III. NICOCLÈS A SES SUJETS, - Νικόκλης ἢ Κύπριοι
II Isocrate à Nicoclès- IV Panégyrique
..
. ARGUMENT.
DISCOURS A PHILIPPE,
ARGUMENT.
Près de quarante ans s'étaient écoulés depuis l'époque où Isocrate avait publié le Panégyrique, dont le but était de persuader aux Grecs de mettre un terme à leurs divisions, et de s'unir, sous la direction de Sparte et d'Athènes, pour faire la guerre au Grand Roi, renverser son empire, et conquérir l'Asie. A cette époque, les Grecs n'avaient pas d'autre ennemi commun que le roi de Perse : deux fois il était venu les attaquer avec toutes ses forces; deux fois, en se réunissant et en oubliant leurs rivalités pour sauver la patrie commune, ils avaient vaincu ses armées et les avaient obligées à se retirer honteusement. Depuis, l'expédition du jeune Cyrus, la retraite des dix mille Grecs conduits par Cléarque et par Xénophon, les conquêtes d'Agésilas sur le continent d'Asie et d'autres événements encore, avaient montré que, le jour où les Grecs voudraient s'entendre, l'Asie leur appartiendrait.
Telle était la position des choses ; et, tandis qu'Isocrate écrivait le Panégyrique, pour sauver la Grèce des conséquences inévitables de sa constitution politique et des luttes intestines dont cette constitution était la source, un enfant naissait au sein d'un royaume voisin, dont le génie, fatal à la Grèce, devait transporter à la Macédoine la grandeur et la gloire qu'Isocrate voulait vainement persuader aux Grecs de conquérir. Cet enfant, qui fut le père d'Alexandre, ayant été dans la suite 243 envoyé à Thèbes comme otage, y avait été instruit par Épaminondas des grands secrets de la politique et de la guerre, et avait ainsi étudié, au sein même de la Grèce, les moyens de vaincre les Grecs. Plus tard, s'étant échappé de Thèbes, il était rentré dans sa patrie, et, devenu roi en vertu d'un titre dont la légitimité n'était pas incontestable, il avait compris que la guerre et la gloire pouvaient seules donner de la stabilité à son pouvoir, de la puissance à son pays. Pénétré de cette pensée, dès que les troubles qui agitaient la Macédoine avaient été comprimés, il avait réorganisé son armée; il lui avait donné une constitution plus forte, en perfectionnant la phalange; il l'avait aguerrie, et s'était formé lui-même au grand art de commander, en la conduisant successivement contre les peuples barbares et belliqueux qui entouraient la Macédoine. Lorsqu'ensuite il s'était senti en état de lutter contre les Grecs, il s'était insinué dans leurs affaires, avec la résolution, dont il avait pu trouver le germe dans le Panégyrique, de les obliger à le reconnaître pour leur chef, et de les guider à la conquête de l'Asie. Mais il fallait auparavant avoir abaissé l'orgueil d'Athènes ; et Philippe, pour y parvenir, employait tour à tour la corruption, la force, la séduction ; de son côté, Démosthène, qui pénétrait ses desseins, les dévoilait à la tribune et ranimait, par le feu de son éloquence, les sentiments patriotiques dans le cœur des Athéniens, en même temps qu'il entretenait, dans l'intérêt du roi de Perse, dont il recevait les largesses, une lutte dans laquelle il ne prévoyait pas que sa patrie dût succomber. Le roi de Perse, en effet, qui voyait une nouvelle puissance se former près de la Grèce, sous l'unité monarchique et chez un peuple non moins belliqueux que les Grecs, comprenait que cette puissance pouvait menacer un jour son empire, et, suivant à l'égard de la Macédoine, relativement à la Grèce, la même politique qu'à l'égard des Grecs, il entretenait avec soin un antagonisme dans lequel il apercevait un gage de sécurité.
Isocrate, qui voyait croître un
nouveau danger près de son pays, multipliait ses efforts pour
détourner ce danger vers l'Asie ; et, comme le Panégyrique n'avait
pu persuader aux Grecs de déposer leurs haines mutuelles sur l'autel
de la patrie, il était devenu évident pour lui qu'il fallait à la
244 Grèce, comme au temps
de la guerre de Troie, un chef qui pût l'entraîner à sa suite.
L'organisation politique de la Grèce ne laissait aucun espoir de
trouver ce chef dans son sein; il comprit qu'il fallait de toute
nécessité le chercher au dehors ; et, ne pouvant se dissimuler ni le
développement que Philippe donnait à sa puissance, ni l'ascendant
qu'il prenait de plus en plus sur une partie des Grecs, il sentit
qu'infailliblement Philippe devait un jour subjuguer la Grèce. Pour
conjurer ce malheur, il pensa qu'il fallait s'adresser directement à
un prince dans lequel il reconnaissait un génie propre aux plus
grandes entreprises ; il espérait qu'en stimulant la grandeur d'âme
de Philippe, et en présentant à son ambition l'appât d'une gloire
plus brillante et surtout plus pure que celle d'asservir la Grèce,
il pourrait lui persuader de réconcilier les Grecs entre eux, de se
placer à leur tête au moyen de l'ascendant que lui donnerait un
aussi grand bienfait, et de les conduire alors à la conquête de
l'Asie. C'était, au fond, la pensée du Panégyrique, reproduite après
quarante ans, mais reproduite sous une forme nouvelle et adaptée aux
circonstances que le temps avait amenées. A l'époque du Panégyrique,
les Grecs n'avaient qu'un ennemi qui pût menacer leur indépendance,
et Isocrate les exhortait à s'unir pour le renverser, en leur
montrant que le succès était aussi facile que l'entreprise était
glorieuse. A l'époque du discours adressé à Philippe, la Grèce,
toujours divisée, avait dans le roi de Macédoine un second ennemi
plus redoutable que le roi de Perse, et cet ennemi était à ses
portes ; or, de cette situation, il résultait que les Grecs, pour
entreprendre la conquête de l'Asie, devaient écraser le roi de
Macédoine, afin qu'il ne pût leur nuire, ou le faire entrer dans
leur alliance en le prenant pour leur chef. Il était évident que
Philippe devait subjuguer la Grèce ; par conséquent, si le roi de
Perse avait suivi une politique sage en entretenant la division
parmi les Grecs, cette politique avait fait son temps, parce que les
divisions des Grecs ne les affaiblissaient
plus dans l'intérêt de la Perse, mais dans l'intérêt d'une puissance
qui, après avoir soumis la Grèce, devait reproduire pour la Perse le
danger qu'il cherchait à écarter de la part des Grecs, et le
reproduire plus redoutable, parce que les
245 Grecs auraient alors
un chef dont la volonté serait obéie et le pouvoir incontesté.
C'est donc dans cette situation que, Philippe ayant fait la paix avec les Athéniens, Isocrate, qui avait toujours conservé des relations avec lui, conçut le dessein de le détourner de faire désormais la guerre à sa patrie, en lui persuadant de s'établir comme médiateur entre les Grecs, de gagner leur confiance et de les guider ensuite à la conquête de l'Asie. L'âme remplie de cette généreuse pensée, il ne tient compte ni de son âge avancé, ni de la difficulté de composer un second discours sur un sujet déjà traité par lui près de quarante ans auparavant, ni de la situation et du caractère de Philippe, et, à quatre-vingt-dix ans, il envoie au roi de Macédoine un discours qui, sans doute, pour la magnificence du style, la vivacité des images, la richesse des ornements, ne s'élève point, comme il le dit lui-même, à la hauteur du Panégyrique d'Athènes, mais qui, pour la force des raisonnements, la profondeur des pensées, l'habileté des arguments, ne le cède à aucun des discours du grand orateur. Il ne flatte pas directement Philippe, mais il fait sortir des faits mêmes et des objections qu'il rencontre de la part de ses amis, la flatterie la plus délicate. Il lui présente les plus nobles motifs pour le déterminer à faire la plus glorieuse des entreprises. Il lui montre un devoir de reconnaissance dans la réconciliation des quatre grandes villes, dont l'union entraînerait celle de la Grèce entière, et il lui fait voir, par des exemples choisis avec habileté dans sa propre race, que non-seulement le succès de l'expédition est possible, mais qu'il est facile et certain. Il réunit, dans des exhortations pleines de chaleur et de noblesse, tout ce qui peut agir sur une âme généreuse et ambitieuse à la fois ; il stigmatise enfin avec une grande énergie le dessein de subjuguer la Grèce, attribué, dit-il, à Philippe par des ennemis jaloux de sa gloire.
En résumé, dans le discours à Philippe, comme dans le Panégyrique, Isocrate n'omet rien de ce qui aurait dû lui assurer un éclatant succès; mais malheureusement, ce succès, il ne pouvait l'obtenir ni à l'une ni à l'autre époque.
A l'époque du Panégyrique, il aurait fallu que les Grecs pussent se réunir sincèrement dans un but commun, et, certes 246 il était impossible de leur donner un conseil plus utile que celui de mettre un terme à des divisions qui, tôt ou tard, devaient les rendre la proie de leurs ennemis ; comme aussi on ne pouvait leur présenter un motif d'union plus puissant que la conquête de l'Asie et le renversement de l'empire du Grand Roi ; mais les peuples sont toujours plus entraînés par ce qui flatte immédiatement leurs passions que par un intérêt qui est loin d'eux, quelque grand, quelque évident qu'il puisse être ; et les Grecs écoutaient plus volontiers les orateurs qui flattaient leurs jalousies et entretenaient leurs haines mutuelles, que l'homme de bien qui les exhortait à immoler leurs ressentiments pour assurer la grandeur de la patrie commune.
A l'époque du discours adressé à Philippe, Isocrate, voyant le danger qui menaçait sa patrie et la Grèce du côté de la Macédoine, saisit un intervalle de paix, et, s'adressant comme nous venons de le dire, à Philippe, il l'exhorte à réconcilier les Grecs entre eux et à se déclarer le chef de l'expédition d'Asie. Philippe, sans doute, voulait faire cette grande expédition; il voulait la faire avec les Grecs ; il la méditait depuis longtemps ; mais la voie généreuse proposée par le philosophe ne pouvait convenir à l'homme d'État. Philippe savait que l'union des peuples ne s'obtient pas plus que l'obéissance par la persuasion ; que la force seule peut les obliger de se résignera l'une et à l'autre ; et il agissait en raison de ce double principe. Philippe appréciait comme Isocrate l'état de la Grèce, mais il n'en tirait pas les mêmes conclusions : au lieu de chercher les principes de sa politique dans de généreuses illusions, il les prenait dans la nature même des choses; il voyait, dans les divisions des Grecs, un moyen certain de les asservir et, dans leur asservissement, une condition nécessaire pour les entraîner à sa suite ; ou, s'il n'y parvenait pas, il voyait dans la crainte qu'ils auraient de lui une garantie qu'en son absence l'or de Suze et d'Ecbatane ne pourrait pas les déterminer à faire une diversion qui compromettrait ses Etats. Cette politique sage et habile, énergique et prévoyante, reçut à Chéronée (338 ans av. J.-C.) la consécration de la victoire ; et, tandis que Démosthène, auteur de la guerre, fuyait honteusement du champ de bataille, Isocrate, ne pouvant survivre à 247 l'humiliation de sa patrie, se laissait mourir de faim à quatre-vingt-dix-huit ans.
Voici maintenant le jugement porté par Denys d'Halicarnasse sur le discours adressé à Philippe :
« Quel homme doué d'une âme élevée, et disposant d'une puissante armée, ne se sentirait ému en lisant le discours adressé par Isocrate à Philippe, roi de Macédoine, discours dans lequel il lui dit qu'il regarde comme un devoir pour celui qui est à la tête d'une armée et qui dispose d'une si grande puissance, de réconcilier les villes grecques entre elles au lieu de les diviser, de retirer la Grèce de son affaiblissement, de la rendre forte et puissante, de dédaigner les ambitions secondaires et de se livrer à des entreprises telles que, si le succès les couronne, il sera le plus illustre de tous les conquérants ; et, si la fortune trahit ses espérances, il s'assurera du moins la bienveillance des Grecs, dont le résultat, pour ceux qui l'obtiennent, est de les rendre plus dignes d'envie que ceux qui soumettent un grand nombre de villes et de provinces ! Puis, l'exhortant à marcher sur les traces d'Hercule et des guerriers célèbres qui ont conduit les Grecs contre les Barbares, il lui dit que les hommes qui sont au dessus des autres doivent s'attacher à des entreprises dignes de mémoire, les mener à fin par l'ascendant de leur génie, et se pénétrer de cette pensée, que, si nous possédons un corps mortel, nous devenons immortels par notre vertu : à quoi il ajoute encore que, si nous supportons avec peine ceux qui se montrent insatiables de tout autre bien, nous donnons des louanges à ceux qui veulent sans cesse augmenter la gloire qu'ils ont acquise, et que, si tous les avantages, objets de l'ambition des hommes, la richesse, l'autorité, la puissance, deviennent souvent la proie de nos ennemis, la vertu seule et la bienveillance du peuple sont un héritage assuré à nos descendants »
248 SOMMAIRE.
1
. Philippe, ce n'est point l'affaiblissement produit par l'âge, ni
une aberration d'esprit, mais de justes motifs qui peu à peu m'ont
conduit à écrire ce discours. — 2.
La guerre continuait au sujet d'Amphipolis entre les Athéniens et
vous, on vous exhortait et on les exhortait également à y
persévérer; je proposai de faire la paix, en établissant que la
possession d'Amphipolis n'était utile ni aux Athéniens, à cause de
la distance qui les sépare de cette ville, ni à vous, à cause de
l'inimitié que cette possession vous attirerait de la part des
Athéniens, et j'ajoutais qu'en leur remettant Amphipolis en
apparence, vous la posséderiez en réalité. —
3. Mais, tandis que j'étais occupé de ce travail, et
avant qu'il fût terminé, vous avez eu la sagesse de faire la paix. —
4. Repassant donc en moi-même
les événements, et cherchant de quelle manière, la paix ayant été
faite, elle pourrait se maintenir, je trouvais qu'Athènes n'aurait
jamais de repos, à moins que les villes les plus puissantes, mettant
un terme à leurs discordes, ne transportassent la guerre en Asie, et
ne se procurassent aux dépens des Barbares les avantages que
maintenant elles se procurent aux dépens des Grecs. —
5. Voilà pour quelle raison j'ai
entrepris de traiter de nouveau le sujet que j'ai déjà abordé dans
le discours panégyrique, sujet le plus noble, le plus beau qu'il
soit possible de rencontrer, et le plus utile pour les Grecs; mais
avec cette différence, qu'aujourd'hui je m'adresse à un homme qui
peut se mettre à la tête d'une telle entreprise, tandis qu'alors je
m'adressais à plusieurs. — 6.
Et, puisqu'il est en votre pouvoir, Philippe, d'exécuter de si
grandes choses, j'entreprendrai de vous persuader de rétablir la
concorde entre les Grecs, et de vous placer à la tête d'une
expédition contre les Barbares. — 7.
Quelques-uns des hommes de mon intimité s'opposèrent au projet que
j'avais formé de vous envoyer ce discours, et, nie rappelant les
choses que vous avez faites, votre prudence personnelle et la
sagesse de vos conseillers, ils m'engagèrent à prendre garde que
vous ne regardassiez cette démarche comme une injure. —
8. Mais, quand ils eurent pris
connaissance du discours lui-même, non-seulement ils se repentirent
de tout ce qu'ils avaient dit, mais ils me donnèrent le conseil de
vous l'envoyer dans le plus court délai possible. —
9. Afin donc qu'il ne vous
arrive pas ce qui est arrivé à mes amis, il importe que vous lisiez
le discours dans son entier avant d'établir votre jugement. —
10. Vous reconnaîtrez avec
certitude jusqu'à quel point j'ai dit des choses dignes d'être
appréciées, si, laissant de côté tout ce qui appartient à la
rhétorique et à l'art du lecteur, et donnant uniquement votre
attention aux choses en elles-mêmes, vous estimez l'utilité du
discours d'après la vérité des faits qu'il contient
249 plutôt que d'après
l'opinion du vulgaire. — 11.
Première Partie.
De la réconciliation des Grecs entre eux. Si vous voulez
réconcilier les Grecs entre eux, il vous suffira de rétablir
l'harmonie entre quatre villes, sous l'influence desquelles toutes
les autres sont placées : Argos, Lacédémone, Thèbes et Athènes. —
12. Vous ne devez négliger
aucune de ces quatre villes, car vos ancêtres ont reçu d'elles les
plus grands bienfaits. — 13. Une
occasion s'offre maintenant à vous pour acquitter d'une manière
convenable votre dette envers ces villes et pour réparer les torts
que vous leur avez faits. — 14.
On objectera peut-être que jamais les Argiens ne deviendront amis
des Lacédémoniens, ni les Lacédémoniens amis des Thébains. —
15. A cela je réponds qu'ils out
tous été nivelés par le malheur, et qu'ils préféreront de beaucoup
les avantages de la concorde qui les avait unis dans d'autres temps
à ceux que pourrait leur procurer une ambitieuse cupidité. —
16. Il est possible qu'une telle
négociation offre quelque difficulté, mais vous êtes seul en mesure
de l'aborder, et c'est une circonstance qui doit vous exciter à
l'entreprendre. — 17. Ceux qui
croient qu'une tentative de cette nature ne peut réussir d'aucune
manière, montrent qu'ils ne connaissent ni l'histoire du passé, ni
le caractère des Grecs, qui préfèrent leur utilité à toute chose, ni
les malheurs de notre époque, ni enfin la puissance de votre
autorité. — 18. Il est facile de
reconnaître, d'après les motifs qu'ils donnent, si les villes de
premier ordre que j'ai nommées sont parvenues à une situation de
maturité pour leur réconciliation. — 19.
Les Lacédémoniens, par suite du désastre qui les a frappés à
Leuctres, sont dans les plus grandes anxiétés. —
20. Les Argiens sont plus
malheureux encore : ils sont pressés par les guerres incessantes que
leur font leurs voisins, et, dans les courts intervalles de repos
qu'ils obtiennent, ils mettent à mort leurs citoyens les plus nobles
et les plus riches. — 21. Les
Thébains, encore qu'ils aient remporté à Leuctres la plus glorieuse
victoire sur les Lacédémoniens, n'ayant point usé avec sagesse de
leur fortune, mettent en vous seul aujourd'hui l'espoir de leur
salut. — 22. Athènes enfin a
fait la paix avec vous avant toutes les autres villes, et vous
aidera dans tout ce que vous entreprendrez. —
23. L'expédition d'Asie est enfin succès facile. Les
choses que je vous conseille d'entreprendre peuvent être aisément
exécutées ; les exemples d'entreprises plus difficiles et plus
périlleuses que le succès a couronnées, nous en fourniront la
preuve. — 24. Alcibiade, qui
s'était volontairement éloigné de nous et qui avait fait tant de
mal, non-seulement à notre patrie, mais aux Lacédémoniens et à toute
la Grèce, rentra par la force dans Athènes et fut reçu par ses
concitoyens avec les plus grands honneurs. —
25. Conon, qui, après avoir éprouvé un échec à Aegos
Potamos, s'était réfugié à Cypre, où il vivait en simple
particulier, ayant rassemblé une flotte à Guide, vainquit les
Lacédémoniens, et rendit à sa patrie l'empire de la Grèce avec son
ancienne splendeur. — 26. Denys,
chez les Syracusains, homme d'une situation vulgaire par son origine
et par sa réputation, comme par tout ce qui se rattachait à sa
personne, s'empara de Syracuse et de toutes les villes de la Sicile,
même de celles qui étaient des villes
250 grecques, et réunit
des forces de terre et de mer telles que personne n'en avait eu de
semblables avant lui. — 27.
