Isocrate : oeuvres complètes, tome I

ISOCRATE

OEUVRES COMPLÈTES.

 

 III.  NICOCLÈS A SES SUJETS, - Νικόκλης ἢ Κύπριοι

II Isocrate à Nicoclès-  IV  Panégyrique  

 

OEUVRES COMPLÈTES D'ISOCRATE, TRADUCTION NOUVELLE AVEC TEXTE EN REGARD  LE DUC DE CLERMONT-TONNERRE (AIMÉ-MARIE GASPARD) Ancien Ministre de la guerre et de la marine. Ancien élève de l'École polytechnique TOME PREMIER PARIS LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET C Imprimeurs de l'Institut, rue Jacob, 56. M D CCC LXII

 

 

 

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. ARGUMENT.

Après avoir donné des conseils aux princes dans le discours sur les devoirs des rois, qu'Isocrate adresse à Nicoclès, il compose un autre discours dans lequel Nicoclès est supposé donner lui-même à ses peuples des conseils sur les devoirs qu'ils ont à remplir envers lui. Isocrate a voulu, évidemment, montrer les avantages de la monarchie héréditaire sur les autres gouvernements, et on ne voit pas qu'il ait eu la pensée d'une autre monarchie que celle qui est fondée sur le droit naturel de l'hérédité.

On est donc autorisé à penser que c'est du pouvoir monarchique héréditaire que veut parler Isocrate, quand il traite des droits et des devoirs des rois; et la comparaison qu'il fait du gouvernement d'un seul avec les gouvernements multiples, en montrant la supériorité de la monarchie, dans la guerre comme dans la paix, prouve à quel point il avait su apprécier les avantages de la force morale que donne l'hérédité à l'unité monarchique. Isocrate ne craint pas même de présenter la monarchie comme plus favorable que la république à la vertu et au génie, parce qu'en effet la monarchie n'éprouve, à l'égard des hommes doués de génie ou de vertu, ni crainte ni jalousie; tandis que la république les redoute, leur porte envie et les poursuit avec d'autant plus d'acharnement, qu'ils l'honorent davantage, et lui ont rendu plus de services. Pour ne parler que d'Athènes, considérez le sort de presque tous ses grands hommes, quand ils ne trompent pas le peuple, et ne flattent pas ses passions. Aristide est banni à cause de sa vertu ; Miltiade, le vainqueur de Marathon, le sauveur de la Grèce, meurt en prison de ses blessures, parce que sa pauvreté ne lui permet pas de payer une amende à laquelle il a été injustement condamné ; Thémistocle, obligé de fuir sa patrie, va périr misérablement chez les Perses ; Socrate et Phocion boivent la ciguë. Quels exemples seraient plus propres à justifier la préférence qu'Isocrate donne à la monarchie, comme à montrer le danger auquel le dévouement et la vertu sont exposés dans les États républicains ?

Isocrate insiste encore sur un autre point d'une haute importance : c'est la conservation des familles dont l'illustration est une partie des gloires du pays. Les sentiments élevés sont la conséquence d'une noble origine, et, sous peine de déshonneur, on les exige de ceux que le hasard de leur naissance a privilégiés. On méprise ceux qui ne reproduisent point les vertus de leurs ancêtres, comme des hommes qui trompent l'espoir que la société avait le droit de placer en eux. Mais, par un juste retour, on admire ceux qui trouvant en eux-mêmes les sentiments élevés dont ils n'ont pas reçu l'exemple de leurs auteurs, transmettent ainsi à leurs enfants des devoirs que leur naissance ne leur avait pas imposés. Enfin, si nous portons nos regards vers la plus haute antiquité, nous trouverons dans Homère que les fils des dieux regardaient comme une obligation sacrée de combattre au premier rang, et de prodiguer leur vie pour leur patrie et pour la gloire.

Ce discours traite aussi, d'une manière remarquable, la question de la conduite des rois sous le rapport moral et, plus particulièrement, sous celui de la fidélité conjugale. La pureté de la doctrine d'Isocrate et l'honneur dont il environne ceux qui la mettent en pratique, forment la plus noble, la plus utile leçon qui puisse être donnée aux princes : et, si on y joint les préceptes de la religion, on comprendra à quel point sont coupables les princes qui, dans les États chrétiens, donnent à leurs peuples, au lieu d'exemples de vertu qui les préservent, des exemples de corruption qui les perdent.

De même que le discours adressé à Démonicus et le discours adressé à Nicoclès, celui-ci est rempli d'avertissements et de conseils qui s'adaptent à tous les pays et à tous les temps. On a aussi voulu prétendre que ce discours n'était pas d'Isocrate ; mais nous répondrons, comme nous l'avons déjà fait, que si un tel discours eût été l'oeuvre d'un autre, l'auteur eût nécessairement acquis, par d'autres écrits, une renommée à laquelle on n'aurait pas enlevé cette partie de sa couronne.

SOMMAlRE.

Introduction. — 1 . Il ne faut pas blâmer l'éloquence à cause des modestes avantages qu'en retirent, sous le rapport de l'intérêt, ceux qui en font l'objet de leurs travaux. On recueille plus de fruit des actions que des paroles, et il n'y a pas d'action humaine qui n'ait un motif d'utilité. — 2. Il ne faut donc pas imputer aux choses la disposition vicieuse qui porte les hommes à al)user de ce qui est utile. C'est pour avoir négligé celle distinction que l'on poursuit avec tant d'acharnement un don de la nature qu'aucun autre ne surpasse. — 3. L'action qu'exercent la raison et la parole sur la vie de l'homme, et les fruits qui en résultent tous les jours, sont tels que la parole doit être regardée comme le régulateur et la cause de tout ce que la raison exécute ; par conséquent, ceux qui attaquent cette grande faculté de l'homme, ne craindront pas de se rendre coupables des actions les plus criminelles. Le genre de discours qui doit l'emporter sur tous les autres, est celui qui avertit les rois de leurs devoirs envers les citoyens, les citoyens de leurs devoirs envers les rois. — 4 . Il faut placer dans cette dernière catégorie le discours dans lequel Nicoclès s'efforce d'établir, d'abord la prééminence de la monarchie ; en second lieu, la légitimité de son droit à régner ; enfin, les règles d'après lesquelles les sujets doivent se comporter envers le roi. — 5. La monarchie l'emporte sur les autres formes de gouvernement par la justice, l'agrément, la douceur, en honorant chacun selon son mérite, en distinguant les hommes utiles de ceux qui ne le sont pas, en exigeant que l'on obéisse à un seul et non à plusieurs; elle excelle également pour ce qui touche à la délibération comme à l'action. Ceux qui exercent une magistrature annuelle manquent d'expérience, et, se reposant sur leurs successeurs, négligent beaucoup de choses; ils sont jaloux les uns des autres; laissent échapper les occasions d'agir ; cherchent à établir leur supériorité à l'égard de ceux qui doivent les remplacer ; considèrent les intérêts de la république comme des intérêts étrangers, et suivent les conseils des hommes les plus audacieux. — 6. La monarchie est préférable aux autres formes de gouvernement, non seulement pour l'administration intérieure, mais pour la conduite de la guerre, car il est plus facile à la monarchie de réunir des soldats, et pour ceux-ci un seul chef vaut mieux que plusieurs. L'exemple des Perses, de Denys, des Carthaginois, des Lacédémoniens, des Athéniens, le montre suffisamment. Enfin la preuve que tous les hommes préfèrent la monarchie résulte ne fût-ce que de ce fait que nous attribuons aux dieux eux-mêmes cette forme de gouvernement. — 7. Il est facile de montrer que je possède ce royaume en vertu d'un droit résultant de mon origine. — 8. Il me reste à établir que j'en suis digne. — 9. Si la modération et la justice occupent le premier rang entre toutes les vertus, on trouvera que j'ai accompli les oeuvres de la justice en rétablissant, au dedans et au dehors, les affaires de mon pays, que j'avais reçues de mon père pleines de trouble et de désordre, et en n'ayant jamais d'autre but que la grandeur et la félicité de ma patrie. On verra de plus qu'il a été si loin de moi d'ambitionner les possessions étrangères, que j'ai abandonné des richesses qui m'étaient échues par droit héréditaire, et que j'ai répandu des bienfaits sur un grand nombre de citoyens et d'étrangers. — 10 et 11. Et quant à ma modération, j'en ai offert la preuve par mon respect envers les femmes et envers les enfants ; j'ai voulu, dans ce genre de vertu, m'offrir, d'une part, comme exemple à mes concitoyens ; de l'autre, me montrer supérieur dans ce qui est un écueil pour les hommes même les plus dignes de louanges, parce que j'étais convaincu que rien n'est plus odieux que de violer, dans la foi conjugale, celui de tous les engagements qui doit être le plus religieusement observé. L'oubli de ce devoir est une source de discorde et de dissensions intérieures, que les rois doivent éviter dans leur propre palais aussi bien que dans leurs États. Je me suis donc séparé, pour les enfants auxquels je devais donner le jour, de l'usage adopté par les autres rois. J'ai pensé qu'il ne devait sortir de moi qu'une race entièrement légitime, et que je devais rechercher, entre les jouissances de la vie, non pas celles que suivent de nombreuses tribulations et peu d'estime, mais celles qui, s'accordant avec une bonne renommée, découlent, en quelque sorte, de la probité naturelle; et comme il importe surtout d'apprécier les vertus alors qu'il est plus difficile de les pratiquer, d'être fidèle à la justice dans une grande pauvreté ; à la modération dans la souveraine puissance ; à la continence dans l'énergie de la jeunesse ; je suis resté fidèle à ces vertus non par l'effet du hasard, mais par l'effet d'une sage réflexion. — 12. Préceptes. Activité et justice dans l'administration des affaires ; désintéressement et manière de se conduire envers les autres hommes. Quel est le meilleur moyen d'acquérir des richesses; recevoir n'est pas toujours un avantage, donner n'est pas toujours une perte. Il faut apporter du zèle dans l'exécution des ordres que l'on reçoit. Habileté que les rois doivent mettre à découvrir les fautes. Il faut agir sans dissimulation. Il faut avoir de l'ouverture et de la simplicité dans ses rapports avec ses concitoyens. De quelle manière il convient de juger les actions des hommes. Il ne faut pas garder le silence sur les conspirations contre le roi. Quels sont les hommes que l'on doit regarder comme heureux. Il faut fuir les réunions séditieuses, et se placer à l'abri du soupçon. — 13. Il faut s'attacher au gouvernement qui nous régit. Les moeurs des rois doivent être mises en rapport avec celles des citoyens. La sécurité des rois affranchit les citoyens de la crainte. Les citoyens doivent obéir aux lois avec respect, et se montrer généreux dans l'exercice des fonctions publiques. Comment on doit diriger les jeunes gens vers la vertu, et pourquoi il est utile pour eux d'apprendre à obéir. Quelles richesses il faut laisser à ses enfants. Les hommes dont la conscience est inquiète sont malheureux ; le bonheur est le partage de ceux auxquels leur conscience ne reproche rien. Ceux qui croient que le crime peut être utile et que la vertu peut nuire, sont dans l'erreur. Il ne faut pas porter envie aux hommes honnêtes, mais rivaliser d'honnêteté avec eux. Quels sont les hommes qui doivent être aimés et honorés de leurs concitoyens. Ce que l'on doit penser hors de la présence du roi. Dans quelles choses il convient de montrer son attachement au roi. Comment nous devons nous conduire à l'égard des autres hommes ; ce que nous devons éviter, ce que nous devons désirer. Il ne faut pas seulement louer les gens de bien, il faut les imiter. Quels sont les hommes auxquels il est permis de jouir de la plus grande liberté.— 14. Exhortation à accomplir les préceptes qui nous sont donnés, tirée des avantages qui doivent en résulter. (Lange.)

Ce discours doit avoir été écrit à peu près dans le même temps que celui qui précède, et dont il est comme un appendice. (Auger.)
 

 

[1] Εἰσί τινες οἳ δυσκόλως ἔχουσι πρὸς τοὺς λόγους καὶ διαμέμφονται τοὺς φιλοσοφοῦντας, καί φασιν αὐτοὺς οὐκ ἀρετῆς ἀλλὰ πλεονεξίας ἕνεκα ποιεῖσθαι τὰς τοιαύτας διατριβάς. Ἡδέως ἂν οὖν πυθοίμην τῶν οὕτω διακειμένων, διὰ τί τοὺς μὲν εὖ λέγειν ἐπιθυμοῦντας ψέγουσι, τοὺς δ' ὀρθῶς πράττειν βουλομένους ἐπαινοῦσιν· εἰ γὰρ αἱ πλεονεξίαι λυποῦσιν αὐτούς, πλείους καὶ μείζους ἐκ τῶν ἔργων ἢ τῶν λόγων εὑρήσομεν γιγνομένας.

