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Chapitre V – La conquête égyptienne

La Syrie et l'empire chaldéen depuis l'invasion Cananéenne jusqu'aux guerres égyptiennes.

 

Ce furent Aménôthès et son fils Thoutmosis, qui, les premiers, entraînèrent les Égyptiens à la conquête de l'Asie.

Le pays qu'ils rencontrèrent au delà de l'isthme portait le nom de Kharou[153]. Le Kharou, notre Syrie, se terminait vers le nord aux derniers escarpements du mont Tauros. Il était borné à l'est par l'Euphrate et par le désert, au sud par la mer Rouge, à l'ouest par la Méditerranée. Il est coupé du sud au nord par deux chaînes de montagnes parallèles, le Liban et l'Antiliban ; entre les deux une large vallée se creuse, sillonnée dans toute sa longueur par le Nazana (Litany) et par l'Oronte. L'Oronte prend sa source dans l'Antiliban. Il est produit par la réunion d'un nombre considérable de ruisseaux et de torrents. Il coule d'abord au nord nord-ouest, mais, descendu dans la plaine, il tourne à l'est, traverse un lac d'environ trois lieues de long sur nue lieue de large, puis incline au nord et file presque parallèlement à la côte jusque vers 36° de latitude. En cet endroit il se replie brusquement à l'ouest, puis au sud, et il se précipite dans la mer, après un trajet d'environ soixante lieues, d'une violence extraordinaire[154]. Le Nazana[155] naît dans l'Antiliban, à quelques kilomètres de l'Oronte, et il s'enfuit vers le sud sud-ouest. A mesure qu'il s'éloigne de sa source, la vallée s'étrécit peu à peu et le force à resserrer son cours : elle n'est plus bientôt qu'une gorge sauvage, de plus de trois cents mètres de profondeur, et si étroite qu'en un endroit des masses de rochers ; détachées du flanc de la montagne, sont venues s'arc-bouter sur la face opposée et demeurent comme un pont naturel au-dessus des eaux. Le Nazana ne sort de ce ravin que pour s'engloutir dans la mer, à trente lieues environ de sa source. Le bassin des deux rivières forme une trouée d'environ quatre-vingts lieues de long, à peine dénivelée, à la naissance du Nazana et de l'Oronte, par une mince chaîne de collines. Peu de provinces du monde antique étaient aussi fertiles que cette région creuse de la Syrie. Vers le sud, ce sont des champs de blé et des vignobles, qui tapissent les bas-fonds et qui s'étagent sur le penchant de la montagne, partout où le pied de l'homme a pu atteindre. Au nord, les alluvions de l'Oronte ont produit un sol noir et fécond, riche en céréales et en fruits de toute sorte. Aussi la Syrie Creuse (Cœlé-Syrie), après avoir ravitaillé tour à tour les conquérants égyptiens, assyriens, persans, macédoniens, qui ont dominé sur elle, a-t-elle fini par devenir entre les mains de Rome un des greniers de l'univers.

Autour de cet heureux pays, qui est comme le noyau de la Syrie entière, rayonnent dans toutes les directions, au nord, au sud, à l'est, à l'ouest, des contrées de nature et d'aspect différents. Vers le nord, entre l'Oronte et l'Euphrate, un plateau aride et pauvre s'étale, bordé au Septentrion et à l'Occident par le Tauros et par le Khamanou (Amanos). De ces deux montagnes partent des contreforts, qui s'abaissent graduellement et se déploient en croupes crayeuses ou rocheuses, parsemées de mamelons à l'échine arrondie et pelée, ravinées de vallées étroites et tortueuses qui aboutissent à l'Euphrate, à l'Oronte, au désert. Au plateau succèdent de vastes plaines sillonnées par des rangées de collines basses et nues : le sol est sec et pierreux, la végétation est rare, les cours d'eau sont peu nombreux et d'un faible débit. Le plus important, la rivière d'Alep, le Khalus de Xénophon, traîne paresseusement sa masse trouble du nord au sud et se perd à la lisière du désert, dans un petit lac salé, encombré d'îlots et de bas-fonds ; à peu près à égale distance entre le Khalus et l'Euphrate on rencontre un second lac salé d'assez vastes dimensions, mais sans écoulement. Les céréales, la vigne, l'olive, la pistache, végètent à grand'peine dans ces parages brûlés : la montagne est seule assez riche pour nourrir ses habitants.

A l'est de l'Antiliban fleurit la Syrie Damascène, véritable jardin surplombé par les cimes neigeuses de l'Hermon, et où deux rivières, l'Ahana et le Pharphar, entretiennent une végétation luxuriante en face du désert. Au contraire, on ne voit à l'ouest du Liban qu'une bande de terrain dont la largeur moyenne n'excède pas huit ou dix lieues. De l'embouchure du Nazana à celle de l'Oronte se déroule, comme un long ruban, une côte abrupte, hérissée de pointes rocheuses et de caps sourcilleux, qui se projettent assez loin dans la mer et abritent tant bien que mal des mouillages médiocres. Sur les premiers versants des collines et dans les ravins, l'olivier, la vigne, le blé, croissent à merveille. Les parties hautes de la montagne étaient revêtues jadis d'immenses forêts de chênes, de pins, de mélèzes, de cyprès, de sapins et de cèdres[156]. Nulle grande rivière, mais des torrents impétueux, le Léon, le Lykos (Nahr-el-Kelb), qui s'élancent presque d'un seul bond du Liban à la Méditerranée.

Sur le flanc ouest de l'Hermon, à l'extrémité méridionale de l'Antiliban, une vallée s'amorce qui ne ressemble à aucune autre au monde. C'est une déchirure produite à la surface de la terre par les actions volcaniques, une large fissure qui s'est entrebâillée au commencement des siècles et ne s'est jamais plus refermée. Le Jourdain qui l'arrose emplit, à quelques lieues à peine de sa source, un lac, celui de Mérom, dont le niveau concorde avec le niveau de la Méditerranée. Mais, à partir de ce point, la pente s'accentue et s'enfonce pour ainsi dire en terre ; le fleuve dévale du lac de Mérom au lac de Génésareth, du lac de Génésareth à la mer Morte, où la dépression atteint son maximum d'intensité, quatre cent dix-neuf mètres au-dessous du niveau de la Méditerranée. Au sud de la mer Morte, la crevasse se resserre, et le fond se relève jusqu'à une hauteur de cinq cents mètres avant qu'elle vienne expirer contre les falaises de la mer Rouge.

Rien de plus dissemblable que les deux rives de la vallée. A l'est, le terrain monte brusquement à l'altitude d'environ mille mètres, comme une muraille à pic, que couronne un immense plateau, légèrement ondulé, entrecoupé de bois et de pâturages, et sur lequel errent les affluents du Jourdain et de la mer Morte, l'Yarmouk, le Jabbok, l'Arnon. A l'ouest, ce sont des masses confuses de collines, dont les penchants, à peine revêtus d'un sol maigre, nourrissent néanmoins le blé, l'olive et le figuier. Un rameau, séparé de la chaîne principale un peu au sud du lac de Génésareth, le Carmel, s'élève vers le nord-ouest et s'en va droit à la mer. Au nord du Carmel, la Galilée abondait en eaux fraîches et en vertes campagnes ; « les grosses fermes étaient ombragées de vignes et de figuiers ; les jardins étaient des massifs de pommiers, de noyers, de grenadiers. Le vin était excellent, s'il faut en juger par celui que les Juifs recueillent encore à Safed ». Au sud, la contrée se partage naturellement en trois zones parallèles. C'est d'abord une plage alternée de dunes et de marais, puis une succession de plaines, boisées par places et parcourues par des rivières encombrées de roseaux, enfin la montagne. La région des sables est susceptible de culture, et les villes qu'elle renferme, Gaza, Joppé, Ashdod, sont entourées de bosquets d'arbres fruitiers. La plaine rend chaque année des moissons considérables, sans engrais et presque sans travail. Les montagnes, vertes encore en certains endroits, se dépouillent de plus en plus à mesure qu'on gagne vers le sud. Les vallées y sont sans eau ; le sol, recuit et brûlé, perd peu à peu de sa fertilité et se confond insensiblement avec le désert. Dès lors, ce ne sont plus, jusqu'à la mer Rouge, que solitudes sablonneuses, rayées par le lit de torrents à sec et dominées par des massifs volcaniques, à l'est le Séir, au sud le Sinaï. Les pluies du printemps y suscitent pendant quelques semaines une végétation hâtive qui suffit aux besoins des nomades et de leurs troupeaux.

