Isocrate : oeuvres complètes, tome III

ISOCRATE

OEUVRES COMPLÈTES.

 

 XVII. DISCOURS TRAPÉZITIQUE. - Τραπεζιτικός

 

ŒUVRES COMPLÈTES D'ISOCRATE TRADUCTION NOUVELLE AVEC TEXTE EN REGARD LE DUC DE CLERMONT-TONNERRE (AIMÉ-MARIE-GASPARD) Ancien Ministre de la guerre et de la marine Ancien élève de l'École polytechnique TOME TROISIÈME PARIS LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie Imprimeur de l'Institut, rue Jacob, 56. ET CHEZ AUGUSTE DURAND, LIBRAIRE Rue des Grès. 7 M DCCC LXIV

XVIII EXCEPTION CONTRE CALLIMAQUE

 

 

 

 

ARGUMENT.

Le fils de Sinopéus (a), favori de Satyrus, tyran d'Héraclée dans le Pont, voulant visiter Athènes et la Grèce qu'il ne connaissait que de nom, partit avec deux vaisseaux chargés de blé, et muni d'une somme d'argent considérable, afin de faire en même temps le commerce. On le mit en rapport avec Pasion, riche banquier d'Athènes. Il se servit de sa banque, τράπεζα, et c'est de là que vient le titre de ce discours. Quelque temps après, Sinopéus est accusé de conspirer contre Satyrus, qui le fait mettre en prison. Son fils est soupçonné d'avoir des rapports avec les exilés, le prince ordonne aux commerçants du Pont qui se trouvaient à Athènes de lui faire restituer les fonds qu'il a entre les mains, de lui signifier de revenir, et, s'il s'y refusait, de demander son extradition. Que faire dans cette position ? Faut-il abandonner à Pasion tous les fonds dont il est saisi ? c'est s'exposer, si son père vient à succomber, à perdre toute sa fortune ; d'un autre côté, ne rien remettre aux agents du prince, c'est fortifier les soupçons. Il remettra donc les valeurs immobilières et niera les autres, il supposera même des dettes envers la banque. Tel est le conseil perfide que lui donne Pasion. En effet, lorsque le jeune homme a traité avec les agents de Satyrus, et qu'il réclame son dépôt, Pasion nie hardiment qu'il l'ait reçu.

Cependant l'innocence de Sinopéus est reconnue, et Satyrus lui rend toute sa faveur. Pasion ne pouvant se dissimuler qu'on lui redemandera devant la justice l'argent qu'il a dans les mains, cherche d'abord divers subterfuges ; puis, convaincu que sa mauvaise foi était visible, il demande au fils de Sinopéus un arrangement auquel celui-ci consent, afin de ne pas le perdre de réputation. L'acte est remis entre les mains d'un tiers qui doit le brûler, lorsque les deux parties auront terminé; sinon, il doit le remettre à Satyrus. Mais, au lieu d'exécuter ses engagements, Pasion gagne les esclaves du dépositaire et falsifie l'acte, de façon qu'il ne doit plus rien, car il a décharge de tout.

Après cette exposition, le fils de Sinopéus prouve, par des témoignages irrécusables, la mauvaise foi et la perfidie du banquier, et détruit ses objections. Il est à la connaissance de tous qu'il est venu du Pont, apportant de fortes sommes d'argent, que Pasion, dans une circonstance importante, a répondu pour lui d'une somme de sept talents, chose qu'il n'aurait pas faite s'il n'eût été nanti de valeurs suffisantes. Ensuite, pourquoi ce recours à Satyrus en cas d'inexécution ? Pourquoi, et c'est le point sur lequel il insiste principalement, Pasion a-t-il refusé de livrer son esclave Cittus, le seul témoin du dépôt ? L'orateur termine par un appel à la reconnaissance des Athéniens pour les égards qu'ont eus envers eux son père et Satyrus lui-même, qui l'un et l'autre leur ont donné plus d'une fols des preuves non équivoques d'une bienveillance et d'une faveur toute particulière. En retour il leur demande justice.

Les faits rapportés dans ce discours montrent, comme le dit Auger, qu'il ne fut écrit que plusieurs années après le commencement du règne de Satyrus; or Satyrus succéda à son frère Cléarque, qui fut tué l'an trois cent cinquante-cinq avant J.-C. Il faut donc placer la date de ce discours vers l'an trois cent cinquante : Isocrate était alors âgé de quatre-vingt-six ans.

(a) Quelques auteurs le nomment Sopéus ; d'autres, parmi lesquels Denys d'Halicarnasse, Sinopéus ; nous avons cru devoir, avec les éditions les plus récentes, suivre de préférence Denys d'Halicarnasse.

SOMMAIRE.

1. Juges, ce procès est d'une haute importance, non seulement à cause de la valeur des sommes réclamées, mais, ce qui est beaucoup plus grave à mes yeux, parce que ma réputation se trouverait compromise si je pouvais paraître convoiter un bien qui ne m'appartient pas. — 2. Ajoutez que j'ai à lutter contre un banquier, c'est-à-dire contre un homme avec lequel toutes les affaires se traitent sans témoins, qui jouit d'une grande confiance et qui a des amis puissants. — 3. J'exposerai l'affaire à partir de son origine. Mon père Sinopéus est lié d'une amitié intime avec Satyrus, prince d'une partie du Pont ; il commande les troupes de Satyrus, et gouverne une partie considérable du pays. Il m'a envoyé avec deux vaisseaux chargés de blé pour commercer et pour visiter Athènes, et je me suis servi de la banque de Pasion. --- 4. Quelque temps après, Satyrus fait mettre mon père en prison, réclame les fonds qui m'avaient été remis, et ordonne mon retour dans ma patrie. — 5. Au milieu des calamités qui m'entouraient, Pasion, en qui j'avais une grande confiance pour tous mes intérêts, m'engage à promettre que j'exécuterai les ordres de Satyrus, à livrer les fonds dont l'existence était connue, mais en même temps il me conseille de retenir ceux qui étaient déposés chez lui, et de feindre d'avoir emprunté à intérêt des sommes considérables de lui et d'autres prêteurs, — 6. Nous traitons sur cette base : et lorsque, voulant partir conformément à l'ordre de Satyrus, je demande à Pasion les fonds que j'avais déposés chez lui, je m'aperçois qu'il cherche à s'emparer de ma fortune ; et en effet Pasion, croyant que cette occasion était la meilleure qui pût s'offrir à lui, prétendait faussement n'avoir pas d'argent qu'il pût me remettre dans le moment ; et lorsque ensuite je lui envoie Philomèle et Ménexène pour réclamer mon dépôt, il nie devant eux qu'il ait rien à moi. Dans la situation où je me trouvais, je crus que ce qu'il y avait de mieux était de demeurer dans l'inaction. — 7. Quelque temps après, on annonce que mon père est rentré en grâce près de Satyrus. Pasion, l'ayant appris, et craignant que je ne fisse valoir ouvertement mon droit, fait disparaître l'esclave Cittus qui avait connaissance des faits relatifs au dépôt, affirmant qu'il avait été corrompu par moi et par Ménexène, qu'il nous avait remis six talents enlevés par fraude, que nous l'avions nous-mêmes fait disparaître ; et il ne cesse pas d'insister jusqu'à ce que je lui aie fourni des répondants pour six talents. — 8. Je m'étais rendu dans le Péloponnèse, afin d'y faire faire des recherches sur l'esclave ; mais, pendant ce temps-là, Ménexène le surprend à Athènes, et demande qu'il soit mis à la question. Pasion insiste au contraire pour qu'il soit rendu à la liberté, et s'oppose à la torture en se rendant sa caution devant le polémarque pour sept talents, comme s'il eût été libre. — 9. Pasion ensuite ayant dit qu'il était prêt à livrer l'esclave à la torture, je demandai des exécuteurs afin qu'ils le frappassent de verges et qu'ils lui donnassent la question ; mais alors il insista pour que la question lui fût seulement appliquée en paroles, et ne voulut à aucun prix qu'il nous fût livré.— 10. Après ces débats, Pasion, jugeant qu'aucune voie pour échapper ne lui était ouverte, s'il se présentait devant les juges, me pria de me rendre avec lui dans le temple. Lorsque nous y fûmes, il me dit que le manque d'argent l'avait forcé de nier sa dette, mais que sous peu il ferait en sorte de me rendre mes fonds ; et il me priait de lui pardonner, afin que le public ne sût pas qu'il s'était rendu coupable d'un délit de cette nature. Nous étant réunis trois jours après, nous nous donnâmes notre parole que tout ce qui s'était passé serait absolument couvert par le silence, il promit qu'il ferait voile vers le Pont, et que là il rendrait l'argent; que s'il ne le faisait pas, il déférerait le jugement à Satyrus, comme arbitre, avec pouvoir de le condamner à payer moitié en sus de la somme. Ces conventions ayant été écrites, elles furent remises à la garde de Pyron de Phères, nomme accoutumé aux voyages du Pont, qui devait, si nous nous entendions, brûler l'écrit, sinon le remettre à Satyrus. — 11. Ménexène, cependant, irrité de l'accusation que Pasion avait portée contre lui, l'assigne à un jour donné, pour que Ciltus lui soit livré, et que Pasion soit puni. Celui-ci, inquiet, non seulement de ce qui touchait à la question, mais à cause de l'écrit dont il craignait que Ménexène ne parvînt à s'emparer, corrompt les esclaves de Pyron et falsifie les pièces qui devaient être remises à Satyrus s'il ne me satisfaisait pas. — 12. Après en avoir agi ainsi, il dit qu'il ne se rendra pas dans le Pont, qu'il n'a point d'affaire avec moi, et il demande que le traité soit ouvert en présence de témoins. On trouve alors écrit dans ce traité qu'il m'a payé tout ce qu'il me devait.— 13. Je soupçonne donc que Pasion appuiera toute sa défense sur le traité falsifié, et c'est par ce traité même, si vous voulez me prêter votre attention, que j'espère démontrer son improbité. — 14. Considérez d'abord quels motifs auraient pu nous déterminer à confier à Satyrus les pièces aux conditions ci-dessus indiquées, puisque, la remise en étant faite, Pasion se trouvait affranchi de l'accusation. Le motif pour lequel il avait promis de rendre les fonds est évident ; mais il n'en existe aucun pour que j'eusse voulu le libérer; par conséquent, il est plus juste, relativement au traité, d'avoir confiance en moi qu'en lui. — 15. La preuve la plus certaine que Pasion n'était pas Iibéié par notre traité, mais qu'il avait promis de rendre l'argent, ressort de ce que, lorsque Ménexène l'eut assigné à un jour donné, il demanda par l'entremise d'Agyrrhius, de deux choses l'une, ou que j'apaisasse Ménexène, ou que j'anéantisse le traité. Comment d'ailleurs aurait-il demandé l'abolition d'un traité falsifié, au moyen duquel, si nous eussions menti, il nous aurait convaincus ? Or Agyrrhius est témoin qu'il a voulu abolir ce traité.— 16. Et, d'un autre côté, il n'y a pas lieu de s'étonner que Pasion ait falsifié un traité quand plusieurs de ses amis se sont rendus coupables d'actes beaucoup plus graves.—17. Nous en trouvons un exemple dans ce qu'a fait Pythodore. — 18. Pasion a de plus essayé de persuader à quelques personnes que je n'avais aucuns fonds à Athènes, parce que j'avais emprunté trois cents statères à Stratoclès, et c'est encore un fait sur lequel il importe que vous soyez éclairés. — 19. Les rapports que j'ai eus avec Stratoclès offrent la preuve la plus positive que j'avais de l'argent chez Pasion, car, lorsque Slratoclès devait faire voile vers le Pont, d'où je voulais retirer des sommes considérables, je le priai de me laisser l'argent qu il avait à Athènes et de recevoir de mon père celui que j'avais dans le Pont. Pasion s'engagea alors, si les choses ne se passaient pas comme je le disais, à remettre à Stratoclès le capital et lès intérêts. — 20. Peut-être encore Pasion, voulant créer dès arguments en sa faveur, produira-t-il des témoins pour établir qu'il ne me doit rien : 1° parce que, devant les fondés de pouvoir de Satyrus, j'ai nié que j'eusse aucun argent à Athènes, à l'exception de celui que je leur avais livré; 2° parce que j'ai avoué que j'étais débiteur de trois cents drachmes ; 3° parce que j'ai consenti qu'Hippolaïdas, mon hôte et mon ami, fit un emprunt chez Pasion. — 21. Je reconnais la vérité de ces faits, mais, comme il vous est facile de le penser, j'ai agi alors dans le but de persuader plus facilement aux envoyés de Satyrus que je ne possédais rien à Athènes. Je vais maintenant produire en opposition à ces faits des témoins dignes de confiance et fournir d'autres preuves pour établir que je possédais ici de grandes ressources. — 22. Bien plus, je présenterai Pasion lui-même portant témoignage en ma faveur, non par des paroles, mais par un fait ; car il s'est trouvé une occasion dans laquelle il m'a donné Archestratus, chef de comptabilité de sa banque, comme mon répondant pour une somme de sept talents, ce qu'il se serait bien gardé de faire s'il avait su que je n'avais rien à Athènes. Il feignait donc seulement que je lui dusse ces trois cents drachmes, et il consentait à devenir mon répondant, parce que j'avais en réalité des fonds déposés chez lui. — 23. Au reste, si vous voulez vous rendre un compte exact de toute l'affaire, calculez, je vous en supplie, lequel est le plus vraisemblable que, frappé, comme je l'étais alors, par de si grands malheurs, j'aie injustement accusé Pasion, ou que Pasion, en voyant d'une part l'embarras de ma situation, de l'autre l'importance des sommes, ait été tenté de me dépouiller. Quel motif aurait pu me porter à demander à Pasion des sommes qu'il ne me devait pas, et comment aurais-je espéré les obtenir contre toute espèce de raison? — 24. Une telle conduite ne peut appartenir qu'à Pasion, qui, lorsque j'étais dans l'impossibilité de repousser une injure, m'accuse et cherche à m'intenter un procès inique; et qui, lorsque je me suis justifié auprès de Satyrus, lorsque tout le monde croit qu'il doit être condamné, dit qu'il a été affranchi par moi de toute espèce de réclamation. — 25. Au surplus, on trouve la preuve que Pasion a fait beaucoup de choses de la même nature et qui se contredisent entre elles, dans le mensonge relatif au jeune Cittus, tantôt libre, tantôt esclave, et dans l'enlèvement qu'il nous a faussement attribué. Certes, on ne peut avoir aucune confiance, pour des transactions opérées seul à seul, dans celui qui ment avec tant d'impudence pour des faits aussi manifestes. — 26. Enfin, il avait promis de se rendre auprès de Satyrus, et en cela il m'a encore trompé, car il a seulement envoyé avec moi Cittus, dont la présence ne pouvait suffire à la discussion du droit.— 27. Je pense, au reste, que la plus grande preuve que Pasion a voulu me dépouiller de mes fonds ressort de ce qu'il n'a pas consenti à livrer pour être mis à la question l'esclave qui avait connaissance du dépôt, car, sa chant que la torture était la preuve la plus certaine de la vérité dans les affaires où Von n'admet pas de témoin, il a préféré vous réduire à juger par conjecture plutôt qu'avec une connaissance réelle des faits. S'il n'eût pas été coupable, il n'y avait rien dans la torture qui pût lui nuire ; mais, parce qu'il avait la conscience de sa culpabilité, il a refusé son consentement. — 28. Je vous demande, en conséquence, de condamner Pasion, et de ne pas me regarder comme tellement dénué de probité que, possédant moi-même de grandes richesses, je sois venu devant vous pour le calomnier. — 29. Je vous demande également de ne pas lire avec indifférence les lettres de Satyrus et de mon père, qui, dans tous les temps, ont eu pour vous la plus haute estime, et qui l'ont prouvé par les faits dans un grand nombre de circonstances. Enfin, je vous demande de juger selon la justice, et de ne pas regarder les paroles de Pasion comme plus vraies que les miennes. (LANGE.)

