dire qui ne sont que les attributs des substances contraires, et qui ne sont pas elles-mêmes des substances.

-- Qu'accidentellement. Voir au chapitre précédent, § 4, les exemples que cite Aristote, et qui font bien comprendre ce qu'il veut dire Ici.

Qui sont dans les substances, c'est-à-dire qui sont substances eux-mêmes : les éléments.

Ne sont détruits par accident. Ils le sont en tant que substances : ils sont essentiellement détruits.

La substance n'est l'attribut d'aucun sujet. Voir les Catégories, ch. n, § 2, et ch. § 12.

§ 3. Ou bien ne peut-on pas dire. C'est la formule habituelle sous laquelle Aristote présente les objections qu'il fait à ses propres théorie.

--- Ainsi le chaud ou le droit. Pris pour exemples de tous les contraires en général : le chaud contraire du froid : le droit contraire du courbe.

--- Peuvent bien être dans toutes les parties de la matière, mais à la condition que leurs contraires y seront avec eux. C'est ce que dit Aristote indirectement par la phrase qui suit.

-- Car alors les modifications des choses en seraient séparées. Michel d'Éphèse et Léonicus remarquent avec raison que cette phrase est très obscure à cause de sa concision. Aristote vent dire que si toute la matière n'avait qu'une même qualité, si elle n'avait que chaleur, par exemple, comme il n'y aurait pas place pour les contraires, il faudrait admettre que les contraires sont séparés des choses mêmes; car l'expérience nous prouve tous les jours crue les choses ont des contraires : or, il est impossible que les contraires soient séparés des choses dont ils sont les contraires; donc ils existent dans ces choses.

Pas de changements, et, par suite, de contraires.

--- Il est probable qu'Aristote veut combattre ici quelques-unes des théories de Platon : la chaleur et les autres qualités ne peuvent subsister à part ; elles sont toujours dans une portion de matière sans laquelle elles ne pourraient exister. La pensée est sans doute très juste ; mais elle est rendue bien obscurément.

§ 4. Le feu des régions supérieures. Le texte ne donne pas de sujet à la phrase, et il reste tout à fait vague. J'ai cru devoir compléter la pensée ; et il me semble évident, d'après le contexte, qu'il s'agit du feu des régions supérieures, de l'éther, dont il a été question plus haut, § 1, et dont il sera question aussi, à ce qu'il semble, dans le paragraphe qui suit.

-- Laisse un résidu, parce qu'il s'entretient et se nourrit, et que toute alimentation produit toujours un résidu après elle. Voir dans le Traité de l'Âme les rapports de l'aliment au corps qu'il nourrit, II, iv, 9.

§ 5. Dans ce cas même. Les commentateurs ont en général compris que l'adverbe dont se sert ici Aristote signifiait : « Sur notre terre, ici -bas. » Le sens que j'ai adopté me semble préférable, parce qu'il se lie mieux à ce qui précède.

Le feu soit indestructible. Le texte n'a qu'un adjectif neutre ; il n'a pas de sujet spécial.

-- Une petite flamme. Ceci a fait croire à quelques commentateurs que, dans les deux paragraphes précédents, il s'agissait, non pas du feu des régions supérieures, mais du feu tel que nous le voyons sur notre terre. Voir Traité des Rêves, ch. III, §

 

CHAPITRE IV.

Diversités de la longueur de l'existence chez les animaux. Sans pouvoir établir de règle parfaitement précise, on peut dire qu'en général les plus grands sont aussi ceux qui vivent le plus.

§ 1. [466a] Les êtres les plus grands ne sont pas ceux qui sont le plus indestructibles. Le cheval, par exemple, vit moins que l'homme. Ce ne sont pas davantage les plus petits : car la plupart des insectes sont annuels. D'un autre côté, les plantes ne sont pas plus indestructibles que les animaux; car il y a des plantes qui sont annuelles aussi. Les animaux qui ont du sang ne le sont pas davantage, puisque l'abeille vit bien plus longtemps que certains d'entre eux. Ce ne sont pas non plus les animaux qui n'ont pas de sang; car les mollusques ne vivent qu'une année et n'ont pas de sang; ni les animaux terrestres, car il y a des plantes et des animaux terrestres qui ne vivent qu'une seule année également; ni les animaux marins, car dans la mer les animaux à coquilles et les mollusques ne vivent que très peu.

