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LOI SALIQUE

 

DISSERTATION TROISIÈME.

DES PERSONNES LIBRES CONSIDÉRÉES DANS L'ÉTAT DE FAMILLE.

 

 

 


 

DISSERTATION TROISIÈME.

DES PERSONNES LIBRES CONSIDÉRÉES DANS L'ÉTAT DE FAMILLE.

L’autorité en droit barbare s’appelle le Mundium (on a latinisé le terme). C’est également un pouvoir énergique, qui est un pouvoir de protection des membres de la famille par le chef de famille. La grande différence, c’est le fait que le mundium n’est pas viager. Il cesse dès que l’enfant est en âge de vivre par lui-même, de travailler, de porter des armes ou de quitter la maison. (Philippe Remacle)

Manbour vient probablement de mann bourg (homme de bourg). Ce terme indique le tuteur, le protecteur d'une personne mineure. (Philippe Remacle)

On a vu dans la dissertation précédente que les anciens habitants de la Gaule romaine avaient été autorisés à conserver l'usage de leur droit civil. Quand il aurait quelque incertitude sur l'effet de cette concession, sous certains rapports que j'ai déjà indiqués et que je traiterai encore dans la sixième dissertation, aucun doute ne saurait s'élever sur la partie de la législation romaine qui concernait l'état de famille. Elle contenait à cet égard un ensemble de principes très connus, et dont je crois inutile de m'occuper ici.
Les études auxquelles je vais me livrer concerneront donc uniquement les hommes régis par la loi Salique.
Il n'y a point de législation dans laquelle on ne trouve établie avec plus ou moins d'exactitude une distinction entre les personnes, d'après leur âge et leur sexe. Partout on a reconnu qu'il était un temps de la vie pendant lequel l'individu n'ayant pas la capacité nécessaire pour exprimer légalement sa volonté et exercer ses droits devait être placé sous l'autorité d'un administrateur de sa personne et de ses biens : c'en ce qu'on appelle l'âge de minorité. Quand la loi Salique ne nous offrirait aucune notion à cet égard, il faudrait dire que l'usage avait suppléé à son silence, parce que des règles sur cet objet sont commandées par la simple raison et la nature des choses. Mais nous n'en sommes pas réduits à ce silence absolu. Plusieurs textes contiennent les mots infantes, parvoli
Le titre XXVI de la loi Salique prévoit et punit le meurtre d'un enfant qui n'a pas douze ans, et la peine n'est pas la même que pour le meurtre des autres ingenui : elle est beaucoup plus considérable, par suite de la protection spéciale accordée aux faibles, qui est un caractère des codes germaniques, et surtout de la loi Salique. Le même titre a égard à l'âge pour le délit commis par celui qui n'a pas douze ans; il l'exempte du fredum ou amende due au fisc, sans toutefois le dispenser de la réparation du dommage envers la personne lésée, ainsi que l'explique l'interprétation contenue dans le chapitre V du 3e capitulaire de 819.
Le titre VIII des Capita extravagantia, prévoyant que des enfants sont mineurs, parvoli, ce sont ses expressions, reconnaît que leur père a droit de jouir de leurs biens usque ad perfectam aetatem, cest-à-dire jusqu'à leur majorité.
Toutefois nous ne pouvons voir que par induction dans ces textes l'indication de l'aetas perfecta auquel l'individu, devenant suae potestatis, prenait l'administration de ses biens, et était sub sua tutela, suivant les expressions de du Cange. voc. Aetas.
Le chapitre V du 3e capitulaire de 819 déjà cité semblerait fournir plus de lumiéres. Aprés avoir dit que l'enfant au-dessous de douze ans, quoique exempt du fredum, peut être poursuivi pour ce qu'il a pris injusstement, il ajoute qu'une action contre cet enfant de hereditate paterna vel materna ne pourra être intentée avant qu'il ait atteint l'âge de douze ans. Quelque incomplète que soit cette décision, je crois quelle dérive d'un principe général en vertu duquel, à moins d'une action ex delicto, l'individu âgé de moins de douze ans ne pouvait être induit en justice. C'est ce qui résulte encore du titre LXXXI de la loi Ripuaire, où seulement l'âge de quinze ans est substitué à celui de douze.
Si, comme je je crois, ce titre de la loi Ripuaire, à part la différence d'âge, atteste le droit commun des tribus franques, il peut jeter un grand jour sur la question ; car après avoir déterminé l'âge jusqu'auquel les procès qui intéressent les mineurs sont suspendus, il ajoute que cet âge étant atteint, aut ipse respondeat, aut defensorem eligat. Le voilà donc capable et même forcé d'ester en jugement, non pas seulement pour des objets minimes, des choses mobilières, mais pour l'ensemble de sa fortune, hereditas.