 

 

 

Τραπεζιτικός

[1] Ὁ μὲν ἀγών μοι μέγας ἐστίν, ὦ ἄνδρες δικασταί. Οὐ γὰρ μόνον περὶ πολλῶν χρημάτων κινδυνεύω, ἀλλὰ καὶ περὶ τοῦ μὴ δοκεῖν ἀδίκως τῶν ἀλλοτρίων ἐπιθυμεῖν· ὃ ἐγὼ περὶ πλείστου ποιοῦμαι. Οὐσία μὲν γὰρ ἱκανή μοι καταλειφθήσεται καὶ τούτων στερηθέντι· εἰ δὲ δόξαιμι μηδὲν προσῆκον τοσαῦτα χρήματ' ἐγκαλέσαι, διαβληθείην ἂν τὸν ἅπαντα βίον.

[2] Ἔστι δ', ὦ ἄνδρες δικασταί, πάντων χαλεπώτατον τοιούτων ἀντιδίκων τυχεῖν. Τὰ μὲν γὰρ συμβόλαια τὰ πρὸς τοὺς ἐπὶ ταῖς τραπέζαις ἄνευ μαρτύρων γίγνεται, τοῖς ἀδικουμένοις δὲ πρὸς τοιούτους ἀνάγκη κινδυνεύειν, οἳ καὶ φίλους πολλοὺς κέκτηνται καὶ χρήματα πολλὰ διαχειρίζουσι καὶ πιστοὶ διὰ τὴν τέχνην δοκοῦσιν εἶναι. Ὅμως δὲ καὶ τούτων ὑπαρχόντων ἡγοῦμαι φανερὸν πᾶσι ποιήσειν ὅτι ἀποστεροῦμαι τῶν χρημάτων ὑπὸ Πασίωνος.

[3] Ἐξ ἀρχῆς οὖν ὑμῖν, ὅπως ἂν δύνωμαι, διηγήσομαι τὰ πεπραγμένα. Ἐμοὶ γάρ, ὦ ἄνδρες δικασταί, πατὴρ μέν ἐστι Σωπαῖος, ὃν οἱ πλέοντες εἰς τὸν Πόντον ἅπαντες ἴσασιν οὕτως οἰκείως πρὸς Σάτυρον διακείμενον, ὥστε πολλῆς μὲν χώρας ἄρχειν, ἁπάσης δὲ τῆς δυνάμεως ἐπιμελεῖσθαι τῆς ἐκείνου. [4] Πυνθανόμενος δὲ καὶ περὶ τῆσδε τῆς πόλεως καὶ περὶ τῆς ἄλλης Ἑλλάδος ἐπεθύμησ' ἀποδημῆσαι. Γεμίσας οὖς ὁ πατήρ μου δύο ναῦς σίτου καὶ χρήματα δοὺς ἐξέπεμψεν ἅμα κατ' ἐμπορίαν καὶ κατὰ θεωρίαν· συστήσαντος δέ μοι Πυθοδώρου τοῦ Φοίνικος Πασιωνα ἐχρώμην τῇ τούτου τραπέζῃ.

[5] Χρόνῳ δ' ὕστερον διαβολῆς πρὸς Σάτυρον γενομένης ὡς καὶ ὁ πατὴρ οὑμὸς ἐπιβουλεύοι τῇ ἀρχῇ, κἀγὼ τοῖς φυγάσι συγγιγνοίμην, τὸν μὲν πατέρα μου συλλαμβάνει, ἐπιστέλλει δὲ τοῖς ἐνθάδ' ἐπιδημοῦσιν ἐκ τοῦ Πόντου τά τε χρήματα παρ' ἐμοῦ παραλαβεῖν καὶ αὐτὸν εἰσπλεῖν κελεύειν· ἐὰν δὲ τούτων μηδὲν ποιῶ, [6] παρ' ὑμῶν ἐξαιτεῖν.

Ἐν τοσούτοις δὲ κακοῖς ὤν, ὦ ἄνδρες δικασταί, λέγω πρὸς Πασίωνα τὰς ἐμαυτοῦ συμφοράς· οὕτω γὰρ οἰκείως πρὸς αὐτὸν διεκείμην ὥστε μὴ μόνον περὶ χρημάτων ἀλλὰ καὶ περὶ τῶν ἄλλων τούτῳ μάλιστα πιστεύειν. Ἡγούμην δ' εἰ μὲν προοίμην ἅπαντα τὰ χρήματα, κινδυνεύειν, εἴ τι πάθοι 'κεῖνος, στερηθεὶς καὶ τῶν ἐνθάδε καὶ τῶν ἐκεῖ, πάντων ἐνδεὴς γενήσεσθαι· εἰ δ' ὁμολογῶν εἶναι ἐπιστείλαντος Σατύρου μὴ παραδοίην, εἰς τὰς μεγίστας διαβολὰς ἐμαυτὸν καὶ τὸν πατέρα καταστήσειν πρὸς Σάτυρον. [7] Βουλευομένοις οὖν ἡμῖν ἐδόκει βέλτιστον εἶναι προσομολογεῖν πάντα ποιεῖν, ὅσα Σάτυρος προσέταττε, καὶ τὰ μὲν φανερὰ τῶν χρημάτων παραδοῦναι, περὶ δὲ τῶν παρὰ τούτῳ κειμένων μὴ μόνον ἔξαρνον εἶναι ἀλλὰ καὶ ὀφείλοντά με καὶ τούτῳ καὶ ἑτέροις ἐπὶ τόκῳ φαίνεσθαι καὶ πάντα ποιεῖν ἐξ ἐκεῖνοι μάλιστ' ἤμελλον πεισθήσεσθαι μὴ εἶναί μοι χρήματα.

[8] Τότε μὲν οὖν, ὦ ἄνδρες δικασταί, ἐνόμιζόν μοι Πασίωνα δι' εὔνοιαν ἅπαντα ταῦτα συμβουλεύειν· ἐπειδὴ δὲ πρὸς τοὺς παρὰ Σατύρου διεπραξάμην, ἔγνων αὐτὸν ἐπιβουλεύοντα τοῖς ἐμοῖς. Βουλομένου γὰρ ἐμοῦ κομίσασθαι τἀμαυτοῦ καὶ πλεῖν εἰς Βυζάντοιν, ἡγησάμενος οὗτος κάλλιστον αὑτῷ καιρὸν παραπεπτωκέναι -- τὰ μὲν γὰρ χρήματα πόλλ' εἶναι τὰ παρ' αὑτῷ κείμενα καὶ ἄξι' ἀναισχυντίας, ἐμὲ δὲ πολλῶν ἀκουόντων ἔξαρνον γεγενῆσθαι μηδὲν κεκτῆσθαι, πᾶσί τε φανερὸν ἀπαιτούμενον καὶ ἑτέροις προσομολογοῦντα ὀφείλειν -- [9] καὶ πρὸς τούτοις, ὦ ἄνδρες δικασταί, ἐνόμιζεν, εἰ μὲν αὐτοῦ μένειν ἐπιχειροίην, ἐκδοθήσεσθαι, μ' ὑπὸ τῆς πόλεως Σατύρῳ, εἰ δ' ἄλλοσέ ποι τραποίμην, οὐδὲν μελήσειν αὑτῷ τῶν ἐμῶν λόγων, εἰ δ' εἰσπλευσοίμην εἰς τὸν Πόντον, ἀποθανεῖσθαί με μετὰ τοῦ πατρός· ταῦτα διαλογιζόμενος διενοεῖτό μ' ἀποστερεῖν τὰ χρήματα. Καὶ πρὸς μὲν ἐμὲ προσεποιεῖτ' ἀπορεῖν ἐν τῷ παρόντι καὶ οὐκ ἂν ἔχειν ἀποδοῦναι· ἐπειδὴ δὲ βουλόμενος εἰδέναι σαφῶς τὸ πρᾶγμα προσπέμπω Φιλόμηλον αὐτῷ καὶ Μενέξενον ἀπαιτήσοντας, ἔξαρνος γίγνεται πρὸς αὐτοὺς μηδὲν ἔχειν τῶν ἐμῶν. [10] Πανταχόθεν δέ μοι τοσούτων κακῶν προσπεπτωκότων τίν' οἴεσθέ με γνώμην ἔχειν, ᾧ γ' ὑπῆρχε σιγῶντι μὲν ὑπὸ τούτου ἀπεστερῆσθαι τῶν χρημάτων, λέγοντι δὲ ταῦτα μὲν μηδὲν μᾶλλον κομίσασθαι, πρὸς Σάτυρον δ' εἰς τὴν μεγίστην διαβολὴν καὶ ἐμαυτὸν καὶ τὸν πατέρα καταστῆσαι; Κράτιστον οὖν ἡγησάμην ἡσυχίαν ἄγειν.

