Théophane

VINCENT KADLUBEK

 

CHRONIQUE DES FAITS ET GESTES DES PRINCES DE POLOGNE (extraits)

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

VINCENT KADLUBEK[1]

CHRONIQUE DES FAITS ET GESTES DES PRINCES DE POLOGNE

LE LECTEUR DOIT SAVOIR QUELLE A ETE MISE AU JOUR AUTRE FOIS PAR MATHIEU ALORS EVEQUE DE CRACOVIE, ET IL Y CONVERSE EN FORME DE DIALOGUE AVEC JEAN L’ARCHEVEQUE DE GNEZN, C’EST AINSI QU’ILS ONT FAIT TROIS LIVRES ET LE QUATRIEME A ETE AJOUTE PAR VINCENT EVEQUE DE CRACOVIE.

 

 

 

 

LIVRE I

INCIPIT CRONICA POLONOEUM.

1. Fuit quondam in hac re publica virtus, quam, velut quedam celi luminaria, non scripture quidem membranulis, set clarissimis quidem gestorum radiis patres conscripti illustravere. Non enim plebci ab origines non vendicarie illi principate sunt potestates, devicerunt set principes succedanei, quorum screnitas, licet nube ingnorancie obducta videatur, mira tamen rutilancia rutilat, que tot seculorum tempestatibus extingui non potuit.

Memini siquidem collocucionis nrntue virorum illustrium, quorum tanto felicior est recordacio, quanto celebrior viget auctoritas. Disputabant namque J. et M. ambo grandevi, ambo scntenciis graves, de huius rei publice origine, progressu et consummatione.

Cum J. queso inquit mi M. sub quo nam estimabimus constitutionum infanciam. Nos enim hodierni sumus, nec ulla hesternitatis est in nobis cana sciencia.

1. Il y eut autrefois dans cette république une vertu, qui semblable aux flambeaux du ciel, ne peut être décrite sur du papier, mais qui brille par l'éclat de ses rayons. Car la puissance souveraine, n'y était pas confiée à des plébéiens, sans naissance. — Mais des princes successifs y régnaient & leurs hauts faits quoique cachés par le nuage de l'ignorance, ont laissé un souvenir que bien des siècles n'ont pu effacer.

Je me rappelle à ce sujet le dialogue de deux hommes illustres dont la mémoire était aussi fidèle que l'autorité respectable Jean & Mathieu disputaient ainsi sur l'origine, les progrès & la fin de cette république, tous les deux étaient avancés en âge, tous les deux étaient graves dans leurs propos.[2] Jean dit à Mathieu :

Mon cher Mathieu à quel temps rapportez-vous l'enfance de nos constitutions. Car nous, nous sommes d'aujourd’hui, & nous n'avons aucune véritable science, sur le jour d'hier.

2. M. scis quia in antiquis est sapiencia et in multo tempore prudencia, me vero in hac parte infantulum fateor, ut eciam huius instantis simplex utrum aliqua precesserit porciuncula, prius non noverim. Quod tamen per veridicam maiorum narracionem condidici, non silebo. Narrabat itaque grandis natu quidam, infinitissime numerositatis manum quondam hic viguisse, aput quos tanti rengni immensitas vix unius meruit termini iugeris estimacione censeri; adeo illos non dominandi ambitus, non habendi urgebat libido, set adulte robur animositatis exercebat, ut preter mangnanimitatem nihil mangnum estimarent, ut suarum accessiones virtutum, nullis usquam terminis limitarent.  Nec enim essent virtutes, si ullis dingnarentur limitum ergastulis includi.  Hii etiam transfinitomorum fines sue titulis victorie asculpserunt.

2. Mathieu : Vous savez que les vieillards ont de la science & de la prudence, mais pour moi je me confesse être un enfant à l'égard de ce que vous demandez, & je ne sais pas même, si quelque partie de ce qui existé a précédé les autres, cependant je ne tairai point ce que j'ai pu apprendre par la narration véridique des plus anciens. Or donc un certain vieillard racontait, que l'on avait vu ici tellement fleurir le courage d'une foule immense, que ce peuple nombreux n'estimait pas plus l’immensité de ce royaume que si ce n'eut été qu'un arpent de terre: ils n'étaient pas conduits par l'ambition, ni par l'avidité, mais ils étaient travaillés par un certain courage, tel que celui que ressentent les adolescents, ils ne voyaient rien de grand que la magnanimité: ils ne mettaient point de bornes à leur courage. Et ils sculptèrent des bornes, au delà des limites des pays voisins.

13. Fuit et alius post hunc eiusdem nominis princeps, set alio pacto lestko inincupatus. Orbata namque Rege Polonia, dum de Regis successione contenderent, sedicionis pene obruitur tempestate, singnlis primorum tirannidem occupare ambientibus. Diuuque non sine periculo ea conflictatione agitati, eligendi tandem censuram principis privatorum defferunt arbitrio ut pote quorum insuspecta videretur simplicitas et a quibus longe relegata est omnis ambicio; seque iure iurando utriąue constringunt, eligentes quidem, ne favore personali declinent, ne devio emolimenti esorbitent, ne atrocioris mętu poteucie torqueantur ab eo, quod publicis perspexerint comodis expedire. Reliqui vero, ne cui ab eligencium liceat arbitrio discedere. Et quam non facile se offert discordancium votorum concordia, multis quidem deliberatum, set perpauculis vel Responsum: Vitis, inquiunt, propagacissima petulantibus et maculosis equorum calcibus exteritur; vitis hoc rengnum est; equi effrenes vestra elacio, in qua quot affectionum sunt contrarietates, tot macule! Eligatur ergo stadium, figatur meta et cuius equus maculis distinccior, primus omnium metam contigerit, Regem eum debere censeri.

Conreniunt singuli affavent universi; stat fixa omnium sentencia, set execucio procrastinatur sentencie. Videre videor horum studia, illorum sollerciam, preexercitamina currencium, vota diversorum. Porro expertissime agilitati plerisque fidentibus, quidam oculta ingenii nititur rersucia, artis ope fretus vulcanee. Omnem namque stadii planiciem ferreis conserit Oxigonis, modica intercapedinis semita cautis annotacionibus distincta, ut dum alios clavi Oxigonorum a cursu prepedirent, ipse per semitam expedicior cursus bravio potiretur. Set dolus arsque doli vincitur arte dolo. Duo enim fortuna tenues, condicione humillimi iuvenes de pedum celeritate altrioantur, certa pingnoris quantitate se obligant, ut victus celeriorem nunquam nisi Regis nomine audeat salutare. Cumque invicem colludio iocarentur: decet, inquiunt:, ut pro nostre corona victorie, in campo Regii certaminis decertemus. Hic in primo consistunt ac subsident inpetu, aculeis ossetenus plantas confixi. Qui post longam oxigonoium admiracionem astum conviciunt, dolum semite deprehendunt: quam eisdcm conserunt insidiis, omni prorsus dissimulata noticia. Et que, ut assolet, insperate appetitum rei sepe sugerit occasio, uterque ambitum concipit, uterque suam secum versat industriam. Adest dies edicti; considet sacri senatus reverencia, astat spectata procerum venustas; iuvenum arridet vernancia. Inter ceteros, immo pre ceteris, ille doli magister semite fidit subsidio; set et cursorum alter, spe non citerior, qui omnem equi calcem ferreo muniverat subtegmine; Nam reliquus longe a turba, non solum exceptus, set eciam aversus, tacita meditatur suspiria. Primo itaque et iterato ac tercio dato singno, omnes ex directo prosiliunt. Ille transverso rapitiur cursu, non sine quodam wlgi ridiculo; cumque omnes Oxigonorum involvuntur periculis, ille longi amfractus emenso circuitu, mete tandem accelerat, quam socius eius ante ipsum occupat et Rex omine infaustissimo salutatur. Lesa enim universitas, nt equi vidit ferramina, eum dixit esse doli auetorem; et quia dolus nulli patroeinatur, ultimis affectus suppliciis membratim discerpitur; ille vero wulgo ridiculus iudicio magistratus Rengnum adipiscitur. J.

13. Mathieu : La Pologne n’avait plus de roi, et se trouvait assaillie par les tempêtes de la sédition parce que chacun des grands prétendait à la couronne. Après bien des disputes dangereuses et plusieurs combats, ils résolurent de confier la décision de leur querelle à des hommes privés dont la simplicité ne leur était point suspecte, et qui étaient éloignés de toute ambition, et ils se lièrent par un serment. Les électeurs s'engagèrent à ne point se laisser corrompre ni effrayer par quoi que ce fût qui put les détourner de ce qu'ils pensaient être le bien général. Les autres s'engagèrent à ne rien faire qui pût gêner la liberté des électeurs.

Ceux-ci eurent de la peine à s'accorder, ils délibérèrent longtemps, enfin ils répondirent par les paroles suivantes: « La vigne la plus riche peut être foulée aux pieds par des chevaux fougueux, dont la peau est tigrée de belles taches. La vigne c'est le royaume ; vous, vous êtes les chevaux effrénés dont la peau tigrée a moins de taches que vous n'avez de passions contraires. Ainsi que l'on fasse un stade, que l'on y fixe un but; et celui de vous dont le cheval marqué des plus, belles taches arrivera le premier au bout, sera roi. »

Tout le monde applaudit à cette idée qui mit fin à toutes les incertitudes; mais on en retarda l'exécution. Alors vous auriez vu les uns mesurer le stade ; d'autres, montrer l'agilité de leurs chevaux. Mais tandis qu'ils se trempaient de sueur; un homme rusé s'appuyant de l'art de Vulcain, sema de pointes de fer tout le chemin qu'ils devaient parcourir dans leur course, ne laissant qu'un sentier reconnaissable à de certains signes où il comptait courir lui-même, tandis que les pointes de fer blesseraient les chevaux de ses compétiteurs. Mais souvent, la ruse est vaincue par une autre ruse.

Or donc il arriva par hasard que deux jeunes gens, de basse condition et pauvres disputaient entre eux, à qui était le meilleur coureur, et pour que la question fût une fois décidée, ils se déterminèrent à courir ensemble, à condition que le vaincu donnerait au vainqueur le titre de roi toutes les fois qu'il lui adresserait la parole: « Mais dirent-ils, puisque nous allons disputer la couronne, il est convenable que nous allions sur le stade royal où l'on courra pour obtenir la couronne de Pologne. » — Les deux jeunes gens s'y rendent donc, mais bientôt leurs pieds sont percés par des pointes aiguës; ils regardent, s'étonnent, et découvrent enfin toute la tromperie du sentier.

Souvent il arrive qu'un bonheur inattendu réveille de nouvelles idées et une ambition nouvelle que l'on n’avait jamais, ressentie, auparavant. Les deux jeunes gens se retirèrent chacun de leur côté, et se mirent à rêver en silence, aux moyens de tirer parti de la découverte qu'ils venaient de faire.

Enfin arrive le jour marqué pour la course. Là on voit assise la gravité du sénat; près d'elle se tient debout la beauté des nobles; plus loin suivent les grâces de la jeunesse, L'inventeur des pointes de fer est plein de confiance dans son stratagème; l'un des jeunes gens espérait aussi, car il avait fait garnir en fer tout le dessous des pieds de son cheval; mais l'autre jeune homme qui n'avait rien inventé, soupirait secrètement, confondu dans la foule des spectateurs. L'on donne le premier signal, puis le second, puis le troisième. Tous partent à la fois, hors l'un d'eux qui prend une course transversale, et fait rire tous les spectateurs. Cependant tous les chevaux s'embarrassent dans les pointes de fer, celui seul dont on avait ri, arrive après avoir fait un long détour, mais il trouve au but le jeune homme dont le cheval était ferré de la manière que nous avons dite plus haut, et qui est bientôt proclamé roi, mais sous de malheureux auspices. L'on examine les fers de son cheval, on juge que c'est lui qui a inventé les pointes de fer. .Le public est blessé, on lui arrache les membres les uns après les autres, et celui dont on s'était moqué, est proclamé par le magistrat.

14. Si latet ars prodest, confert deprehensa pudorem. Alter honoris honus fert sepius, alter honorem. Set o Regem transfelicem, qui dum creatur, momento fit perpetuus, perpetuo momentaneus. O mangne vigilancie principem, cuius oculus sompnum in principatu non vidit. Set malim certe, ut ridiculo sim serius, quaui serio ridiculus. Non sine cachinno qnidem, hinnitu tamen equi Rengnum darius acquirit. Straconis quoque, licet a multis derisa, profuit subtilitas. Serui namque Tyriorum facciose conspirant, dominos cum liberis omnes occidunt, lares dominorum occupant, Regem inter se creare intendunt, eum scilicet, qui solem orientem primus vidisset. Unus ex servis domino suo iam seni et filio eius parvulo pepercerat, a quo servus informatus, cum omnes in unum campum processissent, ccteris orientem spectantibus, solus occideutem intuetur. Aliis ridiculum, uounullis videri furor, solis ortum in occidente querere. Ubi autem primo diescere cepit, hic primus fulgorem solis in summo civitatis fastigio ostendit. Tunc intellectum est, quantum ingenua servilibus ingenia prestarent. Itaque dominum cius Stracconem regem creant, post quem ad filium, demum ad nepotes eius regnum devoluitur. Adeo sub quodam simplicitatis palliolo elegit delitescere prudencia, cum semper sit inimica virtuti ostentacio. M.

14. Jean : L'art qui se cache est utile, celui qui se laisse découvrir nous couvre de honte. L'un obtient l'honneur, et un autre en avait supporté le poids. Mais ô roi bienheureux qui, tandis qu'il est créé dans un moment, devient éternel ou éternellement momentané, ô prince d'une grande vigilance dont l'œil ne voit point le sommeil dans la principauté, j'aimerais mieux être ridiculement sérieux que sérieusement ridicule. Darius acquiert un royaume par le hennissement de son cheval, et sans doute l'on en a ri. La ruse de Stracon lui fut profitable, quoique sans doute bien des gens en aient ri. Car les esclaves, des Tyriens conspirent contre eux, les tuent avec leurs enfants et s'emparent de-leurs maisons, enfin ils songent à élire un roi, et se déterminent à prendre celui qui le premier verrait le soleil levant. Tous regardent vers l'orient. Mais un des esclaves avait épargné son vieux maître ainsi que son fils, et informé par ce vieil homme, il regarda l'occident. Tout le monde rit mais il aperçut le premier les rayons du soleil répercutés sur le haut des édifices de la ville. Cet exemple fit voir aux esclaves tyriens que leurs maures avaient plus d'esprit qu'eux. Ils prirent donc pour leur roi Stracon qui laissa le royaume à son fils, et ensuite à ses descendants.

15. Huic vero tantum animositatis exercende fuit studium, ut plerisque hostium robustissimis singulares indixerit conflictus, a quibus non solum vitam set et rengna et fortunas extorsit. Cui dum hostis deerat extraneus, suos aut contra se aut invicem dimicaturos primus invitabat. Tantaquo fuit illi prodigalitas in omnes, ut sibi mallet ex virtute nasci egestatem, quam ex tenacitate habundanciam; ut se prius egere pateretur, quam egenis denegare subsidia, vel bene merentibus non dependere stipendia. Nec deffuit illi soror honestatis, amica prudencie, sobrietas; huius enim mense, huius conviviis hec habita est circumspeccio, ut, nec ultra quam natura iussit, nec citra quam honestas imperavit, aut exigi liceret, aut inpendi; sollercior illi cura plus animi placere dotibus quam corporis. In quo illud inter ceteras virtutes emicuit humilitatis insingne. Quociens namque regalibus cum insingniri, Regia, ut assolet, poposcisset dingnitas, originarie non inmemor condicionis in habitu sordido prius orchestram conscendii, regaliuni ornatum scabello pedum supprimens, Subinde Regiis decusatus insingnibus scabello insedit, illis extrerae paupertatis panniculis in supremo orchestre sugestu reverentissime collocatis. J.