§ 2. D'une manière générale, c'est parmi les végétaux que se trouvent les êtres qui vivent le plus longtemps, comme le palmier. Ensuite, la vie est plus longue chez les animaux qui ont du sang que chez ceux qui n'en ont pas; parmi les animaux terrestres, que parmi les animaux aquatiques. Entre les animaux qui ont du sang et qui vivent sur terre, ceux qui s'accouplent ont une vie plus longue : tels sont l'homme et l'éléphant. On peut affirmer encore que les grands animaux vivent habituellement plus longtemps que les petits; car, outre d'autres avantages, la grandeur des dimensions se retrouve encore dans les animaux qui vivent beaucoup, comme ceux qu'on vient de nommer.
 

§ 1. Les êtres les plus grands. Les considérations qui terminaient le chapitre précédent se rapprochaient du sujet spécial de ce traité. Aristote y revient ici directement; et toutes les observations qu'il fait dans ce chapitre sont d'une exactitude remarquable.

Des plantes qui sont annuelle:. Plus haut, ch. I, § 2.

-- L'abeille. Qui n'a pas de sang. Voir le Traité de l'Âme, II, IX, 6, n., sur les animaux exsangues.

§ 2. D'une manière générale. Il faut bien remarquer qu'Aristote se défend ici de rien préciser.

Parmi les végétaux. Les découvertes de la science moderne ont mis ceci hors de doute : les couches successives dont se forment les arbres, et qui répondent chacune à une année, ont prouvé que certains arbres vivaient plusieurs milliers d'années.

-- Ensuite. Toujours d'une manière générale.

-- Outre d'autres avantages. C'est ainsi, je crois, qu'il faut entendre ce passage ; il est beaucoup moins clair à la manière dont les commentateurs l'ont en général compris. Selon eux, il s'agit « d'autres animaux. »

 

CHAPITRE V.

Explication générale de la longueur et de la brièveté de la vie. — Rôles de l'humide et du chaud dans l'organisation animale : les grands animaux sont en général les plus humides : constitution de l'homme. — Rôle de la graisse : le résidu. Importance du liquide spermatique : ses rapports avec la durée de la vie. — Influence des climats chauds ou froids ; influence de la nourriture. — Exemples de diverses espèces d'animaux.

§ 1. On pourrait trouver la cause de tous ces faits dans l'explication suivante : Il faut supposer que naturellement l'animal est humide et chaud, et que vivre, c'est rester dans ces conditions, tandis que la vieillesse est froide et sèche, comme l'est aussi la mort, qui présente bien en effet cette apparence. Les éléments corporels des ares étant le chaud,, le froid, le sec et l'humide, il y a nécessité, quand on vieillit, qu'on se dessèche. Aussi faut-il que l'humide ne puisse pas aisément se dessécher; et c'est là ce qui fait que les choses grasses ne se gâtent pas : la cause en est qu'elles sont d'air, et l'air agit comme agit le feu relativement à d'autres choses ; or, le feu ne se gâte pas. D'autre part, il ne faut pas non plus que l'humide soit en petite quantité, parce que tout ce qui est en petite quantité se sèche trop facilement.

§ 2. Voilà donc comment les grands animaux, les grandes plantes ont en général une vie plus longue, ainsi que je viens de le dire; car il est tout simple que les plus grands êtres aient aussi plus d'humidité. Mais ce n'est pas seulement pour ce motif qu'ils vivent plus longtemps; car il y a ici deux causes qui agissent, la quantité et la qualité; par conséquent, il ne faut pas seulement qu'il y ait une certaine quantité d'humidité; il faut aussi que cette humidité soit chaude, afin qu'elle ne puisse pas facilement ni se geler ni se sécher.

§ 3. Ceci explique comment l'homme vit plus longtemps que certains animaux qui sont d'ailleurs plus grands que lui. Les animaux qui ont une moins grande quantité [466b] d'humidité peuvent vivre cependant davantage, si, du côté de la qualité, ils regagnent proportionnellement plus qu'ils ne perdent en quantité.

