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EURIPIDE

 

 

 

APPENDICE.

Sur le drame satyrique des Grecs et sur le Cyclope d'Euripide.

 

traduction de la pièce

APPENDICE.

Sur le drame satyrique des Grecs et sur le Cyclope d'Euripide.

Les Bacchantes nous conduisent au Cyclope, où paraît également le cortège de Bacchus, mais son cortège comique, les Satyres et Silène au lieu des Ménades. Ce n'est pas une tragédie que le Cyclope , c'est un drame satyrique (01).

Dans les fêtes Dionysiaques, berceau commun de tous les genres de composition dramatique, il y avait, colline dans nos fêtes religieuses du moyen âge, une partie sérieuse et une partie bouffonne. De la première sortit, on sait comment (02), la tragédie; et, plus tard, quand celle-ci eut atteint ou fut près d'atteindre à toute sa gravité (03), le besoin de délasser d'une trop grande contention d'esprit la masse la plus grossière des spectateurs (04), celui de rattacher en quelque chose le spectacle à son origine bachique, dont il s'était fort écarté, de répondre aux réclamations des dévots serviteurs du dieu, lesquels n'y trouvaient plus rien qui eût rapport à son culte (05), l'une ou l'autre de ces raisons, peut-être toutes deux ensemble, firent qu'on s'avisa d'emprunter à ce que nous venons d'appeler la partie bouffonne de ces antiques fêtes l'élément principal du drame satyrique, les Satyres. Ils avaient primitivement été introduits dans les choeurs dithyrambiques, à ce que l'on rapporte du moins (06), par Arion: une lois ces choeurs devenus, au moyen de certaines additions, de certains retranchements, la tragédie, ils y furent ramenés, soit, on l'a cru (07), d'après un passage d'Horace (08) surtout, par Thespis lui-même., soit par un de ses successeurs, qui fut l'un des contemporains et des rivaux d'Eschyle (09), par Pratinas (10), comme on le pense plus généralement (11) et avec plus de vraisemblance. Pratinas était de Phlionte, ville laquelle Phlias, fils de Bacchus avait donné son nom (12) ; il était du pays de Doriens, où avaient été institués par Arion, où s'étaient perpétués dans le dithyrambe, dans cette tragédie de l'ancien temps, les choeurs bouffons des Satyres; on conçoit que ce soit lui plutôt qu'un autre qui les ait restitués à la tragégie athénienne (13). De là ce qu'on a appelé le drame satyrique (14), drame de nature mixte, dans lequel reparaissaient  (15)les personnages habituels de la tragédie, ses lieux et ses héros, avec la dignité de leurs moeurs et de leur langage, mais un peu compromis cependant, un peu rabaissés parla familiarité de l'intrigue; par le commerce de personnages d'ordre subalterne, quelquefois risiblement effrayants, centaures , cyclopes, brigands , tyrans fameux, et autres ; enfin par la pétulante gaieté d'un choeur, témoin consacré de ce genre d'actions, qui donnait à la composition, plus que tout autre chose, sa forme, son caractère, qui lui imposa son nom, d'un choeur de satyres.

Homère, on l'a remarqué (16), dans quelques récits empreints à la fois de sérieux et d'enjouement, avait encore le premier mis sur la voie de ces pièces tragi-comiques, de ce genre qu'un ancien a appelé la tragédie en belle humeur (17). Jusqu'où lui était-il permis de descendre ? Beaucoup plus bas assurément que ne le ferait supposer Horace quand il la représente essayant, sans trop oublier sa gravité, de la plaisanterie, Incolumi gravitate jocurn tentavit (18), et, comme une dame romaine qui prend part modestement à la danse sacrée dans un jour de fête, se mêlant, la rougeur sur le front, à la compagnie folâtre des Satyres :

Effutire leves indigna tragoedia versus,
Ut festis matrona moveri jussa diebus,
Intererit Satyris paulum pudibunda protervis (19).

Cette dignité, cette pudeur de Melpomène étaient mises dans le drame satyrique des Grecs à de rudes épreuves, et ne s'en retiraient pas aussi intactes que semble le prétendre Horace. La muse s'y prêtait de bonne grâce à des jeux dignes de la Thalie d'Aristophane, où rien, sauf peut-être les gros mots, inornata et dominantia nomina (20), n'était interdit; rien, la saleté, l'obscénité même. Nous ne le saurions pas par ce qui s'est conservé des traits les plus libres de l'étrange gaieté permise, dans ces saturnales dramatiques, à la tragédie, que nous l'apprendrions d'Ovide, qui y a cherché une excuse pour la licence relativement plus discrète, et pourtant si rigoureusement punie, de ses vers :

Est et in obscenos deflexa., tragoedia risus,
Multaque praeteriti verba pudoris habet:
Nec nocet auctori mollem qui fecit Achillem
Infregisse suis fortia facta mollis (21).

Cette idée de rapprocher, d'opposer, dans une même composition dramatique, les points extrêmes du noble et du trivial, du terrible et du bouffon, n'est point, on le voit, il est bon de le dire en passant, aussi complètement moderne qu'on l'a cru quelquefois, qu'on l'a, cle nos jours, ingénieusement soutenu (22). Elle ne date point des lumières nouvelles du christianisme sur notre double nature ; elle ne date point du drame de Shakspeare, à la fable complexe, aux faces changeantes et disparates, aux tons divers et heurtés, aux frappantes, quelquefois aux sublimes dissonances, et, pour ne parler que d'ouvrages analogues à ceux qui nous occupent (23), de sa divertit saute pièce de Troïle et Cressida, par exemple, où, s'inspirant de nos vieux romans, il a traité si lestement, avec si peu de révérence, les héros de l'Iliade. Cette idée était venue aux Grecs, même sous la discipline d'Homère, et, par l'industrieuse émulation de leurs tragiques, et des plus grands, elle enrichit leur théâtre de toute une classe d'ouvrages, destinés, il est vrai, c'est là la différence, et elle est considérable, uniquement à amuser, à égayer l'esprit. Dans ce que pouvait présenter de divertissant le contraste des sentiments relevés du héros, avec les appétits sensuels, la gaieté brutale, la morale plus que facile, la malice, la lâcheté avouée du Satyre, était tout le plaisir, toute la portée de ce genre de drame.

Chez un peuple où les arts avaient leurs limites qu'on ne passait point, où la tragédie, avec ses accents familiers, la comédie, avec ses saillies de sérieux et de tristesse, se rapprochaient sans se confondre, le drame satyrique forma, entre ces deux genres, un genre à part, qui eut aussi sa forme spéciale; pour décoration, non plus, comme le premier, le péristyle d'un palais ou d'un temple, comme le second, une place avec des maisons, mais la représentation de quelque solitude champêtre, des bois, des rochers, des antres (24); pour acteurs, en regard des dieux, des héros, et d'autre part de quelques monstres grotesques, sacrifiés à la gaieté publique, dont les catastrophes funestes, sanglantes même, échappaient au pathétique, à la pitié (25), n'excitaient que des ris, particulièrement le vieux Silène et ses fils les Satyres, vêtus de peaux de bêtes, parés de guirlandes (26), dansant, le thyrse en main, la pétulante, la sautillante Sicinnis (27) ; enfin, pour arriver à ce qui concerne l'expression poétique, un style, une versification qui avaient leurs attributs propres, et dont le caractère général paraît avoir été, comme celui de la composition elle-même, une sorte de compromis entre la gravité tragique et la familiarité comique, entre l'exactitude sévère et la licence (28).

Le système du drame satyrique, comme celui de la tragédie, de la comédie, ne se forma sans douta que par degrés. C'est sans doute aussi progressivement qu'il devint la petite pièce, la pièce finale du spectacle tragique. On a cru (29) pouvoir conclure de la disproportion qui se remarque, dans le catalogue des compositions de Pratinas , entre ses dix-huit tragédies et ses trente-deux drames satyriques (30), que ce dernier genre d'ouvrages fut d'abord donné isolément; qu'on ne s'avisa pas tout de suite de le rattacher, soit par le sujet, soit seulement par le lien d'une représentation commune, aux trois tragédies comprises dans la trilogie; d'en faire, ce qu'il ne cessa guère d'être dans la suite, le complément de la tétralogie. D'autres (31) ont tiré du même fait une conclusion bien différente, pensant qu'on avait bien pu, dans l'origine, rattacher à une seule tragédie plus d'un drame satyrique. Peut-être la constitution théâtrale qui régla définitivement quelle part,. quelle place appartiendrait au drame satyrique dans la distribution du spectacle, constitution dont il n'est point possible de déterminer avec certitude le commencement (32), doit-elle être rapportée seulement au  temps des succès d'Eschyle, attribuée à ee véritable fondateur du théâtre grec.

Quoi qu'il en soit, en présence de Pratinas, auteur du genre, de son fils Aristias, qui, après lui, s'y distingua (33), de Chérilus, à qui un vers cité par un grammairien (34) attribue dans ce même genre une sorte de royauté (35), Eschyle le traita avec autant de supériorité que la tragédie (36). J'ai parlé ailleurs de la scène spirituelle que l'on place dans son Prométhée (37), celle du Satyre, qui, ravi à l'aspect, pour lui tout nouveau, du feu, veut l'embrasser, et que l'on avertit du danger auquel cette tendresse expose sa barbe de bouc; j'ai parlé du Protée (38), du Lycurgue (39) qu'il lia à son Orestie, à sa Lycurgie; d'une pièce encore qui n'était peut-être pas dans un rapport moins direct avec les tragédies dont on lui a composé, non sans vraisemblance, une Danaïde, de l'Amymone (40); c'était le nom d'une des filles de Danaüs, que son aventure avec un Satyre semblait destiner, plus que tout autre personnage fabuleux, à devenir l'héroïne d'un drame satyrique. Quel rôle jouaient les Satyres dans son Glaucus, le Dieu marin, dont j'ai eu plus d'une occasion (41) de rappeler le titre? on ne le sait; dans son Sisyphe, sa Circé, pièces auxquelles avaient fourni des sujets très convenables pour ce genre d'ouvrages, deux fourbes illustres du même sang, le père et le fils, l'un qui trouvait moyen de s'évader des enfers, l'autre qui rendait à la forme humaine et à la liberté ses compagnons captifs dans les étables de l'enchanteresse? on a cru en démêler quelque chose au moyen de certains fragments, du reste assez peu clairs (42). Là c'est la troupe folâtre, qui, tandis que la terre tremble et s'entr'ouvre, en voit sortir, au lieu d'un rat qu'elle attend, Sisyphe lui-même, Sisyphe remontant des sombres bords, et d'abord tout ébloui de la clarté du jour, puis disant gaiement adieu aux divinités infernales, et se faisant apporter, pour se laver les pieds après son long voyage, la fameuse cuvette d'airain tant cherchée dans la suite par l'amateur de curiosités qu'a fait parler Horace, par le prodigue Damasippe

...... Olim nam quaerere amabam
Quo vafer fille pedes lavisset Sisyphus aere (43).

Ici la même troupe, dans ses ébats, s'apprête à mettre en broche les cochons de Circé, et menace de faire ainsi un mauvais parti aux amis du roi d'Ithaque. Quand, dans le Cercyon, le jeune Thésée, allant de Trézène à Athènes, attaquait, chemin faisant, ce redoutable brigand. il est probable, quelques scènes du Cyclope d'Euripide le donnent à penser, qu'il avait pour alliés, dans sa hasardeuse entreprise, les Satyres dont la jactance et la poltronnerie égayaient cette aventure tragique. Le chant de l'Odyssée dans lequel Ulysse évoque les ombres des morts semble avoir fourni à Eschyle le sujet d'une pièce dont le titre (44) pourrait se traduire par l'Évocation. Mais cette pièce était-elle une tragédie ou un drame satyrique? Le dernier, selon un critique (45) qui dans des paroles, où assez évidemment Tirésias annonce à Ulysse sa destinée (46), a trouvé un exemple frappant de la grossièreté d'images, plus que familières, que se permettait quelquefois le genre. Combien on doit regretter qu'aucune de ces pièces et de celles que j'omets, ne soit parvenue jusqu'à nous ! On aimerait à connaître la plaisanterie, la bouffonnerie de ce terrible et sublime génie, de ce Shakspeare antique, également favorisé de l'une et de l'autre muse.

