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Ce discours a été expliqué littéralement, traduite en français et annoté par M. Lesage, professeur au lycée Charlemagne.

Imprimerie de Ch. Lahure (ancienne maison Crapelet) 
rue de Vaugirard, 9, près de l'Odéon.

LES 
AUTEURS LATINS

EXPLIQUÉS D’APRÈS UNE MÉTHODE NOUVELLE

PAR DEUX TRADUCTIONS FRANÇAISES

L’UNE LITTÉRALE ET JUXTALINÉAIRE PRÉSENTANT LE MOT À MOT FRANÇAIS 
EN REGARD DES MOTS LATINS CORRESPONDANTS 
L’AUTRE CORRECTE ET PRÉCÉDÉE DU TEXTE LATIN

avec des sommaires et des notes

PAR UNE SOCIÉTÉ DE PROFESSEURS

ET DE LATINISTES

CICÉRON

DISCOURS POUR LA LOI MANILIA


PARIS

LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET Cie

RUE PIERRE-SARRAZIN, N° 14

(Près de l'École de Médecine)

1854

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AVIS

RELATIF A LA TRADUCTION JUXTALINEAIRE

On a réuni par des traits, dans la traduction juxtalinéaire, les mots français qui traduisent un seul mot latin.
On a imprimé en italiques les mots qu'il était nécessaire d'ajouter pour rendre intelligible la phrase française, et qui n'avaient pas leur équivalent dans le latin.
Enfin, les mots placés entre parenthèses, dans le français, doivent être considérés comme une seconde explication, plus intelligible que la version littérale.

ARGUMENT ANALYTIQUE.

Lucullus, chargé depuis huit ans de la guerre contre Mithridate, l'avait vaincu dans plusieurs batailles et poursuivi jusque dans le royaume de Tigrane. Mais ses soldats avaient refusé de le suivre plus avant, et demandaient à grands cris qu'on les ramenât dans leur patrie. Déjà la révolte était près d'éclater, lorsque le sénat révoqua les pouvoirs de Lucullus, et lui donna pour successeur M. Acilius Glabrion, homme de peu de mérite, et qui n'inspirait aucune confiance. Cependant Mithridate et Tigrane poussaient la guerre avec une nouvelle vigueur, et venaient de faire essuyer une sanglante défaite à Triarius, lieutenant de Lucullus. Pompée se trouvait en Asie, où il avait été amené par la suite de ses exploits contre les pirates. Le tribun Manilius proposa une loi qui lui remît le commandement de la guerre contre Mithridate et le gouvernement des provinces d'Asie. Le sénat fut alarmé de cette proposition, qui tendait à investir Pompée d'un pouvoir immense, et la loi, portée devant l'assemblée du peuple, y fut vivement combattue par Catulus et Hortensius. Cicéron prononça en faveur de la proposition du tribun cette harangue, où il prouve que Pompée est le seul général capable de terminer promptement et heureusement cette guerre importante.
Cicéron avait quarante et un ans lorsqu'il soutint la loi Manilia, l'an 687 de Rome.

I. Abordant pour la première fois la tribune politique, Cicéron veut reconnaître, autant qu'il sera en son pouvoir, les suffrages dont le peuple l'a honoré dans ses comices.
II. Après avoir fait ressortir la nature et l'importance de la guerre actuelle, Cicéron s'occupera du choix d'un général.
III. Depuis le massacre de citoyens romains dont il a donné le signal, Mithridate, malgré les triomphes de Sylla et de Muréna, est encore impuni.
IV. Il a profité du loisir qui lui était donné pour préparer une nouvelle guerre et s'entendre avec les ennemis de Rome en Espagne ; mais ce double danger a été dissipé par la valeur de Pompée et de Lucullus.
V. Les Romains seront-ils moins fiers en face de pareils attentats que leurs ancêtres ne l'étaient pour de légères offenses? Les alliés, dont le péril est extrême, n'osent élever la voix parce qu'ils craignent de déplaire à Rome ; mais un seul homme leur semble capable d'assurer leur salut.
VI. L'appréhension seule de la guerre compromet les revenus de la province la plus opulente de l'empire.
VII. Elle expose la fortune des chevaliers qui ont affermé les impôts et des citoyens qui font le commerce avec l'Asie ; et par suite elle ébranle le crédit public dans Rome même.
VIII. L'orateur rappelle les brillants avantages obtenus par Lucullus contre Mithridate.
IX. Malgré ces premiers succès, la guerre n'en reste pas moins très-difficile ; car Mithridate, obligé de fuir de ses États, y est rentré avec le secours de l'Arménie ; il a battu l'armée romaine, et il se prépare à une nouvelle lutte plus terrible que les précédentes.
X. Pompée est de tous les généraux romains celui qui réunit au plus haut degré les qualités nécessaires pour venir à bout d'une guerre de cette importance.
XI. L'orateur énumère les exploits de Pompée en Italie, en Espagne, en Gaule, et décrit la terreur que répandaient les pirates sur toutes les mers, dans toutes les îles, dans toutes les contrées maritimes.
XII. Les côtes de l'Italie, les flottes romaines elles-mêmes n'étaient pas à l'abri de leurs attaques. Pompée extermine ou soumet les pirates avec une incroyable rapidité.
XIII. Intégrité de Pompée ; excellente discipline établie par lui dans son armée.
XIV. La rapidité de Pompée vient de ce qu'aucune passion ne le détourne et ne l'arrête. Son affabilité, son éloquence, sa bonne foi, son humanité.
XV. Le nom de Pompée jouit de cette réputation qui est d'un si grand poids dans les guerres.
XVI. Un bonheur constant semble attaché par la divinité à toutes ses entreprises.
XVII. L'orateur Hortensius s'oppose à l'adoption de la loi présentée par Manilius ; il ne veut pas que l'on confie tout à un seul homme. Mais Hortensius a déjà eu le tort de parler contre la loi Gabinia, qui remettait à Pompée seul le commandement de la guerre contre les pirates.
XVIII. Les insultes des pirates étaient une honte pour Rome, qui se trouvait impuissante à les réprimer.
XIX. Le peuple, mieux inspiré qu'Hortensius, a adopté la proposition de Gabinius. Aujourd'hui, on refuse de donner Gabinius pour lieutenant à Pompée, qui le réclame : Cicéron espère qu'on reviendra sur ce refus ; il fera d'ailleurs au besoin une proposition formelle à ce sujet.
XX. Catulus s'oppose à la loi Manilia, parce que les lois et les coutumes des ancêtres ne permettent pas de confier à la fois plusieurs commandements à un citoyen.
XXI. Déjà dans bien des circonstances on a dérogé aux lois et aux coutumes en faveur de Pompée et pour le bien de l'État ; Catulus a tout approuvé.
XXII. Que toutes les oppositions cèdent devant les voeux du peuple romain. Il ne faut pas seulement que le général qu'on enverra en Asie soit habile et brave, mais aussi qu'il soit intègre, qu'il traite les alliés avec honneur et avec justice.
XXIII. L'homme qui réunit tous ces mérites, c'est Pompée ; ses vertus civiles, aussi bien que ses talents militaires, le désignant pour commander en Asie.
XXIV. Cicéron exhorte vivement Manilius à persister dans sa proposition; pour lui, il proteste que l'intérêt seul de la république l'a engagé à appuyer la loi qui est soumise aux suffrages du peuple.

4- 5

                 DISCOURS                                                                ORATIO

       POUR LA LOI MANILIA.                                      PRO LEGE MANILIA.
 

I. Quanquam mihi semper frequens conspectus vester multo jucundissimus, hic autem locus ad agendum amplissimus, ad dicendum ornatissimus est visus, Quirites, tamen hoc aditu laudis, qui semper optimo cuique maxime patuit, non mea me voluntas, sed meae vitae rationes ab ineunte aetate susceptae prohibuerunt : nam, quum antea per aetatem nondum hujus auctoritatem loci attingere auderem, statueremque nihil huc nisi perfectum ingenio, elaboratum industria, afferri oportere, omne meum tempus amicorum temporibus transmittendum putavi. Ita neque hic locus vacuus unquam fuit ab iis qui vestram causam defenderent ; et meus labor, in privatorum periculis caste integreque versatus, ex vestro judicio fructum I. Quanquam, Quirites
vester conspectus frequens 
semper visus est mihi 
multo jucundissimus 
et hic locus 
amplissimus ad agendum, 
ornatissimus ad dicendum, 
tamen non mea voluntas, 
sed rationes meae vitae 
susceptae ab aetate ineunte 
prohibuerunt me 
hoc aditu laudis, 
qui patuit semper 
maxime cuique optimo: 
nam, quum antea
nondum auderem attingere 
auctoritatem hujus loci, 
statueremque 
oportere 
nihil atterri huc 
nisi perfectum ingenio, 
elaboratum industria, 
putavi omne meum tempus
transmittendum 
temporibus amicorum. 
Ita neque hic locus 
unquam fuit vacuus 
ab iis qui defenderent 
vestram causam, 
et meus labor 
versatus caste integreque 
in periculis privatorum 
consecutus est 
ex vestro judicio
I. Quoique, Romains,
votre aspect nombreux
toujours ait paru à moi
de beaucoup le plus agréable,
et que ce lieu m'ait toujours paru
le plus vaste pour discuter,
et le plus brillant pour parler,
cependant non ma volonté,
mais le plan de ma vie
entrepris dès l'âge commençant (dés ma jeunesse)
a écarté moi 
de cet abord (de cette carrière) de gloire,
qui fut ouvert toujours
surtout à chaque homme le plus vertueux :
car, tandis qu'auparavant
je n'osais pas encore atteindre
à la gravité de ce lieu,
et que j'arrêtais (pensais)
falloir (qu'il fallait)
rien n'être apporté ici
sinon perfectionné par le génie
et mûri par le travail,
j'ai pensé tout mon temps
devoir être transporté (appliqué)
aux circonstances (besoins) de mes amis.
De-cette-manière ni ce lieu
jamais n'a été vide
de ceux (d'hommes) qui défendissent
votre cause,
et mon travail
exercé avec-justice et avec-droiture
dans les dangers de particuliers
a obtenu
par votre jugement (suffrage)
I. La vue de vos nombreuses assemblées, Romains, m'a toujours été bien agréable ; cette tribune m'a toujours semblé le théâtre le plus vaste et le plus beau d'où l'on puisse parler au peuple : et pourtant je me suis toujours tenu éloigné de cette carrière glorieuse, ouverte de tout temps et avant tout au mérite. Ne voyez pas là un effet de ma volonté, mais du plan de conduite que je me suis tracé dès ma jeunesse. Jusqu'ici, c'était mon âge qui m'empêchait de m'élever jusqu'à la majesté de ce lieu ; j'étais persuadé qu'il n'y fallait paraître qu'avec un génie consommé et mûri par l'étude ; j'ai donc pensé devoir consacrer tout mon temps à secourir mes amis. Aussi, voyant cette tribune toujours occupée par des hommes qui veillaient à vos intérêts, je me suis voué à prêter à de simples citoyens en péril un secours empressé et désintéressé, et vos suffrages ont ac-
 

6 - 7

est amplissimum consecutus : nam, quum propter dilationem comitiorum ter praetor primus centuriis cunctis renuntiatus sum, facile intellexi, Quirites, et quid de me judicaretis, et quid aliis praescriberetis. Nunc quum et auctoritatis in me tantum sit, quantum vos honoribus mandandis esse voluistis, et ad agendum facultatis tantum, quantum homini vigilanti ex forensi usu prope quotidiana dicendi exercitatio potuit afferre: certe et, si quid auctoritatis in me est, ea apud eos utar qui eam mihi dederunt ; et, si quid etiam dicendo consequi possum, iis ostendam potissimum qui ei quoque rei fructum suo judicio tribuendum esse censuerunt. Atque illud imprimis mihi laetandum jure esse video, quod, in hac insolita mihi ex hoc loco ratione dicendi, causa talis oblata est, in qua oratio deesse nemini posset. Dicendum est enim de Cn. Pompeii fructum amplissimum  :
nam, quum 
propter dilationem 
comitiorum, 
renuntiatus sum ter 
primus praetor 
cunctis centuriis, 
intellexi facile, Quirites, 
et quid judicaretis de me, 
et quid praescriberetis 
aliis. 
Nunc quum 
et tantum auctoritatis 
sit in me 
quantum vos voluistis esse
mandandis honoribus,
et tantum facultatis 
ad agendum 
quantum exercitatio 
dicendi 
prope quotidiana 
potuit afferre 
homini vigilanti 
ex usu forensi, 
certe, 
et si quid auctoritatis 
est in me, 
utar ea apud eos 
qui dederunt eam mihi; 
et, si possum etiam 
consequi quid dicendo,
ostendam potissimum 
iis qui censuerunt 
fructum tribuendum esse 
ei rei quoque 
suo judicio. 
Atque video 
illud imprimis 
laetandum esse mihi 
jure, quod, 
in hac ratione dicendi 
insolita mihi 
ex hoc loco, 
talis causa oblata est 
in qua oratio 
posset deesse nemini.
Dicendum est enim
le fruit le plus beau 
car, lorsque 
à-cause-de la prorogation 
des comices, 
j'ai été proclamé trois fois 
premier préteur 
par toutes les centuries, 
j'ai compris facilement, Romains, 
et ce que vous jugiez de moi, 
et ce que vous prescriviez 
aux autres. 
Maintenant que 
et autant d'autorité
est en moi 
que vous avez voulu en être (qu'il y en en eût)
en me confiant les honneurs, 
et autant de facilité 
pour parler-en-public 
que l'exercice 
de parler (de la parole) 
presque quotidien 
a pu en apporter (donner) 
à un homme vigilant 
par-suite-de l'habitude du-forum, 
certes, 
et si quelque chose de (quelque) autorité 
est en moi, 
j'userai d'elle auprès de ceux 
qui ont donné elle à moi ; 
et, si je puis même 
obtenir quelque chose en parlant, 
je le montrerai surtout 
à ceux qui ont pensé 
une récompense devoir être accordée 
à cette chose (à ce talent) aussi 
par leur jugement (suffrage). 
Et je vois 
ceci surtout 
devoir être accueilli-avec-joie par moi 
avec droit (à bon droit), que, 
dans cette manière de parler 
inaccoutumée pour moi 
de ce lieu, 
une telle cause m'est offerte 
dans laquelle la parole 
ne pourrait manquer à personne. 
En effet il me faut parler
cordé à mes travaux la plus glorieuse récompense. En effet, à cause de la prorogation des comices, élu trois fois premier préteur par toutes les centuries, j'ai compris, Romains, et ce que vous pensiez de moi, et ce que vous exigiez des autres. Aujourd'hui, avec l'autorité que vous avez bien voulu me donner en me conférant ces honneurs, avec une habitude de la parole telle qu'a pu l'acquérir un homme actif par l'usage presque journalier des luttes du barreau, je vais user de cette autorité auprès de ceux à qui je la dois, et, si ma faible éloquence a quelque pouvoir, je tâcherai d'en faire sentir les effets à ceux qui ont cru devoir récompenser mes travaux par leurs suffrages. Or, s'il est une chose dont je croie devoir particulièrement me féliciter, c'est d'avoir à traiter, pour mon début à cette tribune, un sujet sur lequel on ne saurait tarir. C'est, en effet, du mérite éclatant et incomparable de Cn. Pompée que je vais avoir à parler ; en

 

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singulari eximiaque virtute : hujus autem orationis difficilius est exitum quam principium invenire ; ita mihi non tam copia quam modus in dicendo quaerendus est. 
II. Atque ut inde oratio mea proficiscatur, unde haec omnis causa ducitur, bellum grave et periculosum vestris vectigalibus atque sociis a duobus potentissimis regibus infertur, Mithridate et Tigrane : quorum alter relictus, alter lacessitus, occasionem sibi ad occupandam Asiam oblatam esse arbitratur. Equitibus Romanis, honestissimis viris, afferuntur ex Asia quotidie litterae, quorum magnae res aguntur, in vestris vectigalibus exercendis occupatae ; qui ad me, pro necessitudine quae mihi est cum illo ordine, causam reipublicae periculaque rerum suarum detulerunt : Bithyniae, quae nunc vestra provincia est,
de virtute singulari 
eximiaque 
Cnaei Pompeii: 
est autem difficilius 
invenire exitum 
quam principium 
hujus orationis; 
ita non tam copia 
quam modus 
quaerendus est mihi 
in dicendo.
II. Atque ut mea oratio
proficiscatur inde, 
unde omnis haec causa 
ducitur, 
bellum grave 
et periculosum 
infertur 
vestris vectigalibus 
atque sociis 
a duobus regibus 
potentissimis, 
Mithridate et Tigrane: 
quorum alter relictus, 
alter lacessitus, 
arbitratur occasionem 
oblatam esse sibi 
ad occupandam Asiam.
Quotidie litterae 
afferuntur ex Asia 
equitibus Romanis, 
viris honestissimis, 
quorum magnae res 
aguntur, 
occupatae 
in vestris vectigalibus
exercendis ; 
qui, pro necessitudine 
quae est mihi 
cum illo ordine, 
detulerunt ad me 
causam reipublicae :
et pericula suarum rerum :
complures vicos 
Bithyniae, 
quae est nunc 
provincia vestra,
 
du mérite singulier 
et incomparable 
de Cnéus Pompée :
or il est plus difficile 
de trouver la fin 
que le commencement 
de ce discours; 
ainsi non pas tant l'abondance 
que la mesure 
doit être cherchée par moi 
en parlant (dans ce discours). 
II. Et pour que mon discours 
parte de là, 
d'où toute cette cause 
est tirée, 
une guerre terrible 
et dangereuse 
est intentée 
à vos tributaires 
et à vos alliés 
par deux rois 
très-puissants, 
Mithridate et Tigrane: 
dont l'un abandonné comme vaincu
l'autre provoqué, 
croient une occasion 
être offerte à eux 
pour s'emparer de l'Asie. 
Tous les jours des lettres 
sont apportées d'Asie 
à des chevaliers romains, 
hommes très-honorables, 
dont de grands capitaux 
sont mis-en-question, 
employés 
à vos impôts 
devant être levés 
lesquels, à-cause-de la liaison 
qui est à moi 
avec cet ordre, 
ont déféré à moi 
la cause de la république : 
et les périls (la défense) de leurs intérêts: 
ces lettres disent plusieurs bourgs 
de la Bithynie, 
qui est maintenant 
une province vôtre,
 
pareille matière, il est plus difficile de finir que de commencer. Je dois donc moins penser à étendre mon discours qu'à le renfermer dans de justes limites.
II. Et, d'abord, partons du fait qui donne lieu à toute la discussion présente : une guerre terrible et pleine de dangers est déclarée aux alliés et aux peuples tributaires de Rome par deux rois très puissants, Mithridate et Tigrane ; l'un, que vous avez laissé pour vaincu, l'autre, que vous avez attaqué, croient avoir trouvé une occasion favorable pour s'emparer de l'Asie. Il arrive, tous les jours des lettres de ce pays, adressées à des chevaliers romains, hommes très-honorables, qui ont de grandes sommes engagées dans le recouvrement de vos impôts ; les liens qui m'attachent à l'ordre équestre les ont décidés à me confier la défense de la république et de leurs intérêts. Ces lettres leur apprennent que plusieurs bourgs de la Bithynie, qui est aujourd'hui une de vos provinces, ont été incendiés; que

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vicos exustos esse complures ; regnum Ariobarzanis, quod finitimum est vestris vectigalibus, totum esse in hostium potestate ; Lucullum, magnis rebus gestis, ab eo bello discedere ; huic qui successerit non satis esse paratum ad tantum bellum administrandum ; unum ab omnibus sociis et civibus ad id bellum imperatorem deposci atque expeti ; eumdem hunc unum ab hostibus metui, praeterea neminem. 
Causa quae sit videtis ; nunc quid agendum sit considerate. Primum mihi videtur de genere belli, deinde de magnitudine, tum de imperatore deligendo esse dicendum.
Genus est ejus belli, quod maxime vestros animos excitare atque inflammare debet : in quo agitur populi Romani gloria, quae vobis a majoribus quum magna in rebus omnibus, tum summa in re militari tradita est ; agitur salus sociorum atque amicorum, pro qua multa majores vestri magna et gravia bella gesserunt ; aguntur certissima populi Romani vectigalia
exustos esse ;
regnum Ariobarzanis,
quod est finitimum
vestris vectigalibus,  
esse totum
in potestate hostium ;
Lucullum,
magnis rebus gestis,
discedere ab eo bello ;
satis non esse paratum
huic qui successerit
ad administrandum
tantum bellum ;
unum deposci atque expeti
imperatorem
ab omnibus sociis et civibus
ad id bellum ;
hunc eumdem metui unum
ab hostibus,
praeterea neminem.
Videtis quae sit causa ;
nunc considerate
quid agendum sit.
Videtur mihi dicendum esse
primum de genere belli,
deinde de magnitudine,
tum
de imperatore deligendo.
Genus ejus belli
est quod debet maxime
excitare atque inflammare
vestros animos
in quo agitur
gloria populi Romani,
quae tradita est vobis
a majoribus,
quum magna
in omnibus rebus,
tum summa in re militari;
salus 
sociorum atque amicorum
agitur
pro qua vestri majores 
gesserunt bella
magna et gravia ;
vectigalia 
certissima et maxima 
 
avoir été brûlés ;
le royaume d'Ariobarzane
qui est voisin
de vos tributaires,
être tout entier 
au pouvoir des ennemis; 
Lucullus, 
de grands exploits ayant été accomplis, 
se retirer de cette guerre; 
assez n'être point préparé 
à celui qui lui a succédé 
pour conduire 
une si-grande guerre ; 
un seul homme être demandé et être désiré 
pour général 
par tous les alliés et les citoyens 
pour cette guerre ; 
ce même homme être craint seul 
par les ennemis, 
et excepté lui, personne.
Vous voyez quelle est l'affaire ; 
maintenant considérez 
quoi doit être fait.
Il semble à moi devoir être parlé 
d'abord du genre de la guerre, 
ensuite de sa grandeur, 
puis 
du général devant être choisi.
La nature de cette guerre 
est celle qui doit le plus
exciter et emflammer 
vos coeurs 
dans laquelle est-en-question 
la gloire du peuple romain, 
laquelle a été transmise à vous 
par vos ancêtres, 
non-seulement grande
en toutes choses,
mais-aussi très-grande dans l'art militaire ;
le salut 
de vos alliés et de vos amis
est-en-question,
pour lequel vos ancêtres
ont fait ses guerres
grandes et terribles ;
les revenus
 les plus sûrs et les plus grands
 
le royaume d'Ariobarzane, qui touche aux pays tributaires de Rome, est tout entier au pouvoir des ennemis ; que Lucullus, après avoir fait de grandes choses dans ce pays, quitte la direction de cette guerre ; que celui qui lui a succédé n'a point tout ce qu'il faut pour conduire une si grande expédition ; que les alliés et les citoyens ne désirent, ne demandent pour général qu'un homme ; que ce même homme est le seul aussi que redoutent les ennemis, et qu'ils n'en craignent pas d'autre.
Vous voyez quelle est la question qui vous est soumise ; examinez maintenant ce que vous avez à faire. Je crois devoir vous parler d'abord de la nature de la guerre, puis de son importance, et enfin du général qu'il vous faut choisir.
Cette guerre est du nombre de celles qui doivent le plus vivement intéresser et échauffer vos coeurs : il s'agit de la gloire du peuple romain, gloire qui vous a été transmise par vos ancêtres, éclatante dans tous les genres, mais surtout dans les armes ; il s'agit du salut de peuples alliés et amis, pour lequel vos pères ont entrepris plusieurs guerres importantes et dangereuses ; il s'agit des revenus les plus sûrs et les plus considérables du peuple romain, revenus dont la

12 - 13

et maxima, quibus amissis, et pacis ornamenta et subsidia belli frustra requiretis ; aguntur bona multorum civium, quibus est a vobis, et ipsorum et reipublicae causa, consulendum.
III. Et, quoniam semper appetentes gloriae praeter ceteras gentes atque avidi laudis fuistis, delenda vobis est illa macula, Mithridatico bello superiore suscepta, quae penitus jam insedit atque inveteravit in populi Romani nomine : quod is qui uno die, tota Asia, tot in civitatibus, uno nuntio atque una litterarum significatione, cives Romanos necandos trucidandosque denotavit, non modo adhuc poenam nullam suo dignam scelere suscepit, sed ab illo tempore annum jam tertium et vicesimum regnat ; et ita regnat, ut se non Ponto neque Cappadociae latebris occultare velit, sed emergere e patrio regno,
populi Romani 
aguntur, 
quibus amissis, 
requiretis frustra 
et ornamenta pacis 
et subsidia belli ; 
bona 
multorum civium, 
quibus consulendum est 
a vobis, 
causa et ipsorum 
et reipublicae, 
aguntur.
III. Et, quoniam
fuistis semper
appetentes gloriae
atque avidi laudis
praeter ceteras gentes,
illa macula suscepta
superiore bello
Mithridatico,
quae insedit jam penitus
atque inveteravit
in nomine populi Romani,
delenda est vobis:
quod is qui,
uno die,
tota Asia,
in tot civitatibus,
uno nuntio
atque una significatione
litterarum,
denotavit cives Romanos
necandos
trucidandosque,
non modo suscepit adhuc
nullam poenam
dignam suo scelere,
sed regnat jam 
tertium et vicesimum annum
ab illo tempore,
et regnat ita
ut non velit
se occultare Ponto
neque latebris Cappadociae,
sed emergere e regno patrio
atque versari
 
du peuple romain 
sont-en-question, 
lesquels étant perdus, 
vous rechercherez en vain 
et les ornements de la paix 
et les secours de la guerre ; 
les biens 
de beaucoup de citoyens, 
auxquels il doit être veillé 
par vous, 
à cause et d'eux-mêmes 
et de la république, 
sont-en-question.
III. Et, puisque 
vous avez été toujours 
désireux de gloire 
et avides de renommée 
au delà de (plus que) les autres nations, 
cette tache reçue 
dans la précédente guerre 
de (contre)-Mithridate, 
laquelle s'est imprimée déjà profondément
et a vieilli
sur le nom du peuple romain,
doit être effacée par vous
à savoir que celui qui,
en un seul jour,
dans toute l'Asie,
dans tant de villes ,
par un seul message
et par un seul signal
de lettre (donné par une lettre)
a désigné les citoyens romains
devant être tués
et devant être massacrés,
non-seulement n'a reçu encore
aucun châtiment
digne de son crime,
mais règne déjà
la troisième et vingtième (vingt-troisième) année
depuis ce temps-là, 
et règne de-telle-sorte
qu'il ne veut pas
se cacher dans le Pont
ni dans les retraites de la Cappadoce,
mais sortir du royaume paternel
et s'agiter
perte vous rendrait la paix moins honorable et la guerre moins facile ; il s'agit enfin de la fortune d'un grand nombre de citoyens, à qui vous devez aide et protection, tant pour eux-mêmes que pour l'intérêt de la république.
III. Et, puisque vous avez toujours été, plus que tout autre peuple, avides de gloire et d'honneur, vous devez effacer la tache que la précédente guerre contre Mithridate a imprimée au nom romain, et qui l'a flétri d'une manière ineffaçable : cet homme, en effet, qui, en un seul jour, dans toute l'Asie, dans un si grand nombre de villes, d'un seul mot écrit de sa main, a fait égorger et massacrer tant de citoyens romains, cet homme non-seulement n'a point reçu le châtiment que méritait son crime, mais il a régné vingt-trois ans depuis son forfait, et, loin de se cacher au fond du Pont ou de la Cappadoce, il sort du royaume de ses pères, et vient au grand jour, sous les yeux de toute l'Asie, se jeter sur les peuples qui vous

14 - 15

atque in vestris vectigalibus, hoc est in Asiae luce, versari. Etenim adhuc ita vestri cum illo rege contenderunt imperatores, ut ab illo insignia victoriae, non victoriam reportarent. Triumphavit L. Sylla, triumphavit L. Murena de Mithridate, duo fortissimi viri et summi imperatores ; sed ita triumpharunt, ut ille pulsus superatusque regnaret. Verumtamen illis imperatoribus laus est tribuenda, quod egerunt; venia danda, quod reliquerunt : propterea quod ab eo bello Syllam in Italiam respublica, Murenam Sylla revocavit.
IV. Mithridates autem omne reliquum tempus non ad oblivionem veteris belli, sed ad comparationem novi contulit : qui, posteaquam maximas aedificasset ornassetque classes, exercitusque permagnos, quibuscumque ex gentibus potuisset, comparasset, et se Bosphoranis, finitimis suis, bellum inferre simulasset, usque in Hispaniam legatos Ecbatanis misit ad
in vestris vectigalibus, 
hoc est in luce Asiae. 
Etenim adhuc 
vestri imperatores
contenderunt ita 
cum illo rege 
ut reportarent ab illo 
insignia victoriae, 
non victoriam. 
L. Sylla triumphavit, 
L. Murena triumphavit 
de Mithridate, 
duo viri fortissimi 
et summi imperatores ; 
sed triumpharunt ita, 
ut ille pulsus superatusque
regnaret. 
Verumtamen 
laus tribuenda est 
illis imperatoribus, 
quod egerunt; 
venia danda, 
quod reliquerunt: 
propterea quod respublica
revocavit Syllam 
ab eo bello 
in Italiam, 
Sylla Murenam.
IV. Mithridates autem 
contulit 
omne tempus reliquum 
non ad oblivionem 
veteris belli, 
sed ad comparationem 
novi; 
qui, posteaquam 
aedificasset 
ornassetque 
maximas classes,
comparassetque 
exercitus permagnos 
ex quibuscumque gentibus
potuisset, 
et simulasset 
se inferre bellum 
Bosphoranis, suis finitimis, 
misit legatos 
Ecbatanis
 
au-milieu de vos tributaires, 
c'est-à-dire en pleine lumière de l'Asie.
En effet jusqu'à-présent 
vos généraux 
ont lutté de-telle-sorte
avec ce roi 
qu'ils remportassent sur lui 
les honneurs de la victoire, 
mais non la victoire. 
L. Sylla a triomphé, 
L. Muréna a triomphé 
de Mithridate, 
tous deux hommes très-courageux 
et très-grands généraux; 
mais ils ont triomphé de-telle-sorte, 
que celui-ci repoussé et vaincu 
régnât toujours.
Cependant 
une louange doit être accordée 
à ces généraux 
pour ce qu'ils ont fait; 
un pardon doit être accordé 
pour ce qu'ils ont laissé à faire
parce que la république 
a rappelé Sylla 
de cette guerre 
en Italie, 
et Sylla a rappelé Muréna.
IV. Or Mithridate 
a appliqué 
tout le temps de-reste 
non à l'oubli 
de l'ancienne guerre, 
mais à l'organisation 
d'une nouvelle; 
lequel, après que 
il eut construit 
et eut équipé 
de très-grandes flottes, 
et qu'il eut rassemblé 
des armées fort-grandes 
de toutes les nations 
qu'il avait pu, 
et qu'il eut feint 
soi déclarer la guerre 
aux habitant-du-Bosphore, ses voisins, 
envoya des ambassadeurs 
d'Ecbatane
payent tribut. Jusqu'ici, ceux de vos généraux qui ont fait la guerre à ce roi ont plutôt remporté les honneurs de la victoire que la victoire même. Lucius Sylla a reçu les honneurs du triomphe ; L. Muréna les a reçus ; tous deux étaient des hommes courageux et de grands capitaines ; mais, malgré leur triomphe, Mithridate repoussé, vaincu, continuait à régner. Il faut savoir gré à ces généraux de ce qu'ils ont fait, et les excuser s'ils ont laissé quelque chose à faire, parce que Sylla dut quitter cette guerre, rappelé en Italie par la république, et Muréna, rappelé par Sylla.
IV. Quant à Mithridate, il a employé ce temps, non à oublier les pertes de sa première guerre, mais à en préparer une nouvelle. Après avoir construit et équipé des flottes considérables, après avoir levé chez tous les peuples qu'il a pu mettre à contribution d'innombrables armées, après avoir feint de déclarer la guerre aux habitants du Bosphore, ses voisins, il a envoyé d'Ecbatane en Espagne des am-