§ 4. Il y a quelques animaux chez qui la graisse se joint à la chaleur, et fait qu'ils ne peuvent que très difficilement se dessécher et se refroidir; d'autres animaux ont un suc différent de la graisse.

§ 5. Il faut encore, pour qu'un être ne soit pas facilement destructible, qu'il ne produise pas non plus trop de résidu; car tout résidu détruit l'animal, soit par une maladie qu'il cause, soit par sa nature spéciale. La force propre du résidu, c'est d'être contraire et de détruire; et tantôt c'est toute la nature de l'animal qui est détruite, tantôt c'est l'une de ses parties.

§ 6. Voilà pourquoi les animaux lascifs et qui ont beaucoup de sperme, vieillissent de bonne heure : le sperme est un résidu, et l'émission du sperme dessèche l'animal. C'est là ce qui fait que le mulet vit plus longtemps que le cheval et l'âne dont il sort, et que les femelles vivent plus que les mâles, si les mâles font un usage fréquent du. coït. voilà encore comment les mâles, parmi les passereaux, vivent beaucoup moins que les femelles.

§ 7. Parmi les mâles, ceux qui fatiguent vieillissent beaucoup plus vite; car la fatigue dessèche, et la vieillesse est sèche aussi.

§ 8. Les mâles, par leur nature particulière, doivent généralement vivre plus longtemps que les femelles; et la cause en est que l'animal Inde est naturellement plus chaud que la femelle.

§ 9. Les mêmes animaux vivent plus longtemps dans les climats chauds que dans les climats froids, par la même cause que les grands animaux vivent plus que les petits ; et ce sont surtout les animaux froids par leur nature qui prennent alors des dimensions considérables. Ainsi les serpents, les lézards et les animaux à écailles, sent énormes dans les climats chauds; et les coquillages le sont également dans la mer Rouge.

§ 10. C'est en effet l'humidité chaude qui est la cause du développement et de la vie. Or, l'humidité qui est dans les animaux devient plus aqueuse dans les climats froids; par suite elle gèle plus aisément; et voilà pourquoi les animaux qui ont peu de sang, ou qui n'en ont pas, ne se rencontrent plus du tout dans les régions septentriomales, les terrestres sur terre, ni les aquatiques dans le mer; ou bien, s'ils y vivent encore, ils y sont beaucoup plus petits et meurent bien plus vite. C'est que le froid qui les glace empoche leur développement.

§ 11. Les animaux et les plantes meurent quand ils ne prennent pas de nourriture; c'est l'être lui-même qui alors se consume. De même, en effet, qu'une grande flamme en absorbe et en détruit une plus petite parce qu'elle consomme la nourriture de ce petit foyer, de même la chaleur naturelle qui est le principe de la digestion consume la matière dans laquelle elle est.

§ 12. Les animaux aquatiques vivent moins longtemps que les animaux terrestres, non pas seulement parce [467a] qu'ils sont essentiellement humides, mais aussi parce qu'ils sont aqueux; et l'humidité qui est aqueuse se détruit d'autant plus vite qu'elle est froide et se congèle aisément.

§ 13. Voilà encore pourquoi les animaux qui n'ont pas de sang sont si facilement destructibles, quand la grandeur de leurs dimensions ne vient pas les protéger; c'est qu'ils n'ont ni la graisse ni le principe doux; car dans l'animal, c'est la graisse qui est le principe doux. Et c'est là ce qui fait que les abeilles vivent plus longtemps que certains animaux plus grands qu'elles.

§ 1. Dans l'explication suivante. Je crois que la science moderne adopterait encore cette explication, du moins en partie.

La vieillesse est froide et sèche. Ceci est vrai et général.

-- Étant le chaud, le froid, etc. On sait que le distinction de ces quatre qualités naturelles s'est pas d'Aristote. Elle est déjà tout au long dans Hippocrate.