Cyrus, abandonné sur un grand chemin par sa mère, recueilli et
nourri par une simple femme de la Perse, s'est emparé de l'empire de
toute l'Asie. — 28. Lors donc
que ces hommes ont fait de si grandes choses, comment puis-je douter
que vous exécutiez facilement celles que je vous propose? —
29. Si vous faites de telles
entreprises, la gloire la plus éclatante, la bienveillance des Grecs
et la félicité la plus parfaite deviendront votre partage. —
30. Maintenant je dirai avec
liberté ce qu'un sentiment de respect m'avait empêché d'exprimer
jusqu'ici. — 31. Nos orateurs,
également ennemis de vous et de la paix, s'attachent à répandre que
depuis longtemps vous méditez la ruine des Grecs, et qu'aujourd'hui
vous ne faites rien qui n'ait pour but de soumettre la Grèce entière
à votre puissance, après avoir vaincu les Péloponnésiens. —
32. Cette calomnie, encore
qu'elle soit repoussée par tous vos amis, ne doit pas, dans mon
opinion, être négligée par vous, et vous ne devez pas souffrir
qu'une telle renommée s'attache à votre nom. —
33. Prenez donc immédiatement la résolution de vous
montrer le même à l'égard de tous ; cessez d'être bienveillant pour
certaines villes et disposé défavorablement pour d'autres. En un
mot, formez des entreprises qui vous concilieront l'affection des
Grecs, et jetteront la terreur parmi les Barbares. —
34. Quant à moi, encore que je
ne sois ni général d'armée, ni orateur de tribune, ni puissant sous
quelque rapport que ce soit, néanmoins, lorsqu'il s'agit de
descendre dans l'arène pour disputer l'honneur de bien sentir et de
bien juger, je me place au premier rang, et je m'efforce, par le
seul moyen qui m'appartienne, de donner des conseils à ma patrie,
aux autres Grecs, et aux hommes illustres de mon époque. —
35. Si j'ai omis quelque chose
dans ce discours, ou si je n'ai pas la faculté d'écrire de la même
manière qu'à l'époque où je composais le Panégyrique, comme je ne
puis trouver des expressions nouvelles, ni reproduire celles que
j'ai déjà employées, j'espère que, vous attachant aux choses plutôt
qu'aux paroles, vous m'accorderez une facile indulgence. —
36. Seconde Partie. Il ne faut
rien entreprendre contre les Barbares avant de vous être assuré que
les Grecs seconderont vos efforts, soit en combattant avec vous,
soit au moins par des dispositions favorables. L'expédition
infructueuse d'Agésilas nous offre un exemple de cette vérité. —
37. Je vous exhorterai donc à
porter la guerre en Asie, mais après avoir réconcilié les Grecs
entre eux, et je vous y engagerai moins par l'exemple de ceux qui
ont réussi, que par celui des hommes qui sont considérés comme ayant
été trahis par la fortune. Je veux parler des soldats qui ont
combattu sous Cyrus et sous Cléarque, et que le roi de Perse, après
avoir été facilement vaincu par eux, redoutait à un tel point qu'il
préféra employer la perfidie et faire assassiner leurs généraux,
plutôt que de risquer un combat à force ouverte contre des hommes
que la mort du jeune Cyrus avait privés de leur chef.—
38. S'il est incontestable que
l'armée du jeune Cyrus eût conquis l'empire des Perses tout entier,
en supposant que la mort ne lui eût pas enlevé son chef, et si, d'un
autre côté, il vous 251
est facile non-seulement de vous préserver de cette ardeur excessive
dans la poursuite qui a causé la perte de Cyrus, mais de réunir des
troupes d'une qualité supérieure à celles qu'il commandait, comment
pourrait-il exister un encouragement plus noble et plus efficace que
celui qui résulte d'un tel exemple? — 39.
Les faits ayant ici plus de valeur que les paroles, je ne crois pas
que l'on puisse me blâmer de reproduire certaines portions du
Panégyrique, surtout quand ce sont mes propres paroles que je
répète, et que les autres n'hésitent pas à s'en servir. —
40. Veuillez considérer
maintenant les avantages que vous avez sur Cyrus et sur Cléarque.
Ces avantages sont les dispositions favorables des Grecs de l'Asie,
la facilité avec laquelle vous pouvez aujourd'hui lever des soldats,
enfin votre expérience dans l'art de la guerre. —
41. Si nous comparons ensuite le
roi que vous avez à combattre avec celui auquel Cyrus a fait la
guerre, nous trouverons que celui-ci a attaqué les Grecs, et que
l'autre n'a pas même pu vaincre ceux qui dévastaient ses États ;
nous trouverons encore que le premier a été maître de toute l'Asie,
tandis que le second n'a pas même pu l'être des villes grecques qui
lui ont été livrées. — 42. Dans
quel état, en effet, ses affaires se trouvent-elles aujourd'hui?
L'Egypte, Cypre, la Phénicie, la Cilicie et les provinces qui les
avoisinent, c'est-à-dire toutes les contrées qui fournissaient aux
Perses les moyens d'armer leurs flottes, sont les unes révoltées,
les autres tellement désolées par la guerre, qu'il ne peut tirer
d'elles aucune utilité. — 43.
Vous entraîneriez facilement à la défection Idriée, objet spécial
des persécutions du Roi, et plusieurs autres satrapes en faisant
briller à leurs yeux l'espoir de l'indépendance. —
44. Je pourrais ajouter beaucoup
de choses sur les moyens de vaincre promptement le Roi, mais je
craindrais d'être blâmé par quelques personnes si je vous donnais
des conseils sur la manière dont il vous convient de faire la
guerre. — 45. Je crois qu'il
sera suffisant de vous rappeler les exemples d'Amyntas, votre père,
de Caranus, le fondateur de votre royaume, d'Hercule, l'auteur
de votre race. Le premier était l'ami de toutes les villes pour
lesquelles je réclame votre affection. Le second se rendit maître du
royaume de Macédoine, sans toucher à aucune partie du territoire de
la Grèce. — 46. Le troisième,
l'auteur de votre race, ne surpassa pas moins les hommes de son
temps par sa prudence, sa sagesse et sa justice, que par sa force
corporelle. Un seul acte de lui, sans parler d'un grand nombre
d'autres, suffira pour établir cette vérité. —
47. Hercule, voyant la Grèce remplie de guerres et de
séditions, après avoir rétabli la paix entre toutes les villes, fil
une expédition contre Troie, qui était alors la ville la plus
puissante de l'Asie, s'en rendit maître en quelques jours, mit à
mort tous les rois des nations établies sur les deux rivages de la
mer Méditerranée, et éleva comme monument de sa valeur les colonnes
qui, de son nom, sont appelées les Colonnes d'Hercule. —
48. En présence de ces exemples,
qui ne sont pas pour vous des exemples étrangers, mais des exemples
domestiques, il est juste que vous vous sentiez animé du désir de
vous montrer semblable à votre glorieux ancêtre, sinon en toutes
choses, du moins par vos mœurs 252
votre humanité, votre bienveillance à l'égard des Grecs, évitant de
porter la guerre chez des peuples qu'il ne vous est pas permis
d'attaquer, mais la faisant avec les Grecs à ceux que doivent
combattre les descendants d'Hercule.— 49.
Je vous exhorte aussi dans tout ce discours à la générosité envers
les Grecs, à l'humanité, à la douceur, parce que je vois que la
rudesse des mœurs est blessante pour tous les êtres, tandis que la
douceur est appréciée, non-seulement par les animaux et par les
hommes, mais par les dieux eux-mêmes. — 50.
Si Jason de Phères a obtenu une grande renommée pour avoir annoncé
qu'il passerait en Asie et qu'il ferait la guerre au roi de Perse,
quelle opinion croyez-vous que les hommes auront de vous, quand vous
exécuterez réellement ce qu'il n'a fait que promettre, que vous
enlèverez au Roi, sinon la totalité, du moins une partie de son
empire, et que vous y conduirez les hommes que la privation des
choses nécessaires à la vie force aujourd'hui d'errer au hasard en
ravageant tout ce qui se rencontre sur leur passage, ou si seulement
vous parvenez à rendre la liberté aux villes grecques de l'Asie? —
51 . Comment ne pas s'étonner en
voyant que plusieurs Perses ont voulu subjuguer la Grèce, tandis
qu'aucun Grec n'a eu la pensée de s'emparer de l'Asie? Les Barbares
ne cessent de nous attaquer, et nous ne songeons même pas à venger
nos injures ; nous nous faisons la guerre entre nous pour de
misérables intérêts, et, quand nous coopérons à faire rentrer sous
l'obéissance du Roi les peuples qui s'en sont séparés, nous ne nous
apercevons pas qu'unis aux ennemis de notre patrie, nous sacrifions
nos amis et nos frères. — 52.
Par conséquent, au milieu de cette lâche apathie des Grecs, il vous
convient, à l'exemple de votre ancêtre, de considérer la Grèce
entière comme votre patrie et de vous placer à sa tète pour la
conduire contre les Perses. — 53.
Et si quelqu'un me reprochait de négliger ma patrie et de m'adresser
de préférence à vous pour faire une expédition contre les Barbares
et pour prendre soin des intérêts de la Grèce. —
54. qu'il sache que je ne l'ai
point mise en oubli, qu'avant tout je l'ai engagée à entreprendre
cette grande expédition, et que je n'ai cessé de le faire que quand
je l'ai vue dédaigner de plus en plus mes conseils.—
55. Songez donc à quel point il
est honteux que l'Asie soit plus florissante que l'Europe, et que
ceux qui rapportent leur origine à Cyrus, abandonné par sa mère,
soient salués du titre de Grands Rois, tandis que les descendants
d'Hercule, admis au rang des dieux, sont salués de titres inférieurs
par la postérité. — 56. Je ne
vous engage pas à chercher les richesses et la puissance, car vous
les possédez dans un assez haut degré pour être satisfait, et ce
serait en être insatiable que de vouloir les obtenir au péril de sa
vie ; mais je vous exhorte à acquérir la gloire la plus noble, la
plus grande, une gloire pour la possession de laquelle les hommes
les plus vertueux, placés même dans une situation privée, n'hésitent
pas à sacrifier leur vie, et qui est le seul de tous les héritages
que nous soyons assurés de transmettre à nos enfants. —
57. Considérez encore que vous
n'êtes pas seulement excité à cette grande entreprise par mon
discours, mais que vous l'êtes par les exemples de vos ancêtres et
par 253 ceux des hommes
qui, pour avoir fait la guerre aux Barbares, sont considérés comme
des demi-dieux ; qu'enfin vous l'êtes par l'opportunité des
circonstances. — 58. Quant à
moi, comme il ne m'est pas possible de réunir aux choses que je vous
ai dites sur ce sujet celles qui pourraient encore vous encourager à
cette guerre, je m'en remets à vous pour choisir entre toutes. —
59. Les hommes qui refusent de
croire que l'empire des Perses, fondé par un Barbare et appuyé sur
la servitude, puisse être détruit par un Grec profondément
expérimenté dans l'art de la guerre et qui apporte l'espoir de la
liberté, sont dans la plus grande erreur. —
60. Si vous rétablissez l'union parmi nous, et si vous
triomphez des Barbares, qui peut, lorsque déjà vos exploits égalent
ceux de vos ancêtres, nous empêcher de dire que d'aussi grandes
choses n'ont jamais été faites par aucun homme dans le passé, et ne
le seront jamais dans l'avenir ? — 61.
Les richesses de Tantale, l'empire de Pélops, la puissance
d'Eurysthée, n'ont été l'objet des louanges d'aucun orateur, d'aucun
poète, tandis que les héros qui ont combattu au siège de Troie et
les hommes qui leur ressemblent sont célébrés dans tout l'univers. —
62. De même, l'empire des
Athéniens, les richesses enlevées par eux à leurs alliés, la
puissance de leur ville, sont plus souvent un sujet de blâme que la
bataille de Marathon et le combat naval de Salamine ne sont un sujet
d'éloge ; et l'on admire moins les victoires remportées par les
Lacédémoniens que leur désastre aux Thermopyles. —
63. Si quelque chose de plus
faible ou de plus froid qu'il ne convient se rencontre dans ce
discours, accusez-en ma vieillesse ; mais, s'il s'y trouve des
choses à la hauteur de celles que j'ai publiées autrefois,
attribuez-les à quelque divinité qui, dans cette circonstance aussi
bien que dans les autres, moins pour me favoriser que par intérêt
pour la Grèce, a donné à chacun la part qui lui convenait. —
64. Sachez d'ailleurs que les
louanges les plus vraies sont celles que vous recevez de la part des
hommes qui, dans leur estime, élèvent votre génie à la hauteur
d'entreprises aussi grandes, et qui seront cause que la postérité
tout entière vous admirera plus que les rois de toutes les époques.
— Épilogue. 65. Jusqu'à
quel point les choses renfermées dans ce discours sont-elles écrites
avec soin et d'une manière convenable au temps où nous vivons, c'est
avons qui devez l'entendre qu'il appartient d'en juger; pour moi, je
crois être sûr que personne ne vous offrira des conseils meilleurs
ni plus appropriés à l'état présent des affaires. (Lange.)
Ce discours paraît avoir été écrit 347 ans avant Jésus-Christ, Isocrate ayant quatre-vingt-dix ans
ΙΣΟΚΡΑΤΟΥΣ ΦΙΛΙΠΠΟΣ
[1] Μὴ θαυμάσῃς, ὦ Φίλιππε, δίοτι τοῦ λόγου ποιήσομαι τὴν ἀρχὴν οὐ τοῦ πρὸς σὲ ῥηθησομένου καὶ νῦν δειχθήσεσθαι μέλλοντος, ἀλλὰ τοῦ περὶ Ἀμφιπόλεως γραφέντος. Περὶ οὗ μικρὰ βούλομαι προειπεῖν, ἵνα δηλώσω καὶ σοὶ καὶ τοῖς ἄλλοις ὡς οὐ δι' ἄγνοιαν οὐδὲ διαψευσθεὶς τῆς ἀρρωστίας τῆς νῦν μοι παρούσης ἐπεθέμην γράφειν τὸν πρὸς σὲ λόγον, ἀλλ' εἰκότως καὶ κατὰ μικρὸν ὑπαχθείς. [2] Ὁρῶν γὰρ τὸν πόλεμον τὸν ἐνστάντα σοὶ καὶ τῇ πόλει περὶ Ἀμφιπόλεως πολλῶν κακῶν αἴτιον γιγνόμενον, ἐπεχείρησα λέγειν περί τε τῆς πόλεως ταύτης καὶ τῆς χώρας οὐδὲν τῶν αὐτῶν οὔτε τοῖς ὑπὸ τῶν σῶν ἑταίρων λεγομένοις οὔτε τοῖς ὑπὸ τῶν ῥητόρων τῶν παρ' ἡμῖν, ἀλλ' ὡς οἷόν τε πλεῖστον ἀφεστῶτα τῆς τούτων διανοίας. [3] Οὗτοι μὲν γὰρ παρώξυνον ἐπὶ τὸν πόλεμον, συναγορεύοντες ταῖς ἐπιθυμίαις ὑμῶν· ἐγὼ δὲ περὶ μὲν τῶν ἀμφισβητουμένων οὐδὲν ἀπεφαινόμην, ὃν δ' ὑπελάμβανον τῶν λόγων εἰρηνικώτατον εἶναι, περὶ τοῦτον διέτριβον, λέγων ὡς ἀμφότεροι διαμαρτάνετε τῶν πραγμάτων καὶ σὺ μὲν πολεμεῖς ὑπὲρ τῶν ἡμῖν συμφερόντων, ἡ δὲ πόλις ὑπὲρ τῆς σῆς δυναστείας· λυσιτελεῖν γὰρ σοὶ μὲν ἡμᾶς ἔχειν τὴν χώραν ταύτην, τῇ δὲ πόλει μηδ' ἐξ ἑνὸς τρόπου λαβεῖν αὐτήν. [4] Καὶ περὶ τούτων οὕτως ἐδόκουν διεξιέναι τοῖς ἀκούουσιν ὥστε μηδένα τὸν λόγον αὐτῶν μηδὲ τὴν λέξιν ἐπαινεῖν ὡς ἀκριβῶς καὶ καθαρῶς ἔχουσαν, ὅπερ εἰώθασί τινες ποιεῖν, ἀλλὰ τὴν ἀληθείαν τῶν πραγμάτων θαυμάζειν καὶ νομίζειν οὐδαμῶς ἂν ἄλλως παύσασθαι τῆς φιλονικίας ὑμᾶς, [5] πλὴν εἰ σὺ μὲν πεισθείης πλείονος ἀξίαν ἔσεσθαί σοι τὴν τῆς πόλεως φιλίαν ἢ τὰς προσόδους τὰς ἐξ Ἀμφιπόλεως γιγνομένας, ἡ δὲ πόλις δυνηθείη καταμαθεῖν ὡς χρὴ τὰς μὲν τοιαύτας φεύγειν ἀποικίας, αἵτινες τετράκις ἢ πεντάκις ἀπολωλέκασιν τοὺς ἐμπολιτευθέντας, ζητεῖν δ' ἐκείνους τοὺς τόπους τοὺς πόρρω μὲν κειμένους τῶν ἄρχειν δυναμένων, ἐγγὺς δὲ τῶν δουλεύειν εἰθισμένων, εἰς οἷονπερ Λακεδαιμόνιον Κυρηναίους ἀπῴκισαν· [6] πρὸς δὲ τούτοις, εἰ σὺ μὲν γνοίης ὅτι λόγῳ παραδοὺς τὴν χώραν ἡμῖν ταύτην αὐτὸς ἔργῳ κρατήσεις αὐτῆς καὶ προσέτι τὴν εὔνοιαν τὴν ἡμετέραν κτήσει· τοσούτους γὰρ ὁμήρους λήψει παρ' ἡμῶν τῆς φιλίας, ὅσους περ ἂν ἐποίκους εἰς τὴν σὴν δυναστείαν ἀποστείλωμεν, τὸ δὲ πλῆθος ἡμῶν εἴ τις διδάξειεν ὡς, ἂν λάβωμεν Ἀμφίπολιν, ἀναγκασθησόμεθα τὴν αὐτὴν εὔνοιαν ἔχειν τοῖς σοῖς πράγμασι διὰ τοὺς ἐνταῦθα κατοικοῦντας οἵαν περ εἴχομεν Ἀμαδόκῳ τῷ παλαιῷ διὰ τοὺς ἐν Χερρονήσῳ γεωργοῦντας. [7] Τοιούτων δὲ πολλῶν λεγομένων ἤλπισαν, ὅσοιπερ ἤκουσαν, διαδοθέντος τοῦ λόγου διαλύσεσθαι τὸν πόλεμον ὑμᾶς καὶ γνωσιμαχήσαντας βουλεύσεσθαί τι κοινὸν ἀγαθὸν περὶ ὑμῶν αὐτῶν. Εἰ μὲν οὖν ἀφρόνως ἢ νοῦν ἐχόντως ταῦτ' ἐδόξαζον, δικαίως ἂν ἐκεῖνοι τὴν αἰτίαν ἔχοιεν· ὄντος δ' οὖν ἐμοῦ περὶ τὴν πραγματείαν ταύτην ἔφθητε ποιησάμενοι τὴν εἰρήνην πρὶν ἐξεργασθῆναι τὸν λόγον, σωφρονοῦντες· ὅπως γὰρ οὖν πεπρᾶχθαι κρεῖττον ἦν αὐτὴν ἢ συνέχεσθαι τοῖς κακοῖς τοῖς διὰ τὸν πόλεμον γιγνομένοις. [8] Συνησθεὶς δὲ τοῖς περὶ τῆς εἰρήνης ψηφισθεῖσιν καὶ νομίσας οὐ μόνον ἡμῖν ἀλλὰ καὶ σοὶ καὶ τοῖς ἄλλοις Ἕλλησιν ἅπασι συνοίσειν, ἀποστῆσαι μὲν τὴν ἐμαυτοῦ διάνοιαν τῶν ἐχομένων οὐχ οἷός τ' ἦν, ἀλλ' οὕτω διεκείμην ὥστ' εὐθὺς σκοπεῖσθαι πῶς ἂν τὰ πεπραγμένα παραμείνειεν ἡμῖν καὶ μὴ χρόνον ὀλίγον ἡ πόλις ἡμῶν διαλιποῦσα πάλιν ἑτέρων πολέμων ἐπιθυμήσειεν· [9] διεξιὼν δὲ περὶ τούτων πρὸς ἐμαυτὸν εὕρισκον οὐδαμῶς ἂν ἄλλως αὐτὴν ἡσυχίαν ἄγουσαν, πλὴν εἰ δόξειεν ταῖς πόλεσιν ταῖς μεγίσταις διαλυσαμέναις τὰ πρὸς σφᾶς αὐτὰς εἰς τὴν Ἀσίαν τὸν πόλεμον ἐξενεγκεῖν καὶ τὰς πλεονεξίας, ἃς νῦν παρὰ τῶν Ἑλλήνων ἀξιοῦσιν αὑταῖς γίγνεσθαι, ταύτας εἰ παρὰ τῶν βαρβάρων ποιήσασθαι βουληθεῖεν· ἅπερ ἐν τῷ πανηγυρικῷ λόγῳ τυγχάνω συμβεβουλευκώς. [10] Ταῦτα δὲ διανοηθεὶς καὶ νομίσας οὐδέποτ' ἂν εὑρεθῆναι καλλίω ταύτης ὑπόθεσιν οὐδὲ κοινοτέραν οὐδὲ μᾶλλον ἅπασιν ἡμῖν συμφέρουσαν, ἐπήρθην πάλιν γράψαι περὶ αὐτῆς, οὐκ ἀγνοῶν οὐδὲν τῶν περὶ ἐμαυτὸν, ἀλλ' εἰδὼς μὲν τὸν λόγον τοῦτον οὐ τῆς ἡλικίας τῆς ἐμῆς δεόμενον ἀλλ' ἀνδρὸς ἀνθοῦσαν τὴν ἀκμὴν ἔχοντος καὶ τὴν φύσιν πολὺ τῶν ἄλλων διαφέροντος, [11] ὁρῶν δ' ὅτι χαλεπόν ἐστιν περὶ τὴν αὐτὴν ὑπόθεσιν δύο λόγους ἀνεκτῶς εἰπεῖν, ἄλλως τε κἂν ὁ πρότερον ἐκδοθεὶς οὕτως ᾖ γεγραμμένος ὥστε καὶ τοὺς βασκαίνοντας ἡμᾶς μιμεῖσθαι καὶ θαυμάζειν αὐτὸν μᾶλλον τῶν καθ' ὑπερβολὴν ἐπαινούντων. [12] Ἀλλ' ὅμως ἁπάσας ἐγὼ ταύτας τὰς δυσχερείας ὑπεριδὼν οὕτως ἐπὶ γήρως γέγονα φιλότιμος ὥστ' ἠβουλήθην ἅμα τοῖς πρὸς σὲ λεγομένοις καὶ τοῖς μετ' ἐμοῦ διατρίψασιν ὑποδεῖξαι καὶ ποιῆσαι φανερὸν ὅτι τὸ μὲν ταῖς πανηγύρεσιν ἐνοχλεῖν καὶ πρὸς ἅπαντας λέγειν τοὺς συντρέχοντας ἐν αὐταῖς πρὸς οὐδένα λέγειν ἐστὶν, ἀλλ' ὁμοίως οἱ τοιοῦτοι τῶν λόγων ἄκυροι τυγχάνουσιν ὄντες τοῖς νόμοις καὶ ταῖς πολιτείαις ταῖς ὑπὸ τῶν σοφιστῶν γεγραμμέναις, [13] δεῖ δὲ τοὺς βουλομένους μὴ μάτην φλυαρεῖν, ἀλλὰ προὔργου τι ποιεῖν καὶ τοὺς οἰομένους ἀγαθόν τι κοινὸν εὑρηκέναι τοὺς μὲν ἄλλους ἐᾶν πανηγυρίζειν, αὐτοὺς δ' ὧν εἰσηγοῦνται ποιήσασθαί τινα προστάτην τῶν καὶ λέγειν καὶ πράττειν δυναμένων καὶ δόξαν μεγάλην ἐχόντων, εἴπερ μέλλουσί τινες προσέξειν αὐτοῖς τὸν νοῦν. |
255 ISOCRATE. DISCOURS A PHILIPPE. V. 1. [1] Ne vous étonnez pas, Philippe, si je commence par vous entretenir non du discours qui doit vous être lu, et qui maintenant va vous être présenté, mais de celui que j'ai écrit au sujet d'Amphipolis. Je veux d'abord m'expliquer en peu de mots à l'égard d'Amphipolis, afin de vous montrer et de montrer aussi à d'autres que ce n'est point par une erreur de mon jugement, ni trompé par l'état de faiblesse où je languis, que je me suis déterminé à composer le discours que je vous adresse ; mais que de justes motifs m'ont successivement conduit à cette résolution. 2. [2] Voyant que la guerre qui existait entre vous et le peuple d'Athènes, relativement à Amphipolis, était devenue la cause de nombreuses calamités, j'avais entrepris d'établir, à l'égard de cette ville et de son territoire, une opinion, non-seulement différente de celle qu'exprimaient vos amis et nos orateurs, mais éloignée autant qu'il est possible de leur pensée. [3] Les uns et les autres, parlant dans le sens de vos désirs, vous excitaient à la guerre; et moi, sans rien prononcer sur l'objet du litige, m'attachant à faire triompher l'opinion qui me 257 paraissait le plus propre à ramener la paix, j'affirmais que, des deux côtés, on se trompait sur le but qu'il fallait atteindre, que vous faisiez la guerre dans notre intérêt, la république dans celui de votre puissance; qu'en un mot, il était utile pour vous que nous fussions possesseurs d'Amphipolis, tandis que, sous aucun rapport, il ne convenait aux Athéniens de s'en rendre les maîtres. [4] Au jugement de ceux qui m'écoutaient, je paraissais développer ma pensée avec une telle évidence, que personne ne louait ni le discours en lui-même ni le style, pour son élégance et sa pureté, comme plusieurs ont l'habitude de le faire ; mais que, frappés de la vérité des faits, tous demeuraient convaincus que jamais vous ne mettriez un terme à vos différends, [5] si vous ne reconnaissiez, d'une part, que l'amitié de notre ville valait mieux que les tributs d'Amphipolis ; si, de l'autre, Athènes persistait à ne pas comprendre qu'elle doit, comme les Lacédémoniens lorsqu'ils ont formé un établissement à Cyrène, renoncer à des colonies qui ont dévoré quatre ou cinq fois les citoyens qu'on y a envoyés, et qu'elle doit placer des colons loin de ceux qui ont le pouvoir de commander, près de ceux qui sont accoutumés à obéir; [6] si, de plus, vous n'étiez pas convaincu qu'en nous donnant nominalement cette contrée, vous en seriez le véritable maître, en même temps que vous gagneriez notre amitié (car vous auriez pour garantie de notre affection autant d'otages que nous enverrions de colons à portée de votre royaume) ; si, enfin, il ne se rencontrait pas un homme capable de faire voir au peuple d'Athènes qu'en occupant Amphipolis, nous serions forcés d'avoir pour vous, dans l'intérêt de nos concitoyens qui s'y établiraient, les ménagements que nous avions pour l'ancien Amadokus, à cause de nos colons établis dans la Chersonèse. 259 3. [7] Les auditeurs qui avaient entendu ces nombreux développements, conçurent l'espoir que, mon discours une fois publié, on mettrait des deux côtés fin à la guerre, et que, reconnaissant votre erreur les uns aussi bien que les autres, vous prendriez, dans l'intérêt commun, une détermination sage et utile. Que ce soit avec ou sans raison qu'ils aient porté ce jugement, c'est à eux qu'il convient d'en demander compte. Quant à moi. j'étais occupé de ce travail, et mon discours n'était pas encore terminé, lorsque vous m'avez prévenu en faisant la paix. Vous avez en cela suivi un conseil sage ; car il valait mieux faire une paix quelconque, plutôt que de persister plus longtemps à supporter les maux de la guerre. 4. [8] Satisfait des conditions du traité, et persuadé que la paix serait avantageuse, non-seulement pour nous, mais pour vous et pour tous les autres Grecs, il ne m'était pas possible de séparer ma pensée des conséquences que cette paix pouvait produire, et j'étais dans une telle disposition d'esprit, que sur-le-champ je cherchai les moyens de donner de la stabilité à ce qui avait été fait, dans la crainte que notre ville, après quelque temps écoulé, ne désirât entreprendre d'autres guerres. [9] Méditant donc sur ce sujet, j'arrivai à reconnaître qu'il n'y aurait jamais de repos pour elle tant que les grandes cités de la Grèce, mettant un terme à leurs différends, ne prendraient pas la résolution de porter la guerre en Asie et d'assouvir aux dépens des Barbares la cupidité qu'elles veulent satisfaire aujourd'hui aux dépens des Grecs. C'est le conseil que j'avais donné dans mon discours panégyrique. 5. [10] Convaincu de ces vérités et certain de ne jamais rencontrer un sujet plus beau, plus patriotique, plus utile pour nous tous, je me suis senti entraîné à le trai- 261 ter de nouveau. Je n'ignorais cependant aucune des difficultés de ma position; je savais qu'un tel discours n'était pas en rapport avec mon âge ; qu'il demandait un homme dans la fleur de son talent, et doué de facultés supérieures ; [11] de plus, je ne me dissimulais pas à quel point il est difficile de composer deux discours dignes d'attention sur le même sujet, lorsque surtout le premier est écrit d'une telle manière que les envieux qui le déchirent cherchent à l'imiter, et l'admirent plus encore que ceux qui le louent sans mesure. [12] Mais je suis devenu, dans ma vieillesse, si passionné pour la gloire que, méprisant toutes ces difficultés, j'ai non-seulement pour ceux qui vous parlent, mais encore pour ceux qui vivent avec moi, voulu montrer et rendre évident, que fatiguer les assemblées publiques et adresser des discours à la foule qui s'y réunit, c'est, en réalité, ne parler à personne, et que ces sortes de harangues sont aussi. impuissantes que les lois et les constitutions rédigées par les sophistes. [13] Il faut donc que ceux qui ne veulent pas faire retentir vainement de futiles paroles, mais qui aspirent à obtenir un résultat, aussi bien que ceux qui croient avoir trouvé quelque chose d'utile dans l'intérêt commun, laissent parler les orateurs dans les grandes assemblées et s'assurent, pour arriver à leur but, un protecteur parmi les hommes qui, à la faculté de parler et d'agir, réunissent une grande influence, si de tels hommes consentent à les écouter. |
[14]
Ἅπερ ἐγὼ γνοὺς διαλεχθῆναι σοὶ προειλόμην, οὐ πρὸς χάριν ἐκλεξάμενος,
καίτοι πρὸ πολλοῦ ποιησαίμην ἄν σοι κεχαρισμένως εἰπεῖν, ἀλλ' οὐκ
ἐπὶ τούτῳ τὴν διάνοιαν ἔσχον. Ἀλλὰ τοὺς μὲν ἄλλους ἑώρων τοὺς
ἐνδόξους τῶν ἀνδρῶν ὑπὸ πόλεσι καὶ νόμοις οἰκοῦντας, καὶ οὐδὲν ἐξὸν
αὐτοῖς ἄλλο πράττειν πλὴν τὸ προσταττόμενον, ἔτι δὲ πόλυ
καταδεεστέρους ὄντας τῶν ῥηθησομένων πραγμάτων, [15]
σοὶ δὲ μόνῳ πολλὴν ἐξουσίαν ὑπὸ τῆς τύχης δεδομένην καὶ πρέσβεις
πέμπειν πρὸς οὕστινας ἂν βουληθῇς καὶ δέχεσθαι παρ' ὧν ἄν σοι δοκῇ
καὶ λέγειν ὅ τι ἂν ἡγῇ συμφέρειν, πρὸς δὲ τούτοις καὶ πλοῦτον καὶ
δύναμιν κεκτημένον ὅσην οὐδεὶς τῶν Ἑλλήνων, ἃ μόνα τῶν ὄντων καὶ
πείθειν καὶ βιάζεσθαι πέφυκεν· ὧν οἶμαι καὶ τὰ ῥηθησόμενα
προσδεήσεσθαι. [17] Οὐκ ὀκνήσω δὲ πρὸς σὲ κατειπεῖν, ἐφ' οἷς ἐλύπησάν τινές με τῶν πλησιασάντων· οἶμαι γὰρ ἔσεσθαί τι προὔργου. Δηλώσαντος γάρ μου πρὸς αὐτοὺς ὅτι μέλλω σοι λόγον πέμπειν οὐκ ἐπίδειξιν ποιησόμενον οὐδ' ἐγκωμιασόμενον τοὺς πολέμους τοὺς διὰ σοῦ γεγενημένους, ἕτεροι γὰρ τοῦτο ποιήσουσιν, ἀλλὰ πειρασόμενόν σε προτρέπειν ἐπὶ πράξεις οἰκειοτέρας καὶ καλλίους καὶ μᾶλλον συμφερούσας ὧν νῦν τυγχάνεις προῃρημένος, [18] οὕτως ἐξεπλάγησαν μὴ διὰ τὸ γῆρας ἐξεστηκὼς ὦ τοῦ φρονεῖν ὥστ' ἐτόλμησαν ἐπιπλῆξαί μοι πρότερον οὐκ εἰωθότες τοῦτο ποιεῖν, λέγοντες ὡς ἀτόποις καὶ λίαν ἀνοήτοις ἐπιχειρῶ πράγμασιν· "ὅστις Φιλίππῳ συμβουλεύσοντα λόγον μέλλεις πέμπειν, ὃς εἰ καὶ πρότερον ἐνόμιζεν αὑτὸν εἶναί τινος πρὸς τὸ φρονεῖν καταδεέστερον, νῦν διὰ τὸ μέγεθος τῶν συμβεβηκότων οὐκ ἔστιν ὅπως οὐκ οἴεται βέλτιον δύνασθαι βουλεύεσθαι τῶν ἄλλων. [19] Ἔπειτα καὶ Μακεδόνων ἔχει περὶ αὑτὸν τοὺς σπουδαιοτάτους, οὓς εἰκὸς, εἰ καὶ περὶ τῶν ἄλλων ἀπείρως ἔχουσιν, τό γε συμφέρον ἐκείνῳ μᾶλλον ἢ σὲ γιγνώσκειν. Ἔτι καὶ τῶν Ἑλλήνων πολλοὺς ἂν ἴδοις ἐκεῖ κατοικοῦντας, οὐκ ἀδόξους ἄνδρας οὐδ' ἀνοήτους, ἀλλ' οἷς ἐκεῖνος ἀνακοινούμενος οὐκ ἐλάττω τὴν βασιλείαν πεποίηκεν, ἀλλ' εὐχῆς ἄξια διαπέπρακται. [20] Τί γὰρ ἐλλέλοιπεν; Οὐ Θετταλοὺς μὲν τοὺς πρότερον ἐπάρχοντας Μακεδονίας οὕτως οἰκείως πρὸς αὑτὸν διακεῖσθαι πεποίηκεν ὥσθ' ἑκάστους αὐτῶν μᾶλλον ἐκείνῳ πιστεύειν ἢ τοῖς συμπολιτευομένοις; Τῶν δὲ πόλεων τῶν περὶ τὸν τόπον ἐκεῖνον τὰς μὲν ταῖς εὐεργεσίαις πρὸς τὴν αὑτοῦ συμμαχίαν προσῆκται, τὰς δὲ σφόδρα λυπούσας αὐτὸν ἀναστάτους πεποίηκεν; [21] Μάγνητας δὲ καὶ Περραιβοὺς καὶ Παίονας κατέστραπται καὶ πάντας ὑπηκόους αὐτὸς εἴληφεν; Τοῦ δ' Ἰλλυριῶν πλήθους πλὴν τῶν παρὰ τὸν Ἀδρίαν οἰκούντων ἐγκρατὴς καὶ κύριος γέγονεν; Ἁπάσης δὲ τῆς Θρᾴκης οὓς ἠβουλήθη δεσπότας κατέστησεν; Τὸν δὴ τοσαῦτα καὶ τηλικαῦτα διαπεπραγμένον οὐκ οἴει πολλὴν μωρίαν καταγνώσεσθαι τοῦ πέμψαντος τὸ βιβλίον καὶ πολὺ διεψεῦσθαι νομιεῖν τῆς τε τῶν λόγων δυνάμεως καὶ τῆς αὑτοῦ διανοίας;" [22] Ταῦτ' ἀκούσας ὡς μὲν τὸ πρῶτον ἐξεπλάγην καὶ πάλιν ὡς ἀναλαβὼν ἐμαυτὸν ἀντεῖπον πρὸς ἕκαστον τῶν ῥηθέντων, παραλείψω, μὴ καὶ δόξω τισὶν λίαν ἀγαπᾶν εἰ χαριέντως αὐτοὺς ἠμυνάμην· λυπήσας δ' οὖν μετρίως, ὡς ἐμαυτὸν ἔπειθον, τοὺς ἐπιπλῆξαί μοι τολμήσαντας, τελευτῶν ὑπεσχόμην μόνοις αὐτοῖς τὸν λόγον τῶν ἐν τῇ πόλει δείξειν καὶ ποιήσειν οὐδὲν ἄλλο περὶ αὐτοῦ πλὴν ὅ τι ἂν ἐκείνοις δόξῃ. [23] Τούτων ἀκούσαντες ἀπῆλθον, οὐκ οἶδ' ὅπως τὴν διάνοιαν ἔχοντες. Πλὴν οὐ πολλαῖς ἡμέραις ὕστερον ἐπιτελεσθέντος τοῦ λόγου καὶ δειχθέντος αὐτοῖς τοσοῦτον μετέπεσον ὥστ' ᾐσχύνοντο μὲν ἐφ' οἷς ἐθρασύναντο, μετέμελεν δ' αὐτοῖς ἁπάντων τῶν εἰρημένων, ὡμολόγουν δὲ μηδενὸς πώποτε τοσοῦτον πράγματος διαμαρτεῖν, ἔσπευδον δὲ μᾶλλον ἠγὼ πεμφθῆναί σοι τὸν λόγον τοῦτον, ἔλεγον δ' ὡς ἐλπίζουσιν οὐ μόνον σὲ καὶ τὴν πόλιν ἕξειν μοι χάριν ὑπὲρ τῶν εἰρημένων ἀλλὰ καὶ τοὺς Ἕλληνας ἅπαντας. [24] Τούτου δ' ἕνεκά σοι ταῦτα διῆλθον, ἵν' ἄν τί σοι φανῇ τῶν ἐν ἀρχῇ λεγομένων ἢ μὴ πιστὸν ἢ μὴ δυνατὸν ἢ μὴ πρέπον σοι πράττειν, μὴ δυσχεράνας ἀποστῇς τῶν λοιπῶν μηδὲ πάθῃς ταὐτὸν τοῖς ἐπιτηδείοις τοῖς ἐμοῖς, ἀλλ' ἐπιμείνῃς ἡσυχάζουσαν ἔχων τὴν διάνοιαν, ἕως ἂν διὰ τέλους ἀκούσῃς ἁπάντων τῶν λεγομένων. Οἶμαι γὰρ ἐρεῖν τι τῶν δεόντων καὶ τῶν σοὶ συμφερόντων. [25] Καίτοι μ' οὐ λέληθεν, ὅσον διαφέρουσιν τῶν λόγων εἰς τὸ πείθειν οἱ λεγόμενοι τῶν ἀναγιγνωσκομένων, οὐδ' ὅτι πάντες ὑπειλήφασιν τοὺς μὲν περὶ σπουδαίων πραγμάτων καὶ κατεπειγόντων ῥητορεύεσθαι, τοὺς δὲ πρὸς ἐπίδειξιν καὶ πρὸς ἐργολαβίαν γεγράφθαι. [26] Καὶ ταῦτ' οὐκ ἀλόγως ἐγνώκασιν· ἐπειδὰν γὰρ ὁ λόγος ἀποστερηθῇ τῆς τε δόξης τῆς τοῦ λέγοντος καὶ τῆς φωνῆς καὶ τῶν μεταβολῶν τῶν ἐν ταῖς ῥητορείαις γιγνομένων, ἔτι δὲ τῶν καιρῶν καὶ τῆς σπουδῆς τῆς περὶ τὴν πρᾶξιν, καὶ μηδὲν ᾖ τὸ συναγωνιζόμενον καὶ συμπεῖθον, ἀλλὰ τῶν μὲν προειρημένων ἁπάντων ἔρημος γένηται καὶ γυμνὸς, ἀναγιγνώσκῃ δέ τις αὐτὸν ἀπιθάνως καὶ μηδὲν ἦθος ἐνσημαινόμενος ἀλλ' ὥσπερ ἀπαριθμῶν, [27] εἰκότως, οἶμαι, φαῦλος εἶναι δοκεῖ τοῖς ἀκούουσιν. Ἅπερ καὶ τὸν νῦν ἐπιδεικνύμενον μάλιστ' ἂν βλάψειεν καὶ φαυλότερον φαίνεσθαι ποιήσειεν· οὐδὲ γὰρ ταῖς περὶ τὴν λέξιν εὐρυθμίαις καὶ ποικιλίαις κεκοσμήκαμεν αὐτὸν, αἷς αὐτός τε νεώτερος ὢν ἐχρώμην καὶ τοῖς ἄλλοις ὑπέδειξα, δι' ὧν τοὺς λόγους ἡδίους ἂν ἅμα καὶ πιστοτέρους ποιοῖεν. [28] Ὧν οὐδὲν ἔτι δύναμαι διὰ τὴν ἡλικίαν, ἀλλ' ἀπόχρη μοι τοσοῦτον, ἢν αὐτὰς τὰς πράξεις ἁπλῶς δυνηθῶ διελθεῖν. Ἡγοῦμαι δὲ καὶ σοὶ προσήκειν ἁπάντων τῶν ἄλλων ἀμελήσαντι ταύταις μόναις προσέχειν τὸν νοῦν. Οὕτω δ' ἂν ἀκριβέστατα καὶ κάλλιστα θεωρήσειας εἴ τι τυγχάνομεν λέγοντες, [29] ἢν τὰς μὲν δυσχερείας τὰς περὶ τοὺς σοφιστὰς καὶ τοὺς ἀναγιγνωσκομένους τῶν λόγων ἀφέλῃς, ἀναλαμβάνων δ' ἕκαστον αὐτῶν εἰς τὴν διάνοιαν ἐξετάζῃς, μὴ πάρεργον ποιούμενος μηδὲ μετὰ ῥᾳθυμίας ἀλλὰ μετὰ λογισμοῦ καὶ φιλοσοφίας, ἧς καὶ σὲ μετεσχηκέναι φασίν. Μετὰ γὰρ τούτων σκοπούμενος μᾶλλον ἢ μετὰ τῆς τῶν πολλῶν δόξης ἄμεινον ἂν βουλεύσαιο περὶ αὐτῶν. [30] Ἃ μὲν οὖν ἐβουλόμην μοι προειρῆσθαι, ταῦτ' ἐστίν. Περὶ δ' αὐτῶν τῶν πραγμάτων ἤδη ποιήσομαι τοὺς λόγους. Φημὶ γὰρ χρῆναί σε τῶν μὲν ἰδίων μηδενὸς ἀμελῆσαι, πειραθῆναι δὲ διαλλάξαι τήν τε πόλιν τὴν Ἀργείων καὶ τὴν Λακεδαιμονίων καὶ τὴν Θηβαίων καὶ τὴν ἡμετέραν. Ἢν γὰρ ταύτας συστῆσαι δυνηθῇς, οὐ χαλεπῶς καὶ τὰς ἄλλας ὁμονοεῖν ποιήσεις. [31] Ἅπασαι γάρ εἰσιν ὑπὸ ταῖς εἰρημέναις καὶ καταφεύγουσιν, ὅταν φοβηθῶσιν, ἐφ' ἣν ἂν τύχωσιν τούτων, καὶ τὰς βοηθείας ἐντεῦθεν λαμβάνουσιν. Ὥστ' ἂν τέτταρας μόνον πόλεις εὖ φρονεῖν πείσῃς, καὶ τὰς ἄλλας πολλῶν κακῶν ἀπαλλάξεις.