16 - 17

eos duces quibuscum tum bellum gerebamus, ut, quum duobus in locis disjunctissimis maximeque diversis, uno consilio, a binis hostium copiis bellum terra marique gereretur, vos ancipiti contentione districti de imperio dimicaretis. Sed tamen alterius partis periculum, Sertorianae atque Hispaniensis, quae multo plus firmamenti ac roboris habebat. Cn. Pompeii divino consilio ac singulari virtute depulsum est : in altera parte ita res a L. Lucullo, summo viro, est administrata, ut initia illa gestarum rerum magna atque praeclara non felicitati ejus, sed virtuti, haec autem extrema, quae nuper acciderunt, non culpae, sed fortunae tribuenda esse videantur. Sed de Lucullo dicam alio loco, et ita dicam, Quirites, ut neque vera laus ei detracta oratione nostra neque falsa afficta esse vi- usque in Hispaniam
ad eos duces
cum quibus tum
gerebamus bellum
ut, quum bellum
gereretur uno consilio
a binis copiis hostium,
in duobus locis
disjunctissimis
maximeque diversis
vos districti
contentione ancipiti
dimicaretis de imperio.
Sed tamen periculum
alterius partis,
Sertorianae
atque Hispaniensis,
quae habebat
multo plus firmamenti
ac roboris,
depulsum est
consilio divino
ac virtute singulari
Cn. Pompeii
in altera parte
res administrata est
a L. Lucullo,
viro summo,
ita ut
illa initia rerum gestarum
magna atque praeclara
videantur tribuenda esse 
non felicitati, 
sed virtuti ejus, 
haec autem extrema, 
quae acciderunt nuper, 
non culpae, 
sed fortunae. 
Sed dicam de Lucullo 
alio loco, 
et dicam ita, 
Quirites, 
ut neque laus vera
videatur detracta esse ei 
nostra oratione, 
neque falsa 
afficta esse.
 
jusqu'en Espagne 
vers ces (les) généraux 
avec (contre) lesquels alors 
nous faisions la guerre 
afin que, quand la guerre
serait faite avec un seul plan 
par deux armées d'ennemis, 
dans deux endroits 
très-éloignés l'un de l'autre 
et très-différents, 
vous divisés 
par cette lutte double 
vous combattissiez pour l'empire. 
Mais cependant le danger 
d'un côté, 
celui de-Sertorius 
et de-l'Espagne, 
lequel côté avait 
beaucoup plus de solidité 
et de force, 
a été dissipé 
par la prudence divine 
et la bravoure extraordinaire 
de Cn. Pompée 
de l'autre côté 
l'affaire (la guerre) a été conduite 
par L. Lucullus, 
homme éminent, 
de-telle-sorte que 
ces débuts d'expéditions faites, 
débuts grands et éclatants, 
semblent devoir être attribués 
non au bonheur, 
mais au courage de lui, 
mais que ces derniers événements
qui sont arrivés depuis-peu, 
semblent devoir l'être non à sa faute, 
mais à la fortune. 
Mais je parlerai de Lucullus 
dans un autre endroit, 
et j'en parlerai de telle sorte, 
Romains, 
que ni l'éloge vrai 
ne semble avoir été retranché à lui 
par notre (mon) discours, 
ni le faux 
lui avoir été ajouté.
bassadeurs aux généraux contre qui nous étions alors en guerre, afin que, vous voyant attaqués à la fois sur terre et sur mer, dans deux pays bien différents et bien éloignés l'un de l'autre, par deux armées ennemies agissant de concert, gênés par cette double lutte, vous eussiez à combattre pour le salut même de votre empire. Toutefois une partie du danger a été dissipée par la prudence divine et la rare valeur de Cn. Pompée : je veux parler de la guerre d'Espagne et de Sertorius, le plus fort et le plus dangereux de beaucoup de vos ennemis ; pour l'autre guerre, elle à été dirigée de telle sorte par L. Lucullus, cet homme éminent, qu'il faut attribuer les éclatants succès du début de l'expédition à son talent plutôt qu'à son bonheur, et les échecs que nous avons essuyés depuis à la fortune plutôt qu'aux fautes du général. D'ailleurs je parlerai plus tard de Lucullus, Romains, et j'en parlerai de manière à ne point paraître diminuer son vrai mérite et à ne point y ajouter aux dépens de la vérité. Mais,

18 - 19

deatur. De vestri imperii dignitate atque gloria, quoniam is est exorsus orationis meae, videte quem vobis animum suscipiendum putetis.
V. Majores vestri saepe, mercatoribus ac naviculatoribus injuriosius tractatis, bella gesserunt : vos, tot civium Romanorum millibus uno nuntio atque uno tempore necatis, quo tandem animo esse debetis? Legati quod erant appellati superbius, Corinthum patres vestri totius Graeciae lumen exstinctum esse voluerunt : vos eum regem inultum esse patiemini, qui legatum populi Romani consularem vinculis ac verberibus atque omni supplicio excruciatum necavit ? Illi libertatem civium Romanorum imminutam non tulerunt : vos vitam ereptam negligetis ? Jus legationis verbo violatum illi persecuti sunt : vos legatum populi Romani omni supplicio interfectum inultum relinquetis ? Videte ne, ut illis pulcherrimum fuit tantam vobis
Videte 
quem animum putetis
suscipiendum vobis 
de dignitate atque gloria 
vestri imperii, 
quoniam is est exorsus 
meae orationis. 
V. Saepe vestri majores,
mercatoribus 
ac naviculatoribus 
tractatis injuriosius, 
gesserunt bella : 
vos, 
tot millibus 
civium Romanorum 
necatis uno nuntio 
atque uno tempore, 
quo animo 
debetis tandem esse? 
Quod legati 
appellati erant superbius, 
vestri patres voluerunt 
lumen totius Graeciae,
Corinthum, 
exstinctum esse: 
vos patiemini 
eum regem esse inultum, 
qui necavit 
legatum populi Romani,
consularem, 
excruciatum 
vinculis ac verberibus
atque omni supplicio?
Illi non tulerunt
libertatem
civium Romanorum
imminutam; 
vos negligetis 
vitam ereptam? 
Illi persecuti sunt 
jus legationis 
violatum verbo :
vos relinquetis inultum 
legatum populi Romani
interfectum omni supplicio ?
Videte ne, 
ut fuit pulcherrimum illis
Voyez 
quelle disposition-d'esprit vous pensez 
devoir être prise par vous 
au-sujet-de la dignité et de la gloire 
de votre empire, 
puisque tel est le début 
de mon discours.
V. Souvent vos ancêtres, 
des marchands 
et des propriétaires-de-vaisseaux 
ayant été traités trop outrageusement, 
ont fait des guerres: 
et vous, 
tant-de milliers
de citoyens romains 
ayant été tués par-suite-d'un seul message 
et en un seul temps (jour), 
dans quel esprit (quelle disposition) 
devez-vous enfin être? 
Parce que des ambassadeurs 
avaient été interpellés trop fièrement, 
vos pères ont voulu 
la lumière de toute la Grèce, 
Corinthe, 
être éteinte: 
et vous, vous souffrirez 
ce roi être impuni, 
lequel a tué 
un ambassadeur du peuple romain, 
personnage consulaire, 
tourmenté 
par les chaînes et les coups 
et par tout genre de supplice? 
Eux n'ont pas supporté 
la liberté 
des citoyens romains 
être diminuée; 
et vous, vous ne-tiendrez-pas-compte 
de la vie enlevée des citoyens
Eux ont poursuivi (vengé) 
le droit d'ambassade 
violé par une parole : 
et vous, vous laisserez sans-vengeance 
un ambassadeur du peuple romain 
tué par tout genre de supplice? 
Voyez (prenez garde) que, 
comme il a été très-beau pour eux 
puisque c'est de la dignité et de la gloire de votre empire que je me suis proposé de vous entretenir d'abord, voyez quelles doivent être vos dispositions à ce sujet.
V. Vos ancêtres ont souvent fait la guerre pour venger quelques marchands, quelques armateurs insultés ; vous, quand des milliers de citoyens romains ont été massacrés sur un seul ordre et le même jour, quels doivent être vos sentiments ? Pour quelques propos insolents tenus à vos ambassadeurs, vos pères ont détruit Corinthe, la lumière de la Grèce : et vous laisseriez impuni ce roi qui, après avoir fait battre de verges, charger de chaînes et torturer de toute manière un personnage consulaire, député du peuple romain, a fini par le mettre à mort ? Vos pères n'ont pu souffrir qu'on portât atteinte à la liberté des citoyens romains : et vous verriez avec indifférence qu'on leur eût ôté la vie ? Ils ont tiré vengeance d'un mot qui outrageait les droits des ambassadeurs : et vous ne vengeriez pas un envoyé du peuple romain livré aux plus affreux supplices ? Prenez-y garde : autant il a été beau pour eux de vous léguer un empire si glorieux,

20 - 21

imperii gloriam relinquere, sic vobis turpissimum sit, id quod accepistis, tueri et conservare non posse. Quid, quod salus sociorum summum in periculum ac discrimen vocatur ? Regno expulsus est Ariobarzanes, rex socius populi Romani atque amicus ; imminent duo reges toti Asiæ, non solum vobis inimicissimi, sed etiam vestris sociis atque amicis ; civitates autem omnes, cuncta Asia atque Græcia vestrum auxilium exspectare propter periculi magnitudinem coguntur imperatorem a vobis certum deposcere, quum præsertim vos alium miseritis, neque audent, neque id se facere summo sine periculo posse arbitrantur. Vident et sentiunt hoc idem quod vos, unum virum esse in quo summa sint omnia, et eum prope esse, quo etiam carent aegrius : cujus adventu ipso atque nomine, tametsi ille ad maritimum bellum venerit, tamen impetus hostium repressos relinquere vobis 
tantam gloriam imperii, 
sic sit turpissimum vobis 
non posse tueri 
et conservare 
id quod accepistis. 
Quid quod salus sociorum
vocatur 
in summum periculum 
ac discrimen? 
Ariobarzanes, 
rex socius atque amicus
populi Romani,
expulsus est regno ; 
duo reges inimicissimi 
non solum vobis, 
sed etiam vestris sociis 
atque amicis, 
imminent Asiæ toti; 
omnes autem civitates, 
cuncta Asia atque Græcia
coguntur exspectare 
vestrum auxilium, 
propter magnitudinem 
periculi : 
neque audent 
deposcere a vobis 
imperatorem certum,
præsertim 
quum vos miseritis alium,
neque arbitrantur 
se posse facere id 
sine summo periculo. 
Vident et sentiunt 
hoc idem quod vos, 
unum virum esse, 
in quo omnia sint summa, 
et eum esse prope, 
quo etiam 
carent ægrius 
adventu ipso 
atque nomine cujus, 
tametsi ille venerit 
ad bellum maritimum,
intelligunt tamen 
impetus hostium 
repressos esse
de laisser à vous 
une si-grande gloire d'empire, 
ainsi il ne soit très-honteux pour vous 
de ne pouvoir défendre
et conserver 
ce que vous avez reçu. 
Que dirai-je de-ce-que le salut des alliés 
est appelé (jeté) 
dans le plus grand danger 
et la plus grande crise ?
Ariobarzane, 
roi allié et ami 
du peuple romain, 
a été chassé de son royaume; 
deux rois très-ennemis 
non-seulement de vous, 
mais aussi de vos alliés 
et de vos amis, 
menacent l'Asie tout-entière ; 
or, toutes les villes, 
toute l'Asie et toute la Grèce 
sont forcées d'attendre 
votre secours, 
à cause de la grandeur 
du danger: 
et elles n'osent pas 
demander à vous 
un général déterminé (désigné par elles), 
surtout 
quand vous en avez envoyé un autre, 
et elles ne pensent pas 
elles-mêmes pouvoir faire cela 
sans le plus grand danger. 
Elles voient et comprennent 
cette même chose que vous comprenez
savoir un seul homme être, 
dans lequel tout est très-grand, 
et celui-là être près d'elles
par suite de quoi même 
elles en sont privées avec-plus-de-regret 
par l'arrivée même (seule) 
et par le nom seul duquel, 
bien qu'il soit venu 
pour la guerre maritime (des pirates), 
elles comprennent cependant 
les mouvements des ennemis 
avoir été arrêtés
autant il serait honteux pour vous de ne pouvoir le défendre et le conserver tel que vous l'avez reçu. Que vous dirai-je du salut de vos alliés, qui courent les plus grands dangers ? Ariobarzane, roi allié et ami du peuple romain, a été chassé de son royaume ; l'Asie entière est menacée par deux rois, qui ne sont pas seulement les ennemis jurés de Rome, mais ceux de vos alliés et de vos amis ; toutes les villes libres, toute l'Asie, toute la Grèce, en présence d'un si grand danger, sont forcées d'attendre de vous du secours; elles n'osent pas, surtout quand vous leur avez envoyé un autre général, vous demander celui qu'elles désirent, et pensent qu'elles ne pourraient le faire sans s'exposer à des risques extrêmes. Elles voient et savent ce que vous voyez et savez vous-mêmes, qu'il n'y a qu'un homme en qui tout soit grand, que cet homme est près d'elles, ce qui rend leurs regrets plus vifs ; enfin que son arrivée et le bruit de son nom, bien qu'il ne soit venu que pour la guerre des pirates, ont suffi pour arrêter et re-

22 - 23

esse intelligunt ac retardatos. Hi vos, quoniam libere loqui non licet, tacite rogant ut se quoque, sicut ceterarum provinciarum socios, dignos existimetis, quorum salutem tali viro commendetis : atque hoc etiam magis quam ceteros, quod ejus modi in provinciam homines cum imperio mittimus, ut, etiamsi ab hoste defendant, tamen ipsorum adventus in urbes sociorum non multum ab hostili expugnatione differant. Hunc audiebant antea, nunc præsentem vident, tanta temperantia, tanta mansuetudine, tanta humanitate, ut ii beatissimi esse videantur, apud quos ille diutissime commoratur.
VI. Quare, si propter socios, nulla ipsi injuria lacessiti, majores vestri cum Antiocho, cum Philippo, cum Aetolis , cum Poenis bella gesserunt, quanto vos studio convenit, injuriis provocatos, sociorum salutem una cum imperii vestri dignitate defendere, præsertim quum de vestris maximis vecti-
ac retardatos.
Hi, quoniam non licet
loqui libere,
rogant vos tacite
ut existimetis quoque se,
sicut socios
ceterarum provinciarum,
dignos 
quorum commendetis salutem
tali viro
atque hoc etiam
magis quam ceteros,
quod mittimus
in provinciam
cum imperio
homines ejus modi ut,
etiamsi defendant ab hoste,
tamen adventus ipsorum
in urbes sociorum
non differant multum
ab expugnatione hostili.
Audiebant antea,
nunc vident præsentem
hunc
tanta temperantia,
tanta mansuetudine,
tanta humanitate,
ut ii apud quos
ille commoratur diutissime videantur esse beatissimi.
VI. Quare, si, propter socios, vestri majores, 
ipsi lacessiti 
nulla injuria, 
gesserunt bella 
cum Antiocho, 
cum Philippo, 
cum Aetolis, cum Poenis, quanto studio convenit vos,
provocatos injuriis, 
defendere salutem 
sociorum 
una cum dignitate 
vestri imperii; 
præsertim quum agatur 
de vestris vectigalibus
et retardés. 
Ceux-ci (ces peuples), puisqu'il ne leur est-pas-permis
de parler librement,
vous prient silencieusement
que vous estimiez aussi eux,
comme les alliés
des autres provinces,
dignes
desquels vous confiiez le (que vous confiiez leur) salut
à un tel homme
et que vous les estimiez par cela même
plus dignes que les autres de ce secours,
que nous envoyons
dans la province d'Asie
avec l'autorité
des hommes de cette (telle) sorte que,
bien qu'ils la défendent contre l'ennemi,
cependant les arrivées d'eux-mêmes
dans les villes des alliés
ne différent pas beaucoup
d'une prise-d'assaut de-l'ennemi.
Ils entendaient citer auparavant,
maintenant ils voient présent
celui-ci
d'une si-grande modération,
d'une si-grande douceur,
d'une si-grande humanité,
que ceux chez lesquels
il séjourne le plus longtemps
semblent être les plus heureux.
VI, C'est-pourquoi, si, à cause de leurs alliés, 
vos ancêtres, 
eux-mêmes n'étant provoqués 
par aucun affront, 
ont fait des guerres 
avec Antiochus, 
avec Philippe, 
avec les Étoliens, avec les Carthaginois, 
avec quelle ardeur convient-il vous, 
provoqués par des affronts, 
défendre le salut 
de vos alliés 
en-même temps avec (que) la dignité 
de votre empire; 
surtout quand il s'agit 
de vos revenus
tarder les progrès des ennemis.  Ces peuples, qui n'osent dire librement ce qu'ils pensent, vous demandent tout bas de les regarder comme aussi dignes que vos alliés des autres provinces de voir leur salut confié à un si grand homme ; ils le souhaitent d'autant plus, que les magistrats que nous envoyons dans ces provinces avec un commandement militaire peuvent bien, il est vrai, les protéger contre l'ennemi, mais que leur arrivée dans les villes de nos alliés diffère peu d'une prise d'assaut. Celui-ci, au contraire, ainsi qu'ils l'avaient entendu dire jusqu'à présent et qu'ils le voient aujourd'hui, a tant de douceur, tant de modération, tant d'humanité, qu'on regarde comme les plus heureux les peuples qui jouissent le plus longtemps de sa présence.
VI. Or, si vos pères, sans avoir eux-mêmes à se plaindre d'aucune injure, ont fait la guerre pour leurs alliés à Antiochus, à Philippe, aux Étoliens, aux Carthaginois, quel zèle ne devez-vous pas mettre, quand vous êtes provoqués, à défendre à la fois le salut de vos alliés
et la dignité de l'empire, surtout quand il s'agit de vos revenus les

24 - 25

galibus agatur? Nam ceterarum provinciarum vectigalia, Quirites, tanta sunt, ut iis ad ipsas provincias tutandas vix contenti esse possimus : Asia vero tam opima est ac fertilis, ut et ubertate agrorum, et varietate fructuum, et magnitudine pastionis, et multitudine earum rerum quæ exportantur, facile omnibus terris antecellat. Itaque hæc vobis provincia, Quirites, si et belli utilitatem et pacis dignitatem retinere vultis, non modo a calamitate, sed etiam a metu calamitatis est defendenda. Nam ceteris in rebus, quum venit calamitas, tum detrimentum accipitur. At in vectigalibus non solum adventus mali, sed etiam metus ipse offert calamitatem : nam, quum hostium copiæ non longe absunt, etiamsi irruptio facta nulla sit, tamen pecora relinquuntur, agricultura deseritur, mercatorum navigatio conquiescit : ita neque ex portu, neque ex decumis, neque ex scriptura vectigal conservari potest. Quare maximis ?
Nam vectigalia
ceterarum provinciarum,
Quirites,
sunt tanta
ut possimus vix
esse contenti iis 
ad tutandas provincias ipsas:
Asia vero
est tam opima et fertilis,
ut antecellat facile
omnibus terris
et ubertate agrorum,
et varietate fructuum,
et magnitudine pastionis,
et multitudine
earum rerum
quæ exportantur.
Itaque, Quirites,
hæc provincia,
si vultis sustinere
et utilitatem belli
et dignitatem pacis,
defendenda est
non modo a calamitate,
sed etiam a metu calamitatis.
Nam in ceteris rebus, 
quum calamitas venit,
tum detrimentum
accipitur.
At in vectigalibus,
non solum adventus mali,
sed etiam metus ipse
offert calamitatem
nam, quum copiæ hostium
non absunt longe,
etiamsi nulla irruptio
facta sit, tamen
pecora relinquuntur,
agricultura deseritur,
navigatio mercatorum
conquiescit:
ita vectigal
potest conservari
neque ex portu,
neque ex decumis,
neque ex scriptura.
les plus gros? 
Car les revenus 
des autres provinces, 
Romains, 
sont si-peu-grands 
que nous pouvons à peine 
être contents d'eux (nous en contenter) 
pour soutenir les provinces elles mêmes : 
mais l'Asie 
est si riche et si fertile, 
qu'elle surpasse sans-peine 
tous les pays du monde 
et par la fécondité de ses champs, 
et par la variété de ses productions, 
et par l'étendue de ses pâturages, 
et par la multitude 
de ces (des) objets 
qui s'exportent. 
C'est-pourquoi, Romains, 
cette province, 
si vous voulez maintenir 
et l'utilité de (pour) la guerre 
et la dignité de (pour) la paix, 
doit être garantie 
non-seulement du malheur, 
mais même de la crainte du malheur. 
Car dans les autres choses, 
quand le désastre est venu, 
alors la perte 
est reçue. 
Mais dans les impôts, 
non-seulement l'arrivée du mal, 
mais aussi la crainte même 
apporte un désastre: 
car, quand les troupes des ennemis 
ne sont pas loin, 
bien qu'aucune irruption 
n'ait été faite, cependant 
les troupeaux sont délaissés, 
l'agriculture est abandonnée, 
la navigation des marchands 
se repose (est suspendue): 
ainsi un tribut 
ne peut être conservé 
ni d'un port, 
ni des dîmes, 
ni de l'impôt-sur-les-pâturages.
plus importants ? En effet, Romains, ceux que nous retirons des autres provinces sont tels, qu'ils suffisent à peine pour nous donner les moyens de les défendre ; mais l'Asie est si riche et si fertile, que l'on peut, et pour la fécondité de ses champs, et pour la variété de ses productions, et pour l'étendue de ses pâturages, et pour la quantité des objets qu'elle expose, la mettre au-dessus de tous les pays du monde. Si donc, Romains, vous voulez conserver les moyens de faire la guerre avec avantage et de maintenir la paix avec honneur, écartez de cette province non-seulement le malheur, mais même la crainte du malheur. Dans toute autre chose, en effet, on ne sent la perte que quand le mal est venu ; mais, en fait d'impôts, ce n'est pas seulement l'événement, c'est la crainte même qui entraîne un désastre : quand l'ennemi est proche, alors même qu'il ne commet aucun acte d'hostilité, on abandonne les troupeaux, on néglige l'agriculture, le commerce maritime est arrêté : on ne tire plus rien ni des ports, ni des dîmes, ni du droit sur les pâturages. Ainsi sou-

26 - 27

sæpe totius anni fructus uno rumore periculi atque uno belli terrore amittitur.
Quo tandem animo esse existimatis aut eos qui vectigalia nobis pensitant, aut eos qui exercent atque exigunt, quum duo reges cum maximis copiis prope adsint ; quum una excursio equitatus perbrevi tempore totius anni vectigal auferre possit ; quum publicani familias maximas, quas in salinis habent, quas in agris, quas in portubus atque custodiis, magno periculo se habere arbitrentur ? Putatisne vos illis rebus frui posse, nisi eos, qui vobis fructui sunt, conservaveritis non solum, ut antea dixi, calamitate, sed etiam calamitatis formidine liberatos ?
VII. Ac ne illud quidem vobis negligendum est, quod mihi ego extremum proposueram, quum essem de belli genere dicturus, quod ad multorum bona civium Romanorum pertinet ;
Quare saepe
fructus anni totius 
amittitur 
uno rumore periculi 
atque uno terrore belli.
Quo animo 
existimatis tandem 
aut eos esse 
qui pensitant nobis 
vectigalia, 
aut eos 
qui exercent atque exigunt,
quum duo reges 
adsint prope 
cum maximis copiis; 
quum una excursio 
equitatus 
possit auferre 
tempore perbrevi
vectigal totius anni; 
quum publicani 
arbitrentur 
se habere magno periculo
familias maximas 
quas habent in salinis, 
quas in agris, 
quas in portubus 
atque custodiis?
Putatisne 
vos posse frui illis rebus, 
nisi conservaveritis eos 
qui sunt fructui vobis, 
non solum, 
ut dixi antea, 
liberatos calamitate, 
sed etiam formidine
calamitatis ?
VII. Ac ne quidem illud
negligendum est vobis, 
quod ego proposueram 
mihi 
extremum, 
quum dicturus essem 
de genere belli, 
quod pertinet ad bona
multorum civium Romanorum  quorum,
C'est-pourquoi souvent 
le fruit (revenu) d'une année tout-entière 
se perd 
par un seul bruit de danger 
et une seule crainte de guerre.
Dans quel esprit 
pensez-vous enfin 
ou ceux-là être 
qui payent à nous 
des impôts, 
ou ceux 
qui les exploitent et les perçoivent, 
quand deux rois 
sont tout-près 
avec de très-grandes armées; 
quand une seule incursion 
de cavalerie 
peut enlever 
en un temps fort-court 
le revenu de toute une année ; 
quand les fermiers-publics 
pensent 
eux-mêmes avoir avec grand péril 
les troupes-d'esclaves fort-nombreuses 
qu'ils ont dans les salines, 
qu'ils ont dans les champs, 
qu'ils ont dans les ports 
et dans les postes-militaires ? 
Pensez-vous 
vous pouvoir jouir de ces objets (revenus), 
si vous ne maintenez ceux 
qui sont rendants-des-fruits à vous, 
non-seulement, 
comme je l'ai dit auparavant, 
délivrés du malheur, 
mais même de la crainte 
du malheur? 
 VII. Et pas même ceci 
ne doit être négligé par vous, 
que j'avais proposé 
à moi-même 
comme dernière remarque
lorsque je serais devant parler 
de l'espèce de cette guerre, 
qui a-rapport aux (intéresse les) biens 
de nombreux citoyens romains, 
desquels,
vent le revenu de toute une année est perdu pour un seul bruit de danger, pour une seule crainte de guerre prochaine.
Dans quelles dispositions d'esprit doivent être, à votre avis, et ceux qui vous payent ces impôts, et ceux qui se chargent de les recouvrer, quand tout près d'eux ils voient deux rois avec des troupes considérables ; quand une seule incursion de cavalerie peut, en un instant, enlever le revenu d'une année ; quand les fermiers de l'État sont persuadés qu'ils ont tout à craindre pour ces nombreuses troupes d'esclaves qu'ils occupent dans les salines, dans les champs, dans les ports et dans tous les postes de surveillance ? Pensez-vous pouvoir jouir des revenus de ces fermes, si vous ne garantissez ceux qui les administrent pour vous, non-seulement de tout malheur, mais même de toute crainte ?
VII. Vous ne devez pas même dédaigner une considération que j'avais réservée pour la dernière en vous parlant de la nature de cette guerre, savoir, qu'il s'agit de la fortune d'un bon nombre de citoyens romains, fortune dont vous devez, avec votre sagesse ordi-

28 - 29

quorum vobis, pro vestra sapientia, Quirites, habenda est ratio diligenter. Nam et publicani, homines et honestissimi et ornatissimi, suas rationes et copias in illam provinciam contulerunt ; quorum ipsorum per se res et fortunæ curae vobis esse debent. Etenim, si vectigalia nervos esse reipublicæ semper duximus, eum certe ordinem, qui exercet illa, firmamentum ceterorum ordinum recte esse dicemus. Deinde ceteris ex ordinibus homines gnavi et industrii partim ipsi in Asia negotiantur, quibus vos absentibus consulere debetis, partim suas et suorum in ea provincia pecunias magnas collocatas habent. Erit igitur humanitatis vestræ, magnum eorum civium numerum calamitate prohibere; sapientiæ, videre multorum civium calamitatem a republica sejunctam esse non posse. Etenim illud primum parvi refert, vos publicanis amissa vectigalia postea pro vestra sapientia, 
ratio habenda est vobis, 
Quirites. 
Nam et publicani, 
homines et honestissimi 
et ornatissimi, 
contulerunt suas rationes 
et copias
in illam provinciam ; 
quorum ipsorum 
res et fortunæ 
debent esse curae vobis 
per se. 
Etenim, 
si semper duximus 
vectigalia 
esse nervos reipublicæ,
dicemus certe 
eum ordinem 
qui exercet illa 
esse firmamentum 
ceterorum ordinum. 
Deinde homines gnavi 
et industrii 
ex ceteris ordinibus 
partim negotiantur ipsi 
in Asia, 
quibus absentibus 
vos debetis consulere, 
partim habent 
magnas pecunias suas 
et suorum 
collocatas in ea provincia. 
Erit igitur 
vestræ humanitatis 
prohibere calamitate 
magnum numerum 
eorum civium ; 
sapientiæ videre 
calamitatem : 
multorum civium 
non posse sejunctam esse 
a republica. 
Etenim, primum 
illud refert parvi 
vos recuperare postea 
victoria
eu-égard-à votre sagesse, 
compte doit être tenu par vous, 
Romains. 
Car d'une-part les fermiers 
hommes et très-honorables
et très-distingués, 
ont transporté leurs fonds 
et leurs ressources 
dans cette province; 
desquels fermiers eux-mêmes 
les affaires et la fortune 
doivent être à souci à vous 
pour elles-mêmes. 
En effet, 
si toujours nous avons pensé 
les revenus-publics 
être les nerfs de l'État, 
nous dirons certainement 
cet ordre 
qui exploite ces revenus 
être le soutien 
des autres ordres. 
D'un-autre-côté des hommes actifs
 et industrieux 
des autres ordres 
en partie font-le-commerce eux-mêmes 
en Asie, 
sur lesquels absents 
vous devez veiller, 
en partie ont 
de grandes sommes à-eux 
et des (aux)-leurs 
placées dans cette province. 
Il sera donc 
de votre humanité 
de préserver du malheur 
le grand nombre 
de ces citoyens; 
il sera de votre sagesse de voir 
le malheur 
de nombreux citoyens 
ne pouvoir être séparé (indifférent) 
de (pour) la république. 
En effet, d'abord 
cela importe peu 
vous recouvrer après cela 
par la victoire
naire, vous préoccuper particulièrement. Les fermiers, hommes honorables et fort distingués, ont transporté dans cette province tous leurs fonds, toutes leurs ressources ; ils méritent par eux-mêmes que cette fortune vous intéresse. En effet, si nous avons toujours regardé les revenus publics comme le nerf de l'État , nous devons reconnaître que l'ordre chargé de les faire rentrer est le soutien des autres ordres. D'un autre côté , d'autres citoyens, actifs et industrieux, font le commerce en Asie : les uns s'en occupent eux-mêmes, vous devez les protéger quoique absents ; d'autres y ont placé leur fortune et celle des leurs, et il s'agit de sommes importantes. C'est donc pour vous une question d'humanité de préserver de tout malheur un si grand nombre de citoyens ; c'est une question de prudence de comprendre que leur ruine ne saurait être indifférente à l'État. D'abord il importe peu qu'après avoir laissé perdre ces revenus pour vos fermiers, vous les recouvriez par la victoire ; après un tel désastre, les