15. Mathieu : Ce prince, (Leszek) eut bien, des occasions d'exercer son courage, car il vainquit plusieurs de ses ennemis en combat singulier, et leur ôta avec la vie leurs royaumes et leurs biens; et quand il n’avait pas d'ennemi, il invitait les siens à se battre entre eux ou contre lui-même. Sa prodigalité fut telle qu'il préférait une pauvreté produite par la vertu à une abondance produite par l'avarice. Il aimait mieux manquer lui-même que de refuser à ceux qui manquaient, ou à ceux qui avoient bien mérité.

Il possédait aussi la sobriété, vertu, sœur de l'honnêteté, et amie de la prudence. La circonspection de sa table était telle que l'on n'y trouvait rien de plus que ce que demande la nature, ni de moins que ce qu'ordonne la décence. Il aimait mieux plaire par les dons de l'âme que par ceux du corps; mais son humilité était surtout remarquable. Toutes les fois qu'il était obligé de se revêtir des marques de la royauté, il arrivait au trône revêtu des habits sales de sa première condition, puis il revêtait les habits royaux après avoir placé .les autres dans un endroit honorable et apparente

16. Et hoc sane perdocuit, Regem plus humilitate decorum, quam purpura conspicuum. Immo nec bominem censeri nedura principem, quem habitus non secernit humilitas. Uude grecis diu fuit sollempne, ut qua hora sufficiebatur imperator in exciso locaretur mauseolo, priusąuam in imperiali trono consedisset. Cuidam eciam Regum inter epulas astans crebro sugerebat parvulus: Sire tu uioras: quod interpretatur: domine tu morieris; quasi utrique diceretur: Principem te elegerunt, noli extolli; set esto quasi unus ex ipsis. Memento quia cinis es, et in cinerem reverteris. Sic te stare putes, si stans cecidisse vereris. Si re virtutes, si res virtute raereris. M.

16. Jean : Et par là il a montré que l'humilité pouvait parer un roi mieux que la pourpre, c'est pourquoi chez les Grecs l'empereur avant de monter sur le trône, entrait dans un petit mausolée. Un certain roi, dans les festins, se faisait répéter par un petit garçon; Scire, tu moras! ce qui veut dire: Seigneur, tu mourras! Comme si l'on disait: « L'on t'a élu prince; ne t'élève point, mais reste toujours le même; rappelle-toi que tu es cendre, et que tu redeviendras cendre. Ne crois rester debout qu'autant que tu croiras, étant debout, avoir été renversé, ai réellement tu as mérité les vertus, ou si par tes vertus tu as mérité la réalité.[3]

15. Eloquar an sileam, pudor est aperire pudorem. Postulat in facie menda colore tegi. Nam quali dingnum putes memoria ingnobile generis dehonestamentum, enorme pudoris prodigium. Ule siquidem, ille meritorum regraciator beneficus; ille, inquam, regum eximius minor pompilius, cuiusdam venefice debriatus illecebris, odiis graciam, amicicias insidiis, cruore Nota contra pietatem, colere fidem perfidia, tirranide obsequia reconpensans. Cui mulier procacissima huiuscemodi sepe subplantabat verborum flosculos: Non est tranquillitati plunmum confidendum, Quia intensior solis serenitas, in nymphos sepius deferuescit repentinos.  Nec minus te tibi agratulari convenit, quasi iam portum securitatis teneas, qui nec dum fluctuum accessiones attigeris; Non vides prominentes undique scopulos tuis cominari periculis. Beatum quidem te facit Rengni sublimitas, Securum pollicetur tui sanguinis murus inexpungnabilis. Dura loquar set vera tamen; nec beatum dico nec securum: Nulla enim est beatitudo que suis languet viribus, nulla securitas que suarum parcium laborat seccione. Porro quot patruos habes, tot huius rengni minuta tot quietis insidias. Dicunt enim decoratissimas oraciones volunt autem contraria; Nam sub rosa spine pungitivum, sub graminis vernancia coluber delitescit; patronos se asserunt, non patruos; nec patronos tantum, set eciam patres. Sentisne hec atque animo putas illos nuda nuncupacione delectari; patruelitas certe nepotibus, pupillis patronatus, filiacioni paternitas poscit imperare; hec illorum imperium non vocali superficie singnificant, set rerum privilegiis ostendunt. Nec ut illis imperes te Regem creavere, set ut interim quia pendente imperio quivis illorum opportunitatem imperandi nanciscatur. Sepe namque pro tempore inseruntur stipites, ut surculus inseratur utilior. Nec vero Regis te dingnantur nomine set aut ludum te dicunt fortune, aut sui cuiusdam figmenti creaturam. Adde quam crebro avitas tibi exprobrent virtutes, ut hostibus expositum ocius extinguant, non ut virtutibus exerceant. Postremo et puer es, nec te quicquam nisi lndere oportet. Illi tamen quibusdam nugis velut seriorum te occupant consiliis von ut prudenciorem reddant consulendo, set ut occasiones contra te aucupent cavillando; aut ut saltem tue vota iuventutis retardent; senes prorsus ridiculi qui cum ipsi iuvenescant, adolescentes tamen querunt decrepitos. Elige igitur: servus esse malis an liber; tuus esse velis an alienus, semel beatus an semper miser. Scindi certe convenit venam sanguinis prudenciore sanitatis consilio. Non enim libera est vitis propagacio, nisi eciam veri rescindantur palmites, nisi false omnino amputentur propagines. Hiis et similibus ille persuasus, eadem iubente magistra, se in lectum langore ficto conicit; amicos quasi consolandi gracia seu consulendi necessitate iubet acciri. Quibus et causam et diem sui obitus quasi divinitus revelatam secrecius insinuat, singulis quasi singulare secretum instillans, te rengni successorem constituere nos convenit; me mea fata vocant, cui satis fuerit Remedii ut sicut vestro rengnavi munere sic vestro videar immortalis beneficio. Mori namque omnino mihi non videor si vestra erga me viderim studia, si meas vobiscum concelebraverim exequias; nam quid ab eo speraverim, qui quod mortuo debet, viventi negaverit. Audires hinc veras, hinc fictas lamentacionum voces, hinc suspiria, inde singultus; hinc planctus lugubres, inde horribiles ululatus; hinc tunsio pectorum, inde palmarum sonat complosio; hinc torrentes rivi manant lacrimarum, indevix semitincte madent palpebre; Lacerant crinem virgines, matrone vultum, habitum annose. Auget omnium lamenta Regine simulatricis eculatiis, que nunc virum, nunc singulos procerum amplexata, nescio qua dulci amaritudine, an amara, dixerim, dulcedine demulcet, ut iam non simulatis set lacrimosissimis omnes concuciantur singultibus; adeo ut ad lamentabiles illius modulaciones fama sit ymagines ereas fuisse lamentatas, et ad lacrimas eius statuas lacrimis manasse. Post funebres itaque supersticiones, quas eciam hodie in funeribus exercet gentilitas, lautissimis deliciarum excipiuntur deliciis; quos mero aliquantisper a merore solutos rex, ut sese visant, postulat; et vicaria poculorum adoracione coram ipso blande consolentur. Ait: ex iocunda ipsorum consessione sui langoris nasci remedium, sueque vite extrema gaudio pocius finiri, quam luctu oceupari. Quid autem, o Regina, quid mestis modes fletibus! Quid merore consummeris, viduitatem times; hiis certe vivis ianuam viduitatis non es ingressura. Immo in tot mei sanguinis supersfitibus me semper puta superstitem. Nunc patrum precipuos amicissimorum intimos exoratos esse velim, quorum velut siderum radiis novissimis reereor obtutibus; ut aput ipsos in te nostri vivat recordacio, ut pote quam nostre salutis reliquum nostre anime noverint esse dimidium. Jurant illi, se vivos prius velle sepeliri, quam eius in se mori beneficia. Surrigarur ergo, inquit Rex, poculum; surrigar et ego ut omnes consalvere iubeam, ut valedictivo invicem federemur osculo, ut ex hoc divino nectare me presorbillante singuli delibant. Erat autem aureum poculum Regine ingenio artificiossime elaboratum, in quo, quamlibet exiguus liquor, ad summum inundabat et, cum vix esset crater semidimidius, liquore sursum velut vaporaliter suspenso, plenus videretur. Idem oris seu narium spiritu afflatus, descendebat sicut in bullientibus ingnea virtute contingit, donec certo fundo certa quantitate consedisset. Ilłud virtutis calcipario dicitur inesse. Huic tam insingni poculo potus letifer eiusdem arte pincerne conditus infunditur; quod qui post Regem bibiturus erat, ori Regis applicare iubetur, ne quid sinistri suspicari posset, quasi Rege pregustante, epotari namque credebatur non solo anelitu decrescere, quid quid arte exundaverat; Quid quid vero pocionis vere ac pestifere erat infusum, Rege exosculato epotare iussus est, qui regi poculum applicuerat. Sic elusos, sic intoxicatos secedere rogat ex amica eorum loqucione, insperatam sibi asserens quietem sompni subrepere. Ebrii creduntur viri, quos veneni virus aut titubare cogit, aut humi prosternit; quorum vitam citra eiusdem noctis conticinium dolor extorsit. Quorum funeribus eciam sepulturam ille tyrannorum atrocissimus denegavit, probans celesti extinctos ulcione, qui amicum, qui nepotem, qui Regem hesternis exequis sepelire vivum intenderunt. Eamque sub pretextu religionis impietatem, statuarum planctu vel fletu repentino maleficorum interitu, Desperata salutis gracia, multisque aliis argumentis detectam. At vero hiis occidentibus patrie sideribus, et omne decus occidit et omnis polouorum gloria collapsa in favillam extabuit. Illud namque, illud mundi obbrobrium, illa virtutum pestis, ille omnium spurcicissimus, illius scortorum inpudentissime gremio infusus, luxu et ingnavia totus dissolvitur, nihil omnino beacius estimans quam voluptatibus effluere; eratque illi hec sentencia celeberrima: Ungamur ungentis optimis, repleamur vino, carpamus florem ne marcescat. Hic primus in fuga, postremus in prelio semper fuit; in periculis timidissimus, sic ubi metus abfuisset inflatus; in virtutum vero acies hostis audacissimus, quas nunquam oppungnare destitit; in omnibus flagiciorum armis exercitatissimus; Nullos prorsus non expertus conatus quos virtuti nosset contrarios. Coros celebrius femineos quam cetus coluit viriles. Igitur ob huiuscemodi meritorum insingnia, peste inaudita elanguit. Ex cadaverum namque corruptela que inhumata iusserat abici, mures insolite ąuantitatis ebulliere, qui eum trans stangna, trans paludes trans flumina, trans ygneos eciam rogos, tam diu sunt insedati, donec cum uxore ac duobus filiis, terre eminentissime inclusos morsibus amarissimis absumsere. J.