Les titres, les fragments, qui seuls représentent aujourd'hui, en trop petit nombre encore (47), les drame satyriques de Sophocle, nous montrent le successeur, l'émule d'Eschyle traitant ainsi que lui familièrement, tournant en plaisanterie (48) l'histoire des dieux et des héros, le sujet de plus d'une tragédie. Dans le Jugement (49), comme dans un dialogue de titre semblable (50), écrit par ce Lucien qu'on rencontre si souvent (51) sur la trace des anciens poètes dramatiques, paraissaient les trois déesses qui disputaient devant le berger Pâris le prix de la beauté; dans Pandore, dans Inachus, le père de la nymphe Io (52), dans Comus ou Momus, dans Cédalion, c'est le nom d'un Cyclope, étaient mises en scène des divinités d'ordre secondaire, aux dépens desquelles le drame satyrique était plus libre encore de s'égayer. Dans d'autres pièces, de sujets non moins convenables au genre, on voyait Persée délivrant Andromède (53) ; Hercule au Ténare, ramenant du sombre empire son gardien Cerbère ; Pollux triomphant du féroce roi des Bébryces, Amycus; l'aveugle Phinée (54) délivré des harpies par les Argonautes; Salmonée, parodiste insolent des foudres de Jupiter, puni de son impiété. La légende de la guerre de Thèbes avait fourni à ce théâtre tragi-comique de Sophocle un Amphiaraüs ; celle des héros de la guerre de Troie (55), deux pièces dont on sait des choses à la conservation desquelles n'était certes pas intéressée la gloire du poète, mais qui éclairent heureusement l'histoire si incomplète du drame satyrique, qui font particulièrement connaître ce excès dont j'ai parlé précédemment (56) auxquels s'emportait parfois un genre beaucoup moins contenu dans sa gaieté qu'on ne l'a pensé. Au reste, quand on se rappelle quelle passion Eschyle a célébrée dans ses Myrmidons (57),  Sophocle dans sa Niobé (58), dans ses Femmes de Colchide (59), Euripide dans son Chrysippe (60), peut-on s'étonner de rencontrer parmi les monuments de la tragédie en belle humeur un drame impudemment intitulé les Amants d'Achille? Quant à l'autre pièce, l'Assemblée des Grecs, ou bien encore les Convives, le Banquet (61), à supposer que ces divers titres désignent véritablement un même orage (62), elle ne différait pas beaucoup de la tragédie par les invectives que s'y permettaient les uns contre les autres Achille, Diomède, Ulysse, ivres sans doute (63); mais elle s'en séparait tout à fait par la grossièreté du récit, renouvelé d'Eschyle (64), où les héros d'Homère étaient représentés se jetant à la tête, il faut bien dire le mot que n'a pas évité le grave Sophocle (65), des pots de chambre (66)! J'aime à croire que l'Odyssée n'était pas aussi salie que l'Iliade, dans le drame où nous savons (67), je l'ai plus d'une fois rappelé (68), que Sophocle lui-même joua le rôle noble et gracieux de Nausicaa (69).

Parmi les drames satyriques que je viens de passer en revue, il y en a bon nombre qui donnent l'idée d'un cane vas convenu qu'avec d'autres noms, d'autres situations, on se plaisait à reproduire, j'en ai déjà touché quelque chose, et duquel résultaient des ouvrages analogues, pour la conception et l'effet, à nos vieux contes de géants, d'ogres, d'enchanteurs. C'était assez souvent la défaite, la destruction de quelque monstre redoutable, dont la merveille n'était point prise au sérieux, comme Cerbère tiré des enfers par Hercule, la baleine pourfendue par Persée, l'homme aux cent yeux endormi et massacré par Mercure, les harpies mises en fuite par Calais et Zéthus, etc. ; c'était le châtiment de personnages féroces ou perfides, pleins d'une confiance insolente dans leur force, dans leur puissance, qui, avant de succomber à la ruse d'un Ulysse, au bras d'un Pollux, d'un Hercule, d'un Thésée, à l'inévitable vengeance d'une divinité irritée, passaient d'abord par les railleries, les facéties des Satyres et le gros rire de la foule. Dans ce cadre général trouvent place, avec l'Hercule au Ténare, l'Andromède, l'Inachus, le Phinée, avec la Circé, l'Amycus, le Cercyen, le Sisyphe, à peu près tous les drames satyriques (ils sont malheureusement encore en bien petit nombre) que l'on attribue à Euripide. Disons-en quelque chose avant d'arriver à son Cyclope, objet principal de ce chapitre.

Dans l'Autolycus, le fils du dieu des voleurs, voleur lui-même fort habile, et, par la protection de sen père, fort impuni, rencontrait enfin son maître en fait de ruse chez le fourbe Sisyphe, ou peut-être succombait sous le bras vengeur d'Hercule (70). Dans le Sisyphe, pièce quelquefois confondue, à ce qu'il paraît (71), avec une tragédie de même titre, composée par Critias, étaient peut- être reproduits, après Eschyle (72), le bon tour joué par ce célèbre ennemi des dieux au roi des enfers et le châtiment qu'il ne tarda pas à en recevoir (73). Un des fragments (74)donnerait à penser, selon la remarque d'un critique (75) , qu'il y mourait de la main d'Hercule encore, instrument de tant de justices, et non pas, comme d'autres  (76) l'ont raconté, de celle de Thésée (77). Thésée était bien évidemment le héros du Sciron, ainsi nommé d'un de ces monstres dont il purgea, dans sa jeunesse, les routes de la Grèce (78). Hercule devait jouer le principal rôle dans l'Eurysthée, où peut-être, on l'a cru d'après quelques fragments (79), il surprenait de son retour imprévu le tyran d'Argos, qui avait cru se débarrasser de lui pour toujours en l'envoyant aux enfers. Qui ne connaît, a dit Virgile (80), l'histoire de Busiris et de son autel (81)? Ce fils de Neptune, tyran de l'Égypte, instruit par un devin cypriote ou phénicien, nommé Phrasius ou Thrasius, que le moyen de préserver son royaume de la stérilité était d'immoler chaque année aux dieux un étranger, adopta l'usage de ces sanglants sacrifices, qu'il commença, bien entendu, en faisant mettre à mort celui qui les lui avait conseillés. Il les continua jusqu'au jour où, s'étant saisi d'Hercule que ses courses aventureuses avaient conduit en Égypte, et se préparant à en faire une nouvelle victime, il fut lui-même sacrifié sur son barbare autel par le héros. Quel était le sujet du Busiris d'Euripide, qu'un grammairien (82) nous donne, avec l'Autolycus, pour un drame satyrique? Peut-être le meurtre du malencontreux devin; peut-être celui du tyran lui-même; peut être l'un et l'autre, librement rapprochés (83).

Un drame satyrique d'Euripide, sur lequel nous possédons plus de renseignements que sur aucun autre, et dont les fragments sont aussi des plus propres qu'il soit possible (84) à nous introduire dans le véritable caractère du genre, le Sylée, présente ce même Hercule dans une situation à peu près semblable, dépendant en apparence d'une puissance tyrannique dont il se rit et qu'il brise. Les Bacchantes nous ont appris que d'une telle situation pouvaient résulter les effets les plus tragiques. Ce qui reste du Sylée. ce que l'on en sait, suffit pour nous faire connaître qu'elle pouvait être aussi très féconde en effets d'une tout autre nature.

Les mythologues (85) racontent qu'un oracle ayant prescrit à Hercule d'expier le meurtre d'Iphitus par un esclavage volontaire de quelques années, Mercure le vendit à Omphale, et que, tandis qu'il servait cette reine de Lydie, il délivra le pays de brigands qui l'infestaient, comme les Cercopes, de tyrans dont il était opprimé, comme un certain Sylée, fils de Neptune, qui forçait les voyageurs de travailler à ses vignes, et les payait sans doute fort mal de leurs peines. Dans le drame satyrique (86), c'était à Sylée qu'Hercule était vendu. Le portrait que lui, en faisait Mercure  (87), ce qu'il en voyait lui-même, ne le prévenait pas d'abord beaucoup en faveur de cette acquisition. Il disait (88) au prétendu esclave, en vers qui nous montrent que le point de départ du drame satyrique était, si bas qu'il dût descendre, le ton de la tragédie :

« Nul ne se soucie d'acheter, de placer dans sa maison plus fort que soi, de se donner un maître. Rien qu'à te voir, on tremble; ton oeil est plein de feu, comme celui du taureau attendant l'attaque du lion. Dans ton silence même, se trahit ton caractère. On peut juger que tu serais un serviteur peu docile, plus disposé à commander qu'à obéir. »

Ces appréhensions de Sylée ne tardent pas à se vérifier ; il est bientôt aussi embarrassé de son nouveau serviteur, que l'est, dans les Bacchantes, Penthée de son prisonnier (89). Hercule envoyé aux vignes, au lieu de les façonner, les déracine, en forme un immense fagot qu'il rapporte sur ses épaules ; avec le feu qu'il allume, il fait cuire d'immenses pains, rôtir un superbe taureau, immolé à Jupiter, mais dont il prendra lui-même sa part, une large part; il force le cellier; il défonce les tonneaux ; en quelques moments tout est prêt pour son repas, qu'il prend sur les portes de l'habitation, dont il s'est fait une table, mangeant, selon son habitude, célébrée même dans la tragédie (90), et que le drame satyrique, dont il est le personnage de prédilection, ne pouvait omettre, de grand appétit, buvant à longs traits et sans eau, chantant à pleine voix et se faisant servir d'autorité, par le maître de la ferme interdit, des fruits de la saison et des gâteaux. Cependant survient Sylée, fort irrité du dégât fait dans sa maison des champs, et surtout des façons insolentes de son serviteur, qui, sans s'émouvoir, l'invite à se mettre à table, à lui faire raison la coupe à la main (91). Ces scènes, dont on nous a transmis des esquisses. devaient être véritablement fort réjouissantes. Mais au milieu des mille traits bouffons qui les animaient reparaissait de temps à autre la tragédie ; par exemple, dans ces paroles de l'impassible Hercule à son maître menaçant :

« Vienne le feu, vienne le fer l brûle, consume mes chairs; gorge-toi de mon sang. Les astres descendront au-dessous de la terre, la terre s'élèvera au-dessus du ciel, avant que tu entendes de ma bouche d'humbles st flatteurs discours (92). »

« Je suis juste pour les justes mais les méchants n'ont pas sur la terre de plus grand ennemi que moi ( 93).. »

La légende racontait qu'avec Sylée, Hercule avait fait périr sa fille Xénodice, sans doute après l'avoir déshonorée. Quelques fragments, qui contiennent la menace d'un tel attentat (94), faisaient descendre la pièce jusqu'à cette obscénité (95), l'un des étranges agréments du genre, à ce qu'il semble, et dont j'ai déjà indiqué des exemples. Hercule terminait ses exploits tragi-comiques en détournant les eaux d'un fleuve pour noyer la demeure même de Sylée.

A cette classe de drames satyriques, qui viennent d'être parcourus, appartient bien évidemment, par la nature du sujet, par le caractère de la composition, le Cyclope, que le témoignage d'Athénée (96) et l'accord unanime des manuscrits permettent; d'attribuer incontestablement à Euripide (97). Dans cette pièce, où le poète a reproduit un sujet déjà traité sous la même forme par un des premiers auteurs de drames satyriques, Aristias (98), se retrouve aux prises avec l'habileté et le courage d'un héros, avec la gaieté d'une troupe de Satyres, une sorte de monstre grossier et féroce, dont la catastrophe que l'on sait, et de plus le ridicule, font également justice ; là se rencontrent encore ensemble la dignité de la tragédie et un comique qui ne s'abstient ni du gros sel ni de la gravelure. Les fragments du théâtre d'Eschyle, de Sophocle, d'Euripide auraient suffi pour nous apprendre que tels étaient les éléments du drame satyrique ; mais, si une heureuse fortune ne nous avait conservé le Cyclope, nous aurions ignoré de quelle manière ils se combinaient dans un tout harmonieux; comment de telles pièces pouvaient être tirées, aussi bien que les tragédies, du fonds commun des récits épiques; comment il était toujours loisible, quel qu'en fût le sujet, d'y introduire le personnage obligé des Satyres (99).

Le prologue, car il y en a un, tout à fait semblable, sauf quelques traits de gaieté, à ceux par lesquels s'ouvrent toutes les tragédies d'Euripide, le prologue, dis-je, fait connaître quelle combinaison du neuvième livre de l'Odyssée, avec une donnée également homérique, fournie par l'hymne à Bacchus, a produit cette pièce du Cyclope. Le neuvième livre de l'Odyssée offrait au poète l'aventure à la fois terrible, pathétique et par intervalles discrètement facétieuse d'Ulysse et de Polyphème, c'est-à-dire la matière toute préparée d'un drame satyrique, moins les Satyres eux-mêmes. L'hymne à Bacchus lui a suggéré un moyen ingénieux et naturel de faire intervenir ces indispensables Satyres, dans une fable à laquelle ils semblaient empiétement étrangers, Il a supposé qu'à la nouvelle de ce que raconte l'hymne, c'est-à-dire de l'enlèvement de Bacchus par les pirates tyrrhéniens, les folâtres serviteurs du dieu s'étaient aussitôt mis en route, sous la conduite de leur père, le vieux Silène, pour le retrouver; mais que, jetés par une tempête suries côtes de la Sicile, ils étaient tous devenus les esclaves de Polyphème. C'est sans doute d'après ce chapitre nouveau de l'histoire des Satyres, qu'un peintre accoutumé à profiter des idées d'Euripide (100), Timanthe, représenta dans un de ses tableaux, auprès du monstrueux Cyclope endormi, les Satyres occupés à mesurer son pouce avec un thyrse (101).