[11] Μετὰ δὲ ταῦτ', ὦ ἄνδρες δικασταί, ἀφικνοῦνταί μοι οἱ ἀπαγγέλλοντες ὅτι ὁ πατὴρ ἀφεῖται, καὶ Σατύρῳ οὕτως ἁπάντων μεταμέλει τῶν πεπραγμένων, ὥστε πίστεις τὰς μεγίστας αὐτῷ δεδωκὼς εἴη, καὶ τὴν ἀρχὴν ἔτι μείζω πεποιηκὼς ἧς εἶχε πρότερον, καὶ τὴν ἀδελφὴν τὴν ἐμὴν εἰληφὼς γυναῖκα τῷ αὑτοῦ υἱεῖ. Πυθόμενος δὲ ταῦτα Πασίων καὶ εἰδὼς ὅτι φανερῶς ἤδη πράξω περὶ τῶν ἐμαυτοῦ, ἀφανίζει Κίττον τὸν παῖδα, ὃς συνῄδει περὶ τῶν χρημάτων. [12] Ἐπειδὴ δ' ἐγὼ προσελθὼν ἐξῄτουν αὐτόν, ἡγούμενος ἔλεγχον ἂν τοῦτον σαφέστατον γενέσθαι περὶ ὧν ἐνεκάλουν, λέγει λόγον πάντων δεινότατον, ὡς ἐγὼ καὶ Μενέξενος διαφθείραντες καὶ πείσαντες αὐτὸν ἐπὶ τῇ τραπέζῃ καθήμενον ἓξ τάλαντ' ἀργυρίου λάβοιμεν παρ' αὐτοῦ· ἵνα δὲ μηδεὶς ἔλεγχος μηδὲ βάσανος γένοιτο περὶ αὐτῶν, ἔφασκεν ἡμᾶς ἀφανίσαντας τὸν παῖδ' ἀντεγκαλεῖν αὑτῷ καὶ ἐξαιτεῖν τοῦτον, ὃν αὐτοὶ ἠφανίσαμεν. Καὶ ταῦτα λέγων καὶ ἀγανακτῶν καὶ δακρύων εἷλκέ με πρὸς τὸν πολέμαρχον, ἐγγυητὰς αἰτῶν, καὶ οὐ πρότερον ἀφῆκεν, ἕως αὐτῷ κατέστησ' ἓξ ταλάντῶν ἐγγυητάς. Καί μοι κάλει τούτων μάρτυρας.

Μάρτυρες

[13] Τῶν μὲν μαρτύρων ἀκηκόατε, ὦ ἄνδρες δικασταί· ἐγὼ δὲ τὰ μὲν ἀπολωλεκὼς ἤδη, περὶ δὲ τῶν αἰσχίστας αἰτίας ἔχων, αὐτὸς μὲν εἰς Πελοπόννησον ᾠχόμην ζητήσων, Μενέξενος δ' εὑρίσκει τὸν παῖδ' ἐνθάδε, καὶ ἐπιλαβόμενος ἠξίου αὐτὸν βασανίζεσθαι καὶ περὶ τῆς παρακαταθήκης καὶ περὶ ὧν οὗτος ἡμᾶς ᾐτιάσατο. [14] Πασίων δ' εἰς τοῦτο τόλμης ἀφίκεθ' ὥστ' ἀφῃρεῖτ' αὐτὸν ὡς ἐλεύθερον ὄντα, καὶ οὐκ ᾐσχύνετ' οὐδ' ἐδεδοίκει, ὃν ἔφασκεν ὑφ' ἡμῶν ἠνδραποδίσθαι καὶ παρ' οὗ τοσαῦτα χρήμαθ' ἡμᾶς ἔχειν, τοῦτον ἐξαιρούμενος εἰς ἐλευθερίαν καὶ κωλύων βασανίζεσθαι. Ὅ δὲ πάντων δεινότατον· κατεγγυῶντος γὰρ Μενεξένου πρὸς τὸν πολέμαρχον τὸν παῖδα, Πασίων αὐτὸν ἑπτὰ ταλάντων διηγγυήσατο. Καί μοι τούτων ἀνάβητε μάρτυρες.

Μάρτυρες

[15] Τούτων τοίνυν αὐτῷ πεπραγμένων, ὦ ἄνδρες δικασταί, ἡγούμενος περὶ μὲν τῶν παρεληλυθότων φανερῶς ἡμαρτηκέναι, οἰόμενος δ' ἐκ τῶν λοιπῶν ἐπανορθώσεσθαι, προσῆλθεν ἡμῖν φάσκων ἕτοιμος εἶναι παραδοῦναι βασανίζειν τὸν παῖδα. Ἑλόμενοι δὲ βασανιστὰς ἀπηντήσαμεν εἰς τὸ Ἡφαιστεῖον. Κἀγὼ μὲν ἠξίουν αὐτοὺς μαστιγοῦν τὸν ἐκδοθέντα καὶ στρεβλοῦν, ἕως τἀληθῆ δόξειεν αὐτοῖς λέγειν· Πασίων δ' οὑτοσὶ οὐ δημοκοίνους ἔφασκεν αὐτοὺς ἑλέσθαι, ἀλλ' ἐκέλευε λόγῳ πυνθάνεσθαι παρὰ τοῦ παιδός, [16] εἴ τι βούλοιντο. Διαφερομένων δ' ἡμῶν οἱ βασανισταὶ αὐτοὶ μὲν οὐκ ἔφασαν βασανιεῖν, ἔγνωσαν δὲ Πασίων' ἐμοὶ παραδοῦναι τὸν παῖδα. Οὗτος δ' οὕτω σφόδρ' ἔφευγε τὴν βάσανον, ὥστε περὶ μὲν τῆς παραδόσεως οὐκ ἤθελεν αὐτοῖς πείθεσθαι, τὸ δ' ἀργύριον ἕτοιμος ἦν ἀποτίνειν, εἰ καταγνοῖεν αὐτοῦ. Καί μοι κάλει τούτων μάρτυρας.

Μάρτυρες

[17] Ἐπειδὴ τοίνυν ἐκ τῶν συνόδων, ὦ ἄνδρες δικασταί, πάντες αὐτοῦ κατεγίγνωσκον ἀδικεῖν καὶ δεινὰ ποιεῖν, ὅστις τὸν παῖδα, ὃ ἔφασκον ἐγὼ συνειδέναι περὶ τῶν χρημάτων, πρῶτον μὲν αὐτὸς ἀφανίσας ὑφ' ἡμῶν αὐτὸν ᾐτιᾶτ' ἠφανίσθαι, ἔπειτα δὲ συλληφθέντα ὡς ἐλεύθερον ὄντα διεκώλυσε βασανίζεσθαι, μετὰ δὲ ταῦθ' ὡς δοῦλον ἐκδοὺς καὶ βασανιστὰς ἑλόμενος λόγῳ μὲν ἐκέλευσε βασανίζειν, ἔργῳ δ' οὐκ εἴα, διὰ ταῦθ' ἡγούμενος οὐδεμίαν αὑτῷ σωτηρίαν εἶναι, ἐάνπερ εἰς ὑμᾶς εἰσέλθῃ, προσπέμπων ἐδεῖτό μου εἰς ἱερὸν ἐλθόνθ' ἑαυτῷ συγγενέσθαι. [18] Καὶ ἐπειδὴ ἤλθομεν εἰς ἀκρόπολιν, ἐγκαλυψάμενος ἔκλαε καὶ ἔλεγεν, ὡς ἠναγκάσθη μὲν δι' ἀπορίαν ἔξαρνος γενέσθαι, ὀλίγου δὲ χρόνου πειράσοιτο τὰ χρήματ' ἀποδοῦναι· ἐδεῖτο δέ μου συγγνώμην ἔχειν αὐτῷ καὶ συγκρύψαι τὴν συμφοράν, ἵνα μὴ παρακαταθήκας δεχόμενος φανερὸς γένηται τοιαῦτ' ἐξημαρτηκώς. Ἡγούμενος δ' αὐτῷ μεταμέλειν τῶν πεπραγμένων συνεχώρουν καὶ ἐκέλευον αὐτὸν ἐξευρεῖν, ὅντιν' ἂν βούληται τρόπον, ὅπως τούτῳ τε καλῶς ἕξει κἀγὼ τἀμαυτοῦ κομιοῦμαι. [19] Τρίτῃ δ' ἡμέρᾳ συνελθόντες πίστιν τ' ἔδομεν ἀλλήλοις ἦ μὴν σιωπήσεσθαι τὰ πραχθέντα, ἣν οὗτος ἔλυσεν, ὡς ὑμεῖς αὐτοὶ προιόντος τοῦ λόγου γνώσεσθε, καὶ ὡμολόγησεν εἰς τὸν Πόντον μοι συμπλευσεῖσθαι κἀκεῖ τὸ χρυσίον ἀποδώσειν, ἵν' ὡς πορρωτάτω ἀπὸ τῆσδε τῆς πόλεως διαλύσειε τὸ συμβόλαιον, καὶ τῶν μὲν ἐνθάδε μηδεὶς εἰδείη τὸν τρόπον τῆς ἀπαλλαγῆς, ἐκπλεύσαντι δ' αὐτῷ ἐξείη λέγειν ὅ τι αὐτὸς βούλοιτο· εἰ δὲ μὴ ταῦτα ποιήσειε, δίαιταν ἐπὶ ῥητοῖς ἐπέτρεπε Σατύρῳ, ἐφ' ᾧτε καταγιγνώσκειν ἡμιόλι' αὐτοῦ τὰ χρήματα. [20] Ταῦτα δὲ συγγράψαντες καὶ ἀναγαγόντες εἰς ἀκρόπολιν Πύρωνα Φεραῖον ἄνδρα, εἰθισμένον εἰσπλεῖν εἰς τὸν Πόντον, δίδομεν αὐτῷ φυλάττειν τὰς συνθήκας, προστάξαντες αὐτῷ, ἐὰν μὲν διαλλαγῶμεν πρὸς ἡμᾶς αὐτούς, κατακαῦσαι τὸ γραμματεῖον, εἰ δὲ μή, Σατύρω ἀποδοῦναι.

XVII. DISCOURS TRAPÉZITIQUE.

[1] 1. Juges, ce débat est pour moi d'une haute importance ; je ne suis pas seulement exposé à perdre des sommes considérables, mais à paraître réclamer injustement des sommes qui ne m'appartiendraient pas, et c'est la chose qui me touche le plus. Il me restera toujours une fortune suffisante, quand même je serais privé de l'argent que je redemande, tandis que, si l'on peut croire que j'ai réclamé, sans y avoir droit, des sommes aussi importantes, ce sera une tache pour toute ma vie.

[2] 2. La plus difficile de toutes les situations est celle où l'on rencontre de pareils adversaires Et en effet, les transactions avec les banquiers ayant lieu sans témoins, les victimes de l'injustice sont obligées de lutter contre des hommes qui ont de nombreux amis, qui manient de grandes sommes d'argent, et qui sont considérés, à cause de leur profession même, comme dignes de la confiance publique. Quoi qu'il en soit, j'ai l'espoir de rendre évident pour tout le monde que j'ai été dépouillé par Pasion.

[3] 3. Je développerai donc devant vous la série des faits, à partir de leur origine. Juges, j'ai pour père Sinopéus, et ceux qui font voile vers le Pont savent tous qu'il existe, entre Satyrus et lui de tels rapports d'intimité, que Sinopéus gouverne une portion considérable du pays, et qu'il commande la totalité des troupes de Satyrus. [4] Ayant entendu parler et d'Athènes et de la Grèce, je désirai visiter ces contrées. Mon père chargea de blé deux navires, me donna des fonds, et m'envoya, à la fois, pour voir le pays et pour commercer. Pythodore de Phénicie m'ayant recommandé Pasion, je me servis de sa banque.

[5] 4. Quelque temps après, des calomniateurs ayant accusé mon père, auprès de Satyrus, de conspirer pour s'emparer du pouvoir, et moi d'avoir des relations avec les exilés, Satyrus fait arrêter mon père et écrit aux habitants du Pont qui se trouvaient alors à Athènes de se saisir des fonds que je possédais, de me donner l'ordre de revenir, et, si je m'y refusais, [6] de vous demander mon extradition.