19. Mathieu : Parlerai-je ou dois-je me taire, la pudeur me ferme la bouche & colore mon visage, car faut-il transmettre à la mémoire, la honte d'une famille, un prodige déshonnête d'infamie. Cet ingrat le Popiel le plus jeune des Rois enivré par une certaine magicienne paya l'amitié par la haine, les services par des embuches, la piété par le sang, la foi par la perfidie. Cette femme perfide lui parlait souvent en ces termes. « Il n'est point sûr de se fier à beaucoup de gens car la plus grande sérénité du soleil se change tout à coup en nuages orageux. Il ne faut pas que vous imaginiez avoir atteint le port de la sécurité, ou «vous serez à l'abri des flots, ne voyez-vous pas de tout côté les écueils qui vous menacent. Le trône vous rend heureux, vous êtes entouré d'un mur de votre sang. Je dis des choses dures, mais elles sont vraies, vous n'êtes ni heureux ni en sûreté, il n'y a point de félicité lorsque les forces languissent, il n'y a point de sûreté lorsque les parties travaillent contre le tout Autant vous avez d'oncles, autant il y a de dangers pour le royaume, autant d'embûches au repos. Ils font de beaux discours mais ils n'ont que de l'ambition, car l'épine se cache sous la rose, & la couleuvre sous l’herbe. Ils disent être non des oncles mais des tuteurs, non des maîtres, mais des pères. Ne sentez-vous pas cela, ils ne se contenteront pas d'un simple titre, car les oncles doivent commander au neveu, les Tuteurs au pupille, les pères à l'enfant, ils ne vous ont pas fait Roi pour que vous régniez sur eux, mais pour que le gouvernement fut indécis, & que chacun put trouver le moment favorable pour s'en saisir. C'est ainsi que, souvent on coupe des branches, pour y insérer un rejeton que le temps doit féconder. En effet, ils ne daignent point vous donner le titre de Roi, mais ils vous regardent comme un jeu de la fortune ou comme l’ouvrage de leurs mains. Ajoutez que souvent ils vous reprochent les vertus de vos ancêtres, non pour exercer votre courage mais pour exposer votre personne. Enfin ils disent que vous êtes un enfant qui doit encore s'occuper de jeux, en effet ils vous occupent de niaiseries qu'ils appellent des conseils, non pour vous rendre plus prudent, mais afin de vous surprendre, en traitant avec vous toutes sortes de sujets, ou pour retarder les efforts de votre jeunesse. Choisissez donc d'être libre ou esclave, d'être à vous, ou d'être aux autres, d'être une fois heureux ou toujours misérable. La santé demande souvent que l'on s'ouvre une veine. La vigne ne saurait propager, si l'on ne taille les sarments. Ces discours & d'autres semblables persuadèrent le Prince, & sa maîtresse le lui ordonnant il se mit au lit feignant d'être malade à mort. Alors il fit venir ses amis, & leur dit : Vous devez songer à me donner un successeur, le destin me rappelle, je suis content car j'ai régné grâce à vos bontés, & elles me feront paraître immortel, car je ne croirai pas mourir si je suis témoin de vos regrets & si je célèbre mes obsèques avec vous, car que puis-je espérer de celui qui refusera à l'homme vivant ce qu'il devait au mort. — Bientôt on n'entendit que des lamentations, des soupirs, des sanglots, des pleurs lugubres, d’horribles hurlements. Ici l'on entend se frapper la poitrine, là les paumes des mains. L'on voit couler des ruisseaux & des torrents de larmes. Les vierges s'arrachent les cheveux, les matrones se déchirent le visage. Cependant la Reine vindicative surpasse tout le monde en gémissements simulés, mais elle faisait si naturellement, embrassant tantôt son mari & tantôt les Princes, elle y mettait une si douce amertume ou une si amère douceur que tous ceux qui la voyaient fondirent en: larmes sincères & véritables. Si bien que la renommée publie que des images d’airain se lamentèrent & que des statues en pleurèrent.