[32]
Γνοίης δ' ἂν ὡς οὐδεμιᾶς σοι προσήκει τούτων ὀλιγωρεῖν, ἢν ἀνενέγκῃς
αὐτῶν τὰς πράξεις ἐπὶ τοὺς σαυτοῦ προγόνους· εὑρήσεις γὰρ ἑκάστῃ
πολλὴν φιλίαν πρὸς ὑμᾶς καὶ μεγάλας εὐεργεσίας ὑπαρχούσας.
Ἄργος μὲν γάρ ἐστίν σοι πατρὶς, ἧς δίκαιον τοσαύτην σε ποιεῖσθαι
πρόνοιαν ὅσην περ τῶν γονέων τῶν σαυτοῦ· Θηβαῖοι δὲ τὸν ἀρχηγὸν τοῦ
γένους ὑμῶν τιμῶσιν καὶ ταῖς προσόδοις καὶ ταῖς θυσίαις μᾶλλον ἢ
τοὺς θεοὺς τοὺς ἄλλους· [33]
Λακεδαιμόνιοι δὲ τοῖς ἀπ' ἐκείνου γεγονόσιν καὶ τὴν βασιλείαν καὶ
τὴν ἡγεμονίαν εἰς ἅπαντα τὸν χρόνον δεδώκασιν· τὴν δὲ πόλιν τὴν
ἡμετέραν φασὶν, οἷσπερ περὶ τῶν παλαιῶν πιστεύομεν, Ἡρακλεῖ μὲν
συναιτίαν γενέσθαι τῆς ἀθανασίας ὃν δὲ τρόπον, σοὶ μὲν αὖθις
πυθέσθαι ῥᾴδιον, ἐμοὶ δὲ νῦν εἰπεῖν οὐ καιρός τοῖς δὲ παισὶ τοῖς
ἐκείνου τῆς σωτηρίας. [34]
Μόνη γὰρ ὑποστᾶσα τοὺς μεγίστους κινδύνους πρὸς τὴν Εὐρυσθέως
δύναμιν ἐκεῖνόν τε τῆς μεγίστης ὕβρεως ἔπαυσεν καὶ τοὺς παῖδας τῶν
φόβων τῶν ἀεὶ παραγιγνομένων αὐτοῖς ἀπήλλαξεν. Ὑπὲρ ὧν οὐ μόνον τοὺς
τότε σωθέντας δίκαιον ἦν ἡμῖν χάριν ἔχειν, ἀλλὰ καὶ τοὺς νῦν ὄντας·
διὰ γὰρ ἡμᾶς καὶ ζῶσι καὶ τῶν ὑπαρχόντων ἀγαθῶν ἀπολαύουσι· μὴ γὰρ
σωθέντων ἐκείνων οὐδὲ γενέσθαι τὸ παράπαν ὑπῆρχεν αὐτοῖς. |
6. [14] Ces considérations, et non la pensée de vous plaire, m'ont déterminé à vous envoyer ce discours ; car, bien que j'attache un grand prix à vous parler d'une manière qui vous soit agréable, ce n'est pas là mon but ; mais, ayant reconnu que les hommes soumis à des institutions et à des 263 lois, même alors qu'ils sont environnés d'une réputation brillante, ne sont capables que d'exécuter des ordres ; qu'ils sont de beaucoup au-dessous des choses dont je dois vous entretenir, [15] et qu'à vous seul la fortune a donné le pouvoir d'envoyer des ambassadeurs partout où vous le voulez, d'en recevoir de qui vous le jugez convenable, de dire ce qui vous semble utile ; qu'enfin vous possédez, dans un degré auquel nul Grec n'est encore parvenu, la richesse et la puissance, seuls moyens de persuader et de contraindre et moyens indispensables pour l'objet dont je dois vous entretenir ; [16] je viens vous donner le conseil de vous placer à la tête de l'union de tous les Grecs et de les conduire contre les Barbares. Il est utile d'employer la persuasion avec les Grecs, la force avec les Barbares. Telle est la pensée qui résume tout ce discours. 7. [17] Je n'hésiterai pas à vous faire connaître le chagrin que m'ont causé plusieurs de mes amis; je crois que cet aveu aura quelque chose d'utile. Je leur annonçais l'intention de vous adresser un discours qui ne serait pas destiné à faire ostentation d'éloquence ni à vanter les guerres que vous avez faites (d'autres se chargeront de ce soin) ; mais un discours qui aurait pour but de diriger vos pensées vers des entreprises plus nobles, plus belles, plus utiles que celles qui vous occupent aujourd'hui ; [18] ils furent tellement frappés de la crainte que la vieillesse n'eût altéré mes facultés, qu'ils osèrent m'adresser des représentations, ce qu'ils n'étaient pas dans l'usage de se permettre auparavant, et prétendirent que je faisais une tentative inopportune et déraisonnable. « Vous voulez, me disaient-ils, envoyer un discours à Philippe pour lui donner des conseils? Mais, en supposant qu'au- 265 trefois il ait pu se regarder comme inférieur à quelqu'un sous le rapport de la prudence, il est impossible qu'aujourd'hui, après les grands succès qu'il a obtenus, il ne croie pas pouvoir se conseiller lui-même, mieux que personne ne saurait le faire. [19] Il est d'ailleurs entouré des hommes les plus habiles de la Macédoine, et, même en admettant qu'ils puissent manquer d'expérience pour le reste, ils savent probablement mieux que vous ce qui est utile à leur souverain. Vous n'ignorez pas d'ailleurs qu'un grand nombre de Grecs, qui ne sont pas des hommes sans réputation et sans capacité, se sont fixés près de lui, et que depuis qu'il les a admis dans ses conseils, loin d'avoir affaibli sa puissance, il a exécuté des choses dignes d'envie. [20] Quel succès lui a-t-il manqué? N'a-t-il pas tellement gagné l'esprit des Thessaliens, qui autrefois dominaient la Macédoine, que chacun d'eux a plus de confiance en lui qu'en ses propres concitoyens? Parmi les villes qui environnent ces contrées, n'a-t-il pas acquis les unes à son alliance, en les comblant de bienfaits, et n'a-t-il pas détruit jusque dans leurs fondement celles qui faisaient obstacle à sa puissance ? [21] N'a-t-il pas vaincu les Magnètes, les Perrhèbes, les Péoniens, et ne les a-t-il pas tous réduits sous son obéissance? Les peuples d'Illyrie, à l'exception de ceux qui habitent les bords de l'Adriatique, n'ont-ils pas reconnu en lui leur vainqueur et leur maître? N'a-t-il pas fait admettre dans toute la Thrace les rois qu'il a voulu y établir ? Croyez-vous donc que celui qui a fait tant et de si grandes choses, ne condamnera pas, comme atteint de folie, l'homme qui osera lui envoyer une œuvre de la nature de celle que vous préparez, qu'il ne verra pas en lui une illusion profonde et sur la puissance des discours et sur son propre génie ? » 8. [22] Je passerai sous silence le trouble que j'éprouvai d'abord lorsque j'entendis ces paroles, et comment, après avoir recouvré le calme de mon esprit, je répon- 267 dis à chacune de leurs observations ; je ne voudrais pas me montrer trop satisfait de l'urbanité avec laquelle je repoussai leur censure. Ayant donc repris avec modération, du moins je me le persuade, ceux qui avaient osé me faire des observations, je leur promis en terminant de ne montrer mon discours qu'à eux seuls, entre tous mes concitoyens, et de ne faire que ce qu'ils auraient approuvé. [23] Sur cette réponse, ils se retirèrent, j'ignore dans quel sentiment; mais, peu de jours après, mon discours achevé ayant été mis sous leurs yeux, ils changèrent tellement de pensée, qu'ils eurent honte de leur audace, se repentirent de tout ce qu'ils avaient dit, avouèrent que jamais ils ne s'étaient aussi complètement trompés, et montrèrent plus d'empressement que moi-même pour que mon discours vous fût envoyé, manifestant l'espérance que non-seulement vous et la république, mais que la Grèce entière me rendrait grâce pour les vérités qu'il contenait. 9. [24] Je suis entré dans ce détail afin que, si dans le commencement quelqu'une de mes propositions vous semblait chimérique, impraticable ou d'une exécution peu digne de vous, un sentiment de mécontentement ne vous fît pas repousser les autres et éprouver l'impression qu'ont éprouvée mes amis, mais que, gardant le calme de votre esprit, vous m'écoutassiez jusqu'à la fin ; car je crois vous présenter dans ce discours des choses justes et utiles pour vous.
10. [25]
Je n'ignore pas, lorsqu'il s'agit de persuader, combien la
différence est grande entre les discours qui sont lus et ceux qui
sont prononcés par les orateurs eux-mêmes ; je sais que les derniers
sont universellement regardés comme destinés pour les affaires
graves et urgentes, tandis que les premiers sont composés dans un
motif de vanité ou d'intérêt ; et ce jugement n'est pas dépourvu de
raison. [26] Lorsqu'un discours
est privé de la 269
force que lui donne l'autorité de son auteur, le son de sa voix, la
variété du débit, l'opportunité du temps, l'intérêt qui se rattache
à l'action; lorsque rien ne le soutient, que rien ne l'aide à
produire la conviction, mais que, nu et dépouillé des avantages que
je viens d'indiquer, il est lu sans animation, sans intelligence par
un homme qui semble compter des paroles, [27]
il est naturel que ce discours paraisse froid à ceux qui
l'entendent. Or, toutes ces circonstances peuvent causer un grand
préjudice à celui que je vous envoie, et le faire paraître inférieur
à ce qu'il est réellement. Je ne l'ai pas même orné de ces nombres
harmonieux, de ces formes variées dont j'avais coutume de me servir
dans ma jeunesse, et qu'alors j'enseignais à mes disciples comme
autant de moyens de rendre leur éloquence plus douce et plus
persuasive. [28] J'ai perdu
cette faculté, à cause de mon grand âge, et ce sera assez pour moi
si je puis présenter les faits dans leur simple vérité. Par
conséquent, c'est aux faits que, négligeant tout le reste, vous
devez vous attacher. Vous verrez mieux et vous jugerez avec plus
d'exactitude la valeur de mes assertions, [29]
si, écartant les subtilités des sophistes et les inconvénients qui
s'attachent aux discours écrits, vous examinez séparément chaque
proposition dans votre esprit, non avec indifférence, comme un objet
secondaire, mais avec réflexion, en vous éclairant des lumières de
cette philosophie que tout le monde reconnaît en vous. J'ajoute
qu'en faisant un tel examen avec le soin que j'ai indiqué, 11. Je vais m'expliquer maintenant sur les faits considérés en eux-mêmes. Je dis que, sans négliger aucun de vos intérêts, vous devez vous occuper de réconcilier Argos, Lacédémone, Thèbes et Athènes. Si vous pouvez réunir ces villes dans un même sentiment, il ne vous sera pas difficile d'y amener aussi les autres ; [31] toutes, en effet, sont soumises à l'influence des quatre que j'ai nommées ; si quelque crainte les presse, elles implorent l'assistance de l'une de ces quatre villes, et elles en obtiennent des secours ; de sorte que, si vous pouvez parvenir à inspirer de sages conseils à ces villes prépondérantes, vous délivrerez les autres des maux nombreux qui les accablent. 12. [32] Vous reconnaîtrez que vous ne pouvez sans injustice refuser votre bienveillance à aucune des villes que je viens de nommer, si vous voulez vous rappeler leur conduite envers vos ancêtres; car vous trouverez que chacune d'elles leur a montré une affection constante et leur a rendu d'importants services. Argos est votre première patrie, et vous devez prendre d'elle le même soin que des auteurs de vos jours. [33] Les Thébains rendent an culte à l'auteur de votre race, et lui offrent plus d'hommages et de sacrifices qu'à tous les autres dieux. Les Lacédémoniens ont remis à jamais le sceptre et lé couronne aux mains de ses descendants. Quant à notre ville, les traditions anciennes, dans lesquelles nous plaçons notre confiance, disent qu'elle a été en partie, pour Hercule, la cause de son immortalité (de quelle manière ? il vous est facile de l'apprendre, et ce n'est pas pour moi le moment d'en parler), enfin, elles ajoutent qu'elle a sauvé les enfants d'Hercule, [34] et qu'en s' exposant seule aux plus redoutables périls, elle a contraint le puissant Eurysthée de mettre un terme à son insolence; délivrant ainsi les enfants d'Hercule des craintes 273 dont sans cesse ils étaient assiégés. Il est juste, après de semblables services, que non-seulement ceux qui furent alors sauvés, mais que leurs successeurs, les hommes de notre âge, éprouvent à notre égard une profonde reconnaissance, puisque c'est à nous qu'ils doivent de vivre et de posséder les biens dont ils jouissent; car, si nous n'eussions pas sauvé leurs pères, la possibilité de naître n'eût jamais existé pour eux.