5. En proie à de telles calamités, je fais connaître mon infortune à Pasion. J'étais avec lui dans de tels rapports d'intimité que, non seulement pour les intérêts d'argent, mais aussi pour nos autres affaires, j'avais en lui la plus entière confiance. Je pensai que, si je livrais la totalité de mes fonds, dépouillé alors de tout ce que je possédais ici et dans ma patrie, s'il arrivait quelque malheur à mon père, je me verrais absolument sans ressources ; et que, d'un autre côté, si je reconnaissais avoir des fonds, sans les remettre, quand Satyrus en avait envoyé l'ordre, je soulèverais contre mon père et contre moi les plus redoutables accusations auprès de Satyrus. [7] Nous délibérâmes ensemble, et alors il nous parut que le parti le plus sage était d'annoncer que j'obéirais aux ordres de Satyrus, de remettre toutes mes valeurs apparentes; et quant aux sommes déposées chez Pasion, non seulement de nier leur existence, mais de me montrer débiteur envers lui et envers d'autres de sommes portant intérêt ; en un mot, d'employer tous les moyens qui pouvaient le mieux convaincre les agents de Satyrus qu'il ne me restait aucun argent.

[8] 6. Je m'imaginais alors que Pasion me donnait ces conseils dans un sentiment de bienveillance; mais, après avoir traité avec les agents de Satyrus, je reconnus que Pasion me dressait des embûches. Et en effet, comme j'avais voulu retirer mes fonds de sa banque pour faire voile vers Byzance, Pasion, se persuadant que l'occasion la plus favorable lui était offerte, et voyant que, d'une part, j'avais chez lui des sommes assez importantes pour motiver, à ses yeux, une telle infamie; que, de l'autre, un grand nombre de témoins m'avaient entendu nier que je possédasse rien à Athènes, et que c'était un fait connu de tout le monde que, lorsqu'on m'avait demandé de remettre mon argent, j'avais déclaré n'avoir que des dettes; [9] pensant en outre que, si j'essayais de rester à Athènes, je serais livré à Satyrus par la République ; que, si je cherchais un asile ailleurs, il n'aurait plus rien à craindre de mes paroles; qu'enfin, si je faisais voile vers ma patrie, je périrais avec mon père, calculant, dis-je, toutes ces chances, Pasion résolut de me dépouiller de mes fonds. Il feignit, vis-à-vis de moi, d'être momentanément privé de ressources et dans l'impossibilité de se libérer; et lorsque ensuite, voulant savoir la vérité, j'envoyai vers lui Philomèle et Ménexène, il nia qu'il eût rien à moi.[10] Frappé de tous côtés par d'aussi grands malheurs, à quelle pensée croyez-vous que dut s'arrêter mon esprit? Si je gardais le silence, j'étais spolié par Pasion; si je parlais, je n'obtenais rien de plus, et j'appelais sur moi et sur mon père la plus terrible accusation auprès de Satyrus. Je crus donc que le parti le plus sage était de rester dans l'inaction.

[11] 7. Quelque temps après, on vient m'annoncer que mon père a été mis en liberté ; que Satyrus a éprouvé de ce qu'il avait fait un tel regret qu'il lui a donné de sa foi les gages les plus certains, qu'il a augmenté le pouvoir dont il jouissait auparavant, et qu'il a fait de ma sœur l'épouse de son fils. Pasion, informé de ces circonstances et comprenant que désormais j'agirais ouvertement, fait disparaître l'esclave Cittus, qui connaissait les faits relatifs au dépôt. [12] Lorsque je me présente pour demander cet esclave, pensant qu'il fournira la preuve la plus évidente de mes justes réclamations, Pasion ne craint pas d'articuler le plus audacieux mensonge : Ménexène et moi nous avions, disait-il, corrompu et séduit Cittus, commis à la banque, et nous avions obtenu de lui une somme de six talents; il ajoute qu'afin d'empêcher qu'il pût y avoir ni enquête ni torture pour établir la vérité, nous avons enlevé l'esclave que nous venons réclamer de lui et que nous redemandons celui que nous avons nous-mêmes fait disparaître. Et en prononçant ces paroles, en s'indignant, en versant d'abondantes larmes, il me traîne devant le polémarque, il me demande des répondants, et il ne me quitte plus que lorsque je lui ai fourni des cautions pour six talents. Appelez les témoins de ces faits.

DÉPOSITION DES TÉMOINS.

[13] 8. Juges, vous avez entendu les témoins ; quant à moi, après les pertes que j'avais faites, me voyant accusé de l'action la plus honteuse, je m'étais rendu dans le Péloponnèse, afin d'y faire des recherches. Ménexène, cependant, trouve l'esclave à Athènes, le saisit et demande qu'il soit interrogé par la torture, et sur le dépôt et sur les accusations de Pasion Contre nous. [14] Pasion, de son côté, pousse l'audace à un tel point qu'il réclame l'esclave, en affirmant que c'est un homme libre ; et il n'éprouve ni honte ni crainte de soustraire ainsi à la justice pour le mettre en liberté et empêcher qu'on ne le livre à la torture celui qu'il nous accusait d'avoir revendiqué comme un esclave, et par lequel il prétendait que nous nous étions fait donner une somme aussi considérable, Et ce qui est plus monstrueux que tout le reste, quand Ménexène demande au polémarque de lui remettre l'esclave, en offrant une caution, Pasion dépose sept talents pour qu'on le mette en liberté. Paraissez, témoins de ces faits.

DÉPOSITION DES TÉMOINS.

[15] 9. Après une telle conduite, juges, Pasion, comprenant que pour le passé sa culpabilité était évidente, mais espérant relever sa situation dans l'avenir, vient nous trouver et nous dit qu'il est prêt à livrer l'esclave à la torture. Nous choisissons des exécuteurs ; nous nous réunissons au temple de Vulcain. Je leur demande de frapper de verges l'esclave et de lui donner la question jusqu'au moment où ils croiront qu'il confesse la vérité : mais alors ce même Pasion prétend qu'ils n'ont pas été choisis pour remplir les fonctions de bourreaux, et leur enjoint de faire subir à l'esclave, en paroles seulement, l'interrogatoire [16] qu'ils voudront. Comme nous n'étions pas d'accord, les exécuteurs déclarent qu'ils n'appliqueront pas la question à l'esclave ; mais ils décident que Pasion doit me le livrer. Pasion craignait tellement le résultat de la torture, qu'il refuse de se soumettre à leur décision pour la remise de l'esclave, et dit que, s'ils l'y condamnent, il est prêt à rendre les fonds. Appelez les témoins de ces faits.

DÉPOSITION DES TÉMOINS.

[17] 10. Juges, à la suite de ces réunions tout le monde condamnait la conduite de Pasion comme injuste et déloyale. Et en effet, après avoir fait disparaître Cittus, qui, selon ma déclaration, connaissait les faits relatifs au dépôt, il nous accusait de l'avoir soustrait; lorsque ensuite l'esclave était arrêté, il empêchait qu'on ne le mît à la torture, sous prétexte qu'il était libre, et quand il l'avait livré comme esclave, quand il avait choisi les exécuteurs, il demandait qu'on le mît à la question en paroles seulement, mais sans permettre qu'on l'y appliquât en réalité. Comprenant que dans cette situation il n'existait, pour lui, aucun moyen de salut s'il se présentait devant vous, Pasion me fait demander par un intermédiaire de me rendre dans le temple pour m'y trouver avec lui. [18] Lorsque nous sommes arrivés à la citadelle, il se voile le visage, verse des larmes, dit qu'il s'est vu contraint par le défaut d'argent de nier la vérité, et ajoute qu'avec un peu de temps il fera en sorte de se libérer; il me supplie enfin de lui pardonner et de l'aider à cacher son malheur, dans la crainte qu'il ne fût avéré que, recevant des dépôts, il s'était rendu coupable d'un tel abus de confiance. Convaincu qu'il se repentait, je condescends à sa prière, et je l'engage à choisir lui-même le moyen qui lui conviendra le mieux pour sauver sa réputation et pour me faire rentrer dans mes fonds. [19] Trois jours après, nous étant réunis, nous nous donnons mutuellement notre parole de garder le silence sur tout ce qui s'est passé (engagement, qu'il ne tint pas, comme vous le reconnaîtrez par la suite de ce discours) ; et il promet, en outre, de faire voile avec moi vers le Pont, où, dit-il, il me remettra sa dette, afin qu'en accomplissant nos conditions le plus loin possible d'Athènes, personne ne puisse connaître la nature de nos arrangements, et qu'au retour de son voyage, il puisse dire tout ce qu'il jugera à propos; il s'engage également, s'il ne tient pas sa parole, à prendre pour arbitre de nos conventions Satyrus, qui pourra le condamner à payer moitié en sus de la totalité des fonds. [20] Nous écrivons un engagement; nous conduisons à la citadelle Pyron de Phères, homme accoutumé aux voyages du Pont ; nous lui donnons notre traité à garder, et nous ajoutons, pour instruction, de brûler l'acte si nous terminons à l'amiable ; sinon, de le remettre à Satyrus.

[21] Τὰ μὲν οὖν ἡμέτερ', ὦ ἄνδρες δικασταί, οὕτω διεπέπρακτο· Μενέξενος δ' ὀργιζόμενος ὑπὲρ τῆς αἰτίας ἧς κἀκεῖνον Πασίων17 ᾐτιάσατο, λαχὼν δίκην ἐξῄτει τὸν Κίττον, ἀξιῶν τὴν αὐτὴν Πασίωνι ψευδομένῳ γίγνεσθαι ζημίαν ἧσπερ ἂν αὐτὸς ἐτύγχανεν, εἴ τι τούτων ἐφαίνετο ποιήσας. Καὶ οὗτος, ὦ ἄνδρες δικασταί, ἐδεῖτο μου ἀπαλλάττειν Μενέξενον, λέγων ὅτι οὐδὲν αὐτῷ πλέον ἔσται, εἰ τὰ μὲν χρήματ' ἐκ τῶν συγγεγραμμένων εἰς τὸν Πόντον εἰσπλεύσας ἀποδώσει, αὐτὸς δ' ὁμοίως ἐνθάδε καταγέλαστος ἔσοιτο· ὁ γὰρ παῖς, ἐὰν βασανίξηται, περὶ πάντων τἀληθῆ κατεπεῖ. [22] Ἐγὼ δ' ἠξίουν πρὸς μὲν Μενέξενον πράττειν ὅ τι βούλοιτο, πρὸς δ' ἐμὲ ποιεῖν αὐτὸν τὰ συγκείμενα. Ἐν ἐκείνῳ μὲν οὖν τῷ χρόνῳ ταπεινὸς ἦν, οὐκ ἔχων ὅ τι χρήσαιτο τοῖς αὑτοῦ κακοῖς. Καὶ γὰρ οὐ μόνον περὶ τῆς βασάνου καὶ τῆς δίκης ἐκείνης ἐδεδοίκει τῆς εἰληγμένης, ἀλλὰ καὶ περὶ τοῦ γραμματείου, ὅπως μὴ ὑπὸ τοῦ Μενεξένου συλληφθήσοιτο.

[23] Ἀπορῶν δὲ καὶ οὐδεμίαν ἄλλην εὑρίσκων ἀπαλλαγήν, πείσας τοῦ ξένου τοὺς παῖδας διαφθείρει τὸ γραμματεῖον, ὃ ἔδει Σάτυρον λαβεῖν, εἰ μή μ' ἀπαλλάξειεν οὗτος. Καὶ οὐκ ἔφθη διαπραξάμενος ταῦτα καὶ θρασύτατος ἁπάντων ἀνθρώπων ἐγένετο, καὶ οὔτ' εἰς τὸν Πόντον ἔφη μοι συμπλευσεῖσθαι οὔτ' εἶναι πρός ἔμ' αὐτῷ συμβόλαιον οὐδέν, ἀνοίγειν τ' ἐκέλευε τὸ γραμματεῖον ἐναντιόν μαρτύρων. Τί ἂν ὑμῖν τὰ πολλὰ λέγοιμι, ὦ ἄνδρες δικασταί; Εὑρέθη γάρ ἐν τὦ γραμματείῳ γεγραμμένος18 ἀφειμένος ἁπάντων τῶν ἐγκλημάτων ὑπ' ἐμοῦ.