30 -31

victoria recuperare : neque enim iisdem redimendi facultas erit propter calamitatem, neque aliis voluntas propter timorem. Deinde, quod nos eadem Asia atque idem iste Mithridates initio belli Asiatici docuit, id quidem certe calamitate docti memoria retinere debemus. Nam tum, quum in Asia res magnas permulti amiserunt, scimus Romæ, solutione impedita, fidem concidisse : non enim possunt una in civitate multi rem atque fortunas amittere, ut non plures secum in eamdem calamitatem trahant. A quo periculo prohibete rempublicam, et mihi credite id quod ipsi videtis : hæc fides atque haec ratio pecuniarum, quæ Romæ, quae in foro versatur, implicita est cum illis pecuniis Asiaticis et cohæret. Ruere illa non possunt, ut hæc non eodem labefacta motu concidant. Quare videte num dubitandum vobis sit omni studio ad id bellum incum- vectigalia
amissa publicanis
neque enim facultas
redimendi
erit iisdem
propter calamitatem,
neque voluntas
aliis
propter timorem.
Deinde,
quod eadem Asia
atque idem iste Mithridates
docuit nos
initio belli Asiatici,
docti calamitate
debemus quidem certe
retinere id memoria.
Nam tum,
quum permulti amiserunt
magnas res in Asia
scimus,
solutione impedita,
fidem concidisse Romae
multi enim non possunt
in una civitate
amittere rem
atque fortunas,
ut non trahant
plures secum
in eamdem calamitatem.
Prohibete rempublicam
a quo periculo,
et credite mihi
id quod videtis ipsi
hæc fides 
atque hæc ratio pecuniarum
quae versatur Romæ,
quæ in foro
implicita est
cum illis pecuniis Asiaticis
et cohaeret.
Illa non possunt ruere,
ut hæc non concidant
labefacta eodem motu.
Quare videte
num dubitandum sit vobis
incumbere omni studio
les revenus 
perdus pour les fermiers: 
car ni la possibilité
de les racheter (prendre à ferme)
ne sera à ces mêmes fermiers 
à cause de leur malheur, 
ni la volonté de les racheter 
ne sera à d'autres
à cause de la crainte. 
Ensuite,
ce que cette même Asie
et ce même Mithridate
ont enseigné à nous
au commencement de la guerre d'-Asie,
instruits par le malheur
nous devons certes assurément
retenir cela dans notre mémoire.
Car à-cette-époque,
où beaucoup perdirent
de grandes fortunes en Asie
nous savons
le payement des dettes avant été empêché,
le crédit être tombé à Rome
car beaucoup de citoyens ne peuvent
dans une seule cité
perdre la fortune
et les biens, 
de-sorte-qu'ils n'entraînent pas (sans entraîner)
plusieurs avec eux
dans le même malheur.
Préservez la république
de ce danger,
et croyez-moi
sur
ce crédit
et cette circulation d'argent
qui se fait à Rome,
qui se fait dans le forum,
sont liés
avec (à) ces fortunes de-l'-Asie
et y tiennent.
Celles-là ne peuvent tomber,
de-manière-que celles-ci ne tombent pas
ébranlées par le même mouvement.
C'est pourquoi examinez
s'il doit y-avoir-hésitation pour vous
à vous appliquer de tout votre zèle
mêmes hommes ne seront plus en état de les prendre à ferme , et d'autres ne le voudront pas, parce qu'ils auront peur. Ensuite, cette même province d'Asie et ce même Mithridate nous ont donné, au commencement de cette guerre, une leçon que nous ne devons pas oublier, instruits que nous sommes par le malheur. A l'époque où tant de citoyens perdirent en Asie des sommes considérables, nous savons qu'à Rome , les payements s'étant trouvés entravés, le crédit fut ébranlé ; il est impossible, en effet, que, dans un pays, un grand nombre de citoyens perdent leur fortune, sans en entraîner beaucoup d'autres dans leur désastre. Écartez ce danger de la république, et croyez-moi quand je vous expose ce que vous avez sous les yeux :
il existe un lien étroit entre le crédit, ce mouvement de fonds de Rome et du forum, et les fortunes de l'Asie : l'un ne peut tomber que le même coup n'ébranle et ne détruise l'autre. Voyez donc si vous devez hésiter à donner toute votre attention à une guerre dans

32 -33

bere, in quo gloria nominis vestri, salus sociorum, vectigalia maxima, fortunæ plurimorum civium cum republica defendantur.
VIII. Quoniam de genere belli dixi, nunc de magnitudine pauca dicam. Potest enim hoc dici : belli genus esse ita necessarium, ut sit gerendum ; non esse ita magnum, ut sit pertimescendum. In quo maxime laborandum est, ne forte a vobis quæ diligentissime providenda sunt, contemnenda esse videantur.
Atque, ut omnes intelligent me L. Lucullo tantum impertire laudis, quantum forti viro, sapientissimo homini et magno imperatori debeatur, dico ejus adventu maximas Mithridatis copias omnibus rebus ornatas atque instructas fuisse ; urbemque Asiæ clarissimam nobisque amicissimam Cyzicenorum obsessam esse ab ipso rege maxima multitudine , et oppugnatam vehementissime, quam L. Lucullus virtute, assidui-
ad id bellum, 
in quo 
gloria vestri nominis, 
salus sociorum, 
vectigalia maxima, 
fortunæ 
plurimorum civium defendantur 
cum republica.
VIII. Quoniam dixi
de genere belli ,
nunc dicam pauca
de magnitudine.
Hoc enim potest dici
genus belli
esse ita necessarium,
ut gerendum sit;
non esse ita magnum,
ut pertimescendum sit.
In quo
laborandum est maxime
ne
quæ providenda sunt
diligentissime,
videantur forte
contemnenda esse a vobis.
Atque,
ut omnes intelligent,
me impertire tantum laudis
L. Lucullo
quantum debeatur
viro forti
et homini sapientissimo,
dico, adventu ejus,
copias Mithridatis
fuisse maximas,
ornatas atque instructas
omnibus rebus;
urbemque Cyzicenorum ,
clarissimam Asiæ
amicissimamque nobis,
obsessam esse ab rege ips maxima multitudine
et oppugnatam
vehementissime ;
quam L. Lucullus , 
virtute, assiduitate, consilio
à cette guerre, 
dans laquelle 
la gloire de votre nom, 
le salut de vos alliés, 
les revenus les plus grands, 
les biens
de très-nombreux citoyens 
sont défendus 
avec (en même temps que) la république.
VIII. Puisque j'ai parlé
de l'espèce de cette guerre,
maintenant je dirai quelques mots
sur son importance.
Car ceci peut être dit
l'espèce de cette guerre
être si nécessaire
qu'elle doit être faite;
n'être pas si importante,
qu'elle doive être redoutée.
Dans laquelle
il doit être pris-soin surtout
à-ce-que les mesures
qui doivent être prises-d'avance
le plus soigneusement,
ne paraissent pas par hasard
devoir être dédaignées par vous.
Et,
pour-que tous comprennent
moi accorder autant d'éloge
à L. Lucullus
qu'il en est dû
à un personnage courageux
et à un homme très-prudent,
je dis, à l'arrivée de lui,
les troupes de Mithridate
avoir été très-grandes (fortes),
équipées et munies
de toutes choses
et la ville des Cyzicéniens,
la plus brillante de l'Asie
et la plus amie de nous,
avoir été assiégée par ce roi lui-méme
avec une très-grande multitude
et attaquée
très-vigoureusement ;
laquelle L. Lucullus, 
par sa valeur, par son activité, par sa prudence,
laquelle il s'agit de défendre, en même temps que la république, la gloire de votre nom, le salut des alliés, vos revenus les plus importants et la fortune d'un grand nombre de citoyens.
VIII. Maintenant que j'ai parlé de la nature de cette guerre, je vais dire quelques mots de son importance ; car on pourrait prétendre qu'elle est assez nécessaire pour que nous la fassions, mais qu'elle n'est pas assez grave pour qua nous la craignions. Or, vous devez surtout prendre garde de considérer comme étant sana intérêt ce qui mérite le plus votre attention.
Et pour que tout le monde comprenne bien que je rends à L. Lucullus toute la justice qui est due à un citoyen courageux, à un homme plein de prudence, à un général éminent, je déclare qu'à son arrivée les troupes de Mithridate étaient parfaitement équipées et munies de tous les objets nécessaires ; que la ville de Cyzique, la plus belle de l'Asie et la plus dévouée à nos intérêts, était assiégée par ce roi lui-même à la tête d'une armée considérable, et que le
siège était poussé très-vivement. Par sa valeur, par son activité, par sa prudence, L Lucullus a délivré cette place d'un danger immi-

34- 35

tate, consilio, summis obsidionis periculis liberavit ; ab eodem imperatore classem magnam et ornatam, quae ducibus Sertorianis ad Italiam studio inflammato raperetur, superatam esse atque depressam; magnas hostium praeterea copias multis proeliis esse deletas, patefactumque nostris legionibus esse Pontum, qui ante populo Romano ex omni aditu clausus esset ; Sinopen atque Amisum, quibus in oppidis erant domicilia regis, omnibus rebus ornata atque referta, ceterasque urbes Ponti et Cappadociae permultas uno aditu atque adventu esse captas ; regem spoliatum regno patrio atque avito ad alios se reges atque ad alias gentes supplicem contulisse : atque haec omnia salvis populi Romani socii atque integris vectigalibus esse gesta. Satis opinor hoc esse laudis, atque ita , Quirites, ut hoc liberavit periculis summis 
obsidionis ; 
classem magnam 
et ornatam, 
quae raperetur 
studio inflammato 
ad Italiam, 
Sertorianis 
ducibus, 
superatam esse 
atque depressam 
ab eodem imperatore ; 
praeterea 
magnas copias hostium 
deletas esse 
multis proeliis, 
Pontumque, 
qui ante clausus esset 
ex omni aditu 
populo Romano, 
patefactum esse 
nostris legionibus ; 
Sinopen atque Amisum, 
in quibus oppidis 
erant domicilia regis, 
ornata atque referta 
omnibus rebus, 
et ceteras urbes permultas
Ponti
et Cappadociae 
captas esse 
uno aditu atque adventu; 
regem spoliatum 
regno patrio atque avito 
contulisse se supplicem
ad alios reges
atque ad alias gentes: 
atque haec omnia
gesta esse
socii populi Romani
salvis 
atque vectigalibus 
integris.
Opinor 
hoc esse satis laudis, 
atque ita, Quirites, 
ut vos intelligatis hoc,
délivra des dangers extrêmes 
du siège ; 
une flotte considérable 
et bien équipée, 
qui était entraînée 
par un zèle ardent 
vers l'Italie, 
les lieutenants de-Sertorius 
étant chefs, 
avoir été vaincue 
et coulée-à-fond 
par ce-même général; 
en outre 
de grandes troupes des ennemis
avoir été détruites 
en beaucoup de combats, 
et le Pont, 
qui auparavant avait été fermé 
par tout abord 
au peuple romain, 
avoir été ouvert 
à nos légions; 
Sinope et Amine, 
dans lesquelles villes 
étaient des palais du roi, 
ornés et remplis 
de toutes sortes de choses (richesses),
et les autres villes très-nombreuses 
du Pont 
et de la Cappadoce 
avoir été prises 
par son seul abord et sa seule arrivée; 
le roi dépouillé 
du royaume de-son-père et de-ses-aïeux
s'être transporté suppliant 
chez d'autres rois 
et chez dautres nations: 
et tout cela 
avoir été fait 
les alliés du peuple romain 
étant saufs
et les impôts 
étant intacts.
Je pense 
cela être assez de louange, 
et de-telle-sorte, Romains, 
que vous compreniez ceci,
nent. Une flotte importante et en fort bon état s'élançait avec une extrême ardeur vers l'Italie, sous la conduite de lieutenants de Sertorius ; ce même Lucullus l'a battue et coulée à fond ; il a taillé en pièces dans plusieurs combats des corps considérables de l'ennemi ; il a ouvert à nos légions le Pont, qui avait été jusque-là, sur tous les points, fermé au peuple romain ; il a pris en se montrant, et par le fait seul de sa présence, Sinope et Amine, où se trouvaient deux palais de Mithridate, remplis de richesses, ainsi que les autres villes du Pont et de la Cappadoce ; le roi, dépouillé du royaume de son père et de ses aïeux, s'est réfugié en suppliant vers d'autres rois et chez d'autres peuples : et tout cela a été fait sans que les alliés du peuple romain eussent à souffrir, sans que nos revenus fussent diminués. Voilà, je crois, assez de gloire et vous reconnaîtrez, Romains

36 - 37

vos intelligatis, a nullo istorum qui huic obtrectant legi atque causae, L. Lucullum similiter ex hoc loco esse laudatum.
IX. Requiretur fortasse nunc quemadmodum, quum haec ita 
sint, reliquum possit esse magnum bellum. Cognoscite, Quirites : non enim hoc sine causa quaeri videtur. Primum ex suo regno sic Mithridates profugit, ut ex eodem Ponto Medea illa quondam profugisse dicitur ; quam praedicant in fuga fratris sui membra in iis locis, qua se parens persequeretur, dissipavisse, ut eorum collectio dispersa maerorque patrius celeritatem persequendi retardaret. Sic Mithridates fugiens maximam vim auri atque argenti pulcherrimarumque rerum omnium, quas et a majoribus acceperat et ipse bello superiore ex tota Asia direptas in suum regnum congesserat, in Ponto omnem reliquit. Haec dum nostri colligunt omnia diligentius, rex ipse e manibus effugit. Ita illum in persequendi studio maeror, hos
 
L. Lucullum 
laudatum esse similiter 
ex hoc loco 
a nullo istorum 
qui obtrectant huic legi 
atque causae.
IX. Requiretur 
nunc fortasse 
quemadmodum, 
quum haec sint ita, 
bellum reliquum 
possit esse magnum. 
cognoscite, Quirites : 
hoc enim non videtur 
quaeri sine causa. 
Primum Mithridates 
profugit ex suo regno 
sicut illa Medea 
dicitur profugisse quondam 
ex eodem Ponto; 
quam praedicant 
dissipavisse in fuga 
membra sui fratris 
in iis locis 
qua parens 
persequeretur se, 
ut collectio eorum 
dispersa 
maerorque patrius 
retardaret 
celeritatem persequendi. 
Sic Mithridates fugiens 
reliquit omnem in Ponto 
maximam vim 
auri atque argenti 
omniumque rerum 
pulcherrimarum, 
quas et acceperat 
a majoribus 
et ipse bello superiore 
congesserat
in suum regnum 
direptas ex tota Asia. 
Dum nostri 
colligunt omnia haec 
diligentius,
rex ipse effugit e manibus.
 
L. Lucullus 
n'avoir été loué semblablement 
de ce lieu (de cette tribune) 
par aucun de ceux 
qui s'opposent à cette loi 
et à cette cause.
IX. Il sera demandé (on demandera)
maintenant peut-être
comment,
quand ces choses sont ainsi,
la guerre qui reste
peut être considérable.
Apprenez-le, Romains
car cela ne semble pas
être demandé sans motif.
D'abord Mithridate
s'est enfui de son royaume
comme cette (la fameuse) Médée
est dite avoir fui jadis
de ce même Pont;
laquelle on raconte
avoir dispersé dans sa fuite
les membres de son frère
dans ces (les) lieux
par où son père
devait poursuivre elle,
afin que le soin-de-recueillir eux
étant partagé
et le chagrin paternel
retardassent
la célérité de poursuivre (de la poursuite).
Ainsi Mithridate fuyant
laissa tout-entière dans le Pont
une très-grande quantité
d'or et d'argent
et de tous les effets
très-beaux,
que et il avait reçus
de ses ancêtres
et lui-même dans la guerre précédente
avait amoncelés
dans son royaume
enlevés-par-pillage de toute l'Asie.
Tandis que les-nôtres
recueillent tous ces biens
avec-trop-de-soin, 
le roi lui-même s'est échappé de leurs mains.
 
qu'aucun de ceux qui attaquent cette loi et la cause que je défends n'a fait, du haut de cette tribune, un pareil éloge de L. Lucullus.IX. On demandera peut-être maintenant comment, s'il en est ainsi, la guerre qui reste à faire offre des dangers. Apprenez-le, Romains ; car la question ne me semble pas dénuée de raison. D'abord Mithridate s'est sauvé de ses États, comme on rapporte qu'autrefois la fameuse Médée s'enfuit de ce même royaume du Pont ; dans sa fuite, dit-on, elle dispersa les membres de son frère sur la route par où son père devait la poursuivre, afin que le soin de ramasser ces lambeaux épars et la douleur paternelle ralentissent la poursuite. Ainsi Mithridate, en fuyant, a laissé dans le Pont une énorme quantité d'or, d'argent et d'objets de grand prix, qu'il avait reçus de ses ancêtres, ou qu'il avait recueillis dans la guerre précédente, en ravageant l'Asie, et qu'il avait réunis dans ses États. Tandis que nos soldats s'emparaient avidement de tout ce butin, le roi leur a échappé. Ainsi le père de Médée fut retardé dans sa fuite par le cha-

38 - 39

laetitia retardavit. Hunc in illo timore et fuga Tigranes rex Armenius excepit, diffidentemque rebus suis confirmavit, et afflictum erexit, perditumque recreavit. Cujus in regnum posteaquam L. Lucullus cum exercitu venit, plures etiam gentes contra imperatorem nostrum concitatae sunt : erat enim metus injectus iis nationibus, quas nunquam populus Romanus neque lacessendas bello neque tentandas putavit. Erat etiam alia gravis atque vehemens opinio, quae per animos gentium barbararum pervaserat, fani locupletissimi et religiosissimi diripiendi causa in eas oras nostrum exercitum esse adductum. Ita nationes multae atque magnae novo quodam terrore ac metu concitabantur. Noster autem exercitus, etsi urbem ex Tigranis regno ceperat et proeliis usus erat secundis, tamen nimia longinquitate locorum ac desiderio suorum commovebatur. Hic jam plura non dicam : fuit enim illud extremum, ut ex iis locis Ita maeror
retardavit illum
in studio persequendi,
laetitia hos.
Tigranes, rex Armenius,
excepit hunc
in illo timore et fuga,
confirmavitque
diffidentem suis rebus,
et erexit afflictum,
recreavitque perditum.
Posteaquam L. Lucullus
venit cum exercitu
in regnum cujus,
plures gentes etiam
concitatae sunt 
contra nostrum imperatorem
metus enim injectus erat
iis nationibus,
quas populus Romanus
nunquam putavit
lacessendas bello
neque tentandas.
Alia opinio
gravis atque vehemens
erat etiam,
quae pervaserat per animos
gentium barbararum,
nostrum exercitum
adductum esse in eas oras
causa diripiendi fani
locupletissimi
et religiosissimi.
Ita nationes
multae atque magnae
concitabantur
quodam terrore
ac metu novo.
Noster autem exercitus,
etsi ceperat urbem
ex regno Tigranis, 
et usus erat proeliis secundis,
tamen commovebatur
longinquitate locorum
ac desiderio suorum.
Hic jam non dicam plura :
illud enim fuit extremum
 
Ainsi le chagrin 
retarda celui-là (le père de Médée) 
dans son ardeur de poursuivre, 
la joie retarda ceux-ci (les Romains).
Tigrane, roi d'Arménie, 
accueillit celui-ci (Mithridate) 
dans cette terreur et cette fuite. 
et rassura 
lui se défiant de sa situation, 
et releva lui abattu, 
et ranima lui accablé. 
Quand L. Lucullus 
vint avec une armée 
dans le royaume de celui-ci (de Tigrane),
plusieurs nations aussi 
furent soulevées 
contre notre général: 
en effet une crainte avait été inspirée 
à ces nations, 
que le peuple romain 
n'a jamais pensé 
devoir être attaquées par la guerre 
ni devoir être inquiétées. 
Une autre opinion 
odieuse et terrible 
était aussi, 
laquelle sétait-répandue dans les esprits 
de ces nations barbares, 
notre armée 
avoir été amenée dans ces contrées 
pour piller un temple 
très-riche 
et très-respecté. 
Ainsi des nations 
nombreuses et considérables 
étaient soulevées 
par une certaine terreur 
et une crainte nouvelle. 
Mais notre armée, 
quoiqu'elle eût pris une ville 
du royaume de Tigrane, 
et qu'elle eût usé de batailles favorables,
cependant était inquiétée 
par l'éloignement des lieux 
et le regret des siens. 
Ici je n'en dirai pas plus : 
car ce fut la fin,
 
grin ; nos soldats l'ont été par la joie. Pendant que Mithridate fuyait épouvanté, Tigrane, roi d'Arménie, lui a offert un asile, l'a rassuré au moment où il désespérait de sa situation, l'a relevé de son abattement, l'a consolé de ses revers. Lorsque Lucullus entra avec une armée dans le royaume de ce prince, plusieurs peuples se soulevèrent contre notre général ; car on avait effrayé les habitants de ces pays, que le peuple romain n'a jamais songé à attaquer ou à inquiéter. On avait, d'ailleurs, répandu chez ces nations barbares un bruit odieux et alarmant : on disait que c'était pour piller un temple très-riche et très-respecté que notre armée arrivait dans ces contrées. Aussi des peuples nombreux et puissants s'agitaient, émus par ce nouveau motif de crainte. D'un autre côté, notre armée, bien qu'elle eût pris une ville dans les États de Tigrane et que la chance des combats lui eût été favorable, trouvait ces pays trop éloignés et regrettait la patrie. Je n'en dirai pas davantage ; mais, à la fin, nos

40 - 41

a militibus nostris reditus magis maturus quam processio longior quaereretur. Mithridates autem et suam manum jam confirmarat, et eorum qui se ex ejus regno collegerant, et magnis auxiliis multorum regum et nationum juvabatur. Hoc jam fere sic fieri solere accepimus, ut regum afflictae fortunae facile multorum opes alliciant ad misericordiam, maximeque eorum qui aut reges sunt aut vivant in regno; quod regale iis nomen magnum et sanctum esse videatur. Itaque tantum victus efficere potuit, quantum incolumis nunquam est ausus optare. Nam, quum se in regnum recepisset suum, non fuit eo contentus, quod ei praeter spem acciderat, ut illam, posteaquam pulsus erat, terram unquam attingeret; sed in exercitum vestrum clarum atque victorem impetum fecit. Sinite hoc loco, Quirites, sicut poetae solent qui res Romanas scribunt,
 
ut reditus maturus 
ex iis locis 
quaereretur 
a nostris militibus 
magis quam processio longior. 
Mithridates autem 
et confirmarat jam
suam manum, 
et juvabatur copiis 
eorum qui se collegerant 
ex regno ejus 
et magnis auxiliis 
multorum regum 
et nationum. 
Accepimus hoc jam solere 
fieri fere sic, 
ut fortunae regum 
afflictae 
alliciant facile 
opes multorum 
ad misericordiam 
maximeque eorum 
qui aut sunt reges, 
aut vivant in regno ; 
quod nomen regale 
videatur iis 
esse magnum et sanctum. 
Itaque victus 
potuit efficere tantum 
quantum incolumis 
nunquam ausus est optare. 
Nam, quum se recepisset 
in suum regnum, 
non fuit contentus 
eo quod acciderat ei 
praeter spem 
ut attingeret unquam 
illam terram,
posteaquam pulsus erat 
sed fecit impetum 
in vestrum exercitum 
clarum atque victorem 
Sinite, Quirites, 
hoc loco, 
sicut solent poetae 
qui scribunt res Romanas, 
me praeterire
 
qu'un retour prompt
de ces pays
était cherché
par nos soldats
plutôt qu'un progrès plus lointain.
Mais Mithridate
d'un-côté avait déjà rassuré
son armée,
et était secouru (par les troupes)
de ceux qui s'étaient réunis
de son royaume
et par de grandes troupes-auxiliaires
de beaucoup de rois
et de beaucoup de nations.
Nous avons appris cela déjà avoir-coutume
de se passer presque-toujours ainsi ,
que la fortune des rois
étant abattue
attire facilement
les forces de beaucoup
à la pitié,
et surtout les forces de ceux
qui ou bien sont rois,
ou bien vivent dans un royaume;
parce que le nom de-roi
semble à eux 
être grand et sacré. 
C'est-pourquoi vaincu 
il a pu faire autant 
qu'étant sain-et-sauf 
jamais il n'a osé souhaiter. 
Car, lorsqu'il se fut retiré 
dans son royaume, 
il ne fut pas content 
de ce qui était arrivé à lui 
contre son espérance, 
à savoir qu'il touchât jamais 
cette terre, 
après qu'il en avait été chassé; 
mais il fit une attaque 
contre votre armée 
brillante et triomphante. 
Permettez, Romains, 
en cet endroit, 
comme ont-coutume de faire les poëtes 
qui écrivent les faits (l'histoire) de-Rome,
moi passer-sous-silence
 
soldats cherchaient plutôt les moyens de revenir bien vite que de pousser plus loin leurs conquêtes. Quant à Mithridate, il avait rassuré les siens, et aux troupes nouvelles qu'il tirait de ses États il joignait les troupes auxiliaires que lui envoyaient plusieurs rois et plusieurs peuples. Nous savons, en effet, que les désastres qu'éprouvent des rois excitent généralement la sympathie des autres rois, ou des peuples qui obéissent à des rois, parce que ce nom leur semble grand et respectable. Aussi Mithridate a-t-il pu faire, quoique vaincu, ce qu'il n'avait pas osé faire avant de l'être ; rentré dans son royaume, il ne s'est point contenté d'avoir, contre toute espérance, revu les lieux d'où il avait été chassé, mais il s'est jeté sur votre armée victorieuse et triomphante. Ici, Romains, permettez-moi, comme le font les poëtes qui chantent les exploits de Rome, de passer sous silence notre dé-

42 - 43

praeterire me nostram calamitatem ; quae tanta fuit, ut eam ad aures L. Luculli non ex proelio nuntius, sed ex sermone rumor afferret. Hic, in ipso illo malo gravissimaque belli offensione, L. Lucullus, qui tamen aliqua ex parte iis incommodis mederi fortasse potuisset, vestro jussu coactus, quod imperii diuturnitati modum statuendum veteri exemplo putavistis, partem militum, qui jam stipendiis confectis erant, dimisit, partem Glabrioni tradidit. Multa praetereo consulto, sed ea vos conjectura perspicitis ; quantum illud bellum factum putetis, quod conjungant reges potentissimi, renouent agitatae nationes, suscipiant integrae gentes, novus imperator vester accipiat, vetere pulso exercitu.
X. Satis mihi multa verba fecisse videor, quare hoc bellum esset genere ipso necessarium, magnitudine periculosum. Restat ut de imperatore ad id bellum deligendo ac tantis rebus praeficiendo dicendum esse videatur.
nostram calamitatem; 
quae fuit tanta, 
ut non nuntius ex proelio, 
sed rumor ex sermone
afferret eam
ad aures L. Luculli. 
Hic in illo malo ipso 
et offensione gravissima 
belli, 
L. Lucullus, 
qui tamen 
potuisset fortasse 
mederi iis incommodis 
ex aliqua parte, 
coactus vestro jussu 
quod putavistis 
veteri exemplo 
modum statuendum 
diuturnitati imperii, 
dimisit partem militum, 
qui jam 
erant stipendiis confectis, 
tradidit partem Glabrioni. 
Praetereo multa consulto, 
sed vos perspicitis 
ea conjectura 
quantum putetis
illud bellum factum, 
quod reges potentissimi 
conjungant, 
nationes agitatae renouent, 
gentes integrae suscipiant, 
vester novus imperator 
accipiat, 
vetere exercitu pulso. 
X. Videor mihi 
fecisse verba satis multa, 
quare hoc bellum 
esset necessarium 
genere ipso, 
periculosum magnitudine. 
Restat 
ut videatur dicendum esse
de imperatore 
deligendo ad id bellum 
ac praeficiendo 
tantis rebus.
notre désastre; 
lequel fut si-grand, 
que non pas un messager du combat, 
mais la rumeur par la voix publique
apporta ce désastre 
aux oreilles de L. Lucullus. 
Alors au-moment-de ce mal même 
et de l'échec le plus grave 
de la guerre, 
L. Lucullus, 
qui pourtant 
aurait pu peut-être 
remédier à ces malheurs 
par quelque côté, 
forcé par votre ordre, 
parce que vous pensâtes
d'après l'antique exemple -
une borne devoir être mise
à la durée du commandement
congédia une partie de ses soldats,
qui déjà                          [fini leur temps),
étaient leur service étant achevé (avaient
et en livra une partie à Glabrion.
Je passe beaucoup de faits à-dessein,
mais vous voyez-clairement
par cette réflexion
combien-grande vous pensez
cette guerre être devenue,
que deux rois très-puissants
réunissent (font de concert),
que des nations agitées recommencent,
que des peuples nouveaux entreprennent,
que votre nouveau général
reçoit (se voit confier),
l'ancienne armée ayant été battue.
X. Je parais à moi-même (il me semble)
avoir dit des paroles assez nombreuses
pour démontrer pourquoi cette guerre 
est nécessaire 
par sa nature même, 
dangereuse par son importance. 
Il reste 
qu'il paraisse devoir être parlé 
du général 
devant être choisi pour cette guerre 
et devant être mis-à-la-tête 
de si-grandes opérations.
 
sastre ; il a été tel que ce n'est point un messager échappé de la bataille, mais la voix publique qui l'a appris à L. Lucullus. Au moment même de cet affreux événement et du plus épouvantable échec, L. Lucullus, qui peut-être eût été capable de remédier à de si grands malheurs, fut rappelé par vous, parce qu'à l'exemple de nos pères vous crûtes devoir mettre un terme à la durée de son commandement ; il se vit donc forcé de congédier une partie de ses soldats, qui avaient fait leur temps de service, et laissa l'autre partie à Glabrion. Je supprime à dessein bien des faits ; mais vous voyez sans peine combien est devenue grave une guerre où deux rois très-puissants unissent leurs forces, où des nations soulevées recommencent la lutte, où des peuples qui n'ont point encore combattu courent aux armes, enfin où un nouveau général va prendre la conduite de l'ancienne armée après le revers qu'elle a essuyé.
X. Je crois avoir suffisamment démontré pourquoi cette guerre est nécessaire par sa nature, pourquoi elle est dangereuse par son importance. Il me reste à parler du général qu'il faut choisir pour la diriger, du chef que vous devez mettre à la tête d'une telle expédition.