[2] Ἔπειτα κἀκεῖν' ἄτοπον εἰ λέληθεν αὐτούς, ὅτι τὰ περὶ τοὺς θεοὺς εὐσεβοῦμεν καὶ τὴν δικαιοσύνην ἀσκοῦμεν καὶ τὰς ἄλλας ἀρετὰς ἐπιτηδεύομεν οὐχ ἵνα τῶν ἄλλων ἔλαττον ἔχωμεν, ἀλλ' ὅπως ἂν ὡς μετὰ πλείστων ἀγαθῶν τὸν βίον διάγωμεν. Ὥστ' οὐ κατηγορητέον τῶν πραγμάτων τούτων ἐστί, δι' ὧν ἄν τις μετ' ἀρετῆς πλεονεκτήσειεν, ἀλλὰ τῶν ἀνθρώπων τῶν περὶ τὰς πράξεις ἐξαμαρτανόντων ἢ τοῖς λόγοις ἐξαπατώντων καὶ μὴ δικαίως χρωμένων αὐτοῖς.

[3] Θαυμάζω δὲ τῶν ταύτην τὴν γνώμην ἐχόντων, ὅπως οὐ καὶ τὸν πλοῦτον καὶ τὴν ῥώμην καὶ τὴν ἀνδρίαν κακῶς λέγουσιν. Εἴπερ γὰρ διὰ τοὺς ἐξαμαρτάνοντας καὶ τοὺς ψευδομένους πρὸς τοὺς λόγους χαλεπῶς ἔχουσι, προσήκει καὶ τοῖς ἄλλοις ἀγαθοῖς αὐτοὺς ἐπιτιμᾶν· φανήσονται γάρ τινες καὶ τῶν ταῦτα κεκτημένων ἐξαμαρτάνοντες καὶ πολλοὺς διὰ τούτων κακῶς ποιοῦντες. [4] Ἀλλὰ γὰρ οὐ δίκαιον, οὔτ' εἴ τινες τοὺς ἀπαντῶντας τύπτουσι, τῆς ῥώμης κατηγορεῖν, οὔτε διὰ τοὺς ἀποκτείνοντας οὓς οὐ δεῖ τὴν ἀνδρίαν λοιδορεῖν, οὔθ' ὅλως τὴν τῶν ἀνθρώπων πονηρίαν ἐπὶ τὰ πράγματα μεταφέρειν, ἀλλ' αὐτοὺς ἐκείνους ψέγειν, ὅσοι τοῖς ἀγαθοῖς κακῶς χρῶνται καὶ τοῖς ὠφελεῖν δυναμένοις, τούτοις βλάπτειν τοὺς συμπολιτευομένους ἐπιχειροῦσι. [5] Νῦν δ' ἀμελήσαντες τοῦτον τὸν τρόπον περὶ ἑκάστου διορίζεσθαι πρὸς ἅπαντας τοὺς λόγους δυσκόλως διάκεινται, καὶ τοσοῦτον διημαρτήκασιν ὥστ' οὐκ αἴσθονται τοιούτῳ πράγματι δυσμενῶς ἔχοντες, ὃ πάντων τῶν ἐνόντων ἐν τῇ τῶν ἀνθρώπων φύσει πλείστων ἀγαθῶν αἴτιόν ἐστι.

Τοῖς μὲν γὰρ ἄλλοις οἷς ἔχομεν οὐδὲν τῶν ἄλλων ζῴων διαφέρομεν, ἀλλὰ πολλῶν καὶ τῷ τάχει καὶ τῇ ῥώμῃ καὶ ταῖς ἄλλαις εὐπορίαις καταδεέστεροι τυγχάνομεν ὄντες· [6] ἐγγενομένου δ' ἡμῖν τοῦ πείθειν ἀλλήλους καὶ δηλοῦν πρὸς ἡμᾶς αὐτοὺς περὶ ὧν ἂν βουληθῶμεν, οὐ μόνον τοῦ θηριωδῶς ζῆν ἀπηλλάγημεν, ἀλλὰ καὶ συνελθόντες πόλεις ᾠκίσαμεν καὶ νόμους ἐθέμεθα καὶ τέχνας εὕρομεν, καὶ σχεδὸν ἅπαντα τὰ δι' ἡμῶν μεμηχανημένα λόγος ἡμῖν ἐστιν ὁ συγκατασκευάσας. [7] Οὗτος γὰρ περὶ τῶν δικαίων καὶ τῶν ἀδίκων καὶ τῶν αἰσχρῶν καὶ τῶν καλῶν ἐνομοθέτησεν· ὧν μὴ διαταχθέντων οὐκ ἂν οἷοί τ' ἦμεν οἰκεῖν μετ' ἀλλήλων. Τούτῳ καὶ τοὺς κακοὺς ἐξελέγχομεν καὶ τοὺς ἀγαθοὺς ἐγκωμιάζομεν. Διὰ τούτου τούς τ' ἀνοήτους παιδεύομεν καὶ τοὺς φρονίμους δοκιμάζομεν· τὸ γὰρ λέγειν ὡς δεῖ τοῦ φρονεῖν εὖ μέγιστον σημεῖον ποιούμεθα, καὶ λόγος ἀληθὴς καὶ νόμιμος καὶ δίκαιος ψυχῆς ἀγαθῆς καὶ πιστῆς εἴδωλόν ἐστιν. [8] Μετὰ τούτου καὶ περὶ τῶν ἀμφισβητησίμων ἀγωνιζόμεθα καὶ περὶ τῶν ἀγνοουμένων σκοπούμεθα· ταῖς γὰρ πίστεσιν αἷς τοὺς ἄλλους λέγοντες πείθομεν, ταῖς αὐταῖς ταύταις βουλευόμενοι χρώμεθα, καὶ ῥητορικοὺς μὲν καλοῦμεν τοὺς ἐν τῷ πλήθει δυναμένους λέγειν, εὐβούλους δὲ νομίζομεν οἵτινες ἂν αὐτοὶ πρὸς αὑτοὺς ἄριστα περὶ τῶν πραγμάτων διαλεχθῶσιν. [9] Εἰ δὲ δεῖ συλλήβδην περὶ τῆς δυνάμεως ταύτης εἰπεῖν, οὐδὲν τῶν φρονίμως πραττομένων εὑρήσομεν ἀλόγως γιγνόμενον, ἀλλὰ καὶ τῶν ἔργων καὶ τῶν διανοημάτων ἁπάντων ἡγεμόνα λόγον ὄντα, καὶ μάλιστα χρωμένους αὐτῷ τοὺς πλεῖστον νοῦν ἔχοντας· ὥστε τοὺς τολμῶντας βλασφημεῖν περὶ τῶν παιδευόντων καὶ φιλοσοφούντων ὁμοίως ἄξιον μισεῖν ὥσπερ τοὺς εἰς τὰ τῶν θεῶν ἐξαμαρτάνοντας.

[10] Ἐγὼ δ' ἀποδέχομαι μὲν ἅπαντας τοὺς λόγους τοὺς καὶ κατὰ μικρὸν ἡμᾶς ὠφελεῖν δυναμένους, οὐ μὴν ἀλλὰ καλλίστους ἡγοῦμαι καὶ βασιλικωτάτους καὶ μάλιστα πρέποντας ἐμοὶ τοὺς περὶ τῶν ἐπιτηδευμάτων καὶ τῶν πολιτειῶν παραινοῦντας, καὶ τούτων αὐτῶν ὅσοι διδάσκουσι τούς τε δυναστεύοντας ὡς δεῖ τῷ πλήθει χρῆσθαι, καὶ τοὺς ἰδιώτας ὡς χρὴ πρὸς τοὺς ἄρχοντας διακεῖσθαι· διὰ γὰρ τούτων ὁρῶ τὰς πόλεις εὐδαιμονεστάτας καὶ μεγίστας γιγνομένας.

[11] Τὸν μὲν οὖν ἕτερον, ὡς χρὴ τυραννεῖν, Ἰσοκράτους ἠκούσατε, τὸν δ' ἐχόμενον, ἃ δεῖ ποιεῖν τοὺς ἀρχομένους, ἐγὼ πειράσομαι διελθεῖν, οὐχ ὡς ἐκεῖνον ὑπερβαλούμενος, ἀλλ' ὡς προσῆκόν μοι περὶ τούτων μάλιστα διαλεχθῆναι πρὸς ὑμᾶς. Εἰ μὲν γὰρ ἐμοῦ μὴ δηλώσαντος ἃ βούλομαι ποιεῖν ὑμᾶς διαμάρτοιτε τῆς ἐμῆς γνώμης, οὐκ ἂν εἰκότως ὑμῖν ὀργιζοίμην· εἰ δὲ προειπόντος ἐμοῦ μηδὲν γίγνοιτο τούτων, δικαίως ἂν ἤδη τοῖς μὴ πειθομένοις μεμφοίμην.

[12] Ἡγοῦμαι δ' οὕτως ἂν μάλιστα παρακαλέσαι καὶ προτρέψαι πρὸς τὸ μνημονεύειν ὑμᾶς τὰ ῥηθέντα καὶ πειθαρχεῖν αὐτοῖς, οὐκ εἰ περὶ τὸ συμβουλεύειν μόνον γενοίμην καὶ ταῦτ' ἀπαριθμήσας ἀπαλλαγείην, ἀλλ' εἰ προεπιδείξαιμι πρῶτον μὲν τὴν πολιτείαν τὴν παροῦσαν ὡς ἄξιόν ἐστιν ἀγαπᾶν οὐ μόνον διὰ τὴν ἀνάγκην, οὐδ' ὅτι πάντα τὸν χρόνον μετὰ ταύτης οἰκοῦμεν, ἀλλ' ὅτι βελτίστη τῶν πολιτειῶν ἐστιν, [13] ἔπειθ' ὡς ἐγὼ ταύτην ἔχω τὴν ἀρχὴν οὐ παρανόμως οὐδ' ἀλλοτρίαν, ἀλλ' ὁσίως καὶ δικαίως καὶ διὰ τοὺς ἐξ ἀρχῆς προγόνους καὶ διὰ τὸν πατέρα καὶ δι' ἐμαυτόν. Τούτων γὰρ προαποδειχθέντων τίς οὐκ αὐτὸς αὑτοῦ καταγνώσεται τὴν μεγίστην ζημίαν, ἂν μὴ πειθαρχῇ τοῖς ὑπ' ἐμοῦ συμβουλευθεῖσι καὶ προσταχθεῖσιν;

[14] περὶ μὲν οὖν τῶν πολιτειῶν (ἐντεῦθεν γὰρ ὑποτιθέμενος ἠρξάμην) οἶμαι πᾶσι δοκεῖν δεινότατον μὲν εἶναι τὸ τῶν αὐτῶν ἀξιοῦσθαι τοὺς χρηστοὺς καὶ τοὺς πονηρούς, δικαιότατον δὲ τὸ διωρίσθαι περὶ τούτων καὶ μὴ τοὺς ἀνομοίους τῶν ὁμοίων τυγχάνειν, ἀλλὰ καὶ πράττειν καὶ τιμᾶσθαι κατὰ τὴν ἀξίαν ἑκάστους.

[15] Αἱ μὲν τοίνυν ὀλιγαρχίαι καὶ δημοκρατίαι τὰς ἰσότητας τοῖς μετέχουσι τῶν πολιτειῶν ζητοῦσι, καὶ τοῦτ' εὐδοκιμεῖ παρ' αὐταῖς, ἢν μηδὲν ἕτερος ἑτέρου δύνηται πλέον ἔχειν· ὃ τοῖς πονηροῖς συμφέρον ἐστίν· αἱ δὲ μοναρχίαι πλεῖστον μὲν νέμουσι τῷ βελτίστῳ, δεύτερον δὲ τῷ μετ' ἐκεῖνον, τρίτον δὲ καὶ τέταρτον τοῖς ἄλλοις κατὰ τὸν αὐτὸν λόγον. Καὶ ταῦτ' εἰ μὴ πανταχοῦ καθέστηκεν, ἀλλὰ τό γε βούλημα τῆς πολιτείας τοιοῦτόν ἐστιν. [16] Καὶ μὲν δὴ διορᾶν καὶ τὰς φύσεις τῶν ἀνθρώπων καὶ τὰς πράξεις ἅπαντες ἂν τὰς τυραννίδας μᾶλλον ὁμολογήσαιεν. Καίτοι τίς οὐκ ἂν δέξαιτο τῶν εὖ φρονούντων τοιαύτης πολιτείας μετέχειν ἐν ᾗ μὴ διαλήσει χρηστὸς ὤν, μᾶλλον ἢ φέρεσθαι μετὰ τοῦ πλήθους μὴ γιγνωσκόμενος ὁποῖός τίς ἐστιν; ἀλλὰ μὴν καὶ πραοτέραν τοσούτῳ δικαίως ἂν αὐτὴν εἶναι κρίνοιμεν, ὅσῳ περ ῥᾷόν ἐστιν ἑνὸς ἀνδρὸς γνώμῃ προσέχειν τὸν νοῦν μᾶλλον ἢ πολλαῖς καὶ παντοδαπαῖς διανοίαις ζητεῖν ἀρέσκειν.