Les peuples qui possédaient cette vaste étendue de territoire au temps de l'Ancien Empire avaient disparu presque entièrement de la scène du monde, au moment où les lourds bataillons égyptiens franchirent pour la première fois l'isthme et le désert. Surpris par la grande invasion cananéenne, ils avaient été en partie détruits, en partie absorbés par les conquérants. C'est à peine si quelques-unes des tribus primitives gardèrent leur indépendance. « Un peuple grand et de forte stature », les Anakim, et de qui on disait : « Qui peut tenir devant les enfants d'Anak ?[157] » vivait dispersé dans les massifs montagneux qui bordent la mer Morte ; un de leurs chefs mythiques y avait fondé la ville de Kiriath-Arba, qui fut plus tard Hébron[158]. Sur les confins du désert, les Horim habitaient les parages du mont Séir[159] et les Avvim la plaine au sud-est de Gaza[160]. D'autres tribus durent échapper et se maintenir, au moins quelque temps, sur plusieurs points isolés : mais celles-là même succombèrent à la longue. Leur nom s'éteignit, leur souvenir s'effaça ou se dénatura parmi les fables. On se les figura comme des nations de géants (Rephaïm), à la voix bourdonnante et indistincte (Zomzommim), comme des monstres formidables (Emim)[161] devant qui les autres peuples « paraissaient comme des sauterelles[162] ». La Syrie entière, renouvelée par des invasions successives, fut comme répartie entre trois races maîtresses les Khati au nord[163], les Cananéens le long des côtes, au coeur et au midi de la contrée, les Amorrhéens dans les vallées de l'Oronte supérieur et du Jourdain, les Térachites au midi et à l'orient de la mer Morte, sur la lisière du désert d'Arabie.

Les Khati étaient cantonnés d'abord sur le plateau de Cappadoce, autour de leur cité de Khati[164] ; ils en étaient descendus dès le xxe siècle, à la recherche de régions moins pauvres, et ils avaient pénétré sous les murs de Babylone ; repoussés après des succès qui amenèrent la chute de la première dynastie babylonienne, ils s'étaient rejetés sur les plus riches plaines de la Syrie, et même une de leurs tribus s'était aventurée loin dans le Sud autour d'Hébron[165]. Le gros de la nation ne dépassa pas le pays des deux fleuves, Nabaranna[166], et conquit peu à peu la riche plaine qui se déploie entre le Balikh et l'Oronte, les versants de l'Amanos et une partie de la plaine cilicienne. Grâce à sa position intermédiaire entre les deux principaux États du monde antique, la Chaldée et l'Égypte, ce domaine des Khati ne tarda pas à devenir un des marchés les plus fréquentés de l'Orient. Les caravanes, au lieu d'affronter le désert et de passer directement des bords de la mer Morte et du Jourdain à ceux de l'Euphrate et du golfe Persique, remontaient la vallée du Nazana et de l'Oronte, afin de rejoindre le cours moyen de l'Euphrate et, de là, redescendre sur Babylone. Les Khati avaient construit des forteresses sur chacun des gués qui mènent de la rive syrienne à la rive mésopotamienne, Tourméda ou Thapsaque[167] au gué le plus méridional, Gargamish[168] au gué central : Gargamish, placée au coeur d'une contrée civilisée, était la station préférée et l'entrepôt des caravanes, l'une des villes souveraines, sinon la capitale même d'un empire, qui atteignait aux sources de l'Oronte vers le sud, au centre de l'Asie Mineure vers le nord et vers le nord-ouest[169]. Presque tout ce que nous savons jusqu'à présent des Khati nous vient soit de l'Égypte, soit de l'Assyrie. Les monuments qu'ils nous ont légués sont peu nombreux et mal classés[170] : leurs inscriptions sont rédigées dans un système d'écriture hiéroglyphique fort différent du système égyptien et résistent encore au déchiffrement. Ils avaient cependant une civilisation fart complète, une industrie prospère, une littérature[171]. Leur religion était assez analogue à celle des peuples cananéens : chaque ville avait son dieu qui s'appelait Soutkhou, comme le dieu national des Pasteurs, et sa déesse qui recevait le nom générique d'Astarté[172]. Cette féodalité divine répondait à une véritable féodalité terrestre. Les villes étaient gouvernées par des princes qui relevaient du Grand Chef de Khati et qui lui devaient le service militaire. C'étaient Tounipou[173], Khissapa, Sarsou, Ourima[174], et cent autres dont la position n'est pas fixée[175]. A quelques lieues au sud-ouest de Gargamish s'élevaient Patina et Khaloupou[176]. Khaloupou, moins favorablement située que Gargamish, n'eut jamais l'importance de sa voisine : elle était pourtant considérable et renommée jusqu'en Égypte pour les produits de « ses champs altérés[177] ».

Bientôt après l'invasion, les Cananéens s'étaient dispersés. Les uns s'étaient répandus dans les vallées de l'intérieur, de l'Amanos au Séir, et dans les plaines qui se déroulent, au sud du Carmel, jusqu'au désert et à la frontière d'Égypte. Les autres s'étaient logés le long de la côte, entre le Liban, les massifs de la Palestine et la mer. La différence de sites amena, entre ces deux branches de la même famille, une différence de moeurs et de caractère. Les Cananéens de l'intérieur, agriculteurs ou pasteurs selon les localités, se subdivisèrent en un grand nombre de tribus, sans cesse en guerre les unes contre les autres. Les Cananéens de la côte, étouffés entre le Liban et la Méditerranée, se firent marins et commerçants. L'antiquité classique leur donnait le nom de Phéniciens. Selon certaines traditions grecques, ils avaient été appelés ainsi de Phénix, fils d'Agénor et ancêtre de la race[178]. Selon d'autres, Phœnikes signifiait simplement le peuple rouge, soit en souvenir de la mer Rouge (Érythrée), aux bords de laquelle ils avaient séjourné si longtemps, soit à cause des fabriques de pourpre qu'ils ouvrirent dans leurs colonies, soit enfin par allusion à la teinte de leur visage. L'opinion la plus reçue jusqu'à ces derniers temps voit dans Phœnix le nom du palmier, et dans Phœnikia le Pays des Palmes[179]. En fait, Phœnix est une forme élargie     de Pouanit, Phouanit (Pœni, Puni), vieux nom national que les Cananéens avaient déjà dans leur patrie primitive, et qui les suivit à travers leurs migrations. Les monuments égyptiens les plus anciens identifient les régions de la mer Rouge au pays de Pouanit : les Cananéens du golfe Persique transférèrent le nom de Phénicie en Syrie, les Phéniciens de Syrie le menèrent en Afrique, et les Phéniciens d'Afrique (Pœni) l'exportèrent jusque dans leurs colonies les plus lointaines.

« La Phénicie ne fut pas un pays ; ce fut une série de ports avec une banlieue assez étroite.[180] » Le Liban, qui la défendait, a été de tout temps infesté par des brigands[181] : les villes phéniciennes, séparées l'une de l'antre par un intervalle de dix ou douze lieues à peine, ne pouvaient communiquer en sûreté que par la voie d'eau. Elles se combinèrent assez promptement en trois groupes indépendants l'un de l'autre, et dont chacun avait son caractère propre. Vers le nord, dans la partie que les Égyptiens appelaient le Zahi[182], les deux grandes villes d'Arad et de Zimyra étaient aux mains d'une aristocratie turbulente et belliqueuse, toujours prête à batailler contre les voisins et à se révolter contre le maître étranger, Égyptien, Assyrien ou Perse. Arad était posée sur une petite île éloignée de terre d'un peu moins de trois kilomètres : « C'est un rocher de tous côtés battu par la mer, et d'environ sept stades de tour. Il est recouvert d'habitations et si peuplé encore à présent, que les maisons y ont un grand nombre d'étages. Les habitants boivent de l'eau de pluie conservée dans des citernes, ou de l'eau qu'on transporte de la côte opposée. » Il y avait dans le détroit même, entre l'île et la côte, une source d'eau douce qui jaillissait au fond de la mer et qui servait à l'approvisionnement en temps de guerre. Des plongeurs descendaient une cloche en plomb, munie à son extrémité supérieure d'un long tube de cuir, et ils l'appliquaient sur l'orifice de la source. L'eau, emprisonnée de la sorte, montait dans le tube selon les lois de l'hydrostatique et arrivait pure à la surface, où on la recueillait[183]. En face d'Arad, sur une ligne continue de trois ou quatre lieues, s'allongeait comme une bordure de villes ou de villages, Marath, Karne, Antarados, « où s'épanouissait tout ce qui eût été trop à l'étroit dans l'île[184] ». Les Arvadites avaient établi leur domination assez loin sur la côte et dans l'intérieur. Au nord, ils possédaient Cabala et Paltos ; au sud, ils avaient soumis la tribu et la ville de Simyra ; à l'est, Hamath sur l'Oronte leur obéit pendant quelque temps.