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[35] Τοιούτων οὖν ἁπασῶν τῶν πόλεων γεγενημένων ἔδει μὲν μηδέποτέ σοι μηδὲ πρὸς μίαν αὐτῶν γενέσθαι διαφοράν. Ἀλλὰ γὰρ ἅπαντες πλείω πεφύκαμεν ἐξαμαρτάνειν ἢ κατορθοῦν. Ὥστε τὰ μὲν πρότερον γεγενημένα κοινὰ θεῖναι δίκαιόν ἐστιν, εἰς δὲ τὸν ἐπίλοιπον χρόνον φυλακτέον ὅπως μηδὲν συμβήσεταί σοι τοιοῦτον, καὶ σκεπτέον τί ἂν ἀγαθὸν αὐτὰς ἐργασάμενος φανείης ἄξια καὶ σαυτοῦ καὶ τῶν ἐκείναις πεπραγμένων πεποιηκώς. [36] Ἔχεις δὲ καιρόν· ἀποδιδόντα γάρ σε χάριν ὧν ὤφειλες, ὑπολήψονται διὰ τὸ πλῆθος τοῦ χρόνου τοῦ μεταξὺ προϋπάρχειν τῶν εὐεργεσιῶν. Καλὸν δ' ἐστὶν δοκεῖν μὲν τὰς μεγίστας τῶν πόλεων εὖ ποιεῖν, μηδὲν δ' ἧττον ἑαυτὸν ἢ 'κείνας ὠφελεῖν. [37] Χωρὶς δὲ τούτων εἰ πρός τινας αὐτῶν ἀηδές τί σοι συμβέβηκεν, ἅπαντα ταῦτα διαλύσεις· αἱ γὰρ ἐν τοῖς παροῦσι καιροῖς εὐεργεσίαι λήθην ἐμποιοῦσι τῶν πρότερον ὑμῖν εἰς ἀλλήλους πεπλημμελημένων. Ἀλλὰ μὴν κἀκεῖνο φανερὸν, ὅτι πάντες ἄνθρωποι τούτων πλείστην μνείαν ἔχουσιν ὑφ' ὧν ἂν ἐν ταῖς συμφοραῖς εὖ πάθωσιν. [38] Ὁρᾷς δ' ὡς τεταλαιπώρηνται διὰ τὸν πόλεμον καὶ ὡς παραπλησίως ἔχουσιν τοῖς ἰδίᾳ μαχομένοις. Καὶ γὰρ ἐκείνους αὐξανομένης τῆς ὀργῆς οὐδεὶς ἂν διαλλάξειεν· ἐπὴν δὲ κακῶς ἀλλήλους διαθῶσιν, οὐδενὸς διαλύοντος αὐτοὶ διέστησαν. Ὅπερ οἶμαι καὶ ταύτας ποιήσειν, ἢν μὴ σὺ πρότερον αὐτῶν ἐπιμεληθῇς. [39] Τάχ' οὖν ἄν τις ἐνστῆναι τοῖς εἰρημένοις τολμήσειεν, λέγων ὡς ἐπιχειρῶ σε πείθειν ἀδυνάτοις ἐπιτίθεσθαι πράγμασιν· οὔτε γὰρ Ἀργείους φίλους ἄν ποτε γενέσθαι Λακεδαιμονίοις οὔτε Λακεδαιμονίους Θηβαίοις οὔθ' ὅλως τοὺς εἰθισμένους ἅπαντα τὸν χρόνον πλεονεκτεῖν οὐδέποτ' ἂν ἰσομοιρῆσαι πρὸς ἀλλήλους. [40] Ἐγὼ δ' ὅτε μὲν ἡ πόλις ἡμῶν ἐν τοῖς Ἕλλησιν ἐδυνάστευεν καὶ πάλιν ἡ Λακεδαιμονίων, οὐδὲν ἂν ἡγοῦμαι περανθῆναι τούτων· ῥᾳδίως γὰρ ἂν ἑκατέραν ἐμποδὼν γενέσθαι τοῖς πραττομένοις· νῦν δ' οὐχ ὁμοίως ἔγνωκα περὶ αὐτῶν. Οἶδα γὰρ ἁπάσας ὡμαλισμένας ὑπὸ – τῶν συμφορῶν, ὥσθ' ἡγοῦμαι πολὺ μᾶλλον αὐτὰς αἱρήσεσθαι τὰς ἐκ τῆς ὁμονοίας ὠφελείας ἢ τὰς ἐκ τῶν τότε πραττομένων πλεονεξίας. [41] Ἔπειτα τῶν μὲν ἄλλων ὁμολογῶ μηδέν' ἂν δυνηθῆναι διαλλάξαι τὰς πόλεις ταύτας, σοὶ δ' οὐδὲν τῶν τοιούτων ἐστὶν χαλεπόν. Ὁρῶ γάρ σε τῶν τοῖς ἄλλοις ἀνελπίστων δοκούντων εἶναι καὶ παραδόξων πολλὰ διαπεπραγμένον, ὥστ' οὐδὲν ἄτοπον εἰ καὶ ταῦτα μόνος συστῆσαι δυνηθείης. Χρὴ δὲ τοὺς μέγα φρονοῦντας καὶ τοὺς διαφέροντας μὴ τοῖς τοιούτοις ἐπιχειρεῖν ἃ καὶ τῶν τυχόντων ἄν τις καταπράξειεν, ἀλλ' ἐκείνοις οἷς μηδεὶς ἂν ἄλλος ἐπιχειρήσειε πλὴν τῶν ὁμοίαν σοὶ καὶ τὴν φύσιν καὶ τὴν δύναμιν ἐχόντων. [42] Θαυμάζω δὲ τῶν ἡγουμένων ἀδύνατον εἶναι πραχθῆναί τι τούτων, εἰ μήτ' αὐτοὶ τυγχάνουσιν εἰδότες μήθ' ἑτέρων ἀκηκόασιν ὅτι πολλοὶ δὴ πόλεμοι καὶ δεινοὶ γεγόνασιν, οὓς οἱ διαλυσάμενοι μεγάλων ἀγαθῶν ἀλλήλοις αἴτιοι κατέστησαν. Τίς γὰρ ἂν ὑπερβολὴ γένοιτο τῆς ἔχθρας τῆς πρὸς Ξέρξην τοῖς Ἕλλησι γενομένης; Οὗ τὴν φιλίαν ἅπαντες ἴσασιν ἡμᾶς τε καὶ Λακεδαιμονίους μᾶλλον ἀγαπήσαντας ἢ τῶν συγκατασκευασάντων ἑκατέροις ἡμῶν τὴν ἀρχήν. [43] Καὶ τί δεῖ λέγειν τὰ παλαιὰ καὶ τὰ πρὸς τοὺς βαρβάρους; Ἀλλ' εἴ τις ἀθρήσειε καὶ σκέψαιτο τὰς τῶν Ἑλλήνων συμφορὰς, οὐδὲν ἂν μέρος οὖσαι φανεῖεν τῶν διὰ Θηβαίους καὶ Λακεδαιμονίους ἡμῖν γεγενημένων. Ἀλλ' οὐδὲν ἧττον Λακεδαιμονίων τε στρατευσάντων ἐπὶ Θηβαίους καὶ βουλομένων λυμήνασθαι τὴν Βοιωτίαν καὶ διοικίσαι τὰς πόλεις βοηθήσαντες ἡμεῖς ἐμποδὼν ἐγενόμεθα ταῖς ἐκείνων ἐπιθυμίαις· [44] καὶ πάλιν μεταπεσούσης τῆς τύχης καὶ Θηβαίων καὶ Πελοποννησίων ἁπάντων ἐπιχειρησάντων ἀνάστατον ποιῆσαι τὴν Σπάρτην, ἡμεῖς καὶ πρὸς ἐκείνους μόνοι τῶν Ἑλλήνων ποιησάμενοι συμμαχίαν συναίτιοι τῆς σωτηρίας αὐτοῖς κατέστημεν. [45] Πολλῆς οὖν ἀνοίας ἂν εἴη μεστὸς, εἴ τις ὁρῶν τηλικαύτας μεταβολὰς γιγνομένας καὶ τὰς πόλεις μήτ' ἔχθρας μήθ' ὅρκων μήτ' ἄλλου μηδενὸς φροντιζούσας πλὴν ὅ τι ἂν ὑπολάβωσιν ὠφέλιμον αὑταῖς εἶναι, τοῦτο δὲ στεργούσας μόνον καὶ πᾶσαν τὴν σπουδὴν περὶ τούτου ποιουμένας, μὴ καὶ νῦν νομίζοι τὴν αὐτὴν γνώμην ἕξειν αὐτὰς, ἄλλως τε καὶ σοῦ μὲν ἐπιστατοῦντος ταῖς διαλλαγαῖς, τοῦ δὲ συμφέροντος πείθοντος, τῶν δὲ παρόντων κακῶν ἀναγκαζόντων. Ἐγὼ μὲν γὰρ οἶμαι τούτων σοι συναγωνιζομένων ἅπαντα γενήσεσθαι κατὰ τρόπον. [46] Ἡγοῦμαι δ' οὕτως ἄν σε μάλιστα καταμαθεῖν εἴτ' εἰρηνικῶς εἴτε πολεμικῶς αἱ πόλεις αὗται πρὸς ἀλλήλας ἔχουσιν, εἰ διεξέλθοιμεν μήτε παντάπασιν ἁπλῶς μήτε λίαν ἀκριβῶς τὰ μέγιστα τῶν παρόντων αὐταῖς, 19 καὶ πρῶτον μὲν σκεψαίμεθα τὰ Λακεδαιμονίων. [47] Οὗτοι γὰρ ἄρχοντες τῶν Ἑλλήνων, οὐ πολὺς χρόνος ἐξ οὗ, καὶ κατὰ γῆν καὶ κατὰ θάλατταν, εἰς τοσαύτην μεταβολὴν ἦλθον, ἐπειδὴ τὴν μάχην ἡττήθησαν τὴν ἐν Λεύκτροις, ὥστ' ἀπεστερήθησαν μὲν τῆς ἐν τοῖς Ἕλλησι δυναστείας, τοιούτους δ' ἄνδρας ἀπώλεσαν σφῶν αὐτῶν, οἳ προῃροῦντο τεθνάναι μᾶλλον ἢ ζῆν ἡττηθέντες ὧν πρότερον ἐδέσποζον. [48] Πρὸς δὲ τούτοις ἐπεῖδον Πελοποννησίους ἅπαντας τοὺς πρότερον μεθ' αὑτῶν ἐπὶ τοὺς ἄλλους ἀκολουθοῦντας, τούτους μετὰ Θηβαίων εἰς τὴν αὑτῶν εἰσβαλόντας, πρὸς οὓς ἠναγκάσθησαν διακινδυνεύειν οὐκ ἐν τῇ χώρᾳ περὶ τῶν καρπῶν, ἀλλ' ἐν μέση τῇ πόλει πρὸς αὐτοῖς τοῖς ἀρχείοις περὶ παίδων καὶ γυναικῶν τοιοῦτον κίνδυνον, ὃν μὴ κατορθώσαντες μὲν εὐθὺς ἀπώλλυντο, [49] νικήσαντες δ' οὐδὲν μᾶλλον ἀπηλλαγμένοι τῶν κακῶν εἰσιν, ἀλλὰ πολεμοῦνται μὲν ὑπὸ τῶν τὴν χώραν αὐτῶν περιοικούντων, ἀπιστοῦνται δ' ὑφ' ἁπάντων Πελοποννησίων, μισοῦνται δ' ὑπὸ τοῦ πλήθους τῶν Ἑλλήνων, ἄγονται δὲ καὶ φέρονται καὶ τῆς νυκτὸς καὶ τῆς ἡμέρας ὑπὸ τῶν οἰκετῶν τῶν σφετέρων αὐτῶν, οὐδεμίαν δ' ἡμέραν διαλείπουσιν ἢ στρατεύοντες ἐπί τινας ἢ μαχόμενοι πρός τινας ἢ βοηθοῦντες τοῖς ἀπολλυμένοις αὑτῶν. [50] Τὸ δὲ μέγιστον τῶν κακῶν· δεδιότες γὰρ διατελοῦσιν μὴ Θηβαῖοι διαλυσάμενοι τὰ πρὸς Φωκέας πάλιν ἐπανελθόντες μείζοσιν αὐτοὺς συμφοραῖς περιβάλωσιν τῶν πρότερον γεγενημένων. Καίτοι πῶς οὐ χρὴ νομίζειν τοὺς οὕτω διακειμένους ἀσμένους ἂν ἰδεῖν ἐπιστατοῦντα τῆς εἰρήνης ἀξιόχρεων ἄνδρα καὶ δυνάμενον διαλῦσαι τοὺς ἐνεστῶτας πολέμους αὐτοῖς; |
13. [35]
La conduite de ces villes ayant été telle que nous l'avons exposé,
vous n'auriez jamais dû entrer en dissentiment avec aucune d'elles ;
mais nous sommes tous plus portés à négliger nos devoirs qu'à les
remplir. Vous devez donc, rejetant les erreurs du passé sur la
fragilité commune, prendre garde qu'à l'avenir rien de semblable ne
vous arrive, et chercher par quel service vous prouverez à ces
villes que vous agissez à leur égard d'une manière digne à la fois
de vous et de ce qu'elles ont fait. [36]
L'occasion est favorable ; car, si vous acquittez envers elles la
dette de la reconnaissance, elles croiront, à cause du temps qui
s'est écoulé, que vous les avez prévenues par vos bienfaits. Or, il
est beau de vous montrer le bienfaiteur des villes les plus
puissantes, et de satisfaire 14. [39] Peut-être quelqu'un, s'élevant contre ma proposition, osera dire que j'entreprends de vous conseiller une œuvre impossible ; que jamais les Argiens ne deviendront les amis des Lacédémoniens, ni les Lacédémoniens les amis des Thébains, et qu'en général des peuples accoutumés dans tous les temps à satisfaire leur ambition ne consentiront jamais à établir entre eux des rapports d'égalité. 15. [40] Pour moi, je pense qu'à l'époque où notre ville, était à la tête de la Grèce, comme sous la domination de Sparte, il eût été impossible de rien obtenir de semblable, parce que chacune des deux cités serait devenue facilement un obstacle à cette tentative ; mais aujourd'hui je suis d'un autre sentiment. J'ai la conviction que, nivelées en quelque sorte par le malheur, elles préféreront les bienfaits de la concorde aux avantages injustes de leur ancienne politique. 16. [41] Nul autre que vous, je le reconnais, ne pourrait réconcilier ces villes entre elles, mais, pour vous, il vous est facile d'y parvenir. Déjà vous avez triomphé dans un grand nombre d'entreprises, qui, au jugement de tous, paraissaient désespérées, et, pour ainsi dire, impossibles; de sorte qu'il ne serait pas extraordinaire que, seul, vous pussiez réussir dans celle que je vous propose. Les hommes qui ont l'âme élevée et qui sont supérieurs au vulgaire ne doivent pas entreprendre des choses que tout le monde peut exécuter, mais ils doivent mettre leur ambition à faire ce que personne n'oserait tenter, à moins de vous égaler en génie et en puissance. 17. [42] Je m'étonne que ceux qui ne voient rien de possible dans mon projet ne sachent pas ou n'aient pas entendu dire qu'il y a eu des guerres nombreuses et terribles, à la suite desquelles les peuples réconciliés sont devenus les uns pour les autres la cause des plus grandes prospérités Quelle haine a surpassé la haine des Grecs contre Xerxès? Et pourtant personne n'ignore que nous et les Lacédémoniens nous avons attaché plus de prix à son amitié qu'à celle des peuples qui nous avaient aidés à fonder notre puissance. [43] Mais qu'est-il besoin de rappeler les faits anciens et ceux qui se rapportent aux Barbares? Si l'on voulait examiner avec attention les malheurs qui ont frappé les Grecs, on trouverait que ces malheurs ne sont rien auprès des calamités que nous ont fait éprouver les Thébains et les Lacédémoniens. Néanmoins, quand les Lacédémoniens ont attaqué Thèbes, quand ils ont voulu saccager la Béotie et disperser les habitants de ses villes, nous avons secouru les Thébains et arrêté l'ambition de Sparte ; [44] lorsqu' ensuite, la fortune ayant changé, les Thébains, et avec eux tous les peuples du Péloponnèse, ont entrepris de détruire Sparte, nous seuls, entre tous les Grecs, nous avons fait alliance avec les Lacédémoniens, et nous les avons sauvés.[45] Il y aurait de la folie en présence de tels changements, lorsqu'on voit les villes de la Grèce ne tenir aucun compte ni des haines ni des serments, n'apprécier que ce qu'elles supposent leur être volatile, s'y attacher uniquement et mettre tout leur zèle à le réaliser; il y aurait folie, disons-nous, à ne pas croire qu'elles seront dans les mêmes dispositions, lorsque surtout vous vous placerez à la tête de leur réconciliation, que 279 le sentiment de l'utilité agira pour les persuader, et que le malheur de leur situation leur en fera une nécessité. Quant à moi, je suis convaincu qu'à l'aide d'un tel concours de circonstances, tout réussira selon vos vœux. 18. [46] Je crois que vous reconnaîtrez surtout si les dispositions de ces villes les unes à l'égard des autres sont hostiles ou pacifiques, si nous examinons d'une manière qui ne soit ni trop succincte ni trop détaillée les principales circonstances de leur situation. 19. Et d'abord, considérons ce qui touche aux Lacédémoniens [47] Il n'y a pas encore longtemps qu'ils commandaient aux Grecs sur terre et sur mer ; mais ils ont éprouvé un tel revers de fortune, à la suite du désastre qui les a frappés à Leuctres, qu'ils ont été dépouillés de l'empire de la Grèce, et qu'ils ont vu tomber tous les hommes qui, parmi eux, préféraient mourir plutôt que de vivre vaincus par ceux dont ils avaient été les maîtres. [48] D'un autre côté, ils voyaient tous les Péloponnésiens qui, autrefois, les accompagnaient dans leurs guerres contre les autres peuples, marcher avec les Thébains pour envahir le territoire de Sparte, et ils ont dû combattre, non en rase campagne pour défendre leurs moissons, mais dans l'enceinte même de leur ville, et devant les palais des magistrats, pour sauver leurs enfants et leurs femmes en s'exposant à un danger tel que, vaincus, ils périssaient à l'instant, [49] vainqueurs, ils n'étaient pas délivrés des maux qui les accablaient. Constamment en guerre avec leurs voisins, en butte aux soupçons de tous les Péloponnésiens, haïs par le plus grand nombre des Grecs, pillés et saccagés nuit et jour par leurs 281 propres esclaves, ils ne passent pas un instant sans avoir une expédition à faire, une attaque à repousser, ou des secours à porter à leurs concitoyens qui périssent. [50] Pour comble de malheur, ils vivent dans une crainte continuelle que les Thébains, terminant leurs différends avec la Phocide, ne reviennent les accabler de calamités plus grandes que celles qu'ils ont déjà éprouvées. Comment croire que des peuples, placés dans cette situation, ne verront pas avec joie un homme d'une grande autorité, un homme qui peut les délivrer des guerres qui les pressent, se porter comme arbitre de la paix? |