L'on procéda ensuite, à ces superstitions funèbres que les gentils exercent encore aujourd'hui. L'on prépare des festins où le vin chasse la tristesse. Ensuite le Roi appela toute la société, & les consola par des paroles flatteuses, puis il s'adressa à la Reine & lui dit : O Reine! pourquoi fondez-vous en larmes amères? pourquoi vous consumez vous par la tristesse. — Vous craignez le veuvage mais vous ne prenez pas le chemin qui conduit à la viduité, car ne pouvez vous pas croire que je me survis dans tant de Princes de mon sang, que vous voyez devant vous, je suis recrée par les regards de mes oncles, comme par les rayons des astres, je veux qu'ils fassent revivre ma mémoire en vous. Les oncles jurèrent qu'ils se feraient enterrer tout vifs, plutôt que d'empoisonner ses bienfaits. Alors le Roi dit : « Que l'on apporte une coupe, je boirai moi même pour prendre congé de tout le monde & tout le monde fera des libations de ce divin Nectar. » Or il faut savoir que la Reine avait fait faire un gobelet d'un étonnant artifice, la moindre quantité de liqueur y montait tout de suite jusqu'à la hauteur des bords & la liqueur y paraissait suspendre comme une vapeur mais le moindre souffle de la bouche ou du nez suffisait pour la faire descendre ainsi qu'on le voit dans les vases exposés au feu, l'on dit que cette même vertu se trouve dans le (calciaparium). Le poison fut versé dans cette coupe avec tant d'art, q»e le Roi au lieu de boire ne fit que souffler sur la boisson, qui tomba au fond & fit paraître le vase, comme s'il eut été vidé, & ceux qui burent après furent empoisonnés. Lors qu'ils eurent bu, le roi demanda de se retirer, disant qu'il sentait le besoin de se reposer. Les Princes crurent d'abord avoir été enivrés, mais bientôt la douleur leurs arracha des cris, leurs causa des convulsions, & ils moururent. Cet atroce tyran leurs refusa même la sépulture, menaçant de la vengeance céleste celui, qui voulait enterrer un ami, un oncle, un Prince, car ils couvrirent cette impiété du prétexte de la religion. Lorsque ces astres d'occident périrent, toute la gloire des Polonais s'évanouit avec eux. Et cet opprobre du monde, cette peste des vertus, cet infâme débauché, s’abandonna dans le sein de sa maîtresse à tous les genres de crapules. Il ne trouvait rien d'heureux que de vivre dans les voluptés, & sa plus célèbre maxime était celle-ci. Frottons nous d'essences précieuses, remplissons nous de vin. Cueillions les fleurs avant qu'elles se flétrissent, le Roi fut toujours le premier à la fuite, le dernier dans les dangers. Il était timide dans le péril, & semblait y être soufflé par la peur. Mais il était audacieux contre l'armée des vertus & ne cessa de leur faire la guerre, il était fort exercé dans tous les genres de vices; essayant tout ce qui pouvait nuire à la vertu, & préférait les chœurs de femmes, aux assemblées des hommes. Mais il mourut ainsi d'une mort bien étrange. La corruption des cadavres qu'il avait laissé sans sépulture, fit naître une quantité prodigieuse de rats, qui le poursuivant à travers les marais, les fleuves, les étangs, les bûchers allumés le dévorèrent enfin dans une tour, où il s'était enfermé avec là femme & ses deux fils.

20. Sis abderide propter ranarum ac murium multitudinem patriam linquere; sic philistei propter extalium corrosionem, cum anis et muribus aureis archam filiis israel remiserunt. Huic ergo pro singulari flagicio, singulare inflictum est supplicium; sic unde semper beatus esse voluit, semel factum est, ut semper esset miser; hoc enim feminea peroratum est prudencia. Hic fructus viros sequitur uxorios; hec messis creberrime innascitur crebris mulierum contuberniis. Quod in libro legit experiencie vir muliere corrupcior sardanapallus. Hunc namque Arbatus prefectus eius, inter scortorum greges cum in muliebri habitu et pensa lanam virginibus vidisset dispensantem, indingnum est, inquit, viros ei parere qui se feminam esse malit, quam virum; ergo a suis ei bellum infertur, qui victus extructa pira et se et divicias suas in incendium mittit, hoc solo imitatus virum. Arbatus vero, imperio potitur, laude pocius, quam vituperio dingnior, qui non principandi appetit potestatem, set miserabilem patrie ruinam miserantibus humeris. potencius suffulsit. M.

20. Jean : C’est ainsi que les Abdelites furent chassés de leur patrie par une multitude de grenouilles. C'est ainsi que les Philistins sentirent leurs entrailles rongées, & furent forcés à renvoyer l'arche avec des crochets, & des présents en or. Celui-ci commit un crime étrange & sa punition fut extraordinaire; il voulait être toujours heureux & en une fois il fut toujours misérable. Voilà les effets de la prudence des femmes, voilà le fruit que recueillent les hommes mariés. Voilà la moisson que l'on recueille dans la fréquentation des femmes. Sardanapale homme, plus corrompu qu'une femme l'a lu dans le livre de l'expérience. Arbacte était général de ses armées, il le trouva un jour au milieu d'une troupe de femmes débauchées, revêtu d'un habit de femme, & partageant l'ouvrage entre les vierges. Arbacte dit : « Il est indigne des hommes de lui obéir puisqu'il veut être une femme & non pas un homme. » Les sujets de Sardanapale lui firent la guerre, il fut vaincu, il éleva un bûcher & se brûla avec ses richesses, ce fut la seule de ses actions où il se montra homme. Arbacte s'empara de la souveraineté, & se montra en cela plus digne de louange que de blâme, car il ne désira pas le pouvoir de régner, mais plutôt il soutint la patrie misérable sur ses épaules compatissantes.

LIVRE II

INCIPIT LIBER SECUNDUS

TRACTAND DE ORIGINE

REGUM ET PRINCIPUM POLONIE

QUI SUNT USQUE HODIE.

1. SEt sinuosis longius euagari non convenit amfractibus, ut propositi ut suscepti cursus itineris debito carpatur conpendio. Nemo tamen id nostre inputaverit ostentacioni, quod quedam ex aliorum historiis principali inseruntur seriei, que ex industria iubemur non preterire. Tum quia similia gaudent similibus; Tum quia idemptitas mater est societatis, ut eciam non omnino desit in quo sese lector exerceat. Nam quis uvas, quis ficus semite altrinsecus appensas, immo sua se sponte palato ingerentes, prorsus intactas pretereat! Addecet ergo talium illarescere gustu, non honere sarcinari. Libet autem ut ex integro tui vasculo promptuarii, anime sicienti aliquid iocundius propinetur. M.

1. Mathieu : Mais pourquoi errer dans des anfractuosités sinueuse. Il faut prendre le chemin le plus court pour arriver plus tôt au but que l'on se propose, cependant personne ne pourra trouver mauvais que nous inférions ici des traits tirés des autres histoires, & que nous aurions tort d'omettre, car les semblables se recherchent. L'identité est mère de la société, & tout cela donne de l'exercice au lecteur. Car qui est-ce qui passerait son chemin ou éviterait des grappes de raisins mêlées de figues qui voudraient s'introduire dans son palais. Mais de pareilles choses sont faites pour réveiller le goût & non pas pour charger l'estomac. Et il faut chercher dans une cave quelque bouteille propre à désaltérer les esprits qui ont soif de savoir.

2. Immo pronus regraciandi prosternor obsequio, quod mee tenuitatis acetosam non fastidis acredinem. Et mihi quidem non pigrum quod posteris. foret necessarium, nisi detractans emulacio meo quendam ori obiceret silencii repagulum. Dictis enim haut facile deprehenditur menciens in hiis, que nemo novit; Nec facile falsitatem vitare potest, qui de ygnotis multa presumit. Procul vero, procul absistat a vero falsi asercio, ne modicum fermenti totam massam corrumpat. Quippe: Verus homo falsus fieri per falsa meretur. Sic homo fit pictus, non homo sic fit homo. M.