[24] Τὰ μὲν οὖν γεγενημένα, ὡς ἀκριβέστατα οἶός τ' ἦν, ἅπανθ' ὑμῖν εἴρηκα. Ἡγοῦμαι δὲ Πασίων', ὦ ἄνδρες δικασταί, ἐκ τοῦ διεφθαρμένου γραμματείου τὴν ἀπολογίαν ποιήσεσθαι καὶ τοὺτοις ἰσχυριεῖσθαι μάλιστα. Ὑμεῖς οὖν μοι τὸν νοῦν προσέχετε· οἶμαι γὰρ ἐξ αὐτῶν τούτων φανερὰν ὑμῖν ποιήσειν τὴν τούτου πονηρίαν.

[25] Πρῶτον δ' ἐκ τούτου σκοπεῖσθε. Ὅτε γὰρ ἐδίδομεν τῷ ξένῳ τὴν συνθήκην, καθ' ἣν οὗτος μὲν ἀφεῖσθαί φησι τῶν ἐγκλημάτων, ἐγὼ δ' ὡς ἔδει με παρὰ τοὺτου κομίσασθαι τὸ χρυσίον, ἐκελεύομεν τὸν ξένον, ἐὰν μὲν διαλλαγῶμεν πρὸς ἡμᾶς αὐτούς, κατακαῦσαι τὸ γραμματεῖον, εἰ δὲ μή, Σατύρῳ ἀποδοῦναι· καὶ ταῦτα ῥηθῆναι ὑπ' ἀμφοτέρων ἡμῶν ὁμολογεῖται. [26] Καίτοι τί μαθόντες, ὦ ἄνδρες δικασταί, προσετάττομεν ἀποδοῦναι Σατύρω τὸ γραμματεῖον, ἂν μὴ διαλλαγῶμεν, εἴπερ ἀπηλλαγμένος ἤδη Πασίων ἦν ἐγκλημάτων καὶ τέλος εἶχεν ἡμῖν τὸ πρᾶγμα; Ἀλλὰ δῆλον ὅτι ταύτας τὰς συνθήκας ἐποιησάμεθ' ὡς ὑπολοίπων ὄντων ἡμῖν ἔτι πραγμάτων, περί ὦν ἔδει τοῦτον πρὸς ἐμὲ κατὰ τὸ γραμματεῖον διαλύσασθαι. [27] Ἔπειτ' ἐγὼ μέν, ὦ ἄνδρες δικασταί ἔχω τὰς αἰτίας εἰπεῖν δι' ἃς οὗτος ὡμολόγησεν ἀποδώσειν τὸ χρυσίον· ἐπεὶ γὰρ ἡμεῖς τε τῶν πρὸς Σάτυρον διαβολῶν ἀπηλλάγημεν καὶ τὸν Κιττον οὐχ οἶός τ' ἐγένετ' ἀφανίσαι, τὸν συνειδότα περὶ τῆς παρακαταθήκης, ἡγησάμενος, εἰ μὲν ἐκδοίη τὸν παῖδα βασανίσαι, [28] φανερός γενήσεσθαι πανουργῶν, εἰ δὲ μὴ ποιήσειε ταῦτ', ὀφλήσειν τὴν δίκην, ἐβουλήθη πρὸς ἐμὲ ἀπαλλαγὴν ποιήσασθαι. Τοῦτον δὲ κελεύσατ' ἀποδεῖξαι, τι κερδαίνων ἤ τίνα κίνδυνον φοβηθεὶς ἀφῆκ' αὐτὸν τῶν ἐγκλημάτων; Ἐάν δὲ μηδὲν ἔχῃ τούτων ὑμῖν ἀποφαίνειν, πῶς οὐκ ἄν δικαίως ἐμοὶ μᾶλλον ἢ τούτῳ περὶ τοῦ γραμματείου πιστεύοιτε; [29] Καὶ μὲν δή, ὦ ἄνδρες δικασταί, καὶ τόδε ῥᾴδιον πᾶσι γνῶναι, ὅτι ἐμοὶ μέν, ὃς ἐνεκάλουν, εἰ τοὺς ἐλέγχους ἐφοβούμην, ἐξῆν καὶ μηδεμίαν συνθήκην ποιησάμενον χαίρειν ἐᾶν τὸ πρᾶγμα· τούτῳ δὲ διά τε τὴν βάσανον καὶ τοὺς ἀγῶνας τοὺς ἐν ὑμῖν οὐχ οἶόν τ' ἦν ὁπότε βούλοιτ' ἀπηλλάχθαι τῶν κινδύνων, εἰ μὴ πείσειεν ἐμὲ τὸν ἐγκαλοῦντα. Ὥστ' οὐκ ἐμὲ περὶ τῆς ἀφέσεως ἀλλὰ τοῦτον περὶ τῆς ἀποδόσεως τῶν χρημάτων ἔδει τὰς συνθήκας ποιεῖσθαι. Ἔτι δὲ κἀκεῖν' ὑπερφυές, [30] εἰ πρὶν μὲν συγγράψασθαι τὸ γραμματεῖον οὕτω σφόδρ' ἠπίστησα τοῖς πράγμασιν ὥστε μὴ μόνον ἀφεῖναι Πασίωνα τῶν ἐγκλημάτων ἀλλὰ καὶ συνθήκας περὶ αὐτῶν ποιήσασθαι ἐπειδὴ δὲ τοιοῦτον ἔλεγχον κατ' ἐμαυτοῦ συνεγραψάμην, τηνικαῦτ' ἐπεθύμησ' εἰς ὑμᾶς εἰσελθεῖν. Καίτοι τίς ἄν οὕτω περί τῶν αὑτοῦ πραγμάτων βουλεύσαιτο;

[31] Ὃ δὲ πάντων μέγιστον τεκμήριον ὡς οὐκ ἀφειμὲνος ἦν Πασίων ἐν ταῖς συνθήκαις ἀλλ' ὡμολογηκὼς ἀποδώσειν τὸ χρυσίον· ὅτε γὰρ Μενέξενος ἔλαχεν αὑτῷ τὴν δίκην, οὔπω διεφθαρμένου τοῦ γραμματείου, προσπέμπων Ἀγύρριον, ὄντ' ἀμφοτέροις ἡμῖν ἐπιτήδειον, ἠξίου μ' ἤ Μενέξενον ἀπαλλάττειν ἢ τὰς συνθήκας τὰς γεγενημένας πρὸς αὑτὸν ἀναιρεῖν. [32] Καίτοι, ὦ ἄνδρες δικασταί, οἴεσθ' ἂν αὐτὸν ἐπιθυμεῖν ἀναιρεθῆναι ταύτας τὰς συνθήκας, ἐξ ὧν ψευδομένους ἡμᾶς ἔμελλεν ἐξελέγξειν; Οὔκουν ἐπειδή γε μετεγράφησαν, τούτους ἔλεγε τοὺς λόγους, ἀλλὰ περὶ ἁπάντων εἰς ἐκείνας κατέφευγε καὶ ἀνοίγειν ἐκέλευε τὸ γραμματεῖον. Ὡς οὖν τὸ πρῶτον ἀναιρεῖν ἐζήτει τὰς συνθήκας, αὐτὸν Ἀγύρριον μαρτυροῦντα παρέξομαι. Καί μοι ἀνάβηθι.

Μαρτυρία

[33] Ὅτι μὲν τοίνυν συνθήκας δ' ἐποιησάμεθ' οὐχ ὡς Πασίων ἐπιχειρήσει λέγειν, ἀλλ' ὡς ἐγὼ πρὸς ὑμᾶς εἴρηκα, ἱκανῶς ἐπιδεδεῖχθαι νομίζω. Οὐκ ἄξιον δὲ θαυμάζειν, ὦ ἄνδρες δικασταί, εἰ τὸ γραμματεῖον διέφθειρεν, οὐ μόνον διὰ τοῦτο, ὅτι πολλὰ τοιαῦτ' ἤδη γέγονεν, ἀλλ' ὅτι καὶ τῶν χρωμένων τινὲς Πασίωνι πολὺ δεινότερα τούτων πεποιήκασι.

Πυθόδωρον γὰρ τὸν σκηνίτην καλούμενον, ὃς ὑπὲρ Πασίωνος ἅπαντα καὶ λέγει καὶ πράττει, τίς οὐκ οἶδεν ὑμῶν πέρυσιν ἀνοίξαντα τὰς ὑδρίας καὶ τοὺς κριτὰς ἐξελόντα τοὺς ὑπὸ τῆς βουλῆς εἰσβληθέντας; [34] Καίτοι ὅστις ἕνεκα καὶ περὶ τοῦ σώματος κινδυνεύων ταύτας ὑπανοίγειν ἐτόλμησεν, αἳ σεσημασμέναι μὲν ἦσαν ὑπὸ τῶν χορηγῶν, ἐφυλάττοντο δ' ὑπὸ τῶν ταμιῶν, ἔκειντο δ' ἐν ἀκροπόλει, τί δεῖ θαυμάζειν, εἰ γραμματείδιον παρ' ἀνθρώπῳ ξένῳ κείμενον τοσαῦτα μέλλοντες χρήματα κερδαίνειν μετέγραψαν, ἢ τοὺς παῖδας αὐτοῦ πείσαντες ἢ ἄλλῳ τρόπῳ, ᾧ ἠδύναντο, μηχανησάμενοι; Περὶ μὲν οὖν τούτων οὐκ οἶδ' ὅ τι δεῖ πλείω λέγειν.

[35] Ἤδη δέ τινας Πασίων ἐπεχείρησε πείθειν, ὡς τὸ παράπαν οὐδ' ἦν ἐνθάδε μοι χρήματα, λέγων ὡς παρὰ Στρατοκλέους ἐδανεισάμην τριακοσίους στατῆρας. Ἄξιον οὖν καὶ περὶ τούτων ἀκοῦσαι, ἵν' ἐπίστησθ', οἵοις τεκμηρίοις ἐπαρθεὶς ἀποστερεῖ με τῶν χρημάτων.

Ἐγὼ γάρ, ὦ ἄνδρες δικασταί, μέλλοντος Στρατοκλέους εἰσπλεῖν εἰς τὸν Πόντον, βουλόμενος ἐκεῖθεν ὡς πλεῖστ' ἐκκομίσασθαι τῶν χρημάτων, ἐδεήθην Στρατοκλέους τὸ μὲν αὑτοῦ χρυσίον ἐμοὶ καταλιπεῖν, ἐν δὲ τῷ Πόντῳ παρὰ τοῦ πατρὸς τοὐμοῦ κομίσασθαι, [36] νομίζων μεγάλα κερδαίνειν, εἰ κατὰ πλοῦν μὴ κινδυνεύοι τὰ χρήματα, ἄλλως τε καὶ Δακεδαιμονίων ἀρχόντων κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον τῆς θαλάττης. Τούτῳ μὲν οὖν οὐδὲν ἡγοῦμαι τοῦτ' εἶναι σημεῖον, ὡς οὐκ ἦν ἐνθάδε μοι χρήματα. Ἐμοὶ δὲ μέγιστ' ἔσται τεκμήρια τὰ πρὸς Στρατοκλέα πραχθέντα, ὡς ἦν μοι παρὰ τούτῳ χρυσίον. [37] Ἐρωτῶντος γὰρ Στρατοκλέους, ὅστις αὐτῷ ἀποδώσει τὰ χρήματα, ἐὰν ὁ πατὴρ οὑμὸς μὴ ποιήσῃ τὰ ἐπεσταλμένα, αὐτὸς δ' ἐκπλεύσας ἐνθάδ' ἐμὲ μὴ καταλάβῃ, Πασίων' αὐτῷ συνέστησα, καὶ ὡμολόγησεν οὗτος αὐτῷ καὶ τὸ ἀρχαῖον καὶ τοὺς τόκους τοὺς γιγνομένους ἀποδώσειν. Δώσειν. Καίτοι εἰ μηδὲν ἔκειτο παρ' αὐτῷ τῶν ἐμῶν, οἴεσθ' ἄν αὐτὸν οὕτω ῥᾳδίως τοσούτων χρημάτων ἐγγυητήν μου γενέσθαι; Καί μοι ἀνάβητε, μάρτυρες.