[17] Ὅτι μὲν οὖν ἡδίων ἐστὶ καὶ πραοτέρα καὶ δικαιοτέρα, διὰ πλειόνων μὲν ἄν τις ἀποδείξειεν, οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ διὰ τούτων συνιδεῖν ῥᾴδιόν ἐστι· περὶ δὲ τῶν λοιπῶν, ὅσον αἱ μοναρχίαι πρὸς τὸ βουλεύεσθαι καὶ πρᾶξαί τι τῶν δεόντων διαφέρουσιν, οὕτως ἂν κάλλιστα θεωρήσαιμεν, εἰ τὰς μεγίστας τῶν πράξεων παρ' ἀλλήλας τιθέντες ἐξετάζειν ἐπιχειρήσαιμεν αὐτάς. Οἱ μὲν τοίνυν κατ' ἐνιαυτὸν εἰς τὰς ἀρχὰς εἰσιόντες πρότερον ἰδιῶται γίγνονται, πρὶν αἰσθέσθαι τι τῶν τῆς πόλεως καὶ λαβεῖν ἐμπειρίαν αὐτῶν· [18] οἱ δ' ἀεὶ τοῖς αὐτοῖς ἐπιστατοῦντες, ἢν καὶ τὴν φύσιν καταδεεστέραν ἔχωσιν, ἀλλ' οὖν ταῖς γ' ἐμπειρίαις πολὺ τῶν ἄλλων προέχουσιν. Ἔπειθ' οἱ μὲν πολλῶν καταμελοῦσιν εἰς ἀλλήλους ἀποβλέποντες, οἱ δ' οὐδενὸς ὀλιγωροῦσιν, εἰδότες ὅτι πάντα δεῖ δι' αὑτῶν γίγνεσθαι. Πρὸς δὲ τούτοις οἱ μὲν ἐν ταῖς ὀλιγαρχίαις καὶ ταῖς δημοκρατίαις διὰ τὰς πρὸς σφᾶς αὐτοὺς φιλοτιμίας λυμαίνονται τοῖς κοινοῖς· οἱ δ' ἐν ταῖς μοναρχίαις ὄντες, οὐκ ἔχοντες ὅτῳ φθονήσουσι, πάντων, ὡς οἷόν τ' ἐστί, βέλτιστα πράττουσιν. [19] Ἔπειθ' οἱ μὲν ὑστερίζουσι τῶν πραγμάτων· τὸν μὲν γὰρ πλεῖστον χρόνον ἐπὶ τοῖς ἰδίοις διατρίβουσιν, ἐπειδὰν δ' εἰς τὰ συνέδρια συνέλθωσιν, πλεονάκις ἄν τις αὐτοὺς εὕροι διαφερομένους ἢ κοινῇ βουλευομένους· οἱ δ' οὔτε συνεδρίων οὔτε χρόνων αὐτοῖς ἀποδεδειγμένων, ἀλλὰ καὶ τὰς ἡμέρας καὶ τὰς νύκτας ἐπὶ ταῖς πράξεσιν ὄντες οὐκ ἀπολείπονται τῶν καιρῶν, ἀλλ' ἕκαστον ἐν τῷ δέοντι πράττουσιν. [20] Ἔτι δ' οἱ μὲν δυσμενῶς ἔχουσι, καὶ βούλοιντ' ἂν καὶ τοὺς πρὸ αὑτῶν ἄρχοντας καὶ τοὺς ἐφ' αὑτοῖς ὡς κάκιστα διοικῆσαι τὴν πόλιν, ἵν' ὡς μεγίστην δόξαν αὐτοὶ λάβωσιν· οἱ δὲ διὰ παντὸς τοῦ βίου κύριοι τῶν πραγμάτων ὄντες εἰς ἅπαντα τὸν χρόνον καὶ τὰς εὐνοίας ἔχουσιν. [21] Τὸ δὲ μέγιστον· τοῖς γὰρ κοινοῖς οἱ μὲν ὡς ἀλλοτρίοις, οἱ δ' ὡς ἰδίοις προσέχουσι τὸν νοῦν, καὶ συμβούλοις χρῶνται περὶ αὐτῶν οἱ μὲν τῶν ἀστῶν τοῖς τολμηροτάτοις, οἱ δ' ἐξ ἁπάντων ἐκλεξάμενοι τοῖς φρονιμωτάτοις, καὶ τιμῶσιν οἱ μὲν τοὺς ἐν τοῖς ὄχλοις εἰπεῖν δυναμένους, οἱ δὲ τοὺς χρῆσθαι τοῖς πράγμασιν ἐπισταμένους.

 

[1] 1. Il existe des hommes ennemis de l'éloquence qui, sans cesse occupés à déverser le blâme sur ceux qui font de cet art l'objet de leurs méditations, prétendent
que ce n'est pas dans l'intérêt de la vertu, mais dans celui de leur fortune, que les orateurs consacrent leurs veilles à de si nobles travaux. Je demanderais volontiers à ceux qui sont dans une telle disposition d'esprit pourquoi ils poursuivent de leurs sarcasmes les hommes qui s'attachent à bien parler, tandis qu'ils comblent de louanges ceux qui s'appliquent à bien faire; car, si les avantages obtenus par les premiers les blessent, nous trouverons que les actions en procurent de plus grands et de plus nombreux que les paroles.

[2] A quoi nous ajouterons qu'il est contraire à la raison de ne pas s'apercevoir que, si nous honorons les dieux, si nous pratiquons la justice, si nous cultivons la vertu, ce n'est pas pour rester dans une situation inférieure à celle des autres hommes, mais pour entourer notre vie autant que possible des biens qui peuvent l'embellir. Il ne faut donc pas accuser les choses à l'aide desquelles on peut, sans manquer à la vertu, augmenter sa fortune; mais il faut blâmer les hommes qui se livrent à des actes répréhensibles, ou qui se servent de la parole pour déguiser la vérité et favoriser l'injustice.

[3] 2. Je m'étonne que ceux qui ont cette opinion n'accusent pas également la richesse, la force, la valeur. S'ils sont irrités contre l'éloquence à cause des hommes qui se servent de la parole pour nuire ou pour tromper, ils devraient s'irriter de même contre les autres avantages dont nous pouvons être doués ; car il est bien évident que, parmi ceux qui possèdent ces avantages, il se rencontrera toujours des hommes qui en abuseront pour commettre des fautes et causer du préjudice aux autres. [4] Or, il n'est pas juste d'accuser la force, parce qu'il y a des hommes qui frappent ceux qu'ils rencontrent, ni d'insulter la valeur, à cause de ceux qui donnent injustement la mort à leurs semblables. En un mot, il ne faut pas transporter aux choses ce qui provient de la méchanceté des hommes ; mais il faut blâmer les hommes lorsque, abusant de choses bonnes en elles-mêmes et qui pouvaient servir à l'utilité générale, ils les emploient pour nuire à leurs concitoyens. [5] C'est pour avoir négligé de distinguer ainsi entre les choses, que les hommes dont nous parlons sont devenus les ennemis de toute espèce d'éloquence, et leur erreur est si grande qu'ils ne s'aperçoivent pas qu'entre toutes les facultés propres à notre nature, ils se font les détracteurs de celle qui nous procure le plus de biens.

3. En ce qui concerne les autres dons de la nature, nous n'avons aucune supériorité sur les animaux ; nous sommes même inférieurs à un grand nombre sous le rapport de l'agilité, de la force et des autres facultés physiques ; [6] mais, grâce au don qui nous est accordé de nous persuader mutuellement et de nous rendre compte à nous-mêmes de nos volontés, non seulement nous avons pu nous affranchir de la vie sauvage, mais nous nous sommes réunis, nous avons bâti des villes, établi des lois, inventé des arts ; et c'est ainsi que nous devons a la parole le bienfait de presque toutes les créations de notre esprit. C'est la parole qui a posé les limites de l'équité et de l'injustice, de la honte et de l'honneur; et, si ces limites n'avaient pas été fixées, toute société était impossible entre les hommes. [7] C'est la parole qui nous sert à confondre les méchants et à louer les gens de bien; c'est par elle que nous instruisons les ignorants et que nous pénétrons les pensées des sages; la sagesse des paroles est la marque la plus certaine de la sagesse des pensées, et un discours conforme à la vérité, à la raison, à la justice, est l'image d'une âme droite et sincère. [8] A l'aide de la parole, nous discutons sur les questions susceptibles de controverse, et nous découvrons les vérités ignorées. Les arguments qui nous servent pour persuader les autres sont aussi ceux que nous employons pour nous éclairer en délibérant avec nous-mêmes. Nous appelons éloquents ceux qui possèdent la puissance de parler devant une grande assemblée; nous considérons comme des hommes de bon conseil ceux qui, placés en face d'eux-mêmes, raisonnent sur les affaires avec le plus de sagacité, [9] et, s'il faut tout dire en un mot sur cette grande faculté de l'homme, rien n'est fait avec intelligence sans le secours de la parole ; elle est le guide de nos actions comme de nos pensées, et les hommes d'un esprit supérieur sont ceux qui s'en servent avec le plus d'avantages. Par conséquent ceux qui osent se faire les détracteurs des hommes qui enseignent l'éloquence, ou des hommes qui la cultivent, ne sont pas moins dignes de haine que les profanateurs des temples.

[10] Pour moi, j'approuve tousles discours qui peuvent conduire à un résultat utile, quelque faible qu'il puisse être ; mais je regarde comme les plus nobles, comme les plus dignes de la majesté royale, comme ceux qui conviennent le mieux à mon caractère, les discours qui renferment des conseils sur les devoirs privés et publics; et, parmi ceux-ci, je distingue encore les discours qui enseignent aux princes les règles d'après lesquelles ils doivent agir envers le peuple, et aux simples particuliers les sentiments qui doivent les animer envers les princes qui les gouvernent ; car je vois que de tels discours sont une cause de grandeur et de félicité pour les Etats.

[11] 4. Vous avez entendu de la bouche d'Isocrate, dans un autre discours, de quelle manière les rois doivent gouverner : j'essayerai, dans celui-ci, de développer la suite de sa pensée, en vous traçant les devoirs des peuples qui sont soumis à l'autorité des rois, non que je puisse me flatter de surpasser Isocrate, mais parce qu'il m'appartient spécialement de m'expliquer devant vous sur ce sujet. Si je ne vous faisais pas connaître mes intentions, je n'aurais pas le droit de m'irriter lorsque vos actes y seraient contraires, tandis que du moment où je les aurai manifestées je pourrai justement adresser des reproches à ceux qui s'en écarteraient.

[12] Je crois que le moyen le plus sûr de vous encourager et de vous disposer à garder le souvenir de mes paroles, comme à vous y conformer, n'est pas de m'en tenir à de simples conseils et de me retirer ensuite après en avoir fait une sorte d'énumération devant vous, mais de vous montrer d'abord que la forme de gouvernement sous laquelle nous vivons mérite qu'on s'y attache, nonseulement parce que la nécessité l'exige et que nous y avons été soumis dans tous les temps, mais parce qu'elle est la meilleure de toutes les organisations politiques ; [13] et, en second lieu, de vous faire voir que je ne possède pas une autorité illégitime et fondée sur un titre étranger, mais que je règne en vertu d'un droit juste et sacré, d'un droit possédé depuis l'origine par mes aïeux, qui l'ont transmis à mon père et que mon père m'a transmis. Ces vérités une fois établies, qui de vous ne se reconnaîtrait digne des plus sévères châtiments s'il négligeait mes conseils ou résistait à mes ordres ?