2. Jean : Je me prosterne pour vous remercier, puisque vous n'êtes pas dégoûté par l'aigreur du vinaigre que peut vous offrir ma pauvreté. Et je ne serai pas paresseux pour ce qui peut être utile à la postérité, à moins que quelque détracteur, ne ferme la bouche à mon zèle avec le verrou du silence. L'on dit qu'il est difficile de surprendre celui qui moissonne dans des champs inconnus, & celui-là peut difficilement éviter la fausseté qui présume beaucoup de ce qu'il ignore. Mais loin de l'assertion de l'homme faux qu'un peu de ferment corrompt toute la masse. —-Mais l'homme véridique mérite par des faussetés de devenir faux, ainsi l'homme devient une peinture & non un homme, ainsi il devient homme.[4]

3. Radice itaque pompilii stirpitus excisa, nova principum iniciatur successio, Quorum celsirudo tanto procerior, tanto crevit sublimior, quanto stirpes creditur fuisse depressior. Humillimi namque agricole filius, zemovit nomine, strennuitatem induit, adolescit industria, virtutibus parentatur. Qui suis non suorum suffultus meritis, prius magister creatur militum, tandem Regia fungitur maiestate, quod de ipso ab ipsius pene infancie crepundiis asserunt presagitum. Fuit enim quidam pauperculus chosistconis filius, cui nomen Past, cuius coniugi nomen Repicza; ambo natura infimi, Rebus exigui, estimacione nulli; set purioris vite studio sublimes, estuque misericordie adeo feruentissimi, ut eorum substanciola in se plerumque nulla, hospitalitatis non nunquam augeretur inpendio. Quis non miretur? Quis non stupeat, vel augmento quid minui vel diminucione augeri? Idem enim est vel candore nigrescere vel nigredine candidari. Rem tamen exilem rem pene nullam larga crescere fecit dapsilitas. A ianua namque pompilii duo pulsi hospites, horum subingredi horum non dedingnantur tugurio. Quos domestici affectuose amplexos discumbere iubent; a quibus extreme venia paupertatis postulata, obsoniolum et braxati modicillum liquoris apponunt, orant ne quid, ne quantnm, ne a quibus, set qualiter et quo exibeatur affectu considerent. Velle, inquiunt, nobis adiacet; posse non suppetit. Hec pro inicianda paiTuli cesarie, pro delibandis tonsure primiciis, de spicis cadentibus compilata vestris utinam desideriis accesserint; quibus et si dulcis desit sapor, saporosa tamen affeccionis non deest dulcedo. Ad hec illi: affectus vester operi vestro nomen inponit, Quia quantum quis intendit tantum facit. Nec potest esse insipidum quod sole caritatis conditur, quod favo cordis instillatur. Quid gratum, quid dulce, pium quid? — grata voluntas. Nam paleas operis aurea mens operit. Quibus considentibus, augeri epule, liquor excrescere adeo, ut undique mutuata vasorum capacitas non sufficeret receptui; Que ne inminui quidem potuere longissimis quam plurium convivarum rex cum suis haustibus, Quos eo cum proceribus, cum Rege Pompilio iusserant hospites corrogari. Sub tanta igitur tantorum frequencia, zemovit ab hospitibus tonsoratiir et futuri Regis festivitas miraculi consecratur presagio. Qui velut de intermortuos cineres, glorie scintillam non solum suscitavit, set inmortales polonie titulos zodiacteis pene singnis inseruit, hic enim non modo eas que pompiliana desciverant yngnavia naciones revocavit, set et alias, aliis intactas regiones, suo coniecit imperio: Quibus decanos, quinquagenarios, centuriones, collegiatos, chiliarchos, magistros militum, urbium prefectos, priinipilarios, presides, omnesqne omnino potestates instituit. J.

3. Mathieu : La famille de Popiel se trouvant entièrement éteinte, une nouvelle dynastie commença avec beaucoup de gloire & cet arbre nouveau s'accrut & s'éleva d'autant plus que les racines étaient plus basses & plus profondes. Semovit fils d'un humble laboureur, fort de son mérite, & non pas du mérite des siens, fut créé maître de la milice, & ensuite obtint la couronne, que bien des présages lui promettaient déjà dès son enfance. Il y avait à Kruszwica un pauvre habitant appelé Piast & sa femme Rzepica. Tous les deux étaient dépourvus des dons de la nature, pauvres, méconnus mais sublimes par la pureté de leurs mœurs, la chaleur de leur bienfaisance, & leur singulière hospitalité, & ce fut en donnant, que leur bien s'accrut, & en le partageant avec d'autres qu'ils en acquirent davantage ; Cela doit étonner; ce bien diminuait par l’augmentation & s'augmentait par la diminution. C'est comme si l'on disait blanchir par la noirceur & noircir par la blancheur. L'hospitalité enrichit des gens qui n'avaient presque rien.

Deux voyageurs repoussés de chez Popiel se présentèrent à leur cabane ; ceux-ci les embrassèrent affectueusement, les prièrent d'excuser leur pauvreté, & leur présentèrent un peu de liqueur brassée, ils prient leurs hôtes de considérer non la qualité ni la quantité de leur offrande, mais le bon cœur dont ils la font. La volonté (disent-ils) est en notre pouvoir, & non pas la possibilité. Nous avons glané les épis qui tombaient, & nous en avons fait ce met, puisse-t-il vous être agréable. S'il n'a point une faveur assez douce, la douceur de notre affection pourra lui en communiquer. —Les Etrangers répondirent : « Votre affection pour nous fait le mérite de votre œuvre, un met ne saurait être insipide lors qu'il est assaisonné du sel de la charité. » Comme les étrangers s'asseyaient l’on vit la liqueur s'augmenter, les mets s’accroître tellement, que les vases ne suffisaient plus à tout contenir, & la quantité ne diminuait point, quoique les convives y vinssent en grand nombre, car le Roi Popiel y fut invité avec les principaux du pays. Ce fut au milieu de cette abondance que Semovit fut tonsuré par les étrangers & ils préfacèrent que l'enfant serait Roi un jour. Ce fut Semovit qui ralluma en Pologne l'étincelle de gloire, cachée au milieu de cendres éteintes, car non seulement il remit sous le joug les nations qui avaient profité pour le secouer de l'indolence de Popiel, mais il en subjugua d'autres qui étaient jusqu'alors restées intactes. Ce fut aussi lui qui institua dans tes armées les commandants de dix, cinquante, cent & mille hommes, des collégiens, des tribuns, & des maîtres de la milice.—- Des préfets de villes, des primi piliariens, des présidents, & autres officiers.

4. Non est minimum in humanis rebus minima negligere. Sepe namque de agrestium frutectulis cedrina surgit proceritas; Sepius margarite inter harenarum delitescunt minucias; Sub cinere maxime virtus viget scintillarum. Generosa quoque mangnanimitas nec turritas semper urbes inhabitat, nec pauperum prorsus aspernatur tuguria. Nobilitatur enim sepe palmes, palmite vitis. Nobilitat fontem fonte redempta sitis. Nam, ut nota de david, de saule, de yeroboam, servo salomonis, aliisque per pluribus exempla preteream, Gordius conductis arans bobus, omnium genere avium circumuolatur, querit augurem. Cui virgo eximie pulcritudinis, que illi casu occurrit, Rengnum portendi Respondit; polliceturque se tam matrimonii quam spei sociam. Inter frigas oritur sedicio. Docent oracula, Rege discordiis opus esse. Rursus de persona regis querentibns, Regem iubentur observare quem primum in templum iovis euntem in plaustro reperissent. Obviat illis Gordius statimque eum Regem consalutaverunt. Ille plaustrum quo advectus erat, templo cousecravit. M.