A passer de ce premier groupe au second, il semblait qu’on entrât dans un autre monde. Gebel ou Gebôn[185], que les Grecs appelaient Byblos, se vantait d'être la ville la plus vieille qui existât. Le dieu El l'avait bâtie au commencement des âges, sur un emplacement différent de celui qu'elle eut par la suite ; on la trouvait alors à quelques lieues dans l'intérieur, près  de la rive septentrionale du Nahr-el-Kelb. Plus tard, ce site fut abandonné, et la population, émigrant au bord de la mer, construisit, â côté du fleuve Adonis, une seconde ville qui reçut le nom de la première. Sur la colline qui domine aujourd'hui les ruines et regarde la mer, se dressait un grand temple où les pèlerins affluaient de la Syrie entière[186]. Aussi bien Gebel et la vallée où coulait son fleuve étaient-elles « une sorte de terre sainte d'Adonis, remplie de temples et de monuments consacrés à son culte[187] ». A Mashnaka, le dieu avait un de ses tombeaux. A Ghinèh, il avait été tué par un sanglier et pleuré par sa divine amante. Son sanctuaire le plus vénéré était prés d'Aphaka, à la source même. « L'espèce d'entonnoir d'où sort le fleuve est comme le point central d'un vaste cirque, formé par des tours de rochers d'une grande hauteur. La fraîcheur des eaux, la douceur de l'air, la beauté de la végétation ont quelque chose de délicieux. L'enivrante et bizarre nature qui se déploie à ces hauteurs explique que l'homme, dans ce monde fantastique, ait donné court à tous ses rêves.[188] » Bérouth partageait avec Gebel la gloire d'avoir le dieu El pour protecteur : c'était un port bien encaissé, à l'extrémité d'une des plaines les plus fertiles de la Phénicie. Il semble que ces deux villes aient joué un grand rôle politique pendant les temps qui suivirent l'arrivée des Phéniciens : elles ne surent pas longtemps le soutenir, mais leur importance ne fut pas amoindrie par là. Elles demeurèrent jusqu'aux derniers jours du paganisme le siège de l'une des plus vivaces parmi les religions syriennes.

A quelques lieues au sud de Bérouth trônait Sidon, « le premier-né de Canaan ». Malgré ce titre ambitieux, elle n'était d'abord qu'un simple village de pêcheurs, construit, disait la légende, par Bel, l'Agénor des Grecs, sur le penchant septentrional d'un petit promontoire qui se projette obliquement vers le sud-ouest. Le port, si célèbre dans l'antiquité, est fermé par une chaîne basse de rochers, qui part de l'extrémité nord de la péninsule et se déploie parallèlement au rivage sur une longueur de quelques centaines de mètres. La plaine environnante est arrosée par le « gracieux Bostrên » (Nahr el-Aoualy) et égayée de jardins dont la beauté avait valu à la ville le nom de Sidon la fleurie[189]. Son territoire, borné au nord par le Tamour, allait au sud jusqu'à l'embouchure du Nazana : au delà commençait le domaine des Tyriens. Dans les âges reculés du monde, quand les dieux frayaient familièrement avec les hommes, Samemroum traça sur le continent le plan d'une ville de roseaux, en face de laquelle son frère Hysôos, le premier marin, saisit quelques petits îlots où il érigea des colonnes sacrées ce fut le commencement de Tyr. Vint ensuite Melkarth, l'Hercule tyrien. Les prêtres de ce dieu racontaient à l'historien Hérodote que « le temple avait été fondé en même temps que la ville elle-même : or ils habitaient la ville depuis deux mille trois cents ans ». Le calcul des prêtres tyriens nous reporte vers l'an 2750, c'est-à-dire un peu avant l'époque des Pasteurs et l'invasion cananéenne. La Tyr insulaire n'avait pas, comme Arad, la ressource d'une fontaine sous-marine : ses habitants n'avaient pour s'abreuver que l'eau de citerne ou celle qu'ils faisaient venir du continent dans des barques[190]. Elle possédait, sous la suzeraineté des Sidoniens, toute la côte de l'embouchure du Nazana au sud du Carmel.

Les Cananéens de l'intérieur et les Amorrhéens, disséminés de l'Amanos à la pointe méridionale de la mer Morte, ne formaient pas une masse aussi compacte que les Cananéens de la côte. La plupart de leurs tribus s'étaient scindées en fractions plus ou moins considérables et cantonnées sur différents points du territoire de l'Oronte. Après avoir mis en danger l'indépendance de la Chaldée, ils s'étaient élevés peu à peu le long des rives de l'Euphrate et se répandant dans la vallée de l'Oronte, ils l'avaient occupée presque entière dans ses parties hautes. Passant ensuite sur le plateau à l'est du Jourdain, ils y avaient fondé deux royaumes principaux : celui du Nord, capitale Edréi, entre l'Hermon et le Jabbok, celui du Sud entre le Jabbok et l'Arnon, avec Kheshbon pour capitale. Un de leurs clans, demeuré dans la vallée de l'Oronte, s’y appuyait sur la célèbre Qodshou (Kadesh)[191] ; un autre campait au bord de la mer entre Ekron et Joppé[192] ; un troisième, installé à Jébus auprès du mont Moriah, se faisait appeler Jébusite[193] ; d'autres enfin s'étaient fixés près de Sichem et au Sud d'Hébron, en assez grand nombre pour imposer aux montagnes qui longent la mer Morte le nom de mont des Amorrhéens[194]. Les Hivites[195] vivaient à l'orient de Sidon, dans les vallées du liant Jourdain et du Nazana leurs colonies allaient au nord jusqu'à Hamath, au sud jusque dans le pays d'Édom. Quant aux Girgaséens, la dernière et la plus obscure des grandes races cananéennes, une partie d'entre eux paraît avoir habité à l'orient du Jourdain[196], le reste dans la Syrie du Nord, non loin des Hittites septentrionaux.

Les tribus Térachites n'avaient alors qu'une importance secondaire. Ceux des enfants d'Israël qui habitaient l'Égypte y devaient séjourner des siècles encore avant de revenir au berceau de leurs pères. Les Ammonites disputaient aux Amorrhéens la possession des districts situés au nord de l'Arnon. Les Moabites dominaient au sud de l'Arnon et se maintenaient à grand'peine sur les bords de la mer Rouge. Les Édomites, ralliés autour du mont Séir, touchaient vers le nord aux Moabites et s'étendaient au sud dans la direction de la mer Rouge. Ils avaient sans cesse à batailler contre les tribus arabes du désert, Amalécites et autres, que les Égyptiens désignaient sous le nom générique de Shasou (pillards). Ces Shasou, errant de l'isthme de Suez aux bornes de l'Euphrate, à la lisière des terres cultivées, ne se lassaient pas de harceler tous les sédentaires de la Svrie. On les craignait dans les plaines du Sud comme dans celles du Nord ; la Cœlé-Syrie et la Phénicie étaient sujettes à leurs irruptions, et le voyageur les rencontrait dans les gorges du Liban[197], sur le chemin de Damas.