[14] 5. Relativement aux institutions politiques (car c'est par elles que j'ai résolu de commencer), tout le monde conviendra, je pense, qu'il n'est rien de plus révoltant que de voir les méchants jugés dignes des mêmes honneurs que les gens de bien, et qu'il est de toute justice de mettre entre eux une différence, afin que ceux qui n'ont pas les mêmes titres n'obtiennent pas les mêmes avantages, mais que chacun soit honoré et traité en raison de son mérite.

[15] Les oligarchies et les démocraties cherchent à établir l'égalité entre tous ceux qui participent aux droits politiques, et Ton considère comme la perfection, dans ces sortes de gouvernement, qu'un citoyen ne puisse avoir aucun avantage sur un autre, ce qui est évidemment dans l'intérêt des méchants. Les monarchies, au contraire, accordent le principal avantage à celui qui est le premier par son mérite ; après celui-là, au second, puis au troisième, au quatrième, et aux autres successivement; et si, dans l'application, cette règle n'est pas toujours respectée, elle est du moins dans l'esprit du gouvernement. [16] En un mot, tout le monde avouera que la nature des hommes et la valeur de leurs actions sont mieux appréciées dans les monarchies. Or, parmi les hommes sages, quel est celui qui pourrait ne pas souhaiter d'être citoyen d'un Etat où sa vertu ne restera pas ignorée, plutôt que de demeurer confondu dans la foule sans qu'on sache ce qu'il est ni ce qu'il vaut ? Il serait donc juste de considérer la monarchie comme un gouvernement d'autant meilleur qu'il est plus facile de se conformer à la volonté d'un seul homme que de chercher à satisfaire une foule d'esprits différents.

[17] On pourrait multiplier les preuves pour établir que la monarchie est le plus doux, le plus bienveillant, le plus juste de tous les gouvernements ; mais il est facile de le reconnaître d'après ce que nous venons de dire. Au reste, le meilleur moyen d'apprécier à quel point les monarchies l'emportent sur les autres formes de gouvernement, soit pour délibérer avec sagesse, soit pour agir avec opportunité, est d'examiner, en les comparant entre elles, les conséquences des principes qui règlent leur action dans les circonstances les plus importantes. Ainsi les hommes qui ne sont investis des magistratures que pour une année, rentrent dans la vie privée avant d'avoir pu connaître les intérêts de leur pays et acquérir l'habitude des affaires, [18] tandis que ceux qui se perpétuent dans l'exercice de la même autorité, fussent-ils d'une capacité inférieure, ont toujours sur les premiers l'avantage que donne l'expérience. Ceux dont l'autorité est temporaire, se reposant mutuellement les uns sur les autres, négligent beaucoup de choses ; les autres ne négligent rien, parce qu'ils savent que tout doit être fait par eux. Les premiers, c'est-à-dire les hommes qui, dans les oligarchies et dans les démocraties, sont à la tête des affaires, nuisent aux intérêts publics par leurs rivalités ambitieuses, tandis que les chefs des monarchies, ne pouvant porter envie à personne, font, autant qu'il est en eux, dans toutes les circonstances, ce qu'il y a de plus utile à l'État. [19] Les premiers laissent échapper les occasions favorables, parce qu'ils donnent la plus grande partie de leur temps à leurs intérêts privés, et que, réunis en conseil, on les voit bien plus souvent engagés dans des discussions particulières qu'occupés à délibérer sur les intérêts communs. [20] Les seconds, n'ayant ni conseils fixes ni temps marqués, attentifs nuit et jour au bien public, ne laissent échapper aucune occasion, et font tout avec opportunité; les premiers, dominés par leurs jalousies mutuelles, voudraient que leurs successeurs, comme ceux qui les ont précédés, gouvernassent l'Etat le plus mal possible, afin de briller eux-mêmes d'un plus grand éclat; les autres, conservant le pouvoir toute leur vie, sont constamment animés d'un même sentiment de bienveillance. [21] Enfin, et je touche ici le point le plus important, ceux-ci donnent aux affaires publiques la même attention qu'ils donnent à leurs intérêts privés ; ceux-là n'y voient que des intérêts étrangers, et ils prennent pour conseillers les hommes les plus audacieux, tandis que les autres choisissent les plus sages; ceux-là honorent avant tout les orateurs les plus capables d'émouvoir le peuple par leurs discours ; ceux-ci préfèrent les hommes qui savent le mieux diriger les affaires de leur pays.

[22] Οὐ μόνον δ' ἐν τοῖς ἐγκυκλίοις καὶ τοῖς κατὰ τὴν ἡμέραν ἑκάστην γιγνομένοις αἱ μοναρχίαι διαφέρουσιν, ἀλλὰ καὶ τὰς ἐν τῷ πολέμῳ πλεονεξίας ἁπάσας περιειλήφασιν. Καὶ γὰρ παρασκευάσασθαι δυνάμεις καὶ χρήσασθαι ταύταις, ὥστε καὶ λαθεῖν καὶ φθῆναι, καὶ τοὺς μὲν πεῖσαι, τοὺς δὲ βιάσασθαι, παρὰ δὲ τῶν ἐκπρίασθαι, τοὺς δὲ ταῖς ἄλλαις θεραπείαις προσαγαγέσθαι, μᾶλλον αἱ τυραννίδες τῶν ἄλλων πολιτειῶν οἷαί τ' εἰσίν. Καὶ ταῦτ' ἐκ τῶν ἔργων ἄν τις οὐχ ἧττον ἢ τῶν λόγων πιστεύσειεν. [23] Τοῦτο μὲν γὰρ τὴν τῶν Περσῶν δύναμιν ἅπαντες ἴσμεν τηλικαύτην τὸ μέγεθος γεγενημένην οὐ διὰ τὴν τῶν ἀνδρῶν φρόνησιν, ἀλλ' ὅτι μᾶλλον τῶν ἄλλων τὴν βασιλείαν τιμῶσι· τοῦτο δὲ Διονύσιον τὸν τύραννον, ὅτι παραλαβὼν τὴν μὲν ἄλλην Σικελίαν ἀνάστατον γεγενημένην, τὴν δ' αὑτοῦ πατρίδα πολιορκουμένην, οὐ μόνον αὐτὴν τῶν παρόντων κινδύνων ἀπήλλαξεν, ἀλλὰ καὶ μεγίστην τῶν Ἑλληνίδων πόλεων ἐποίησεν· ἔτι δὲ Καρχηδονίους καὶ Λακεδαιμονίους, [24] τοὺς ἄριστα τῶν ἄλλων πολιτευομένους, οἴκοι μὲν ὀλιγαρχουμένους, παρὰ δὲ τὸν πόλεμον βασιλευομένους. Ἔχοι δ' ἄν τις ἐπιδεῖξαι καὶ τὴν πόλιν, τὴν μάλιστα τὰς τυραννίδας μισοῦσαν, ὅταν μὲν πολλοὺς ἐκπέμψῃ στρατηγούς, ἀτυχοῦσαν, ὅταν δὲ δι' ἑνὸς ποιήσηται τοὺς κινδύνους, κατορθοῦσαν. [25] Καίτοι πῶς ἄν τις σαφέστερον ἐπιδείξειεν ἢ διὰ τοιούτων παραδειγμάτων πλείστου τὰς μοναρχίας ἀξίας οὔσας; φαίνονται γὰρ οἵ τε διὰ τέλους τυραννευόμενοι μεγίστας δυνάμεις ἔχοντες, οἵ τε καλῶς ὀλιγαρχούμενοι, περὶ ἃ μάλιστα σπουδάζουσιν, οἱ μὲν ἕνα μόνον στρατηγὸν οἱ δὲ βασιλέα τῶν στρατοπέδων κύριον καθιστάντες, οἵ τε μισοῦντες τὰς τυραννίδας, ὁπόταν πολλοὺς ἄρχοντας ἐκπέμψωσιν, [26] οὐδὲν τῶν δεόντων πράττοντες. Εἰ δὲ δεῖ τι καὶ τῶν ἀρχαίων εἰπεῖν, λέγεται καὶ τοὺς θεοὺς ὑπὸ Διὸς βασιλεύεσθαι. Περὶ ὧν εἰ μὲν ἀληθὴς ὁ λόγος ἐστί, δῆλον ὅτι κἀκεῖνοι ταύτην τὴν κατάστασιν προκρίνουσιν, εἰ δὲ τὸ μὲν σαφὲς μηδεὶς οἶδεν, αὐτοὶ δ' εἰκάζοντες οὕτω περὶ αὐτῶν ὑπειλήφαμεν, σημεῖον ὅτι πάντες τὴν μοναρχίαν προτιμῶμεν· οὐ γὰρ ἄν ποτ' αὐτῇ χρῆσθαι τοὺς θεοὺς ἔφαμεν, εἰ μὴ πολὺ τῶν ἄλλων αὐτὴν προέχειν ἐνομίζομεν.

[27] Περὶ μὲν οὖν τῶν πολιτειῶν, ὅσον ἀλλήλων διαφέρουσιν, ἅπαντα μὲν οὔθ' εὑρεῖν οὔτ' εἰπεῖν δυνατόν ἐστιν· οὐ μὴν ἀλλὰ πρός γε τὸ παρὸν ἀποχρώντως καὶ νῦν εἴρηται περὶ αὐτῶν.

Ὡς δὲ προσηκόντως τὴν ἀρχὴν ἡμεῖς ἔχομεν, πολὺ τούτου συντομώτερος καὶ μᾶλλον ὁμολογούμενος ὁ λόγος ἐστίν. [28] Τίς γὰρ οὐκ οἶδεν ὅτι Τεῦκρος μὲν ὁ τοῦ γένους ἡμῶν ἀρχηγός, παραλαβὼν τοὺς τῶν ἄλλων πολιτῶν προγόνους, πλεύσας δεῦρο καὶ τὴν πόλιν αὐτοῖς ἔκτισε καὶ τὴν χώραν κατένειμεν, ὁ δὲ πατὴρ Εὐαγόρας ἀπολεσάντων ἑτέρων τὴν ἀρχὴν πάλιν ἀνέλαβεν, ὑποστὰς τοὺς μεγίστους κινδύνους, καὶ τοσοῦτον μετέστησεν ὥστε μηκέτι Φοίνικας Σαλαμινίων τυραννεῖν, ἀλλ' ὧνπερ ἦν τὴν ἀρχήν, τούτους καὶ νῦν ἔχειν τὴν βασιλείαν;

[29] λοιπὸν οὖν ἐστιν ὧν προεθέμην περὶ ἐμαυτοῦ διελθεῖν ἵν' ἐπίστησθ' ὅτι τοιοῦτός ἐστιν ὑμῶν ὁ βασιλεύων, ὃς οὐ μόνον διὰ τοὺς προγόνους ἀλλὰ καὶ δι' ἐμαυτὸν δικαίως ἂν καὶ μείζονος τιμῆς ἢ τηλικαύτης ἠξιώθην. Οἶμαι γὰρ ἐγὼ πάντας ἂν ὁμολογῆσαι πλείστου τῶν ἀρετῶν ἀξίας εἶναι τήν τε σωφροσύνην καὶ τὴν δικαιοσύνην. [30] Οὐ γὰρ μόνον ἡμᾶς τὸ καθ' αὑτὰς ὠφελοῦσιν, ἀλλ' εἰ 'θέλοιμεν σκοπεῖν καὶ τὰς φύσεις καὶ τὰς δυνάμεις καὶ τὰς χρήσεις τῶν πραγμάτων, εὑρήσομεν τὰς μὲν μὴ μετεχούσας τούτων τῶν ἰδεῶν μεγάλων κακῶν αἰτίας οὔσας, τὰς δὲ μετὰ δικαιοσύνης καὶ σωφροσύνης γιγνομένας πολλὰ τὸν βίον τὸν τῶν ἀνθρώπων ὠφελούσας. Εἰ δή τινες τῶν προγεγενημένων ἐπὶ ταύταις ταῖς ἀρεταῖς εὐδοκίμησαν, ἡγοῦμαι κἀμοὶ προσήκειν τῆς αὐτῆς δόξης ἐκείνοις τυγχάνειν.