On est donc conduit à croire que la majorité était fixée chez les Francs à douze ans, chez les Ripuaires à quinze. Il est inutile d'ajouter que l'enfant qui n'avait pas atteint cet âge était incapable de contracter. Néanmoins je dois faire observer que le § 3 du titre LXXIV de la loi des Ripuaires le décidait expressément. Le même principe est écrit dans le titre LXXXVII de la lex Burgundionum.
Il s'est élevé une controverse relativement à cet âge de majorité; voici à quel sujet: Grégoire de Tours. liv. VII, chap. XXXIII, rendant compte de l'investiture que Gontran fit de son royaume en faveur de Childebert, son neveu, met ces paroles dans sa bouche : filius meus Childebertus, jam vir magnus effectus est. Childebert était, comme on sait, roi d'Austrasie et régi par la loi Ripuaire, qui fixait la majorité à quinze ans. D. Ruinart, dans une note destinée à expliquer les mots jam vir magnus effectus est, dit expressément : Childebertus annum aetatis XIV egressus, et MAJOR uti nunc loquimur. En effet, Childebert était, suivant l'Art de vérifier les dates, né en 570, et les savants placent à 585 l'investiture faite par Gontran.
Cette opinion a été combattue par Bréquigny et La Porte du Theil, dans les Prolégomènes des Diplomata, part. III, sect. I. chap. I, art. 4. Ils se fondent sur deux diplômes de Sigebert, fils de Dagobert. Ce prince, né en 630. fit, disent-ils, une donation à l'abbé Remacle en 648 (01); il était par conséquent âgé de dix huit ans, et le tuteur qui lui avait été donné pour l'administration du royaume la ratifia. En 651 (02), il fit une nouvelle donation, à laquelle le tuteur n'intervint point : il y déclare qu'il est parvenu ad legitimam aetatem, et qu'en conséquence ce qu'il donne ou pourra donner deinceps forent valida. Les expressions dont il se sert paraissent mérite annoncer que c'est précisément cette année 651 qu'il avait atteint l'aetas legitima, et, dans le fait, Sigebert se trouvait alors âgé de vingt et un ans; donc, ajoutent- ils, l'aetas legitima était vingt et un ans (03). Ils repoussent l'induction que D. Ruinart avait tirée du passage cité de Grégoire de Tours, en objectant que Gontran ne faisait pas un abandon actuel du pouvoir souverain, qu'il se bornait à instituer Childebert son héritier.
Cette objection est loin de me paraître décisive. Précisément Gontran employait pour cette institution la forme de tradition symbolique déterminée par le titre XLVIII de la loi Salique, à la différence qu'au lieu de faire la tradition per festucam dans un mallum ordinaire, il la faisait per hastam, devant les grands du royaume, c'est-à-dire dans le mallum le plus solennel. Mais une institution d'héritier que la loi déclarait irrévocable aurait elle pu être faite au profit d'un mineur, d'un individu qui n'était pas encore suae potestatis? Je ne le crois pas. D'après le titre XLVIII de la loi Salique, dont la loi des Ripuaires et celle des Bourguignons admettent le principe, le donateur et le donataire comparaissaient devant le mallum; il s'y formait ce que nous appellerions aujourd'hui un contrat judiciaire. Or, la capacité de l'un et de l'autre des contractants en était la premiére condition. II fallait donc que le donataire eût atteint l'aetas perfecta : je crois que le passage de Grégoire de Tours a été bien entendu par D. Ruinart.
J'aurais pu éluder cette difficulté en supposant qu'il existait des règles particulières pour la majorité des rois; mais ce n'est pas mon opinion, et tout me paraît prouver qu'à cet égard les familles royales étaient régies par le droit commun. II faut donc chercher une autre solution : or, je crois qu'elle existe dans les documents invoqués par Bréquigny et La Porte du Theil. On ne voit point dans la donation de 648 que Sigebert fût mineur, ni une ratification de tuteur; elle est faite par le roi, en présence et avec l'assentiment de grands personnages, ce qui n'est point rare dans les actes de rois majeurs. Sigebert, dans le diplôme de 651, indiquant en effet la quatorzième année de son régne, dit qu'à une époque précédente, ante superiores annos, lorsqu'il était, sub tenera aetate, il avait pu être fait quelques concessions des biens dont il dispose, probablement par les administrateurs du royaume : il les annule. Il ajoute que celles qu'il a faites depuis qu'il est parvenu ad legitirnam aetatem, celle qu'il fait et celles qu'il fera dans la suite, seront seules valables; mais loin qu'il comprenne dans cette annulation la donation de 648, faite lorsqu'il avait dix-huit ans, il la rappelle en y joignant d'autres domaines, sans la renouveler ni le confirmer, comme cela eût été nécessaire si elle avait été nulle.