Placée aux confins du désert, fortifiée à l'Ouest par l'Antiliban contre les assauts des Cananéens, Damas occupe un des sites que la nature semble avoir destinés de tout temps à l'emplacement d'une grande ville. Une légende recueillie par les Hébreux en attribuait la fondation à Ouz, fils d'Aram. Elle s'allonge au milieu des jardins qui la serrent de toutes parts et pénètrent dans ses murs, coupée en deux parties inégales par l'Abana, et sans cesse rafraîchie par les canaux que ce fleuve lance dans toutes les directions. Encore aujourd'hui sa vue arrache un cri d'admiration au voyageur qui débouche des gorges de l'Antiliban. « Il a devant lui la ville, dont quelques édifices se dessinent déjà à travers les arbres ; derrière lui, le dôme majestueux de l'Hermon, avec ses sillons de neige qui le font ressembler à la tête chenue d'un vieillard ; sur sa droite, le Hauran, les deux petites chaînes parallèles qui resserrent le cours inférieur du Pharphar[198] et les tumulus de la région des lacs ; sur sa gauche, les derniers contreforts de l’Antiliban, allant rejoindre l'Hermon. L'impression de ces campagnes richement cultivées ; de ces vergers délicieux, séparés les uns des autres par des rigoles et chargés des plus beaux fruits, est celle du calme et du bonheur… vous vous croyez à peine en Orient dans ces environs de Damas[199], et surtout, au sortir des âpres et brûlantes régions de la Gaulonitide et de l'Iturée, ce qui remplit l'âme, c'est la joie de retrouver les travaux de  l'homme et les bénédictions du ciel. Depuis l'antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours, toute cette zone, qui entoure Damas de fraîcheur et de bien-être, n'a eu qu'un nom, n'a inspiré qu'un rêve, celui du “paradis de Dieu”.[200] » Damas dominait sur les villes éparses par la plaine et sur les villages nichés à perte de vue dans les gorges de l'Hermon, sur Abila, sur Khelbon, la cité des vins, et sur quelques petits États voisins, Rohob, Maakha, Gessour, échelonnés dans la vallée du haut Jourdain. Elle prospérait à l'écart des armées et sous la protection de ses montagnes, comme endormie à l'ombre de ses vignes et de ses figuiers.

Au delà de l'Euphrate commençait, sinon l'empire chaldéen, au moins le territoire placé plus ou moins directement sous l'influence des maîtres de la Chaldée. Après quelques années d'hégémonie incontestée vers 2100[201], l'Élam avait vu surgir à Babylone vers 2060 une dynastie peut-être amorrhéenne d'origine, dont les premiers membres, Shoumouabîm et ses successeurs, lui reprirent peu à peu les cités du nord. Les péripéties de la lutte nous échappent encore, mais c'était sans doute un de ceux qui y furent mêlés, ce Koutour-Lagamer qui envahit la Syrie avec ses vassaux Amraphel, roi de Sinéar, Ariokh, roi d'Elassar, et Thargal, roi des Goutim. Il battit les princes confédérés contre lui, et il leur imposa le tribut pendant douze années consécutives. La treizième fut marquée par un soulèvement général : il accourut, vainquit les révoltés dans la vallée de Siddim et pilla leurs villes. La tradition hébraïque s'empara de ce fait et y mêla assez maladroitement l'un des chefs mythiques de la race juive : Abraham aurait assailli le vainqueur à l'improviste, pendant sa retraite, et il lui aurait infligé une légère défaite[202]. Un autre prince appartenant à la même dynastie, Koutour-Mabouk, conduisit encore une expédition en Syrie ; mais il fut battu près d'Ourou par Sinmouballit de Babylone, et il ne se maintint qu'avec peine dans les cantons du Midi. Hammourabi, successeur de Sinmouballit vers 1980, réussit enfin à l'expulser des régions de l'Euphrate : il lui enleva Ourou en l'an XXX de son règne, l'Emoutbal en l'an XXXI, et il le contraignit à se réfugier dans les provinces orientales de l'Élam. Ce fut pour les cités sumériennes la fin de l'autonomie : les Sémites prirent l'ascendant sur les anciennes populations de la Mésopotamie, et ils le conservèrent jus qu'aux derniers instants de la monarchie chaldéenne. Hammourabi se montra aussi actif dans la paix qu'il l'avait été dans la guerre. Nous savons déjà qu'il rassembla les lois édictées par ses prédécesseurs et qu'il les promulgua de nouveau en forme de Code. Il rectifia et compléta le système d'irrigation entre les deux fleuves, il régla le cours de l'Euphrate et celui du Nil, il fit de Babylone une ville digne d'être la capitale d'un empire puissant. Lui mort, Rimsin s'imagina que l'occasion était favorable à regagner le terrain perdu et il reparut en Chaldée, mais, vaincu par Samsouilouna, il périt les armes à la main et sa défaite mit pour longtemps l'Élam hors d'état de nuire à ses voisins. Toutefois, l'ébranlement causé en Mésopotamie par son invasion avait été tel que le prince des pays de la mer, Houmailoum, put se déclarer indépendant vers 1900 : deux dynasties rivales subsistèrent à côté l'une de l'autre, pendant plus d'un siècle, celle des descendants de Hammourabi au Nord, celle des fils d'Houmailoum au Sud, puis vers 1761, la première fut renversée par les Kashshou, l'une de ces tribus pillardes qui habitaient les régions montagneuses situées à l'Est du Tigre[203]. Leur chef Gandish s'établit solidement dans la Chaldée du Nord, et sous son troisième successeur Kashtiliash, le dernier roi de la deuxième dynastie, Eâgamil, ayant été tué vers 1720 pendant une campagne en Élam, Oulambouriash, frère de Kashtiliash, s'empara des pays où elle avait régné : son pouvoir fut éphémère, et Agoum, fils de Kashtiliash, réunit la région de la mer à son domaine[204]. La famille cassite végéta sans grand éclat pendant plusieurs siècles. Le nom qu'elle imposa au pays Kardouniash, la forteresse du dieu Douniash, lui survécut pourtant, et assura pour la suite des siècles le souvenir de sa domination. Si nous possédions d'une manière complète les annales de cette époque, nous n'y trouverions guère que la mention de révoltes contre l'autorité centrale, interrompues çà et là par des conflits sanglants avec les Élamites et avec les Araméens, l'indication de temples fondés ou restaurés, de canaux nettoyés ou tracés à nouveau. La Chaldée, repliée sur elle-même, avait perdu les conquêtes lointaines de Shargina, de Naramsin et de Hammourabi.

Cependant, au nord et dans les pays jusqu'alors occupés par les Goutim, venaient de surgir en plein jour une ville et un État, obscurs naguère encore, Elassar et le royaume d'Assour. Elassar[205] était construite sur la rive gauche du Tigre, à soixante kilomètres au-dessus de la jonction du fleuve avec le Zab inférieur. Sur l'autre rive, mais plus haut vers la source, au delà du Zab supérieur, on rencontrait la forteresse de Ninive[206]. Le pays d'Assour, gouverné par des souverains pontifes, relevait de la Chaldée. Ses premiers princes connus, Oushpia, Erishoum, Ekounoum, Belkapkapou et son fils Shamshiadad 1er, Ismidagân et son fils Shamshiadad II, ne sont pour nous que des noms : ils vivaient entre 2000 et 1600 de notre ère, et les derniers d'entre eux furent contemporains des premiers Pharaons de la dix-huitième dynastie. Leurs successeurs, sinon eux-mêmes, étaient destinés à sentir bientôt le poids de la puissance thébaine.

La dix-huitième dynastie.