44 - 45

Utinam, Quirites, virorum fortium atque innocentium copiam tantam haberetis, ut haec vobis deliberatio difficilis esset, quemnam potissimum tantis rebus ac tanto bello praeficiendum putaretis ! Nunc vero quum sit unus Cn. Pompeius qui non modo eorum hominum, qui nunc sunt, gloriam, sed etiam antiquitatis memoriam virtute superarit, quae res est quae cujusquam animum in hac causa dubium facere possit ? Ego enim sic existimo, in summo imperatore quatuor has res inesse oportere : scientiam rei militaris, virtutem, auctoritatem, felicitatem. Quis igitur hoc homine scientior unquam aut fuit, aut esse debuit, qui, e ludo atque pueritiae disciplina, bello maximo atque acerrimis hostibus, ad patris exercitum atque in militiae disciplinam profectus est ; qui extrema pueritia miles fuit summi imperatoris, ineunte adolescentia maximi ipse exercitus imperator ; qui saepius cum hoste conflixit quam Utinam, Quirites, 
haberetis tantam copiam 
virorum fortium 
atque innocentium, 
ut haec deliberatio 
esset difficilis vobis, 
quemnam potissimum 
putaretis praeficiendum 
tantis rebus 
ac tanto bello ! 
Nunc vero 
quum Cn. Pompeius 
sit unus 
qui superarit virtute 
non modo gloriam 
eorum hominum 
qui sunt nunc, 
sed etiam 
memoriam antiquitatis, 
quae est res 
quae possit facere dubium 
animum cujusquam 
in hac causa? 
Ego enim existimo sic, 
oportere has quatuor res
inesse in summo imperatore
scientiam rei militaris, 
virtutem, auctoritatem, 
felicitatem.
Quis igitur aut fuit unquam 
aut debuit esse scientior
hoc homine?
qui e ludo
et disciplina pueritiae
profectus est
ad exercitum patris
atque in disciplinam
militiae,
bello maximo
atque hostibus acerrimis
qui, extrema pueritia,
fuit miles
summi imperatoris ;
adolescentia ineunte,
ipse imperator
maximi exercitus;
qui conflixit cum hoste
 
Plût-aux-dieux, Romains, 
que vous eussiez une telle quantité
d'hommes courageux 
et intègres, 
que cette délibération 
fût difficile pour vous, 
savoir lequel de-préférence 
vous penseriez devoir être mis-à-la-tête
de si-grandes opérations 
et d'une si-grande guerre! 
Mais maintenant 
comme Cn. Pompée 
est le seul 
qui ait surpassé par son mérite
non-seulement la gloire 
de ces hommes 
qui existent maintenant, 
mais encore 
la mémoire de l'antiquité, 
quel est le motif 
qui puisse rendre hésitant 
l'esprit de qui-que-ce-soit 
dans cette affaire? 
Car moi je pense ainsi, 
falloir (qu'il faut) ces quatre qualités
être-dans un grand général: 
la connaissance de l'art militaire, 
la valeur, l'autorité, 
le bonheur. 
Qui donc ou fut jamais 
ou dut être plus savant 
que cet homme? 
qui au-sortir-de l'école 
et de l'éducation de l'enfance 
partit 
pour l'armée de son père 
et pour l'apprentissage 
du service-militaire, 
la guerre étant très-grande
et les ennemis très-rudes ;
qui, à-la-fin-de son enfance,
a été soldat
du plus grand général;
qui, sa jeunesse commençant,
a été lui-même général
d'une très-grande armée ;
qui a combattu avec l'ennemi-de-l'Etat:
Plût aux dieux, Romains, que vous eussiez un assez grand nombre d'hommes courageux et intègres, pour qu'il vous fût difficile de choisir celui qu'il faudrait charger d'une guerre si considérable ! Mais, comme il n'y a aujourd'hui que Cn. Pompée dont la gloire efface non-seulement celle des hommes de notre époque, mais même celle de tous les héros de l'antiquité, quels pourraient être, en cette circonstance, les motifs de votre incertitude ? Pour ma part, j'estime qu'un grand général doit avoir quatre qualités : la connaissance de l'art militaire, le courage, la réputation et le bonheur. Or, qui fut jamais, qui dut jamais être plus habile qu'un homme qui, à peine sorti de l'enfance et des premiers exercices, partit pour l'armée que commandait son père, et fit son apprentissage du métier des armes dans une guerre terrible et contre les ennemis les plus redoutables ; qui, encore enfant, fut soldat sous un général consommé, et se vit, au début de l'adolescence, général d'une armée considérable ; qui a livré plus de batailles aux ennemis de son pays que d'autres n'ont eu de

46 - 47

quisquam cum inimico concertavit, plura bella gessit quam ceteri legerunt, plures provincias confecit quam alii concupiverunt; cujus adolescentia ad scientiam rei militaris non alienis praeceptis, sed suis imperiis, non offensionibus belli, sed victoriis, non stipendiis, sed triumphis est erudita ? Quod denique genus belli esse potest, in quo illum non exercuerit fortuna reipublicae ? Civile, Africanum, Transalpinum, Hispaniense, mixtum ex civitatibus atque ex bellicosissimis nationibus, servile, navale bellum, varia et diversa genera et bellorum et hostium, non solum gesta ab hoc uno, sed etiam confecta, nullam rem esse declarant in usu militari positam, quae hujus viri scientiam fugere possit. 
XI. Jam vero virtuti Cn. Pompeii quae potest par oratio inveniri ? Quid est quod quisquam aut illo dignum, aut vobis novum, aut cuiquam inauditum possit afferre ? Neque enim illae sunt solae virtutes imperatoriae, quae vulgo existimantur,
saepius quam quisquam 
concertavit 
cum inimico, 
gessit plura bella 
quam ceteri legerunt, 
confecit plures provincias 
quam alii concupiverunt; 
cujus adolescentia 
erudita est 
ad scientiam rei militaris 
non praeceptis alienis, 
sed suis imperiis, 
non offensionibus belli, 
sed victoriis, 
non stipendiis,
sed triumphis ?
Denique quod genus belli 
potest esse, 
in quo fortuna reipublicae
non exercuerit illum? 
Bellum civile, Africanum, 
Transalpinum, 
Hispaniense, 
mixtum ex civitatibus 
et nationibus 
bellicosissimis, 
servile, navale, 
genera varia et diversa 
et bellorum et hostium, 
non solum gesta 
ab hoc uno, 
sed etiam confecta, 
declarant 
nullam rem esse, 
positam in usu militari, 
quae possit fugere 
scientiam hujus viri. 
XI. Jam vero 
quae oratio potest inveniri
par virtuti Cn. Pompeii ?
Quid et quod quisquam
possit afferre
aut dignum illo,
aut novum vobis
aut inauditum cuiquam ?
Illae enim virtutes
imperatoriae,
 
plus souvent que qui-que-ce-soit 
ne s'est disputé 
avec un ennemi-particulier, 
qui a fait plus-de guerres 
que tous-les-autres n'en ont lu,
qui a achevé plus-de provinces 
que d'autres n'en ont souhaité ;
dont l'adolescence 
a été formée 
à la connaissance de l'art militaire 
non par les leçons d'autrui, 
mais par ses propres commandements,
non par des échecs de guerre, 
mais par des victoires. 
non par des années-de-service
mais par des triomphes ? 
Enfin quel genre de guerre 
peut être, 
dans lequel la fortune de la république 
n'ait pas exercé lui? 
La guerre civile, la guerre d'-Afrique,
la guerre transalpine, 
la guerre d'-Espagne, 
mêlée de (formée par la ligue de) villes
et de nations 
très-belliqueuses, 
la guerre des-esclaves, la guerre navale,
des espèces variées et diverses
et de guerres et d'ennemis,
non-seulement conduites
par celui-ci seul,
mais aussi achevées par lui,
prouvent
aucune chose n'être,                 [militaire,
(placée dans) dépendant de l'expérience
qui puisse échapper
à la science de cet homme.
XI. Mais d'ailleurs 
quel langage peut être trouvé 
égal au mérite de Cn. Pompée? 
Qu'y a-t-il que qui-que-ce-soit
puisse apporter (dire) 
ou digne de lui, 
ou nouveau pour vous, 
ou inconnu à quelqu'un? 
En effet ces vertus 
d'un-général,
luttes à soutenir contre des ennemis particuliers ; qui a fait plus de guerres que les autres n'en ont lu ; qui a ajouté à l'empire plus de provinces que les autres n'ont souhaité d'en gouverner ; dont la jeunesse a été formée dans l'art militaire, non par les leçons d'autrui, mais par l'expérience du commandement, non par des échecs, mais par des victoires, non par des années de service, mais par des triomphes ? Est-il un seul genre de guerre où la fortune de la république n'ait exercé ses talents ? Guerre civile, guerre d'Afrique, guerre au delà des Alpes, guerre d'Espagne, guerre contre les États et les peuples les plus belliqueux ligués ensemble, guerre contre les esclaves, guerre maritime ; tant d'expéditions contre tant d'ennemis, non-seulement dirigées, mais achevées par lui seul, prouvent assez qu'il n'est point d'opération militaire qui soi au-dessus de son talent.
XI. Quels éloges pourraient égaler la valeur de Cn. Pompée ? Que pourrait-on vous dire qui fût digne de lui, ou nouveau pour vous, ou inconnu à personne ? Les qualités d'un général ne sont pas seule-

48 - 49

labor in negotio, fortitudo in periculis, industria in agendo, celeritas in conficiendo, consilium in providendo : quae tanta sunt in hoc uno, quanta in omnibus reliquis imperatoribus, quos aut vidimus aut audivimus, non fuerunt. Testis est Italia, quam ille ipse victor L. Sylla hujus virtute et subsidio confessus est liberatam ; testis est Sicilia, quam multis undique cinctam periculis, non terrore belli , sed celeritate consilii explicavit ; testis est Africa, quae, magnis oppressa hostium copiis, eorum ipsorum sanguine redundavit ; testis est Gallia, per quam legionibus nostris in Hispaniam iter Gallorum internecione patefactum est ; testis est Hispania, quae saepissime plurimos hostes ab hoc superatos prostratosque conspexit ; testis est iterum et saepius Italia, quae, quum servili bello tetro periculosoque premeretur, ab hoc auxilium absente quae vulgo existimantur. 
non sunt solae, 
labor in negotio, 
fortitudo in periculis, 
industria in agendo, 
celeritas in conficiendo, 
consilium in providendo, 
quae sunt in hoc uno 
tanta quanta non fuerunt 
in omnibus reliquis imperatoribus
quos aut vidimus
aut audivimus. 
Italia est testis, 
quam ille victor ipse, 
L. Sylla, 
confessus est 
liberatam virtute 
et subsidio hujus ; 
Sicilia est testis, 
quam explicavit, 
non terrore belli, 
sed celeritate consilii, 
cinctam undique 
multis periculis; 
Africa est testis, 
quae, oppressa 
magnis copiis hostium, 
redundavit sanguine 
eorum ipsorum ; 
Gallia est testis, 
per quam 
iter in Hispaniam 
patefactum est 
nostris legionibus 
internecione Gallorum 
Hispania est testis, 
quae conspexit saepissime 
plurimos hostes 
superatos prostratosque 
ab hoc; 
Italia est testis 
iterum et saepius, 
quae quum premeretur 
bello servili 
tetro periculosoque, 
petivit auxilium 
ab hoc absente
qui vulgairement sont crues être les seules,
ne sont pas les seules, 
le courage dans le travail,
la valeur dans les périls, 
l'activité en opérant, 
la promptitude en achevant,
la prudence en prévoyant, 
lesquelles sont en celui-ci seul
aussi-grandes quelles n'ont point été
dans tous les autres généraux, 
que ou nous avons vus 
ou nous avons entendu citer
L'Italie en est témoin,
laquelle ce vainqueur lui-même,
L. Sylla, 
a reconnue 
avoir été délivrée par le talent
et le secours de celui-ci; 
la Sicile en est témoin, 
laquelle il a débarrassée (délivrée)
non par la terreur de la guerre, 
mais par la rapidité de la résolution,
entourée de toutes parts
de beaucoup-de périls ; 
l'Afrique en est témoin,
laquelle, accablée 
par de grandes troupes d'ennemis,
a regorgé du sang 
de ces ennemis mêmes;
la Gaule en est témoin, 
à travers laquelle
un chemin vers l 'Espagne 
a été ouvert 
à nos légions
par le massacre des Gaulois, 
l'Espagne en est témoin,
laquelle a vu très-souvent 
de très-nombreux ennemis 
vaincus et terrassés 
par celui-ci ; 
l'Italie en est témoin 
une-seconde-fois et plus souvent encore,
laquelle, comme elle était accablée
par une guerre d'-esclaves 
odieuse et dangereuse, 
demanda secours 
à celui-ci absent
ment, comme on le croit d'ordinaire, la constance au milieu des fatigues, le courage dans les dangers, l'activité dans les opérations, la promptitude dans l'exécution, la prévoyance dans les mesures à prendre ; ces qualités, Pompée les possède à un plus haut degré qu'aucun des généraux que nous avons vus à l'oeuvre ou dont nous avons entendu parler. Témoin l'Italie, qui, de l'aveu de Sylla lui-même après sa victoire, a dû son salut à la valeur et au secours de Pompée ; témoin la Sicile, qui, menacée de toutes parts, s'est vu délivrer non par la terreur de ses armes, mais par la rapidité de ses opérations ; témoin l'Afrique, qui, opprimée par des ennemis nombreux, a vu leur sang inonder son sol ; témoin la Gaule, à travers laquelle nos légions se sont ouvert un chemin vers l'Espagne en exterminant les Gaulois ; témoin l'Espagne, qui a vu tant de fois d'innombrables ennemis vaincus et écrasés par lui ; témoin une seconde fois et d'autres encore l'Italie, qui, menacée d'une guerre d'esclaves, guerre odieuse et redoutable, a demandé du secours à Pompée absent,

50 - 51

expetivit (quod bellum exspectatione Pompeii attenuatum atque imminutum est, adventu sublatum ac sepultum) ; testes vero jam omnes orae atque omnes exterae gentes ac nationes ; denique maria omnia, tum universa, tum in singulis omnes sinus atque portus. Quis enim toto mari locus per hos annos aut tam firmum habuit praesidium ut tutus esset, aut tam fuit abditus ut lateret ? Quis navigavit, qui non se aut mortis aut servitutis periculo committeret, quum aut hieme aut referto praedonum mari navigaret ? Hoc tantum bellum, tam turpe, tam vetus, tam late divisum atque dispersum, quia unquam arbitraretur aut ab omnibus imperatoribus uno anno, aut omnibus annis ab uno imperatore, confici posse ? Quam provinciam tenuistis a praedonibus liberam per hosce annos ? Quod vectigal vobis tutum fuit ? Quem socium defendistis ? Cui praesidio classibus vestris fuistis ? Quam multas existimatis insu- (quod bellum
attenuatum est
atque imminutum
exspectatione Pompeii,
sublatum ac sepultum
adventu);
jam vero omnes orae
atque omnes gentes
ac nationes exterae
testes ;
denique omnia maria,
tum universa,
tum in singulis
omnes sinus atque portus.
Quis enim locus
mari toto,
per hos annos,
aut habuit praesidium
tam firmum ut esset tutus,
aut fuit tam abditus
ut lateret?
Quis navigavit,
qui non committeret se
periculo
aut mortis aut servitutis,
quum navigaret
aut hieme, aut mari
referto praedonum?
Quia unquam arbitraretur
hoc bellum tantum,
tam turpe, tam vetus,
divisum atque dispersum
tam late,
posse confici
aut ab omnibus imperatoribus
uno anno, 
aut omnibus annis
ab uno imperatore?
Quam provinciam
tenuistis liberam
a praedonibus
per hosce annos?
Quod vectigal
fuit tutum vobis?
Quem socium defendistis?
Cui fuistis praesidio
vestris classibus?
(laquelle guerre 
fut affaiblie 
et diminuée 
par l'attente de Pompée, 
et fut enlevée et ensevelie (éteinte) 
par son arrivée); 
mais de plus toutes les contrées 
et tous les peuples 
et toutes les nations étrangères 
en sont témoins; 
enfin toutes les mers, 
tant dans-leur-ensemble, 
que dans chacune 
tous les golfes et les ports. 
En effet quel lieu 
sur la mer tout-entière, 
pendant ces dernières années, 
ou eut une défense 
assez forte pour qu'il fût sûr, 
ou fut assez éloigné 
pour qu'il fût ignoré ? 
Qui a navigué, 
qui ne livrât lui-même 
au danger 
ou de la mort ou de la servitude, 
quand il naviguait 
ou par la tempête, ou sur une mer 
remplie de pirates? 
Qui jamais eût pensé 
cette guerre si-grande, 
si honteuse, si ancienne, 
divisée et répandue 
si au loin, 
pouvoir être achevée 
ou par tous les généraux 
en une seule année, 
ou en toutes les années 
par un seul général? 
Quelle province 
avez-vous conservée libre 
des pirates 
pendant ces dernières années? 
Quel impôt 
a été assuré pour vous? 
Quel allié avez-vous défendu ? 
A qui avez-vous été à secours 
par vos flottes?
et qui a vu cette guerre, déjà diminuée et amoindrie par l'attente de ce général, achevée et éteinte par son arrivée ; témoin tous les pays du monde, tous les peuples, toutes les nations étrangères, enfin l'Océan entier, les golfes et les ports de toutes les mers. Y a-t-il eu, en effet, sur la surface des mers, dans ces dernières années, un seul lieu qui ait été assez bien défendu pour être en sûreté, ou assez éloigné pour être à l'abri ? Quel homme s'est embarqué sans s'exposer à la mort ou à l'esclavage, quand il avait à craindre ou la tempête ou les pirates qui couvraient les mers ? Cette guerre si grave, si honteuse, si ancienne déjà, qui se divisait et s'étendait si loin, qui eût jamais pensé qu'elle pût être mise à fin par tous nos généraux en une seule année, ou par un seul général au bout de longues années ? Quelle province avez-vous protégée, dans ces derniers temps, contre les attaques des corsaires ? Sur quel revenu avez-vous pu compter ? Quel peuple allié avez-vous défendu ? A qui vos flottes ont-elles porté

52 -  53

las esse desertas ?  Quam multas aut metu relictas, aut a praedonibus captas urbes esse sociorum?
XII. Sed quid ego longinqua commemoro? Fuit hoc quondam, fuit proprium populi Romani longe a domo bellare et propugnaculis imperii sociorum fortunas, non sua tecta defendere. Sociis ego vestris mare clausum per hosce annos dicam fuisse, quum exercitus nostri Brundisio nunquam nisi summa hieme transmiserint ? Qui ad vos ab exteris nationibus venirent, captos querar, quum legati populi Romani redempti sint ? Mercatoribus tutum mare non fuisse dicam, quum duodecim secures in praedonum potestatem pervenerint ? Cnidum, aut Colophonem, aut Samum, nobilissimas urbes, innumerabilesque alias, captas esse commemorem, quum vestros portus, atque eos portus, quibus vitam et spiritum ducitis, in praedo-.
Quam multas existimatis 
insulas desertas esse? 
Quam multas 
urbes sociorum
aut relictas esse metu
aut captas a praedonibus? 
XII. Sed quid ego 
commemoro longinqua? 
Hoc fuit quondam, 
fuit proprium 
populi Romani 
bellare longe a domo, 
et defendere 
propugnaculis imperii 
fortunas sociorum, 
non sua tecta. 
Ego dicam 
mare clausum fuisse 
per hosce annos 
vestris sociis, 
quum nostri exercitus 
nunquam transmiserint 
a Brundisio, 
nisi summa hieme? 
Querar 
qui venirent ad vos 
ab nationibus exteris 
captos, 
quum legati populi Romani 
redempti sint? 
Dicam 
mare non fuisse tutum 
mercatoribus, 
quum duodecim secures 
pervenerint 
in potestatem praedonum? 
Commemorem Cnidum, 
aut Colophonem, 
aut Samum, 
urbes nobilissimas, 
aliasque innumerabiles 
captas esse, 
quum sciatis 
vestros portus, 
et eos portus, 
quibus ducitis 
vitam et spiritum,
Combien nombreuses pensez-vous 
des îles avoir été abandonnées? 
Combien nombreuses 
des villes de nos alliés 
ou avoir été désertées par crainte 
ou avoir été prises par les pirates?
XII. Mais pourquoi moi 
rappelé-je des faits lointains? 
Ce fut jadis, 
ce fut le propre 
du peuple romain 
de faire-la-guerre loin de la patrie, 
et de protéger 
par les remparts de l'empire 
la fortune de ses alliés, 
non ses propres demeures. 
Moi dirai-je 
la mer avoir été fermée 
pendant ces dernières années 
à vos alliés, 
quand nos armées 
jamais n'ont fait-la-traversée 
de Brindes, 
si-ce-n'est au-fort-de l'hiver? 
Me plaindrai-je 
ceux qui venaient vers vous 
des nations étrangères 
avoir été pris, 
quand des députés du peuple romain 
ont été rachetés? 
Dirai-je 
la mer n'avoir pas été sûre 
pour les marchands, 
quand douze haches (faisceaux) 
sont arrivés (tombés) 
au pouvoir des pirates? 
Rappellerai-je Cnide, 
ou Colophon, 
ou Samos, 
villes très-célèbres, 
et d'autres innombrables 
avoir été prises, 
quand vous savez 
vos ports, 
et ces ports, 
desquels vous tirez 
la vie et le souffle (la subsistance),
secours ? Combien pensez-vous qu'il y ait eu d'îles abandonnées ? Combien de villes alliées désertées par crainte des pirates, ou prises par eux ?
XII. Mais à quoi bon vous parler de faits qui se sont passés loin de nous ? Ce fut jadis, ce fut la gloire du peuple romain de faire la guerre loin de Rome et de protéger de ses armes, non ses propres foyers, mais ceux de ses alliés. Vous dirai-je que, pendant ces dernières années, la mer fut fermée à vos alliés, quand nos armées ne partaient elles-mêmes de Brindes qu'en plein hiver ? Me plaindrai-je que des ambassadeurs de nations étrangères aient été pris en venant vers vous, quand ceux du peuple romain ont dû être rachetés ? Dirai-je que la mer n'était point sûre pour les marchands, quand douze faisceaux sont tombés entre les mains des pirates ? Rappellerai-je que Cnide, que Colophon, que Samos, cités fameuses, que tant d'autres villes encore ont reçu leur joug, quand vous savez que vos ports, et des ports d'où vous tirez la subsistance et la vie, l'ont subi égale-

54 -  55

num fuisse potestate sciatis? An vero ignoratis portum Caietae, celeberrimum atque plenissimum navium, inspectante praetore, a praedonibus esse direptum ; ex Miseno autem ejus ipsius liberos, qui cum praedonibus antea ibi bellum gesserat, a praedonibus esse sublatos ? Nam quid ego Ostiense incommodum, atque illam labem atque ignominiam reipublicae querar, quum, prope inspectantibus vobis, classis ea, cui consul populi Romani praepositus esset, a praedonibus capta atque oppressa est ? Proh dii immortales ! tantamne unius hominis incredibilis ac divina virtus tam brevi tempore lucem afferre reipublicae potuit, ut vos, qui modo ante ostium Tiberinum classem hostium videbatis, ii nunc nullam intra Oceani ostium praedonum navem esse audiatis ?
Atque haec qua celeritate gesta sint quanquam videtis, tamen a me in dicendo praetereunda non sunt. Quis enim un-
fuisse in potestate 
praedonum ? 
An vero ignoratis 
portum Caietae, 
celeberrimum 
atque plenissimum navium, 
direptum esse 
a praedonibus, 
praetore inspectante; 
liberos autem ejus ipsius, 
qui antea 
gesserat bellum ibi 
cum praedonibus 
sublatos esse ex Miseno 
a praedonibus? 
Nam quid ego querar 
incommodum Ostiense 
atque illam labem 
atque ignominiam 
reipublicae, 
quum, 
vobis prope inspectantibus, 
ea classis, 
cui consul populi Romani 
praepositus esset, 
capta est atque oppressa 
a praedonibus? 
Proh dii immortales! 
virtusne incredibilis 
ac divina 
unius hominis 
potuit tempore tam brevi 
afferre tantam lucem 
reipublicae 
ut vos, 
qui modo videbatis 
classem hostium 
ante ostium Tiberinum, 
ii nunc audiatis 
nullam navem praedonum 
esse intra ostium 
Oceani?
Atque quanquam videtis 
qua celeritate 
haec gesta sint, 
tamen non sunt
praetereunda a me
avoir été au pouvoir 
des pirates? 
Mais ignorez-vous 
le port de Caiète 
très-fréquenté 
et très-plein de navires, 
avoir été pillé 
par les pirates, 
un préteur le voyant ; 
de plus les enfants de celui-là même, 
qui auparavant 
avait fait la guerre là 
avec (contre) les pirates 
avoir été enlevés de Misène 
par les pirates? 
Car pourquoi me plaindrais-je 
des malheurs d'-Ostie, 
et de cette tache 
et de cette ignominie 
de la république, 
quand, 
vous presque le voyant, 
cette flotte 
à laquelle un consul du peuple romain 
avait été donné-pour-chef, 
a été prise et coulée-à-fond 
par les pirates? 
O dieux immortels! 
la valeur incroyable 
et divine 
d'un-seul homme 
a-t-elle pu en un temps si court 
apporter un si grand éclat 
à la république 
que vous, 
qui naguère voyiez 
la flotte des ennemis 
devant l'embouchure du-Tibre, 
ceux-ci ( vous-mêmes ) maintenant vous aucun vaisseau des pirates [entendiez dire n'être en deçà de l'embouchure 
de l'Océan?
Et quoique vous voyiez 
avec quelle rapidité 
ces exploits ont été accomplis, 
cependant ils ne sont pas 
devant être omis par moi
ment ? Ignorez-vous que le port de Caiète, si fréquenté, si rempli de navires, a été pillé par eux, sous les yeux d'un préteur ; qu'à Misène les enfants de celui-là même qui leur avait fait la guerre précédemment ont été enlevés ? Pourquoi pleurer sur le désastre d'Ostie, sur cette tache, sur cette honte imprimée au nom romain, quand, presque sous vos yeux, une flotte commandée par un consul romain fut prise et coulée à fond par ces brigands ? Dieux immortels ! se peut-il que la valeur incroyable et divine d'un seul homme ait su, en si peu de temps, jeter un tel éclat sur la république, que vous, qui naguère voyiez la flotte ennemie à l'embouchure du Tibre, vous n'entendiez plus dire maintenant qu'un seul vaisseau de pirate se soit montré sur l'Océan ?
Bien que vous sachiez avec quelle rapidité tous ces exploits ont été accomplis, cependant je ne puis me dispenser d'en parler. Est-il un
 

56 -  57

quam aut obeundi negotii, aut consequendi quaestus studio, tam brevi tempore tot loca adire, tantos cursus conficere potuit, quam celeriter, Cn. Pompeio duce, belli impetus navigavit ? qui, nondum tempestivo ad navigandum mari, Siciliam adiit, Africam exploravit, inde Sardiniam cum classe venit, atque haec tria frumentaria subsidia reipublicae firmissimis praesidiis classibusque munivit. Inde se quum in Italiam recepisset, duabus Hispaniis et Gallia Cisalpine praesidiis ac navibus confirmata, missis item in oram Illyrici maris et in Achaiam omnemque Graeciam navibus, Italiae duo maria maximis classibus firmissimisque praesidiis adornavit : ipse autem, ut a Brundisio profectus est, undequinquagesimo die totam ad imperium populi Romani Ciliciam adjunxit; omnes qui ubique praedones fuerunt, partim capti interfectique sunt, partim unius hujus imperio ac potestati se dediderunt. Idem
 
in dicendo
Quis enim unquam 
studio aut obeundi negotii , 
aut consequendi quaestus, 
potuit adire tot loca, 
conficere tantos cursus, 
tempore tam brevi, 
quam impetus belli 
navigavit celeriter, 
Cn. Pompeio duce? 
qui,
mari nondum tempestivo 
ad navigandum, 
adiit Siciliam,
exploravit Africam, 
venit inde Sardiniam 
cum classe, 
atque munivit praesidiis 
et classibus firmissimis 
haec tria subsidia frumentaria
reipublicae. 
Inde, 
quum se recepisset 
in Italiam, 
duabus Hispaniis 
et Gallia Cisalpina 
confirmata praesidiis 
ac navibus, 
navibus missis item 
in oram maris Illyrici! 
et in Achaiam 
omnemque Graeciam, 
adornavit duo maria Italiae 
classibus 
praesidiisque firmissimis ; 
Ipse autem, 
ut profectus est 
a Brundisio, 
undequinquagesimo die, 
adjunxit Ciliciam totam 
ad imperium 
populi Romani; 
omnes praedones, 
qui fuerunt ubique, 
partim capti sunt 
interfectique 
partim se dediderunt


 
en parlant (dans mon discours).
En effet, qui jamais
par désir ou de remplir une fonction
ou d'obtenir du gain,
a pu aborder tant de lieux,
achever de si-grandes courses,
en un temps aussi court,
que l'impétuosité de la guerre
a navigué promptement,
Cn. Pompée étant chef?
lequel,
la mer n'étant pas encore favorable
pour naviguer,
a abordé la Sicile,
a visité l'Afrique,
est venu de là en Sardaigne
avec une flotte,
et a muni de garnisons
et de flottes très-fortes
ces trois secours (magasins) de-blé
de la république.
De là,
quand il sa fut ramené (fut revenu)
en Italie,
les deux Espagnes
et la Gaule Cisalpine
étant fortifiées de garnisons
et de vaisseaux,
des vaisseaux ayant été envoyés aussi
sur la côte de la mer Illyrienne
et en Achaïe
et dans toute la Grèce,
il garnit les deux mers d'Italie
de flottes
et de garnisons très-fortes; 
puis lui-même, 
après qu'il fut parti 
de Brindes, 
le quarante-neuvième jour, 
réunit la Cilicie tout entière 
à l'empire 
du peuple romain; 
tous les pirates 
qui furent en-quelque-lieu-que-ce-fùt, 
en partie furent pris 
et tués, 
en partie se rendirent
homme qui, soit pour remplir une mission, soit pour s'enrichir, ait pu parcourir tant de pays, accomplir de si longs voyages en aussi peu de temps qu'en a mis Pompée à traverser la mer avec l'appareil des combats ? Avant même que la saison fût bonne pour la navigation, il est allé en Sicile, il a visité l'Afrique, il est revenu de là en Sardaigne avec sa flotte, et des escadres, des garnisons considérables ont pourvu à la sûreté de ces trois greniers de la république. De retour en Italie, après avoir de même mis à l'abri les deux Espagnes et la Gaule Cisalpine, après avoir envoyé des vaisseaux sur les côtes de l'Illyrie, de l'Achaïe et de la Grèce entière, il a protégé les deux mers d'Italie par de nombreuses flottes et de fortes garnisons ; lui-même part de Brindes, et, quarante-neuf jours après, toute la Cilicie est soumise, tout ce qu'il y avait de pirates sur l'étendue des mers est pris ou tué, ou s'est remis à sa discrétion. Quand les Crétois lui envoient jusque