[31] Τὴν μὲν οὖν δικαιοσύνην ἐκεῖθεν ἂν μάλιστα κατίδοιτε. Παραλαβὼν γάρ, ὅτ' εἰς τὴν ἀρχὴν καθιστάμην, τὰ μὲν βασίλεια χρημάτων κενὰ καὶ πάντα κατηναλωμένα, τὰ δὲ πράγματα ταραχῆς μεστὰ καὶ πολλῆς ἐπιμελείας δεόμενα καὶ φυλακῆς καὶ δαπάνης, εἰδὼς ἑτέρους ἐν τοῖς τοιούτοις καιροῖς ἐκ παντὸς τρόπου τὰ σφέτερ' αὐτῶν διορθουμένους καὶ πολλὰ παρὰ τὴν φύσιν τὴν αὑτῶν πράττειν ἀναγκαζομένους, ὅμως οὐδ' ὑφ' ἑνὸς τούτων διεφθάρην, [32] ἀλλ' ὁσίως καὶ καλῶς ἐπεμελήθην τῶν πραγμάτων, ὥστε μηδὲν ἐλλείπειν ἐξ ὧν οἷόν τ' ἦν αὐξηθῆναι καὶ πρὸς εὐδαιμονίαν ἐπιδοῦναι τὴν πόλιν. Πρός τε γὰρ τοὺς πολίτας μετὰ τοιαύτης πραότητος προσηνέχθην, ὥστε μήτε φυγὰς μήτε θανάτους μήτε χρημάτων ἀποβολὰς μήτ' ἄλλην μηδεμίαν τοιαύτην συμφορὰν ἐπὶ τῆς ἐμῆς γεγενῆσθαι βασιλείας. [33] Ἀβάτου δὲ τῆς Ἑλλάδος ἡμῖν οὔσης διὰ τὸν πόλεμον τὸν γεγενημένον, καὶ πανταχοῦ συλωμένων ἡμῶν, τὰ πλεῖστα τούτων διέλυσα, τοῖς μὲν ἅπαντ' ἀποτίνων, τοῖς δὲ μέρη, τῶν δ' ἀναβαλέσθαι δεόμενος, πρὸς δὲ τοὺς ὅπως ἠδυνάμην περὶ τῶν ἐγκλημάτων διαλλαττόμενος. Ἔτι δὲ καὶ τῶν νῆσον οἰκούντων δυσκόλως πρὸς ἡμᾶς διακειμένων, καὶ βασιλέως τῷ μὲν λόγῳ διηλλαγμένου τῇ δ' ἀληθεία τραχέως ἔχοντος, [34] ἀμφότερα ταῦτα κατεπράϋνα, τῷ μὲν προθύμως ὑπηρετῶν, πρὸς δὲ τοὺς δίκαιον ἐμαυτὸν παρέχων. Τοσούτου γὰρ δέω τῶν ἀλλοτρίων ἐπιθυμεῖν, ὥσθ' ἕτεροι μέν, ἢν καὶ μικρῷ μείζω τῶν ὁμόρων δύναμιν ἔχωσιν, ἀποτέμνονται τῆς γῆς καὶ πλεονεκτεῖν ζητοῦσιν, ἐγὼ δ' οὐδὲ τὴν διδομένην χώραν ἠξίωσα λαβεῖν, ἀλλ' αἱροῦμαι μετὰ δικαιοσύνης τὴν ἐμαυτοῦ μόνον ἔχειν μᾶλλον ἢ μετὰ κακίας πολλαπλασίαν τῆς ὑπαρχούσης κτήσασθαι. [35] Καὶ τί δεῖ καθ' ἓν ἕκαστον λέγοντα διατρίβειν, ἄλλως τε καὶ συντόμως ἔχοντα δηλῶσαι περὶ ἐμαυτοῦ; φανήσομαι γὰρ οὐδένα μὲν πώποτ' ἀδικήσας, πλείους δὲ καὶ τῶν πολιτῶν καὶ τῶν ἄλλων Ἑλλήνων εὖ πεποιηκὼς καὶ μείζους δωρεὰς ἑκατέροις δεδωκὼς ἢ σύμπαντες οἱ πρὸ ἐμοῦ βασιλεύσαντες. Καίτοι χρὴ τοὺς μέγα φρονοῦντας ἐπὶ δικαιοσύνῃ καὶ προσποιουμένους χρημάτων εἶναι κρείττους τοιαύτας ὑπερβολὰς ἔχειν εἰπεῖν περὶ αὑτῶν.

[36] Καὶ μὲν δὴ καὶ περὶ σωφροσύνης ἔτι μείζω τούτων ἔχω διελθεῖν. Εἰδὼς γὰρ ἅπαντας ἀνθρώπους περὶ πλείστου ποιουμένους τοὺς παῖδας τοὺς αὑτῶν καὶ τὰς γυναῖκας, καὶ μάλιστ' ὀργιζομένους τοῖς εἰς ταῦτ' ἐξαμαρτάνουσι, καὶ τὴν ὕβριν τὴν περὶ ταῦτα μεγίστων κακῶν αἰτίαν γιγνομένην, καὶ πολλοὺς ἤδη καὶ τῶν ἰδιωτῶν καὶ τῶν δυναστευσάντων διὰ ταύτην ἀπολομένους, οὕτως ἔφυγον τὰς αἰτίας ταύτας, ὥστ' ἐξ οὗ τὴν βασιλείαν ἔλαβον, οὐδενὶ φανήσομαι σώματι πεπλησιακὼς πλὴν τῆς ἐμαυτοῦ γυναικός, [37] οὐκ ἀγνοῶν ὅτι κἀκεῖνοι παρὰ τοῖς πολλοῖς εὐδοκιμοῦσιν, ὅσοι περὶ μὲν τὰ τῶν πολιτῶν δίκαιοι τυγχάνουσιν ὄντες, ἄλλοθεν δέ ποθεν αὑτοῖς ἐπορίσαντο τὰς ἡδονάς, ἀλλὰ βουλόμενος ἅμα μὲν ἐμαυτὸν ὡς πορρωτάτω ποιῆσαι τῶν τοιούτων ὑποψιῶν, ἅμα δὲ παράδειγμα καταστῆσαι τὸν τρόπον τὸν ἐμαυτοῦ τοῖς ἄλλοις πολίταις, γιγνώσκων ὅτι φιλεῖ τὸ πλῆθος ἐν τούτοις τοῖς ἐπιτηδεύμασι τὸν βίον διάγειν, ἐν οἷς ἂν τοὺς ἄρχοντας τοὺς αὑτῶν ὁρῶσι διατρίβοντας. [38] Ἔπειτα καὶ προσήκειν ἡγησάμην τοσούτῳ τοὺς βασιλεῖς βελτίους εἶναι τῶν ἰδιωτῶν, ὅσῳ περ καὶ τὰς τιμὰς μείζους αὐτῶν ἔχουσι, καὶ δεινὰ ποιεῖν ὅσοι τοὺς μὲν ἄλλους κοσμίως ζῆν ἀναγκάζουσιν, αὐτοὶ δ' αὑτοὺς μὴ σωφρονεστέρους τῶν ἀρχομένων παρέχουσιν. [39] Πρὸς δὲ τούτοις τῶν μὲν ἄλλων πράξεων ἑώρων ἐγκρατεῖς τοὺς πολλοὺς γιγνομένους, τῶν δ' ἐπιθυμιῶν τῶν περὶ τοὺς παῖδας καὶ τὰς γυναῖκας καὶ τοὺς βελτίστους ἡττωμένους· ἐβουλήθην οὖν ἐν τούτοις ἐμαυτὸν ἐπιδεῖξαι καρτερεῖν δυνάμενον, ἐν οἷς ἔμελλον οὐ μόνον τῶν ἄλλων διοίσειν, ἀλλὰ καὶ τῶν ἐπ' ἀρετῇ μέγα φρονούντων. [40] Ἔτι δὲ καὶ τῶν τοιούτων πολλὴν κακίαν κατεγίγνωσκον, ὅσοι γυναῖκας λαβόντες καὶ κοινωνίαν ποιησάμενοι παντὸς τοῦ βίου μὴ στέργουσιν οἷς ἔπραξαν, ἀλλὰ ταῖς αὑτῶν ἡδοναῖς λυποῦσι ταύτας ὑφ' ὧν αὐτοὶ μηδὲν ἀξιοῦσι λυπεῖσθαι, καὶ περὶ μὲν ἄλλας τινὰς κοινωνίας ἐπιεικεῖς σφᾶς αὐτοὺς παρέχουσιν, ἐν δὲ ταῖς πρὸς τὰς γυναῖκας ἐξαμαρτάνουσιν· ἃς ἔδει τοσούτῳ μᾶλλον διαφυλάττειν, ὅσῳ περ οἰκειότεραι καὶ μείζους οὖσαι τῶν ἄλλων τυγχάνουσιν. [41] Εἶτα λανθάνουσιν ἔνδον ἐν τοῖς βασιλείοις στάσεις καὶ διαφορὰς αὑτοῖς ἐγκαταλείποντες. Καίτοι χρὴ τοὺς ὀρθῶς βασιλεύοντας μὴ μόνον τὰς πόλεις ἐν ὁμονοία πειρᾶσθαι διάγειν, ὧν ἂν ἄρχωσιν, ἀλλὰ καὶ τοὺς οἴκους τοὺς ἰδίους καὶ τοὺς τόπους ἐν οἷς ἂν κατοικῶσιν· ἅπαντα γὰρ ταῦτα σωφροσύνης ἔργα καὶ δικαιοσύνης ἐστίν.

[22] 6. Ce n'est pas seulement dans le cercle des événements ordinaires, et dans les affaires qui se reproduisent chaque jour, que les monarchies l'emportent sur les autres gouvernements ; mais, dans la guerre, elles réunissent tous les avantages ; elles peuvent avec plus de facilité lever des armées, les mettre en campagne, dérober leurs mouvements, surprendre l'ennemi ; persuader les uns, contraindre les autres, gagner ceux-ci par des largesses, s'attacher ceux-là par d'autres moyens de séduction, et l'on peut à cet égard s'en rapporter au témoignage des faits, non moins qu'à celui des paroles. [23] Ainsi, d'une part, nous savons tous que la puissance des Perses est parvenue à un aussi haut degré de grandeur, non par la sagesse de leur politique, mais parce que, de tous les peuples, ce sont les Perses qui honorent le plus la royauté; et, d'un autre côté, nous savons que Denys le tyran, ayant établi son pouvoir dans un moment où la Sicile avait été dévastée et où sa patrie était assiégée, non-seulement délivra son pays des périls qui le menaçaient, mais fit de Syracuse la plus puissante des villes grecques. Nous savons en outre que les Carthaginois, ainsi que les Lacédémoniens, [24] qui jouissent, entre tous les Grecs, du meilleur gouvernement, sont soumis dans leur patrie à un pouvoir oligarchique, mais qu'à la guerre ils obéissent à des rois. On pourrait même citer la ville d'Athènes, de toutes les républiques la plus ennemie de la royauté, qui éprouve des revers lorsqu'elle confie à plusieurs généraux le commandement de ses armées, tandis qu'elle remporte des victoires quand ses soldats vont au combat sous la conduite d'un seul chef. [25] Comment pourrait-on montrer d'une manière plus évidente que par de semblables exemples la supériorité des monarchies? Les peuples les plus puissants sont ceux qui vivent constamment sous l'autorité d'un seul ; parmi ceux qui obéissent à un pouvoir oligarchique et qui sont sagement gouvernés, les uns, dans les circonstances les plus importantes, placent à la tête de leurs armées un seul général ; les autres y placent un roi ; enfin ceux qui haïssent la monarchie échouent dans toutes leurs entreprises quand ils envoient plusieurs généraux [26] pour diriger les opérations militaires. Et si je dois parler aussi des traditions antiques, elles nous apprennent que les dieux sont gouvernés monarchiquement par Jupiter. Or, si ce récit est véritable, il est évident que les dieux eux-mêmes ont jugé cette forme de gouvernement supérieure à toutes les autres ; mais si personne ne peut avoir de certitude à cet égard, si c'est uniquement par conjecture que nous nous sommes fait une telle opinion relativement aux dieux, c'est une indication que nous plaçons tous d'un commun accord la monarchie au-dessus de tous les gouvernements; car nous n'aurions jamais dit que les dieux l'avaient adoptée, si nous n'eussions pas été convaincus qu'elle avait de grands avantages sur les autres organisations politiques.

[27] Il serait impossible de tout découvrir comme de tout dire relativement aux qualités qui distinguent les diverses formes de gouvernement; mais, pour le moment, il me semble que ce sujet est suffisamment éclairci.

7. Quant au droit sur lequel se fonde ma légitime autorité, je l'établis en moins de mots et sur des preuves plus généralement admises. [28] Qui ne sait, en effet, que Teucer, l'auteur de ma race, prenant avec lui les ancêtres des citoyens de Salamine, fit voile vers le pays que nous habitons aujourd'hui, y bâtit la ville et leur distribua le territoire; et qu'Evagoras, mon père, s'exposant aux plus grands dangers pour reconquérir le pouvoir que d'autres avaient laissé échapper de leurs mains, changea tellement la situation des affaires, que les Phéniciens ne régnent plus sur Salamine, et que l'autorité royale est rentrée dans les mains de ceux qui l'avaient exercée dès l'origine ?