Il serait curieux de connaître l'impression que ce monde produisit sur les premiers Égyptiens qui s'y aventurèrent. Par malheur, le récit des campagnes d'Aménôthés et de Thoutmosis 1er n'est pas arrivé jusqu'à nous. Nous savons seulement que, dès l'an I de son règne, Thoutmosis poussa jusqu'au nord de la Syrie[207], et qu'il érigea des stèles triomphales sur les bords de l'Euphrate[208], probablement dans les environs de Gargamish. Cette campagne, ou plutôt ce voyage de découverte, régla l'itinéraire que les armées de Pharaon devaient suivre désormais dans toutes leurs guerres, sans presque jamais s'en écarter. Au sortir d'Égypte elles marchaient sur Raphia, la plus méridionale des forteresses syriennes, de là sur Gaza, Ascalon, Ierza[209] et Iouhmou[210]. C'était le chemin ordinaire des caravanes : il menait droit au but, laissant un peu sur la gauche le port de Joppé et ses jardins délicieux[211], sur la droite la masse confuse des monts Amorrhéens. Prés d'Arouna[212], il s'enfonçait dans les gorges du Carmel, puis il reparaissait dans la plaine, presque au nord de Taanakou, une des cités royales des Cananéens, et, quelques milles plus loin, il atteignait Mageddo[213]. Mais cette voie, la plus directe et la plus commode pour des marchands, n'était pas sans danger pour une armée. Les défilés du Carmel étaient si étroits qu'en certains endroits les soldats étaient obligés de s'y glisser un à un[214] : quelques hommes résolus pouvaient y défier un adversaire nombreux. Une autre route plus longue, mais moins périlleuse, tournait cette barrière formidable. Elle se détachait de la première à la hauteur du bourg actuel de Kakôn, courait vers la droite, à travers les monts Amorrhéens, débouchait dans la plaine d'Iesréel et aboutissait en arrière de Mageddo, dans la direction de Zafiti[215]. Mageddo, bâtie au bord du torrent de Qina, barrait les approches du Liban et ouvrait ou fermait à volonté l'accès de la Cœlé-Syrie aux bandes qui montaient vers l'Euphrate. Aussi la vit-on en première ligne dans toutes les guerres des Égyptiens en Asie : elle fût le point de ralliement des forces cananéennes et le poste avancé des peuples septentrionaux contre les attaques venues du Midi. Une victoire remportée sous ses murs livrait la Palestine entière au vainqueur et lui permettait de continuer vers l'Oronte.

Mageddo entre leurs mains, les Égyptiens débordaient le Thabor, traversaient les régions montueuses qui séparent le haut Jourdain de la côte phénicienne et descendaient dans la Bekaa, non loin du bourg actuel de Ghazzé. Ils cheminaient d'abord le long du Nazana, non loin de Tibekhat (Baalbek), puis ils côtoyaient l'Oronte jusqu'à Hamath. Qodshou (Kadesh) la Grande était la plus importante des places qu'ils rencontraient au passage. Bâtie dans un des replis de l'Oronte naissant[216], elle était tombée au pouvoir des Amorrhéens, et elle était devenue l'une de leurs capitales, un des remparts de leur puissance contre Pharaon. Les chefs syriens, battus à Mageddo, rétrogradaient d'ordinaire jusqu'à elle et ils livraient leur seconde bataille sous ses murs. Vaincus encore, ils n'avaient plus d'autre ressource que de se disperser et de s'enfermer chacun dans sa forteresse. Les Égyptiens, lancés sur leur piste, longeaient l'Oronte, obliquaient à droite et gagnaient Khaloupou et Patina (Batanæ)[217]. De là à Gargamish, il y avait quelques heures de marche, sans plus.

Les peuples situés de chaque côté de cette route militaire reconnurent l'autorité des Pharaons et furent incorporés à leur domaine. Les uns, à l'exemple des Phéniciens, acceptèrent le joug presque sans combat ; il fallut, pour dompter les autres, de longues guerres et des batailles acharnées. Aussi bien ne peut-on guère se représenter la puissance égyptienne comme quelque chose d'analogue à ce que fut plus tard la romaine. La Syrie, la Phénicie, l'Arabie, l'Éthiopie ne constituèrent jamais des provinces assimilées aux nomes de l'Égypte et administrées par des officiers de race égyptienne. Elles gardèrent leurs anciennes lois, leurs anciennes religions, leurs anciennes coutumes, leurs dynasties ; elles restèrent, en un mot, ce qu'elles étaient avant la conquête. C'était une sorte d'empire féodal, dont le Pharaon était le suzerain et les chefs syriens ou nègres les grands vassaux. Les vassaux devaient hommage au suzerain, lui payaient tribut, accordaient à ses troupes el refusaient à ses ennemis l'accès de leur territoire. Ils étaient surveillés par des garnisons égyptiennes postées dans les forteresses principales, et des envoyés de Pharaon les inspectaient à des intervalles assez rapprochés, mais somme toute, ils demeuraient maîtres chez eux et ils pouvaient batailler les uns contre les autres, signer la paix, contracter des alliances, régler à leur guise leurs affaires intérieures, sans que le suzerain songeât à s'y opposer. Une domination organisée de la sorte n'était pas des plus solides. Tant que le pouvoir suprême était aux mains d'un prince énergique, ou plutôt, tant que le souvenir de la défaite subsistait assez vivant dans l'esprit des vaincus pour étouffer leurs velléités d'indépendance, les chefs se montraient fidèles à leurs promesses, et ils payaient l'impôt. Mais la mort du souverain régnant et l'avènement d'un souverain plus jeune, un échec ou simplement le bruit d'un échec subi par les généraux égyptiens, le moindre événement suffisait à provoquer des défections ; une coalition se nouait sur quelques points du territoire. Une ou deux batailles en avaient raison : les alliés se débandaient et couraient se retrancher d'ordinaire chacun dans son château. Les Égyptiens ne rencontraient plus devant eux de grandes armées ; ils devaient attaquer les chefs rebelles l'un après l'autre, et les assiéger longuement avant de les forcer. C'est en vain qu'ils procédaient alors par moyens de rigueur, saccageaient les campagnes, volaient les troupeaux, rasaient les bastilles, mettaient les villes à feu et à sang, déposaient et condamnaient les princes au supplice, emmenaient des tribus entières en esclavage : rien n'y faisait. La révolte renaissait plus obstinée, sitôt que les peuples ou les cités croyaient voir quelque faiblesse se manifester chez leurs seigneurs égyptiens[218].

De tous les enfants que Thoutmosis 1er avait eus de sa femme légitime Ahmôsis[219], un seul avait vécu, une fille, Hashopsouitou. Quelque temps avant sa mort, il la couronna roi, et il la maria au fils, Thoutmosis II, que lui avait donné une des femmes de son harem[220]. Le règne de Thoutmosis II dura quelques années à peine et ne fut illustré par aucun événement considérable. Quelques expéditions contre les Syriens et contre les Nègres confirmèrent sa suprématie sur l'Asie et sur l'Éthiopie[221]. Les tribus de la Nubie, sans cesse agitées depuis l'époque d'Ahmôsis 1er, semblèrent enfin se résigner à la perte de leur liberté. Leur pays, partagé en nomes sur le modèle de l'Égypte, fut érigé en une vice-royauté, qui s'agrandit au détriment des peuplades éthiopiennes et qui s'étendit de la première cataracte aux montagnes d'Abyssinie. D'abord confié à de grands fonctionnaires, ce gouvernement devint une des charges les plus importantes de l'État, et l'usage prévalut à la cour d'y nommer l'héritier de la couronne avec le titre de prince de Koush[222]. Quelquefois le titre était purement honorifique : le jeune prince demeurait auprès de son père, tandis qu'un lieutenant administrait pour lui. Souvent il gouvernait lui-même et il faisait l'apprentissage de son métier de roi dans les régions du Haut-Nil. Aussi bien Horus, fils d'Osiris, avait commencé par régner là, avant de déclarer la guerre à Sit et de venger son père : débuter comme Horus, et diriger une expédition contre les premiers ennemis qu'il avait combattus, était pour le futur maître de l'Égypte marquer une fois de plus la réalité de sa descendance divine.