58 -  59

Cretensibus, quum ad eum usque in Pamphyliam legatos deprecatoresque misissent, spem deditionis non ademit, obsidesque imperavit. Ita tantum bellum, tam diuturnum, tam longe lateque dispersum, quo bello omnes gentes ac nationes premebantur, Cn. Pompeius extrema hieme apparavit, ineunte vere suscepit, media aestate confecit.
XIII. Est haec divina atque incredibilis virtus imperatoris : quid ? ceterae, quas paulo ante commemorare coeperam, quantae atque quam multae sunt ! Non enim solum bellandi virtus in summo atque perfecto imperatore quaerenda est ; sed multae sunt artes eximiae, hujus administrae comitesque virtutis. Ac primum quanta innocentia debent esse imperatores ! quanta deinde omnibus in rebus temperantia ! quanta fide ! quanta facilitate ! quanto ingenio ! quanta humanitate ! Quae breviter qualia sint in Cn. Pompeio consideremus. Summa enim omnia
 
imperio ac potestati 
hujus unius. 
Idem non ademit 
spem deditionis 
imperavitque obsides 
Cretensibus, 
quum misissent ad eum 
usque in Pamphyliam 
legatos deprecatoresque. 
Ita Cn. Pompeius 
apparavit extrema hieme, 
suscepit vere ineunte, 
confecit media aestate 
bellum tantum, 
tam diuturnum, 
dispersum tam longe 
lateque.
XIII. Haec est 
virtus divina 
atque incredibilis 
imperatoris 
quid ? 
ceterae, 
quas coeperam paulo ante 
commemorare, 
quantae sunt 
atque quam multae ! 
Non enim solum 
virtus bellandi 
quaerenda est in imperatore 
summo atque perfecto; 
sed sunt multae artes 
eximiae, 
administrae et comites 
hujus virtutis. 
Ac primum 
quanta innocentia 
imperatores debent esse! 
deinde quanta temperantia 
in omnibus rebus ! 
quanta fide ! 
quanta facilitate! 
quanto ingenio! 
quanta humanitate! 
Quae consideremus breviter 
qualia sint 
in Cn. Pompeio.

 
au pouvoir et à la discrétion 
de celui-ci seul. 
Le même n'enleva pas 
l'espoir de soumission 
et imposa des otages 
aux Crétois, 
lorsqu'ils eurent envoyé vers lui 
jusqu'en Pamphylie 
des députés et des suppliants. 
Ainsi Cn. Pompée 
prépara à la-fin-de l'hiver, 
entreprit, le printemps commençant,
acheva au milieu-de l'été 
une guerre si-grande, 
si longue, 
étendue si au loin 
et si au large.
XIII. Celui-ci (tel) est 
le mérite divin 
et incroyable 
de ce général 
mais quoi ? 
les autres mérites
que j'avais commencé peu auparavant 
à citer, 
combien-grands sont-ils en lui 
et combien nombreux ! 
Car non-seulement 
la valeur de (pour) combattre 
doit être cherchée dans un général
excellent et parfait; 
mais il y a beaucoup-de qualités
distinguées, 
aides et compagnes 
de cette valeur. 
Et d'abord 
de quelle intégrité 
les généraux doivent être! 
puis de quelle modération 
dans toutes les circonstances ! 
de quelle bonne-foi !
de quelle affabilité !
de quel esprit ! 
de quelle humanité ! 
Lesquelles qualités examinons brièvement
quelles elles sont 
dans Cn. Pompée.
 
dans la Pamphylie des députés chargés de détourner les effets de sa colère, il ne leur enlève pas l'espoir de voir leur soumission accueillie, mais il exige d'eux des otages. Ainsi cette guerre si terrible, si longue, qui s'étendait si loin et désolait tous les peuples, toutes les nations, Pompée en a fait les préparatifs à la fin de l'hiver, l'a commencée à l'entrée du printemps, et l'a achevée au milieu de l'été.
XIII. Voilà le courage divin et incroyable de ce grand général ; mais que dire des autres qualités que j'ai citées tout à l'heure ? à quel degré il les possède ! Car ce n'est pas le courage seulement qu'il faut rechercher dans un capitaine accompli ; il y a bien d'autres qualités éminentes, qui doivent accompagner et aider la valeur. Et d'abord quelle ne doit pas être son intégrité ? Quelle modération ne doit-il pas montrer en toute circonstance ? quelle bonne foi ? quelle affabilité ? quel génie ? quelle bonté ? Examinons rapidement comment Cn. Pompée réunit toutes ces perfections ; car il les a toutes au plus

60 - 61

sunt, Quirites ; sed ea magis ex aliorum contentione, quam ipsa per sese cognosci atque intelligi possunt.
Quem enim possumus imperatorem aliquo in numero putare, cujus in exercitu veneant centuriatus atque venierint ? quid hunc hominem magnum aut amplum de republica cogitare, qui pecuniam ex aerario depromptam ad bellum administrandum aut propter cupiditatem provinciae magistratibus diviserit, aut propter avaritiam Romae in quaestu reliquerit ? Vestra admurmuratio facit, Quirites, ut agnoscere videamini qui haec fecerint. Ego autem neminem nomino. Quare irasci mihi nemo poterit, nisi qui ante de se voluerit confiteri. Itaque, propter hanc avaritiam imperatorum, quantas calamitates, quocumque ventum sit, nostri exercitus ferant, quis ignorat ? Itinera, quae per hosce annos in Italia per agros atque oppida civium
Omnia enim, Quirites, 
sunt summa; 
sed ea possunt magis 
cognosci atque intelligi 
ex contentione aliorum, 
quam ipsa per sese.
Quem enim imperatorem
possumus putare
in aliquo numero,
in exercitu cujus
centuriatus veneant
atque venierint?
quid
hunc hominem cogitare
magnum aut amplum
de republica,
qui aut diviserit
magistratibus
propter cupiditatem
provinciae,
aut reliquerit Romae
in quaestu
propter avaritiam
pecuniam depromptam
ex aerario
ad administrandum bellum?
Vestra admurmuratio,
Quirites,
facit ut videamini
agnoscere
qui fecerint haec.
Ego autem nomino neminem.
Quare nemo 
poterit irasci mihi,
nisi qui ante voluerit
confiteri de se.
Itaque
propter hanc avaritiam
imperatorum ,
quis ignorat
quantas calamitates,
quocumque ventum sit,
nostri exercitus ferant?
Recordamini itinera
quae nostri imperatores
fecerunt
per hosce annos

 
Toutes en effet, 
Romains, sont très-grandes en lui
mais elles peuvent plutôt 
être connues et être comprises 
par la comparaison des autres,
qu'elles-mêmes par elles-mêmes.
Eu effet quel général 
pouvons-nous compter (croire) 
en quelque nombre (de quelque valeur)
dans l'armée duquel 
les charges-de-centurions se vendent 
et se sont vendues? 
que pouvons-nous croire 
cet homme-là penser 
de grand ou de noble 
touchant la république, 
lequel ou a partagé 
aux magistrats 
par désir 
d'obtenir une province, 
ou a laissé à Rome 
à intérêt 
par avarice 
l'argent tiré 
du trésor public 
pour conduire la guerre ? 
Votre murmure, 
Romains, 
fait que vous paraissiez 
reconnaître 
quels hommes ont fait cela. 
Mais moi je ne nomme personne.
C'est-pourquoi personne 
ne pourra se fâcher contre moi, 
sinon celui qui auparavant aura voulu
faire-un-aveu sur soi-même.
C'est-pourquoi 
à cause de cette cupidité 
des généraux, 
qui ignore 
quels-grands malheurs,
en-quelque-endroit-que l'on soit allé, 
nos armées supportent ? 
Rappelez-vous les marches 
que nos généraux 
ont faites 
pendant ces années-ci
haut degré ; et c'est en le comparant aux autres généraux, plutôt qu'en le considérant seul, que nous pourrons les reconnaître et les apprécier.
Croyons-nous digne de quelque estime un général dans l'armée duquel le grade de centurion se vend et s'est vendu ? Nous semble-t-il qu'un homme puisse avoir des vues grandes et élevées pour la gloire de l'État, lorsque, après avoir tiré de l'argent du trésor public pour faire les frais d'une guerre, il va, dans son désir d'obtenir une province, le partager aux magistrats, ou, par cupidité, le laisser à Rome pour qu'on l'y fasse valoir ? A vos murmures, Romains, je crois comprendre que vous reconnaissez les prévaricateurs. Pour ma part, je ne nomme personne ; personne ne pourra donc m'en vouloir, à moins de consentir d'abord à s'avouer coupable. Aussi, grâce à cette avidité de leurs chefs, qui ne sait quels désastres nos armées causent partout où elles passent ? Rappelez-vous les marches de nos généraux, pendant ces dernières années, en pleine Italie, à travers les champs

62 - 63

Romanorum nostri imperatores fecerunt , recordamini : tum facilius statuetis quid apud exteras nationes fieri existimetis. Utrum plures arbitramini per hosce annos militum vestrorum armis hostium urbes, an hibernis sociorum civitates esse deletas ? Neque enim potest exercitum is continere imperator, qui se ipse non continet, neque severus esse in judicando, qui alios in se severos esse judices non vult. Hic miramur hunc hominem tantum excellere ceteris, cujus legiones sic in Asiam pervenerunt, ut non modo manus tanti exercitus, sed ne vestigium quidem cuiquam pacato nocuisse dicatur ? Jam vero, quemadmodum milites hibernent, quotidie sermones ac litterae perferuntur. Non modo, ut sumptum faciat in militem, nemini vis affertur ; sed ne cupienti quidem cuiquam permittitur. Hiemis enim, non avaritiae perfugium majores nostri in sociorum atque amicorum tectis esse voluerunt.
XIV. Age vero, ceteris in rebus quali sit temperantia con-
per agros atque oppida 
civium Romanorum: 
tum statuetis facilius 
quid existimetis fieri 
apud nationes exteras. 
Utrum arbitramini 
plures urbes hostium 
deletas esse 
per hosce annos 
armis vestrorum militum, 
an civitates sociorum 
hibernis? 
Neque enim is imperator 
qui non continet se ipse 
potest continere exercitum, 
neque qui non vult 
alios esse severos in se, 
esse severus in judicando. 
Hic miramur 
hunc hominem 
excellere tantum ceteris, 
cujus legiones 
pervenerunt sic in Asiam 
ut non modo manus 
tanti exercitus, 
sed ne vestigium quidem 
dicatur nocuisse 
cuiquam pacato ? 
Jam vero quotidie 
sermones 
ac litterae perferuntur, 
quemadmodum milites 
hibernent. 
Non modo 
vis affertur nemini, 
ut faciat sumptum 
in militem ; 
sed ne permittitur quidem 
cuiquam cupienti. 
Nostri enim majores 
voluerunt 
perfugium hiemis, 
non avaritiae, 
esse in tectis 
sociorum atque amicorum. 
XIV. Age vero, 
considerate


 
à travers les terres et les villes 
des citoyens romains: 
alors vous établirez plus facilement 
ce que vous pensez se faire 
chez les nations étrangères. 
Est-ce-que vous croyez 
plus-de villes des ennemis 
avoir été détruites 
pendant ces années-ci 
par les armes de vos soldats, 
ou plus-de villes des alliés 
par les quartiers-d'hiver ? 
Car d'une-part ce général 
qui ne contient pas lui-même 
ne peut contenir son armée, 
et celui qui ne veut pas 
les autres être sévères envers lui, 
ne peut être sévère en jugeant les autres.
Et ici nous nous étonnons 
cet homme 
l'emporter autant sur les autres, 
lui dont les légions 
sont arrivées de-telle-sorte en Asie 
que non-seulement les mains 
d'une si-grande armée, 
mais pas même les pas 
ne sont dits avoir nui 
à qui-que-ce-soit étant-en-paix? 
Mais d'un-autre-côté tous-les-jours 
des bruits 
et des lettres vous sont apportés,
expliquant comment nos soldats
passent-leurs-quartiers-d'hiver.
Non-seulement 
violence n'est appliquée à personne, 
afin qu'il fasse de la dépense 
pour le soldat; 
mais il n'est pas même permis 
à quelqu'un le désirant d'en faire
En effet nos ancêtres 
ont voulu 
un refuge de (contre) l'hiver, 
et non de (pour) l'avidité, 
être sous les toits 
de nos alliés et de nos amis.
XIV. Mais allons, 
considérez
 
et les villes des citoyens romains, et vous vous figurerez plus aisément ce qui a dû se passer chez des peuples étrangers. Pensez-vous que, pendant cette période, vos soldats aient détruit plus de villes ennemies par la force des armes que de villes alliées par leurs quartiers d'hiver ? En effet, un général ne saurait contenir son armée, quand il ne sait pas se contenir lui-même ; il n'a pas le droit d'être sévère en jugeant les autres, quand il ne veut pas que les autres soient sévères en le jugeant lui-même. Aussi ne voyons-nous pas avec surprise l'immense supériorité d'un chef dont les légions sont arrivées en Asie sans qu'aucun peuple tranquille ait eu à sa plaindre, non pas d'une violence, mais seulement de leur passage ? Si vous voulez savoir comment elles se conduisent dans leurs quartiers d'hiver, les bruits publics, les lettres qui vous arrivent tous les jours vous l'apprennent : non-seulement on ne force personne à faire des dépenses pour nos soldats, mais on ne le permet même pas à ceux qui le voudraient. C'est qu'en effet nos pères ont entendu que les soldats trouvassent chez nos amis, chez nos alliés, un refuge contre l'hiver, et non un moyen d'assouvir leur cupidité.
XIV. Et voyez encore quelle est, en toute autre circonstance, la

64 - 65

siderate. Unde illam tantam celeritatem et tam incredibilem cursum inventum putatis ? Non enim illum eximia vis remigum, aut ars inaudita quaedam gubernandi, aut venti aliqui novi, tam celeriter in ultimas terras pertulerunt ; sed hae res, quae ceteros remorari solent, non retardarunt : non avaritia ab instituto cursu ad praedam aliquam devocavit, non libido ad voluptatem, non amoenitas ad delectationem, non nobilitas urbis ad cognitionem, non denique labor ipse ad quietem. Postremo signa et tabulas, ceteraque ornementa Graecorum oppidorum, quae ceteri tollenda esse arbitrantur, ea sibi ille ne visenda quidem existimavit. Itaque omnes quidem nunc in his locis Cn. Pompeium sicut aliquem non ex hac urbe missum, sed de coelo delapsum, intuentur : nunc denique incipiunt credere fuisse homines Romanos hac quondam absti- qualis sit temperantia 
in ceteris rebus. 
Unde putatis 
illam celeritatem tantam 
et cursum 
tam incredibilem 
inventum? 
Non enim vis eximia 
remigum, 
aut quaedam ars inaudita 
gubernandi, 
aut aliqui venti novi 
pertulerunt illum 
tam celeriter 
in terras ultimas 
sed hae res 
quae solent 
remorari ceteros, 
non retardarunt :
avaritia non devocavit 
a cursu instituto 
ad aliquam praedam, 
non libido ad voluptatem, 
non amoenitas 
ad delectationem, 
non nobilitas urbis 
ad cognitionem, 
denique non labor ipse 
ad quietem. 
Postremo ille 
ne existimavit quidem 
ea visenda esse sibi, 
quae ceteri arbitrantur 
tollenda esse 
signa et tabulas, 
ceteraque ornementa 
oppidorum Graecorum. 
Itaque omnes quidem nunc 
in his locis 
intuentur Cn. Pompeium 
sicut aliquem 
non missum ex hac urbe, 
sed delapsum de caelo : 
nunc denique 
incipiunt credere 
homines Romanos 
hac abstinentia


 
quelle est sa modération 
dans les autres choses. 
D'où pensez-vous 
cette rapidité si-grande 
et cette course 
si incroyable 
avoir été trouvées (résulter)? 
Car non pas une force extraordinaire 
de rameurs, 
ni un certain art inconnu 
de gouverner un vaisseau
ou quelques vents nouveaux 
ont transporté lui 
si rapidement 
dans les terres les plus lointaines ; 
mais ces choses, 
qui ont-coutume 
de retarder les autres, 
ne l'ont pas arrêté : 
la cupidité ne l'a pas détourné 
d'une route entreprise 
pour quelque butin, 
ni la passion pour quelque plaisir, 
ni le charme des lieux 
pour quelque distraction, 
ni la célébrité d'une ville 
pour la connaissance (pour la connaître),
enfin ni la fatigue même 
pour le repos. 
Enfin celui-ci 
n'a pas même pensé 
ces objets devoir être vus par lui, 
que les autres pensent 
devoir être enlevés par eux
les statues et les tableaux, 
et les autres ornements 
des villes grecques. 
Aussi tous certes maintenant 
dans ces lieux 
regardent Cn. Pompée 
comme quelqu'un 
non envoyé de cette ville, 
mais tombé du ciel: 
maintenant enfin 
ils commencent à croire 
des hommes romains 
de cette intégrité
 
modération de Pompée. D'où vient, à votre avis, cette prodigieuse célérité, cette incroyable rapidité de mouvements ? Ce n'est point à l'aide de rameurs plus vigoureux, de manoeuvres jusqu'ici inconnues, ou de vents nouveaux, qu'il est arrivé si vite aux extrémités de la terre; mais les motifs qui d'ordinaire retardent les autres généraux ne l'ont pas arrêté : il n'a point été détourné de sa route par la cupidité, pour aller s'emparer de quelque riche butin ; par la débauche, pour satisfaire sa passion ; par le charme des lieux, pour se procurer une distraction ; par la renommée de quelque ville, pour contenter sa curiosité ; enfin, par la fatigue même, pour prendre du repos. Ces statues, ces tableaux, toutes ces merveilles dont les villes grecques sont ornées, et que les autres croient devoir enlever, il n'a pas même cru devoir les visiter. Aussi maintenant dans tous ces pays regarde-t-on Cn. Pompée non comme un envoyé de Rome, mais comme un être descendu du ciel ; on commence enfin à croire qu'il a existé autrefois des Romains de cette modération, ce que les peuples étrangers ne

66 - 67

nentia; quod jam nationibus exteris incredibile ac falso memoriae proditum videbatur. Nunc imperii vestri splendor illis gentibus lucet ; nunc intelligunt non sine causa majores suos tum, quum hac temperantia magistratus habebamus, servire populo Romano quam imperare aliis maluisse. Jam vero ita faciles aditus ad eum privatorum, ita liberae querimoniae ; de aliorum injuriis esse dicuntur, ut is, qui dignitate principibus excellit, facilitate par infimis esse videatur. Jam quantum consilio, quantum dicendi gravitate et copia valeat, in quo ipso inest quaedam dignitas imperatoria, vos, Quirites, hoc ipso in loco saepe cognostis. Fidem vero ejus inter socios quantam existimari putatis, quam hostes omnium gentium sanctissimam judicarint ? Humanitate jam tanta est ut difficile dictu sit utrum hostes magis virtutem ejus pugnantes timue- fuisse quondam ; 
quod videbatur jam 
incredibile 
nationibus exteris 
ac proditum falso 
memoriae. 
Nunc splendor 
vestri imperii 
lucet illis gentibus ; 
nunc intelligunt 
suos majores 
maluisse non sine causa 
servire populo Romano, 
quam imperare aliis, 
tum quum habebamus 
magistratus 
hac temperantia. 
Jam vero 
aditus privatorum 
ad eum 
dicuntur ita faciles, 
querimoniae 
de injuriis aliorum 
ita liberae, 
ut is, 
qui excellit principibus 
dignitate, 
videatur esse par infimis 
facilitate. 
Jam vos, Quirites, 
cognostis saepe 
in hoc loco ipso 
quantum valeat consilio, 
quantum gravitate 
et copia dicendi, 
in quo ipso 
inest quaedam dignitas 
imperatoria. 
Quantam vero putatis 
fidem ejus existimari, 
quam hostes 
omnium gentium 
judicarint sanctissimam ? 
Jam est humanitate tanta 
ut sit difficile dictu 
utrum hostes 
timuerint magis


 
avoir été autrefois; 
ce qui paraissait déjà 
incroyable 
aux nations étrangères 
et transmis faussement 
à la mémoire. 
Maintenant l'éclat 
de votre empire 
luit pour ces nations ; 
maintenant elles comprennent 
leurs ancêtres 
avoir mieux-aimé non sans raison 
obéir au peuple romain, 
que commander aux autres, 
alors que nous avions 
des magistrats 
de cette modération. 
Mais d'un-autre côté 
les accès des simples-particuliers 
vers lui 
sont dits être si faciles, 
les plaintes 
touchant les injustices des autres 
sont dites être si libres, 
que celui-ci, 
qui l'emporte sur les premiers 
par la dignité, 
semble être égal aux derniers 
par l'affabilité. 
De plus vous, Romains, 
vous avez reconnu souvent 
dans ce lieu même 
combien il peut par la prudence, 
combien par l'autorité 
et l'abondance de parler (de sa parole), 
ce en quoi même 
il y a une certaine dignité 
de-général. 
Puis combien-grande pensez-vous 
la bonne-foi de lui être crue, 
elle que les ennemis; 
de tous les peuples, 
ont jugée très-sacrée? 
D'ailleurs il est d'une humanité telle 
qu'il est difficile à être dit (de dire) 
si les ennemis 
ont craint davantage
pouvaient plus admettre et regardaient comme une tradition mensongère. L'éclat de votre empire brille à présent aux yeux de ces peuples ; ils comprennent que leurs ancêtres, au temps où nous avions des magistrats si modérés, aient mieux aimé obéir au peuple romain que de commander aux autres peuples. D'un autre côté les simples particuliers le trouvent si abordable, il leur donne une telle liberté d'exposer leurs plaintes contre les injustices dont ils sont l'objet, qu'il semble, lui qui par son rang est au-dessus des plus grands, se mettre par son affabilité au niveau des plus petits. Quant à sa prudence, à son éloquence, à l'autorité de sa parole, qualités qui rehaussent la dignité du général, vous en avez jugé vous-mêmes, Romains , à cette tribune. Quelle opinion n'a-t-on pas de sa bonne foi parmi les alliés, quand les ennemis de toutes les nations l'ont regardée comme sacrée ? Son humanité est telle qu'il serait difficile de dire si l'ennemi craint plus son courage pendant la lutte qu'il ne
 

68 - 69

rint, an mansuetudinem victi dilexerint. Et quisquam dubitabit quin huic tantum bellum hoc transmittendum sit, qui ad omnia nostræ memoriæ bella conficienda divino quodam consilio natus esse videatur?
XV. Et, quoniam auctoritas multum in bellis quoque administrandis atque imperio militari valet, certe nemini dubium est quin ea re idem ille imperator plurimum possit. Vehementer autem pertinere ad bella administranda, quid hostes, quid socii de imperatoribus vestris existiment, quis ignorat, quum sciamus homines in tantis rebus, ut aut contemnant aut metuant, aut oderint aut ament, opinione non minus famæ quam aliqua certa ratione commoveri? Quod igitur nomen unquam in orbe terrarum clarius fuit ? cujus res gestæ pares ? de quo homine vos, id quod maxime facit auctoritatem, tanta et tam præclara judicia fecistis ? An vero ullam usquam esse oram tam desertam putatis, quo non illius
virtutem ejus
pugnantes,
an dilexerint mansuetudinem
victi. 
Et quisquam dubitabit
quin tantum bellum
transmittendum sit huic,
qui videatur natus esse
quodam consilio divino
ad conficienda
omnia bella
nostræ memoriæ?
XV. Et quoniam 
auctoritas 
valet multum quoque 
in bellis administrandis 
atque imperio militari, 
certe est dubium nemini 
quin ille idem imperator 
possit plurimum ea re. 
Quis autem ignorat 
quid hostes, 
quid socii existiment 
de vestris imperatoribus, 
pertinere vehementer 
ad bella administranda, 
quum sciamus 
homines commoveri 
in tantis rebus 
ut aut contemnant, 
aut metuant, 
aut oderint, aut ament, 
non minus opinione famæ 
quam aliqua ratione certa? 
Quod nomen igitur 
fuit unquam clarius 
in orbe terrarum ? 
cujus res gestæ pares? 
de quo homine 
vos fecistis judicia tanta 
et tam præclara, 
id quod facit maxime 
auctoritatem ? 
An vero putatis 
ullam oram esse usquam 
tam desertam, 
quo non pervaserit


 
la valeur de lui 
en combattant, 
ou ont aimé davantage sa douceur 
étant vaincus. 
Et quelqu'un doutera 
qu'une si-grande guerre 
ne doive être reportée à celui-ci, 
qui semble être né 
par une certaine volonté divine 
pour achever 
toutes les guerres 
de notre mémoire (temps)?
XV. Et puisque
la réputation
peut beaucoup aussi
dans les guerres à-conduire
et dans le commandement militaire,
certes il n'est douteux pour personne
que ce même général
ne puisse le plus par ce côté.
Or, qui ignore
ce que les ennemis,
ce que les alliés pensent
de vos généraux,
être-intéressant vivement
pour les guerres à-conduire,
quand nous savons
les hommes être poussés
dans de si-grandes questions
de sorte que ou ils méprisent,
ou ils craignent,
ou ils haïssent, ou ils aiment,
non moins par l'opinion de la renommée
que par quelque motif déterminé?
Quel nom donc
fut jamais plus illustre
dans le cercle des terres (l'univers) ?
de qui les exploits accomplis sont-ils égaux?
sur quel homme                    
avez-vous fait (porté) des jugements si-grands  
et si éclatants,                         
ce qui fait surtout
la réputation?
Mais est-ce que vous pensez
quelque rive être quelque-part
si déserte,
où ne soit parvenu

 
chérit sa clémence après la défaite. Et vous hésiteriez à confier le soin de cette guerre importante à un homme qui semble né, par un bienfait de la divinité, pour achever toutes les guerres de notre temps ?
XV. Puisqu'il est vrai qu'à la guerre et dans le commandement des armées la réputation peut beaucoup, personne ne doute que, sur ce point encore, le général dont nous parlons n'ait une grande supériorité. C'est une chose fort importante pour le succès des opérations militaires, que l'opinion que vos alliés et vos ennemis ont de vos généraux ; qui peut en douter, quand on sait que pour faire naître chez les hommes des sentiments aussi sérieux que le mépris, la crainte, la haine, l'amour, l'opinion n'a pas moins d'influence que les motifs les plus graves ? Or, quel nom eut jamais tant d'éclat dans le monde ? qui fit jamais d'aussi grandes choses ? quel homme (car c'est là surtout ce qui fait la réputation), quel homme a mérité de votre part des jugements aussi glorieux, aussi éclatants ? Croyez-vous qu'il y ait une contrée assez solitaire pour n'avoir pas entendu

70 - 71

diei fama pervaserit, quum universus populus Romanus, referto foro repletisque omnibus templis, ex quibus hic locus conspici potest, unum sibi ad commune omnium gentium bellum Cn. Pompeium imperatorem depoposcit ? Itaque, ut plura non dicam, neque aliorum exemplis confirmem quantum hujus auctoritas valeat in bello, ab eodem Cn. Pompeio omnium rerum egregiarum exempla sumantur : qui quo die a vobis maritimo bello præpositus est imperator, tanta repente vilitas annonæ ex summa inopia et caritate rei frumentariæ consecuta est, unius hominis spe et nomine, quantam vix ex summa ubertate agrorum diuturna pax efficere potuisset. Jam accepta in Ponto calamitate, ex eo proelio de quo vos paulo ante invitus admonui, quum socii pertimuissent, hostium opes fama illius diei, 
quum populus Romanus
universus,
foro referto, 
omnibusque templis, 
ex quibus hic locus 
potest conspici, 
repletis, 
depoposcit sibi 
Cn. Pompeium unum 
imperatorem 
ad bellum commune 
omnium gentium ? 
Itaque, 
ut non dicam plura, 
neque confirmem 
exemplis aliorum 
quantum auctoritas 
valeat in bello, 
exempla 
omnium rerum egregiarum 
sumantur 
ab eodem Cn. Pompeio : 
die quo 
qui præpositus est a vobis 
imperator 
bello maritimo, 
vilitas annonæ 
consecuta est repente
ex summa inopia
et caritate
rei frumentariæ,
spe et nomine
unius hominis, 
tanta quantum pax diuturna
potuisset efficere 
ex summa ubertate 
agrorum. 
Jam 
calamitate accepta 
in Ponto, 
ex eo proelio 
de quo admonui vos 
paulo ante 
invitus, 
quum socii pertimuissent, 
opes animique hostium

 
le bruit de ce jour, 
lorsque le peuple romain 
tout entier 
le forum étant-plein, 
et tous les temples, 
d'où ce lieu 
peut être aperçu, 
étant remplis, 
a demandé pour lui-même 
Cn. Pompée seul 
comme général 
pour cette guerre commune 
de (à) toutes les nations ? 
C'est-pourquoi, 
afin que je ne dise pas plus-de paroles
et ne prouve pas 
par les exemples des autres 
combien la réputation 
peut dans la guerre, 
que les exemples 
de toutes les actions remarquables 
soient pris 
de ce-même Cn. Pompée ; 
le jour dans lequel 
celui-ci fut préposé par vous 
comme général 
à la guerre maritime, 
un bas-prix des denrées 
suivit tout-à-coup 
au-sortir-d'une extrême disette 
et d'une cherté 
de la propriété de-grains (du blé), 
grâce à l'espérance et au nom 
d'un seul homme, 
aussi-grand qu'une paix longue 
eût pu le produire 
à-la-suite-d'une extrême fécondité 
des champs. 
D'un autre côté 
un malheur ayant été reçu (essuyé) 
dans le Pont, 
à-la suite de cette bataille 
de laquelle j'ai fait-souvenir vous 
peu auparavant 
ne-le-désirant pas (malgré moi), 
comme les alliés avaient craint, 
que les forces et l'ardeur des ennemis
parler de ce jour où le peuple romain tout entier, couvrant le forum et remplissant tous les temples d'où l'on peut apercevoir cette tribune, désigna Pompée seul pour diriger cette guerre commune à toutes les nations ? Aussi, sans en dire davantage, sans chercher à vous prouver par des exemples étrangers quelle est à la guerre l'influence de la réputation, prenons chez ce même Pompée les exemples de tout ce qu'il y a de grand. Au jour où vous l'avez chargé de la guerre des pirates, on a vu, grâce à l'espoir que donnait le nom d'un seul homme, le prix des denrées, qui étaient extrêmement rares et chères, baisser tout à coup comme après une récolte extraordinaire et au sein d'une longue paix. Puis, quand, après le désastre du Pont, après cette bataille dont je n'ai parlé tout à l'heure que malgré moi, vos alliés se furent effrayés, que vos ennemis eurent repris confiance et ras-