4. Jean : Dans les choses humaines, ce n'est pas une petite chose de négliger les petites, souvent des petits fruits agrestes donnent naissance, à la beauté digne du cèdre, souvent on trouve les pierres précieuses qui sont enterrées sous la minutie du sable. Les étincelles reposent sous la cendre. La magnanimité généreuse n'habite pas toujours les villes couronnées de tours, & ne méprise pas toujours les cabanes des pauvres. Souvent la palme est anoblie par le sarment de la vigne, la fontaine est anoblie par la soif qu'elle apaise. Nous le voyons par David, Saül, Jéroboam serviteur de Salomon & par d'autres exemples que je passe sous silence, Gordius labourait avec ses bœufs, il se trouve entouré de nombre d'oiseaux qui voltigeaient au-dessus de sa tête, il y cherche un augure. Une fille d'une beauté admirable se rencontre là par hasard & lui répond que ces oiseaux lui présageaient la souveraineté & s'offre à partager son espoir & devenir sa compagne. Une sédition s'élève parmi les Phrygiens. Les oracles enseignent qu'il faut un Roi à ceux qui ne savent pas s'accorder. L'on cherche ce Roi. Les oracles disent qu'ils doivent choisir celui qui dans son chariot se présenterait le premier auprès du temple de Jupiter. On rencontre Gordius, & on lui rend les respects dus à un Roi. Gordius consacre à Jupiter le chariot dans lequel il fut amené.

5. De hocne antiqua cecinere oracula? Si quis gordii iugum solvisset, eum tota asia rengnaturum. J.

Utique, capta enim urbe mangnus alexander et iugum plaustri requisivit, et capita loramentomm scissis nodis invenit. Agathocles quoque patre figulo natus, forma tamen et corporis pulcritudine egregius, Regi siculorum dyonisio succedit. Rex idem azie aristonicus de cithariste filia susceptus, eciam Romanos prelio fudit. Ad quid vero interest, ut quis abdatomio exprobaverit quod operam locare ad puteos exhauriendos, ortosque irrigandos consueverit; hic tamen insingnis fuit pre ceteris Rex sidonie ab alexandro constitutus, multis spretis nobilibus, ne generis id, non dantis beneficium putaretur. Idem A[lexander] ex gregario milite virtutis causa ptolomeum provexerat qui post eum egyptum, africam, asiam libieque partem obtinuit. Romani denique tales Reges habuerunt quorum nominibus erubescunt, aut pastores abhoriginum, aut aruspices. sabinorum, aut exules corinthionim, aut servos vernasque tuscorum, aut lupe nutricios. Frustra igitur nostri degeneres de alti generis umbra gloriantur; Frustra de gigante natus nanulus, de gigantea superbit quantitate. De roseto siquidem et rosa nascitur et spine pungitivum. Ingnoras eiusdem esse vitis vinum et acinum? Nescis eiusdem vene aurum et scoriam? paleam constat in grano contineri, et granum in palea. Immo tales esse debere principes qui cum paupertate noverint habere commercium; Quia difficile est eum revereri virtutes, qui semper prospera usus est fortuna. Unde cuidam a sapiente dictum est: semper te puta miserum, quia nunquam fuisti miser. M.

5. Mathieu : Les anciens oracles en ont fait mention. Ils disaient que quelqu'un parvenait à défaire le nœud Gordien, toute l'Asie lui appartiendrait. Or donc Alexandre ayant pris la ville demanda à voir le joug de ce chariot & ayant coupé les nœuds il trouva les têtes des courroies. Agathoclès dont le père était potier, fut remarquable par la beauté de son corps, & succéda à Denys Roi des Siciliens. Aristonicus, Roi d'Asie, était fils, de la fille d'un joueur de Lyre. Cependant il fit fuir les Romains dans une bataille. Et qui pourra reprocher à Daromius, de ce que son métier, était de nettoyer les puits & d'arroser les jardins, cependant il fut un des plus illustres Rois de Sydon. Alexandre le mit sur le trône, au mépris d'une foule de nobles, car il ne voulait point que ce qui était un bienfait de sa part, parut être un privilège de la naissance. Ce même Alexandre avança Ptolémée qui n'était qu'un soldat distingué par son courage & après la mort il obtint l'Egypte, l'Afrique, l'Asie, & une partie de la Lybie. Enfin les Romains eurent des Rois dont les noms les font rougir. Des pasteurs d'Aborigènes, des Prêtres Sabins, des exilés de Corinthe, des serviteurs des Toscans, des nourrissons d'une louve; c'est donc en vain qu'un rejeton dégénéré se vante de l'ombre glorieuse sous laquelle il est né. C'est vainement qu'un nain qui serait né d'un géant, vanterait la grandeur de son père. Le rosier produit la rose & l'épine. Ignorez-vous que le verjus & le vin, sont les produits de la même vigne, Ne savez-vous pas que la même mine produit l'or & les scories. L'on fait que la paille est produite par le grain & le grain dans la paille. Tels doivent être les princes. Ils ne veulent point avoir de commerce avec la pauvreté, car celui qui a toujours vécu dans la prospérité, peut difficilement avoir de la vénération pour les vertus. C’est pourquoi quelqu'un a dit : « Le plus grand des malheurs, est de n'avoir jamais été malheureux. »

6. Errare penitus eos fateor, qui aureum nobilitatis tronum in lumbis figunt, non in pectore. Cur? Nam Nobilis est, virtus quem sua nobilitat. Set cursu nuperrimo quendam offendi scrupulum, a quo tuo munere oro expediri: Nam, ut ex ipso gentilitatis ritu presumitur, si supersticiosa sunt tonsure libamina, cur superiore miraculo videntur consecrata? cur fidelibus non solum non sunt inhybita, set celeberrima hodie devocione sollempnia? Quod si seria, si ullius est misterii talium instructio, cur ab eis qui se in cunabulis prudencie asserunt natos chachino ridiculi excipitur? Jo.

6. Jean : J'avoue que ceux-là se trompent qui mettent la noblesse dans les reins & non dans le cœur. Pourquoi celui-là ne serait il pas noble, qui est anobli par la vertu. Ainsi je crains d'avoir offensé quelqu'un dans ma course récente & je voudrais obtenir ma grâce par votre moyen. Car si les festins de la tonsure sont un rite gentil, pourquoi sont-ils consacrés par le miracle que nous avons vu. Pourquoi ne sont-ils pas prohibés aux fidèles, & pourquoi les solennisent-on aujourd’hui par une dévotion célèbre. Et si c'est une chose sérieuse, s'il y a quelque mystère dans cette institution, pourquoi est elle reçue avec risée par ceux qui disent être nés dans le berceau de la prudence.