La même règle de majorité était-elle observée pour les hommes et pour les femmes? Je n'en doute point, d'après la généralité des termes du titre XXVII de la loi Salique et du capitulaire de 819, où on lit puer, infans, expressions qui comprennent les deux sexes; surtout d'après le titre LXXXI de la loi Ripuaire qui, après avoir employé dans sa rédaction le mot filius, est terminé par les mots similiter et filia.
L'enfant mineur était sous le mundium de son père; pendant la vie du père ce mundium était confondu avec la tutelle; mais à sa mort la confusion cessait. La mère avait droit à la tutelle d'après les titres LIX et LXXXV de la lex Burgudionum qui, dans mon opinion, attestent le droit commun des tribus germaniques. Quant au mundium qui imposait la charge de protéger contre toutes sortes d'offenses (04), il ne pouvait être exercé que par un mâle, et il appartenait au plus proche parent. Ce parent réunissait aussi la tutelle au mundium lorsque le mère refusait d'être tutrice. C'est encore ce que décident les titres cités de la lex Burgundionum.
Mais quoique à l'égard des hommes et des femmes il y eût un aetas perfecta, ainsi que je viens de l'indiquer, il est important de faire observer que chez les Francs les conséquences n'en étaient pas les mêmes pour les deux sexes. A l'égard des hommes parvenus à l'aetas perfecta, le mundium cessait en même temps que la tutelle; ils étaient libres de pourvoir à leur existence nomme bon leur semblait; ordinairement même le père leur donnait quelques biens dans la cérémonie de la coupe des cheveux (capillatoria) qui attestait le passage de l'enfance à la majorité : lors même qu'ils habitaient dans la maison de leur père ils n'y étaient plus sous son mundium.
Les femmes. au contraire, y restaient toujours soumises. Si le père mourait, le mundium appartenait au plus proche parent paternel, à défaut de parents, au roi, jusqu'à ce que le mariage en transmit les droits au mari.
Toutefois les effets du mudium du parent avaient plus d'étendue à l'égard de la femme mineure que de la femme majeure. Dans ce dernier cas il était uniquement un titre de protection et non un pouvoir absolu. La fille majeure qui aurait voulu contracter mariage aurait pu s'adresser au magistrat pour vaincre le refus de son manbour; j'en donnerai la preuve dans la dissertation treizième relative aux mariages. La fille majeure avait la pleine liberté de se faire religieuse, ainsi que le prouvent les dernières expressions du chapitre XXI du premier capitulaire de 819. On pourrait même induire de ce chapitre que les compositions pour offenses envers une femme majeure n'appartenaient pas à celui sous le mundium de qui elle était placée. Le législateur suppose qu'on a donné par violence le voile à une fille; il distingue si ou non elle était jam suae potestatis ; au premier cas, c'est â elle que la composition est due; au second, elle est dite à celui in cuius potestate fuerit.
Nous avons peu de renseignements sur l'étendue de la puissance du père à l'égard d'un enfant qui n'avait pas atteint l'aetas perfecta. César, De bello gallico, lib. VI. cap. XIX, atteste, il est vrai, que les Gaulois avaient sur leurs enfants le droit de vie et de mort; mais il a soin de faire observer, cap. XXI, que les usages des Germains n'étaient pas les mêmes que ceux des Gaulois. Nous lisons toutefois, dans le chapitre IV du livre VI de la compilation des capitulaires, qu'un père pouvait vendre son enfant, et les preuves n'en sont pas rares dans les historiens. L'auteur de la vie de saint Junien, dans Labbe, Bibliotheca manucriptorum, t. II, p. 573, atteste même qu'une mère veuve avait ce droit. Mais l'esclavage personnel ayant été singulièrement modifié par l'influence du christianisme, un des premiers effets de cette amélioration dut être d'abolir le droit des parents de vendre leurs enfants (05).