La reine Hatshopsouitou tenait, du chef de sa mère Ahmôsis et de sa grand-mère Ahhotpou, des droits supérieurs même à ceux de son père et de son mari. Elle était, aux yeux de la nation, l'héritière légitime du trône et le représentant directe des dynasties anciennes. Aussi, quand Thoutmosis 1er l'appela à la régence[223], sur la fin de ses jours, la raison d'État eut au moins autant de part à sa résolution que l'affection paternelle. L'autorité de la reine, consacrée par le chef de la famille, ne fit que s'accroître pendant la vie de Thoutmosis II. Celui-ci n'avait eu d'elle que des filles dont l'une était officiellement l'héritière, mais un enfant mâle lui était né d'une concubine du nom d’Isis[224], un Thoutmosis, qu'il élevait pour le sacerdoce, dans le temple d'Amon thébain. Avant de mourir, il associa solennellement au trône ce fils à demi illégitime, et il le plaça sous la tutelle d'Hatshopsouitou. Celle-ci le maria à sa fille Hatshopsouitou-Marirî, le seul enfant qui survécût de son union avec Thoutmosis II[225], mais elle ne lui laissa pendant longtemps que l'apparence du pouvoir dont elle se réservait la réalité. Elle construisit et dédia des temples, offrit le sacrifice royal, décida de la paix et de la guerre : elle alla jusqu'à se faire représenter en homme, avec la barbe postiche des souverains. Elle sut d'ailleurs conserver intacte la domination sur les pays du Sud et du Nord, reçut, comme son père, les tributs de la Syrie, recommença l'exploitation des mines du Sinaï[226], et explora le Tonoutir, où nul Égyptien n'avait posé le pied. Le Tonoutir confinait au Pouanit et comprenait toutes les régions inconnues situées au sud-est de l'Égypte, sur les côtes de l'Afrique et de l'Arabie. Hatshopsouitou, sur l'ordre d'Amon, résolut de « connaître la terre de Pouanit, jusqu'aux extrémités du Tonoutir », et d'en tirer directement par mer les bois de luxe, l'ivoire, les gommes, les aromates, l'or, l'argent, le lapis-lazuli, les pierreries, toutes les denrées précieuses dont l'Égypte avait besoin pour son culte et pour son industrie. Elle lança sur la mer Rouge une escadre de cinq vaisseaux[227], qu'un voyage heureux mena aux Échelles de l'Encens, sur la côte du pays des Aromates, à peu de distance du cap Guardafui. Les Égyptiens, descendus à terre, dressèrent une tente, dans laquelle ils entassèrent leurs pacotilles pour les échanger contre les produits du crû. Les indigènes appartenaient à la même race que les Koushites de l'Arabie méridionale et de la Nubie. Ils étaient grands, élancés, d'une couleur qui varie entre le rouge brique et le brun presque noir. Leur chef, nommé Parihou[228], avait le boumerang à la main, le poignard à la ceinture, un collier de verroterie au cou ; sa jambe droite était emboîtée dans de larges anneaux en métal jaune, probablement de l'or. Sa femme Ati et sa fille présentaient un aspect bizarre : la mère n'était qu'un amas de chairs pendantes, et la fille menaçait de ressembler à la mère. Rien n'est plus disgracieux à notre sens, mais les gens du Tonoutir étaient de ces peuples aux yeux desquels ce boursouflement paraît l'idéal de la beauté féminine[229]. Les principales conditions du marché se réglèrent probablement dans un banquet, où l'on servit aux barbares toutes les délicatesses de la cuisine égyptienne. Les envoyés reçurent d'eux, entre autres objets rares, trente-deux arbrisseaux à parfum, disposés dans des paniers avec des mottes de terre. Hatshopsouitou les planta par la suite dans ses jardins de Thèbes : c'est je crois, le premier essai connu d'acclimatation[230]. Cette expédition avait eu lieu en l'an IX du règne officiel de Thoutmosis III[231] : la régente mourut vers l'an XX, et son neveu, depuis longtemps parvenu à l'âge d'homme, demeura seul sur le trône.

Il n'avait eu jusqu'alors que les titres et l'appareil de la royauté : à peine en possession du pouvoir réel, il se lança dans les guerres de conquêtes et dans les expéditions lointaines. L'effort de ses premières armes se concentra sur Syrie. « Pendant des années, le pays des Routonou avait été en discorde : chacun se battait contre son voisin grand ou petit », et l'autorité de l'Égypte s'était affaiblie au milieu de ces révoltes. Thoutmosis III assembla son armée, et quitta Zarou, sur la frontière du Delta, le 25 Pharmouti. Arrivé à Gaza le 3 Pakhons, il y séjourna le temps de célébrer l'anniversaire de son couronnement et d'inaugurer, au milieu des fêtes, la vingt-troisième année de son règne. Les jours suivants, il marcha lentement : le 16, il n'était encore qu'à Iouhmou, à une vingtaine de lieues au nord de Gaza, et il y attendait les rapports de ses éclaireurs pour régler définitivement son plan de campagne. Il apprit enfin que le prince de Qodshou était entré à Mageddo, avec les contingents des confédérés, et qu'il s'y fortifiait. Il réunit aussitôt ses généraux et il leur communiqua les dépêches qu'il venait de recevoir. Quelques-uns d'entre eux, redoutant les dangers que présentait le passage des défilés auprès d'Arouna, déclarèrent qu'il fallait tourner la position, par les sentiers qui menaient vers Zafiti. Thoutmosis rejeta avec indignation leur avis qu'il trouvait entaché de lâcheté. « Par ma vie, par l'amour que Râ a pour moi, par la faveur dont je jouis auprès de mon père Amon, je passerai par ce chemin d'Arouna, soit qu'il y en ait parmi vous à qui il plaise d'aller par les autres chemins dont vous m'avez parlé, soit qu'il y en ait parmi vous à qui il plaise de me suivre. Car que dirait-on chez ces vils ennemis que Râ déteste : “Est-ce que Pharaon ne passe pas un autre chemin ? Il s'écarte par peur de nous ?” voilà ce qu'ils diraient. » On répondit au roi : « Ton père Amon te protège. Nous te suivrons en tout lieu où tu passeras, comme il convient que des serviteurs suivent leur maître. » Trois jours de marches forcées l'amenèrent au bourg d'Arouna. Le 20, de grand matin, il franchit le col, sans avoir heureusement à surmonter d'autre obstacle que la difficulté du terrain, s'arrêta un instant sur le versant septentrional de la montagne, afin de rallier son arrière-garde attardée, et déboucha en plaine, vers la septième heure. Comme il était trop tard pour rien entreprendre le jour même, il établit son camp au bord du Qina, en face du camp ennemi.

Le 21, dés l'aube, l'armée égyptienne se rangea en bataille. La droite s'appuyait au torrent, la gauche se déployait en plaine jusqu'au  nord-ouest de Mageddo, sans doute afin de déborder l'ennemi et de le refouler sous les murs de la ville : le roi était au centre. Les Syriens, enfoncés après une courte mêlée, furent saisis de panique. Ils abandonnèrent leurs chars et leurs chevaux et s'enfuirent dans la direction de Mageddo ; comme ils se précipitaient pour se réfugier dans l'enceinte, la garnison, craignant de voir les Égyptiens entrer après eux, leur ferma les portes. C'est au plus si l'on consentit à hisser les généraux sur le rempart au moyen de cordes. « Et certes, plût à Dieu que les soldats de sa Majesté ne se fussent pas laissés aller à prendre les dépouilles des ennemis Ils eussent pénétré dans Mageddo à l'instant. » La cupidité des Égyptiens sauva les vaincus ; il n'y eut que quatre-vingt-trois morts et cent quarante prisonniers, mais on recueillit sur le champ de bataille deux mille cent trente-deux chevaux, neuf cent quatre-vingt-quatorze chars et tout le butin que les Asiatiques avaient abandonné dans la déroute. Le soir même, l'armée victorieuse défila devant Thoutmosis III et déposa les dépouilles à ses pieds. Il répondit à cet hommage par un discours de reproches : « Si ensuite vous aviez pris Mageddo, c'eût été une bien grande faveur que mon père Râ m'eût accordée en ce jour ; car tous les chefs du pays sont enfermés en elle, si bien que c'est prendre mille villes que prendre Mageddo. » La place, investie sans délai, capitula bientôt, et sa chute décida du succès de la campagne. Les chefs de la Syrie se hâtèrent de payer le tribut et de prêter le serment de fidélité[232].