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animique crevissent, satis firmum præsidium provincia non haberet, amisissetis Asiam, Quirites, nisi ad ipsum discrimen ejus temporis divinitus Cn. Pompeium ad eas regiones fortuna populi Romani attulisset. Hujus adventus et Mithridatem insolita inflammatum victoria continuit, et Tigranem magnis copiis minitantem Asiæ retardavit. Et quisquam dubitabit quid virtute profecturus sit, qui tantum auctoritate profecerit, aut quam facile imperio atque exercitu socios et vectigalia conservaturus sit, qui ipso nomine ac rumore defenderit ?
XVI. Age vero illa res quantam declarat ejusdem hominis apud hostes populi Romani auctoritatem, quod ex locis tam longinquis tamque diversis, tam brevi tempore, omnes uni huic se dediderunt ? quod Cretensium legati, quum in eorum insula noster imperator exercitusque esset, ad Cn. Pompeium in ultimas prope terras venerunt, eique se omnes Cretensium
crevissent, 
provincia non haberet 
praesidium satis firmum, 
amisissetis Asiam, 
Quirites, 
nisi fortuna 
populi Romani 
attulisset divinitus
ad discrimen ipsum 
ejus temporis 
Cn. Pompeium 
ad eas regiones. 
Adventus hujus 
et continuit Mithridatem 
inflammatum 
victoria insolita, 
et retardavit Tigranem 
minitantem Asiae 
magnis copiis. 
Et quisquam dubitabit 
quid profecturus sit 
virtute 
qui profecerit tantum 
auctoritate, 
aut quam facile 
conservaturus sit 
imperio atque exercitu 
socios et vectigalia, 
qui defenderit 
nomine ipso ac rumore? 
XVI. Age vero, 
quantam auctoritatem 
ejusdem hominis 
apud hostes populi Romani 
illa res declarat, quod, 
ex locis tam longinquis 
tamque diversis, 
tempore tam brevi, 
omnes se dediderunt 
huic uni? 
quod legati Cretensium, 
quum noster imperator 
exercitusque 
esset in insula eorum, 
venerunt ad Cn. Pompeium 
prope in terras ultimas, 
dixeruntque

 
s'étaient augmentées,
que la province n'avait pas
de défense assez ferme,
vous eussiez perdu l'Asie,
Romains,
si la fortune
du peuple romain
n'avait amené par-un-coup-du-ciel
au moment-décisif même
de ce temps
Cn. Pompée
vers ces pays.
L'arrivée de celui-ci
et contint Mithridate
enflammé (enorgueilli)
d'une victoire inaccoutumée,
et retarda Tigrane
qui menaçait l'Asie
avec de grandes troupes.
Et quelqu'un doutera
de ce qu'est devant gagner
par sa valeur
celui qui a gagné tant
par sa réputation,
ou combien facilement
il est devant sauver
avec un commandement et une armée
nos alliés et nos revenus,
celui qui les a défendus 
par son nom même et le bruit de sa réputation?
XVI. Mais allons, 
quelle-grande réputation 
de ce-même homme 
auprès des ennemis du peuple romain 
ce fait ne prouve-t-il pas, que, 
de lieux si lointains 
et si divers, 
en un temps si court, 
tous se sont rendus 
à lui seul ? 
que les députés des Crétois, 
lorsque notre général 
et notre armée 
étaient dans l'île d'eux, 
sont venus vers Cn. Pompée 
presque dans les terres les plus éloignées, 
et ont dit
semblé de plus grandes forces, quand notre province n'était plus suffisamment défendue, l'Asie était perdue pour vous, Romains, si la fortune de la république n'eût fait apparaître alors Pompée dans ce pays comme un envoyé du ciel. A son arrivée, Mithridate, fier d'un triomphe nouveau pour lui, s'arrêta ; Tigrane, qui menaçait l'Asie avec une armée considérable, n'osa pas s'avancer. Et vous mettrez en doute ce que pourra la valeur d'un homme dont la réputation a produit de tels effets ! vous douterez qu'avec un commandement et une armée il ne sauve sans peine nos alliés et nos tributaires, quand son nom seul et le bruit de son arrivée ont suffi pour les défendre ?
XVI. D'un autre côté, voulez-vous une preuve de la réputation de Pompée aux yeux des ennemis de Rome? voyez en si peu de temps, sur tant de points si éloignés et si divers, tous les peuples se soumettre à lui seul. Les députés des Crétois, bien qu'il y eût dans leur île une armée et un général de la république, vont trouver Pompée au bout du monde, et déclarent que c'est à lui qu'ils veulent livrer toutes les

74 - 75

civitates dedere velle dixerunt ? Quid ? idem iste Mithridates, nonne ad eumdem Cn. Pompeium legatum usque in Hispaniam misit ? eum quem Pompeius legatum semper judicavit, ii, quibus semper erat molestum ad eum potissimum esse missum, speculatorem quam legatum judicari maluerunt. Potestis igitur jam constituere, Quirites, hanc auctoritatem, multis postea rebus gestis magnisque vestris judiciis amplificatam, quantum apud illos reges, quantum apud exteras nationes valituram esse existimetis.
Reliquum est ut de felicitate (quam præstare de se ipso nemo potest, meminisse et commemorare de altero possumus), sicut æquum est homini de potestate deorum, timide et pauca dicamus. Ego enim sic existimo, Maximo, Marcello, Scipioni,
se velle dedere ei 
omnes civitates 
Cretensium? 
Quid? 
iste idem Mithridates 
nonne misit legatum 
ad eumdem Cn. Pompeium 
usque in Hispaniam? 
eum quem Pompeius 
judicavit semper 
legatum, 
ii, quibus 
erat semper molestum 
missum esse potissimum 
ad eum, 
maluerunt 
judicari speculatorem 
quam legatum. 
Potestis igitur jam, 
Quirites, 
constituere 
quantum existimetis 
hanc auctoritatem, 
amplificatam 
multis rebus 
gestis postea, 
vestrisque judiciis 
magnis , 
valituram esse 
apud illos reges, 
quantum 
apud nationes exteras.
Est reliquum 
ut dicamus timide 
et pauca, 
sicut est æquum homini 
de potestate deorum, 
de felicitate, 
quam nemo potest 
præstare de se ipso, 
possumus meminisse 
et commemorare de altero. 
Ego enim existimo sic, 
imperia mandata esse 
atque exercitus commissos 
saepius 
Maximo, Marcello,
 
eux vouloir livrer à lui 
toutes les villes 
des Crétois? 
Quoi ? 
ce même, Mithridate
n'a-t-il pas envoyé un ambassadeur
à ce-même Cn. Pompée
jusqu'en Espagne?
cet homme que Pompée
a jugé toujours
être un ambassadeur,
tandis que ces gens, a qui
il était toujours désagréable 
un ambassadeur avoir été envoyé de préférence
à lui, 
ont mieux aimé 
lui être regardé-comme espion 
que comme ambassadeur. 
Vous pouvez donc déjà, 
Romains, 
établir 
combien vous pensez 
cette réputation, 
augmentée 
par de nombreux exploits 
accomplis depuis, 
et par vos jugements 
grands (éclatants), 
devoir valoir 
auprès de ces rois-là , 
combien 
auprès des nations étrangères.
Il est restant (il reste) 
que nous parlions timidement 
et en peu de mots
comme il est convenable à un homme 
parlant du pouvoir des dieux, 
du bonheur, 
que personne ne peut 
mettre-en-avant touchant soi-même, 
mais que nous pouvons nous rappeler 
et citer d'un autre. 
Car je pense ainsi, 
des commandements avoir été confiés 
et des armées confiées 
plus souvent 
à Fabius Maximus, à Marcellus,
villes de la Crète. Mais quoi ! ce même Mithridate n'a-t-il pas envoyé jusqu'en Espagne un ambassadeur à ce même Pompée ? et Pompée l'a toujours regardé comme un ambassadeur véritable, bien que ceux qui étaient jaloux que ce fût vers lui qu'on l'eût député aient prétendu que c'était plutôt un espion qu'un ambassadeur. Vous pouvez donc dès maintenant, Romains, vous figurer l'effet que doit produire sur ces rois, sur les peuples étrangers, la réputation de Pompée, encore augmentée par ses nouveaux exploits et par vos glorieux témoignages.
Il me reste à parler du bonheur, avantage que nul ne peut s'attribuer à soi-même, mais que l'on peut citer et rappeler lorsqu'il s'agit d'un autre ; parlons-en avec réserve, comme le doit faire l'homme quand il parle de la puissance des dieux. Pour ma part, j'estime que, si l'on confia si souvent des commandements et des armées à Fabius Maximus, à Marcellus, à Scipion, à Marius, ce ne fut pas seulement

76 - 77

Mario et ceteris magnis imperatoribus, non solum propter virtutem, sed etiam propter fortunam, sæpius imperia mandata atque exercitus esse commissos : fuit enim profecto quibusdam summis viris quædam ad amplitudinem et ad gloriam et ad res magnas bene gerendas divinitus adjuncta fortuna. De hujus autem hominis felicitate, de quo nunc agimus, hac utar moderatione dicendi, non ut in illius potestate fortunam positam esse dicam, sed ut præterita meminisse, reliqua sperare videamur, ne aut invisa diis immortalibus oratio nostra, aut ingrata esse videatur. Itaque non sum prædicaturus, Quirites, quantas ille res domi militiæque, terra marique, quantaque felicitate gesserit ; ut ejus semper voluntatibus non modo cives assenserint, socii obtemperarint, hostes obedierint ; sed etiam venti tempestatesque obsecundarint : hoc brevissime dicam, neminem unquam tam impudentem fuisse, qui a diis immortalibus tot et tantas res tacitus auderet Scipioni, Mario,
et ceteris magnis imperatoribus 
non solum
propter virtutem, 
sed etiam 
propter fortunam 
profecto enim
quædam fortuna 
adjuncta fuit divinitus 
quibusdam viris summis 
ad amplitudinem 
et gloriam 
et ad bene gerendas 
res magnas. 
De felicitate autem 
hujus hominis, 
de quo agimus nunc, 
utar hac moderatione 
dicendi, 
non ut dicam
fortunam positam esse 
in potestate illius, 
sed ut videamur 
meminisse præterita, 
sperare reliqua, 
ne nostra oratio videatur 
esse aut invisa 
diis immortalibus, 
aut ingrata.
Itaque, Quirites, 
non sum prædicaturus 
quantas res ille gesserit 
domi militiæque,
terra marique, 
quantaque felicitate ; 
ut non modo semper 
cives assenserint, 
socii obtemperarint 
hostes obedierint 
voluntatibus ejus, 
sed etiam 
venti tempestatesque 
obsecundarint: 
dicam brevissime hoc, 
neminem unquam fuisse 
tam impudentem 
qui auderet optare tacitus

 
à Scipion, à Marius, 
et aux autres grands généraux, 
non-seulement 
pour leur valeur 
mais encore 
pour leur bonheur 
car certainement 
une certaine fortune 
fut ajoutée( accordée) par-un-don-du-ciel 
à quelques hommes éminents 
pour leur grandeur 
et leur gloire 
et pour bien faire 
les actions grandes (importantes). 
Mais quant au bonheur 
de cet homme, 
de qui nous parlons maintenant, 
j'userai de cette (d'une telle) modération 
de parler (de langage), 
non pas que je dise 
la fortune être placée 
en le pouvoir de lui, 
mais que nous semblions 
nous rappeler les faits passés, 
et espérer les faits qui-restent (à venir), 
de peur que notre langage ne paraisse 
être ou odieux 
aux dieux immortels, 
ou ingrat envers eux
C'est-pourquoi, Romains, 
je ne suis pas devant vanter 
quelles-grandes actions il a faites 
à l'intérieur et en guerre, 
sur terre et sur mer, 
et avec quel bonheur; 
comment non-seulement toujours 
les citoyens ont applaudi, 
les alliés se sont prêtés, 
les ennemis ont obéi 
aux volontés de lui, 
mais encore 
les vents et les saisons 
les ont secondées :
je dirai très-brièvement ceci, 
personne jamais n'avoir été 
si impudent 
qui osât demander silencieux (tout bas)
 
à cause de leur mérite, mais à cause de leur bonheur. Certains hommes éminents, en effet, ont reçu sans aucun doute du ciel une sorte de bonne fortune, qui contribue à leur grandeur et à leur gloire et leur fait accomplir d'éclatantes choses ; or, en parlant du bonheur de l'homme qui nous occupe, je veux être fidèle à cette modération que je m'impose, et, de peur que mon langage ne me fasse paraître aux yeux des dieux immortels impie ou ingrat, je ne dirai pas qu'il tient la fortune en son pouvoir, mais seulement qu'en nous rappelant le passé nous pouvons compter sur l'avenir. Je ne vanterai donc pas, Romains, les grandes choses qu'il a faites dans la paix comme à la guerre, sur terre comme sur mer, ni le bonheur avec lequel il les a achevées ; je ne répéterai pas qu'on a vu toujours ses volontés non-seulement applaudies par les citoyens, suivies par les alliés, exécutées par les ennemis, mais même secondées par les vents et les tempêtes. Je ne dirai qu'un mot : c'est que personne n'a jamais été assez impudent pour demander aux dieux, même dans le secret de son

78 - 79

optare, quot et quantas dii immortales ad Cn. Pompeium detulerunt. Quod ut illi proprium ac perpetuum sit, Quirites, quum communis salutis atque imperii, tum ipsius hominis causa, sicuti facitis, velle et optare debetis.
Quare quum et bellum ita necessarium sit, ut negligi non possit, ita magnum, ut accuratissime sit administrandum, et quum ei imperatorem præficere possitis, in quo sit eximia belli scientia, singularis virtus, clarissima auctoritas, egregia fortuna, dubitabitis, Quirites, quin hoc tantum boni, quod vobis a diis immortalibus oblatum et datum est, in rempublicam conservandam atque amplificandam conferatis?
XVII. Quod si Romæ Cn. Pompeius privatus esset hoc tempore, tamen ad tantum bellum is erat deligendus atque 
mittendus. Nunc, quum ad ceteras summas utilitates hæc quoque opportunitas adjungatur, ut in iis ipsis locis adsit, ut
a diis immortalibus 
tot et tantas res 
quot et quantas 
dii immortales 
detulerunt 
ad Cn. Pompeium. 
Quod 
debetis velle et optare, 
Quirites, sicuti facitis, 
ut sit proprium illi 
ac perpetuum, 
quum causa 
salutis communis 
atque imperii, 
tum hominis ipsius. 
Quare, 
quum et bellum 
sit ita necessarium, 
ut non possit negligi 
ita magnum, 
ut administrandum sit 
accuratissime, 
et quum possitis 
præficere ei imperatorem 
in quo sit 
scientia eximia belli, 
virtus singularis, 
auctoritas clarissima, 
fortuna egregia, 
dubitabitis, Quirites, 
quin conferatis 
in conservandam 
atque amplificandam rempublicam 
hoc tantum boni 
quod oblatum est 
et datum vobis 
a diis immortalibus? 
XVII. Quod si 
Cn. Pompeius, 
esset hoc tempore 
privatus Romæ, 
tamen is erat deligendus 
atque mittendus 
ad tantum bellum. 
Nunc, 
quum hæc opportunitas 
adjungatur quoque 
 
aux dieux immortels 
tant et de si-grandes choses 
que-nombreuses et grandes 
les dieux immortels 
en ont accordé 
à Cn. Pompée. 
Laquelle chose 
vous devez vouloir et souhaiter, 
Romains, comme vous le faites, 
qu'elle soit propre à lui 
et durable, 
tant à cause 
du salut commun 
et de l'empire, 
qu'à cause de l'homme lui-même.
C'est-pourquoi, 
puisque et cette guerre 
est si nécessaire, 
qu'elle ne peut être négligée, 
si grande 
qu'elle doit être conduite 
très-soigneusement, 
et que vous pouvez 
mettre-à-la-tête d'elle un général 
en qui soit 
une science éminente de la guerre, 
une valeur singulière, 
une réputation très-brillante, 
un bonheur remarquable, 
douterez-vous, Romains, 
que vous ne deviez-appliquer 
à conserver 
et agrandir la république 
cette si-grande somme de bien 
qui est offerte 
et donnée à vous 
par les dieux immortels?
XVII. Que si 
Cn. Pompée 
était en ce temps-ci 
simple-particulier à Rome, 
cependant il serait devant être choisi 
et devant être envoyé 
pour une si grande guerre. 
Maintenant, 
puisque cette commodité 
se joint encore
 
coeur, d'aussi nombreux, d'aussi éclatants succès, que ceux qu'ils ont prodigués d'eux-mêmes à Pompée. Puisse ce bonheur ne l'abandonner jamais, Romains ! aussi bien pour le salut de l'État que pour Pompée lui-même, vous devez le vouloir et le demander aux dieux, et c'est ce que vous faites.
En résumé, puisque la guerre est tellement indispensable qu'on ne saurait la différer, tellement grave qu'elle réclame tous nos soins, et que vous pouvez en charger un général qui se distingue par une connaissance profonde de l'art militaire, par une valeur extraordinaire, par une réputation brillante, par un bonheur rare, hésiterez-vous, Romains, à consacrer au salut et à l'agrandissement de l'empire cet insigne présent que les dieux vous ont offert et vous ont accordé ?
XVII. Cn. Pompée vivrait aujourd'hui à Rome en simple particulier, que vous devriez encore le choisir et l'envoyer pour conduire une guerre si importante ; mais, puisqu'aux autres avantages que j'ai cités se joint cette heureuse circonstance qu'il est sur les lieux

80 - 81

habeat exercitum, ut ab iis qui habent accipere statim possit, quid exspectamus? aut cur non, ducibus diis immortalibus, eidem, cui cetera summa cum salute reipublicæ commissa sunt, hoc quoque bellum regium committimus?
At enim vir clarissimus, amantissimus reipublicæ, vestris beneficiis amplissimis affectus, Q. Catulus, itemque summis ornamentis honoris, fortunæ, virtutis, ingenii præditus, Q. Hortensius, ab hac ratione dissentiunt : quorum ego auctoritatem apud vos multis locis plurimum valuisse et valere oportere confiteor ; sed in hac causa, tametsi cognoscitis auctoritates contrarias virorum fortissimorum et clarissimorum, tamen, omissis auctoritatibus, ipsa re et ratione exquirere possumus veritatem, atque hoc facilius, quod ea omnia, quæ adhuc a me dicta sunt, iidem isti vera esse concedunt, et necessarium bellum esse et magnum, et in uno Cn. Pom-
ad ceteras utilitates 
summas, 
ut adsit in iis locis ipsis, 
ut habeat exercitum, 
ut possit accipere statim 
ab iis qui habent, 
quid exspectamus? 
aut cur,
diis immortalibus ducibus, 
non committimus quoque 
hoc bellum regium 
eidem, 
cui cetera summa 
commissa sunt 
cum salute reipublicae?
At enim vir clarissimus,
amantissimus reipublicae, 
affectus vestris beneficiis
amplissimis, 
Q. Catulus, 
itemque Q. Hortensius, 
praeditus 
summis ornamentis 
honoris, fortunæ, 
virtutis, ingenii, 
dissentiunt ab hac ratione 
quorum ego confiteor 
auctoritatem 
valere plurimum apud vos 
multis locis 
et oportere valere; 
sed in hac causa, 
tametsi cognoscitis 
auctoritates 
virorum fortissimorum 
et clarissimorum 
contrarias, tamen, 
auctoritatibus omissis, 
possumus 
exquirere veritatem 
re ipsa et ratione, 
atque hoc facilius, 
quod iidem isti 
concedunt omnia ea 
quae dicta sunt adhuc a me 
esse vera, bellum 
esse et necessarium


 
aux autres avantages 
très-grands, 
qu'il est-présent dans ces lieux mêmes; 
qu'il a une armée, 
qu'il peut recevoir aussitôt des forces
de ceux qui en ont, 
qu'attendons-nous ? 
ou pourquoi, 
les dieux immortels étant guides, 
ne confions-nous pas aussi 
cette guerre contre-les-rois 
à ce-même homme
à qui d'autres missions très-grandes 
ont été confiées 
avec salut de (pour) la république? 
Mais à la vérité un homme très-illustre,
très-ami de la république, 
comblé de vos bienfaits 
les plus considérables, 
Q. Catulus, 
et de même Q. Hortensius, 
doué 
des plus hautes distinctions 
d'honneur, de fortune, 
de vertu, de génie, 
diffèrent de ce sentiment 
desquels je reconnais 
l'autorité 
pouvoir beaucoup auprès de vous 
en beaucoup de circonstances 
et devoir pouvoir beaucoup
mais dans cette question, 
bien que vous connaissiez 
les autorités 
d'hommes très-courageux 
et très-illustres 
être contraires, cependant, 
ces autorités étant laissées-de-côté, 
nous pouvons 
rechercher la vérité 
par le fait même et la raison, 
et par cela (d'autant) plus facilement, 
que ces mêmes hommes 
concèdent tous ces faits 
qui ont été dits jusqu'ici par moi, 
être vrais, la guerre 
être et nécessaire
 
mêmes, qu'il commande une armée, et qu'il peut y joindre tout de suite les secours des chefs qui ont là des troupes, qu'attendons-nous, et pourquoi ne pas se hâter, sous les auspices des dieux, de confier cette guerre contre les deux rois à l'homme que nous avons chargé, si heureusement pour la république, de tant de missions importantes ?
Mais, dira-t-on, un homme d'un éminent mérite, dévoué de coeur à sa patrie, et qui a été de votre part l'objet de grandes distinctions, Q. Catulus, n'est pas de cet avis ; Q. Hortensius, personnage recommandable par ses dignités, sa fortune, son mérite, ses talents, s'y oppose également : je reconnais qu'en bien des circonstances leur autorité auprès de vous a été grande et devait l'être ; mais, dans l'affaire qui nous occupe, bien que vous connaissiez d'autres hommes courageux et distingués dont je pourrais citer l'opinion contraire, laissons de côté l'autorité, de part et d'autre, et recherchons la vérité d'après les faits et à l'aide de la raison : cela sera d'autant plus facile que nos adversaires conviennent eux-mêmes de tout ce que je vous ai dit jusqu'ici, savoir que la guerre est nécessaire, qu'elle

82 - 83

peio summa esse omnia. Quid igitur ait Hortensius ? si uni omnia tribuenda sint, unum. dignissimum esse Pompeium ;
sed ad unum tamen omnia deferri non oportere. Obsolevit jam ista oratio, re multo magis quam verbis refutata. Nam tu idem, Quinte Hortensi, multa, pro tua summa copia ac singulari facultate dicendi, et in senatu contra virum fortem A. Gabinium graviter ornateque dixisti, quum is de uno imperatore contra prædones constituendo legem promulgasset, et ex hoc ipso loco permulta item contra legem eam verba fecisti. Quid ? tum, per deos immortales, si plus apud populum Romanum auctoritas tua quam ipsius populi Romani salus et vera causa valuisset, hodie hanc gloriam atque hoc orbis terræ imperium teneremus ? an tibi tum imperium esse hoc videbatur, quum populi Romani legati, prætores quæsto-
et magnum, 
et omnia esse summa 
in Cn. Pompeio uno. 
Quid ait igitur Hortensius ? 
si omnia 
tribuenda sint uni, 
Pompeium unum 
esse dignissimum ; 
sed tamen non oportere 
omnia deferri ad unum. 
Jam ista oratio obsolevit, 
refutata multo magis re 
quam verbis. 
Nam tu idem, 
Q. Hortensi, 
et dixisti multa 
in senatu 
graviter ornateque, 
pro tua copia summa 
ac facultate singulari 
dicendi, 
contra virum fortem, 
A. Gabinium, 
quum is 
promulgasset legem 
de uno imperatore 
constituendo 
contra praedones 
et fecisti item 
permulta verba 
ex hoc loco ipso 
contra eam legem. 
Quid? per deos immortales , 
si tum tua auctoritas 
valuisset 
apud populum Romanum 
plus quam salus 
populi Romani ipsius 
et vera causa, 
teneremus hodie 
hanc gloriam 
atque hoc imperium 
orbis terrae ? 
an videbatur tibi 
hoc esse imperium, 
tum quum legati 
populi Romani,

 
et grande, 
et tout être éminent 
dans Cn. Pompée seul. 
Que dit donc Hortensius? 
si toutes choses 
devaient être remises à un-seul, 
Pompée seul 
être le plus digne; 
mais cependant ne falloir pas 
toutes choses être déférées à un seul. 
Déjà un tel langage est passé-de-mode, 
réfuté beaucoup plus par le fait 
que par les paroles. 
Car toi le même (aussi),
Q. Hortensius, 
et tu as dit beaucoup de choses 
dans le sénat 
avec-poids et avec-grâce, 
d'après ton abondance très-grande 
et ton talent singulier 
de parler, 
contre un homme courageux, 
A Gabinius, 
lorsque celui-ci 
eut proposé la loi 
touchant un seul général 
devant-être-nommé 
contre les pirates, 
et tu as fait (prononcé) de même 
beaucoup-de paroles 
de ce lieu même 
contre cette loi. 
Quoi ? par les dieux immortels, 
si alors ton autorité 
eût eu de-l'influence 
auprès du peuple romain 
plus que le salut 
du peuple romain lui-même 
et la vraie question, 
conserverions-nous aujourd'hui 
cette gloire 
et cet empire 
du cercle de la terre (du monde) ? 
ou semblait-il à toi 
cela être un empire, 
alors que des ambassadeurs 
du peuple romain,
 
est importante, et que Pompée réunit tous les talents au plus haut degré. Que dit donc Q. Hortensius ? que, s'il faut tout mettre entre les mains d'un seul homme, Pompée est le plus digne d'être choisi , mais qu'il ne faut pas tout mettre entre les mains d'un seul homme. C'est là un langage usé et réfuté plus encore par les faits que par mes paroles. C'est vous aussi, Q. Hortensius, qui, avec votre admirable et féconde éloquence, avez prononcé en plein sénat contre Gabinius, citoyen courageux, un discours aussi solide que séduisant, quand il proposa une loi qui chargeait Pompée seul du commandement contre les pirates ; du haut de cette même tribune, vous avez aussi parlé longuement contre cette proposition. Or, au nom des dieux, si, dans cette circonstance, votre autorité l'eût emporté aux yeux du peuple romain sur le salut de Rome et sur la vérité, aurions-nous encore aujourd'hui notre gloire et l'empire du monde ? Vous semblait-il que nous l'eussions, cet empire, quand les pirates s'emparaient des ambassadeurs, des préteurs, des questeurs du peu-

84 - 85

resque capiebantur, quum ex omnibus provinciis commeatu et privato et publico prohibebamur, quum ita clausa erant nobis omnia maria, ut neque privatam rem transmarinam, neque publicam jam obire possemus?
XVIII. Quæ civitas antea unquam fuit, non dico Atheniensium, quæ satis late quondam mare tenuisse dicitur ; non
Carthaginiensium, qui permultum classe maritimisque rebus valuerunt ; non Rhodiorum, quorum usque ad nostram memoriam disciplina navalis et gloria remansit : quæ civitas unquam antea tam tenuis, quæ tam parva insula fuit, quæ non portus suos, et agros, et aliquam partem regionis atque oræ maritimæ per se ipsa defenderet ? At, hercle, aliquot annos continuos ante legem Gabiniam ille populus Romanus, cujus usque ad nostram memoriam nomen invictum in navalibus pugnis permanserat, magna ac multo maxima parte non modo utilitatis, sed dignitatis atque imperii, caruit. Nos, quorum
praetores quaestoresque
capiebantur,
quum prohibebamur
commercio
et privato et publico
ex omnibus provinciis,
quum omnia maria
erant ita clausa nobis,
ut possemus jam obire
rem neque privatam
neque publicam
transmarinam?
XVIII. Quae civitas
fuit unquam antea.
non dico Atheniensium,
quae dicitur
tenuisse mare quondam
satis late;
non Carthaginiensium,
qui valuerunt permultum
classe et rebus maritimis;
non Rhodiorum,
quorum disciplina navalis
et gloria remansit 
usque ad nostram memoriam:
quae civitas
fuit unquam antea
tam tenuis ,
quae insula tam parva,
quae non defenderet
ipsa per se
suos portus, et agros,
et aliquam partem regionis
atque orae maritimae
At, hercle,
aliquot annos continuos
ante legem Gabiniam,
ille populus Romanus,
cujus nomen
remanserat invictum 
usque ad nostram memoriam 
in pugnis navalibus,
caruit parte magna
ac multo maxima
non modo utilitatis,
sed dignitatis
atque imperii.
 
des préteurs et des questeurs
étaient pris, 
que nous étions privés 
de communication 
et particulière et publique 
de toutes les provinces, 
que toutes les mers 
étaient tellement fermées pour nous 
que nous ne pouvions plus entreprendre
une affaire ni particulière
ni publique 
d'outre-mer?
XVIII. Quelle ville 
fut jamais auparavant, 
je ne dis pas celle des Athéniens
qui est dite 
avoir occupé (dominé sur) la mer jadis
assez au loin ; 
ni celle des Carthaginois, 
qui purent beaucoup 
par leur flotte et leurs forces maritines;
ni celle des Rhodiens, 
dont le talent naval 
et la gloire a duré
jusqu'à notre mémoire (époque)
quelle ville 
fut jamais auparavant 
si faible, 
quelle île si petite, 
qui ne défendît 
elle-même par elle-même 
ses ports, et ses champs, 
et quelque partie du territoire 
et de la côte maritime? 
Mais, par Hercule, 
pendant quelques années consécutives 
avant la loi Gabinia, 
ce peuple romain, 
dont le nom
était demeuré invincible 
jusqu'à notre mémoire (époque)
dans les combats de-vaisseaux,
a été privé d'une partie grande
et de beaucoup la plus grande 
non-seulement de son avantage,
mais de sa dignité
et de son empire.
 