Μάρτυρες

[38] Ἴσως τοίνυν, ὦ ἄνδρες δικασταί, καὶ τούτων ὑμῖν μάρτυρας παρέξεται, ὡς ἔξαρνος ἐγενόμην πρὸς τοὺς ὑπὲρ Σατύρου πράττοντας μηδὲν κεκτῆσθαι πλὴν ὧν ἐκείνοις παρεδίδουν, καὶ ὡς αὐτὸς ἐπελαμβάνετο τῶν χρημάτων τῶν ἐμῶν ὁμολογοῦντος ἐμοῦ ὀφείλειν τριακοσίας δραχμάς, καὶ ὅτι Ἱππολαί̈δαν, ξένον ὄντ' ἐμαυτοῦ καὶ ἐπιτήδειον, περιεώρων παρὰ τούτου δανειζόμενον.

[39] Ἐγὼ δ', ὦ ἄνδρες δικασταί, καταστὰς εἰς συμφορὰς οἵας ὑμῖν διηγησάμην, καὶ τῶν μὲν οἴκοι πάντων ἀπεστερημένος, τὰ δ' ἐνθάδ' ἀναγκαζόμενος παραδιδόναι τοῖς ἥκουσιν, ὑπολοίπου δ' οὐδενὸς ὄντος μοι, πλὴν εἰ δυνηθείην λαθεῖν περιποιησάμενος τὸ χρυσίον τὸ παρὰ τούτῳ κείμενον, ὁμολογῶ καὶ τούτῳ προσομολογῆσαι τριακοσίας δραχμὰς καὶ περὶ τῶν ἄλλων τοιαῦτα πράττειν καὶ λέγειν ἐξ ὧν ἐκείνους μάλιστ' ἄν πείθειν ὠόμην μηδὲν εἶναί μοι. [40] Καὶ ταῦθ' ὡς οὐ δι' ἀπορίαν ἐγίγνετο, ἀλλ' ἵνα πιστευθείην ὑπ' ἐκείνων, ῥᾳδίως γνώσεσθε. Πρῶτον μὲν γὰρ ὑμῖν μάρτυρας παρέξομαι τοὺς εἰδότας πολλά μοι χρήματ' ἐκ τοῦ Πόντου κομισθέντα, ἔπειτα δὲ τοὺς ὁρῶντάς με τῇ τούτου τραπέζῃ χρώμενον, ἔτι δὲ παρ' ὧν ἐχρυσώνησ' ὑπ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον πλέον ἢ χιλίους στατῆρας. [41] Πρὸς δὲ τούτοις εἰσφορᾶς ἡμῖν προσταχθείσης καὶ ἑτέρων ἐπιγραφέων γενομένων ἐγὼ πλεῖστον εἰσήνεγκα τῶν ξένων, αὐτός θ' αἱρεθεὶς ἐμαυτῷ μὲν ἐπέγραψα τὴν μεγίστην εἰσφοράν, ὑπὲρ Πασίωνος δ' ἐδεόμην τῶν συνεπιγραφέων, λέγων ὅτι τοῖς ἐμοῖς χρήμασι τυγχάνει χρώμενος. Καί μοι ἀνάβητε μάρτυρες.

Μάρτυρες

[42] Αὐτὸν τοίνυν Πασίων' ἔργῳ παρέξομαι τούτοις συμμαρτυροῦντα. Ὁλκάδα γάρ, ἐφ' ᾗ πολλὰ χρήματ' ἦν ἐγὼ δεδωκώς, ἔφηνέ τις ὡς οὖσαν ἀνδρὸς Δηλίου. Ἀμφισβητοῦντος δ' ἐμοῦ καὶ καθέλκειν ἀξιοῦντος οὕτω τὴν βουλὴν διέθεσαν οἱ βουλόμενοι συκοφαντεῖν, ὥστε τὸ μὲν πρῶτον παρὰ μικρὸν ἦλθον ἄκριτος ἀποθανεῖν, τελευτῶντες δ' ἐπείσθησαν ἐγγυητὰς παρ' ἐμοῦ δέξασθαι. [43] Καὶ Φίλιππος μὲν ὤν μοι ξένος πατρικός, κληθεὶς καὶ ὑπακούσας, δείσας τὸ μέγεθος τοῦ κινδύνου ἀπιὼν ᾤχετο· Πασίων δ' Ἀρχέστρατόν μοι τὸν ἀπὸ τῆς τραπέζης ἑπτὰ ταλάντων ἐγγυητὴν παρέσχεν. Καίτοι εἰ μικρῶν ἀπεστερεῖτο καὶ μηδὲν ᾔδει μ' ἐνθάδε κεκτημένον, οὐκ ἂν δήπου τοσούτων χρημάτων ἐγγυητής μου κατέστη. [44] Ἀλλὰ δῆλον ὅτι τὰς μὲν τριακοσίας δραχμὰς ἐνεκάλεσεν ἐμοὶ χαριζόμενος, τῶν δ' ἑπτὰ ταλάντων ἐγγυητής μοι ἐγένεθ' ἡγούμενος πίστιν ἔχειν ἱκανὴν τὸ χρυσίον τὸ παρ' αὑτῷ κείμενον. Ὡς μὲν τοίνυν ἦν τέ μοι πολλὰ χρήματ' ἐνθάδε καὶ ταῦτ' ἐπὶ τῇ τούτου τραπέζῃ κεῖταί μοι, καὶ ἐκ τῶν ἔργων τῶν Πασίωνος ὑμῖν δεδήλωκα καὶ παρὰ τῶν ἄλλων τῶν εἰδότων ἀκηκόατε.

[45] Δοκεῖτε δέ μοι, ὦ ἄνδρες δικασταί, ἄριστ' ἂν γνῶναι περὶ ὧν ἀμφισβητοῦμεν, ἀναμνησθέντες ἐκεῖνον τὸν χρόνον, καὶ τὰ πράγματα πῶς εἶχεν ἡμῖν, ὅτ' ἐγὼ Μενέξενον καὶ Φιλόμηλον προσέπεμψ' ἀπαιτήσοντας τὴν παρακαταθήκην, καὶ Πασίων τὸ πρῶτον ἐτόλμησεν ἔξαρνος γενέσθαι. Εὑρήσετε γὰρ τὸν μὲν πατέρα μου συνειλημμένον καὶ τὴν οὐσίαν ἅπασαν ἀφῃρημένον, ἐμοὶ δ' οὐχ οἷόν τ' ὂν διὰ τὰς παρούσας τύχας οὔτ' αὐτοῦ μένειν οὔτ' εἰς τὸν Πόντον εἰσπλεῖν. [46] Καίτοι πότερον εἰκὸς ἔμ' ἐν τοσούτοις ὄντα κακοῖς ἀδίκως ἐγκαλεῖν, ἢ Πασίωνα καὶ διὰ τὸ μέγεθος τῶν ἡμετέρων συμφορῶν καὶ διὰ τὸ πλῆθος τῶν χρημάτων ἐπαρθῆναι τὴν ἀποστέρησιν ποιήσασθαι; Τίς δὲ πώποτ' εἰς τοσοῦτον συκοφαντίας ἀφίκετο ὥστε αὐτὸς περὶ τοῦ σώματος κινδυνεύων τοῖς ἀλλοτρίοις ἐπιβουλεύειν; Μετὰ ποίας δ' ἂν ἐλπίδος ἢ τί διανοηθεὶς ἀδίκως ἦλθον ἐπὶ τοῦτον; Πότερον ὡς δείσας τὴν δύναμιν τὴν ἐμὴν ἤμελλεν εὐθύς μοι δώσειν ἀργύριον; Ἀλλ' οὐχ οὕτως ἑκάτερος ἡμῶν ἔπραττεν. [47] Ἀλλ' εἰς ἀγῶνα καταστὰς ᾤμην καὶ παρὰ τὸ δίκαιον πλέον ἕξειν Πασίωνος παρ' ὑμῖν; Ὃς οὐδὲ μένειν ἐνθάδε παρεσκευαζόμην, δεδιὼς μή μ' ἐξαιτήσειε Σάτυρος παρ' ὑμῶν. Ἀλλ' ἵνα μηδὲν διαπραττόμενος ἐχθρὸς τούτῳ κατασταίην, ᾧ μάλιστ' ἐτύγχανον πάντων τῶν ἐν τῇ πόλει χρώμενος; Καὶ τίς ἂν ὑμῶν ἀξιώσειε καταγνῶναί μου τοσαύτην μανίαν καὶ ἀμαθίαν;

[48] Ἐνθυμηθῆναι δ' ἄξιόν ἐστιν, ὦ ἄνδρες δικασταί, τὴν ἀτοπίαν καὶ τὴν ἀπιστίαν ὧν ἑκάστοτε Πασίων ἐπεχείρει λέγειν. Ὅτε μὲν γὰρ οὕτως ἔπραττον, ὥστ' οὐδ' ἄν, εἰ προσωμολόγει μ' ἀποστερεῖν τῶν χρημάτων, οἷός τ' ἂν ἦν παρ' αὐτοῦ δίκην λαβεῖν, τότε μὲν αἰτιᾶταί μ' ἀδίκως ἐγκαλεῖν ἐπιχειρῆσαι· ἐπειδὴ δ' ἐγώ τε τῶν πρὸς Σάτυρον διαβολῶν ἀπηλλάγην καὶ τοῦτον ἅπαντες ὀφλήσειν τὴν δίκην ἐνόμιζον, τηνικαῦτά μέ φησιν ἀφεῖναι πάντων τῶν ἐγκλημάτων αὐτόν. Καίτοι πῶς ἂν τούτων ἀλογώτερα γένοιτο;

[49] Ἀλλὰ γὰρ ἴσως περὶ τούτων μόνον ἀλλ' οὐ καὶ περὶ τῶν ἄλλων ἐναντί' αὐτὸς αὑτῷ καὶ λέγων καὶ πράττων φανερός ἐστιν· ὃς τὸν μὲν παῖδα, ὃν αὐτὸς ἠφάνισεν, ὑφ' ἡμῶν ἔφασκεν ἀνδραποδισθῆναι, τὸν αὐτὸν δὲ τοῦτον ἀπεγράψατο μὲν ἐν τοῖς τιμήμασιν ὡς δοῦλον μετὰ τῶν οἰκετῶν τῶν ἄλλων, ἐπεὶ δ' αὐτὸν ἠξίου Μενέξενος βασανίζειν, ἀφῃρεῖθ' ὡς ἐλεύθερον ὄντα. [50] Πρὸς δὲ τούτοις ἀποστερῶν αὐτὸς τὴν παρακαταθήκην, ἐτόλμησεν ἡμῖν ἐγκαλεῖν ὡς ἔχομεν ἓξ τάλαντ' ἀπὸ τῆς τούτου τραπέζης. Καίτοι ὅστις περὶ πραγμάτων οὕτω φανερῶν ἐπεχείρει ψεύδεσθαι, πῶς χρὴ πιστεύειν αὐτῷ περὶ ὧν μόνος πρὸς μόνον ἔπραξεν;

[51] Τὸ τελευταῖον τοίνυν, ὦ ἄνδρες δικασταί, ὁμολογήσας ὡς Σάτυρον εἰσπλευσεῖσθαι καὶ ποιήσειν ἅττ' ἂν ἐκεῖνος γνῷ, καὶ ταῦτ' ἐξηπάτησε, καὶ αὐτὸς μὲν οὐκ ἤθελεν εἰσπλεῦσαι πολλάκις ἐμοῦ προκαλεσαμένου, εἰσέπεμψε δὲ τὸν Κίττον· ὃς ἐλθὼν ἐκεῖσ' ἔλεγεν ὅτι ἐλεύθερος εἴη καὶ τὸ γένος Μιλήσιος, εἰσπέμψειε δ' αὐτὸν Πασίων διδάξοντα περὶ τῶν χρημάτων. [52] Ἀκούσας δὲ Σάτυρος ἀμφοτέρων ἡμῶν δικάζειν μὲν οὐκ ἠξίου περὶ τῶν ἐνθάδε γενομένων συμβολαίων, ἄλλως τε καὶ μὴ παρόντος τούτου μηδὲ μέλλοντος ποιήσειν ἃ ἐκεῖνος δικάσειεν, οὕτω δὲ σφόδρ' ἐνόμιζεν ἀδικεῖσθαί με, ὥστε συγκαλέσας τοὺς ναυκλήρους ἐδεῖτ' αὐτῶν βοηθεῖν ἐμοὶ καὶ μὴ περιορᾶν ἀδικούμενον, καὶ πρὸς τὴν πόλιν συγγράψας ἐπιστολὴν ἔδωκε φέρειν Θενοτίμῳ τῷ Καρκίνου.