Trois expéditions successives, de l'an XXIV à l'an XXVIII, complétèrent la soumission de la Syrie et de la Phénicie méridionales. En l'an XXIX, Thoutmosis III était au coeur du Naharanna, entre l'Euphrate et l'Oronte. Tounipou, Gargamish[233] et les districts à l'ouest de Khaloupou furent pillés consciencieusement pour la gloire d'Amon Thébain : or, argent, bronze, lapis-lazuli, tout ce que renfermait le trésor des princes hittites passa dans les coffres du dieu. Le roi revenait vers l'Égypte, « le coeur joyeux », lorsqu'il s'avisa que le Zahi[234], placé à l'écart des voies militaires, était une proie facile à saisir et de riche butin : les caves regorgeaient de vin, les greniers étaient pleins de blé, même la moisson n'était pas entamée, et les arbres étaient encore chargés de leurs fruits. Il obliqua donc vers l'est et fondit à l'improviste sur le territoire d'Arad. Ce fut une razzia plutôt qu'une guerre en règle : la ville échappa grâce à son fossé de mer, mais ses récoltes furent détruites, ses vergers saccagés, ses bestiaux emmenés, et tout le Zahi brûlé à plaisir. L'abondance fut telle au camp du vainqueur, que les soldats purent se servir d'huile d'olive chaque jour, luxe qu’ils ne s'accordaient en Égypte qu'aux jours de fête[235]. Ils reparurent l'année suivante avec le même succès. Qodshou, Simyra, les deux Arad, les villages du Nisrona, tombèrent l'une après l'autre, et les chefs durent livrer leurs fils en otages. La campagne se prolongea jusqu’en XXXI, et, le 3 Pachons, le roi célébra l'anniversaire de son avènement par le recensement des prises faites sur l'ennemi : outre le tribut annuel, les chefs des Routonou s'engagèrent à fournir de provisions toutes les stations où arrivaient Pharaon et son armée[236]. Deux années après, le Naharanna eut son tour. Le prince des Hittites affronta le choc de pied ferme, mais le sort des armes ne lui fut pas favorable : Thoutmosis III enfonça les Asiatiques et les poursuivit longuement, « sans qu'aucun d'eux osât regarder derrière soi, mais ils ne songeaient qu'à fuir, en bondissant comme un troupeau de bouquetins ». Pour éterniser le souvenir de celle victoire, il éleva deux stèles, probablement auprès de Gargamish, l'une à l'orient du fleuve, l'autre auprès du cippe que son père, Thoutmosis 1er, avait consacré presque un demi-siècle auparavant. Au retour, il s'empara de Nii[237], et un épisode curieux signala son séjour dans cette ville. C'était l'usage et le devoir des rois égyptiens de détruire les bêtes féroces, et nous connaissons tel d'entre eux, Aménôthés III, par exemple, qui se vante d'avoir tué cent deux lions de sa propre main, pendant les dix premières années de son règne : Thoutmosis III pourchassa les éléphants et il en massacra cent vingt[238]. Tous les peuples de la Syrie durent s'incliner l'un après l'autre devant la puissance irrésistible du Pharaon, les Lamnanou[239], les Khati, les gens de Singara, ceux d'Asi[240] : leurs révoltes réitérées n'aboutirent qu'à alourdir le joug qui pesait sur eux. Une coalition, à la tête de laquelle le prince de Naharanna figura en l'an XXXVII, fut dissoute non loin d'Alouna, après une bataille sanglante[241]. L'année d'après, la ville d'Ono-Gasou succomba à son tour. En l'an XLI, la Cœlé-Syrie endura tout le poids de la guerre. Enfin, Qodshou fut assiégée en l'an XLII[242], et son chef eut vainement recours pour se défendre aux ruses qu'autorisait la stratégie du temps : il fit sortir une cavale de la ville et la lança à travers les rangs de l'armée égyptienne, espérant y jeter le désordre. Un des écuyers du roi, Amenemhabi, courut au-devant de la bête furieuse, l'abattit d'un coup d'épée et en offrit la queue à son maître, comme trophée. Qodshou fut emportée d'assaut et abandonnée à la fureur des soldats[243].

En Éthiopie, il ne se passait guère d'année où le vice-roi n'eût affaire aux Ouaouaïtou. Les tribus du Haut-Nil, habituées de longue date à trembler devant Pharaon, lâchaient pied à la moindre alerte et se réfugiaient dans la brousse, sur la montagne ou dans les marais ; on occupait les villages déserts, on incendiait les cabanes, on saisissait quelques prisonniers, on ramassait les troupeaux et les objets précieux, bois d'ornement, peaux, poudre et lingots d'or, vases de métal émaillés ou ciselés, plumes d'autruche, que les pauvres gens n'avaient pas eu le temps de cacher ou d'enlever avec eux, puis on rentrait triomphalement en Égypte après quelques semaines de brigandages faciles. Au Sud comme au Nord, le long règne de Thoutmosis III ne fut qu'une série de guerres toujours heureuses : aussi n'est-ce pas sans raison qu'on a prêté à ce prince le nom de Grand. Sans cesse en course d'une extrémité de son empire à l'autre, une année sous les murs de Gargamish et l'année d'après au fond de l'Éthiopie, il légua à ses successeurs le monde égyptien plus large qu'il ne l'avait reçu et tel qu'il ne fut jamais après lui ; quoi d'étonnant si ses hauts faits ont inspiré dignement les poètes assemblés à sa cour !

« Je suis venu, » lui dit le dieu Amon sur une stèle découverte à Karnak, « je suis venu, je t'accorde d'écraser les princes de Zahi ; je les jette sous tes pieds à travers leurs contrées ; - je leur fais voir ta majesté telle qu'un seigneur de lumière, lorsque tu brilles sur leurs têtes comme mon image.

« Je suis venu, je t'accorde d'écraser les barbares d'Asie, d'emmener en captivité les chefs des peuples Routonou ; - je leur fais voir ta majesté, couverte de ta parure de guerre, quand tu saisis tes armes, sur le char.

« Je suis venu, je t'accorde d'écraser la terre d'Orient ; Kafti et Asi sont sous ta terreur ; - je leur fais voir ta majesté comme un taureau jeune, ferme de coeur, muni de ses cornes, auquel on n'a pu résister.

« Je suis venu, je t'accorde d'écraser les peuples qui résident dans leurs ports, et les régions de Mitanou tremblent sous ta terreur ; - je leur fais voir ta majesté comme l'hippopotame, seigneur de l'épouvante, sur les eaux, et qu'on n'a pu approcher.

« Je suis venu, je t'accorde d'écraser les peuples qui résident dans leurs îles ; ceux qui vivent au sein de la mer sont sous ton rugissement ; - je leur fais voir ta majesté comme un vengeur qui se dresse sur le dos de sa victime.

« Je suis venu, je t'accorde d'écraser les Tahonou ; les îles des Danaens sont au pouvoir de ton esprit ; - je leur fais voir ta majesté telle qu'un lion furieux qui se couche sur leurs cadavres à travers leurs vallées.

« Je suis venu, je t'accorde d'écraser les contrées maritimes, tout le pourtour de la grande zone des eaux est lié à ton poing ; - je leur fais voir ta majesté telle que le maître de l'aile (l'épervier), qui embrasse en un clin d'oeil ce qui lui plaît.

« Je suis venu, je t'accorde d'écraser les peuples qui résident dans leurs lagunes, de lier les maîtres des sables (Hiroushaïtou) en captivité ; - je leur fais voir ta majesté semblable au chacal du midi, seigneur de vitesse, coureur qui rôde à travers les deux régions.

« Je suis venu, je t'accorde d'écraser les barbares de Nubie ; jusqu'au peuple de Pout, tout est dans ta main ; - je leur fais voir ta majesté semblable à tes deux frères, Horus et Sit, dont j'ai réuni les bras pour assurer ta puissance.[244] »

Tant de succès frappèrent vivement l'imagination du peuple : Thoutmosis III tourna bientôt au héros de roman, comme le vieux Kheops et comme Ousirtasen 1er. Une seule nous est parvenue des mille et une légendes qui circulaient sur son compte quelques siècles après lui. Le prince de Joppé s'était révolté et battait la campagne. Pharaon, que sa grandeur attachait sans doute aux rivages du Nil, ne daigna pas marcher de sa personne contre lui : il envoya à la rescousse l'illustre Thoutii, un de ses généraux les plus braves. Thoutii attire le prince dans son camp, sous prétexte de lui montrer la canne magique du roi d'Égypte, et le tue. Mais ce n'est pas assez de s'être débarrassé de lui, il faut avoir raison de sa ville. Thoutii enferme cinq cents soldats dans des jarres, les transporte jusque sous les murs, et là contraint l'écuyer du prince à déclarer que les Égyptiens ont été défaits et qu'on ramène leur général prisonnier. On le croit, on ouvre les portes, les soldats sortent de leurs pots, et s'emparent de la place. C'est l'histoire d'Ali-Baba et des quarante voleurs habillée à l'égyptienne. Aussi bien, dès la XXe dynastie, Thoutmosis III était devenu le roi à qui l'on attribuait toutes les guerres, tous les exploits, toutes les victoires, qui avaient fait la grandeur de l'Égypte. Plus tard sa renommée s'effaça devant celle de Ramsès II, et son nom disparut si bien de la mémoire des hommes, qu'on ne le connaîtrait plus, si nos contemporains n'étaient allés le déchiffrer parmi les ruines[245].