Ces faits de l'avant-scène, comme nous disons, voilà ce qu'explique d'abord, dans le prologue, au seuil de l'antre habité par le Cyclope, et s'encourageant de son absence, Silène lui-même. Son langage levait satisfaire le poète qui a dit :

« Pour moi, ô Pisons, si j'écrivais des Satyres, je ne me contenterais pas des mots propres, des gros mots, et pour éviter la couleur tragique, je n'irais pas jusqu'à confondre par le langage Dave ou l'effrontée Pythias qui fait cracher un talent à Simon, et Silène le père nourricier, le serviteur d'un dieu. "

Non ego inornata et dominants nomina solum,
Verbaque, Pisones, Satyrorum scriptor, amabo :
Nec sic enitar tragico differre colori,
Ut nihil intersit, Davusne loquatur et audax
Pythias, emuncto lucrata Simone talentum,
An custos famulusque dei Silenus alumni (102).

Dans les premières paroles du Silène d'Euripide, des expressions vives et poétiques peignent la navigation des Satyres, leur naufrage aux côtes de la Sicile, les moeurs des terribles habitants de cette île. En même temps, le sérieux d'une telle préface est égayé par quelques traits plaisants, comme lorsque le vieillard, qui ne passait point pour brave assurément, se vante d'avoir combattu à côté de Bacchus contre les Géants, et même d'avoir fait tomber sous sa lance Encélade (103); lorsque, interrompu sans doute par des éclats de rire, il s'écrie : « Comment donc? l'aurais-je rêvé ? Non, j'en suis bien sûr (104). " Par cette façon familière de prendre à partie le public, ce morceau est pour nous un intermédiaire précieux entre les prologues d'Euripide et les prologues de Plaute. Au reste, le vainqueur d'Encélade se présente sur la scène dans un bien modeste appareil : il tient en main, non pas la terrible lance dont il parlait, mais un râteau de fer avec lequel il lui faut nettoyer l'étable où vont revenir les troupeaux que ses fils, chargés en raison de leur âge d'un service plus actif, font paître en ce moment dans les pâturages de l'île.

L'arrivée de cette troupe de pasteurs, dansant gaiement la Sicinnis, comme dans un temps plus heureux, fait, selon les habitudes de la tragédie, suivies ici exactement, succéder au prologue le choeur, mais un chœur bucolique, qui, par de rustiques agréments, par une grâce sauvage (105), annonce de loin les idylles de Théocrite. Ce morceau, trop caractéristique pour n'en point citer quelque chose, n'est pas sans rapport avec un autre que nous n'avons pas, mais dont quelques allusions bouffonnes d'Aristophane (106) nous permettent de nous former une idée. Philoxène, selon les scoliastes, y avait peint le Cyclope Polyphème avec la besace du berger, conduisant au son de la lyre, d'une lyre bien grossière sans doute, son troupeau, et lui adressant, comme font ici les Satyres, en chantant, de familières exhortations.

« Où donc, enfant de nobles pères, de nobles mures, où donc t'égares-tu ? Là n'est point l'abri de l'étable (107), le vert fourrage, l'eau bouillonnante du torrent, reposant dans des auges le long de l'antre ; là ne sont point les bêlements de tes petits.

« Pst ! pst (108) ! que vas-tu faire par là, sur cette pente humide de rosée? Oh! je te lancerai une pierre, si tu ne reviens, si tu ne reviens à l'instant, animal aux longues cornes, vers l'habitation de ton sauvage pasteur, le Cyclope.

« Et toi, livre à mes mains tes mamelles gonflées, que j'en approche tes tendres agneaux, abandonnés sur leur couche. Ils y ont dormi tout le jour, et maintenant te redemandent, te rappellent par leurs bêlements. Quitteras-tu bientôt l'herbe des champs, pour rentrer à l'étable, dans les cavernes de l'Etna (109) ? »

Silène cependant aperçoit un vaisseau qui aborde, des étrangers qui en descendent et se dirigent vers l'antre, dans le dessein, selon toute apparence, d'y renouveler leurs provisions. Il les plaint de l'ignorance funeste qui leur fait chercher une demeure si inhospitalière, un hôte si redoutable. C'est l'émotion et même le style de la tragédie. Cette expression, par exemple, de rois de la rame (110), qu'Aristote (111) a blâmée comme ambitieuse dans le Télèphe d'Euripide, sans se souvenir que c'était un emprunt fait aux Perses (112) d'Eschyle, sert ici, dans ce drame qui va devenir si familier, à désigner les compagnons d'Ulysse.

C'est Ulysse, en effet, qui s'approche, non sans étonnement (113), des Satyres et se fait connaître à eux. « Ah ! oui, dit Silène, descendant un moment de sa hauteur tragique, je sais, un beau parleur, le fils rusé de Sisyphe (114). " Une explication suit, ainsi que dans les tragédies : les Satyres apprennent d'Ulysse qu'il vient de Troie, prise par les Grecs, et qu'en route pour Ithaque, sa patrie, les vents contraires l'ont jeté sur ce bord, absolument comme eux-mêmes. En retour, il apprend d'eux vers quelle contrée, chez quel peuple barbare, dans fa demeure de quel monstre, avide du sang des hommes, son mauvais sort l'a conduit. Il n'y a là qui déroge, et agréablement, à la dignité tragique que ce trait de dialogue :

" De quoi vivent-ils ? des fruits de Cérès ? - Non : de lait, de fromage, de la chair de leurs troupeaux. - Mais le breuvage de Bacchus, le jus de la vigne, le possèdent-ils ? - Point du tout : c'est un bien triste pays. (115) ! "

Ulysse, pressé de repartir (le Cyclope qui est à la chasse pourrait revenir d'un moment à l'autre), demande qu'on lui vende quelques provisions, et il en offre un prix qui charme Silène, et pour lequel ce divin ivrogne donnerait de grand coeur tous les fromage, tous les troupeaux de Polyphème ; c'est une outre d'excellent vin que le roi d'Ithaque tient de Maroni lui même, le fils de Bacchus (116). Ce vin, avant de l'accepter en payement, il le goûte et avec des transports de joie, une volupté, un enthousiasme exprimés très plaisamment, trop plaisamment même ; car ici, comme souvent ailleurs, je l'ai dit plus d'une fois, la tragédie participant à l'ivresse de Silène s'égaye plus qu'il ne conviendrait, plus que ne le voudraient, selon notre sentiment du moins, le bon goût et la décence (117).

C'est le caractère de la scène suivante, dans laquelle, en l'absence de Silène qui a été chercher les provisions promises à Ulysse, les Satyres s'approchent du héros, et lui adressent des questions sur cette guerre de Troie dont le bruit remplit tout l'univers. Plus d'une scène tragique a été faite sur ce texte, et par Euripide lui-même. Mais on est jeté bien loin de la tragédie par les plaisanteries, plus que libres, que se permettent les Satyres au sujet d'Hélène (118). Je ne les rapporterai pas; j'aime mien: citer un trait qui n'est que gai, et dans lequel on peut vair une parodie volontaire des déclamations du poète contre les femmes. « Sexe funeste, fait-il dire à son choeur de Satyres ! Plût aux dieux qu'il n'eût jamais existé..,. que pour moi seul  (119) ! "

Au moment où va se conclure le marché d'Ulysse avec Silène, on voit venir le Cyclope. Tous tremblent, et le héros lui-même parle de fuir et de se cacher; mais, lorsqu'il en comprend l'impossibilité, il fait bravement face au péril. La tragédie, d'après l'épopée, lui a prêté partout ce genre de résolution, et nulle part il ne l'exprime plus noblement qu'ici :

« Troie aurait trop â gémir, si nous fuyions devant un seul homme. Que de fois mon bouclier n'a-t-il pas  soutenu l'effort d'une foule de Troyens ? S'il nous faut mourir, mou-. sons généreusement,. ou si nous sauvons notre vie, que ce soit en sauvant aussi notre gloire (120). »

Enfin arrive Polyphème , interrogeant., grondant, menaçant en maître de maison dun service difficile. La peur des Satyres se cache sous des facéties par lesquelles ils parviennent quelquefois à dérider leur terrible maître :

" Le dîner est-il prêt ? - Il l'est ; fais seulement que ta mâchoire le soit aussi. - A-t-on rempli de lait l'es cratères ? - Tu peux en boire, si tu le veux, tout un tonneau. - Sera-ce du lait de brebis,. du lait de vache, ou tous deux ensemble ? - Tout ce qui te plaira : seulement ne va pas m'avaler en même temps. - Je n'ai garde : vous me feriez mourir, gambadant, gesticulant encore dans mon estomac (121). »

La plaisanterie n'est pas délicate, mais c'est une plaisanterie de Cyclope, et elle a. pour nous l'avantage de nous peindre la démarche et la pantomime par lesquelles le choeur des Satyres animait perpétuellement la scène de ce genre de drame.

Tout à coup le monstre aperçoit les étrangers, et auprès d'eux les provisions qu'ils allaient emporter, des agneaux attachés avec des liens d'osier, des vases remplis de fromages : il les prend naturellement pour des voleurs. D'autre part, il remarque que Silène a le front rouge et gonflé : il suppose que ce fidèle serviteur a été battu en voulant s'opposer au larcin. Silène n'a garde de le détromper, bien au contraire ; et quand le Cyclope, que ses faux rapports ont de plus en plus irrité, ordonne les apprêts de l'horrible repas qu'il médite, disant, en gastronome blasé, qu'il est las de gibier, rassasié de cerfs et de lions, que depuis bien longtemps il n'a pas mangé de chair humaine, Silène va jusqu'à l'encourager à ce changement de régime. On le voit, le ministre de Bacchus n'est pas plus flatté dans cette pièce que, dans les Grenouilles d'Aristophane, Bacchus lui-même : il y est représenté comme un ivrogne, un poltron, un effronté menteur, qui veut se tirer d'affaire aux dépens d'autrui; il risquerait fort de révolter, si, dans la naïve expression de ses goûts sensuels, de sa lâcheté, de son désir de se sauver à tout prix, ce n'était la gaieté qui dominait.

Contredit par Ulysse, Silène, après maint serment ridicule et sans révérence pour les dieux, invoque le témoignage de ses fils, qui le lui refusent en honnêtes gens; les Satyres, c'est le choeur, et dans le drame satyrique aussi bien que dans la tragédie, le choeur est toujours du parti de la vérité et de la justice. Au reste et Silène et les Satyres font tour à tour usage d'une forme de serment très bouffonne ; ils consentent, si on peut les convaincre de mensonge, à la mort, l'un de ses chers enfants (122), les autres de leur père bien-aimé (123). Entre leurs assertions contraires, le Cyclope est bientôt décidé; il en croit celle qui se trouve d'accord avec ses appétits féroces ; les étrangers tombés entre ses mains ne peuvent être, comme le prétend Silène, que des voleurs, car il veut les manger. En vain, répondant à ses questions et cherchant à l'intéresser, les malheureux lui disent qu'ils soit des Grecs qui reviennent de la guerre de Troie (124) ; il ne leur en sait aucun gré, et dans cette expédition entreprise pour une femme, et une femme coupable, il trouve contre eux un nouveau grief. Ainsi, chez le fabuliste, raisonne le loup, pour mettre l'agneau dans son tort, et le manger en sûreté de conscience.

