Aristote : Morale à Eudème

ARISTOTE

 

MORALE A EUDEME

LIVRE I : DU BONHEUR.

CHAPITRE II

chapitre I - chapitre III

 

 

 

Morale à Eudème

 

 

 

 MORALE A EUDÈME

LIVRE I.

DU BONHEUR.

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CHAPITRE II.

Des moyens de se procurer le bonheur. Il faut se proposer un but spécial dans la vie, et ordonner toutes ses actions sur ce plan.- Il ne faut pas confondre le bonheur avec ses conditions indispensables.

1 Περὶ δὴ τούτων ἐπιστήσαντας, ἅπαντα τὸν δυνάμενον ζῆν κατὰ τὴν αὑτοῦ προαίρεσιν θέσθαι τινὰ σκοπὸν τοῦ καλῶς ζῆν, ἤτοι τιμὴν ἢ δόξαν ἢ πλοῦτον ἢ παιδείαν, πρὸς ὃν ἀποβλέπων ποιήσεται πάσας τὰς πράξεις (τό γε [10] μὴ συντετάχθαι τὸν βίον πρός τι τέλος ἀφροσύνης πολλῆς σημεῖον ἐστίν), 2 μάλιστα δὴ δεῖ πρῶτον ἐν αὑτῷ διορίσασθαι μήτε προπετῶς μήτε ῥαθύμως, ἐν τίνι τῶν ἡμετέρων τὸ ζῆν εὖ, καὶ τίνων ἄνευ τοῖς ἀνθρώποις οὐκ ἐνδέχεται τοῦθ᾽ ὑπάρχειν. Οὐ γὰρ ταὐτόν, ὧν τ᾽ ἄνευ [15] οὐχ οἷόν τε ὑγιαίνειν, καὶ τὸ ὑγιαίνειν· 3 ὁμοίως δ᾽ ἔχει τοῦτο καὶ ἐφ᾽ ἑτέρων πολλῶν, ὥστ᾽ οὐδὲ τὸ ζῆν καλῶς καὶ ὧν ἄνευ οὐ δυνατὸν ζῆν καλῶς 4 (ἔστι δὲ τῶν τοιούτων τὰ μὲν οὐκ ἴδια τῆς ὑγιείας οὐδὲ τῆς ζωῆς ἀλλὰ κοινὰ πάντων ὡς εἰπεῖν, καὶ τῶν ἕξεων καὶ τῶν πράξεων, οἷον ἄνευ τοῦ [20] ἀναπνεῖν ἢ ἐγρηγορέναι ἢ κινήσεως μετέχειν οὐθὲν ἂν ὑπάρξειεν [21] ἡμῖν οὔτ᾽ ἀγαθὸν οὔτε κακόν, τὰ δ᾽ ἴδια μᾶλλον περὶ ἑκάστην φύσιν· ἃ δεῖ μὴ λανθάνειν· οὐ γὰρ ὁμοίως οἰκεῖον πρὸς εὐεξίαν τοῖς εἰρημένοις κρεωφαγία καὶ τῶν περιπάτων οἱ μετὰ δεῖπνον).

5 Ἔστι γὰρ ταῦτ᾽ αἴτια τῆς [25] ἀμφισβητήσεως περὶ τοῦ εὐδαιμονεῖν, τί ἐστι καὶ γίνεται διὰ τίνων· ὧν ἄνευ γὰρ οὐχ οἷόν τε εὐδαιμονεῖν, ἔνιοι μέρη τῆς εὐδαιμονίας εἶναι νομίζουσι.

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1.C'est en s'arrêtant à l'un de ces points de vue que tout homme qui peut vivre selon sa libre volonté, doit se proposer, pour bien conduire sa vie, un but spécial, l'honneur, la gloire, la richesse ou la science ; et les regards fixés sans cesse sur le but qu'il a choisi, il y doit rapporter toutes les actions qu'il fait ; car [10] c'est la marque d'une grande déraison que de n'avoir point ordonné son existence sur un plan régulier et constant. 2 Aussi, un point capital, c'est de bien se rendre compte à soi-même, sans précipitation ni négligence, dans lequel de ces biens humains on fait consister le bonheur, et quelles sont les conditions qui nous paraissent absolument indispensables pour que le bonheur soit possible. Il importe de ne pas confondre, par exemple, et la santé et les choses [15] sans lesquelles la santé ne pourrait être. 3 De même ici, comme dans une foule d'autres cas, il ne faut pas confondre le bonheur avec les choses sans lesquelles on ne saurait être heureux. 4 Il y a de ces conditions qui ne sont point spéciales à la santé non plus qu'à la vie heureuse, mais qui sont en quelque sorte communes à toutes les manières d'être, à tous les actes sans exception. Il est par trop clair que sans les fonctions organiques [20] de respirer, de veiller, de nous mouvoir, nous ne saurions sentir ni bien ni mal. A côté de ces conditions générales, il y en a qui sont spéciales à chaque nature d'objets et qu'il importe de ne pas méconnaître. Et pour revenir à la santé, les fonctions que je viens de citer sont bien autrement essentielles que la condition de manger de la viande ou de se promener après dîner.

5 C'est tout cela qui fait qu'on [25] agite tant de questions sur le bonheur, et qu'on se demande ce qu'il est, et comment on peut se l'assurer ; car il y a des gens qui prennent pour ces parties constitutives du bonheur les choses sans lesquelles le bonheur serait impossible

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Ch. II. Morale à Nicomaque, livre I, ch. 1 ; Grande Morale, livre I, ch. 1 et 2.

§ 1. Les regards fixés sans cesse. Voir la Morale à Nicomaque, livre I, ch. 1, § 7.

C'est la marque d'une grande déraison. Ces conseils sont excellents; mais ils sont mis bien rarement en pratique.

§ 2. De ne pas confondre... la santé. Exemple singulier, et qui n'est pas suffisamment expliqué. L'auteur veut dire sans doute que ce serait une erreur de confondre ce qui mène au bonheur avec le bonheur lui-même, comme de confondre la santé avec les moyens qui nous la donnent. Ce qui suit éclaircit un peu plus la pensée.

§ 4. Ou de se promener après dîner. Il paraît que la promenade après dîner était une habitude personnelle d'Aristote.

§ 5. Les choses sans lesquelles... Par exemple, les biens extérieurs sans lesquels le bonheur ne serait que très imparfait. Voir la Morale à Nicomaque, livre 1, ch,. 6, § 14.

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