[29] 8. Il me reste à vous entretenir de ce qui m'est personnel, pour que vous sachiez que votre roi est digne, non-seulement par ses- ancêtres, mais par lui-même, d'un honneur plus grand encore que l'honneur déjà si grand dont il est revêtu. Tout le monde conviendra, je pense, qu'entre toutes les vertus, la modération et la justice occupent le premier rang. [30] Ces deux vertus ne nous sont pas seulement utiles par elles-mêmes ; mais, si nous voulons réfléchir sur la nature, la puissance et l'usage des relations qui existent entre les hommes, nous trouverons que celles où l'on ne voit point entrer la modération et la justice sont la cause des plus grandes calamités, tandis que celles où la justice et la modération prennent place contribuent puissamment au bonheur de la vie sociale. Or, si quelques-uns de ceux qui m'ont précédé sur le trône se sont rendus célèbres par ces deux vertus, je crois avoir de justes droits à la même renommée.

[31] 9. En ce qui concerne la justice, voici comment vous pouvez surtout en juger. Lorsque j'ai pris les rênes de l'Etat, j'ai trouvé le trésor royal épuisé, les revenus publics dilapidés, les affaires pleines de désordre et réclamant, avec les soins les plus assidus, la surveillance la plus active et des dépenses considérables. Je n'ignorais pas que, dans de telles circonstances, les autres princes emploient tous les moyens pour relever leur fortune, et que la nécessité les entraîne à beaucoup d'actes qui répugnent à leur caractère ; aucune de ces causes de corruption n'a pu m'atteindre, [32] et j'ai administré les affaires de l'État avec un soin si religieux, un dévouement si généreux, que rien n'a été négligé de ce qui pouvait accroître la puissance de ma patrie ou ajouter à son bonheur. Je me suis comporté avec tant de douceur envers les citoyens, que, sous mon gouvernement, on n'a vu ni exil, ni condamnation à mort, ni confiscation de biens, ni aucune autre calamité de cette nature. [33] La Grèce nous était fermée, à cause de la guerre qui avait eu lieu, et partout notre pays était en proie à la dévastation. J'ai mis fin à la plupart de ces maux, en payant aux uns la totalité, aux autres une partie de ce qu'ils réclamaient; en demandant à ceux-ci des délais, en transigeant avec ceux-là aux meilleures conditions possibles. Les habitants de l'île étaient animés à notre égard de sentiments hostiles; le grand roi, réconcilié avec nous en apparence, était, en réalité, notre ennemi ; [34] j'ai adouci des deux côtés ces dispositions funestes : celles du roi, en le servant avec zèle ; celles des habitants de l'île, en me montrant rigoureux observateur de la justice. Je suis si loin de désirer ce qui appartient aux autres, que, dans un temps où l'on voit ceux qui ont une plus grande puissance que leurs voisins les dépouiller d'une partie de leur territoire et s'efforcer d'acquérir plus qu'ils n'ont droit de posséder, je n'ai pas même accepté une contrée qui m'était offerte, et j'ai préféré jouir uniquement de ce qui était à moi en me conformant à la justice, plutôt que d'acquérir injustement un territoire beaucoup plus considérable que celui qui m'était échu en partage. [35] Mais pourquoi m'arrêter à des détails, lorsque je puis m'expliquer en peu de mots sur ce qui m'est personnel? Loin d'avoir jamais été injuste envers personne, on verra que j'ai répandu plus de bienfaits sur mes concitoyens et sur les autres Grecs, et que je leur ai fait de plus magnifiques présents, que tous les rois qui m'ont précédé. Certes, ceux qui fondent leur orgueil sur la justice et qui font profession de mépriser les richesses, ont seuls le droit de s'exprimer sur eux-mêmes avec cette noble fierté.

[36] 10. Relativement à la continence, je puis produire des témoignages d'une valeur plus grande encore. Je savais que les hommes n'ont rien de plus cher au monde que leurs enfants et leurs femmes, et que leur colère s'enflamme surtout contre ceux qui outragent ces objets de leur affection ; je savais également que les insultes dirigées contre les enfants et les femmes avaient été la cause des plus grands malheurs, et qu'elles avaient coûté la vie à un grand nombre de particuliers et de princes; aussi, ai-je apporté un tel soin à fuir de semblables accusations, que, depuis le jour où le pouvoir est passé dans mes mains, on ne m'a vu entretenir de rapports intimes avec aucune autre femme que celle qui m'appartient. [37] Je n'ignorais pas cependant que les princes qui se montrent fidèles observateurs de la justice envers leurs concitoyens ne perdent pas leur bonne renommée dans l'opinion des peuples, lorsqu'ils cherchent au dehors de coupables satisfactions; mais je voulais me tenir le plus loin possible de semblables soupçons, et, sachant que la multitude aime à régler ses moelirs sur celles des hommes qui la gouvernent, je regardais comme un devoir d'offrir ma conduite pour exemple à mes concitoyens. [38] J'étais d'ailleurs convaincu que les rois doivent se montrer plus vertueux et plus sages que les simples particuliers, en proportion des honneurs plus grands dont ils jouissent, et que la conduite de ceux qui obligent les autres à vivre selon les règles de l'honnêteté, sans se montrer eux-mêmes plus vertueux que ceux qui leur obéissent, offre quelque chose de révoltant. [39] Voyant, en outre, que les hommes, sans en excepter ceux du vulgaire, savaient se dominer sur les autres points, tandis que, même les plus distingués, succombaient à l'attrait de la volupté, je voulais montrer que j'étais capable de me maîtriser dans les choses où je devais remporter, non seulement sur la foule, mais sur les hommes qui s'enorgueillissent de leur vertu. [40] Je condamnais comme coupables d'une profonde perversité ceux qui, après avoir épousé une femme et en avoir fait la compagne de leur vie tout entière, n'attachent pas le plus grand prix à garder avec fidélité leurs engagements envers elle; qui, dans l'intérêt de leurs plaisirs, affligent celle dont ils prétendent ne recevoir aucune offense ; qui, montrant de la bonne foi dans les autres associations, manquent de loyauté dans celles qui concernent leurs femmes et dont les obligations devraient être remplies d'autant plus religieusement qu'elles sont plus grandes et plus intimes ; [41] qui ne s'aperçoivent pas qu'ils laissent ainsi des semences de division et de discorde au sein de leur palais, et qui oublient que les rois, pour bien gouverner, doivent s'efforcer de maintenir dans la plus parfaite harmonie, non seulement les villes auxquelles ils commandent, mais leur propre maison et les lieux qu'ils habitent; car c'est ainsi qu'ils accomplissent les oeuvres de la sagesse et les devoirs de la justice.

[42] Οὐ τὴν αὐτὴν δὲ γνώμην ἔσχον οὐδὲ περὶ τῆς παιδοποιίας τοῖς πλείστοις τῶν βασιλέων, οὐδ' ᾠήθην δεῖν τοῖς μὲν ἐκ ταπεινοτέρας ποιήσασθαι τῶν παίδων τοὺς δ' ἐκ σεμνοτέρας, οὐδὲ τοὺς μὲν νόθους αὐτῶν τοὺς δὲ γνησίους καταλιπεῖν, ἀλλὰ πάντας ἔχειν τὴν αὐτὴν φύσιν καὶ πρὸς πατρὸς καὶ πρὸς μητρὸς ἀνενεγκεῖν, τῶν μὲν θνητῶν εἰς Εὐαγόραν τὸν πατέρα, τῶν δ' ἡμιθέων εἰς Αἰακίδας, τῶν δὲ θεῶν εἰς Δία, καὶ μηδένα τῶν ἐξ ἐμοῦ γενομένων ἀποστερηθῆναι ταύτης τῆς εὐγενείας.

[43] Πολλῶν δέ με προτρεπόντων ἐμμένειν τοῖς ἐπιτηδεύμασι τούτοις, οὐχ ἥκιστα κἀκεῖνο παρεκάλεσεν, ὅτι τῆς μὲν ἀνδρίας καὶ τῆς δεινότητος καὶ τῶν ἄλλων τῶν εὐδοκιμούντων ἑώρων καὶ τῶν κακῶν ἀνδρῶν πολλοὺς μετέχοντας, τὴν δὲ δικαιοσύνην καὶ σωφροσύνην ἴδια κτήματα τῶν καλῶν κἀγαθῶν ὄντα. Κάλλιστον οὖν ὑπέλαβον, εἴ τις δύναιτο ταύταις ταῖς ἀρεταῖς προέχειν τῶν ἄλλων, ὧν οὐδὲν μέρος τοῖς πονηροῖς μέτεστιν, ἀλλὰ γνησιώταται καὶ βεβαιόταται καὶ μεγίστων ἐπαίνων ἄξιαι τυγχάνουσιν οὖσαι. [44] Τούτων ἕνεκα καὶ ταῦτα διανοηθεὶς περιττοτέρως τῶν ἄλλων ἤσκησα τὴν σωφροσύνην καὶ προειλόμην τῶν ἡδονῶν οὐ τὰς ἐπὶ τοῖς ἔργοις τοῖς μηδεμίαν τιμὴν ἔχουσιν, ἀλλὰ τὰς ἐπὶ ταῖς δόξαις ταῖς δι' ἀνδραγαθίαν γιγνομέναις.

Χρὴ δὲ δοκιμάζειν τὰς ἀρετὰς οὐκ ἐν ταῖς αὐταῖς ἰδέαις ἁπάσας, ἀλλὰ τὴν μὲν δικαιοσύνην ἐν ταῖς ἀπορίαις, τὴν δὲ σωφροσύνην ἐν ταῖς δυναστείαις, τὴν δ' ἐγκράτειαν ἐν ταῖς τῶν νεωτέρων ἡλικίαις. [45] Ἐγὼ τοίνυν ἐν πᾶσι τοῖς καιροῖς φανήσομαι πεῖραν τῆς ἐμαυτοῦ φύσεως δεδωκώς. Ἐνδεὴς μέν γε χρημάτων καταλειφθεὶς οὕτω δίκαιον ἐμαυτὸν παρέσχον ὥστε μηδένα λυπῆσαι τῶν πολιτῶν· λαβὼν δ' ἐξουσίαν ὥστε ποιεῖν ὅ τι ἂν βούλωμαι, σωφρονέστερος τῶν ἰδιωτῶν ἐγενόμην· τούτων δ' ἀμφοτέρων ἐκράτησα ταύτην ἔχων τὴν ἡλικίαν, ἐν ᾗ τοὺς πλείστους ἂν εὕροιμεν πλεῖστα περὶ τὰς πράξεις ἐξαμαρτάνοντας. [46] Καὶ ταῦτ' ἐν ἑτέροις μὲν ἴσως ἂν ὤκνουν εἰπεῖν, οὐχ ὡς οὐ φιλοτιμούμενος ἐπὶ τοῖς πεπραγμένοις, ἀλλ' ὡς οὐκ ἂν πιστευθεὶς ἐκ τῶν λεγομένων· ὑμεῖς δ' αὐτοί μοι μάρτυρές ἐστε πάντων τῶν εἰρημένων· ἄξιον μὲν οὖν καὶ τοὺς φύσει κοσμίους ὄντας ἐπαινεῖν καὶ θαυμάζειν, ἔτι δὲ μᾶλλον καὶ τοὺς μετὰ λογισμοῦ τοιούτους ὄντας· [47] οἱ μὲν γὰρ τύχῃ καὶ μὴ γνώμῃ σωφρονοῦντες τυχὸν ἂν καὶ μεταπεισθεῖεν· οἱ δὲ πρὸς τῳ πεφυκέναι καὶ διεγνωκότες ὅτι μέγιστόν ἐστι τῶν ἀγαθῶν ἀρετή, δῆλον ὅτι πάντα τὸν βίον ἐν ταύτῃ τῇ τάξει διαμενοῦσιν.

Διὰ τοῦτο δὲ πλείους ἐποιησάμην τοὺς λόγους καὶ περὶ ἐμαυτοῦ καὶ περὶ τῶν ἄλλων τῶν προειρημένων, ἵνα μηδεμίαν ὑπολίπω πρόφασιν ὡς οὐ δεῖ ποιεῖν ὑμᾶς ἑκόντας καὶ προθύμως, ἅττ' ἂν ἐγὼ συμβουλεύσω καὶ προστάξω.