--- Qu'elles sont d'air. Peut-être cette théorie n'est-elle pas aussi fausse qu'elle le semble d'abord. IIl est certain, par exemple, que la graisse pèse moins que la chair dans lé corps humain ; et l'on peut supposer que sa légèreté relative vient de l'air même qu'elle contient.

§ 2. Ainsi que je viens de le dire. Voir la fin du chapitre précédent.

§ 3. Ceci explique. Cette explication est très ingénieuse; elle concilie les faits cités dans le précédent chapitre, et qui pourraient paraître contradictoires.

Du côté de la qualité, c'est-à-dire, en chaleur. Il ne paraît pas, du reste, qu'Aristote ait poussé très loin ses comparaisons sur les températures propres des diverses espèces des animaux. Mais on voit qu'il était sur la voie; et beaucoup de ses observations de physiologie comparée auraient pu le mener à celle-là.

§ 4. D'autres animaux ont un suc différent de la graisse. Le texte est un peu moins précis, et la tournure de la phrase a même quelque chose d'obscur.

§ 5. Trop de résidu. Ici la pensée d'Aristote est très générale : dans le paragraphe suivant il la rendra plus particulière ; et, dans un cas comme dans l'autre, elle est parfaitement vraie. Les sécrétions trop abondantes, de quelque genre qu'elles soient, fatiguent et épuisent l'être qui les subit..

--- Soit par une maladie qu'il cause. Je crois que la physiologie moderne admettrait parfaitement ces théories et ces distinctions.

C'est d'être contraire. Voir plus haut, ch. 3, § 4.

§ 6. Voilà pourquoi les animaux lascifs. Observation profonde et parfaitement exacte.

-- Qui ont beaucoup de sperme. Peut-être serait-il plus exact de dire : « Qui perdent beaucoup de sperme » ; car il n'est pas probable qu'Aristote veuille dire que les individus qui ont beaucoup de sperme, sans d'ailleurs l'émettre fréquemment, vieillissent plus vite que ceux qui seraient moins continents. Mais cette observation est peut-être vraie d'espèce à espèce ; car là où la nature a fait une sécrétion abondante de sperme, le colt est fréquent, et par conséquent la vie est courte. Il faut lire dans Hippocrate, Traité des Maladies, l'article de la Consomption dorsale, pour voir jusqu'à quel point sont exactes pour l'homme les généralités énoncées ici par Aristote. Il faut lire aussi l'excellent ouvrage dans lequel le docteur Lallemand a approfondi ce très vaste et très grave sujet : Des pertes séminales involontaires.

§ 7. Est sèche aussi. Voir plus haut, §1.

§ 8. Plus chaud. Je crois que la physiologie moderne reconnaît aussi ces faits, et qu'elle a constaté qu'en général la température propre des males est supérieure à celle des femelles.

§ 9. Les mêmes animaux. Il faut entendre ceci des espèces plutôt que des individus.

---  Par la même cause. Voir plus haut, § 2 : peut-être, d'ailleurs, ces faite ne sont-ils pas très exacts. Dans ce qui suit, Aristote justifie et explique cette théorie.

-- Sont énormes. Cette observation est parfaitement juste.

§ 10. L'humidité chaude. Voir plus haut, § 1.

-- Ou qui n'en ont pas. Les insectes, par exemple, sont beaucoup moins nombreux dans les climats froids; et ils finissent par disparaître tout à fait à mesure qu'on s'avance vers le pôles.

Ils y sont beaucoup plus petits. On sait que ceci est parfaitement vrai

§ 11. C'est l'être lui-même qui alors se consume. Métaphore aussi vraie qu'ingénieuse, et que la chimie de notre temps ne ferait que confirmer par ses observations sur la nutrition et l'entretien de la vie.

-- Une grande flamme. Voir plus haut, ch. III, § 6.

-- Qui est le principe de la digestion. Voir le Traité de l'Âme, II, XV, 16, et III, 3. I, 3.

§ 12. Humides.... aqueux. Aristote distingue, parce que l'humidité peut être chaude, tandis que l'humidité de l'eau est froide.

§ 13. Les animaux qui n'ont pas de sang. Voir le Traité de l'Âme, II, IX, 6, n., et plus haut, ch. XV, § 1.