7. Temerarium est de incertis temerariam precipitare sentenciam, unde prudentes, si prudentes essent, discere pocius didicissent incongnita, quam deridere ingnorata. Nec enim de ea loquor, cuius inicium a nazareis inmitatur ecclesia, quam tondele racionem paucos ingnorare puto. Set, si causam institutionis novens, nec supersticiosam nec ndiculam, nostri tondelam ritus angnosces. Instituta est ergo huiuscemodi forma et forme sollempnitas, ut per eam Robur haberet adopcio, ex qua propagatur quedam legalis congnacio, sicut ex baptismo vel confirmacione spiritualis. Sunt autem adopcionis due species: arrogacio scilicet et Simplex adopcio; arrogantur, qui sui iuris sunt, simpliciter adoptari dicuntur filii familias, qui in sacris parentum sunt; et primus quidem adoptandi modus fiebat principali Rescripto, secundus vero imperio magistratus. Nunc eciam non expetito principali oraculo, celebratur aput nostros adopcio, dummodo legitima non deffuerint testium instrumenta; huius autem congnacionis adoptive, que per artificium iuris civilis est introducta, tanta est Religio, ut nec matrimonii pretextu possit violari. Sicut namque spirituales filii, sic adoptivi non possunt iungi naturalibus, nisi altero eorum emancipato. Unde nicolaus: Inter fratreset filios spirituales non potest esse legale coniugium, quando quidem nec inter eos, quos adopcio iungit, matrimonia contrahi leges permittunt; hinc digestis, titulo: de ritu nupciarum, per adopcionem quesita fraternitas, eo usque inpedit nupcias, donec maneat adopcio. Ideoque, quam pater meus adoptavit et emancipavit, potero uxorem ducere. Similiter in institutis: titulo de nupciis; Si que per adopcionem soror tibi esse ceperit, quamdiu quidem constat adopcio, Sane inter te et eam nupcie consistere non possunt; cum vero per emancipacionem dissoluta sit adopcio, poteris eam uxorem ducere. Quid si in filiam vel in neptem aliquani optavero, potero emancipatam ducere minime, ut habetur eodem titulo, eiusdem libri, Itaque eam, que tibi per adoptionem filia esse ceperit aut neptis, non poteris uxorem ducere, quamvis eam emancipaveris. In hac vero tonsione sollempni, ambe plerumque species adopcionis concurrunt. Nam qui tondetur, incipit esse tondentis nepos per simplicem adopeionem. Mater vero eius fit soror adoptiva eiusdem per arrogacionem. Non erit ergo celebre hoc adopcionis genus, quod tam legitima et causa precedit et racio. Ideone dingnum detestacione putabimus, quod ritum et concepit et peperit gentilitas. Talium vero sunt empcio, locacio, mancipiorum obligacio, et alii bone fidei contractus. Nam, quod in quinto codicis latam de adopcione et arrogacione sanccionem resecari iubet imperator, nec ulterius esse ferendas, pro illis dictum est, qui suos manseres adoptant, et libidinem illicitam quodam legis palliant colore; quod intelliges si illum locum diligencius excusseris. Caveamus autem movere talia, quia ipsi talibus utimur: Irreligiosum enim est ea non venerari, que racio instituit, que devota maiorum veneratur religio.

7. Mathieu : Il est téméraire de précipiter un jugement téméraire sur les choses incertaines. Ainsi, si les gens dont vous parlez étaient prudents, ils apprendraient les choses qu'ils ignorent, plutôt que de se moquer de ce qu'ils ne connaissent point, je ne parle point des choses, dont l'origine a été imitée par l’église d'après les Nazaréens, car j'imagine que peu de gens ignorent les raisons de la tonsure. Mais si vous connaissiez la cause de cette institution, vous ne trouveriez la tonsure de notre rite ni superstitieuse ni ridicule, car cette forme, & la solennité de cette forme a été instituée pour que l'adoption eut ainsi toute sa force, laquelle propage une certaine parenté légale, ainsi que le baptême & la confirmation spirituelle. Car, il y a deux espèces d'adoption, l'arrogation & l'adoption simple. L'arrogation est pour ceux qui sont de leur propre droit; la simple adoption est pour ceux qui font sacrés par leurs parents. Autrefois la première espèce d'adoption se faisait par un rescrit principal, la seconde par l'ordre des magistrats. Aujourd’hui nous ne célébrons pas l'adoption par l'ordre d'un décret suprême, pourvu que l'on ne manque point des instruments légitimes des témoins, cependant la parenté introduite par cette adoption, est si religieusement observée, qu'elle ne peut point être violée sous le prétexte d'un mariage: Et les fils spirituels adoptifs ne peuvent point être unis aux naturels, ni à l'un d'eux qui serait émancipé. C'est pourquoi Nicolas dit : « Il ne peut point y avoir de mariage légal entre les frères & les fils spirituels »— d'où l'on doit conclure qu'il ne peut pas y avoir de mariage entre ceux qu'unit l'adoption, c'est pourquoi l'on trouve dans le digeste chapitre du rite des noces : « L'adoption demandée empêche les noces tant qu'elle dure, ainsi je puis épouser celle que mon père a adoptée & ensuite émancipée. » — De même l'on trouve dans l’institut chapitre des noces. « Si l'adoption t'a donné une sœur, tant que l'adoption dure il ne peut y avoir de noces entre elle & toi, mais quand l'adoption est dissoute par l'émancipation, tu peux l'épouser. » Mais si j'ai adoptée une fille en qualité de fille ou de petite fille, pourrai-je l'émanciper, & ensuite l'épouser? Point du tout (ainsi qu'on levait au même chapitre). Ainsi celle qui aura commencé à être ta fille par l'adoption, ou ta petite-fille, tu ne pourras plus l'épouser quand même tu l'émanciperais. Mais dans la tonsure solennelle sont confondues les deux espèces d'adoption. Car celui qui est tonsuré devint le petit-fils par simple adoption de celui qui le tonsure, & sa mère devient la sœur adoptive de celui-ci par arrogation. Pourquoi donc ne célébrerait-on pas ce genre d'adoption, puisqu'il est fondé sur la raison, & sur une cause si légitime. Ne détestons point ce rite parce qu'il a été inventé par la gentilité. Car tous les contrats sont dans le même cas, tels que l'achat, la location & l'obligation des esclaves. Car dans le chapitre 4 du code, l'empereur parlant de la fonction de l'adoption & de l'arrogation, la resserre dans de justes bornes, ce qu'il fait à cause de ceux qui adoptent leurs bâtards, & pallient leur licence par les couleurs de la loi, ce que vous comprendrez aisément si vous lisez cet endroit avec attention, mais gardons-nous de toucher à des choses qui ne conviennent qu'à ces gens-là. Il est irréligieux de ne point respecter une chose parce qu'on ne l'a point instituée quoiqu'elle ait été révérée par la religion des ancêtres.[5]

 

 

 

 


 

[1] Vincent Kadlubek (en polonais Wincenty Kadłubek), connu aussi sous les noms de Vincent de Kadlubek (en polonais Wincenty Kadłubkiem) ou de Maître Vincent (en polonais Mistrz Wincenty), est né vers 1150 (près de Sandomierz) et décédé le 8 mars 1223 à Jędrzejów. Il fut évêque de Cracovie et historien.

[2] Le début doit suffire pour faire connaître au lecteur la forme de cet ouvrage si ancien & si précieux pour notre histoire, & nous passerons immédiatement aux temps, à la connaissance desquels nous avons consacré ce volume, en avertissant seulement que les deux interlocuteurs, qui doivent être regardés comme les auteurs de la première partie de cet ouvrage, ne sont point des personnages imaginaires. L'un est Maciey Chebu Cholewa Evêque de Cracovie mort en 1166. L'autre Janik Cherbu Gruf Archevêque de Gnezn mort en1167.

[3] Au milieu de tous ce fatras d'élocution l'on ne saurait assez s'étonner de trouver les trois mots français : Scire tu moras, ou Sire tu mourras. Je laisse pour le moment à la sagacité de mes lecteurs à décider comment ils ont pu parvenir a là connaissance du bon Jean; mais en attendant mieux, je suppose qu'il aura entendu faire cette histoire à quelqu'un des moines de Saint-Egide venus de Provence, du nombre desquels paraît aussi avoir été notre excellent historien, connu sous le nom de Martin Gallus ou Gallus anonymus, qu'il faut bien se garder de confondre avec Martinus Polonus, comme il est souvent arrivé. Observons encore que Scire tu moras tient assez du dialecte provençal ou languedocien. La langue d'oc était alors parlée dans tout le midi de la France, et la langue d'oïl ou le picard, dans le nord.

[4] Ces dernières phrases, sont très obscures, je n'ai trouvé ni dans le commentateur ni dans les diverses éditions, de quoi les expliquer plus clairement, mais le texte étant à côté, il sera au pouvoir de chacun d’en faire une autre traduction s’il le juge à propos.

[5] Ce passage est très curieux puisqu'il nous prouve que la tonsure des enfants s'était conservée en Pologne jusques dans le douzième siècle, & que la religion avait consacré ce rite païen ; l’on voit ainsi que le droit romain était fort en vogue dans le même temps.