[51] Ἀργείους τοίνυν ἴδοις ἂν τὰ μὲν παραπλησίως τοῖς εἰρημένοις πράττοντας, τὰ δὲ χεῖρον τούτων ἔχοντας· πολεμοῦσιν μὲν γὰρ, ἐξ οὗπερ τὴν πόλιν οἰκοῦσιν, πρὸς τοὺς ὁμόρους, ὥσπερ Λακεδαιμόνιοι, τοσοῦτον δὲ διαφέρουσιν ὅσον ἐκεῖνοι μὲν πρὸς ἥττους αὑτῶν, οὗτοι δὲ πρὸς κρείττους· ὃ πάντες ἂν ὁμολογήσειαν μέγιστον εἶναι τῶν κακῶν. Οὕτω δὲ τὰ περὶ τὸν πόλεμον ἀτυχοῦσιν, ὥστ' ὀλίγου δεῖν καθ' ἕκαστον τὸν ἐνιαυτὸν τεμνομένην καὶ πορθουμένην τὴν αὑτῶν χώραν περιορῶσιν. [52] Ὃ δὲ πάντων δεινότατον· ὅταν γὰρ οἱ πολέμιοι διαλίπωσιν κακῶς αὐτοὺς ποιοῦντες, αὐτοὶ τοὺς ἐνδοξοτάτους καὶ πλουσιωτάτους τῶν πολιτῶν ἀπολλύουσιν, καὶ ταῦτα δρῶντες οὕτω χαίρουσιν ὡς οὐδένες ἄλλοι τοὺς πολεμίους ἀποκτείνοντες. Αἴτιον δ' ἐστὶ τοῦ ταραχωδῶς αὐτοὺς ζῆν οὕτως οὐδὲν ἄλλο πλὴν ὁ πόλεμος· ὃν ἢν διαλύσῃς, οὐ μόνον αὐτοὺς τούτων ἀπαλλάξεις, ἀλλὰ καὶ περὶ τῶν ἄλλων ἄμεινον βουλεύεσθαι ποιήσεις. [53] Ἀλλὰ μὴν τὰ περὶ Θηβαίους οὐδὲ σὲ λέληθεν. Καλλίστην γὰρ μάχην νικήσαντες καὶ δόξαν ἐξ αὐτῆς μεγίστην λαβόντες, διὰ τὸ μὴ καλῶς χρῆσθαι ταῖς εὐτυχίαις οὐδὲν βέλτιον πράττουσιν τῶν ἡττηθέντων καὶ δυστυχησάντων. Οὐ γὰρ ἔφθασαν τῶν ἐχθρῶν κρατήσαντες, καὶ πάντων ἀμελήσαντες ἠνώχλουν μὲν ταῖς πόλεσι ταῖς ἐν Πελοποννήσῳ, Θετταλίαν δ' ἐτόλμων καταδουλοῦσθαι, Μεγαρεῦσι δ' ὁμόροις οὖσιν ἠπείλουν, τὴν δ' ἡμετέραν πόλιν μέρος τι τῆς χῶρας ἀπεστέρουν, Εὔβοιαν δ' ἐπόρθουν, εἰς Βυζάντιον δὲ τριήρεις ἐξέπεμπον, ὡς καὶ γῆς καὶ θαλάττης ἄρξοντες. [54] Τελευτῶντες δὲ πρὸς Φωκέας πόλεμον ἐξήνεγκαν ὡς τῶν τε πόλεων ἐν ὀλίγῳ χρόνῳ κρατήσοντες, τόν τε τόπον ἅπαντα τὸν περιέχοντα κατασχήσοντες, τῶν τε χρημάτων τῶν ἐν Δελφοῖς περιγενησόμενοι ταῖς ἐκ τῶν ἰδίων δαπάναις. Ὧν οὐδὲν αὐτοῖς ἀποβέβηκεν, ἀλλ' ἀντὶ μὲν τοῦ λαβεῖν τὰς Φωκέων πόλεις τὰς αὑτῶν ἀπολωλέκασιν, εἰσβάλλοντες δ' εἰς τὴν τῶν πολεμίων ἐλάττω κακὰ ποιοῦσιν ἐκείνους ἢ πάσχουσιν ἀπιόντες εἰς τὴν αὑτῶν· [55] ἐν μὲν γὰρ τῇ Φωκίδι τῶν μισθοφόρων τινὰς ἀποκτείνουσιν οἷς λυσιτελεῖ τεθνάναι μᾶλλον ἢ ζῆν, ἀναχωροῦντες δὲ τοὺς ἐνδοξοτάτους αὑτῶν καὶ μάλιστα τολμῶντας ὑπὲρ τῆς πατρίδος ἀποθνῄσκειν ἀπολλύουσιν. Εἰς τοῦτο δ' αὐτῶν τὰ πράγματα περιέστηκεν, ὥστ' ἐλπίσαντες ἅπαντας τοὺς Ἕλληνας ὑφ' αὑτοῖς ἔσεσθαι νῦν ἐν σοὶ τὰς ἐλπίδας ἔχουσι τῆς αὑτῶν σωτηρίας. Ὥστ' οἶμαι καὶ τούτους ταχέως ποιήσειν ὅ τι ἂν σὺ κελεύῃς καὶ συμβουλεύῃς. [56] Λοιπὸν δ' ἂν ἦν ἡμῖν ἔτι περὶ τῆς πόλεως διαλεχθῆναι τῆς ἡμετέρας, εἰ μὴ προτέρα τῶν ἄλλων εὖ φρονήσασα τὴν εἰρήνην ἐπεποίητο. Νῦν δ' αὐτὴν οἶμαι καὶ συναγωνιεῖσθαι τοῖς ὑπὸ σοῦ πραττομένοις, ἄλλως τε κἂν δυνηθῇ συνιδεῖν ὅτι ταῦτα διοικεῖς πρὸ τῆς ἐπὶ τὸν βάρβαρον στρατείας. [57] Ὡς μὲν οὖν οὐκ ἀδύνατόν ἐστί σοι συστῆσαι τὰς πόλεις ταύτας, ἐκ τῶν εἰρημένων ἡγοῦμαί σοι γεγενῆσθαι φανερόν· ἔτι τοίνυν ὡς καὶ ῥᾳδίως ταῦτα πράξεις, ἐκ πολλῶν παραδειγμάτων οἶμαί σε γνῶναι ποιήσειν. Ἢν γὰρ φανῶσιν ἕτεροί τινες τῶν προγεγενημένων μὴ καλλίοσι –῎μὲν μηδ' ὁσιωτέροις ὧν ἡμεῖς συμβεβουλεύκαμεν ἐπιχειρήσαντες, μείζω δὲ καὶ δυσκολώτερα τούτων ἐπιτελέσαντες, τί λοιπὸν ἔσται τοῖς ἀντιλέγουσιν ὡς οὐ θᾶττον σὺ τὰ ῥᾴω πράξεις ἢ 'κεῖνοι τὰ χαλεπώτερα; [58] Σκέψαι δὲ πρῶτον τὰ περὶ Ἀλκιβιάδην. Ἐκεῖνος γὰρ φυγὼν παρ' ἡμῶν καὶ τοὺς ἄλλους ὁρῶν τοὺς πρὸ αὑτοῦ ταύτῃ τῇ συμφορᾷ κεχρημένους ἐπτηχότας διὰ τὸ μέγεθος τὸ τῆς πόλεως, οὐ τὴν αὐτὴν γνώμην ἔσχεν ἐκείνοις, ἀλλ' οἰηθεὶς πειρατέον εἶναι βίᾳ κατελθεῖν προείλετο πολεμεῖν πρὸς αὐτήν. [59] Καθ' ἕκαστον μὲν οὖν τῶν τότε γενομένων εἴ τις λέγειν ἐπιχειρήσειεν, οὔτ' ἂν διελθεῖν ἀκριβῶς δύναιτο, πρός τε τὸ παρὸν ἴσως ἂν ἐνοχλήσειεν· εἰς τοσαύτην δὲ ταραχὴν κατέστησεν οὐ μόνον τὴν πόλιν, ἀλλὰ καὶ Λακεδαιμονίους καὶ τοὺς ἄλλους Ἕλληνας, ὥσθ' ἡμᾶς μὲν παθεῖν ἃ πάντες ἴσασιν, τοὺς δ' ἄλλους τηλικούτοις κακοῖς περιπεσεῖν [60] ὥστε μηδέπω νῦν ἐξιτήλους εἶναι τὰς συμφορὰς τὰς δι' ἐκεῖνον τὸν πόλεμον ἐν ταῖς πόλεσιν ἐγγεγενημένας, Λακεδαιμονίους δὲ τοὺς τότε δόξαντας εὐτυχεῖν εἰς τὰς νῦν ἀτυχίας δι' Ἀλκιβιάδην καθεστάναι· [61] πεισθέντες γὰρ ὑπ' αὐτοῦ τῆς κατὰ θάλατταν δυνάμεως ἐπιθυμῆσαι, καὶ τὴν κατὰ γῆν ἡγεμονίαν ἀπώλεσαν, ὥστ' εἴ τις φαίη τότε τὴν ἀρχὴν αὐτοῖς γίγνεσθαι τῶν παρόντων κακῶν ὅτε τὴν ἀρχὴν τῆς θαλάττης ἐλάμβανον, οὐκ ἂν ἐξελεγχθείη ψευδόμενος. Ἐκεῖνος μὲν οὖν τηλικούτων κακῶν αἴτιος γενόμενος κατῆλθεν εἰς τὴν πόλιν, μεγάλης μὲν δόξης τυχὼν, οὐ μὴν ἐπαινούμενος ὑφ' ἁπάντων. Κόνων δ' οὐ πολλοῖς ἔτεσιν ὕστερον ἀντίστροφα τούτων ἔπραξεν. [62] Ἀτυχήσας γὰρ ἐν τῇ ναυμαχίᾳ τῇ περὶ Ἑλλήσποντον οὐ δι' αὐτὸν ἀλλὰ διὰ τοὺς συνάρχοντας οἴκαδε μὲν ἀφικέσθαι κατῃσχύνθη, πλεύσας δ' εἰς Κύπρον χρόνον μέν τινα περὶ τὴν τῶν ἰδίων ἐπιμέλειαν διέτριβεν, αἰσθόμενος δ' Ἀγησίλαον μετὰ πολλῆς δυνάμεως εἰς τὴν Ἀσίαν διαβεβηκότα καὶ πορθοῦντα τὴν χώραν οὕτω μεγ' ἐφρόνησεν, [63] ὥστ' ἀφορμὴν οὐδεμίαν ἄλλην ἔχων πλὴν τὸ σῶμα καὶ τὴν διάνοιαν ἤλπισεν Λακεδαιμονίους καταπολεμήσειν ἄρχοντας τῶν Ἑλλήνων καὶ κατὰ γῆν καὶ κατὰ θάλατταν, καὶ ταῦτα πέμπων ὡς τοὺς βασιλέως στρατηγοὺς ὑπισχνεῖτο ποιήσειν. Καὶ τί δεῖ τὰ πλείω λέγειν; Συστάντος γὰρ αὐτῷ ναυτικοῦ περὶ Ῥόδον καὶ νικήσας τῇ ναυμαχίᾳ Λακεδαιμονίους μὲν ἐξέβαλεν ἐκ τῆς ἀρχῆς, [64] τοὺς δ' Ἕλληνας ἠλευθέρωσεν, οὐ μόνον δὲ τὰ τείχη τῆς πατρίδος ἀνώρθωσεν, ἀλλὰ καὶ τὴν πόλιν εἰς τὴν αὐτὴν δόξαν προήγαγεν ἐξ ἧσπερ ἐξέπεσεν. Καίτοι τίς ἂν προσεδόκησεν ὑπ' ἀνδρὸς οὕτω ταπεινῶς πράξαντος ἀναστραφήσεσθαι τὰ τῆς Ἑλλάδος πράγματα καὶ τὰς μὲν ἀτιμωθήσεσθαι, τὰς δ' ἐπιπολάσειν τῶν Ἑλληνίδων πόλεων; [65] Διονύσιος τοίνυν βούλομαι γὰρ ἐκ πολλῶν σε πεισθῆναι ῥᾳδίαν εἶναι τὴν πρᾶξιν ἐφ' ἥν σε τυγχάνω παρακαλῶν πολλοστὸς ὢν Συρακοσίων καὶ τῷ γένει καὶ τῇ δόξῃ καὶ τοῖς ἄλλοις ἅπασιν, ἐπιθυμήσας μοναρχίας ἀλόγως καὶ μανικῶς καὶ τολμήσας ἅπαντα πράττειν τὰ φέροντα πρὸς τὴν δύναμιν ταύτην, κατέσχε μὲν Συρακούσας, ἁπάσας δὲ τὰς ἐν Σικελίᾳ πόλεις, ὅσαι περ ἦσαν Ἑλληνίδες, κατεστρέψατο, τηλικαύτην δὲ δύναμιν περιεβάλετο καὶ πεζὴν καὶ ναυτικὴν ὅσην οὐδεὶς ἀνὴρ τῶν πρὸ ἐκείνου γενομένων. [66] Ἔτι τοίνυν Κῦρος, ἵνα μνησθῶμεν καὶ περὶ τῶν βαρβάρων, ἐκτεθεὶς μὲν ὑπὸ τῆς μητρὸς εἰς τὴν ὁδὸν, ἀναιρεθεὶς δ' ὑπὸ Περσίδος γυναικός, εἰς τοσαύτην ἦλθεν μεταβολὴν ὥσθ' ἁπάσης τῆς Ἀσίας γενέσθαι δεσπότης. [67] Ὅπου δ' Ἀλκιβιάδης μὲν φυγὰς ὢν, Κόνων δὲ δεδυστυχηκὼς, Διονύσιος δ' οὐκ ἔνδοξος ὢν, Κῦρος δ' οὕτως οἰκτρᾶς αὐτῷ τῆς ἐξ ἀρχῆς γενέσεως ὑπαρξάσης, εἰς τοσοῦτον προῆλθον καὶ τηλικαῦτα διεπράξαντο, πῶς οὐ σέ γε χρὴ προσδοκᾶν, τὸν ἐκ τοιούτων μὲν γεγονότα, Μακεδονίας δὲ βασιλεύοντα, τοσούτων δὲ κύριον ὄντα, ῥᾳδίως τὰ προειρημένα συστήσειν; [68] Σκέψαι δ' ὡς ἄξιόν ἐστιν τοῖς τοιούτοις τῶν ἔργων μάλιστ' ἐπιχειρεῖν, ἐν οἷς κατορθώσας μὲν ἐνάμιλλον τὴν σαυτοῦ δόξαν καταστήσεις τοῖς πρωτεύσασιν, διαμαρτὼν δὲ τῆς προσδοκίας ἀλλ' οὖν τήν γ' εὔνοιαν κτήσει τὴν παρὰ τῶν Ἑλλήνων, ἣν πόλυ κάλλιόν ἐστιν λαβεῖν ἢ πολλὰς πόλεις τῶν Ἑλληνίδων κατὰ κράτος ἑλεῖν· τὰ μὲν γὰρ τοιαῦτα τῶν ἔργων φθόνον ἔχει καὶ δυσμένειαν καὶ πολλὰς βλασφημίας, οἷς δ' ἡμεῖς συμβεβουλεύκαμεν οὐδὲν πρόσεστι τούτων. Ἀλλ' εἴ τις θεῶν αἵρεσίν σοι δοίη, μετὰ ποίας ἂν ἐπιμελείας καὶ διατριβῆς εὔξαιο τὸν βίον διαγαγεῖν, οὐδεμίαν ἕλοι' ἂν, εἴπερ ἐμοὶ συμβούλῳ χρῷο, μᾶλλον ἢ ταύτην. [69] Οὐ γὰρ μόνον ὑπὸ τῶν ἄλλων ἔσει ζηλωτὸς, ἀλλὰ καὶ σαυτὸν μακαριεῖς. Τίς γὰρ ἂν ὑπερβολὴ γένοιτο τῆς τοιαύτης εὐδαιμονίας, ὅταν πρέσβεις μὲν ἥκωσιν ἐκ τῶν μεγίστων πόλεων οἱ μάλιστ' εὐδοκιμοῦντες εἰς τὴν σὴν δυναστείαν, μετὰ δὲ τούτων βουλεύῃ περὶ τῆς κοινῆς σωτηρίας, περὶ ἧς οὐδεὶς ἄλλος φανήσεται τοιαύτην πρόνοιαν πεποιημένος, [70] αἰσθάνῃ δὲ τὴν Ἑλλάδα πᾶσαν ὀρθὴν οὖσαν ἐφ' οἷς σὺ τυγχάνεις εἰσηγούμενος, μηδεὶς δ' ὀλιγώρως ἔχῃ τῶν παρὰ σοὶ βραβευομένων, ἀλλ' οἱ μὲν πυνθάνωνται περὶ αὐτῶν ἐν οἷς ἐστὶν, οἱ δ' εὔχωνταί σε μὴ διαμαρτεῖν ὧν ἐπεθυμήσας, οἱ δὲ δεδίωσιν μὴ πρότερόν τι πάθῃς πρὶν τέλος ἐπιθεῖναι τοῖς πραττομένοις; [71] Ὧν γιγνομένων πῶς οὐκ ἂν εἰκότως μέγα φρονοίης; πῶς δ' οὐκ ἂν περιχαρὴς ὢν τὸν βίον διατελοίης, τηλικούτων εἰδὼς σαυτὸν πραγμάτων ἐπιστάτην γεγενημένον; Τίς δ' οὐκ ἂν τῶν καὶ μετρίως λογιζομένων ταύτας ἄν σοι παραινέσειεν μάλιστα προαιρεῖσθαι τῶν πράξεων τὰς ἀμφότερα φέρειν ἅμα δυναμένας ὥσπερ καρποὺς, ἡδονάς θ' ὑπερβαλλούσας καὶ τιμὰς ἀνεξαλείπτους. [72] Ἀπέχρη δ' ἄν μοι τὰ προειρημένα περὶ τούτων, εἰ μὴ παραλελοιπὼς ἦν τινα λόγον οὐκ ἀμνημονήσας ἀλλ' ὀκνήσας εἰπεῖν, ὃν ἤδη μοι δοκῶ δηλώσειν· οἶμαι γὰρ σοί τε συμφέρειν ἀκοῦσαι περὶ αὐτῶν ἐμοί τε προσήκειν μετὰ παρρησίας, ὥσπερ εἴθισμαι, ποιεῖσθαι τοὺς λόγους. [73] Αἰσθάνομαι γάρ σε διαβαλλόμενον ὑπὸ τῶν σοὶ μὲν φθονούντων, τὰς δὲ πόλεις τὰς αὑτῶν εἰθισμένων εἰς ταραχὰς καθιστάναι, καὶ τὴν εἰρήνην τὴν τοῖς ἄλλοις κοινὴν πόλεμον τοῖς αὑτῶν ἰδίοις εἶναι νομιζόντων, οἳ πάντων τῶν ἄλλων ἀμελήσαντες περὶ τῆς σῆς δυνάμεως λέγουσιν ὡς οὐχ ὑπὲρ τῆς Ἑλλάδος ἀλλ' ἐπὶ ταύτην αὐξάνεται, καὶ σὺ πολὺν χρόνον ἤδη πᾶσιν ἡμῖν ἐπιβουλεύεις, [74] καὶ λόγῳ μὲν μέλλεις Μεσσηνίοις βοηθεῖν ἐὰν τὰ περὶ Φωκέας διοικήσῃς, ἔργῳ δ' ὑπὸ σαυτῷ ποιεῖσθαι Πελοπόννησον· ὑπάρχουσι δέ σοι Θετταλοὶ μὲν καὶ Θηβαῖοι καὶ πάντες οἱ τῆς Ἀμφικτυονίας μετέχοντες ἕτοιμοι συνακολουθεῖν, Ἀργεῖοι δὲ καὶ Μεσσήνιοι καὶ Μεγαλοπολῖται καὶ τῶν ἄλλων πολλοὶ συμπολεμεῖν καὶ ποιεῖν ἀναστάτους Λακεδαιμονίους· ἢν δὲ ταῦτα πράξῃς, ὡς καὶ τῶν ἄλλων Ἑλλήνων ῥᾳδίως κρατήσεις. [75] Ταῦτα φλυαροῦντες καὶ φάσκοντες ἀκριβῶς εἰδέναι καὶ ταχέως ἅπαντα τῷ λόγῳ καταστρεφόμενοι, πολλοὺς πείθουσιν καὶ μάλιστα μὲν τοὺς τῶν αὐτῶν κακῶν ἐπιθυμοῦντας ὧνπερ οἱ λογοποιοῦντες, ἔπειτα καὶ τοὺς οὐδενὶ λογισμῷ χρωμένους ὑπὲρ τῶν κοινῶν ἀλλὰ παντάπασιν ἀναισθήτως διακειμένους καὶ πολλὴν χάριν ἔχοντας τοῖς ὑπὲρ αὐτῶν φοβεῖσθαι καὶ δεδιέναι προσποιουμένοις, ἔτι δὲ τοὺς οὐκ ἀποδοκιμάζοντας τὸ δοκεῖν ἐπιβουλεύειν σε τοῖς Ἕλλησιν ἀλλὰ τὴν αἰτίαν ταύτην ἀξίαν ἐπιθυμίας εἶναι νομίζοντας· [76] οἳ τοσοῦτον ἀφεστᾶσι τοῦ νοῦν ἔχειν, ὥστ' οὐκ ἴσασιν ὅτι τοῖς αὐτοῖς ἄν τις λόγοις χρώμενος τοὺς μὲν βλάψειεν, τοὺς δ' ὠφελήσειεν. Οἷον καὶ νῦν, εἰ μέν τις φαίη τὸν τῆς Ἀσίας βασιλέα τοῖς Ἕλλησιν ἐπιβουλεύειν καὶ παρεσκευάσθαι στρατεύειν ἐφ' ἡμᾶς, οὐδὲν ἂν λέγοι περὶ αὐτοῦ φλαῦρον, ἀλλ' ἀνδρωδέστερον αὐτὸν καὶ πλείονος ἄξιον δοκεῖν εἶναι ποιήσειεν· εἰ δὲ τῶν ἀφ' Ἡρακλέους τινὶ πεφυκότων, ὃς ἁπάσης κατέστη τῆς Ἑλλάδος εὐεργέτης, ἐπιφέροι τὴν αἰτίαν ταύτην, εἰς τὴν μεγίστην αἰσχύνην ἂν αὐτὸν καταστήσειεν. [77] Τίς γὰρ οὐκ ἂν ἀγανακτήσειε καὶ μισήσειεν, εἰ φαίνοιτο τούτοις ἐπιβουλεύων ὑπὲρ ὧν ὁ πρόγονος αὐτοῦ προείλετο κινδυνεύειν, καὶ τὴν μὲν εὔνοιαν, ἣν ἐκεῖνος κατέλιπεν τοῖς ἐξ αὑτοῦ γεγενημένοις, μὴ πειρῷτο διαφυλάττειν, ἀμελήσας δὲ τούτων ἐπονειδίστων ἐπιθυμοίη καὶ πονηρῶν πραγμάτων; |
20. [51] Quant aux Argiens, vous trouveriez que, sous certains rapports, leur position est la même que celle des peuples dont nous avons parlé et que sous d'autres elle est plus funeste encore ; car, depuis qu'ils habitent leur ville, ils sont, comme les Lacédémoniens, en guerre avec leurs voisins ; mais avec cette différence que les Lacédémoniens ont à lutter contre des ennemis plus faibles qu'eux, les Argiens contre des ennemis plus forts ; ce qui, au jugement de tous les hommes, est la plus grande de toutes les calamités. Ils sont d'ailleurs si mal servis par la fortune, en ce qui concerne la guerre, qu'ils voient tous les ans, pour ainsi dire, leur territoire saccagé et dévasté sous leurs yeux. [52] Enfin, et c'est ce qu'il y a de plus déplorable, leurs ennemis cessent à peine de leur nuire, qu'ils font eux-mêmes périr leurs citoyens les plus nobles et les plus riches, et, en commettant ces actes, ils éprouvent autant de joie que l'on en ressent chez les autres peuples en détruisant ses ennemis. La cause du désordre dans lequel ils vivent n'est autre que la guerre, et, si vous la faites cesser, non-seulement vous les délivrerez des maux qu'ils souffrent, mais vous lés amènerez à suivre de plus utiles conseils pour l'avenir.
21. [53] La situation des Thébains
ne vous
a point échappé.