Mais en mettant de côté ce droit barbare, et en supposant. ce qui était sans doute le plus commun, que les pères et mères gardassent leurs enfants, il y a lieu d'examiner quel droit ils avaient sur leurs personnes et leurs biens. On sait ce qui en était d'après la législation romaine. Les enfants étaient, à l'égard de leurs pères, dans un état de minorité perpétuelle. Non seulement un père avait la puissance sur son fils, mais encore sur les enfants de son fils, et cette puissance ne cessait que par la mort du père, ou par l'émancipation du fils, émancipation résultant de la volonté exprimée par le père, ou supposée d'après certaines circonstances, ou déclarée par la loi dans des cas particuliers.
L'effet de cette puissance, quant aux biens, était que le fils de famille n'avait pas de biens propres; il acquérait pour son père, sauf quelques restrictions que la loi avait établies.
Point de doute que les Romains n'aient continué d'être régis par ces principes; mais ici il s'agit des Francs. Point de doute encore que lorsque l'empire territorial des coutumes eut remplacé la personnalité des lois, quelques-unes, quoique rédigées dans des contrées qui avaient été plus particulièrement occupées par les Francs en grande majorité. n'aient adopté, avec plus ou moins de restriction, les principes du droit romain sur la puissance paternelle; mais il ne s'agit point ici du droit et de la législation des XIe siècle et suivants, de ce que nous appelons la législation coutumière; il s'agit de la loi Salique et des principes en usage aux Ve et VIe siècles. Or je crois pouvoir affirmer qu'à cette époque la puissance paternelle, telle qu'elle était connue dans le droit romain, n'était point admise chez les Francs. C'est, du reste, l'opinion d'Heineccius, Elementa juris Germanici Iib. I. § 138.
Cc que j'ai dit plus haut prouve qu'il y avait un âge, appelé par les lois aetas perfecta, qui rendait l'enfant sui juris, avec cette distinction, toutefois, que les filles continuaient d'être sous un mundium tant qu'elles n'étaient pas mariées. Mais cela lient à un autre principe qui, tout eu ayant quelque similitude avec le droit romain, n'en avait pas été emprunté, je veux dire l'état de tutelle perpétuelle des femmes, matière sur laquelle Heineccius a fait une dissertation qui mérite d'être consultée.
En faisant donc abstraction de cette particularité, je crois qu'on peut tenir comme certain que chez les Francs les enfants parvenus à l'aetas legitima, ce que noms appelons la majorité, n'étaient point, comme dans le droit romain, en puissance paternelle.
Même pendant la durée du mundium, leurs biens étaient à eux et non au pére: ils acquéraient pour eux et non pour leur père. Seulement, avant qu'ils eussent atteint cet aetas perfecla, tandis qu'ils étaient parvoli, pour employer les expressions de la loi dont je vais bientôt citer le texte, le père jouissait de leurs biens, à peu prés comme de nos jours le Code civil lui attribue l'usufruit paternel. Voici, en effet, ce que nous lisons dans te titre VIII des Capita extravagantia. On prévoit qu'un homme veuf ayant des enfants se remarie; sa femme avait laissé des biens ou que ses parents lui avaient donnés, comme il est dit dans les titres VII et XIV de ces mêmes Capita extravagantia, ou dont elle avait hérité : elle avait, de plus, laissé la dot constituée à son profit par son mari, qui, ainsi que l'atteste la formule 9 du livre II de Marculfe, passait à titre de succession à ses enfants. On décide que le père, quoique remarié, en aura la jouissance : Si tamen filii parvoli sint, usque ad perfectam aetatem res anterioris uxiris vel dotis causa liceat (patri) judicare, sic vero de has nec vendere, nec donaere praesumat. Ainsi, le père en a l'usufruit tant que les enfants sont parvoli; il a cette jouissance, usque ad perfectam aetatem, jusqu'à ce qu'ils soient majeurs. II n'y a pas la moindre apparence que cette règle ait été dictée par la circonstance du second mariage. Le père, soit pendant le mariage, soit pendant son veuvage, ne pouvait avoir, sur les biens de ses enfants, un droit moindre que dans le cas où il se remariait. Si une règle spéciale avait pu paraître nécessaire, c'eût été tout au plus pour modifier ce droit à cause du second mariage; et peut-être le véritable but de notre titre VIII a-t-il été de déclarer que, même remarié, le père conservait des droits sur les biens de ses enfants usque ad perfectam aetatem.
Quoi qu'il en soit on ne peut méconnaître que le texte cité ne constate trois choses : 1° le droit du père; 2° les objets sur lesquels ce droit s'exerçait; 3° la durée de ce droit.