Καί μοι ἀνάγνωθι αὐτοῖς.

Ἐπιστολή

[53] Οὕτω τοίνυν, ὦ ἄνδρες δικασταί, πολλῶν μοι τῶν δικαίων ὑπαρχόντων, ἐκεῖν' ἡγοῦμαι μέγιστον εἶναι τεκμήριον ὡς ἀποστερεῖ με Πασίων τῶν χρημάτων, ὅτι τὸν παῖδ' οὐκ ἠθέλησε βασανίζειν ἐκδοῦναι τὸν συνειδότα περὶ τῆς παρακαταθήκης. Καίτοι περὶ τῶν πρὸς τοὺς ἐπὶ ταῖς τραπέζαις συμβολαίων τίς ἂν ἔλεγχος ἰσχυρότερος τούτου γένοιτο; Οὐ γὰρ δὴ μάρτυράς γ' αὐτῶν ποιούμεθα. [54] Ὁρῶ δὲ καὶ ὑμᾶς καὶ περὶ τῶν ἰδίων καὶ περὶ τῶν δημοσίων οὐδὲν πιστότερον οὐδ' ἀληθέστερον βασάνου νομίζοντας, καὶ μάρτυρας μὲν ἡγουμένους οἷόν τ' εἶναι καὶ τῶν μὴ γενομένων παρασκευάσασθαι, τὰς δὲ βασάνους φανερῶς ἐπιδεικνύναι, ὁπότεροι τἀληθῆ λέγουσιν. Ἃ οὗτος εἰδὼς ἠβουλήθη εἰκάζειν ὑμᾶς περὶ τοῦ πράγματος μᾶλλον ἢ σαφῶς εἰδέναι. Οὐ γὰρ δὴ τοῦτό γ' ἂν εἰπεῖν ἔχοι, ὡς ἔλαττον ἔμελλεν ἕξειν ἐν τῇ βασάνῳ, καὶ διὰ τοῦτ' οὐκ εἰκὸς ἦν αὐτὸν ἐκδοῦναι. [55] Πάντες γὰρ ἐπίστασθ' ὅτι κατειπὼν μὲν ἤμελλε τὸν ἐπίλοιπον χρόνον ὑπὸ τούτου κάκιστ' ἀνθρώπων ἀπολεῖσθαι, διακαρτερήσας δὲ καὶ ἐλεύθερος ἔσεσθαι καὶ μεθέξειν ὧν οὗτός μ' ἀπεστέρησεν. Ἀλλ' ὅμως τοσούτῳ μέλλων πλέον ἕξειν, συνειδὼς αὑτῷ τὰ πεπραγμένα, ὑπέμεινε καὶ δίκας φεύγειν καὶ τὰς ἄλλας αἰτίας ἔχειν, ὥστε μηδεμίαν βάσανον περὶ τοῦ πράγματος τούτου γενέσθαι.

[56] Ἐγὼ οὖ ὑμῶν δέομαι μεμνημένους τούτων καταψηφίσασθαι Πασίωνος, καὶ μὴ τοσαύτην πονηρίαν ἐμοῦ καταγνῶναι, ὡς οἰκῶν ἐν τῷ Πόντῳ καὶ τοσαύτην οὐσίαν κεκτημένος ὥστε καὶ ἑτέρους εὖ ποιεῖν δύνασθαι, Πασίων' ἦλθον συκοφαντήσων καὶ ψευδεῖς αὐτῷ παρακαταθήκας ἐγκαλῶν.

[57] Ἄξιον δὲ καὶ Σατύρου καὶ τοῦ πατρὸς ἐνθυμηθῆναι, οἳ πάντα τὸν χρόνον περὶ πλείστου τῶν Ἑλλήνων ὑμᾶς ποιοῦνται, καὶ πολλάκις ἤδη διὰ σπάνιν σίτου τὰς τῶν ἄλλων ἐμπόρων ναῦς κενὰς ἐκπέμποντες ὑμῖν ἐξαγωγὴν ἔδοσαν· καὶ ἐν τοῖς ἰδίοις συμβολαίοις, ὧν ἐκεῖνοι κριταὶ γίγνονται, οὐ μόνον ἴσον ἀλλὰ καὶ πλέον ἔχοντες ἀπέρχεσθε. [58] Ὥστ' οὐκ ἂν εἰκότως περὶ ὀλίγου ποιήσαισθε τὰς ἐκείνων ἐπιστολάς. Δέομαι οὖν ὑμῶν καὶ ὑπὲρ ἐμαυτοῦ καὶ ὑπὲρ ἐκείνων τὰ δίκαια ψηφίσασθαι καὶ μὴ τοὺς Πασίωνος λόγους ψευδεῖς ὄντας πιστοτέρους ἡγεῖσθαι τῶν ἐμῶν.

[21] 11. Nos conventions, juges, avaient été faites dans ces termes. Ménexène, cependant, irrité de l'accusation que Pasion avait aussi intentée contre lui, l'ayant assigné en justice, demandait que Cittus lui fût livré, et prétendait faire payer à Pasion, qui l'avait faussement accusé, l'amende à laquelle lui-même il aurait été condamne s'il eût été jugé coupable de l'une des choses que Pasion lui imputait. Pasion me conjurait d'apaiser Ménexène, en disant qu'il ne recueillerait aucun avantage si, faisant voile vers le Pont, il me remettait les fonds, conformément à notre traité, et restait également ici l'objet de la risée publique; car l'esclave, mis à la torture, déclarerait la vérité sur tous les points. [2] Quant à moi, je l'engageais à faire, vis-à-vis de Ménexène, tout ce qu'il jugerait convenable ; mais j'insistais pour qu'il accomplît à mon égard ce qui avait été convenu. Alors Pasion s'humiliait, et ne savait quel parti prendre au milieu des maux qui le menaçaient : il redoutait non seulement le résultat de la torture et de l'action judiciaire qui lui avait été intentée, mais il tremblait que Ménexène ne parvînt à s'emparer de notre acte.

12. Plein d'anxiété, et ne trouvant pas d'autre moyen, il corrompt les esclaves et falsifie l'écrit qui devait être remis à Satyrus dans le cas où il ne s'acquitterait pas envers moi. Mais il n'a pas plutôt exécuté cet acte coupable, qu'il devient le plus audacieux des hommes. Il dit qu'il ne fera pas voile avec moi vers le Pont, qu'il n'existe de sa part aucun engagement, et il demande qu'on ouvre l'écrit en présence de témoins. Qu'est-il besoin, juges, de plus longs discours ? On trouve écrit que Pasion a été affranchi par moi de toute réclamation.

[24] 13. Je vous ai exposé tout ce qui est arrivé avec autant d'exactitude qu'il a été en mon pouvoir de le faire. Je prévois que Pasion cherchera à faire ressortir sa justification de l'écrit qu'il a falsifié, et que c'est sur cette base qu'il établira principalement sa défense. Prêtez-moi donc votre attention ; car j'ai la ferme confiance, en puisant à la même source, de rendre sa perversité évidente à vos yeux.

[25] 14. Examinez d'abord ce point. Lorsque nous déposions entre les mains d'un étranger le traité en vertu duquel Pasion prétend qu'il a été déchargé de toute réclamation, et moi, que je dois rentrer dans mes fonds, nous avons donné pour instruction à cet étranger, si nous parvenions à nous entendre, de brûler l'acte ; et, dans la supposition contraire, de le remettre à Satyrus : c'est une instruction que nous convenons tous les deux avoir été donnée par nous. [26] Or, quel motif aurions-nous eu, juges, pour prescrire de remettre cet acte à Satyrus, dans le cas où nous ne pourrions pas nous concilier, si Pasion avait été affranchi de toute réclamation de ma part, et que l'affaire eût été complètement terminée? Il est évident que nous avons fait le traité, parce qu'il nous restait encore des intérêts à régler, par suite desquels Pasion devait, aux termes de l'acte même, se libérer envers moi. [27] Je puis d'ailleurs, juges, vous faire connaître les motifs pour lesquels il a promis de me rendre mon argent. Lorsque nous fûmes délivrés, mon père et moi, des accusations qui avaient été intentées contre nous auprès de Satyrus, et que Pasion se vit dans l'impossibilité de faire disparaître Cittus, qui connaissait les faits relatifs au dépôt, il calcula que s'il livrait cet esclave pour être mis à la torture, [28] ses intrigues seraient dévoilées ; que s'il ne le faisait pas, il serait condamné ; et alors il résolut de transiger directement avec moi. Ordonnez-lui de vous montrer dans l'espoir de quel avantage ou dans la crainte de quel danger je lui ai fait l'abandon de mes droits; et s'il lui est impossible de rien articuler devant vous à cet égard, comment ne devez-vous pas, au sujet de l'acte, m'en croire plutôt que lui? [29] Il est facile pour tout le monde de reconnaître que si moi, qui l'accusais, j'avais éprouvé quelque appréhension d'en arriver à la preuve, il était en mon pouvoir, même sans faire aucun traité, d'abandonner l'affaire ; tandis que lui, au contraire, à cause de la torture et des débats qui auraient eu lieu devant vous, il ne pouvait s'affranchir, par sa seule volonté, des dangers qui le menaçaient, à moins qu'il ne me persuadât de me désister de ma plainte. Voilà pourquoi il fallait que nous fissions un traité, non de désistement de ma part, mais de restitution de la sienne. Enfin, c'eût été chose étrange, [30] si, avant d'avoir fait le traité, je m'étais défié de ma cause au point, non seulement d'affranchir Pasion de toute réclamation, mais de consentir un arrangement à cet égard; et qu'après avoir donné contre moi, par écrit, un si puissant témoignage, j'éprouvasse le désir de me présenter à votre tribunal. Quel homme pourrait conduire ainsi ses affaires ?

[31] 15. Voici de toutes les preuves la plus évidente que Pasion n'a point été libéré par la transaction, mais qu'il a promis de rendre les fonds. Lorsque Ménexène l'attaqua en justice, l'acte n'étant pas encore falsifié, il envoya vers moi Agyrrhius, ami de Ménexène et le mien, pour me prier, ou de faire désister Ménexène, ou d'anéantir le traité qui existait entre nous deux. [32] Croyez-vous donc, juges, qu'il aurait voulu détruire un traité par lequel il pouvait nous convaincre de mensonge ? Non, sans doute ; mais, lorsque l'acte eut été falsifié, il ne tint plus le même langage, il s'en référa pour tout au traité, et demanda que l'on en fît l'ouverture. Au reste, afin de prouver qu'il cherchait d'abord à anéantir le traité, je produirai comme témoin Agyrrhius lui-même. Agyrrhius, présentez-vous.

TÉMOIGNAGE D'AGYRRHIUS.

[33] 16. Je crois avoir démontré suffisamment que nous avons fait un traité, non pas tel que Pasion essayera de l'établir, mais tel que je vous l'ai exposé. Il ne faut pas, toutefois, vous étonner qu'il ait falsifié ce traité, non seulement parce que beaucoup de faits du même genre se sont déjà produits, mais encore parce que plusieurs des amis de Pasion ont commis des actes beaucoup plus graves.

17. Qui de vous ignore qu'il y a un an Pythodore, qu'on appelle le scénite, qui ne parle et n'agit que dans l'intérêt de Pasion, a ouvert les urnes et enlevé les noms des juges qui y avaient été jetés par le. sénat ? [34] Et si, cependant, pour un faible intérêt, et au péril de sa vie, Pythodore a osé ouvrir des urnes cachetées par les prytanes, scellées par les chorèges, gardées par les trésoriers, déposées enfin dans la citadelle? pourquoi faudrait-il s'étonner que des hommes qui avaient l'espoir de recueillir un profit si considérable aient altéré un acte confié à un étranger, soit en séduisant ses esclaves, soit par tout autre moyen qu'ils auraient imaginé? Je ne sais pas si, relativement à ces faits, je dois insister davantage.