C'est merveille de voir, je suis obligé de le redire sans cesse, comme s'entrelacent habilement, dans cette petite pièce, les émotions diverses de la comédie et de la tragédie. Le poète fait, pour quelques instants, diversion à la gaieté, par la noble et touchante prière d'Ulysse (125). Polyphème est fils de Neptune, à qui les Grecs ont élevé des temples sur tous les rivages; il. habite une contrée qu'on peut regarder comme grecque; qu'il ait pitié de compatriotes assez éprouvés par le malheur ; qu'il respecte des suppliants, qu'il protége des hôtes; qu'il craigne, par un acte impie, d'offenser les dieux! On ne peut parler plus éloquemment; mais c'est de l'éloquence en pure perte. Silène, persistant dans son rôle de complaisant, conseille au Cyclope, quand il mangera Ulysse, de le manger tout entier, sans oublier sa langue qui fera de lui un orateur, et comme s'il l'était déjà devenu, Polyphème, reprenant un à un les arguments d'Ulysse, s'applique à les réfuter dans un discours suivi où le mépris des lois divines et humaines est érigé par l'ogre sophiste en système de sagesse pratique, en philosophie, en religion. Il semble qu'ici encore Euripide se soit fait son propre parodiste, et que, parmi les formes de la tragédie dont il offrait une copie bouffonne, il n'ait pas voulu oublier les thèses contradictoires de morale subtile, de hasardeuse théologie, dont on lui reprochait l'abus. Il faut citer ce discours de Polyphème, exemple frappant de la gaieté 'spirituelle, et aussi, pour tout dire, de la grossièreté hardie qui se rencontraient, qui se touchaient dans les productions, si étranges pour nous, du drame satyrique :

« La richesse, mortel chétif, voilà le dieu des sages: tout le reste n'est que paroles sonores, expressions pompeuses et vides. Que me font ces temples des rivages, consacrés, mon père ? qu'avais-tu affaire d'en parler? Pour la foudre de Jupiter, je ne la crains point, étranger. Je ne sache pas, vraiment, que Jupiter soit un dieu plus puissant que moi : enfin je ne m'en soucie point (126). Et pourquoi ? tu vas le savoir. Quand il fait, tomber la pluie, je trouve sous cet antre un abri sûr, et là, paisiblement étendu, je gorge mon estomac des chairs rôties d'un veau ou de quelque bête sauvage; je l'arrose par intervalles d'une pleine amphore de lait, faisant retentir, à l'envi des foudres célestes, le bruit de mon tonnerre (127). »

On ne peut rapprocher de ce dernier trait que l'explication donnée par le Socrate d'Aristophane, au stupide Strepsiade, du phénomène de la foudre (128). Les deux poètes sont d'accord, cette fois, pour mettre de côté toute délicatesse. Ce trait, qui a justement révolté le goût de Voltaire (129), je n'ai pas cru, quelque repoussant qu'il soit, le devoir omettre; il est caractéristique; il montre que non seulement l'impureté, nous l'avons vu et le reverrons, mais l'ordure étaient comme les assaisonnements reçus d'un genre , destiné à délasser du spectacle tragique , avec les honnêtes gens, le brutal populaire,

Rusticus urbano confusus, turpis honesto ;

d'un genre que. son nom seul, et la présence obligée du personnage sans pudeur, sans vergogne qui le lui donnait, invitait, autorisait à tout oser i d'un genre enfin qui, comme la comédie, couvrait ses licences, même les plus graves, par l'élégance continue, a poésie du style. ll n'y a plus rien de pareil dans ce qui me reste à citer de la harangue bouffonnement sentencieuse du Cyclope :

" Quand le vent de Thrace, Borée, vient à répandre la neige, j'entoure mon corps d'une peau de bête fauve, j'allume du feu, et alors la neige ne m'inquiète plus. La terre, de nécessité, qu'elle le veuille, qu'elle ne le veuille pas, produit l'herbe qui engraisse nos troupeaux ; et ce n'est pas pour que je les sacrifie à quelque autre divinité qu'à moi-même, qu'à ce ventre le plus grand des dieux. Car, bien manger, bien boire, selon le besoin de chaque jour, c'est, pour les sages, le vrai Jupiter, et aussi ne se point tourmenter. Maudits soient les faiseurs de lois, qui en ont embarrassé la vie humaine ! Je ne cesserai point, pour moi, de me bien traiter, de me tenir en joie ; et d'abord je te mangerai. Les dons d'hospitalité que tu recevras de moi, pour que j'échappe aux reproches, ce sera du feu, et cette chaudière paternelle, chaud vêtement destiné à tes membres délicats. Allons, animaux rampants, entrez, et offerts à l'autel du dieu de cette caverne, procurez-moi un bon repas (130)."

Ulysse obéit, non sans avoir pathétiquement déploré sa destinée, réclamé le secours accoutumé de Minerve, la vengeance due par Jupiter aux droits de l'hospitalité violés. Malgré la contagion de tant de bouffonneries, il ne cesse pas, cela est remarquable, de penser, de parler en héros tragique. Dans quelle tragédie trouverait-on une image plus vive que celle-ci?

« Hélas! hélas ! j'ai échappé aux travaux de Troie, aux dangers de la mer, et c'était pour faire naufrage contre l'âme inabordable de cet impie (131). »

Après un choeur dans lequel est très sérieusement détestée la barbarie du Cyclope, Ulysse vient raconter qu'il l'a vu dévorer deux de ses compagnons. Il fait chez Homère (132) le même récit et trace le même tableau, mais, en s'en souvient, en quelques traits rapides, énergiques, terribles, auxquels ni Virgile (133), ni même Ovide (134), n'ont cru devoir ajouter. Euripide, avec moins de goût, mais peut-être selon les convenances du drame satyrique, qui se plaisait à amuser les imaginations de merveilles (135) monstrueuses et parfois grotesques, a rapetissé la scène par un long détail de la façon dont s'y prend pour tuer, dépecer, cuire et rôtir ses victimes, celui qu'il appelle, ce mot résume l'esprit du morceau et en contient la critique, le cuisinier de Pluton (136).

Euripide se tient plus près d'Homère dans le reste du récit, quand Ulysse, après avoir peint vivement le désespoir et l'effroi de ses compagnons, raconte quelle résolution lui ont inspirée les dieux et de quelle manière il a déjà commencé de la mettre à exécution (137). Offrant au Cyclope ravi coupe sur coupe de ce vin délicieux dont tout à l'heure il faisait fête à Silène, il va l'amener par l'ivresse au sommeil, et alors, s'armant d'un pieu énorme, trouvé dans la caverne, dont il aiguisera et durcira au feu l'extrémité, il crèvera l'oeil du monstre. Cette confidence faite aux Satyres, auxquels, ainsi qu'à leur père Silène, l'entreprise hardie d'Ulysse doit rendre la liberté, le héros rentre dans la caverne.

On avait quelque droit de s'étonner qu'il en fût sorti si librement. Le Cyclope d'Homère, qui ne s'y retire jamais sans en fermer l'entrée avec un rocher que nulle force humaine ne pourrait ébranler (138), garde plus soigneusement ses prisonniers. Euripide, qui avait certainement conscience de cette invraisemblance nécessaire, semble avoir été au-devant d'une autre qu'on aurait. pu être tenté de lui reprocher, en prêtant à Ulysse ces généreuses paroles :

" Je n'abandonnerai pas mes amis, pour me sauver seul, comme je pourrais le faire, étant sorti de l'antre. Il ne serait pas juste de fuir sans eux des dangers où je les ai conduits (139) ".

Quand Ulysse a communiqué son dessein aux Satyres, ils ont, dans leur enthousiasme irréfléchi, dont ils pourront plus tard se repentir, obtenu qu'il leur serait permis d'y prendre part. Maintenant, toujours pleins d'une généreuse ardeur, ils se disputent à qui mettra le pren ier la main à l'arme vengeresse. Le Cyclope cependant fait retentir la caverne des accents de sa joie brutale, de ses chants grossiers et discordants ; et le choeur donne ce loin à cet ignorant comme une leçon (140) de poésie bachique, en chantant lui-même le vin, l'amour, et quel amour ! Il y a ici des traits par lesquels sont compromises de plus en plus la gravité, l'honnêteté d'Euripide, et dont la licence prépare aux monstrueuses obscénités de la scène suivante.

Cette scène ramène Polyphème, tout appesanti pu- son odieux repas et se comparant lui-même à un bâtiment de transport qui fléchit sous sa charge (141), la tête déjà toute troublée par les vapeurs du vin. Il vient, en chancelant, faire sa partie dans le joyeux concert (142). Les paroles par lesquelles on salue son entrée, annoncent obscurément la catastrophe qui s'apprête; il y est question du flambeau déjà allumé pour la nouvelle épouse, de la guirlande aux vives couleurs dont va se parer son front (143). Ces équivoques sinistres et menaçantes ne sont pas rares dans la tragédie grecque, et, sans qu'il soit besoin d'en chercher plus loin des exemples, chacun se rappelle de quel ton, dans les Bacchantes , Bacchus insulte à l'égarement de Penthée (144).

Le dialogue d'Ulysse avec le monstre redoutable qui va devenir sa victime et dont il prend plaisir à provoquer les saillies grossières, les quolibets impies, a aussi ce caractère; c'est de la farce tragique. On doit louer le poète de l'art avec lequel il inspire des doutes sur le succès de l'entreprise; c'est quand Polyphème, qui semble avoir le vin assez bon, parle de faire partager aux Cyclopes, ses frères, son heureuse fortune. Ulysse a bien de la peine à l'en détourner, et il n'y réussit qu'avec l'assistance de Silène, lequel, on le comprend, ne se montre nullement favorable à cette idée de partage.

C'est ici que le Cyclope, se déridant de plus en plus, demande gracieusement à Ulysse son nom, et que trouvent leur place des facéties, vénérables par leur antiquité, et qu'Euripide a empruntées, presque textuellement, au grave et solennel récit d'Homère (145).

LE CYCLOPE.

Dis-moi, ô étranger, quel nom il faut que je te donne.

ULYSSE.

PERSONNE, Mais de quelle grâce aurai-je à te remercier ?

LE CYCLOPE.

De tous tes compagnons tu seras le dernier que je mangerai.

ULYSSE.

Voilà ce qui s'appelle bien traiter un hôte, ô Cyclope (146).

La scène va toujours s'égayant. Silène, qui fait office d'échanson , trouve moyen , par mainte espièglerie (147), comme Sganarelle au souper de don Juan, tantôt en dérobant la coupe, tantôt en s'occupant gravement de la remplir selon les règles, une autre fois en enseignant comment on boit savamment, élégamment, de détourner, à son profit, une bonne part de la liqueur contenue dans l'outre (148). Le Cyclope, pour sauver le reste, réclame les services d'Ulysse, qui achève de l'enivrer. La coupe qu'on lui présente, et où se plonge en quelque sorte le géant avide, lui semble un océan duquel il s'échappe à la nage. Il voit les cieux ouverts, et, au milieu de la cour le Jupiter, les Grâces qui lui font des agaceries (149). Mais il n'a garde d'y répondre ; ses tendresses grotesques sont pour Silène, son favori, qu'il embrasse à l'étouffer. Je n'oserais dire à quels excès s'emporte ici le drame satyrique, combien il dépasse les limites de la plaisanterie décente, recommandée depuis per Horace à cette tragédie égayée.

Effutire leves indigna tragaedia versus
 Intererit Satyris paulum pudibunda protervis (150).

Ulysse rentré, comme Polyphème, dans la caverne, après de vifs et pressants appels à l'assistance des cieux, en ressort bientôt pour annoncer aux Satyres que le Cyclope est endormi, le flambeau allumé, la vengeance prête, qu'il n'attend plus que leur aide, souvent et solennellement promise. Ici se place une péripétie bouffonne. Les Satyres, jusqu'alors si courageux en paroles, reprennent subitement leur caractère; ils ne se disputent plus à qui marchera le premier, mais à qui ne marchera point du tout (151); ils sont bien loin ; ils sentent leurs jambes qui leur manquent, leurs yeux qui se remplissent comme de sable et de cendre ; ils sont émus d'une tendre compassion pour leurs épaules et leurs mâchoires menacées ils disent enfin savoir un certain chant d'Orphée, si puissant, qu'à l'entendre seulement, le tison se dirigera de lui-même vers l'oeil du Cyclope. Ulysse, qui les traite, sans cérémonie, de poltrons, est bien forcé d'accepter le seul secours qu'il en puisse tirer, celui de leurs chants (152) pendant lesquels, seul avec ses compagnons, il accomplit l'oeuvre (153).

On entend les plaintes du Cyclope; on le voit paraître tout sanglant. A son aspect n'éclatent point ces cris d'effroi et de douleur qui accueillaient Œdipe aveugle (154) , mais des railleries, d'insultantes risées. Homère (155) en a encore fourni le texte :

LE CHOEUR.

Qu'as-tu donc à crier, Cyclope ?

LE CYCLOPE.

C'est fait de moi.

LE CHOEUR.

Tu es affreux à voir.

LE CYCLOPE.

Et bien malheureux.

LE CHOEUR.

Est-ce que, dans ton ivresse, tu serais tombé parmi les charbons ardents?

LE CYCLOPE.

L'auteur de mon mal, c'est PERSONNE.

LE CHOEUR.

Nul ne t'a donc maltraité ?

LE CYCLOPE.

Je te dis qu'on m'a crevé l'oeil et que c'est PERSONNE.

LE CHŒUR.

Tu n'es donc point aveugle ?

LE CYCLOPE.

Puisses-tu l'être aussi peu que moi !

LE CHOEUR.

Mais comment, par le fait de personne, devenir aveugle ?

LE CYCLOPE.

Tu me railles ! Mais où est-il, PERSONNE?

LE CHOEUR.

Nulle part, Cyclope (156).

Polyphème veut à son tour se venger de ses bourreaux; il demande où ils sont : à droite, à gauche, de ce côté, de cet autre, répond le choeur, continuant à se jouer de sa rage impuissante, et sur ces malignes indications, le monstre stupide va se heurter rudement la tête contré les rochers. Ce n'est plus la caricature d'Odipe, mais celle de Polymestor, poursuivant dans l'ombre la troupe fugitive des Troyennes (157).