Après avoir remporté la plus mémorable victoire, et
après avoir conquis la plus noble renommée, comme ils
ont abusé des faveurs de la fortune, ils ne se trouvent
pas aujourd'hui dans une position meilleure que ceux
qui ont été vaincus et accablés par le malheur. A peine
avaient-ils triomphé de leurs ennemis, que, se mettant
au-dessus de toutes les considérations, ils inquiétèrent
les villes du Péloponnèse, poussèrent l'audace jusqu'à
subjuguer la Thessalie, menacèrent les Mégariens qui
ont avec eux des frontières communes, enlevèrent à
notre ville une partie de son territoire, dévastèrent l'Eubée, et dirigèrent des vaisseaux sur Byzance,
comme s'ils devaient commander sur la mer aussi bien
que sur la terre. [54] Enfin, ils portèrent la guerre chez les
Phocéens, dans la pensée qu'ils s'empareraient, en peu
de temps, de leur ville, qu'ils se rendraient maîtres de
tout le territoire environnant, et qu'ils l'emporteraient,
avec leurs modiques ressources, sur les trésors conservés
à Delphes. Mais rien de ce qu'ils espéraient ne s'est
réalisé : au lieu de conquérir les villes de la Phocide,
ils ont perdu les leurs ; et, par l'envahissement du territoire
de leurs ennemis, ils leur font éprouver moins
de mal qu'ils n'en éprouvent eux-mêmes lorsqu'ils
reviennent dans leur pays; [55] car, s'ils détruisent dans la
Phocide quelques soldats mercenaires, pour qui la mort 285 22. [56] Il me resterait encore à parler de notre ville, si, la première, dans une pensée de sage politique, elle n'avait fait la paix. J'ai donc la conviction qu'elle secondera vos efforts, si, surtout, elle peut reconnaître qu'ils sont comme le prélude d'une expédition contre le Barbare. 23. [57] Ce que j'ai dit me semble suffire pour rendre évident à vos yeux qu'il ne vous est pas impossible de rétablir la concorde entre les grandes villes de la Grèce ; je crois maintenant pouvoir vous montrer, par beaucoup d'exemples, que vous atteindrez facilement ce but. Si, parmi les hommes d'Etat qui vous ont précédés, on en voit dont les entreprises n'étaient ni plus belles ni plus saintes que celle que je vous conseille, et s'ils ont surmonté des obstacles plus grands, plus difficiles à vaincre que ceux qui vous attendent, que reste-t-il à mes contradicteurs, sinon de dire que vous n'exécuterez pas des choses plus faciles avec plus de rapidité que ces hommes n'en ont mis pour accomplir des choses plus difficiles. 24. [58] Examinez d'abord la conduite d'Alcibiade. Exilé par nous, et voyant les hommes que la même infortune avait atteints avant lui considérer avec effroi la puissance de notre ville, il n'éprouva pas le même sentiment; et, croyant qu'il devait rentrer dans sa patrie par la force, il résolut de lui faire la guerre. [59] Si l'on voulait rappeler en détail l'histoire de ce temps, il serait impossible de le faire avec exactitude, et il serait peut-être inopportun de le faire dans l'état actuel des choses. Il suffit de dire qu'Alcibiade jeta non-seulement notre ville, mais les Lacédémoniens et la Grèce entière, dans un désordre si grand que nous avons souffert des maux connus de tout l'univers; [60] que les autres Grecs sont tombés dans de telles calamités que la trace 287 des malheurs qui ont frappé leurs villes n'est point encore effacée, et que les Lacédémoniens, qui paraissaient alors au comble de la prospérité, ont été précipités, par ce même Alcibiade, dans la situation déplorable où nous les voyons maintenant. [61] Persuadés par ses conseils, ils aspirèrent à la suprématie sur la mer, et ils perdirent même le commandement sur la terre, de sorte que, si quelqu'un faisait remonter l'origine de leurs malheurs présents au temps où ils se sont emparés de la suprématie sur la mer, personne ne pourrait le convaincre d'erreur. Alcibiade, après avoir été la cause de ces immenses bouleversements, rentra dans sa patrie environné d'une brillante renommée, mais il n'avait pas obtenu l'approbation universelle. 25. Conon, quelques années après, fit des choses de la même nature, mais en obéissant à d'autres sentiments. [62] Vaincu, non par sa faute, mais parcelle de ses collègues, dans un combat naval livré près de l'Hellespont, il eut honte de reparaître dans sa patrie. Il fit voile vers l'île de Cypre, et, après quelque temps donné au soin de ses affaires, sachant qu'Agésilas était passé en Asie avec des forces considérables, et qu'il ravageait le pays, [63] il se sentit l'âme assez grande, n'ayant d'appui que son courage, de secours que son génie, pour concevoir l'espérance de vaincre les Lacédémoniens, qui alors commandaient aux Grecs sur terre et sur mer. Il envoya vers les généraux du Roi, leur communiqua son dessein et leur garantit le succès. Qu'est-il besoin d'en dire davantage? Réunissant une flotte dans les parages de Rhodes, et vainqueur dans un combat naval, il arracha l'empire aux Lacédémoniens, [64] rendit la liberté aux grecs; et non-seulement il releva les remparts de sa patrie, mais il la rétablit dans ce haut degré de gloire d'où elle était descendue. Qui aurait pu prévoir qu'un homme ainsi humilié parviendrait à changer la face de la Grèce, abaisserait la puissance de plusieurs de ses villes et relèverait la fortune des autres ? 26. [65] Denys, car je prétends par le nombre des exemples vous convaincre que l'entreprise à laquelle je vous exhorte est facile à exécuter, Denys, qui par sa naissance, par sa réputation, par tout ce qui se rattachait à sa personne, était, chez les Syracusains, un homme de la foule, aspirant avec fureur et contre toute raison au pouvoir monarchique, osa faire tout ce qui devait y conduire, se rendit maître de Syracuse, soumit toutes les villes grecques de la Sicile, et se créa, sur terre comme sur mer, une puissance à laquelle jusque-là aucun prince n'était parvenu. 27. [66] Enfin Cyrus (car il faut aussi chercher des exemples chez les Barbares), Cyrus, exposé par sa mère sur un grand chemin et recueilli par une simple Persane, obtint un tel changement de fortune qu'il devint le maître de toute l'Asie.
28. [67] Si donc
Alcibiade exilé, Conon vaincu, Denys
sans l'appui de la gloire, Cyrus enfin, dont la naissance
avait été entourée de tant de misères, se sont
élevés si haut et ont fait de si grandes choses, comment
291 29.
[68] Considérez à quel point il est glorieux de mettre la
main à des entreprises dans lesquelles, si vous réussissez,
vous rivaliserez de gloire avec les hommes les plus célèbres;
et, si votre attente est trompée, vous aurez, du
moins, obtenu la bienveillance des Grecs, bienveillance
qu'il est beaucoup plus honorable d'acquérir que de leur
enlever par la force un grand nombre de villes. Les exploits
de cette nature excitent l'envie, engendrent la haine
et soulèvent de nombreuses malédictions, tandis que rien
de semblable ne se rattache à ceux que je vous ai conseillés.
Oui, si quelqu'un des dieux vous donnait la puissance
de choisir les soins et les travaux parmi lesquels
vous souhaiteriez d'accomplir votre vie, et que vous
prissiez mes conseils, vous ne feriez pas un autre choix. [69]
Non-seulement vous deviendriez un objet d'admiration
et d'envie pour les autres hommes, mais vous vous applaudiriez
vous-même de votre bonheur. Quel surcroît
pourrait s'ajouter à une telle félicité? Les hommes les
plus distingués des premières villes de la Grèce se rendraient
comme ambassadeurs dans vos Etats ; vous délibéreriez
avec eux sur le salut commun, dont personne
ne paraîtrait avoir pris des soins aussi prévoyants que
les vôtres ; [70] vous sentiriez la Grèce entière debout, prête
à vous suivre partout où il vous plairait de la conduire;
personne ne s'occuperait avec indifférence de vos résolutions 30. [72] Ce que j'ai dit pourrait suffire, si je n'eusse laissé en arrière, non par oubli, mais parce que j'hésitais à vous la présenter, une considération que je crois maintenant devoir vous soumettre. Je pense qu'il vous sera utile de la connaître, et qu'en même temps il est convenable pour moi de parler avec liberté, comme j'ai coutume de le faire.
31. [73] Je vous entends accuser par des hommes envieux
de votre gloire, par des hommes qui, ayant pour habitude
de jeter le trouble dans leur patrie, regardent la
paix, quand elle existe pour tout le monde, comme un
état de guerre contre leurs intérêts. Ces hommes, négligeant
tout le reste, parlent sans cesse de votre puissance
et prétendent qu'elle grandit, non pour la Grèce,
mais contre elle; ils disent que déjà, depuis longtemps,
vous nous dressez à tous des embûches, [74] que vous annoncez
en apparence le projet de secourir les Messéniens,
lorsque vous aurez arrangé les affaires de la
Phocide, tandis que votre intention véritable est de
subjuguer le Péloponnèse. A les entendre, les Thessaliens, |
[78] Ὧν ἐνθυμούμενον χρὴ μὴ περιορᾶν τοιαύτην φήμην σαυτῷ περιφυομένην, ἣν οἱ μὲν ἐχθροὶ περιθεῖναί σοι ζητοῦσι, τῶν δὲ φίλων οὐδεὶς ὅστις οὐκ ἂν ἀντειπεῖν ὑπὲρ σοῦ τολμήσειεν. Καίτοι περὶ τῶν σοὶ συμφερόντων ἐν ταῖς τούτων ἀμφοτέρων γνώμαις μάλιστ' ἂν κατίδοις τὴν ἀλήθειαν. [79] Ἴσως οὖν ὑπολαμβάνεις μικροψυχίαν εἶναι τὸ τῶν βλασφημούντων καὶ φλυαρούντων καὶ τῶν πειθομένων τούτοις φροντίζειν, ἄλλως θ' ὅταν καὶ μηδὲν σαυτῷ συνειδῇς ἐξαμαρτάνων. Χρὴ δὲ μὴ καταφρονεῖν τοῦ πλήθους, μηδὲ παρὰ μικρὸν ἡγεῖσθαι τὸ παρὰ πᾶσιν εὐδοκιμεῖν, ἀλλὰ τότε νομίζειν καλὴν ἔχειν καὶ μεγάλην τὴν δόξαν καὶ πρέπουσαν σοὶ καὶ τοῖς σοῖς προγόνοις καὶ τοῖς ὑφ' ὑμῶν πεπραγμένοις, [80] ὅταν οὕτω διαθῇς τοὺς Ἕλληνας ὥσπερ ὁρᾷς Λακεδαιμονίους τε πρὸς τοὺς αὑτῶν βασιλέας ἔχοντας τούς θ' ἑταίρους τοὺς σοὺς πρὸς σὲ διακειμένους. Ἔστιν δ' οὐ χάλεπον τυχεῖν τούτων, ἢν ἐθελήσῃς κοινὸς ἅπασιν γενέσθαι καὶ παύσῃ ταῖς μὲν τῶν πόλεων οἰκείως ἔχων, πρὸς δὲ τὰς ἀλλοτρίως διακείμενος, ἔτι δ' ἢν τὰ τοιαῦτα προαιρῇ πράττειν ἐξ ὧν τοῖς μὲν Ἕλλησιν ἔσει πιστὸς, τοῖς δὲ βαρβάροις φοβερός. [81] Καὶ μὴ θαυμάσῃς, ἅπερ ἐπέστειλα καὶ πρὸς Διονύσιον τὴν τυραννίδα κτησάμενον, εἰ μήτε στρατηγὸς ὢν μήτε ῥήτωρ μήτ' ἄλλως δυνάστης θρασύτερόν σοι διείλεγμαι τῶν ἄλλων. Ἐγὼ γὰρ πρὸς μὲν τὸ πολιτεύεσθαι πάντων ἀφυέστατος ἐγενόμην τῶν πολιτῶν· οὔτε γὰρ φωνὴν ἔσχον ἱκανὴν οὔτε τόλμαν δυναμένην ὄχλῳ χρῆσθαι καὶ μολύνεσθαι καὶ λοιδορεῖσθαι τοῖς ἐπὶ τοῦ βήματος καλινδουμένοις· [82] τοῦ δὲ φρονεῖν εὖ καὶ πεπαιδεῦσθαι καλῶς, εἰ καί τις ἀγροικότερον εἶναι φήσει τὸ ῥηθὲν, ἀμφισβητῶ καὶ θείην ἂν ἐμαυτὸν οὐκ ἐν τοῖς ἀπολελειμμένοις ἀλλ' ἐν τοῖς προέχουσι τῶν ἄλλων. Διόπερ ἐπιχειρῶ συμβουλεύειν τὸν τρόπον τοῦτον, ὃν ἐγὼ πέφυκα καὶ δύναμαι, καὶ τῇ πόλει καὶ τοῖς Ἕλλησιν καὶ τῶν ἀνδρῶν τοῖς ἐνδοξοτάτοις. [83] Περὶ μὲν οὖν τῶν ἐμῶν καὶ περὶ ὧν σοὶ πρακτέον ἐστὶν πρὸς τοὺς Ἕλληνας σχεδὸν ἀκήκοας, περὶ δὲ τῆς στρατείας τῆς εἰς τὴν Ἀσίαν ταῖς μὲν πόλεσιν, ἃς ἔφην χρῆναί σε διαλλάττειν, τότε συμβουλεύσομεν ὡς χρὴ πολεμεῖν πρὸς τοὺς βαρβάρους, ὅταν ἴδωμεν αὐτὰς ὁμονοούσας, πρὸς σὲ δὲ νῦν ποιήσομαι τοὺς λόγους, οὐ τὴν αὐτὴν ἔχων διάνοιαν καὶ κατ' ἐκείνην τὴν ἡλικίαν ὅτ' ἔγραφον περὶ τὴν αὐτὴν ὑπόθεσιν ταύτην. [84] Τότε μὲν γὰρ παρεκελευόμην τοῖς ἀκουσόμενοις καταγελᾶν μου καὶ καταφρονεῖν, ἢν μὴ καὶ τῶν πραγμάτων καὶ τῆς δόξης τῆς ἐμαυτοῦ καὶ τοῦ χρόνου τοῦ περὶ τὸν λόγον διατριφθέντος ἀξίως φαίνωμαι διεξιών· νῦν δὲ φοβοῦμαι μὴ πάντων τῶν προειρημένων πολὺ καταδεέστερον τύχω διαλεχθείς. Καὶ γὰρ πρὸς τοῖς ἄλλοις ὁ λόγος ὁ πανηγυρικὸς, ὁ τοὺς ἄλλους τοὺς περὶ τὴν φιλοσοφίαν διατρίβοντας εὐπορωτέρους ποιήσας, ἐμοὶ πολλὴν ἀπορίαν παρέσχηκεν· οὔτε γὰρ ταὐτὰ βούλομαι λέγειν τοῖς ἐν ἐκείνῳ γεγραμμένοις οὔτ' ἔτι καινὰ δύναμαι ζητεῖν. [85] Οὐ μὴν ἀποστατέον ἐστὶν, ἀλλὰ λεκτέον, περὶ ὧν ὑπεθέμην, ὅ τι ἂν ὑποπέσῃ καὶ συμφέρῃ πρὸς τὸ πεῖσαί σε ταῦτα πράττειν. Καὶ γὰρ ἢν ἐλλίπω τι καὶ μὴ δυνηθῶ τὸν αὐτὸν τρόπον γράψαι τοῖς πρότερον ἐκδεδομένοις, ἀλλ' οὖν ὑποργάψειν γ' οἶμαι χαριέντως τοῖς ἐξεργάζεσθαι καὶ διαπονεῖν δυναμένοις. [86] Τὴν μὲν οὖν ἀρχὴν τοῦ λόγου τοῦ σύμπαντος οἶμαι πεποιῆσθαι ταύτην, ἥνπερ προσήκει τοὺς ἐπὶ τὴν Ἀσίαν πείθοντας στρατεύειν. Δεῖ γὰρ μηδὲν πρότερον πράττειν πρὶν ἂν λάβῃ τις τοὺς Ἕλληνας δυοῖν θάτερον ἢ συναγωνιζομένους ἢ πολλὴν εὔνοιαν ἔχοντας τοῖς πραττομένοις. Ὧν Ἀγησίλαος ὁ δόξας εἶναι Λακεδαιμονίων φρονιμώτατος ὠλιγώρησεν, [87] οὐ διὰ κακίαν, ἀλλὰ διὰ φιλοτιμίαν. Ἔσχεν γὰρ διττὰς ἐπιθυμίας, καλὰς μὲν ἀμφοτέρας, οὐ συμφωνούσας δ' ἀλλήλαις οὐδ' ἅμα πράττεσθαι δυναμένας. Προῃρεῖτο γὰρ βασιλεῖ τε πολεμεῖν καὶ τοὺς ἑταίρους εἰς τὰς πόλεις τὰς αὑτῶν καταγαγεῖν καὶ κυρίους ποιῆσαι τῶν πραγμάτων. Συνέβαινεν οὖν ἐκ μὲν τῆς πραγματείας τῆς ὑπὲρ τῶν ἑταίρων ἐν κακοῖς καὶ κινδύνοις εἶναι τοὺς Ἕλληνας, διὰ δὲ τὴν ταραχὴν τὴν ἐνθάδε γιγνομένην μὴ σχολὴν ἄγειν μηδὲ δύνασθαι πολεμεῖν τοῖς βαρβάροις. [88] Ὥστ' ἐκ τῶν ἀγνοηθέντων κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον ῥᾴδιον καταμαθεῖν ὅτι δεῖ τοὺς ὀρθῶς βουλευομένους μὴ πρότερον ἐκφέρειν πρὸς τὸν βασιλέα πόλεμον πρὶν ἂν διαλλάξῃ τις τοὺς Ἕλληνας καὶ παύσῃ τῆς μανίας τῆς νῦν αὐτοῖς ἐνεστώσης· ἅπερ καὶ σοὶ συμβεβουλευκότες τυγχάνομεν. [89] Περὶ μὲν οὖν τούτων οὐδεὶς ἂν ἀντειπεῖν τῶν εὖ φρονούντων τολμήσειεν, οἶμαι δὲ τῶν μὲν ἄλλων εἴ τισιν δόξειε περὶ τῆς στρατείας τῆς εἰς τὴν Ἀσίαν συμβουλεύειν, ἐπὶ ταύτην ἂν ἐπιπεσεῖν τὴν παράκλησιν, λέγοντας ὡς ὅσοι περ ἐπεχείρησαν πρὸς τὸν βασιλέα πολεμεῖν, ἅπασιν συνέπεσεν ἐξ ἀδόξων μὲν γενέσθαι λαμπροῖς, ἐκ πενήτων δὲ πλουσίοις, ἐκ ταπεινῶν δὲ πολλῆς χώρας καὶ πόλεων δεσπόταις. [90] Ἐγὼ δ' οὐκ ἐκ τῶν τοιούτων μέλλω σε παρακαλεῖν, ἀλλ' ἐκ τῶν ἠτυχηκέναι δοξάντων, λέγω δ' ἐκ τῶν μετὰ Κύρου καὶ Κλεάρχου συστρατευσαμένων. Ἐκείνους γὰρ ὁμολογεῖται νικῆσαι μὲν μαχομένους ἅπασαν τὴν βασιλέως δύναμιν τοσοῦτον, ὅσονπερ ἂν εἰ ταῖς γυναιξὶν αὐτῶν συνέβαλον, ἤδη δ' ἐγκρατεῖς δοκοῦντας εἶναι τῶν πραγμάτων διὰ τὴν Κύρου προπέτειαν ἀτυχῆσαι· περιχαρῆ γὰρ αὐτὸν ὄντα καὶ διώκοντα πολὺ πρὸ τῶν ἄλλων, ἐν μέσοις γενόμενον τοῖς πολεμίοις ἀποθανεῖν. [91] Ἀλλ' ὅμως τηλικαύτης συμφορᾶς συμπεσούσης οὕτω σφόδρα κατεφρόνησεν ὁ βασιλεὺς τῆς περὶ αὑτὸν δυνάμεως, ὥστε προκαλεσάμενος Κλέαρχον καὶ τοὺς ἄλλους ἡγεμόνας εἰς λόγον ἐλθεῖν, καὶ τούτοις μὲν ὑπισχνούμενος μεγάλας δωρεὰς δώσειν, τοῖς δ' ἄλλοις στρατιώταις ἐντελῆ τὸν μισθὸν ἀποδοὺς ἀποπέμψειν, τοιαύταις ἐλπίσιν ὑπαγαγόμενος καὶ πίστεις δοὺς τῶν ἐκεῖ νομιζομένων τὰς μεγίστας, συλλαβὼν αὐτοὺς ἀπέκτεινεν, καὶ μᾶλλον εἵλετο περὶ τοὺς θεοὺς ἐξαμαρτεῖν ἢ τοῖς στρατιώταις οὕτως ἐρήμοις οὖσι συμβαλεῖν. [92] Ὥστε τίς ἂν γένοιτο παράκλησις ταύτης καλλίων καὶ πιστοτέρα; Φαίνονται γὰρ κἀκεῖνοι κρατήσαντες ἂν τῶν βασιλέως πραγμάτων εἰ μὴ διὰ Κῦρον. Σοὶ δὲ τήν τ' ἀτυχίαν τὴν τότε γεγενημένην οὐ χαλεπὸν φυλάξασθαι, τοῦ τε στρατοπέδου τοῦ κρατήσαντος τὴν ἐκείνου δύναμιν ῥᾴδιον πολὺ κρεῖττον παρασκευάσασθαι. Καίτοι τούτων ἀμφοτέρων ὑπαρξάντων πῶς οὐ χρὴ θαρρεῖν ποιούμενον τὴν στρατείαν ταύτην; [93] Καὶ μηδεὶς ὑπολάβῃ με βούλεσθαι λαθεῖν, ὅτι τούτων ἔνια πέφρακα τὸν αὐτὸν τρόπον ὅνπερ πρότερον. ῎Ἐπιστὰς γὰρ ἐπὶ τὰς αὐτὰς διανοίας εἱλόμην μὴ πονεῖν γλιχόμενος τὰ δεδηλωμένα καλῶς ἑτέρως εἰπεῖν· καὶ γὰρ εἰ μὲν ἐπίδειξιν ἐποιούμην, ἐπειρώμην ἂν ἅπαντα τὰ τοιαῦτα διαφεύγειν, [94] σοὶ δὲ συμβουλεύων μωρὸς ἂν ἦν εἰ περὶ τὴν λέξιν πλείω χρόνον διέτριβον ἢ περὶ τὰς πράξεις, ἔτι δ' εἰ τοὺς ἄλλους ὁρῶν τοῖς ἐμοῖς χρωμένους αὐτὸς μόνος ἀπειχόμην τῶν ὑπ' ἐμοῦ πρότερον εἰρημένων. [95] Τοῖς μὲν οὖν οἰκείοις τυχὸν ἂν χρησαίμην, ἂν σφόδρα κατεπείγῃ καὶ πρέπῃ, τῶν δ' ἀλλοτρίων οὐδὲν ἂν προσδεξαίμην, ὥσπερ οὐδ' ἐν τῷ παρελθόντι χρόνῳ. |
32. [78] D'après ces considérations, vous ne devez pas voir avec indifférence s'attacher à vous une renommée que vos ennemis cherchent à vous imposer, et telle qu'il n*est aucun de vos amis qui hésite à la repousser en votre nom ; vous pouvez d'ailleurs recoimaître, dans les 297 opinions exprimées par les uns comme par les autres, la vérité sur ce qui vous est utile.