ple romain? quand les communications, tant privées que publiques, avec toutes nos provinces, étaient interrompues? quand toutes les mers nous étaient si bien fermées que nous ne pouvions entreprendre aucun voyage, ni pour nous-mêmes, ni pour la république?
XVIII. Y eut-il jamais un État (je ne parle pas d'Athènes, qui posséda, dit-on, jadis des forces maritimes assez considérables ; je ne parle pas de Carthage, qui fut si puissante par sa flotte et son commerce ; je ne parle pas des Rhodiens, dont l'habileté et la gloire navale subsistent encore), y eut-il jamais, dis-je, un État si faible, une île si petite, qui ne pût défendre par elle-même ses ports, son territoire et une partie des côtes ? Eh bien ! pendant plusieurs années de suite, avant la loi Gabinia, ce peuple romain, dont le nom, jusqu'à présent, était resté celui d'un peuple invincible sur mer, s'est vu privé de la plus grande partie non-seulement de ses revenus, mais même de sa dignité et de son empire. Nous, dont les ancêtres batti

86 - 87

majores Antiochum regem classe Persenque superarunt, omnibusque navalibus pugnis Carthaginienses, homines in maritimis rebus exercitatissimos paratissimosque, vicerunt, ii nullo in loco jam prædonibus pares esse poteramus. Nos quoque, qui antea non modo Italiam tutam habebamus, sed omnes socios in ultimis oris auctoritate nostri imperii salvos præstare poteramus, tum quum insula Delos, tam procul a nobis in Ægæo mari posita, quo omnes undique cum mercibus atque oneribus commeabant, referta divitiis, parva, sine muro, nihil timebat ; iidem non modo provinciis, atque oris Italiæ maritimis, ac portubus nostris, sed etiam Appia jam via carebamus : et his temporibus non pudebat magistratus populi Romani in hunc ipsum locum escendere, quum eum vobis majores vestri exuviis nauticis et classium spoliis ornatum reliquissent ! Nos, quorum majores 
superarunt classe 
regem Antiochum 
Persenque, 
viceruntque 
omnibus praeliis navalibus
Carthaginienses, 
homines exercitatissimos
paratissimosque 
in rebus maritimis, 
ii poteramus jam 
in nullo loco 
esse pares prædonibus. 
Nos quoque, qui antea 
non modo habebamus 
Italiam tutam, 
sed poteramus 
præstare salvos 
omnes socios 
in oris ultimis 
auctoritate nostri imperii, 
tum quum insula Delos, 
posita tam procul a nobis 
in mari Ægaeo, 
quo omnes 
commeabant undique 
cum mercibus 
atque oneribus, 
referta divitiis, 
parva, sine muro, 
timebat nihil ; 
iidem carebamus 
non modo provinciis 
atque oris maritimis 
Italiæ, 
ac nostris portubus, 
sed etiam jam via Appia: 
et his temporibus 
non pudebat 
magistratus 
populi Romani 
escendere 
in hunc locum ipsum, 
quum vestri majores 
reliquissent eum vobis 
ornatum exuviis nauticis 
et spoliis classium !
Nous, dont les ancêtres 
vainquirent avec une flotte 
le roi Antiochus 
et Persée, 
et vainquirent 
dans toutes les batailles navales 
les Carthaginois, 
hommes très-exercés 
et très-bien-équipés 
dans les choses maritimes, 
ceux-ci (nous) nous ne pouvions plus 
en aucun lieu 
être égaux (tenir tête) aux pirates. 
Nous aussi, qui auparavant 
non-seulement avions (rendions) 
l'Italie sûre, 
mais pouvions 
rendre saufs 
tous nos alliés 
sur les rives les plus lointaines 
par l'autorité de notre empire, 
alors que l'île de Délos, 
placée si loin de nous 
dans la mer Égée, 
où tous 
abordaient de-toutes-parts 
avec des marchandises 
et des cargaisons, 
remplie de richesses, 
petite, sans mur, 
ne craignait rien, 
les mêmes (nous) nous étions privés
non-seulement des provinces 
et des côtes maritimes 
de l'Italie, 
et de nos ports, 
mais même déjà de la voie Appienne : 
et dans ces temps 
honte-n'était point 
aux magistrats 
du peuple romain 
de monter 
à ce lieu même (la tribune), 
quand vos ancêtres 
avaient laissé lui à vous 
orné de dépouilles navales 
et de trophées de flottes !
rent sur mer Antiochus et Persée, et vainquirent dans toutes les batailles navales les Carthaginois, le peuple du monde le plus exercé et le mieux partagé en fait de forces maritimes, nous ne pouvions, sur aucun point, tenir tête aux pirates. Nous qui, précédemment, non-seulement protégions l'Italie, mais pouvions, par notre influence, faire respecter nos alliés sur les côtes les plus lointaines ; quand l'île de Délos, située si loin de nous dans la mer Égée, où abordaient de toutes parts les navigateurs avec leurs marchandises et leurs cargaisons, quand Délos, regorgeant de richesses, bien que fort petite et sans murailles, ne craignait rien ; nous, dis-je, nous nous voyions interdire le passage non-seulement dans nos provinces, sur toutes les côtes de l'Italie et dans nos ports, mais même sur la voie Appienne, et, à ce moment-là même, des magistrats du peuple romain ne rougissaient pas de monter à cette tribune, que vos pères vous avaient laissée ornée de dépouilles navales et de débris des flottes ennemies!

88 - 89

XIX. Bono te animo tum, Q. Hortensi, populus Romanus, et ceteros qui erant in eadem sententia, dicere existimavit ea
quæ sentiebatis ; sed tamen in salute communi idem populus Romanus dolori suo maluit quam auctoritati vestræ obtemperare. Itaque una lex, unus vir, unus annus, non modo nos illa miseria ac turpitudine liberavit, sed etiam effecit ut aliquando vere videremur omnibus gentibus ac nationibus terra marique imperare. Quo mihi etiam indignius videtur obtrectatum esse adhuc (Gabinio dicam, anne Pompeio, an utrique ? id quod est verius) ne legaretur A. Gabinius Cn. Pompeio expetenti ac postulanti. Utrum ille qui postulat legatum ad tantum bellum, quem velit, idoneus non est qui impetret, quum ceteri ad expilandos socios diripiendasque provincias, quos voluerunt, legatos eduxerint? an ipse, cujus lege salus ac dignitas populo
XIX. Populus Romanus 
tum , Q. Hortensi, 
existimavit te, 
et ceteros qui erant 
in eadem sententia 
dicere bono animo 
ea quæ sentiebatis 
sed tamen 
in salute communi 
idem populus Romanus 
maluit obtemperare 
suo dolori 
quam vestræ auctoritati 
Itaque una lex, 
unus vir, unus annus
non modo liberavit nos 
illa miseria ac turpitudine, 
sed etiam effecit 
ut aliquando 
videremur vere imperare 
omnibus gentibus 
ac nationibus 
terra marique. 
Quo videtur etiam mihi 
obtrectatum esse 
adhuc indignius 
(dicam Gabinio, 
anne Pompeio, 
an utrique? 
id quod est verius) 
ne A. Gabinius 
legaretur Cn. Pompeio 
expetenti ac postulanti. 
Utrum ille, 
qui postulat legatum 
quem velit 
ad tantum bellum, 
non est idoneus 
qui impetret, 
quum ceteri, 
ad expilandos socios 
diripiendasque provincias,
eduxerint legatos 
quos voluerunt? 
an ipse, 
lege cujus 
salus ac dignitas
XIX. Le peuple romain 
alors, Q. Hortensius, 
a pensé toi, 
et les autres qui étaient 
dans le même avis, 
dire avec une bonne intention 
ce que vous pensiez; 
mais cependant 
à-propos-du salut commun 
ce-même peuple romain 
a mieux-aimé obéir 
à sa douleur 
qu'à votre autorité. 
C'est-pourquoi une seule loi, 
un seul homme, une seule année 
non-seulement ont délivré nous 
de cette misère et de cette honte, 
mais encore ont fait 
qu'enfin 
nous parussions vraiment commander 
à tous les peuples 
et à toutes les nations 
sur terre et sur mer. 
Par quoi il semble même à moi 
avoir été fait-opposition 
encore plus indignement 
(dirai-je à Gabinius 
ou à Pompée, 
ou à l'un-et-l'autre? 
ce qui est plus vrai) 
pour qu'A. Gabinius 
ne fût pas adjoint à Cn. Pompée 
le désirant et le demandant. 
Est-ce-que celui-ci, 
qui demande pour lieutenant 
qui il veut 
pour une si-grande guerre, 
n'est pas digne 
qui l'obtienne (de l'obtenir), 
quand les autres, 
pour piller les alliés 
et ravager les provinces, 
ont emmené pour lieutenants 
ceux qu'ils ont voulu? 
ou-bien celui même, 
par la loi de qui 
le salut et la dignité
XIX. Dans cette circonstance, le peuple romain n'a point douté, Q. Hortensius, que vous n'eussiez de bonnes intentions en parlant ainsi, vous et tous ceux qui partageaient votre opinion ; mais, quand il s'agissait du salut commun, ce même peuple a mieux aimé prendre conseil de sa douleur que de se rendre à votre autorité. Ainsi une seule loi, un seul homme, une seule année, non-seulement nous ont affranchis de tant de malheurs et de tant de honte, mais nous ont enfin fait paraître sur terre et sur mer comme les véritables maîtres de tous les peuples, de toutes les nations. Aussi trouvé-je plus odieux encore l'affront fait, dirai-je à Gabinius ou à Pompée, ou, ce qui est plus exact encore, à tous les deux ? d'avoir refusé Gabinius pour lieutenant à Pompée qui le désire et le demande. Le général qui, pour une guerre de cette importance, demande un lieutenant de son choix, n'est-il pas digne de l'obtenir, quand tous les autres ont emmené avec eux des hommes de leur choix pour aller dépouiller nos alliés et piller nos provinces ? ou bien celui qui, par une loi, a assuré le salut et la dignité du peuple romain et de toutes

90 - 91

Romano atque omnibus gentibus constituta est, expers esse debet gloriæ ejus imperatoris atque ejus exercitus, qui consilio ipsius atque periculo est constitutus ? An C. Falcidius, Q. Metellus, Q. Caelius Latiniensis, Cn. Lentulus, quos omnes honoris causa nomino, quum tribuni plebis fuissent, anno proximo legati esse potuerunt ; in hoc uno Gabinio sunt tam diligentes, qui in hoc bello quod lege Gabinia geritur, in hoc imperatore atque exercitu quem per vos ipse constituit, etiam præcipuo jure esse deberet ? De quo legando spero consules ad senatum relaturos. Qui si dubitabunt aut gravabuntur, ego me profiteor relaturum ; neque me impediet cujusquam, Quirites, inimicum edictum, quominus fretus vobis vestrum jus beneficiumque defendam ; neque præter intercessionem quidquam audiam : de qua, ut arbitror, isti ipsi, qui minantur, etiam atque etiam quid liceat considerabunt. Mea quidem sententia, constituta est 
populo Romano 
atque omnibus gentibus, 
debet esse expers 
gloriæ ejus imperatoris 
atque ejus exercitus, 
qui constitutus est 
consilio 
atque periculo ipsius? 
An C. Falcidius, 
Q. Metellus, 
Q. Caelius Latiniensis, 
Cn. Lentulus, 
quos nomino omnes 
causa honoris, 
quum fuissent 
tribuni plebis, 
potuerunt esse legati 
anno proximo; 
sunt tam diligentes 
in hoc Gabinio uno, 
qui deberet esse 
etiam jure praecipuo, 
in hoc bello, 
quod geritur lege Gabinia, 
in hoc imperatore 
atque exercitu, 
quem constituit ipse per se ? 
Spero consules 
relaturos ad senatum 
de quo legando. 
Qui si dubitabunt 
aut gravabuntur, 
ego profiteor me relaturum; 
neque edictum inimicum 
cujusquam 
impediet me 
quominus, fretus vobis, 
defendam vestrum jus 
et beneficium ; 
neque audiam quidquam, 
praeter intercessionem: 
de qua, ut arbitror, 
isti ipsi qui minantur 
considerabunt 
etiam atque etiam 
quid liceat.
ont été assurés 
au peuple romain 
et à toutes les nations, 
doit-il être ne-prenant-pas-part 
à la gloire de ce général 
et de cette armée, 
qui ont été établis 
par le conseil 
et le danger de lui-même? 
Est-ce-que, tandis que Falcidius, 
Q. Métellus, 
Q. Célius Latiniensis, 
Cn. Lentulus, 
que je nomme tous 
par honneur, 
après qu'ils eurent été 
tribuns du peuple, 
ont pu être lieutenants 
l'année suivante; 
et ils sont (on est) si scrupuleux 
pour ce Gabinius seul, 
qui devrait être 
même dans le droit principal, 
à-propos-de cette guerre, 
qui se fait par la loi Gabinia, 
à-propos-de ce général 
et de cette armée, 
qu'il a établis lui-même par lui-même? 
J'espère les consuls 
devoir faire-un-rapport au sénat
sur lui devant être envoyé-comme-lieutanant. Lesquels s'ils hésitent 
ou se montrent-contrariés, 
je déclare moi devoir faire-un-rapport; 
et l'édit ennemi (injuste) 
de qui-que-ce-soit 
ne m'empêchera pas 
que, appuyé-sur vous, 
je défende votre droit 
et votre bienfait; 
et je n'écouterai quoi-que-ce-soit, 
hormis l'opposition des tribuns
à-propos-de laquelle, comme je pense, 
ceux-là mêmes qui menacent 
considéreront 
encore et encore (plus d'une fois) 
ce qui est-permis.
les nations, doit-il être privé de partager la gloire du chef et de l'armée qui ont été choisis par ses conseils et à ses risques ? Eh quoi! C. Falcidius, Q. Métellus, Q. Célius Latiniensis, Cn. Lentulus, que je cite tous avec respect, ont bien pu, après avoir été tribuns du peuple, devenir lieutenants l'année suivante ; et l'on n'affiche de tels scrupules qu'à propos de Gabinius, qui, dans une guerre entreprise d'après la loi Gabinia, avec un général et une armée qu'il a obtenus de vous, devrait être préféré à tout autre ? J'espère bien que les consuls soumettront cette affaire au sénat ; s'ils hésitent ou qu'ils ne le fassent qu'avec peine, je déclare que je ferai moi-même une proposition. Et nul ne saurait m'empêcher, Romains, par un édit inique, de défendre, avec votre aide, vos droits et votre bienfait ; je ne reculerai que devant l'opposition des tribuns ; et, quant à cette opposition, ceux mêmes qui nous en menacent examineront plus d'une fois jusqu'où vont leurs droits. Suivant moi, Romains,

92 - 93

Quirites, unus A. Gabinius, belli maritimi rerumque gestarum auctor, comes Cn. Pompeio adscribitur, propterea quod alter uni id bellum suscipiendum vestris suffragiis detulit, alter delatum susceptumque confecit.
XX. Reliquum est ut de Q. Catuli auctoritate et sententia dicendum esse videatur ; qui quum ex vobis quæreret, si in uno Cn. Pompeio omnia poneretis, si quid eo factum esset in quo spem essetis habituri, cepit magnum suæ virtutis fructum ac dignitatis, quum omnes, prope una voce, in eo ipso vos spem habituros esse dixistis. Etenim talis est vir, ut nulla res tanta sit ac tam difficilis, quam ille non et consilio regere, et integritate tueri, et virtute conficere possit. Sed in hoc ipso ab eo vehementissime dissentio, quod, quo minus certa est hominum ac minus diuturna vita, hoc magis respublica, dum per deos immortales licet, frui debet summi hominis vita atque virtute.
Mea quidem sententia, 
Quirites, 
A. Gabinius unus, 
auctor belli maritimi 
rerumque gestarum, 
adscribitur comes 
Cn. Pompeio ; 
propterea quod alter 
detulit uni 
vestris suffragiis 
id bellum suscipiendum, 
alter confecit 
delatum et susceptum. 
XX. Est reliquum 
ut videatur dicendum esse 
de auctoritate 
et sententia Q. Catuli, qui, 
quum quæreret ex vobis, 
si poneretis omnia 
in Cn. Pompeio uno, 
si quid factum esset eo, 
in quo 
habituri essetis spem, 
cepit magnum fructum 
suae virtutis ac dignitatis, 
quum prope omnes 
dixistis una voce 
vos habituros esse spem 
in eo ipso. 
Etenim vir est talis, 
ut nulla res sit tanta 
et tam difficilis, 
quam ille non possit 
et regere consilio, 
et tueri integritate, 
et conficere virtute. 
Sed dissentio ab eo 
vehementissime 
in hoc ipso quod, 
quo vita hominum 
est minus certa 
ac minus diuturna. 
magis hoc respublica, 
dum licet 
per deos immortales, 
debet frui vita atque virtute 
hominis summi. 
A mon avis à la vérité,
Romains
A. Gabinius seul,
conseiller de la guerre navale
et des exploits accomplis,
est adjoint pour compagnon
à Cn. Pompée;
parce que l'un
a confié à un seul
avec vos suffrages
cette guerre à-entreprendre,
l'autre a achevé
la guerre confiée et entreprise.
XX. Il est restant (il reste)
qu'il semble devoir être parlé
de l'autorité
et de l'avis de Q. Catulus, qui,
comme il demandait à vous,
si vous placiez tout
en Cn. Pompée seul, ,
si quelque chose arrivait de (malheur arrivait à) lui
en qui
vous auriez espérance,
a recueilli un grand fruit
de son mérite et de sa dignité,
quand presque tous
vous avez dit d'une voix
vous devoir avoir espérance
en lui-même. 
En effet l'homme est tel,
qu'aucune affaire n'est d'un si-grand prix
et si difficile,
qu'il ne puisse
et diriger par sa prudence,
et soutenir par son intégrité,
et achever par son courage.
Mais je diffère de lui
très-fortement
en cela même que,
d'autant la vie des hommes
est moins certaine
et moins longue,
plus pour cela la république,
pendant qu'il est permis
par les dieux immortels,
doit jouir de la vie et du talent
d'un homme éminent.
A. Gabinius, auteur de la guerre navale et des succès qui l'ont suivie, est le seul homme qu'on puisse adjoindre à Cn. Pompée, puisque l'un de ces deux personnages a obtenu de vous que cette guerre fût confiée à un seul général, et que l'autre, après l'avoir entreprise, l'a menée à fin.
XX. Il me reste à parler de l'autorité et de l'opinion de Q. Catulus. Quand il vous disait : « Si vous mettez tous les pouvoirs aux mains de Pompée et qu'il lui arrive quelque malheur, en qui placerez-vous votre confiance ?» il a recueilli un fruit bien glorieux de sa valeur et de son mérite; car vous lui avez répondu tous à peu près d'une voix : « C'est sur vous, Catulus, que nous compterons. » C'est, en effet, un illustre citoyen, et il n'est point d'affaire si grave, si difficile, qu'il ne puisse diriger par sa prudence, soutenir par son intégrité et mener à fin par sa valeur. Mais je suis loin de partager cette fois son sentiment ; plus l'existence de l'homme est courte et incertaine, plus la république, tant que les dieux le permettent, doit jouir de la vie et du mérite d'un homme supérieur.

94 - 95

At enim nihil novi fiat contra exempla atque instituta majorum. Non dico hoc loco majores nostros semper in pace consuetudini, in bello utilitati paruisse; semper ad novos casus temporum novorum consiliorum rationes accommodasse ; non dicam duo bella maxima, Punicum et Hispaniense, ab uno imperatore esse confecta, duasque urbes potentissimas, quæ huic imperio maxime minabantur, Carthaginem atque Numantiam, ab eodem Scipione esse deletas ; non commemorabo nuper ita vobis patribusque vestris esse visum ut in uno C. Mario spes imperii poneretur, ut idem cum Jugurtha, idem cum Cimbris, idem cum Teutonis bellum administraret. In ipso Cn. Pompeio, in quo novi constitui nihil vult Q. Catulus, quam multa sint nova, summa Q. Catuli voluntate, constituta recordamini.
XXI. Quid enim tam novum quam adolescentulum privatum exercitum difficili reipublicæ tempore conficere ? confecit :
At enim inquit, 
nihil novi fiat 
contra exempla 
atque instituta majorum. 
Non dico hoc loco 
nostros majores 
semper paruisse in pace
consuetudini, 
in bello utilitati ; 
semper accommodasse 
rationes 
novorum consiliorum 
ad novos casus temporum ; 
non dicam 
duo bella maxima 
Punicum et Hispaniense, 
confecta esse 
ab uno imperatore, 
duas urbes potentissimas, 
quae minabantur maxime 
huic imperio, 
Carthaginem 
atque Numantiam, 
deletas esse 
ab eodem Scipione; 
non commemorabo 
nuper visum esse 
vobis vestrisque patribus 
ut spes imperii poneretur 
in C. Mario uno, 
ita ut idem administraret 
bellum cum Jugurtha,
idem cum Cimbris, 
idem cum Teutonis. 
Recordamini 
quam multa nova 
constituta sint, 
voluntate summa Q. Catuli, 
in Cn. Pompeio ipso, 
in quo Q. Catulus 
vult nihil novi constitui. 
XXI. Quid enim 
tam novum 
quam adolescentulum, 
privatum, 
conficere exercitum 
tempore difficili
Mais en effet, dit-il
que rien de nouveau ne se fasse
contre les exemples
et les institutions de nos ancêtres.
Je ne dis point en ce lieu
nos ancêtres
toujours avoir obéi dans la paix
à la coutume,
dans la guerre à l'utilité ;
toujours avoir adapté
des plans
de nouvelles résolutions
à de nouvelles circonstances de temps;
je ne dirai pas
deux guerres très-grandes
celle de-Carthage et celle d'-Espagne
avoir été achevées
par un seul général ,
deux villes très-puissantes,
qui menaçaient le plus
cet empire,
Carthage
et Numance
avoir été détruites
par le même Scipion ;
je ne rappellerai pas
naguère avoir paru-bon
à vous et à vos pères ,
que l'espoir de l'empire fût mis
en C. Marius seul,
de-telle-sorte que le même dirigeait
la guerre avec Jugurtha,
le même la guerre avec les Cimbres,
le même la guerre avec les Teutons.
Rappelez-vous 
combien nombreuses des choses nouvelles
ont été établies 
avec la bonne-volonté très-grande de Q.Catulus, 
pour Cn. Pompée lui-même, 
pour qui Q. Catulus 
veut rien de nouveau n'être établi.
XXI. Quoi en effet 
de si nouveau
que de voir un jeune homme,
simple-particulier,
compléter (lever) une armée
dans un temps difficile
ais, dit Catulus, n'admettons point d'innovation contraire aux institutions et aux exemples de nos ancêtres. Je ne répondrai pas à ce propos que toujours nos ancêtres ont obéi, en temps de paix, aux usages, mais qu'en temps de guerre ils ont consulté l'intérêt public ; que toujours dans des conjonctures nouvelles ils ont adopté des plans nouveaux ; je ne dirai pas que deux guerres fort considérables, la guerre d'Espagne et la guerre Punique, ont été terminées par un seul général ; que deux villes puissantes, les plus terribles ennemies de Rome, Carthage et Numance, ont été détruites par le même Scipion ; je ne vous rappellerai pas que, naguère encore, vos pères et vous avez jugé à propos de mettre toutes les espérances de la république entre les mains de Marius seul, de telle sorte qu'il fit seul la guerre à Jugurtha, aux Cimbres, aux Teutons ; songez seulement à Pompée lui-même, pour qui Catulus ne veut point d'innovations, rappelez-vous combien de choses nouvelles vous avez faites pour lui, avec l'approbation sans réserve de Q. Catulus.  
XXI. Quoi de plus nouveau, en effet, que de voir un jeune homme, simple particulier, lever une armée dans les circonstances les plus

96 - 97

huic præesse? praefuit : rem optime ductu suo gerere ? gessit. Quid tam præter consuetudinem quam homini peradolescenti, cujus a senatorio gradu ætas longe abesset, imperium atque exercitum dari, Siciliam permitti atque Africam, bellumque in ea administrandum ? Fuit in his provinciis singulari innocentia, gravitate, virtute ; bellum in Africa maximum confecit, victorem exercitum deportavit. Quid vero tam inauditum quam equitem Romanum triumphare? at eam quoque rem populus Romanus non modo vidit, sed etiam studio omni visendam et concelebrandam putavit. Quid tam inusitatum quam ut, quum duo consules clarissimi fortissimique essent, eques Romanus ad bellum maximum formidolosissimumque pro consule mitteretur ? missus est. Quo quidem tempore, quum esset nonnemo in senatu qui diceret non oportere mitti hominem privatum pro consule, L. Philippus dixisse dicitur :  reipublicae?
confecit :
praeesse huic ?
praefuit :
gerere rem optime
suo ductu?
gessit. 
Quid tam praeter consuetudinem
quam imperium
atque exercitum dari
homini peradolescenti,
cujus aetas abesset longe
a gradu senatorio,
Siciliam permitti
atque Africam,
bellumque
administrandum in ea?
Fuit in his provinciis
innocentia, gravitate,
virtute singulari;
confecit bellum maximum
in Africa, 
deportavit
exercitum victorem. 
Quid vero tam inauditum
quam equitem Romanum
triumphare? 
at populus Romanus
non modo vidit 
eam rem quoque, 
sed etiam putavit 
visendam esse 
et concelebrandam 
omni studio. 
Quid tam inusitatum 
quam ut eques Romanus
mitteretur pro consule 
ad bellum maximum formidolosissimumqne
quum essent duo consules
clarissimi fortissimique ?
missus est.
Quo tempore quidem, 
quum nonnemo esset
in senatu 
qui diceret non oportere
hominem privatum
pour la république? 
il l'a complétée (levée): 
de le voir commander cette armée
il l'a commandée: 
de le voir conduire l'entreprise très-bien
par sa direction? 
il l'a conduite. 
Quoi de si contre la coutume 
que de voir un commandement 
et une armée être donnés 
à un homme extrêmement-jeune, 
dont l'âge était loin 
de la dignité sénatoriale, 
de voir la Sicile lui être confiée 
et l'Afrique, 
et la guerre 
devant être dirigée dans elle? 
Il a été dans ces provinces 
d'une intégrité, d'une sagesse, 
d'une valeur singulière;
il a achevé la guerre la plus grande
en Afrique,
il a ramené
son armée victorieuse.
D'un-autre-côté quoi de si inouï

que de voir un chevalier romain
triompher?
or le peuple romain
non-seulement a vu
cette chose aussi,
mais encore a pensé
elle devoir être vue
et applaudie
avec tout le zèle possible.
Quoi de si inusité
que de voir qu'un chevalier romain
fût envoyé au-lieu-d'un consul
pour une guerre très-grande
et très-effrayante,
quand il y avait deux consuls
très-illustres et très-courageux?
il a été envoyé.
A cette époque même,
comme quelques-uns étaient
dans le sénat
qui disaient ne pas falloir
un homme simple-particulier
difficiles pour la république ? Pompée en a levé une ; de le voir la commander ? il l'a commandée ; diriger la guerre avec succès ? il l'a fait aussi. Quoi de plus extraordinaire que de voir un homme si jeune, bien éloigné de l'âge requis pour être sénateur, chargé du commandement d'une armée ? de lui voir confier la Sicile, l'Afrique et les guerres qu'il fallait y soutenir ? Il s'est montré dans ces provinces d'une intégrité, d'une sagesse, d'une valeur admirables ; il a terminé en Afrique une guerre importante, et a ramené son aimée victorieuse. Quoi de plus inouï que de voir un chevalier romain honoré du triomphe ? Or, le peuple, romain n'a pas seulement été témoin de ce spectacle, mais il a cru devoir y courir et y applaudir avec le plus grand empressement. Quoi de plus contraire aux usages que de charger un chevalier romain, plutôt qu'un consul, d'une guerre terrible et des plus importantes, quand il y avait deux consuls d'un courage et d'une distinction rares ? On l'en a pourtant chargé. Et dans ce temps-là, comme quelques sénateurs disaient qu'il ne fallait pas envoyer un simple particulier à la place d'un con-

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Non se illum sua sententia pro consule, sed pro consulibus mittere. Tanta in eo reipublicae bene gerendae spes constituebatur, ut duorum consulum munus unius adolescentis virtuti committeretur. Quid tam singulare quam ut ex senatusconsulto legibus solutus consul ante fieret,  quam ullum alium magistratum per leges capere licuisset? quid tam incredibile quam ut iterum eques Romanus senatusconsulto triumpharet? Quae in omnibus hominibus nova post hominem memoriam constituta sunt, ea tam multa non sunt, quam haec quae in hoc uno homine vidimus. Atque haec tot exempla, tanta ac tam nova, profecta sunt in eumdem hominem a Q. Catuli atque a ceterorum ejusdem dignitatis amplissimorum hominum auctoritate.
XXII. Quare videant ne sit periniquum et non ferendum, illorum auctoritatem de Cn. Pompeii dignitate a vobis comprobatam semper esse ; vestrum ab illis de eodem homine judi-
mitti pro consule, 
L. Philippus dicitur dixisse 
se, sua sententia, 
non mittere illum 
pro consule, 
sed pro consulibus. 
Tanta spes 
bene gerendae reipublicae
constituebatur in eo, 
ut munus 
duorum consulum 
committeretur virtuti 
unius adolescentis. 
Quid tam singulare 
quam ut 
solutus legibus 
ex senatusconsulto 
fieret consul 
antequam licuisset 
per leges 
capere 
ullum alium magistratum? 
quid tam incredibile 
quam ut eques Romanus 
triumpharet iterum 
ex senatusconsulto? 
Ea 
quae constituta sunt nova 
in omnibus hominibus 
post memoriam hominem, 
non sunt tam multa 
quam haec quae vidimus 
in hoc homine uno. 
Atque haec tot exempla, 
tanta ac tam nova, 
profecta sunt 
in eumdem hominem 
ab auctoritate Q. Catuli 
atque ceterorum hominum
amplissimorum 
ejusdem dignitatis.
XXII. Quare videant 
ne sit periniquum 
et non ferendum, 
auctoritatem illorum 
de dignitate Cn. Pompeii
comprobatam esse semper
être envoyé au-lieu d'un consul, 
L. Philippus est dit avoir dit 
lui, de son avis, 
ne pas envoyer celui-ci (Pompée) 
au-lieu-d'un consul, 
mais au-lieu-des consuls. 
Un si-grand espoir 
de bien gouverner la république 
était mis eu lui, 
que la fonction 
des deux consuls 
était confiée au mérite 
d'un seul adolescent. 
Quoi de si singulier 
que de voir que 
dispensé des lois 
par un sénatusconsulte 
il devint consul 
avant qu'il lui eût été-permis 
par les lois 
de prendre (recevoir) 
aucune autre magistrature? 
quoi de si incroyable 
que de voir qu'un chevalier romain 
triomphât une-seconde-fois 
d'après un sénatusconsulte? 
Ces choses 
qui ont été établies nouvelles 
pour tous les hommes 
de mémoire d'hommes, 
ne sont pas si nombreuses 
que celles que nous avons vues 
établies pour cet homme seul. 
Et ces si-nombreux exemples, 
si-grands et si nouveaux, 
sont partis 
pour se porter sur ce-même homme 
de l'autorité de Q. Catulus 
et des autres hommes 
les plus considérables 
de la même dignité. 
XXII. C'est-pourquoi qu'ils voient (prennent-garde)
qu'il ne soit fort-injuste 
et non supportable 
l'autorité de ceux-ci 
au-sujet-de la dignité de Cn. Pompée 
avoir été approuvée toujours
sul, L. Philippus s'écria, dit-on, que dans sa pensée Pompée allait remplacer non pas un consul, mais les deux consuls. Ainsi il inspirait de si belles espérances, qu'on lui confiait, malgré son âge, l'emploi des deux consuls. Quoi de plus singulier que de le voir dispensé d'obéir aux lois par un sénatus-consulte, et nommé consul avant l'âge où les lois lui eussent permis d'aspirer à toute autre magistrature? Quoi de plus incroyable qu'un sénatus-consulte décrétant un second triomphe pour un simple chevalier ? Non, les innovations faites de mémoire d'homme pour qui que ce soit n'ont jamais été si nombreuses que celles dont Pompée seul a été l'objet. Et toutes ces distinctions, si brillantes, si neuves, ont été décrétées pour un même citoyen, de l'avis de Q. Catulus et de tous les personnages les plus illustres du même ordre.
XXII. Qu'ils prennent donc garde que ce ne soit de leur part une injustice et une tyrannie, quand vous avez approuvé tout ce qu'ils ont demandé pour la gloire de Pompée, de refuser leur assentiment
 