Enfin retentit à son oreille la voix d'Ulysse, qui, cette fois se donne son véritable nom. Polyphème reconnaît dans cette aventure l'accomplissement d'une prédiction qui lui fut autrefois adressée, et dont l'effet était inévitable (158). C'est la fatalité de la tragédie étendue au drame satyrique. Tandis qu'il s'apprête à gravir la montagne pour lancer de là un quartier de roche sur le vaisseau d'Ulysse, le héros prend le chemin du rivage avec les Satyres qui s'applaudissent de N'avoir plus désormais d'autre maître que Bacchus (159). C'est le dernier mot de la pièce, et je ne doute guère qu'à la fin des autres drames satyriques, ne fût de même marquée, par quelque trait, la destination religieuse de ce genre d'ouvrages, d'ailleurs si futile, qui payait, au culte du dieu, en bouffonneries, la dette de la tragédie.

Assurément le Cyclope d'Euripide, indépendamment de ses divers mérites, est un morceau d'antiquité fort curieux, et Brumoy l'aurait traduit aussi complètement que le pense La Harpe (160), qu'il n'y aurait pas lieu de tant admirer la patience du traducteur. Dès le temps d'Eustathe (161), c'était déjà le monument unique du genre ; il représentait seul ce qu'en ont tiré, pendant plusieurs siècles, non seulement les trois grands tragiques, mais la foule de leurs devanciers, de leurs rivaux, de leurs successeurs. Ces légers ouvrages, simple complément du spectacle, auxquels et leurs auteurs et le public attachaient sans doute peu d'importance, qui n'ajoutaient pas grande valeur aux tétralogies couronnées dans les concours dramatiques, qu'en ont séparés, dans leurs recueils, les savants collecteurs d'Alexandrie, Aristarque, Apollonius, pour ne tenir compte que des trilogies (162), ont dû la plupart disparaître d'assez bonne heure. La critique moderne s'est appliquée à en retrouver la trace bien effacée (163). Elle n'a réussi qu'à rassembler, qu'à classer, avec quelques noms de poètes, un petit nombre de titres et de fragments, trop peu intelligibles (164). Ce qui, dans cet inventaire d'une partie si oubliée du théâtre antique, occupe le plus de place, ce sont les débris des drames Satyriques d'Achaeus (165). On ne doit pas s'en étonner : selon le sentiment de certains juges,. par exemple du philosophe d'Erétrie, Ménédème (166), son compatriote, il est vrai, Achaeus était, après Eschyle, celui de tous les poètes grecs qui allait le mieux réussi dans ce genre de composition.

La matière et l'intérêt du drame satyrique durent, je le pense, s'épuiser assez vite, et l'on fut naturellement amené à se permettre de compléter quelquefois les tétralogies par des tragédies d'un genre particulier, qui, contre l'ordinaire, se terminaient au bonheur, à la joie. Tel fut, nous le savons, j'ai eu plus d'une occasion de le rappeler (167), la destination de l'Alceste, et par là s'explique l'expression, au premier abord étrange, du scoliaste qui trouve dans cette pièce quelque chose de satyrique (168). On a conjecturé la même chose de l'Oreste, de l'Hélène, d'autres pièces encore, et trouvé dans cette nouvelle constitution de la tétralogie, introduite, ce semble, par Euripide, une explication du petit nombre de drames satyriques, huit seulement, que présente le catalogue de ses ouvrages.

Faut-il croire que les Satyres, desquels la tragédie s'accoutumait ainsi à se passer, furent recueillis par la comédie, et qu'à côté du drame tragico-satyrique, vécut que que temps, pour finir par le remplacer tout à fait, celui qu'on a appelé comico-satyrique? Plusieurs critiques l'ont prétendu (169) ; mais leur opinion, imposante assurément, a rencontré de graves contradicteurs (170), et me semble aujourd'hui abandonnée (171).

Une inscription fort curieuse, que j'ai plus d'une fois rappelée (172), parmi un certain nombre de poètes dramatiques et de comédiens, couronnés dans la ville béotienne d'Orchomène, à la fête des Grâces, en la CXLVe olympiade, c'est-à-dire de 200 à 197, mentionne un Aminias, Thébain, comme auteur de draines satyriques, spécialement. Il en résulte qu'à cette époque le drame satyrique était redevenu, ce qu'on suppose qu'il avait été d'abord (173), indépendant de la trilogie tragique ; qu'il avait en propre ses auteurs, ses représentations, ses récompenses.

La forme du drame satyrique paraît avoir été quelquefois employée par d'autres poètes que des poêles d'Athènes, mais dans des intentions de moquerie contemporaine et personnelle, jusque-là étrangères au genre. Elle se reproduisit, pense-t-on, avec ce nouveau caractère, quand Philoxène, au fond des carrières de Denys l'Ancien, osa peindre allégoriquement l'oppresseur de son goût révolté, son tyrannique rival auprès de la belle Galatée, sous le personnage du Cyclope  (174)si toutefois le poème qu'il intitula ainsi était bien un drame satyrique, et même, on en peut douter, malgré quelques témoignages (175) , un drame  (176). C'étaient plus incontestablement des drames satyriques(177) que ces autres poèmes où Python, soit de Catane, soit de Byzance, d'autres disaient Alexandre lui-même, tourna en ridicule Harpalus et les Athéniens (178) ; où Lycophron insulta à la frugalité trop philosophique des repas de son compatriote Ménédème (179). Au reste, de ces trois ouvrages, un seul probablement, le second, fut porté sur une scène. Il fut représenté, mais, on le croit (180), isolément, sans lien avec une trilogie tragique, aux bords de l'Hydaspe, dans le camp d'Alexandre, lorsqu'on y célébrait les fêtes de Bacchus (181). Le conquérant, dans ses réjouissances militaires, semblait ramener le cortège du dieu aux lieux d'où le faisaient venir les croyances mythologiques.

Le passage est naturel de Lycophron à Sosithée, comme lui de la pléiade tragique d'Alexandrie (182), qui dut de même, dans de savants pastiches, reproduire, avec la tragédie d'Athènes, son drame satyrique, et qu'une épigramme de Dioscoride (183) célèbre précisément comme ayant été le restaurateur du genre, comme lui ayant restitué sa forme antique, le dorisme des choeurs particulièrement, dont ce document; curieux nous fait comprendre qu'on s'était écarté. Un vers, que cite le lui Diogène Laërce (184), pourrait faire penser qu'il se servit de ce genre contre le philosophe Cléanthe, à peu près de la même manière que Lycophron contre le philosophe Ménédème. Quoi qu'il en soit de cette conjecture (185), on doit voir un drame satyrique, et, comme on l'entend généralement, c'est-à-dire relevant de la tragédie, et non de la comédie (186), dans ce Lityerse, ou ce Daphnis (on donnait à la pièce ces deux noms), dont les fragments (187), accrus d'une façon notable en 1584 (188), ont, depuis cette époque, tant exercé la science philologique (189). Lityerse, c'était un fils de Midas qui régnait sur la ville de Célènes en Phrygie. Ce prince, grandi mangeur, grand buveur, traitait fort largement ses hôtes ; mais il leur faisait payer cher sa bonne réception : il les conduisait dans ses champs pour l'aider â les moissonner, et, vers le soir, prenait son temps, leur abattait la tête avec sa faux, puis rapportait leur corps roulé dans ses gerbes, riant beaucoup d'un si bon tour (190). Le fameux berger Daphnis, en quête de sa maîtresse, que des pirates avaient enlevée et vendue à Lityerse, aurait trouvé, comme tant d'autres, la mort à la cour de ce monstre, si le sort n'y eût envoyé un redoutable travailleur, Hercule, qui le traita lui-même ainsi qu'il traitait ses victimes, et le jeta dans le Méandre (191). Considéré comme moissonneur habile et infatigable, ce Lityerse avait donné son nom aux chansons que chantaient, en travaillant, les moissonneurs (192): sa légende (193) était, du reste, merveilleusement propre au drame satyrique : elle offre une ressemblance frappante avec celle de laquelle Euripide a tiré son Sylée (194) , et je ne voudrais pas répondre que ce poète ne l'ait pas traitée lui-même, avant Sosithée, dans ses Moissonneurs, qui, je l'ai dit ailleurs (195), terminaient une de ses tétralogies.

Selon Diogène Laërce (196), ce philosophe caustique, qui, au. temps de Ptolémée Philadelphe, se moqua en vers très plaisants, non seulement des philosophes ses confrères, avais aussi des littérateurs entretenus dans le musée d'Alexandrie (197), Timon avait composé comme eux, avec force comédies et tragédies (198), des drames satyriques. Timon était de Phlionte, et parmi tant de genres divers auxquels s'appliqua son talent flexible, ne pouvait oublier celui qui avait pris naissance en son pays.

Diogène Laërce (199) attribue encore des drames satyriques à un certain Démétrius, qu'il range, comme auparavant (200) un tragique du nom de Bion, parmi les poètes tarsiques, ce qui ne veut pas dire natifs de Tarse, mais bien, Casaubon l'a expliqué (201), composant, écrivant dans un genre, une manière auxquels cette ville avait donné son nom. L'époque à laquelle la métropole de la Cilicie devint le siége d'un mouvement littéraire assez considérable, pour que ses écrivains, comme ceux de Rhodes, par exemple, pussent faire école, est celle du géographe Strabon, qui y avait étudié, et auquel nous devons quelques détails curieux (202) sur cette littérature tarsique ; un, entre autres, qu'il m'importe de recueillir comme supplément à l'histoire générale que j'ai retracée ailleurs (203) de la tragédie grecque. Il n'y a rien au monde d'absolument nouveau. Les littérateurs qui, de nos jours, en Italie et même en France , ont osé improviser des tragédies, apprendraient peut-être avec surprise qu'ils ont eu, il y a près de deux mille ans, chez les hommes de lettres de Tarse, grands improvisateurs en vers aussi bien qu'en prose, des prédécesseurs dans ce genre de tour de force.

Nous voici arrivés, avec le Démétrius de Diogène Laërce, à peu près au temps où Vitruve (204), réglant la décoration de la scène, disait qu'elle devait varier selon qu'on représentait des tragédies, des comédies, ou des drames satyriques ; au temps où Horace, dans son Épître aux Pisons (205), donnait du drame satyrique une poétique complète. L'attention particulière accordée à ce genre, tout à la fois, par le grand architecte, par le grand critique , paraîtrait vraiment bien extraordinaire, si le drame satyrique avait été aussi complètement étranger à la littérature latine, que l'ont prétendu les grammairiens (206), s'il fallait croire avec eux que les drames satyriques des Romains étaient uniquement les fables atellanes. Qu'il y ait eu entre les deux genres, qui offraient plus d'un trait dé ressemblance (207), qui surtout admettaient également certains personnages bouffons, toujours les mêmes, le premier, Silène et les Satyres, le second son Maccus, son Bucco, etc., de certaine:, analogies ; qu'ils aient été, l'un à l'égard de l'autre, dans la même relation où se trouvaient la tragédie, la comédie traduites, imitées du grecque; la tragédie, la comédie de sujets romains, la fabula crepidata et la fabula praetextata, la palliata et la togata (208), on peut le concevoir. Mais ce qui ne se concevrait pas aussi facilement; c'est que Vitruve eût dessiné pour l'atellane la scène satyrique, c'est qu'Horace, dans sa poétique du drame satyrique, eût voulu donner les règles de l'atellane (209). Faut-il regarder et la description de Vitruve et la définition d'Horace comme s'adressant aux Grecs et non pas aux Romains, ou bien les prendre pour un conseil indirect donné à ces derniers, de suivre plutôt les exemples des Grecs, que ceux du pays des Osques ? Ces explications (210) sont ingénieuses, je n'en disconviens pas, mais bien forcées, et il me parait plus naturel d'admettre que, dans l'universelle reproduction de la littérature grecque par les Romains, le drame satyrique n'a pas été oublié, bien que, je ne dis pas aucun monument, mais presque aucun débris., aucune trace ne l'attestent. Il suffirait de ce vers

Agite, fugite, quatite, Satyri !

s'il était plus sûr qu'on n'y doit pas voir un exemple de métrique arbitrairement forgé par le grammairien lui-même (211) qui le rapporte (212). Étaient-ce des drames satyriques que ce Lycurgue de Névius (213), dans lequel Silène avait un rôle que ces comédies de Sylla, traitées de satyriques par Athénée (214)? Il est permis d'en douter. Le frère de Cicéron, ce tragique amateur, a-t-il imité la petite pièce dans laquelle Sophocle avait trop gaiement représenté le repas des généraux grecs (215) ? Le passage de la correspondance de l'orateur (216) qui a paru l'établir (217) n'a pas malheureusement toute la clarté désirable (218). Il y a moins de doutes, ce semble, au sujet de l'Atalante, du Sisyphe, de l'Ariane, attribués par le scoliaste d'Horace, Porphyrion (219), sous le titre de drames satyriques, à Pomponius , probablement Pomponius Secundus, tragique romain, célèbre sous les règnes de Caligula et de Claude. On souhaiterait toutefois à ce fait un garant d'une autorité plus irrécusable. Le personnage bouffon que remplit Silène dans les Césars de Julien, se rapporte bien aux souvenirs du drame satyrique des Grecs (220), mais ne fait pas de cet ouvrage un drame satyrique proprement dit. Concluons que, si l'on peut croire raisonnablement à l'existence de ce genre dans la littérature, soit latine, soit grecque, des Romains, on n'est nullement en droit de l'affirmer.