33. [79] Peut-être aussi regardez-vous comme une marque
de faiblesse d'attacher de l'importance aux discours
des calomniateurs, des vains parleurs et des insensés
qui les croient, lorsque surtout vous avez la conscience
de n'avoir commis aucune faute ; mais il ne faut pas mépriser
l'opinion de la multitude ni regarder comme un
léger avantage l'approbation universelle ; persuadezvous
au contraire que vous posséderez une grande et
noble gloire, une gloire digne de vous, de vos aïeux,
des grandes choses qu'ils ont faites, de celles que vous
avez faites vous-même, [80] si vous placez les Grecs, relativement
à vous, dans des dispositions semblables à celles
où vous voyez les Lacédémoniens relativement à leurs 34. [81] Et ne vous étonnez pas, comme je l'écrivais à Denys quand il se fut emparé de la tyrannie, si, lorsque je ne suis ni général d'armée, ni orateur politique, ni homme puissant sous aucun rapport, je vous parle avec une liberté que vous ne rencontrez pas ailleurs. J'étais, de tous ceux qui sont nés sous des institutions républicaines, le moins propre par ma nature à prendre part aux affaires du gouvernement (je n'avais ni assez de voix ni assez de hardiesse pour discuter devant le peuple assemblé et faire assaut d'invectives et d'injures avec les hommes qui s'agitent à la tribune); [82] mais, lorsqu'il s'agit d'avoir des pensées sages et de faire preuve d'une 290 noble urbanité, dût cette parole être taxée d'arrogance, je puis entrer en lice et me placer, non dans les derniers rangs, mais sur la ligne des hommes qui s'élèvent audessus des autres. Voilà pourquoi, dans la forme qui convient à ma nature et à ma capacité, je m'efforce de donner des conseils à ma patrie, à la Grèce et aux hommes les plus célèbres. 35. [83] Ce que vous venez d'entendre est, à peu de chose près, ce que j'avais à vous dire sur ce qui m'est personnel et sur la conduite que vous devez tenir relativement aux Grecs. Pour ce qui concerne l'expédition d'Asie, j'exhorterai les villes que je vous ai engagé à réconcilier entre elles, à faire la guerre aux Barbares, lorsque je les ven^ai réunies dans un même sentiment ; aujourd'hui c'est à vous que j'adresse mes paroles, mais non pas dans la même disposition d'esprit qu'à l'époque de ma vie où déjà j'ai traité le même sujet. [84] J'engageais alors mes auditeurs à me couvrir de leurs risées, à m'accabler de leurs mépris, si je ne leur paraissais pas m'exprimer d'une manière digne à la fois de la grandeur des affaires, de ma propre renommée et du temps que j'avais consacré à composer mon discours; aujourdhui, j'éprouve la crainte de rester beaucoup au-dessous de toutes les choses que j'ai dites autrefois. En effet, sans parler des autres considérations, mon discours panégyrique, source de richesse pour ceux qui se vouent à l'étude de l'éloquence, m'a réduit moi-même à un extrême embarras : je ne veux pas répéter ce que j'ai écrit dans ce discours, et il ne m'est plus possible de chercher des pensées nouvelles. [85] Je ne dois pas néanmoins abandonner mon dessein, et je vais vous dire, sur les choses dont j'ai résolu de vous parler, ce qui se présentera à mon esprit et pourra servir à vous persuader d'exécuter ce que je vous propose? Si, privé d'une partie de mes forces, il ne m'est plus 301 donné d'écrire comme je l'ai fait dans d'autres temps, j'espère au moins tracer avec quelque élégance une esquisse que je livre à ceux qui conservent la faculté de travailler et de mettre la dernière main à leur ouvrage. 36. [86] Je crois avoir commencé ce discours comme il convient à ceux qui veulent persuader de porter la guerre en Asie. Il ne faut, en effet, rien entreprendre avant de s'être assuré que Ton aura les Grecs pour auxiliaires, ou, du moins, qu'ils verront d'un oeil très-favorablel'cette expédition. Agésilas, qui passait pour le plus sage des Lacédémoniens, a négligé de le faire, [87] non par défaut d'habileté, mais par ambition. Il avait deux désirs, deux objets nobles et grands l'un et l'autre, mais qui ne pouvaient s'accorder ni être exécutés ensemble. Il avait résolu de faire la guerre au Roi, et il voulait en même temps faire rentrer ses amis dans leurs patries respectives, pour les mettre à la tête du gouvernement. Les efforts qu'il tenta en faveur de ses amis précipitèrent la Grèce dans une série de malheurs et de dangers ; et, par suite des désordres dont elle devint le théâtre, il n'eut ni la faculté ni le loisir de faire la guerre aux Barbares. [88] De ces faits, qui furent ignorés alors, il est facile de conclure que celui qui voudra calculer sagement ne portera pas la guerre dans les États du Roi avant d'avoir réconcilié les Grecs entre eux et mis un terme à la fureur qui les possède aujourd'hui; c'est le conseil que j'ai cru devoir vous donner. 37. [89] Aucun homme raisonnable n'oserait contester ce que je viens d'établir; et je crois également que, si d'autres que moi voulaient vous conseiller l'expédition d'Asie, ils essayeraient de vous y encourager, en vous 303 montrant que tous ceux qui ont attaqué le Roi, d'ignorés qu'ils étaient sont devenus célèbres, de pauvres sont devenus riches, de faibles et humiliés maîtres et possesseurs de contrées étendues et de villes nombreuses. [90] Quant à moi, je ne dois pas employer avec vous de tels encouragements, et je préfère vous entretenir des hommes que l'on considère comme ayant été vaincus, c'est-à-dire des Grecs qui ont accompagné Gyrus et Cléarque. Il est constant que, sur le champ de bataille, les Grecs avaient été vainqueurs de toutes les forces du Roi, comme s'ils n'avaient eu à combattre que des femmes, et qu'au moment où ils semblaient avoir remporté la victoire, elle leur fut enlevée par la témérité de Cyrus, qui, dans l'ivresse de son triomphe, poursuivant les vaincus à une grande distance en avant de ses soldats, trouva la mort au milieu des ennemis. [91] C'est pourtant lorsqu'un si fatal événement avait frappé ses adversaires que le Roi, plein de mépris pour les forces dont il était entouré, fit proposer une entrevue à Cléarque et aux autres généraux, leur promettant pour eux de riches présents ; pour les soldats, avec leur solde entière, la liberté de retourner dans leur pays; et qu'après les avoir attirés par ces magnifiques espérances et leur avoir donné de sa foi les garanties que les Perses regardent comme les plus sacrées, il s'empara d'eux et les fit mettre à mort, préférant outrager les dieux plutôt que de combattre ouvertement une armée que la fortune avait placée dans un tel état d'abandon. 38. [92] Quel encouragement plus noble, plus digne d'inspirer la confiance, pourrait vous être offert? Il est évident que les Grecs auraient renversé l'empire du Roi sans l'imprudence de Cyrus. Or, vous pouvez aisément 305 éviter un semblable malheur, et il vous est facile de réunir une armée très-supérieure à celle qui a vaincu le Roi. Comment donc, assuré de ces deux avantages n'oseriez-vous pas entreprendre cette expédition ? 39. [93] Et qu'on ne me soupçonne pas de vouloir dissimuler que je reproduis dans la même forme des pensées que j'ai déjà exprimées. Ramené vers les mêmes idées, je n'ai pas cru devoir m'imposer un nouveau travail pour offrir sous une forme nouvelle ce qu'autrefois j'avais noblement présenté. Si mon but était de faire ostentation d'éloquence, je tâcherais d'éviter les répétitions de cette nature; [94] mais, en vous donnant des conseils, je serais un insensé si j'attachais plus de prix à la perfection du langage qu'à la solidité des raisons ; de même qu'en voyant les autres se servir de mes travaux , je manquerais de raison si, moi seul, je m'abstenais de reproduire ce que j'ai dit en d'autres temps. [95] Il pourra donc m'arriver d'employer mes propres richesses, si la nécessité l'exige et que les convenances le permettent, mais, du moins, je n'admettrai rien d'étranger dans mes écrits, pas plus aujourd'hui qu'autrefois. |
[22] [96] Ταῦτα μὲν οὖν οὕτως· δοκεῖ δέ μοι μετὰ ταῦτα περὶ τῆς παρασκευῆς διαλεκτέον εἶναι τῆς τε σοὶ γενησομένης καὶ τῆς ἐκείνοις ὑπαρξάσης. Τὸ μὲν τοίνυν μέγιστον, σὺ μὲν τοὺς Ἕλληνας εὔνους ἕξεις, ἤνπερ ἐθελήσῃς ἐμμεῖναι τοῖς περὶ τούτων εἰρημένοις, ἐκεῖνοι δὲ διὰ τὰς δεκαρχίας τὰς ἐπὶ Λακεδαιμονίων ὡς οἷόν τε δυσμενεστάτους. Ἡγοῦντο γὰρ Κύρου μὲν καὶ Κλεάρχου κατορθωσάντων μᾶλλον ἔτι δουλεύσειν, βασιλέως δὲ κρατήσαντος ἀπαλλαγήσεσθαι τῶν κακῶν τῶν παρόντων· ὅπερ καὶ συνέπεσεν αὐτοῖς. [96] Καὶ μὴν καὶ στρατιώτας σὺ μὲν ἐξ ἑτοίμου λήψει τοσούτους ὅσους ἂν βουληθῇς· οὕτω γὰρ ἔχει τὰ τῆς Ἑλλάδος ὥστε ῥᾷον εἶναι συστῆσαι στρατόπεδον μεῖζον καὶ κρεῖττον ἐκ τῶν πλανωμένων ἢ τῶν πολιτευομένων· ἐν ἐκείνοις δὲ τοῖς χρόνοις οὐκ ἦν ξενικὸν οὐδὲν, ὥστ' ἀναγκαζόμενοι ξενολογεῖν ἐκ τῶν πόλεων πλέον ἀνήλισκον εἰς τὰς διδομένας τοῖς συλλέγουσιν δωρεὰς ἢ τὴν εἰς τοὺς στρατιώτας μισθοφοράν. [97] Καὶ μὴν εἰ βουληθεῖμεν ἐξετάσαι καὶ παραβαλεῖν σέ τε τὸν νῦν ἡγησόμενον τῆς στρατείας καὶ βουλευσόμενον περὶ ἁπάντων καὶ Κλέαρχον τὸν ἐπιστατήσαντα τῶν τότε πραγμάτων, εὑρήσομεν ἐκεῖνον μὲν οὐδεμιᾶς πώποτε δυνάμεως πρότερον οὔτε ναυτικῆς οὔτε πεζῆς καταστάντα κύριον, ἀλλ' ἐκ τῆς ἀτυχίας τῆς συμβάσης αὐτῷ περὶ τὴν ἤπειρον ὀνομαστὸν γενόμενον, [98] σὲ δὲ τοσαῦτα καὶ τηλικαῦτα τὸ μέγεθος διαπεπραγμένον, περὶ ὧν εἰ μὲν πρὸς ἑτέρους τοὺς λόγους ἐποιούμην, καλῶς ἂν εἶχε διελθεῖν, πρὸς σὲ δὲ διαλεγόμενος, εἰ τὰς σὰς πράξεις σοι διεξιοίην, δικαίως ἂν ἀνόητος ἅμα καὶ περίεργος εἶναι δοκοίην.
[99] Ἄξιον δὲ μνησθῆναι καὶ τῶν βασιλέων ἀμφοτέρων, ἐφ' ὃν σοί τε
συμβουλεύω στρατεύειν καὶ πρὸς ὃν Κλέαρχος ἐπολέμησεν, ἵν' ἑκατέρου
τὴν γνώμην καὶ τὴν δύναμιν εἰδῇς. Ὁ μὲν τοίνυν τούτου πατὴρ τὴν
πόλιν τὴν ἡμετέραν καὶ πάλιν τὴν Λακεδαιμονίων κατεπολέμησεν, οὗτος
δ' οὐδενὸς πώποτε τῶν στρατευμάτων τῶν τὴν χώραν αὐτοῦ λυμαινομένων
ἐπεκράτησεν. [100] Ἔπειθ' ὁ μὲν τὴν Ἀσίαν ἅπασαν παρὰ τῶν Ἑλλήνων ἐν
ταῖς συνθήκαις ἐξέλαβεν, οὗτος δὲ τοσούτου δεῖ τῶν ἄλλων ἄρχειν ὥστ'
οὐδὲ τῶν ἐκδοθεισῶν αὐτῷ πόλεων ἐγκρατής ἐστιν. Ὥστ' οὐδεὶς ὅστις
οὐκ ἂν ἀπορήσειεν πότερα χρὴ νομίζειν τοῦτον αὐτῶν ἀφεστάναι δί'
ἀνανδρίαν ἢ 'κείνας ὑπερεωρακέναι καὶ καταπεφρονηκέναι τῆς
βαρβαρικῆς δυναστείας. [101] Τὰ τοίνυν περὶ τὴν χώραν ὡς διάκειται
τίς οὐκ ἂν ἀκούσας παροξυνθείη πολεμεῖν πρὸς αὐτόν; Αἴγυπτος γὰρ
ἀφειστήκει μὲν καὶ κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον, οὐ μὴν ἀλλ' ἐφοβοῦντο μή
ποτε βασιλεὺς αὐτὸς ποιησάμενος στρατείαν κρατήσειεν καὶ τῆς διὰ τὸν
ποταμὸν δυσχωρίας καὶ τῆς ἄλλης παρασκευῆς ἁπάσης· νῦν δ' οὗτος
ἀπήλλαξεν αὐτοὺς τοῦ δέους τούτου. Συμπαρασκευασάμενος γὰρ δύναμιν
ὅσην οἷός τ' ἦν πλείστην, καὶ στρατεύσας ἐπ' αὐτοὺς, ἀπῆλθεν ἐκεῖθεν
οὐ μόνον ἡττηθεὶς, ἀλλὰ καὶ καταγελασθεὶς καὶ δόξας οὔτε βασιλεύειν
οὔτε στρατηγεῖν ἄξιος εἶναι. [102] Τὰ τοίνυν περὶ Κύπρον καὶ
Φοινίκην καὶ Κιλικίαν καὶ τὸν τόπον ἐκεῖνον ὅθεν ἐχρῶντο ναυτικῷ,
τότε μὲν ἦν βασιλέως, νῦν δὲ τὰ μὲν ἀφέστηκεν, τὰ δ' ἐν πολέμῳ καὶ
κακοῖς τοσούτοις ἐστὶν ὥστ' ἐκείνῳ μὲν μηδὲν εἶναι τούτων τῶν ἐθνῶν
χρήσιμον, σοὶ δ' ἢν πολεμεῖν πρὸς αὐτὸν βουληθῇς συμφόρως ἕξειν. |
40. [96]
Telle est la vérité sur cet objet , et je crois devoir vous
entretenir maintenant des ressources que vous réunirez,
comparativement à celles des généraux qui ont combattu avec Cyrus.
D'abord, et c'est le point le plus important, vous obtiendrez la
faveur des Grecs, si vous voulez adopter mes propositions en ce qui
les concerne, au lieu que les généraux de Cyrus leur étaient odieux
à cause des dix commissaires que les Lacédémoniens établissaient
dans les villes sous le nom d'Harmostes. Les Grecs s'attendaient, si
Cléarque et Cyrus étaient vainqueurs, à voir aggraver pour eux le
poids de la servitude , et, si le Roi l'emportait, ils avaient
l'espoir d'être délivrés des maux dont ils étaient accablés ; [96]
or, c'est ce qui leur 307
est arrivé. En second lieu, vous aurez la faculté de lever
immédiatement autant de soldats que vous le jugerez
4i. Mais il faut parler aussi des deux
rois, de celui
Tautie est si loin de pouvoir faire
respecter son autorité
ment d'un pouvoir qui a livré son
frère à la toiture ,
voir monarchique, ne suivit pas pour y
parvenir les
jet se fût offert à ma pensée , il
m'eût été facile de
éleva les colonnes appelées colonnes
d'Hercule, trophée
les Grecs, l'humanité, la douceur. Je
vois que les
parez la portion désignée par
quelques-uns sous le
5i. Maintenant, qui ne s'étonnerait
avec raison de
voir votre patrie dans la Grèce
entière, et vous exposer
offre ; mais il n'est personne qui ne
se flatte d'avoir part
vous voyez en même temps ceux qui
ambitionnent
porter et vous déterminer à cette
guerre, car c'est aiusi
simplement la vérité, élever vos
actions au-dessus des
d'immenses sommes d'argent levées sur
ses alliés; on ne
près mains , qu'ils versent sur les
hommes les biens et
les Macédoniens , et soumettre à votre
empire le plus |
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