100 - 101

cium populique Romani auctoritatem improbari : praesertim quum jam suo jure populus Romanus in hoc homine suam auctoritatem, vel contra omnes qui dissentiunt, possit defendere ; propterea quod, istis reclamantibus, vos unum illum ex omnibus delegistis, quem bello praedonum praeponeretis. Hoc si vos temere fecistis, et reipublicae parum consuluistis, recte isti studia vestra suis consiliis regere conantur. Sin autem vos plus tum in republica vidistis, vos, his repugnantibus, per vosmet ipsos dignitatem huic imperio, salutem orbi terrarum attulistis : aliquando isti principes et sibi, et ceteris, populi Romani universi auctoritati parendum esse fateantur. Atque in hoc bello Asiatico et regio, non solum militaris illa virtus, quae est in Cn. Pompeio singularis, sed aliae quoque virtutes
 
a vobis ; 
vestrum judicium 
de eodem homine 
et auctoritatem 
populi Romani 
improbari ab illis: 
praesertim 
quum populus Romanus 
jam possit defendere 
suo jure 
suam auctoritatem 
in hoc homine, 
vel contra omnes 
qui dissentiunt; 
propterea quod, 
istis reclamantibus, 
vos delegistis illum 
unum ex omnibus, 
quem praeponeretis
bello praedonum. 
Si vos fecistis hoc temere,
et consuluistis parum 
reipublicae, 
isti conantur recte 
regere vestra studia 
suis consiliis. 
Sin autem vos tum
vidistis plus in republica, 
vos, his repugnantibus, 
attulistis 
per vosmet ipsos 
dignitatem huic imperio, 
salutem orbi terrarum: 
isti principes 
fateantur aliquando 
parendum esse 
et sibi et ceteris 
auctoritati 
populi Romani universi. 
Atque in hoc bello
Asiatico et regio, 
non solum 
illa virtus militaris, 
quae est singularis 
in Cn. Pompeio 
sed aliae virtutes animi 
multae et magnae
 
par vous;
et votre jugement
sur ce-même homme
et l'autorité
du peuple romain
être désapprouvés par eux:
surtout
quand le peuple romain
désormais peut défendre
de son droit (à bon droit)
son autorité
au-sujet-de cet homme,
même contre tous ceux
qui différent-d'avis;
parce que,
ceux-ci réclamant (malgré leurs réclamations),
vous avez choisi celui-là (Pompée) 
seul entre tous, 
que vous missiez (pour le mettre-à-la-tête)
de la guerre des pirates. 
Si vous avez fait cela sans-réflexion, 
et avez veillé peu 
à l'intérêt de la république, 
ceux-ci s'efforcent avec raison 
de diriger vos voeux 
par leurs conseils.
Mais-si vous alors 
vous avez vu plus (mieux) pour la république,
vous, ceux-ci résistant (malgré leur résistance)
vous avez apporté (procuré), 
par vous-mêmes 
la dignité à cet empire, 
le salut au cercle des terres (à l'univers) 
que ces premiers des citoyens 
avouent enfin 
devoir être obéi 
et par eux et par les autres 
à l'autorité 
du peuple romain tout-entier. 
Et dans cette guerre 
d'-Asie et contre-des-rois, 
non-seulement 
ce courage militaire, 
qui est éminent 
dans Cn. Pompée, 
mais les autres qualités de l'âme 
nombreuses et grandes
à ce que vous voulez faire vous-mêmes pour ce grand homme, et de repousser ce que propose le peuple romain : le peuple a bien le droit de faire prévaloir sa volonté contre ceux qui s'y opposent, puisque c'est malgré les réclamations de ces mêmes hommes qu'il a chargé Pompée seul de la guerre des pirates. Si vous avez eu tort de faire ce choix, s'il a été funeste à la république, ils ont raison de vouloir régler vos voeux par leurs conseils ; mais si vous avez, dans cette circonstance, vu mieux qu'eux l'intérêt de l'État ; si vous avez, malgré eux et par votre propre impulsion, rendu la dignité à Rome et sauvé l'univers, que ces grands personnages reconnaissent donc enfin qu'eux et les autres doivent se soumettre à l'autorité du peuple romain. Dans cette guerre d'Asie, dirigée contre des rois, il n'est pas seulement besoin de cette valeur militaire, que Pompée possède à un éminent degré, il faut encore d'autres qualités nombreuses et grandes.

102 - 103

animi multae et magnae requiruntur. Difficile est in Asia, Cilicia, Syria, regnisque interiorum nationum, ita versari vestrum imperatorem, ut nihil aliud quam de hoste ac de laude cogitet. Deinde, etiam si qui sunt pudore ac temperantia moderatiores, tamen eos esse tales, propter multitudinem cupidorum hominum, nemo arbitratur. Difficile est dictu, Quirites, quanto in odio simus apud exteras nationes, propter eorum, quos ad 
eas per hos annos cum imperio misimus , injurias ac libidines. Quod enim fanum putatis in illis terris nostris magistratibus religiosum, quam civitatem sanctam, quam domum satis clausam ac munitam fuisse ? Urbes jam locupletes ac copiosae requiruntur, quibus causa belli propter diripiendi cupiditatem inferatur. Libenter haec coram cum Q. Catulo et Q. Hortensio disputarem, summis et clarissimis viris : noverunt enim sociorum vulnera, vident eorum calamitates, querimonias audiunt.
 
requiruntur quoque. 
Difficile est 
in Asia, Cilicia, Syria, 
regnisque 
nationum interiorum, 
vestrum imperatorem 
versari ita 
ut cogitet nihil aliud 
quam de hoste ac de laude.
Deinde, etiam 
si qui sunt moderatiores 
pudore ac temperantia, 
tamen nemo arbitratur 
eos esse tales, 
propter multitudinem 
hominum cupidorum. 
Difficile est dictu, 
Quirites, 
in quanto odio simus 
apud nationes exteras, 
propter injurias 
ac libidines 
eorum quos misimus ad eas 
cum imperio 
per hos annos. 
Quod enim fanum 
putatis fuisse religiosum 
nostris magistratibus 
in illis terris, 
quam civitatem sanctam, 
quam domum satis clausam
ac munitam?
Urbes locupletes ac copiosae 
jam requiruntur, 
quibus causa belli inferatur
propter cupiditatem
diripiendi. 
Disputarem haec libenter 
coram 
cum Q. Catulo 
et Q . Hortensio, 
viris summis et clarissimis
noverunt enim
vulnera sociorum, 
vident calamitates eorum 
audiunt querimonias. 
Putatis
 
sont exigées aussi.
Il est difficile
dans l'Asie, dans la Cilicie, dans la Syrie,
et dans les royaumes (États)
des nations plus-au-dedans,
votre général
se conduire de-telle-sorte
qu'il ne pense à rien autre chose
qu'à l'ennemi et à la gloire.
Ensuite, même
si quelques-uns sont plus modérés
par modestie et désintéressement,
cependant personne ne pense
eux être tels,
à-cause-de la multitude
des hommes cupides.
Il est difficile à être dit (de dire),
Romains,
dans quelle-grande haine nous sommes
auprès des nations étrangères,
à cause des injustices
et des désordres
de ceux que nous avons envoyés vers elles
avec un commandement
pendant ces dernières années.
En effet quel temple
pensez-vous avoir été respecté
par nos magistrats
dans ces contrées,
quelle ville pensez-vous avoir été sainte,
quelle maison assez fermée
et assez défendue ?
Les villes riches et opulentes
désormais sont recherchées, 
auxquelles une cause de guerre soit intentée
à cause du désir
de piller.
Je discuterais cela volontiers
publiquement
avec Q. Catulus
et Q. Hortensius,
hommes éminents et très-illustres
car ils connaissent
les blessures de nos alliés,
ils voient leurs malheurs,
ils entendent leurs plaintes.
Pensez-vous
 
Dans l'Asie, dans la Cilicie, dans la Syrie, chez des peuples plus reculés encore, il est bien difficile qu'un général romain ne pense qu'à l'ennemi et à la gloire. S'il en est qui soient vraiment purs et désintéressés, on ne les croit pas tels, à cause du grand nombre de ceux que l'on a vus cupides. Il est impossible, en effet , Romains de vous dire de quelle haine nous sommes l'objet chez les peuples étrangers, grâce aux injustices et aux désordres des hommes que nous avons envoyés dans ces contrées avec un commandement, pendant cas dernières années. Croyez-vous qu'il y ait eu un temple que nos magistrats aient respecté, une ville qu'ils aient épargnée, une maison assez bien fermée, assez bien défendue contre leurs violences ? On cherche maintenant quelles sont les villes les plus riches, les plus opulentes, pour leur déclarer la guerre, parce qu'on est avide de pillage. Je discuterais volontiers cette question avec Q. Catulus et Q. Hortensius, ces deux hommes si distingués ; car ils connaissant les plaies de nos alliés, ils ont sous les yeux leurs malheurs, ils entendent leurs plaintes. Croyez-vous envoyer une armée contre vos enne-
 

104 - 105

Pro sociis vos contra hostes exercitum mittere putatis, an hostium simulatione contra socios atque amicos? Quae civitas est in Asia, quae non modo imperatoris aut legati, sed unius tribuni militum animos ac spiritus capere possit?
XXIII. Quare, etiam si quem habetis qui collatis signis exercitus regios superare posse videatur, tamen, nisi erit idem qui se a pecuniis sociorum, qui ab eorum conjugibus ac liberis, qui ab ornamentis fanorum atque oppidorum, qui ab auro gazaque regia manus, oculos, animum cohibere possit ; non erit idoneus qui ad bellum Asiaticum regiumque mittatur.
Ecquam putatis civitatem pacatam fuisse, quae locuples sit ? ecquam esse locupletem, quae istis pacata esse videatur ? Ora maritima, Quirites, Cn. Pompeium non solum propter rei militaris gloriam, sed etiam propter animi continentiam, requisivit. Videbat enim populum Romanum non locupletari quotannis pecunia publica praeter paucos, neque nos quidquam

 

vos mittere exercitum 
pro sociis contra hostes, 
an, simulatione hostium, 
contra socios atque amicos?
Quae civitas est in Asia, 
quae possit capere 
animos ac spiritus 
non modo imperatoris 
aut legati, 
sed unius tribuni militum ?
XXIII. Quare, 
etiam si habetis quem 
qui videatur 
posse superare 
exercitus regios 
signis collatis, 
nisi idem erit 
qui possit se cohibere 
a pecuniis sociorum, 
qui manus, 
oculos, animum 
ab conjugibus 
ac liberis eorum, 
qui ab ornamentis 
fanorum atque oppidorum, 
qui ab auro 
gazaque regia, 
non erit idoneus, 
qui mittatur ad bellum 
Asiaticum regiumque. 
Ecquam civitatem 
putatis fuisse pacatam, 
quae sit locuples? 
ecquam esse locupletem, 
quae videatur istis 
esse pacata ? 
Ora maritima, Quirites, 
requisivit Cn. Pompeium 
non solum propter gloriam 
rei militaris, 
sed etiam 
propter continentiam 
animi. 
Videbat enim 
populum Romanum, 
praeter paucos, 
non locupletari quotannis
 
vous envoyer une armée 
pour vos alliés contre vos ennemis, 
ou-bien, sous prétexte d'ennemis, 
contre vos alliés et vos amis ? 
Quelle ville y-a-t-il en Asie, 
qui puisse contenir (supporter) 
l'audace et l'insolence 
non-seulement d'un général 
ou d'un lieutenant, 
mais d'un seul tribun des soldats ?
XXIII. C'est-pourquoi, 
même si vous avez quelqu'un 
qui semble 
pouvoir vaincre 
les armées des-rois, 
les étendards étant rapprochés, 
si le même n'est pas un homme 
qui puisse se tenir éloigné 
de l'argent des alliés, 
qui puisse éloigner ses mains,
ses yeux, son âme 
des épouses 
et des enfants d'eux, 
qui puisse s'abstenir des ornements 
de leurs temples et de leurs villes, 
qui puisse s'abstenir de l'or 
et du trésor des-rois, 
il ne sera pas propre 
qui soit (à être) envoyé à la guerre 
de-l'Asie et contre-les-rois. 
Quelle ville 
pensez-vous avoir été traitée-en-amie, 
qui soit riche encore
quelle ville pensez-vous être riche, 
qui semble à ces hommes 
être amie ? 
La côte maritime, Romains, 
a demandé Cn. Pompée 
non-seulement à cause de sa gloire 
de la chose militaire (dans la guerre), 
mais encore 
à cause de la modération 
de son âme. 
Car elle voyait 
le peuple romain, 
excepté quelques hommes
n'être pas enrichi tous-les-ans
 
mis pour défendre vos alliés, ou n'est-ce pas contre vos amis, sous prétexte de combattre vos ennemis ? Y a-t-il dans toute l'Asie une ville qui puisse suffire à la cupidité et à l'insolence, je ne dis pas d'un général ou d'un lieutenant, mais seulement d'un tribun ?
XXIII. Aussi, eussiez-vous un homme qui parût capable de vaincre en bataille rangée les armées des deux rois, s'il n'est pas capable aussi de respecter les biens de nos alliés, leurs femmes et leurs enfants, les richesses qui ornent leurs temples et leurs villes, l'or et les trésors des rois, et de ne porter sur ces objets ni ses yeux, ni ses mains, ni ses désirs, cet homme-là n'est pas celui qu'il faut pour la guerre d'Asie contre les deux princes que nous combattons. Pensez-vous qu'il y ait une ville amie qui soit restée opulente, ou une ville opulente que ces hommes regardent comme amie ? Les provinces maritimes, Romains, ont demandé Pompée, non-seulement à cause de sa gloire militaire, mais aussi à cluse de sa modération. Elles voyaient, en effet, que ce n'était pas le peuple romain qui s'enrichissait, chaque

106 - 107

aliud assequi classium nomine, nisi ut, detrimentis accipiendis, majore affici turpitudine videremur. Nunc, qua cupiditate homines in provincias, quibus jacturis, quibus conditionibus proficiscantur, ignorant videlicet isti qui ad unum deferenda esse omnia non arbitrantur ? Quasi vero Cn. Pompeium non quum suis virtutibus, tum etiam alienis vitiis, magnum esse videamus. Quare nolite dubitare quin huic uni credatis omnia, qui inter annos tot unus inventus sit, quem socii in urbes suas cum exercitu venisse gaudeant. Quod si auctoritatibus hanc causam, Quirites, confirmandam putatis, est vobis auctor vir bellorum omnium maximarumque rerum peritissimus, P. Servilius, cujus tantae res gestae terra marique exstiterunt, ut, quum de bello deliberetis, auctor vobis gravior esse nemo debeat ; est C. Curio, summis vestris bene- pecunia publica, 
neque nos assequi 
quidquam aliud 
nomine classium, 
nisi ut, 
accipiendis detrimentis,
videremur affici 
majore turpitudine. 
Nunc videlicet 
isti, qui non arbitrantur 
omnia deferenda esse 
ad unum, 
ignorant qua cupiditate, 
quibus jacturis, 
quibus conditionibus 
homines proficiscantur 
in provincias? 
Quasi vero non videamus 
Cn. Pompeium 
esse magnum 
quum suis virtutibus, 
tum etiam vitiis alienis. 
Quare nolite dubitare 
quin credatis omnia 
huic uni, 
qui inter tot annos 
inventus sit unus 
quem socii gaudeant 
venisse in urbes suas 
cum exercitu. 
Quod si putatis, Quirites, 
hanc causam 
confirmandam 
auctoritatibus, 
auctor est vobis 
vir peritissimus 
omnium bellorum 
rerumque maximarum, 
P. Servilius, 
cujus res gestae 
terra marique 
exstiterunt tantae
ut nemo debeat, 
quum deliberetis de bello, 
esse vobis auctor gravior; 
est C. Curio, 
praeditus
 
par l'argent public (les revenus), 
et nous ne pas obtenir 
quelque chose d'autre 
par le nom de flottes, 
sinon que, 
en éprouvant des dommages, 
nous parussions être accablés 
d'une plus grande honte. 
Maintenant apparemment 
ces hommes, qui ne pensent pas
tout devoir être confié 
à un seul, 
ignorent avec quelle avidité, 
avec quelles pertes, 
à quelles conditions 
des hommes partent 
pour les provinces? 
Comme si vraiment nous ne voyions pas 
Cn. Pompée 
être grand 
non-seulement par ses vertus, 
mais-aussi par les vices des-autres. 
C'est pourquoi ne veuillez pas douter 
que vous ne deviez-confier tout 
à celui-là seul, 
qui dans-l'espace-de tant-d'années 
a été trouvé le seul 
que nos alliés se réjouissent 
de voir venir dans leurs villes 
avec une armée. 
Que si vous pensez, Romains, 
cette cause 
devoir être appuyée 
par des autorités, 
pour autorité est à vous 
un homme très-habile 
dans toutes les guerres 
et les affaires les plus importantes, 
P. Servilius, 
dont les actions accomplies
sur terre et sur mer 
ont été si-grandes, 
que personne ne doit, 
quand vous délibérez sur une guerre, 
être pour vous une autorité plus forte; 
pour autorité est C. Curion, 
doué
 
année, du produit des tributs, mais seulement quelques hommes, et que ce que nous appelons nos flottes ne nous sert qu'à nous faire essuyer de nouvelles pertes et de plus honteux affronts. Ceux qui ne veulent pas qu'on défère tous les pouvoirs à un seul ne savent donc pas avec quelle avidité, au moyen de quels engagements ruineux, à quelles conditions ces généraux partent pour les provinces? Eh ! ne voyons-nous pas que Pompée est aussi grand par les vices des autres que par ses propres vertus ? N'hésitez donc pas à confier tout à un seul homme, puisque, depuis tant d'années, il ne s'en est trouvé qu'un que nos alliés aient vu avec plaisir occuper leurs villes à la tête d'une armée. Vous faut-il des autorités pour justifier votre choix ? Vous avez celle d'un homme qui a la plus grande expérience de la guerre et des intérêts importants, de P. Servilius, dont les exploits sur terre et sur mer ont été si brillants que vous ne sauriez, en pareille matière, consulter personne de plus compétent ; vous avez celle de C. Curion, personnage comblé par vous de distinctions,

108 - 109

ficiis maximisque rebus gestis, summo ingenio et prudentia praeditus ; est Cn. Lentulus, in quo omnes, pro amplissimis vestris honoribus, summum consilium, summam gravitatem esse cognoscitis ; est C. Cassius, integritate, virtute, constantia singulari. Quare videte ut horum auctoritatibus, illorum orationi qui dissentiunt, respondere posse videamur.
XXIV. Quae quum ita sint, C. Manili, primum istam tuam et legem, et voluntatem, et sententiam laudo vehementissimeque comprobo : deinde te hortor ut auctore populo Romano maneas in sententia, neve cujusquam vim aut minas pertimescas. Primum in te satis esse animi perseverantiaeque arbitror : deinde, quum tantam multitudinem cum tanto studio adesse videamus, quantum nunc iterum in eodem homine praeficiendo videmus, quid est quod aut de re aut de perficiendi facultate dubitemus? Ego autem, quidquid in me est
vestris summis beneficiis,
maximisque rebus gestis,
summo ingenio 
et prudentia; 
est Cn. Lentulus, 
in quo omnes cognoscitis, 
pro vestris honoribus
amplissimis, 
summum consilium, 
summam gravitatem esse; 
est C. Cassius, 
integritate, virtute, 
constantia singulari. 
Quare videte 
ut videamur 
posse respondere 
auctoritatibus horum 
orationi illorum 
qui dissentiunt.
XXIV. Quum quae sint ita,
C. Manili, 
laudo primum
comproboque
vehementissime
et istam legem tuam,
et voluntatem,
et sententiam
deinde hortor te
ut maneas in sententia,
populo Romano auctore,
neve pertimescas
vim aut minas cujusquam.
Primum arbitror
satis animi
perseverantiaeque
esse in te:
deinde, quum videamus
tantam multitudinem
adesse cum tanto studio,
quantum videmus
nunc iterum
in eodem homine
praeficiendo,
quid est quod dubitemus
aut de re,
aut de facultate perficiendi?
Ego autem,
de vos plus grands bienfaits, 
et de très-grandes choses faites, 
d'un éminent génie 
et d'une prudence éminente
pour autorisé est Cn. Lentulus, 
en qui tous vous reconnaissez, 
eu-égard-à vos honneurs 
très-considérables, 
une très-grande sagesse, 
une très-grande valeur être pour autorité;
est C. Cassius, 
d'une intégrité, d'une valeur, 
d'une fermeté rare. 
C'est-pourquoi remarquez 
comme nous semblons 
pouvoir répondre 
par les autorités de ceux-ci 
au langage de ceux-là 
qui diffèrent-d'avis.
XXIV. Puisque cela est ainsi,
C. Manilius,
je loue d'abord
et j'approuve
très-énergiquement
et cette loi tienne,
et cette intention tienne,
et cet avis tien
ensuite j'engage toi
à ce que tu demeures dans ton sentiment,
le peuple romain étant favorable,
et à ce que tu ne craignes pas
la violence ou les menaces de quelqu'un.
D'abord je pense
assez de courage
et de persévérance
être en toi:
ensuite, puisque nous voyons
une aussi-grande multitude
être-présente avec un si-grand empressement,
que nous la voyons 
aujourd'hui pour-la-seconde-fois
au-sujet-d'un même homme
devant être-mis-à-la tête de nos troupes,
qu'y-a-t-il pour que nous doutions
ou de la chose,
ou du moyen de l'achever?
Mais moi,
 
qui a fait également de grandes choses, et qui est aussi remarquable par son génie que par sa prudence ; vous avez celle de Cn. Lentulus, en qui vous reconnaissez tous, ainsi que le font voir les hautes dignités dont vous l'avez revêtu, une sagesse rare, un mérite éminent ; vous avez C. Cassius, dont l'intégrité, la valeur, la fermeté, sont au-dessus des éloges. Voyez donc si de telles autorités ne semblent pas suffisantes pour répondre à ceux qui combattent notre sentiment.
XXIV. Voilà, C. Manilius, les raisons qui me font d'abord approuver et louer hautement et la loi, et vos intentions, et votre projet; puis, je vous engage à maintenir votre proposition, que le peuple romain appuie, et à ne vous laisser intimider ni par la violence ni par les menaces. Je vous crois, d'un côté, assez de courage et de persévérance pour la faire ; et, de l'autre, en présence d'une telle multitude et de l'empressement qu'elle met à vouloir encore une fois confier nos troupes au même chef, comment douter de l'utilité ou du succès de la proposition ? Pour moi, tout ce que j'ai de

110- 111

studii, consilii, laboris, ingenii, quidquid hoc beneficio populi Romani atque hac potestate praetoria, quidquid auctoritate, fide, constantia possum, id omne ad hanc rem conficiendam tibi et populo Romano polliceor ac defero. Testorque omnes deos, et eos maxime qui huic loco temploque praesident, qui omnium mentes eorum, qui ad rempublicam adeunt, maxime perspiciunt, me hoc neque rogatu facere cujusquam, neque quo Cn. Pompeii gratiam mihi per hanc causam conciliari putem, neque quo mihi ex cujusquam amplitudine aut praesidia periculis, aut adjumenta honoribus quaeram : propterea quod pericula facile, ut hominem praestare oportet, innocentia tecti repellemus ; honores autem neque ab uno, neque ex hoc loco, sed eadem nostra illa laboriosissima ratione vitae, si vestra voluntas feret, consequemur. Quamobrem, quidquid in hac causa mihi susceptum est, Quirites, id omne me rei-
 
quidquid est in me studii,
consilii, laboris,
ingenii ,
quidquid possum
hoc beneficio
populi Romani
atque hac potestate
praetoria,
quidquid auctoritate,
fide, constantia,
polliceor ac defero
id omne
tibi et populo Romano
ad hanc rem conficiendam.
Testorque omnes deos,
et maxime
eos qui praesident huic loco
temploque,
qui perspiciunt maxime
mentes omnium eorum
qui adeunt
ad rempublicam,
me facere hoc
neque rogatu cujusquam,
neque quo putem
gratiam Cn. Pompeii
conciliari mihi
per hanc causam,
neque quo quaeram mihi
aut praesidia periculis,
aut adjumenta honoribus,
ex amplitudine cujusquam:
propterea quod
repellemus facile pericula,
tecti innocentia,
ut oportet
hominem praestare;
consequemur autem honores
neque ab uno
neque ex hoc loco,
sed illa eadem ratione vitae
nostra laboriosissima,
si vestra voluntas feret.
Quamobrem, Quirites,
quidquid susceptum est
mihi
in hac causa,
tout-ce-qui est en moi de zèle, 
de prudence, d'activité, 
de talent, 
tout-ce-que je puis 
par ce bienfait 
du peuple romain 
et par cette puissance 
de-préteur; 
tout-ce-que je puis par mon autorité, 
par ma bonne-foi, par ma fermeté, 
je promets et je consacre 
tout cela 
à toi et au peuple romain 
pour cette entreprise devant être achevée. 
Et j'atteste tous les dieux, 
et surtout 
ceux qui président à ce lieu 
et à ce temple, 
qui voient le mieux 
les âmes de tous ceux 
qui s'approchent 
des affaires-publiques, 
moi faire cela 
ni sur la demande de quelqu'un, 
ni pour que je pense 
la faveur de Cn. Pompée 
être acquise à moi 
par cette cause, 
ni pour que je cherche pour moi 
ou des appuis pour les périls, 
ou des soutiens pour les honneurs, 
dans la grandeur de quelqu'un 
attendu que 
nous repousserons facilement les périls, 
couverts par notre innocence, 
comme il faut 
un homme le montrer (faire); 
et que nous n'obtiendrons les honneurs 
ni d'un seul 
ni au-moyen-de ce lieu, 
mais par cette même manière de vivre 
qui est nôtre et très-laborieuse, 
si votre volonté le permet. 
C'est-pourquoi, Romains, 
tout-ce-qui a été entrepris 
par moi 
dans cette cause,
zèle, de prudence, d'énergie, d'intelligence, tout ce que me donne de pouvoir cette charge de préteur, dont le peuple romain a daigné me revêtir, tout ce que mon crédit, ma probité, ma fermeté, me prêtent d'influence, je le mets au service de vous et du peuple romain pour la réussite de cette affaire. Je prends à témoin tous les dieux, et particulièrement ceux qui président à cette enceinte et à ce temple, et qui lisent dans les coeurs des citoyens qui traitent les affaires de l'État, que je n'agis ici à la sollicitation de personne, que je ne cherche point, en aidant à l'élévation d'un homme, à me préparer un secours contre les dangers ou un moyen d'arriver aux honneurs : les dangers, je saurai , comme le doit faire un homme de bien, les repousser par mon innocence ; les honneurs, ce n'est pas par la protection d'un homme, ni par mes discours à cette tribune, mais en persistant dans la carrière laborieuse que j'ai choisie, que j'espère y arriver, grâce à vos suffrages. Je proteste donc, Romains, que tout

113- 114

publicae causa suscepisse confirmo ; tantumque abest ut aliquam bonam gratiam mihi quaesisse videar, ut multas etiam simultates partim obscuras, partim apertas, intelligam, mihi non necessarias, vobis non inutiles, suscepisse : sed ego me hoc honore praeditum, tantis vestris beneficiis affectum, statui, Quirites, vestram voluntatem, et reipublicae dignitatem, et salutem provinciarum atque sociorum, meis omnibus commodis et rationibus praeferre oportere. confirmo me 
suscepisse id omne 
causa reipublicae ; 
tantumque abest 
ut videar mihi quaesisse 
aliquam bonam gratiam, 
ut intelligam etiam 
suscepisse 
multas simultates, 
partim obscuras, 
partim apertas, 
non necessarias mihi, 
non inutiles vobis: 
sed ego statui, Quirites, 
oportere 
me praeditum hoc honore,
affectum vestris beneficiis 
tantis
praeferre 
vestram voluntatem, 
et dignitatem reipublicae, 
et salutem provinciarum 
atque sociorum, 
omnibus meis commodis 
et rationibus.
j'affirme moi 
avoir entrepris tout cela 
pour la république; 
et tant s'en faut 
que je paraisse à moi-même avoir cherché 
quelque bonne faveur, 
que je comprends même 
moi avoir encouru 
de nombreuses inimitiés, 
en partie cachées, 
en partie découvertes, 
non nécessaires pour moi, 
non inutiles pour vous :
mais moi, j'ai pensé, Romains, 
falloir (qu'il fallait) 
moi gratifié de cet honneur, 
comblé de vos bienfaits 
si-grands, 
préférer 
votre volonté, 
et la dignité de la république, 
et le salut des provinces 
et des alliés, 
à tous mes avantages 
et à tous mes intérêts.
ce que j'ai entrepris dans cette circonstance, c'est dans l'intérêt de la république que je me le suis proposé ; et, bien loin d'avoir cherché à me concilier l'amitié de quelqu'un, je ne me dissimule pas que je me suis attiré bien des haines secrètes ou déclarées, haines fâcheuses pour moi, mais qui peut-être ne seront pas inutiles pour vous. J'ai résolu, Romains, après les fonctions dont vous m'avez honoré et les faveurs dont j'ai été comblé par vous, de préférer l'exécution de votre volonté et le salut des provinces et des alliés à mon propre bien et à mes propres intérêts.