Quelque chose me l'atteste cependant; c'est que, dans l'espèce de traduction, faite sous les empereurs, de tout le théâtre tragique des Grecs par la pantomime (221), la tragédie enjouée, le drame satyrique avait certainement sa place. Des vers d'Horace (222) nous font assister à un Cyclope, traduit probablement d'Euripide par le geste animé, expressif, varié, suffisant à toutes les situations,  tous les personnages de la pièce, à Polyphème et aux Satyres tout à la fois, ou de Pylade ou de Bathylle.

Il est, au reste, facile de comprendre comment le drame satyrique n'ayant pu retrouver à Rome le sens, l'intérêt, la valeur qu'il avait à Athènes, les ouvrages de cette sorte, traduits ou imités par des poètes latins, ont dû disparaître bien plus facilement encore et plus complètement que leurs originaux grecs.

Chez les modernes, il ne pouvait être question, en aucune manière, de drame satyrique, et c'est par l'effet du hasard que le caprice des écrivains en a quelquefois reproduit comme l'analogue ; par exemple , lorsque Shakspeare, je l'ai déjà dit (223), a présenté, sous un aspect si familier, les grandes figures de l'Iliade ; lorsque à l'exemple de la tragi-comédie espagnole, Quinault et les autres fondateurs de notre Opéra ont opposé à la larde héroïque de leurs oeuvres une contre-partie comique, bouffonne même, quelque chose qui rappelait le mélange des Satyres avec les dieux et les héros ; ou bien encore lorsque la Comédie italienne s'est amusée si souvent à mettre en présence des personnages fameux de la fable et de l'histoire, son Arlequin, son Gille, ses grotesques de toutes sortes, pour ainsi parler, ses Satyres. Je ne puis dire ce que c'était qu'une tragédie de Polyphème, traduite de l'italien de Lélio père par Legrand, et représentée avec des divertissements en 1722. Il serait curieux de savoir ce qui s'y était conservé du drame satyrique des Grecs, et du Cyclope d'Euripide (224).


 


(01)  Sur le drame satyrique, voyez surtout Casaubon, de Satyrica græcorum poesi et Romanoruni satyra, Paris, 1805; Spanheim, les Césars de l'empereur Julien, etc., Préface sur les Césars de Julien, et en général sur les ouvrages satyriques des anciens, Amsterd., 1728; Brunoy, Théâtre des Grecs, Discours sur le Cyclope d'Euripide et sur le spectacle satyrique, Paris, 1730; Vico, notes sur l'Art poétique d'Horace, v. 225 sqq.; Buhle, de Fab, sat. Graec., Goettingue, 1787: Barthélemy, Voyage d'Anacharsis. c. LXIX, Paris,1788. Eichslaedt, de Dram. Graecor. comico satyrico, imprimis de Sosithei Lirhyersa, Leipsick,1793; God. Hermann, Epist. de Dram. com. sat.; Comment. societ. Philolog., t. I, 1801; Opusc., t. 1, Leipsick, 1 27; Schoell, Histoire de la littérature grecque profane, liv. III ch. 12; IV, 28, Paris, 1813 et 1824; Pinzger, de Dramatis Graecorum satyrici origine disputatio. Breslau, 1822; WeIcher, Trilogie d'Eschyle, Supplément, p. 183-339, Francfort-sur-le-Mein, 1826 (voyez les auteurs qu'il indique. p. 326, et note); Rossignol, Dissertation sur le drame que les Grecs appelaient satyrique, Paris, 1830 ; Friebel, Graecorum satyrographorum fragm., Berlin, 1837 ; Orelli , Q. Horat. Flacc., t. II, p. 617 sqq., 657 sqq., Zurich. 1838; Bode, Histoire de la poésie grecque, tragédie, t. III, Berlin, 1839; J. A. Hartung., Euripides restitutus, 1843, t. 1, p. 230 sq., 436 sqq.

(02)  Voyez t. 1, p. 6 sqq.

(03)  Aristot., Poet., IV.

(04) Horat., Epist. ad Pisones, v. 226 sqq.; Diomed., III : M. Victorin., II,, etc.; Casaubon, ibid., I, 3; Spanheim, Brumoy, ibid., etc.

(05) . Zenob.. Proverb.,V, 40; Suid., v. Οὐδὲν πρὸς τὸν Διόνυσον (voy. notre t. I, p. 8 sq.); Casaubon, ibid., 1, I; Dacier, Remarques sur l'Art poétique d'Horace, v. 223; Brumoy, Pinzger, Welcher, Friebel, ibid., etc.

(06) 4. Suid., v. Ἀρίων. Cf. Athen., Deipn., XIV.

(07) Bentley, Respons. ad Boyl.; Eichstaedt, ibid.; beaucoup d'autres, comme Kannegiesser, Thiersch, Jacobs, Schneider, etc., cités par Pinzger, ibid., qui s'attache à les réfuter, et par Welcker, ibid., p.259 sqq.

(08) Horat., Epist. ad Pisones, v. 220 sqq.

Carmine qui tragico vilem certavit ob hircum
Mea etiam agrestes Satyres nudavit et asper
Incolumi gravitate jocum tentavit

Selon de bons critiques, Welcker entre autres, ibid., p. 323, qui doit s'entendre non de Thespis, mais collectivement des premiers tragiques.

(09)  Voyez t. 1, p. 17, 23, 28, 79 sq., 82.

(10)  Suid., v. Πρατίνας; Acr., in Horat., Epist. ad Pisones, v. 216.On y lit par erreur Cratinus.

(11) Voyez encore la revue des critiques favorables à cette opinion, chez Welker, ibid., p. 276.

(12) Pausan., Corinth., XII; Didym., shol. ad Iliad,,II, 571.

(13)  Est-ce à Phlionte d'abord, est-ce seulement à Athènes qu'eut lieu cette restitution? O. Muller (Dor. II, 369) est pour la première opinion; Welcker (ibid., p 280) , pour la seconde.

(14)  Les Grecs disaient : Σατυρικὴ ποήσις, Σατυτικὸν δρᾶμα, Σατυρική, Σατυρικόν, Σάτυρις, et même Σάτυροι appliqué à une seule pièce. Les Latins ont dit de même Satyrica fabula, satyrus : on lit chez Horace (Epist. ad Pisones, v. 235) : Satyrorum scriptor. Voyez Casaubon,ibid., I, I; Dacier, Remarques sur l'Art poétique, v. 221, etc. Trompé par une de ces expressions dans un passage de Pausanias (Corinth., x II), Winckelmann (Histoire de l'Art, liv. IV, ch. 2) a compté parmi les artistes qui ont sculpté des Satyres, Pratinas, Aristias, Eschylel

(15) Horat., Epist. ad Pisones, v. 227 sq. :

Ne quicumque deus, quicumque adhibebitur heros,
Regali conspectus in aura nuper et ostro...

Il ne faut pas, avec Dacier, conclure de ces vers, que dans le drame satyrique étaient ramenés nécessairement les acteurs divins ou héroïques mis en jeu dans la trilogie à laquelle il succédait. On pourrait citer bien des exemples du contraire. Comme le remarque Orelli, ibid., après God. Hermann, ibid., et Welcker, ibid., p. 323, conspectus nuper désigne la tragédie en général, les personnages que les spectateurs ont l'habitude d'y voir figurer.

(16)  Eustath., ad Odyss., XVIII.

(17) Παίζουσα τραγῳδία. Demetr, de Elocut., § 169.

(18) Peut-être (c'est l'avis de Welcker, ibid., p. 323) Horace entend-il que dans ces piëces les héros ne se relâchaient en rien de leur dignité, a quelques situations. avec quelques personnages qu'ils se trouvassent d'ailleurs mêlés Cela est vrai, sauf exceptions. Hercule, par exemple, héros aux appetits tout humains, et de plus héros thébain, qualité qui l'exposait fort à la raillerie athénienne, était parfois présenté d'une l'acon aussi familière dans le drame satyrique que dans la comédie elle-même. On s'y égayait sans façon aux dépens de sa voracité (voyez ce que dit de l'Hercule du second Astyiamas W. C. Kayser, Hist. crit. trag. graec., 1845, p. 66 sq.); et même un poète dramatique de qui on n'eût pas attendu tant de gaieté, Denys le tyran, alla jusqu'à le montrer souffrant d'une indigestion et se laissant administrer par Silène, d'assez mauvaise gràce, un lavement! (Voyez le passage d'Eustathe, sur le v, 314 du XI livre de l'Iliade, que cite Fr. G. Wagner, Poet. trag. graec., fragm., éd. F. Didot, 1846, p. 110.) On trouvera plus loin, chez un même poste, Euripide, dans l'Ulysse de son Cyclope, dans l'Hercule de son Sylée, des exemples de l'une et de l'autre manière.

(19)  Epist. ad Pisones, v. 231 sqq.

(20)  Ibid., v. 234.

(21)  Trist., II, 409 sqq. Les deux derniers vers font probablement allusion à un drame satyrique de Sophocle, intitulé les Amants d'Achille, dont il sera parlé plus loin. Welcker (ibid., p. 168) pense qu'il y est plutôt question des Myrmidons d'Eschyle, et que tout ce passage s'applique aux licences de la tragédie, et non du drame satyrique; il semble revenir, plus loin, p. 305 sq., à l'opinion qu'il a d'abord contestée.

(22) M. V. Hugo, préface de Cromwell.

(23) Dans ses Chroniques, le joyeux Falstaff et ses facétieux compagnons ont paru à M. Hartung (ibid., p. 428) jouer auprès du noble Henri à peu près le même rôle que le drame satyrique faisait jouer auprès des héros à Silène et aux Satyres.

(24) Vitruv., V. 8.

(25) Welcker l'a fort bien montré, ibid., p. 329 sqq.

(26)  J. Poll., IV, 18, 19.

(27) Plat., de Leg., VII; Lucian., de. Saltat., XXII, XXVI; Àthen., Deipn., XIV, etc. Sur l'étymologie du mot Sicinnis, et les opinions diverses à ce sujet, voyez une note intéressante de Welcker, ibid., p. 338.

(28)  Horat., Epist. ad Pisones, 225 sqq., 244 sqq.; Hephæst.; M. Victorin.; Casaub., ibid., I, III; God. Hermann, Elem. doct. metr., II, 14,etc.

(29)  Buhle, Eichstaedt, Pinzger, Friebel (ibid.) et autres, desquels se sépare Welcker, ibid., p. 280.

(30) Voyez t. 1, p. 28. L'argument tiré de ces expressions de Zenebius, Diomède, M. Victorinus (ibid.) : Τοὺς Σατύρους... προεισάγειν ..; Quo spectatoris animus inter tristes res tragicas Satyrorum jocis relaxetur.... n'est pas aussi concluant. Il fa,ut les prendre tout à fait à la rigueur pour y voir que la place du drame satyrique ne fut pas toujours à la fin du spectacle.

(31) Voyez Welcker, ibid., p. 280.

(32) Voyez t. I, p. 26 sqq.

(33) Voyez t. I, p. 79.

(34) Plotius, de Metris; Putsch, 2633.

(35)  Ἡνίκα μὲν βασιλεὺς ἦν Χοίριλος ἐν Σατύροις.

(36) Pausa n., Corinth., XIII. ; Diog. Laert., II, 17.

(37)  Voyez t. I, p. 28, 288 sq.

(38) Ibid., p. 29, 320, 332, 371. (Cf., Welcker, ibid., p. 297; Bode, Hist. de la liit, gr., tragédie, t. III, p. 331 sqq.)

(39) lbid., p. 29; 1V, 234 sq.

(40)  Ibid., t. I, p. 170 sq. (Cf. E. A. J. Ahrens, Aesch. fragm., éd. F. Didot, 1842, p. 252.)

(41) Ibid , t. I, p. 28, 216.

(42) Voyez Ahrens, ibid.

(43)  Epist , II, III, 20.

(44) Ψυχαγωγία.

(45Orelli, ibid. , p. 619.

(46)  Schol. Homer., Odyss., XI, 133.

(47) Quant aux fragments, du moins. On varie du reste, et beaucoup, sur les titres, que, par exemple, Boecka (Graec. trag. princ., x) porte jusqu'à trente, et que Welcher (ibid., p. 287 sq ) réduit à dix-neuf. La tragédie et le drame satyrique se touchant en bien des points, il est difficile et périlleux de décider, uniquement d'après le caractère ou plus noble ou plus familier des fragments, si la pièce était une tragédie ou un drame satyrique. lle là, entre des critiques de tant d'autorité, ces diversités d'opinion dont on peut s'étonner.