--- Ni le principe doux. Le seul qui nourrisse, suivant Aristote. Voir le Traité de l'Âme, II, IV, 9, et plus haut, Traité de la sensation et des choses sensibles, ch. IV, § 11.

-- Les abeilles. Parce que le miel qu'elles secrètent est doux et qu'il les nourrit.

CHAPITRE VI.

De la longévité des végétaux : cause spéciale qui la produit : la plante se renouvelle sans cesse. --- Rapports des végétaux et des insectes : on peut les diviser les uns et les autres sans leur ôter la vie : les boutures. — Rapports de conformation entre les végétaux et les animaux.

§ 1. C'est dans les plantes que se rencontrent les êtres qui vivent le plus longtemps, bien plus même que dans les animaux.

§ 2. D'abord les plantes sont moins aqueuses, et par suite elles sont moins congelables; de plus, elles sont grasses et visqueuses; et bien qu'elles soient sèches et terreuses, elles n'ont pas pourtant une humidité qui se dessèche aisément.

§ 3. Quant à la longévité naturelle des arbres, en voici la cause, et cette cause leur est spéciale, si on les compare à tous les animaux excepté les insectes : c'est que les végétaux rajeunissent toujours ; et voilà pourquoi ils vivent si longtemps. Leurs rejetons sont constamment différents ; les anciens rejetons vieillissent, il est vrai, ainsi que les racines, mais ce n'est pas en même temps; et parfois c'est le tronc seul et les rameaux qui meurent, tandis que d'autres branches repoussent. Une fois que le végétal en est à ce point, d'autres racines naissent de ce qui reste ; et le végétal dure et subsiste toujours. Si donc une partie se meurt, une autre partie se développe ; et voilà comment les plantes vivent si longtemps.

§ 4. Les végétaux, d'ailleurs, ressemblent aux insectes, ainsi qu'on vient de le dire ; ils vivent après qu'on les a divisés, et d'un seul il peut en sortir deux ou même plusieurs. Les insectes, quand on les coupe, arrivent bien aussi jusqu'à vivre, mais ce n'est pas pour longtemps; car en cet état ils n'ont plus d'organes; et le principe inhérent à chaque partie ne saurait en produire. Au contraire, le principe qui est dans le végétal est fécond, parce que dans toutes ses parties le végétal renferme en puissance des racines et des tiges.

§ 5. Voilà comment il sort toujours de la plante une partie qui est nouvelle, tandis qu'une autre partie vieillit; et pour ces parties leur longévité est à bien peu près ce qu'elle est pour les boutures.

§ 6. En effet, on pourrait dire que dans la bouture les choses se passent de la même façon, puisque la bouture est bien en quelque sorte une partie de la plante. Toutefois, dans la bouture, les individus sont séparés; tandis que dans le végétal il y a continuité. La cause en est que dans toutes les parties de la plante se retrouve de principe qui y est en puissance.

§ 7. Il y a encore un autre point de ressemblance entre les animaux et les plantes; le voici : Dans les animaux, les mâles vivent ordinairement davantage, et leurs parties supérieures sont plus fortes que leurs parties inférieures; car, dans ses formes, le mâle se rapproche du mâle plus que la femelle. En haut est la chaleur, et le refroidissement est en bas. De même dans les plantes, celles qui ont une tète considérable vivent [467b] plus longtemps. Les plantes ainsi organisées ne sont pas celles qui sont annuelles, mais ce sont les arbres; car la partie supérieure de la plante et sa tête, c'est la racine; et les plantes annuelles prennent leur accroissement et donnent leurs fruits à la partie inférieure.

§ 8. Nous reparlerons du reste de tout cela, et spécialement, dans le Traité des Plantes; mais ici nous n'avons dû indiquer que pour les autres êtres la cause de la longévité et de la brièveté de la vie.

§ 9. Il nous, reste encore à étudier la jeunesse et la vieillesse, la vie et la mort; et quand ces sujets seront traités, nous aurons fini toutes nos recherches sur les animaux.



 

 

§ 1. C'est dans les plantes. Voir plus haut, ch. IV, § 2, et ch. V, § 2.