[48] Φημὶ δὲ χρῆναι πράττειν ἕκαστον ὑμῶν, ἐφ' οἷς ἐφέστηκεν, ἐπιμελῶς καὶ δικαίως· καθ' ὁπότερον γὰρ ἂν ἐλλείπητε τούτων, ἀνάγκη κακῶς σχεῖν ταύτῃ τὰς πράξεις. Μηδενὸς ὀλιγωρεῖτε μηδὲ καταφρονεῖτε τῶν προστεταγμένων, ὑπολαμβάνοντες ὡς οὐ παρὰ τοῦτ' ἐστίν, ἀλλ' ὡς παρ' ἕκαστον τῶν μερῶν ἢ καλῶς ἢ κακῶς τὸ σύμπαν ἕξον, [49] οὕτω σπουδάζετε περὶ αὐτῶν.

Κήδεσθε μηδὲν ἧττον τῶν ἐμῶν ἢ τῶν ὑμετέρων αὐτῶν, καὶ μὴ νομίζετε μικρὸν ἀγαθὸν εἶναι τὰς τιμὰς ἃς ἔχουσιν οἱ καλῶς τῶν ἡμετέρων ἐπιστατοῦντες.

Ἀπέχεσθε τῶν ἀλλοτρίων, ἵν' ἀσφαλέστερον τοὺς οἴκους τοὺς ὑμετέρους αὐτῶν κεκτῆσθε.

Τοιούτους εἶναι χρὴ περὶ τοὺς ἄλλους, οἷόν περ ἐμὲ περὶ ὑμᾶς ἀξιοῦτε γίγνεσθαι.

[50] Μὴ σπεύδετε πλουτεῖν μᾶλλον ἢ χρηστοὶ δοκεῖν εἶναι, γιγνώσκοντες ὅτι καὶ τῶν Ἑλλήνων καὶ τῶν βαρβάρων οἱ μεγίστας ἐπ' ἀρετῇ δόξας ἔχοντες πλείστων ἀγαθῶν δεσπόται καθίστανται.

Τοὺς χρηματισμοὺς τοὺς παρὰ τὸ δίκαιον γιγνομένους ἡγεῖσθε μὴ πλοῦτον ἀλλὰ κίνδυνον ποιήσειν.

Μὴ τὸ μὲν λαβεῖν κέρδος εἶναι νομίζετε, τὸ δ' ἀναλῶσαι ζημίαν· οὐδέτερον γὰρ τούτων ἀεὶ τὴν αὐτὴν ἔχει δύναμιν, ἀλλ' ὁπότερον ἂν ἐν καιρῷ καὶ μετ' ἀρετῆς γίγνηται, τοῦτ' ὠφελεῖ τοὺς ποιοῦντας.

[51] Μηδὲ πρὸς ἓν χαλεπῶς ἔχετε τῶν ὑπ' ἐμοῦ προσταττομένων· ὅσοι γὰρ ἂν ὑμῶν περὶ πλεῖστα τῶν ἐμῶν χρησίμους αὑτοὺς παράσχωσιν, οὗτοι πλεῖστα τοὺς οἴκους τοὺς αὑτῶν ὠφελήσουσιν.

Ὅ τι ἂν ὑμῶν ἕκαστος αὐτὸς αὑτῷ τύχῃ συνειδώς, ἡγείσθω μηδ' ἐμὲ λήσειν, ἀλλ' ἐὰν καὶ τὸ σῶμα μὴ παρῇ, τὴν διάνοιαν τὴν ἐμὴν οἰέσθω τοῖς γιγνομένοις παρεστάναι· ταύτην γὰρ τὴν γνώμην ἔχοντες, σωφρονέστερον βουλεύσεσθε περὶ ἁπάντων.

[52] Μηδὲν ἀποκρύπτεσθε μήθ' ὧν κέκτησθε μήθ' ὧν ποιεῖτε μήθ' ὧν μέλλετε πράττειν, εἰδότες ὅτι περὶ τὰ κεκρυμμένα τῶν πραγμάτων ἀναγκαῖόν ἐστι πολλοὺς φόβους γίγνεσθαι.

Μὴ τεχνικῶς ζητεῖτε πολιτεύεσθαι μηδ' ἀφανῶς, ἀλλ' οὕτως ἁπλῶς καὶ φανερῶς ὥστε μηδ' ἄν τις βούληται ῥᾴδιον ὑμᾶς εἶναι διαβαλεῖν.

Δοκιμάζετε τὰς πράξεις, καὶ νομίζετε πονηρὰς μὲν ἃς πράττοντες λανθάνειν ἐμὲ βούλεσθε, χρηστὰς δὲ περὶ ὧν ἐγὼ μέλλω πυθόμενος βελτίους ὑμᾶς νομιεῖν.

[53] Μὴ κατασιωπᾶτε, ἄν τινας ὁρᾶτε περὶ τὴν ἀρχὴν τὴν ἐμὴν πονηροὺς ὄντας, ἀλλ' ἐξελέγχετε, καὶ νομίζετε τῆς αὐτῆς ζημίας ἀξίους εἶναι τοὺς συγκρύπτοντας τοῖς ἁμαρτάνουσιν.

Εὐτυχεῖν νομίζετε μὴ τοὺς λανθάνοντας, ἐάν τι κακὸν ποιήσωσιν, ἀλλὰ τοὺς μηδὲν ἐξαμαρτάνοντας· τοὺς μὲν γὰρ εἰκὸς τοιαῦτα παθεῖν, οἷά περ αὐτοὶ ποιοῦσι, τοὺς δὲ χάριν ἀπολαβεῖν, ἧς ἄξιοι τυγχάνουσιν ὄντες.

[54] Ἑταιρείας μὴ ποιεῖσθε μηδὲ συνόδους ἄνευ τῆς ἐμῆς γνώμης· αἱ γὰρ τοιαῦται συστάσεις ἐν μὲν ταῖς ἄλλαις πολιτείαις πλεονεκτοῦσιν, ἐν δὲ ταῖς μοναρχίαις κινδυνεύουσιν.

Μὴ μόνον ἀπέχεσθε τῶν ἁμαρτημάτων, ἀλλὰ καὶ τῶν ἐπιτηδευμάτων τῶν τοιούτων ἐν οἷς ἀναγκαῖόν ἐστιν ὑποψίαν ἐγγίγνεσθαι.

Τὴν ἐμὴν φιλίαν ἀσφαλεστάτην καὶ βεβαιοτάτην εἶναι νομίζετε.

Διαφυλάττετε τὴν παροῦσαν κατάστασιν, [55] καὶ μηδεμιᾶς ἐπιθυμεῖτε μεταβολῆς, εἰδότες ὅτι διὰ τὰς ταραχὰς ἀναγκαῖόν ἐστι καὶ τὰς πόλεις ἀπόλλυσθαι καὶ τοὺς οἴκους τοὺς ἰδίους ἀναστάτους γίγνεσθαι.

Μὴ μόνον τὰς φύσεις αἰτίας νομίζετε τοῦ χαλεποὺς ἢ πράους εἶναι τοὺς τυράννους, ἀλλὰ καὶ τὸν τρόπον τὸν τῶν πολιτῶν· πολλοὶ γὰρ ἤδη διὰ τὴν τῶν ἀρχομένων κακίαν τραχύτερον ἢ κατὰ τὴν αὑτῶν γνώμην ἄρχειν ἠναγκάσθησαν.

[56] Θαρρεῖτε μὴ μᾶλλον διὰ τὴν πραότητα τὴν ἐμὴν ἢ διὰ τὴν ὑμετέραν αὐτῶν ἀρετήν. Τὴν ἐμὴν ἀσφάλειαν ἄδειαν ὑμῖν αὐτοῖς εἶναι νομίζετε· καλῶς γὰρ τῶν περὶ ἐμὲ καθεστώτων τὸν αὐτὸν τρόπον καὶ τὰ περὶ ὑμᾶς ἕξει.

Ταπεινοὺς μὲν εἶναι χρὴ πρὸς τὴν ἀρχὴν τὴν ἐμήν, ἐμμένοντας τοῖς ἔθεσι καὶ διαφυλάττοντας τοὺς νόμους τοὺς βασιλικούς, λαμπροὺς δ' ἐν ταῖς ὑπὲρ τῆς πόλεως λειτουργίαις καὶ τοῖς ἄλλοις τοῖς ὑπ' ἐμοῦ προσταττομένοις.

[57] Προτρέπετε τοὺς νεωτέρους ἐπ' ἀρετὴν μὴ μόνον παραινοῦντες, ἀλλὰ καὶ περὶ τὰς πράξεις ὑποδεικνύοντες αὐτοῖς οἵους εἶναι χρὴ τοὺς ἄνδρας τοὺς ἀγαθούς.

Διδάσκετε τοὺς παῖδας τοὺς ὑμετέρους αὐτῶν πειθαρχεῖν, καὶ περὶ τὴν παίδευσιν τὴν εἰρημένην ἐθίζετ' αὐτοὺς ὡς μάλιστα διατρίβειν· ἢν γὰρ καλῶς ἄρχεσθαι μάθωσι, πολλῶν ἄρχειν δυνήσονται, καὶ πιστοὶ μὲν ὄντες καὶ δίκαιοι μεθέξουσι τῶν ἡμετέρων ἀγαθῶν, κακοὶ δὲ γενόμενοι κινδυνεύσουσι περὶ τῶν ὑπαρχόντων.

[58] Μέγιστον ἡγεῖσθε καὶ βεβαιότατον τοῖς παισὶ πλοῦτον παραδώσειν, ἢν αὐτοῖς δύνησθε τὴν ἡμετέραν εὔνοιαν καταλείπειν.

Ἀθλιωτάτους ἡγεῖσθε καὶ δυστυχεστάτους, ὅσοι περὶ τοὺς πιστεύοντας ἄπιστοι γεγόνασιν· ἀνάγκη γὰρ τοὺς τοιούτους ἀθύμως ἔχοντας καὶ φοβουμένους ἅπαντα καὶ μηδὲν μᾶλλον πιστεύοντας τοῖς φίλοις ἢ τοῖς ἐχθροῖς τὸν ἐπίλοιπον χρόνον διάγειν.

[59] Ζηλοῦτε μὴ τοὺς πλεῖστα κεκτημένους, ἀλλὰ τοὺς μηδὲν κακὸν σφίσιν αὐτοῖς συνειδότας· μετὰ γὰρ τοιαύτης ψυχῆς ἥδιστ' ἄν τις δύναιτο τὸν βίον διαγαγεῖν.

Μὴ τὴν κακίαν οἴεσθε δύνασθαι μὲν πλείω τῆς ἀρετῆς ὠφελεῖν, τὸ δ' ὄνομα δυσχερέστερον ἔχειν, ἀλλ' οἵων περ ὀνομάτων ἕκαστον τῶν πραγμάτων τετύχηκε, τοιαύτας ἡγεῖσθε καὶ τὰς δυνάμεις αὐτῶν εἶναι.

[60] Μὴ φθονεῖτε τοῖς παρ' ἐμοὶ πρωτεύουσιν ἀλλ' ἁμιλλᾶσθε, καὶ πειρᾶσθε χρηστοὺς ὑμᾶς αὐτοὺς παρέχοντες ἐξισοῦσθαι τοῖς προέχουσιν.

Φιλεῖν οἴεσθε δεῖν καὶ τιμᾶν οὕσπερ ἂν καὶ ὁ βασιλεύς, ἵνα καὶ παρ' ἐμοῦ τυγχάνητε τῶν αὐτῶν τούτων.

Οἷά περ παρόντος μου λέγετε, τοιαῦτα καὶ περὶ ἀπόντος φρονεῖτε.

[61] Τὴν εὔνοιαν τὴν πρὸς ἡμᾶς ἐν τοῖς ἔργοις ἐνδείκνυσθε μᾶλλον ἢ ἐν τοῖς λόγοις.

Ἃ πάσχοντες ὑφ' ἑτέρων ὀργίζεσθε, ταῦτα τοὺς ἄλλους μὴ ποιεῖτε.

Περὶ ὧν ἂν ἐν τοῖς λόγοις κατηγορῆτε, μηδὲν τούτων ἐν τοῖς ἔργοις ἐπιτηδεύετε.

Τοιαῦτα προσδοκᾶτε πράξειν, οἷ' ἂν περὶ ἡμῶν διανοῆσθε. Μὴ μόνον ἐπαινεῖτε τοὺς ἀγαθοὺς ἀλλὰ καὶ μιμεῖσθε.

[62] Τοὺς λόγους τοὺς ἐμοὺς νόμους εἶναι νομίζοντες πειρᾶσθε τούτοις ἐμμένειν, εἰδότες ὅτι τοῖς μάλιστα ποιοῦσιν ὑμῶν ἁγὼ βούλομαι, τάχιστα τούτοις ἐξέσται ζῆν ὡς αὐτοὶ βούλονται.