(48) Ita vertere seria ludo. . . .

(HORAT., Epist. ad Pisones, v. 226.)

(49) Κρίσις, d'après une restitution de Th. Tyrwhitt, adoptée par Brunck. Voyez Brunck, sur les fragments de Sophocle. Voyez aussi, en dernier lieu, après Welcker et autres, Ahrens, Sophocl. fragm., éd. F. Didot, 1842, p. 263.

(50) Θεῶν Κρίσις, Deor. Dial., 20.

(51) Voyez t. 1, p. 256, 204.

(52) Dans les fragments de l'Inachus, il est question d'Argus et de Mercure. Ce drame satyrique avait donc pour sujet ce dont Eschyle a tiré de si tragiques peintures dans son Prométhée. Voyez t. I, p. 274 sqq.

(53) Voyez sur l'Andromède, tragédie d'Euripide, notre t. 1, p. 63. Welcker (ibid., p. 287, 294) et après lui Ahrens (ibid., p. 331), regardent 1'Andromède de Sophocle comme ayant été aussi une tragédie.

(54) Tragédie encore, selon Welcker (ibid., p. 287, 292) et Ahrens (ibid., p. 322).

(55) Welcker, qui a rapporté, avec tans de savoir et de sagacité à leurs origines épiques, outre les tragédies, Ise drames satyriques des Grecs, remarque (ibid., p. 331) qu'un petit nombre seulement de ces derniers ont été empruntés au cycle thébain, et surtout au cycle troyen. Il en donne pour raison le caractère sérieux, élevé surtout, que ces deux cycles avaient reçu du génie des poètes, et qui les défendait mieux que d'autres contre les entreprises d'une gaieté quelque peu irrespectueuse.

(56) Voyez, plus haut, p, 276 sqq.

(57)  Fragm., VI, VII. Plutarch., Amator; Lucian., Amor., 54; Athen., Deipn.. XIII. Consultez, à ce sujet, l'Eschyle de Boissonade, t. II p. 283. Sur la pièce, voyez, plus haut, p. 148, 277.

(58)  Plutarch. Athen., ibid.

(59  Athen., ibid. Voyez le Sophocle de Boissonade, t. II, p. 384.

(60) Voyez notre t. I, p. 48.

(61 Voyez Brunck, Boissonade, etc.

(62Ils en désignent deux, selon Welcker (ibid., p. 169 sq., 291, 332), et du genre tragique : l'un, Ἀχαιῶν σύλλογος, emprunté, selon lui, au IXe livre de l'Iliade, et auquel lui semblent avoir dû appartenir les fragments, saris indication précise d'origine, où il est question d'une querelle entre les généraux de l'armée grecque; l'autre, Σύνδειπνοι, dont l'Odyssée, dans la peinture des repas donnés au palais d'Ithaque en l'absence d'Ulysse, pourrait avoir fourni le sujet. En les renvoyant également à la tragédie, il n'a pas tenu compte d'un fragment qui va être cité, et dans lequel un grand nombre de critiques, entre autres Boeckh (Graec. trag. princ., X), avaient reconnu un sûr indice de drame satyrique. M. Ahrens, dans les articles qu'il a consacrés (ibid., p. 254, 295) aux deux tragédies distinguées par Welcker, n'en a pas non plus tenu compte.

(63)  Fragm. II, IV, VII, VIII, IX; Athen., Deipn.. XV; schol. Soph., Aj., 190; Plutarch., de Discernendo adulatore; Herodian. Villois., Diat., p. 94.

(64Fragm. incert.; Athen., Deipn., I.

(65) Ce mot se retrouvait, avec une légère variante qui n'en corrigeait pas la grossièreté, dans sa Pandore, autre drame satyrique d'ailleurs. J. Pollux, Onomast., X, 44. Cf. Brunck, Lexie. Soph., v. Ἐνούρηθρον.

(66Fragm. I; Athen., Deipn., I.

(67)  Eustath., ad Odyss. VI, 100, etc.

(68 V. t. I, p. 106, 154 sq.

(69) Welcker (ibid., p. 290) retire cette pièce du nombre des drames satyriques, par cette raison, qu'il étend à d'autres pièces encore, que le second titre sous lequel la Nausicaa est citée, les Laveuses, indique un choeur de femmes et non un choeur de Satyres. M. Ahrens (ibid., p. 293) y voit aussi une tragédie. Il ne la comprend pas parmi les drames satyriques de Sophocle qu'il passe en revue et explique (ibid., p. 362 sqq.).

(70) Hygin., Fab. CCI, etc. Sur cette pièce, voyez, en dernier lieu, J. A. Hartung , ibid , t. II, p. 126; F. G. Wagner, Euripid. fragm., éd. F. Didot, 1846, p. 681.

(71) Voyez t I, p. 75 sq.

(72Voyez, plus haut, p. 280 sq.

(73) Schol. Horner., Iliad., VI, 153, ex Pherecyde.

(74) Le deuxième, emprunté à Suida, et à l'auteur du Grand Étymologique, v. Χαίρω.

(75) Musgrave.

(76) Schol. Stat., Thebaid., II, 380.

(77Sur le sujet, fort douteux de celle pièce, voyez, en drnier lieu, Hartung., ibid., t. II, p. 285, qui en fait un second Autolycus; Wagner, ibid., p. 781.

(78 Voyez, en dernier lieu, sur cette pièce, Hartung., ibid., t. I, p. 493; Wagner, ibid., p. 782.

(79) Musgrave. Voyez encore, Hartung, ibid., t. I, p. 313; Wagner, ibid., p. 707.

(80) Georg., III, 5.

(81)  Schol. Apollon., IV, 1396; Apuleius, de Orthographi, 2, ex Pherecyde; Apollod., Bibl., II, v. 7; Hygin., Fab. LVI; Serv. ad Virg., ibid.

(82) Diomède, III.

(83) La seconde de ces suppositions,la plus vraisemblable, est adoptée également par Hartung (ibid.,t. II, p. 360) et par Wagner (ibid., p. 690); mais, par le premier, bien hardi d'ordinaire dans la restitution de ces monuments perdus et dont le dessin est resté si obscur, avec des additions qui ont paru trop arbitraires. On lit d'ailleurs avec intérêt, dans son chapitre, cette description d'une peinture antique, où avait été reproduite, à ce qu'il semble, l'action du Busiris : " ....In Amphoræ pictura, quæ servatur in museo Borbonico (vol. 12), repræsentatur Busiris in throno sedens, corpore ornatu barbarico distincto, altera manu sceptrum tenens, altera cultrum, quo Herculam immolaturus est, qui quidem vinctus a duobus Æthiopibus.... funibus cohibetur.... sed jam Hercules, ruptis vinculis, clavam sustulit, quam in caput barbari demissurus est.... " (Cf. Millengen, Peint. de Vas. pl. 28.)

(84) Voyez Orelli, ibid.

(85) Apollod., II vi, 3; Diod. Sic., 31; Tzetzès, Chil., II, 432

(86) Voyez ce que citent, ce que rapportent de cette pièce Philon (de Josepho ; Quod omnis probus liber); Eusèbe (Proeparat. Evang., VI), etc. Comparez à leurs témoignages celui d'un grammairien qu'ont récemment fait connaître les Anecdota de Cramer, t. I, p 3 sqq., et qui a été reproduit en 1840, par Meineke. Fragm. comic. Graec., t. II, p. 1239 sq.; en 1842, par MM. Firmin Didot, en tête de leur édition du scoliaste d'Aristophane, p. xtx.

(87Fragm. III; Phil., ibid.

(88) Fragm. V; Phil., ibid. Barnès, et,à ce qu'il sembla, Musgrave, placent, comme je le fais, ses paroles dans la bouche de Sylée. Matthiae préfère les prêter à Mercure ; ainsi fait Hartung, ibid., t. 1, p. 160 sqq. Wagner, ibid., p. 784 sqq., reste dans le doute à ce sujet. On est loin, d'ailleurs, de s'accorder sur la distribution de ces premiers fragments dans les scènes par lesquelles s'ouvrait le drame.

(89) Voyez, plus haut, p. 256 sqq.

(90) Voyez t. 1II, p. 215 sq., la scène de son repas dans l'Alceste.

(91) Fragm. VI; Phil., ibid.

(92Fragm. II ; Phil., Euseb. , ibid., etc.

(93)  Fragm. I ; Stob., tit. XLVI.

(94)  Fragm. VII, VIII; Antiatt. Bekk. ; Eustath., in Iliad. I, etc.

(95)   Cf. Valken., Diatr. in Eurip. fragm., XIX.

(96) Deipn., I, XIV.

(97)  Voyez Casaub., ibid., I, VI.

(98) Suidas, v. Ἀριστίου Κύκλωψ. Cf. id., v. Ἀπωλέσας; Zenob., Proverb., II, 16 ; V, 45 ; Diogenian., II, 32; Apostol., IV, 7, etc. Sur le Cyclope d'Aristias, voyez, en dernier lieu, W. C. Kayser, Hist. crit. trag. Graec., 1845, p. 72; Fr. G. Wagner, Poet. trag. Graec. fragm., éd. F. Didot, 1846, p. 17 ; A. Nauck, Trag. Graec. fragm., 1856, p. 563.

(99)  La difficulté de comprendre cette introduction dans un certain nombre de sujets qui paraissent s'y refuser, a fait retrancher du nombre des drames satyriques plusieurs pièces données comme telles par les anciens, par exemple la Nausicaa de Sophocle. Voyez Welcker et Ahrens cités plus haut, p. 284, note 7. Cf. Bode, Hist. de la Litt. gr., trag., t. III, p. 425 sq.) Cette difficulté n'existerait-elle pas à peu près au même degré pour le Cyclope d'Euripide, si la pièce ne nous était pas parvenue, et peut-on, par conséquent, s'en prévaloir pour contredire, sur le genre des ouvrages dont il s'agit, les témoignages exprès de l'antiquité

(100) Voyez t. I, p. 141 sq. ; III, 40.

(101) Plin., Hist. nat. , XXXV, 36, 6.

(102)  3. Horat., Epist. ad Pisones, 234 sqq.

(103) Dans ce passage, Welcker (ibid.,p, 297 sq.) voit une allusion à quelque drame satyrique dont le sujet aurait été ce que racontent plusieurs auteurs (Eratosth., Celse, II; Hygin , Poet. Astron., II, 23; schol. Germanie., 146) du combat des Satyres contre les Géants. Un autre passage qui se rencontre plus loin, v. 37 sqq., et dans lequel il est question de Bacchus conduit parle choeur joyeux des Satyres dans la maison de sa maîtresse Althée, lui paraît renfermer une allusion du même genre.

(104) V. 8 sq.

(105) " Quid suavius ? " dit Casaubon, ibid., I, VI.

(106) Plut., 290 sqq. Aristophane, dans ses allusions, semble réunir au Cyclope de Philoxène celui d'Euripide. Un peu plus bas, il est possible qu'il se soit souvenu d'un autre drame satyrique sur Circé, de la Circé d'Eschyle peut-être.

(107) Je suis, comme donnant un sens plus naturel, la correction et la ponctuation de Musgrave.

(108)  V. 49 sqq. Cf. Theocrit., Idyll., IV, 45 sqq. ; v. 100 sqq

(109) V. 41-62.

(110) V. 86.

(111) Rhet., III, 2.

(112) V. 382.

(113)  Voyez sur la lenteur qu'il met à les reconnaître, une judicieuse explication de M. Rossignol, ibid., p. 7.

(114) V. 104.

(115) V. 121 sqq:

(116) V. 141 sqq. Cf. Hom., Odyss., IX,. 196. sqc.

(117)  V. 169 sqq.

(118) V. 179 sqq.

(119) V. 186 sq.

(120) V. 198 sqq.

(121) V. 214 sqq.

(122)  V. 268 sq.

(123) V. 271 sq.

(124)  Cf. Hom. Odyss., IX, 259 sqq.

(125) Cf. Hom., ibid., 226 sqq.

(126) Cf Hom , ibid. ,. 273 sqq. .

(127)  V. 316-328.

(128) Nub., 84 sq.

(129) Dictionnaire philosophique, articles Anciens et.modernes, Tonnerre.

(130 V. 329-346.

(131) V. 347 sqq.

(132) Odyss., IX, 287 sqq.

(133) Æn., III, 622 sqq.

(134) Metam., XIV, 154 sqq.

(135) Voyez v. 375.

(136) V. 396.

(137) Cf. Hom., Odyss., IX, 318 sqq.