Bien plus même que dans les animaux. Du moins tels que nous les connaissons aujourd'hui ; et Aristote ne pouvait parler que de ceux-là. Quant aux animaux antédiluviens, je crois que la physiologie des fossiles est trop peu avancée pour qu'on puisse rien dire de leur longévité. D'après les principes posés par Aristote sur les rapports généraux des dimensions corporelles à la longueur de la vie, il est probable que ces grands animaux dont on retrouve les débris fossiles devaient vivre très longtemps. Il est remarquable que Buffon, en comparant les végétaux et les animaux, et en empruntant plusieurs traits d'Aristote, n'ait pas touché cette question de la longévité dans ces deux ordres d'êtres. Voir Buffon, t. X, p. 262, édit. de 1831 .

§ 2. Les plantes sont moins aqueuses. Je crois que la chimie moderne pourrait contester cette assertion peu conforme aux faits.

§ 3. Quant à la longévité naturelle des arbres. On peut rapprocher ceci
de ce que dit Buffon, t. X, p. 8 et suiv., édit. de 1831.

Excepté les insectes. Aristote ne veut pas dire que les insectes se rajeunissent comme les arbres; mais seulement il veut indiquer que les plantes ont avec les insectes des rapports qu'elles n'ont pas avec les autres animaux ; voir le paragraphe suivant.

Leurs rejetons sont constamment différentes. Buffon, id., ibid., n'a pas hésité à dire que chaque année le bouton qui se forme est « un petit arbre qui s'ajoute aux autres. »

§ 4. Ainsi qu'on vient de le dire, au paragraphe précédent.

--- Ils vivent après qu'on les a divisés. Voir le Traité de l'Âme,I, V, 25; II, II, 8, et spécialement I, IV, 18.

-- Dans toutes ses parties. Voir Buffon, t. X, p. 8, et suiv., édit. de 1831.

§ 5. Pour les boutures. La remarque pourrait s'appliquer aussi à la greffe.

§ 6. En quelque sorte. Parce qu'elle n'avait pas une partie, dans le sens
où Aristote l'entendait tout à l'heure. Buffon dit à peu près la même chose, t. X, p. 283, édit. de 1831. § 7.

--  Les mâles. Voir la même observation plus haut, ch. v, § 8.

Se rapproche du nain. Voir le Traité du Sommeil, ch. III, § 10.

--- Celles qui ont une tête considérable. Mot à mot : « Une tête pesante. » la tête, dans les plantes c'est la racine, comme Aristote l'explique.

--- Sa tête, c'est la racine. Voir le Traité de l'Âme, II, I, 6, et II, IV, 7, où Aristote établit que les racines, dans la plante, font les fonctions de la bouche et de la tète dans les animaux. Voir aussi le Traité de la Jeunesse et de la Vieillesse, ch. 1, § 6.

--- Ce sont les arbres dont les racines sont considérables et qui vivent très longtemps.

—  A la partie inférieure. D'après les théories exposées ici, ce serait la partie la plus éloignée de la terre, celle qu'on appellerait la plus haute. Voir le Traité de la Jeunesse et de la Vieillesse, ch. I, § 2. Il faut remarquer que le palmier, qui, suivant Aristote lui- même, vit très longtemps ( voir plus haut, ch. iv, § 2), a cependant ses fruits en haut, tout comme les céréales et les plantes annuelles.

§ 8. Dans le Traité des Plantes. On sait que le traité qui, sous ce nom, est compris dans les oeuvres d'Aristote, n'est pas de lui. Voir plus haut, ch. I, § 2.

§ 9. La jeunesse et la vieillesse, la vie et la mort. C'est ce qu'Aristote fera dans le petit traité qui suit celui-ci.

Nous aurons fini toutes nos recherches sur les animaux. Ceci ne veut pas dire tout à fait que ces divers traités doivent être nécessairement placés à la suite des ouvrages d'histoire naturelle; voir plus haut le début du Traité sur le Principe général du Mouvement dans les Animaux.

FIN DU TRAITÉ DE LA LONGÉVITÉ ET DE LA BRIÈVETÉ DE LA VIE.
 


 

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