La loi définit le droit par l'expression liceat judicare. Les documents cités par du Cange nous apprennent que judicare a la signification de disponere, et même qu'il peut s'êtendre au droit de disposition absolue et indéfinie. Mais le texte ajoute immédiatement une restriction : sic vero de has nec vendere, nec donare praesumat; et. par conséquent. le droit de disposer est limité à la jouissance, par l'exclusion de la faculté de vendre ou de donner.
A en juger d'après notre jurisprudence, on devrait dire que le père était usufruitier des biens de ses enfants jusqu'à ce qu'ils eussent atteint perfectam aetatem, et ce serait ce que nous appelons l'usufruit paternel. Toutefois il y a quelque différence. Dans les principes modernes, l'usufruit est un droit distinct de la nue propriété, ce sont deux choses appartenant à deux maitres différents. Les Francs n'avaient pas d'idée bien nette de ce démembrement qui appartient à une législation plus avancée que la leur; ils ne connaissaient que la propriété; mais, comme l'exercice des droits qu'elle produit était accordé seulement à des personnes sui juris, ils avaient établi que, pendant l'incapacité momentanée du propriétaire, le droit de propriété serait exercé par la personne qui avait
celui de jouir; seulement ils avaient pourvu à ce que cette jouissance ne devint pas un moyen de dépouiller le pupille et de le laisser sans ressources à l'époque où il aurait la perfectam aetatem. Pour atteindre ce but, la loi interdisait au père la faculté de vendre ou de donner les biens du pupille : à cette restriction près, il était réputé propriétaire et exerçait tous les autres droits de la propriété comme il en supportait les charges, sous les différents rapports naturels, civils et politiques. C'est de là que furent introduits dans nos anciennes coutumes les droits de manbournie, traduction du mot mundium, mundeburdium, de bail, et autres, analogues à la puissance paternelle de notre Code civil. II ne serait pas exact de dire, comme l'a fait un jurisconsulte allemand. M. Zoepfl. dans un article très intéressant intitulé De l'élément germanique dans le Code Napoléon, inséré au tome IX de la Revue étrangère et française de jurisprudence, pag. 170 et 171, que les lois révolutionnaires avaient aboli cette puissance, tirant son origine des usages germaniques et non du droit romain, et que le Code civil y est revenu. La puissance paternelle, abolie par la loi du 28 août 1792, était celle du droit romain qui s'exerçait sur les majeurs, et au contraire, cette loi la maintint sur les mineurs.
La loi Salique et les formules n'offrent point de dispositions aussi précises. relativement aux droits d'une mère veuve sur ses enfants jusqu'à ce qu'ils eussent atteint l'aetas perfecta. Les titres LIX et LXXXV de la lex Burgundionum, que j'ai déjà cités, si on suppose qu'ils constatent une coutume également propre aux Francs, conduiraient à croire que la veuve non remariée avait la tutelle de ses enfants mineure, laquelle, à son défaut, passait aux parents. et que jusqu'à leur majorité elle jouissait de leurs biens; mais j'ai déjà expliqué qu'elle n'avait pas le mundium qui, selon moi, était un droit viril.
Je me borne à ce petit nombre de notions sur l'état des personnes considérées sous des rapports que j'appelle domestiques et de famille. D'autres questions qui s'y rattachent, notamment sur la filiation légitime ou illégitime, trouveront leur place dans les dissertations treizième et quatorzième.
Il suffit, pour compléter cette matière, autant que possible, de dire que l'adoption ne fut point inconnue chez les Francs : on en trouve la preuve dans les formules 13 du livre II de Marculfe, 58 et 59 de Lindenbrog.
 

(01) Diplomata, 1ere édit, pag. 204; nouvelle édit. t. II, pag. 82.
(02) Diplomata, 1ère edit. page 209: nouvelle édit. t. II. pag. 93.
(03) Une charte de Thierry III. de 688, dans les Diplomata, 1ère édit. png. 309, et nouvelle édition. t. II, pag. 204, contient aussi cette énonciation d'un roi parvenu ad aetatem legitimam. Il est de la seizième année de Thierry en comptant son règne de la mort de son frère Chlotaire III. Mais comme on ignore l'époque de le naissance de Thierry, ce document n'est d'aucun secours.
(04) Muratori, Antiquitates italicae medii aevi, t. II, pag. 115.
(05) Le chap. XXXIV de l'édit de Pistes de 864, et les capitulaires précédents auxquels il se réfère, constatent que cet usage subsistait encore au IXe siècle, et y portent remède.