[35] 18. Sans doute Pasion a déjà tenté de persuader à quelques personnes que je ne possédais rien à Athènes, en disant que j'avais emprunté trois cents statères à Stratoclès. C'est un fait dont il importe que vous écoutiez la discussion, afin que vous puissiez bien connaître sur quels arguments Pasion s'appuie pour me dépouiller de mes fonds.

19. Stratoclès était à la veille de faire voile vers le Pont; comme je voulais faire venir de ce pays le plus d'argent possible, je priai Stratoclès de me laisser l'or qu'il possédait, ajoutant que mon père le lui remettrait dans le Pont ; [36] je regardais comme un avantage important que mes fonds ne fussent pas exposés aux dangers de la traversée, à une époque principalement où les Lacédémoniens étaient maîtres de la mer. Or, je ne vois rien dans ce fait qui puisse être, pour Pasion, la preuve que je n'avais pas de fonds ici, tandis que mes conventions avec Stratoclès sont un témoignage très puissant que j'avais de l'argent chez Pasion. [37] Stratoclès, en effet, m'ayant demandé qui lui remettrait ses fonds, si mon père n'acquittait pas mon mandat, ou que lui-même, à son retour, ne me trouvât plus à Athènes, je lui présentai Pasion, qui s'engagea à lui payer le principal et les intérêts. Croyez-vous que, si je n'avais pas eu de fonds déposés chez lui, Pasion se serait fait ma caution avec tant de facilité pour une somme aussi importante? Paraissez, témoins.

DÉPOSITION DES TÉMOINS.

[38] 20. Peut-être encore, juges athéniens, Pasion produira-t-il des témoins qui déposeront que j'ai déclaré, devant les agents de Satyrus, que je ne possédais rien au-delà des fonds que je leur avais remis ; que lui-même, Pasion, d'après l'aveu que je faisais d'une dette de trois cents drachmes envers lui, avait saisi mes effets, et qu'enfin je ne m'étais pas opposé à ce qu'Hippolaïdas, mon hôte et mon ami, lui fît un emprunt.

[39] 21. Je l'avouerai, plongé dans des malheurs tels que ceux dont je vous ai fait le tableau, dépouillé de tous les biens que je possédais dans ma patrie, obligé de livrer ce que j'avais ici aux commissaires de Satyrus, et n'ayant pas d'autre ressource que de sauver, en le cachant, le dépôt que j'avais placé chez Pasion, je me reconnus son débiteur pour trois cents drachmes, et en même temps je disais et je faisais, pour tout le reste, ce qui pouvait le mieux convaincre les envoyés de Satyrus que je ne possédais plus rien. [40] Vous comprendrez facilement que j'agissais de cette manière, non parce que je manquais d'argent, mais parce que je voulais leur inspirer de la confiance dans mes paroles. Je vais donc vous présenter d'abord les témoins qui savent que j'ai apporté du Pont des sommes .considérables ; je produirai ensuite ceux qui m'ont vu faire usage de la banque de Pasion, et ceux chez qui, à cette époque, j'ai changé, contre d'autres espèces, plus de mille statères. [41] Ajoutez qu'une taxe nous ayant été imposée, et de nouvelles contributions ayant été levées, j'ai payé plus que les autres étrangers ; que, choisi pour répartiteur, je me suis attribué à moi-même la. plus forte part de l'impôt, et qu'enfin j'ai sollicité la bienveillance de mes collègues en faveur de Pasion, en disant qu'il se servait de mes fonds. Témoins, présentez-vous.

DÉPOSITION DES TÉMOINS.

[42] 22. Maintenant, je produirai Pasion lui-même, joignant par le fait son témoignage à tous ceux que vous avez entendus. Quelqu'un dénonça comme appartenant à un habitant de Délos un vaisseau sur lequel j'avais, chargé des quantités considérables de marchandises. Je. réclamai, je demandai que le navire fût amené dans le port ; mais des calomniateurs de profession disposèrent tellement le sénat que je me vis au moment d'être condamné à mort sans que ma cause eût été entendue ; jusqu'à ce qu'enfin, mes adversaires se laissèrent persuader d'accepter de moi des cautions. [43] Philippe, mon hôte paternel, ayant été appelé et ayant entendu ce dont il s'agissait, se retira, saisi de crainte devant la grandeur du péril; mais Pasion me procura Archestratus, un des associés de,sa banque, qui se porta ma caution pour sept talents. Certes, si Pasion avait été exposé à faire une perte, même légère, et s'il avait su que je ne possédasse rien ici, il n'aurait pas répondu de moi, pour une somme aussi considérable. [44] Ainsi, il est évident que, d'une part, c'est pour me rendre service qu'il a réclamé de moi les trois cents drachmes ; et que, de l'autre, s'il s'est fait mon répondant pour sept talents, c'est parce qu'il croyait avoir une garantie suffisante dans l'or placé en dépôt chez lui. Il vous est donc prouvé par les actes mêmes de Pasion et par le témoignage de ceux qui en avaient connaissance, que j'avais ici des sommes importantes, et que ces sommes avaient été déposées par moi à la banque de Pasion.

[45] 23. Juges, il me semble que vous pourrez apprécier le mieux possible notre litige, si, remontant vers le passé par vos souvenirs, vous vous rappelez les circonstances de cette époque, et l'état dans lequel étaient nos affaires quand j'envoyai Ménexène et Philomèle pour redemander mon dépôt, et quand, pour la première fois, Pasion osa le nier. Vous trouverez, en effet, qu'alors mon père avait été emprisonné et dépouillé de toute sa fortune; et que, par une conséquence de mon malheur, je ne pouvais ni demeurer à Athènes, ni faire voile vers le Pont. [46] Or, qu'y a-t-il de plus probable, que,-dans une position si cruelle, j'aie fait une réclamation injuste, ou, qu'enhardi par la grandeur de notre infortune, et par l'importance des sommes déposées chez lui, Pasion ait entrepris de me dépouiller ? Quel homme est jamais arrivé à un tel degré de cupidité, qu'en danger pour sa propre vie, il ait voulu attenter à la fortune des autres? Dans quel espoir, dans quelle pensée, aurais-je injustement attaqué Pasion? Serait-ce parce que, redoutant ma puissance, il se verrait contraint à me donner immédiatement de l'argent ? Mais nous n'étions pas l'un et l'autre dans une telle situation. [47] Aurais-je pu croire qu'en lui faisant un procès, je l'emporterais devant vous contrairement à la justice, moi qui n'avais pas même la pensée de rester ici, dans la crainte que Satyrus ne réclamât de vous mon extradition ? Enfin, aurais-je voulu, sans en retirer aucun avantage, me constituer son ennemi, quand je vivais avec lui dans une intimité plus grande qu'avec aucun autre habitant d'Athènes ? Est-il quelqu'un parmi vous qui voulût me déclarer atteint d'un tel aveuglement, d'une telle folie?

[48] 24. Juges, c'est un fait digne d'observation, que l'inconséquence et l'invraisemblance des arguments que Pasion cherche à réunir de tous côtés. A une époque où ma situation ne m'eût pas permis d'obtenir justice, même s'il eût avoué qu'il me dépouillait de mes fonds, il m'accuse d'avoir voulu lui intenter un procès injuste, et c'est quand je suis délivré des accusations portées contre moi devant Satyrus, quand tout le monde est convaincu qu'il doit être condamné, c'est alors qu'il invoque un prétendu désistement de toutes les réclamations envers lui. Quoi de plus insensé qu'une telle conduite ?

[49] 25. Mais peut-être est-ce uniquement sur ces faits et non sur les autres, que Pasion se montre en contradiction évidente avec lui-même, clans ses paroles comme dans ses actions ? Cet homme qu'il a fait disparaître et qu'il dit avoir été enlevé par nous, il l'a inscrit dans le recensement de ses propriétés, comme esclave, avec ses autres serviteurs ; et lorsque Ménexène demande qu'il soit mis à la torture, il le soustrait, en affirmant qu'il est libre. [50] Bien plus encore, il me prive de mon dépôt, et il ose nous accuser d'être détenteurs de six talents appartenant à sa banque. Comment celui qui entreprend de mentir sur des choses aussi évidentes mériterait-il d'inspirer quelque confiance pour celles qu'il a traitées seul à seul ?

[51] 26. Pour dernier trait, juges, Pasion avait pris l'engagement de s'embarquer, de se rendre auprès de Satyrus, de se soumettre à sa décision : or, en cela, il nous a encore trompés, car il a refusé d'y aller lui-même, bien que je l'eusse sommé plusieurs fois de le faire; et il a envoyé Cittus, qui s'est présenté, en arrivant, comme un homme libre, originaire de Milet, et chargé par Pasion de donner des renseignements sur ce qui concernait le dépôt. [52] Satyrus, après nous avoir entendus l'un et l'autre, a refusé de prononcer un jugement sur des transactions qui avaient eu lieu, ici, Pasion surtout étant absent et n'ayant pas l'intention de se soumettre à sa décision ; mais Satyrus était tellement convaincu que j'étais victime d'une injustice, qu'il convoqua les capitaines de navires, les pria de me secourir, de ne pas me laisser opprimer injustement, et écrivit à la République une lettre qu'il remit à Xénotimus, fils de Carcinus.

Lisez la lettre devant les juges.

LETTRE DE SATYRUS.

[53] 27. Au milieu de tant de preuves qui établissent mes droits, je regarde, juges, comme le témoignage le plus fort de la spoliation exercée par Pasion envers moi, le refus qu'il a fait de livrer à la torture l'esclave qui connaissait les circonstances relatives au dépôt. Et en effet, lorsqu'il s'agit de transactions avec les banquiers, quel moyen de conviction plus puissant que la torture, puisqu'on n'admet pas de témoins dans ces sortes de transactions? [54] Je vous vois d'ailleurs convaincus que, dans les affaires particulières comme dans les affaires publiques, rien n'est plus digne de foi, rien n'est plus vrai que la torture, et persuadés qu'il est toujours possible de se procurer des témoins, même pour les choses qui n'ont jamais existé ; tandis que la torture montre, avec évidence, quels sont ceux qui disent la vérité. C'est donc parce que Pasion avait la conscience de ces faits, qu'il a voulu vous réduire à juger par conjecture, plutôt qu'à prononcer en pleine connaissance de cause. Pasion ne pourrait pas même prétendre qu'il devait y avoir du désavantage pour lui dans l'emploi delà torture, et que c'est pour cela qu'il n'a pas dû y soumettre son esclave. [55] Vous savez tous que cet esclave, s'il déposait contre lui, devait rester en sa puissance et périr de la mort la plus misérable, tandis que, s'il résistait aux tourments, il serait libre, et aurait part à l'argent dont Pasion me dépouillait. C'est cependant lorsque Pasion devait avoir un aussi grand avantage, que, sachant au fond de son âme tout ce qui s'était passé, il a eu le courage de se dérober au jugement, en acceptant toutes les inculpations, pourvu que la torture ne fût pas employée.

[56] 28. Juges, je vous demande donc de prononcer contre Pasion, en vous rappelant tous ces faits, et de ne pas me condamner comme atteint d'une telle perversité, qu'habitant le Pont, et possédant une fortune suffisante pour répandre des bienfaits, je fusse venu à Athènes pour calomnier Pasion, et réclamer de lui des dépôts mensongers.

[57] 29. Il est juste aussi de vous souvenir de Satyrus et de mon père, qui ont professé, à toutes les époques, plus d'estime pour vous que pour les autres Grecs ; et qui, souvent autrefois, dans les temps où la rareté du blé leur faisait renvoyer sans chargement les vaisseaux des autres commerçants, vous ont accordé, à vous seuls, la faculté d'exporter. Enfin, veuillez vous rappeler que, dans le» transactions particulières soumises à leur jugement, vous n'obtenez pas seulement de leur part justice égale, mais faveur. [58] Il serait donc contraire à la raison que vous eussiez peu d'égard pour les lettres qu'ils vous ont écrites. En résumé, je vous demande, et pour moi et à cause d'eux, de donner votre suffrage conformément à l'équité et de ne pas regarder les paroles de Pasion, qui sont autant de mensonges, comme plus vraies que les miennes.

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