(138) Ibid., 240 sqq., 304 sq., 313 sq

(139 V. 476 sqq. C'est un héroïque dévouement au sort de ses compagnons, dont il ne veut pas se séparer, qui fait rentrer l'Ulysse d'Euripide dans l'antre du Cyclope. On a quelquefois vu une allusion à l'Ulysse de quelque autre drame satyrique dans ce mot de Caton-l'ancien à Polybe, rapporté par Plutarque Vit. Cat. maj., c. IX) : le Sénat ayant consenti, non sans peine, au retour des exilés d'Achaïe dans leur patrie, Polybe voulait se présenter de nouveau devant cette assemblée pour en obtenir leur rétablissement dans leurs anciens honneurs. Caton qu'il sondait à ce sujet, lui répandit en riant: " Il me semble, Polybe, qu'échappé comme Ulysse de l'antre du Cyclope, vous voulez y rentrer, pour prendre votre chapeau et votre ceinture, que vous y avez oubliés. ".

(140) V. 489 sq.

(141) V. 502 sq.

(142) V. 439 sq. Voyez l'explication de Boissonade, t. II, p. 358 de son Euripide.

(143) V. 511 sqq. Voyez les notes de Boissonade, ibid., p. 359.

(144) Voyez, plus haut, p. 263.

(145) Odyss., IX, 355-370.

(146) V. 544 sqq.

(147) Voyez encore une ingénieuse note de Boissonade, ibid.., p. 359, sur le v. 566.

(148) Un bas-relief antique donné par Zoëga (Bassiril., 69), et qui semble à Welcker (ibid., 328) se rapporter aux inspirations du drame satyrique, représente un Satyre vidant furtivement la coupe d'Hercule. Plusieurs scènes semblables se voient parmi les monuments rassemblés par M. Guigniau.t dans le IVe volume de ses Religions de l'antiquité, pl. CCXXV, 683a; CXCII, 683. Hercule, frustré de son repas, est au nombre des sujets rebattus, qu Aristophane se vante (Vesp., 60) de ne pas reproduire.

(149) V. 579.

(150) Epist. ad Pisones, v. 231 sq.

(151) V. 625 sqq. Cf. 481 sqq.

(152) V. 649 sqq. Ils ont été savamment et ingénieusement expliqués et rapprochés d'un choeur des Grenouilles d'Aristophane dans un mémoire lu en 1853, par M. Rossignol, à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, et inséré en 1857 au tome XXI, p. 310 sqq. des Mémoires de cette compagnie.

(153) Non pas, comme quelques critiques ont paru le croire, devant les spectateurs, mais dans l'intérieur de l'antre, où se passent bien d'autres choses, intus digna geri.

(154) Voyez t. II, p. 189 sq., 218.

(155) Odyss., IX, 407-414.

(156) V. 663-669.

(157) Voyez t. p. 390.

(158) Cf. Hom., Odyss., IX, 506 sqq.; Ovid., Metam., XIII, 770 sqq.

(159) V. 703.

(160)  Lycée.

(161) Ad Odyss., XVIII.

(162)  Schol. Aristoph., Ran., 1124.

(163) Voyez surtout Welcker, Friehel, ibid. Aux drames satyriques mentionnés par Friebel, il faut peut-être ajouter, avec Welcker, la Naissance de Jupiter, Ζηνὸς γοναία, du poète tragique Timésithée. Voyez Suidas, à ce mot.

164) e ne sais si on était suffisamment autorisé à comprendre parmi les drames satyriques la Gigantomachie d'Hégémon de Thasos (Barthélemy, Schoell, ibid.), la comédo-tragédie d'Alcée de Mytilène, les hilare-tragédies de Rhinton (Eichstaedt, ibid.). Welcker montre fort bien (ibid., p. 334) combien le drame satyrique, qui n'enlevait point aux héros mythologiques leur dignité, qui ne se proposait point la censure des moeurs, différait de plusieurs genres avec lesquels on l'a, bien à tort, confondu, de la parodie, de la comédie à personnages héroïques, de la comédie proprement dite. Seulement, je le trouve bien rigoureux quand il blâme Eustathe d'avoir dit que ce drame était une sorte de milieu entre la tragédie et la comédie ; quand il défend de lui appliquer l'épithète de tragi-comique. Pour justifier ces expressions, ne suffit-il pas du mélange de sérisux et de plaisant qui s'y rencontre ?

(165) Voyez, sur ce poète, t. I, p. 80, 71 sq., 93.

(166) Diog. Laert., II, 5, 133.

(167) T. I, p. 28, 31; III, 210, 220.

(168) Voyez t. III, p. 210. Cf. p. 270. C'est à ce genre de tragédie que plusieurs critiques (voyez, plus haut, p. 230 sq.) renvoient les pièces dans lesquelles ils ne peuvent reconnaître des drames satyriques, faute de pouvoir s'expliquer quel rôle y jouaient les Satyres.

(169) Casaubon, ibid., I, V ; Spanheim, ibid.; surtout Eichstaedt, dont j'ai déjà cité, p. 273, le livre de Dramate Græcorum comico-satyrico; d'après lui Schoell., ibid., IV 28, etc.

(170) God. Hermann, Epist. de Dramate comico-satyrico, citée plus haut, p. 273.

(171) C'est ce qu'a dit assez récemment Friebel, ibid., p. 11.

(172)  T. 1, p. 6, 101.

(173) Voyez, plus haut, p. 279.

(174) Plutarch., de Fort, Alex. ; Aeilan., Var. hist., XII, 44 ; Athen., Deipn., I.

(175) Eichstaedt, ibid., p. 31 sq.

(176) Schol. Aristoph., Plut., 290, 298. Cf. Aristot. Poet., II. Dans ce dernier passage, le Cyclope semble rapporté à la poésie lyrique.

(177) Eichstaedt, ibid., p, 32 sq.

(178)  Athen., Deipn., I, XIII.

(179) Athen., Deipn., II, X; Diog. Laert,, II, 140.

(180) Casaubon, ibid., 1, v, etc.

(181) Athen., I, XIII.

(182)  Voyez t. 1, p. 119.

(183) Anthol. palat., VII, 40. Cf. Fr. Jacobs, Anthol. grec., t. I, p. 252; VII, 397 sqq.

(184) VII, 5.

(185) Friebel, ibid., p. 120.

(186)  Eichstaedt, ibid., et, d'après lui, Schoell, ibid.

(187) Athen., Deipn. X ; Tzetzès, Chil., II, 592; VI, 300.

(188 Par Casaubon, Lect..Théocrit., c. XII, d'après des scolies manuscrites de Théocrite.

(189) Dalechamps, 1597, Annot. in Athennum, lib. X, p. 767 ; Fr. Patrizzi; Jac. Mazzoni, divers écrits publiés à la fin du XVIe siècle (voy., sur leur polémique très vive, Lor. Crasso, Ist. de Poeti greci, Neap., 1678, p.480 ; Ant. Mongitore, Biblioih. sicul., Palerm., 1707, t. II, p..235; Moreri, .Dictionn., t. II, p. 1155 ; Ginguené, Hist. litt d'Italie, t. VI, p. 324); G. Arnauld. Spécim. animadv. critic., Amstel, 1730, c. IX, p. 48-56 ; Jac. Saint-Amand, Theocriti Wartoniani addend. et corrigend., 1770, t. II, p. 325 sqq.; A. H. L. Heeren, Bibl., etc. Gotting., 1789, VII, p. 10 sqq. ; Eichstaedt, God. Hermann, Friebel, ibid., etc.; en dernier lieu Wagner, ibid., p. 150; Nauch, ibid., p. 639.

(190) Voyez, outre les fragments de Sosithée, Athen., Deipn., X; J. Poll. IV, VII, 54, 55 ; Hesych., Phot., Suid.., Lex., r. Ἀττυέρσης. Apostol., XII, 7 ; Schol. Theocrit. Idyll. X, 41, etc.

(191) Servius ad Virg., Buc., VIII, 68.

(192) Theocrit., ibid.; Cf. A4hen., J. Pott, Hesych., Suid., ibid.; La Nauze, Sur les Chansons de l'ancienne Grèce, Mém. de l'Ac. des inscr. et belles-lettres, t. IX, p. 348 sqq.

(193)Voyez-en l'explication symbolique, d'après Creuzer, dans les Religions de l'Antiquité de Guigniaut, liv. IV, ch. V (t. Il, 1ere part., p. 188 sq.).

(194) Voyez, plus haut. p. 287 sqq. Lityerse et Sylée sont un même personnage pour Friebel, ibid.,p. 13. L'auteur d'une dissertation, publiée à Berlin, en 1831, De Cantilenis popularibus veterum Graecarum, Hermann Koester, avance, p.. 27, ainsi que Bode, ibid., p. 480, 523, sans preuves, il est vrai, que le Sylée d'Euripide et ses Moissonneurs étaient une seule et même pièce. Il le dit probablement d'après Welcker (Trilog. Suppl., p. 288, 3021, qui, rapportant aussi à un même ouvrage les deux titres, avait de plus donné à Friebel l'exemple de confondre en un seul personnage Sylée et Lityerse. Depuis, Hartung, ibid., t. I, p. 163, 374, Wagner, ibid., p. 709, les ont distingués, mais ont émis cette opinion que dans son drame satyrique des Moissonneurs Euripide avait traité un sujet à peu près semblable à celui du Lityerse.

(195) Voyez t. I, p. 31.

(196) IX, 12.

(197)  Athen., Deipn., I. Voyez notre t. 1, p. 118 sq.

(198) Ibid. , p. 119.

(199)  V. 85.

(200)  IV, 58.

(201) Ibid., I, V,

(202)  XIV.

(203) T. I, p. 1 sqq.

(204) V, 8.

(205) V. 220-250.

(206) Diomed., III ; Marius Victorinus, II.

(207) Voyez Burette, Mém. de l'Acad. des inscript. et belles-lettres, t. I ; Spanheim, ibid.; Sanadon, Remarques sur Horace; Eichstaedt, ibid.; parmi des critiques plus récents, C. Magnin, Origines du théâtre moderne, 1838, introduction, c. 3, t. I, p. 318 sqq.; Munck, De Fabulis Atellanis, Leipzig, 1840, p. 76 sqq., etc.

(208) Aux indications données sur ces divers genres et leurs relations par Donat. (de Trag. et Comoed.; in Terent., Adelph., prol. 7), par Diomède (III), se sont ajoutées celles qu'on a trouvées dans un ouvrage de Lydus (de Magistrat, reip. Rom., publié à Paris, en 1812, par MM. Fuss et Hase. Du rapprochement de ces témoignages, Reuvens (Collectan. litterar., sive Conject. in Artium, Diomedem, Lydum, etc., Leyde, 1815) a tiré une classification, reproduite en 1831, par l'éditeur de la Bibliotheca classica latina, Lemaire, dans un intéressant excursus de son Horace, t. II, p. 556 sqq.

(209) Dacier, Remarques sur l'Art poétique d'Horace.

(210) Eichstaedt, Munck., ibid., etc. Cf. Orelli, ibid. Wieland avait émis cette opinion, fort spécieuse, qu'Horace, en montrant aux fils de Pison la difficulté de l'art des vers, s'était surtout proposé de provoquer leurs réflexions sur les dangers d'une vocation douteuse, et par là de les détourner de la carrière poétique. M. Orelli est allé plus loin : ne pouvant s'expliquer l'insistance singulière du poète à définir le caractère, à développer les règles d'un genre qui parait n'avoir qui guère cultivé que par les Grecs, dont il n'exista, dans toute l'histoire de la littérature latine, que quelques vestiges, et encore fort obscur, il a pensé que ce genre, encore intact ou à peu près, était probablement l'objet particulier de l'ambition poétique d'un des jeunes Pisons, et qu'Horace à qui n'échappait pas l'extrême difficulté de le naturaliser à Rome, de le faire goûter aux Romains de ce temps, avait voulu dégoûter d'une entreprise si hasardeuse le fils de son ami.

(211) Marius Victorinus, IV.

(212)  Casaubon, Eichstaedt, Orelli, ibid.. Cf. Neukirch, de Fabula togata Romanorum, 1833.

(213) Varro, de Lingua latina, VII, 63. Cf. Orelli, ibid., p. 620.

(214) Deipn., VI. Cf. Plutarch., Vit. Syll, II.

(215) Voyez, plus haut, p. 283 sq.

(216)  Ad. Quint. frat., II, 16.

(217) Orelli., ibid., p.656.

(218) Voyez la note de d. V. Le Clerc.

(219) Epist. ad Pison., v. 221,.

(220) Spanheim, ibid.

(221) Voyez t. I, p. 143 sqq.

(222) Sat. I, v, 63 ; Epist. II, II, 125 :

Pastorem saltaret uti Cyclopa rogabat....
Ludentis speciem dabit et torquesitur, ut qui
Nunc Satyrum, nunc agrestem Cyclopa movetur.

(223)  Voyez, plus haut, p. 277.

(224)  En 1863, l'auteur de la Fille d'Eschyle (voyez t. I, p. 42), M. J. Autran, a donné le premier je crois, du Cyclope d'Euripide une traduction en vers français, aussi fidèle que le permettait la bienséance, et dont l'élégante facilité se plie souvent très heureusement au double caractère de sérieux tragique et de gaieté folâtre offert par le modèle.