Κεφάλαιον δὲ τῶν εἰρημένων· οἵους περ τοὺς ὑφ' ὑμῶν ἀρχομένους οἴεσθε δεῖν περὶ ὑμᾶς εἶναι, τοιούτους χρὴ καὶ περὶ τὴν ἀρχὴν τὴν ἐμὴν ὑμᾶς γίγνεσθαι.

[63] Καὶ ταῦτ' ἂν ποιῆτε, τί δεῖ περὶ τῶν συμβησομένων μακρολογεῖν; ἢν γὰρ ἐγώ τε παρέχω τοιοῦτον ἐμαυτὸν οἷόν περ ἐν τῷ παρελθόντι χρόνῳ, καὶ τὰ παρ' ὑμῶν ὑπηρετῆται, ταχέως ὄψεσθε καὶ τὸν βίον τὸν ὑμέτερον αὐτῶν ἐπιδεδωκότα καὶ τὴν ἀρχὴν τὴν ἐμὴν ηὐξημένην καὶ τὴν πόλιν εὐδαίμονα γεγενημένην. [64] Ἄξιον μὲν οὖν τηλικούτων ἀγαθῶν ἕνεκα μηδὲν ἐλλείπειν, ἀλλὰ καὶ πόνους καὶ κινδύνους οὑστινασοῦν ὑπενεγκεῖν· ὑμῖν δ' ἔξεστι μηδὲν ταλαιπωρηθεῖσιν, ἀλλὰ πιστοῖς μόνον καὶ δικαίοις οὖσιν, ἅπαντα ταῦτα διαπράξασθαι.

[42] Je n'avais pas non plus pour les enfants auxquels je devais donner le jour la même manière de penser que la plupart des rois; je ne croyais pas que les uns dussent naître d'une femme de basse extraction, les autres d'une mère d'un rang élevé; de même que je ne voulais pas laisser après moi, avec des enfants légitimes, des enfants qui ne l'auraient pas été; il me semblait que tous devaient être d'une même condition par leur père et par leur mère ; qu'ils devaient rapporter leur origine, parmi les mortels, à Evagoras, mon père; parmi les demi-dieux, au fils d'Eacus ; parmi les dieux, à Jupiter, et qu'aucun de ceux qui naîtraient de moi ne devait être privé de cette noble descendance.

[43] 11. Entre beaucoup de motifs qui me portaient à persévérer dans les principes que je viens d'exposer, j'étais surtout déterminé par cette considération, que, même parmi les mécbants, il se rencontre beaucoup d'hommes qui sont doués de courage, d'habileté et d'autres qualités brillantes, tandis que la sagesse et la justice n'appartiennent qu'aux hommes honnêtes et vertueux. Je comprenais que ce qu'il y a de plus honorable était de se distinguer par ces vertus auxquelles les méchants demeurent étrangers, et qui sont les plus nobles, les plus vraies, les plus dignes de louanges. [44] Voilà par quel motif et dans quelle pensée je me suis attaché par-dessus tout à la sagesse et à la justice ; et voilà aussi pourquoi j'ai choisi, entre tous les plaisirs, non pas ceux qui ne procurent aucun honneur, mais ceux qui conduisent à la renommée par la vertu.

Il ne faut pas apprécier les vertus de la même manière dans toutes les situations ; mais il faut considérer la justice aux prises avec le besoin, la modération dans la puissance, l'empire sur les passions dans la fougue de la jeunesse. [45] Or j'ai donné, dans toutes les circonstances, des marques certaines de mon caractère. Pressé par le besoin d'argent, je me suis montré observateur si exact de la justice, que je n'ai affligé aucun citoyen pour en obtenir; maître absohi de mes volontés, j'ai été plus modéré que les simples particuliers, et j'ai su me dominer dans ces deux situations à un âge où nous voyons la plupart des hommes s'écarter le plus fréquemment de leurs devoirs. [46] J'hésiterais peut-être à m'exprimer comme je le fais devant vous en présence d'un autre auditoire, encore que j'aie le droit de m'enorgueillir de mes actes, mais parce que d'autres pourraient ne pas ajouter foi à mes paroles, tandis que vous êtes témoins de la vérité de mes assertions. Il est juste de louer et d'admirer ceux qui sont vertueux par nature ; mais il l'est bien plus encore de louer les hommes que la force de leur raison a conduits à la vertu. [47] Les premiers, étant redevables de leur sagesse à la fortune et non à la raison, peuvent changer de sentiment ; les autres, indépendamment de leurs dispositions naturelles, ayant acquis la conviction que la vertu est le plus grand des biens, lui resteront évidemment fidèles dans tout le cours de leur vie.

Je suis entré dans ces détails, et sur ce qui m'est personnel et sur les autres objets dont je vous ai entretenus, pour ne vous laisser aucun prétexte de ne pas suivre mes conseils ou de ne pas exécuter mes ordres spontanément et avec zèle.

[48] 12. Je dis que chacun de vous doit remplir avec autant de soin que de fidélité les emplois qui lui sont confiés ; car, quelle que soit, parmi vos obligations, celle que vous négligerez, les affaires péricliteront nécessairement de ce côté. Par conséquent, n'omettez rien, ne méprisez rien de ce qui vous est ordonné, dans la pensée qu'il s'agit d'un objet sans importance ; [49] mais réglez votre zèle sur celte conviction, que le tout sera dans une situation ou prospère ou funeste, en raison de l'état de chaque partie.

Ne donnez pas moins de soin à mes intérêts qu'aux vôtres, et ne regardez pas comme un faible avantage les honneurs accordés à ceux qui président noblement à la conduite de nos affaires.

Respectez les propriétés d'autrui, afin de posséder les vôtres avec plus de sécurité.

Soyez pour les autres ce que vous désirez que je sois pour vous.

[50] Ne mettez pas plus d'empressement à vous enrichir qu'à vous créer une bonne réputation ; vous n'ignorez pas que, chez les Grecs comme chez les Barbares, les hommes les plus renommés pour leur vertu sont placés à la tête des plus grands intérêts.

Regardez l'opulence mal acquise non comme une richesse, mais comme un danger.

Ne croyez pas que recevoir soit toujours un gain et dépenser toujours une perte ; aucune de ces deux choses n'a constamment la même puissance, mais celle des deux qui se produit à propos et qui est inspirée par la vertu, est utile à l'homme qui l'accomplit.

[51] Ne recevez aucun de mes ordres avec un sentiment d'irritation; ceux d'entre vous qui mettent le plus de zèle à servir mes intérêts serviront le plus utilement les intérêts de leur famille.

Ce que chacun de vous pense en lui-même ne peut m'échapper ; car si ma personne est absente, ma pensée, croyez-le, est présente à tout ce qui arrive.

Si vous êtes pénétrés de cette vérité, vous suivrez des conseils plus sages dans toutes les circonstances.

[52] Ne cachez ni ce que vous possédez, ni vos actions, ni vos projets, la dissimulation marche toujours accompagnée de la crainte.

Bannissez de votre vie publique l'obscurité et l'artifice, et agissez avec tant de simplicité et de franchise qu'il soit difficile de vous accuser, même pour celui qui en aurait la volonté.

Pesez toutes vos actions; considérez comme mauvaises celles que vous voulez me cacher; regardez, au contraire, coinme bonnes et utiles celles qui, connues de moi, vous donneront plus de droits à mon estime.

[53] Ne gardez point le silence lorsque vous verrez des hommes qui cherchent à nuire à mon gouvernement, mais dévoilez leur conduite, et croyez que ceux qui cèlent les crimes sont dignes des mêmes châtiments que ceux qui les commettent.

Considérez comme heureux, non pas les hommes qui parviennent à dérober la connaissance de leurs mauvaises actions, mais ceux dont la conduite est irréprochable. Il est dans l'ordre que les premiers subissent un jour la peine qu'ils ont méritée, et que les autres reçoivent la récompense dont ils sont dignes.

[54] Ne formez ni sociétés ni réunions sans mon assentiment; de telles associations peuvent être utiles sous d'autres gouvernements; dans une monarchie, elles sont dangereuses.

Evitez non seulement les fautes, mais tout ce qui, nécessairement, en ferait naître le soupçon.

13. Considérez mon amitié comme la plus sûre et la plus stable de toutes.

Veillez au maintien du gouvernement sous lequel vous vivez, [55] et ne désirez aucun changement ; car vous savez que de semblables perturbations entraînent inévitablement à leur suite la perte des Etats et la ruine des fortunes particulières.

Ne croyez pas que le caractère des princes soit la seule cause de la sévérité ou de la douceur de leur gouvernement. Les dispositions des peuples y ont aussi leur part, beaucoup de princes ont été forcés, par la méchanceté de leurs sujets, à gouverner avec une dureté qui n'était pas dans leur caractère.

[56] Comptez moins sur mon indulgence que sur votre propre vertu. Voyez dans ma sécurité la garantie de la vôtre; la prospérité de mon règne sera la mesure de celle dont vous jouirez vous-mêmes.

Soyez soumis à mon autorité, persévérants dans votre respect pour nos usages, fidèles observateurs des lois de la monarchie, nobles et généreux dans l'accomplissement des charges publiques, zélés dans l'exécution de mes ordres.

[57] Dirigez les jeunes gens vers la vertu, non seulement en les encourageant par vos paroles, mais en leur montrant par vos actions ce que doivent être des hommes sages et vertueux.

Enseignez à vos enfants la soumission à l'autorité royale, et accoutumez-les surtout à faire de cette vertu leur principale étude ; s'ils apprennent à bien obéir, ils seront capables de commander; s'ils unissent la probité à la justice, ils partageront nos prospérités ; s'ils sont vicieux et méchants, ils s'exposeront à perdre les avantages qu'ils possèdent.

[58] Vous laisserez à vos enfants la richesse la plus grande et la plus sûre, si vous pouvez leur transmettre? ma bienveillance.

Regardez comme les plus misérables et les plus infortunés des hommes, ceux qui ont trahi la confiance qui leur avait été accordée; de tels hommes vivent nécessairement dans le découragement et dans les alarmes, et ils accomplissent le reste de leur vie sans pouvoir se confier à leurs amis plus qu'à leurs ennemis.

[59] Ne portez pas envie à ceux qui possèdent de grandes richesses, mais à ceux dont la conscience est sans reproche ; car c'est dans cette situation de l'âme que l'on passe les jours les plus heureux.

Ne croyez pas que le vice puisse être plus utile que la vertu, et que le mot qui l'exprime soit seulement plus odieux; mais soyez convaincus que la nature de ces deux choses est enrapport avec les noms qu'elles ont reçus.

[60] Ne portez pas envie aux hommes qui occupent les premiers rangs auprès de moi, mais rivalisez de zèle avec eux, et tâchez, par votre vertu et par vos services, d'égaler les plus distingués.

Considérez comme un devoir d'aimer et d'honorer ceux que votre roi aime et honore, afin que vous puissiez obtenir de moi les mêmes sentiments et les mêmes distinctions.

Ce que vous dites en ma présence, pensez-le quand je suis absent.

[61] Prouvez-moi votre dévouement par vos actes plus encore que par vos paroles.

Ne faites point éprouver aux autres ce qui, de leur part, excite votre colère.

Ce que vous blâmez dans vos paroles, ne le réalisez pas dans vos actions.

Croyez que votre fortune dépendra de vos sentiments pour moi.

Ne vous contentez pas de louer les gens de bien, imitez-les.

[62] Regardez mes paroles comme des lois, et faites en sorte de vous y conformer, convaincus que ceux qui exécuteront ma volonté avec le plus de zèle parviendront le plus promptement à vivre suivant leurs désirs.

Je résume ce que j'ai dit : montrez pour mon autorité la soumission que voas exigez de ceux qui obéissent à la vôtre.

[63] Si vous agissez d'après mes conseils, qu'ai-je besoin d'en dire davantage pour montrer ce qui doit en résulter? Car si je suis toujours tel que j'ai été dans le passé, et si, de votre côté, vous remplissez avec le même zèle vos devoirs envers moi, vous verrez en peu de temps votre fortune s'accroître, mon empire s'étendre, et notre patrie s'élever au plus haut degré de prospérité. [63] De tels avantages méritent que, pour se les procurer, on n'épargne aucun effort, qu'on supporte tous les travaux et qu'on brave tous les dangers ; il est en votre pouvoir de les obtenir sans vous exposer à aucun malheur : soyez justes et fidèles.