Il mourut le dernier jour de Phamenoth, dans la cinquante-cinquième année de son règne[246], et il fut enseveli à Thébes par son fils Aménôthés II. Les chefs Syriens crurent le moment propice à rompre leur chaîne et saluèrent par une révolte l'avènement de celui-ci. Le châtiment fut prompt et complet. Aménôthés dévasta les districts du haut Jourdain, « comme un lion terrible qui met en fuite les pays[247] ». Le 26 Tybi, il franchit l'Oronte[248], et s'avança afin de reconnaître les approches d'Anato ; « quelques Asiatiques vinrent à cheval pour l'empêcher de passer outre, mais il se para  de ses armes de guerre, et sa  prouesse égala la puissance mystérieuse de Sit en son heure : les barbares fléchirent dès que Sa Majesté regarda l'un d'eux, et s'enfuirent ». Le 10 Epiphi, il était devant Nii, qui se rendit sans combat : « les habitants, hommes et femmes, étaient sur les murs pour honorer Sa Majesté[249] ». D'autres places, comme celle d'Akiti, soutinrent un long siége, avant de céder. La révolte étouffée, Pharaon rentra dans la vallée triomphalement. Il avait, au cours de ses exploits, abattu et pris de sa main sept des chefs du pays de Takhisa pendant le voyage qui le ramena jusqu'à Thébes, ils étaient attachés à l'avant de sa barque. Six d'entre eux furent sacrifiés solennellement devant Amon, leurs têtes et leurs mains exposées sur les murs du temple de Karnak ; le septième fut traîné â Napata et traité de la même manière, pour servir d'exemple aux princes éthiopiens et pour leur apprendre à respecter l'autorité du maître[250]. Une insurrection des tribus qui habitaient le désert et les Oasis, à l'orient de l'Égypte, fut réprimée de même par Amenemhabi, qui remplissait auprès d'Aménôthés II la même fonction d'écuyer qu'auprès de Thoutmosis III[251]. L'empire était en bonnes mains : Thoutmosis IV, fils d'Aménôthés, commanda le respect aux étrangers par des expéditions heureuses en Syrie et en Ethiopie[252]. Sous Aménôthés III, qui succéda à Thoutmosis IV, les limites de la domination égyptienne étaient fixées vers l'Euphrate au nord, au sud vers le pays des Gallas[253]. Les roitelets syriens, jadis si turbulents, étaient résignés à leur sort et offraient leurs filles à Pharaon pour qu'il en ornât son harem[254]. La conquête paraissait terminée, au moins en Asie, et la correspondance des princes vassaux avec les gouverneurs égyptiens ne contient que des protestations de dévouement ou des mentions de brigandages sans importance. Les guerres n'étaient plus que des razzias, des chasses à l'esclave, entreprises pour recruter la population ouvrière et pour subvenir aux constructions du maître[255].

Les premiers rois de la dix-huitième dynastie, Ahmôsis et Aménôthés 1er, avaient eu assez à faire de chasser les Pasteurs et de réorganiser le gouvernement. Ils se bornèrent à rouvrir les carrières voisines de Memphis[256] et à réparer les temples qui avaient souffert le plus pendant l'invasion et la guerre de l'indépendance. Thoutmosis 1er, au retour de son expédition d'Asie, employa comme maçons les nombreux prisonniers qu'il ramenait à sa suite et commença des travaux, que ses successeurs continuèrent sans interruption. Toute la vallée du Nil, depuis la quatrième cataracte jusqu'à la mer, se couvrit de monuments. La Nubie fut aussi bien partagée à cet égard que l'Égypte elle-même. A Napata, aux pieds de la Colline Sainte, Aménôthés III fonda un temple superbe dont les avenues sont bordées de béliers accroupis, en guise de sphinx ; il embellit aussi l'édifice élevé par Thoutmosis III à Soleb, entre la deuxième et la troisième cataracte. Thoutmosis III restaura, en son propre nom, le sanctuaire que le grand conquérant de la douzième dynastie, Sanouasrît III, avait consacré à Semnéh, et bâtit, près d'Amada, un temple de Râ, qui nous a conservé quelques-uns des textes historiques les plus curieux de l'époque[257]. A Éléphantine[258], à Ombos[259], à Esnéh[260], à Eilithyia[261], à Coptos[262], à Dendérah[263], à Abydos[264], à Memphis[265], à Héliopolis[266], dans la plupart des cités de l'Égypte propre, on reconnaît encore aujourd'hui les traces de l'activité des Pharaons de la dix-huitième dynastie. Seule Tanis, la capitale des rois Pasteurs et le centre du culte de Soutkhou, fut négligée par eux ; Ahmôsis l'avait démantelée, et ses descendants l'oublièrent systématiquement[267].

Au temps des rois memphites, Thèbes n'était qu'une ville de province, sans autre monument d'importance qu'une chapelle dédiée à la triade d'Amon, Mout et Khonsou. Sur l'autre rive, à Drah abou'l-Neggah, se dressaient les pyramides funéraires des princes locaux et les tombeaux de leurs sujets. Les rois de la douzième dynastie s'employèrent de leur mieux à l'embellissement de leur capitale. Amenemhait 1er avait travaillé à l'Assassif[268] : Sanouasrît 1er commença, à Karnak, la construction d'un temple de granit et de grés, auquel Amenemhait II et Amenemhait III s'intéressèrent[269]. Quelques piliers et quelques pans de murs remaniés plus tard permettent, jusqu'à un certain point, d'en reconstituer le plan : c'était un édifice de petites dimensions, à colonnes polygonales comme les piliers de Béni-Hassan. Il était encore intact au commencement de la dix-huitième dynastie, quand Thoutmosis 1er, enrichi par la conquête de l'Éthiopie, songea à l'agrandir. Les architectes le conservèrent comme noyau de leurs plans nouveaux, mais ils ajoutèrent par devant deux chambres en granit, précédées de vastes cours ; puis trois pylônes échelonnés l'un derrière l'autre et réunis par deux salles hypostyles : le tout présentait l'aspect d'un vaste rectangle posé debout sur un autre rectangle allongé en travers. Thoutmosis II et Hatshopsouitou ne modifièrent pas cette conception ; seulement la régente, pour introduire ses obélisques entre les pylônes, pratiqua une brèche dans un mur déjà achevé et démolit seize des vingt-deux colonnes levées en cet endroit. Thoutmosis III termina les portions que ses prédécesseurs avaient laissées imparfaites, puis il répara à l'est d'anciennes chambres, dont la plus importante était employée comme reposoir lors des processions, enveloppa l'ensemble d'une muraille de pierre, creusa au sud le lac sur lequel on lançait les barques sacrées les jours de fête. Il rompit de la sorte la juste proportion qui avait existé jusqu'alors entre le sanctuaire et la façade : l'enceinte extérieure devint trop large pour le pylône. Aménôthés III corrigea ce défaut un siècle plus tard : il planta en avant du pylône extérieur un nouveau pylône plus épais, plus massif, partant plus propre à servir de façade au temple agrandi.

Un seul sanctuaire ne suffisant plus, il en fonda un second, au sud de Karnak, et le consacra au culte d'Amon. Les ruines en subsistent encore au bord du fleuve, à Louqsor, et elles sont réputées à bon droit l'un des chefs-d'oeuvre de l'architecture égyptienne. Sur la rive gauche du Nil, l'activité des souverains de la dix-huitième dynastie s'exerça librement, à l'Assassif, à Shéikh Abd-el-Gournah, à Médinet-Habou, à Deir-el-Baharî, où la reine Hatshopsouitou fit peindre et sculpter en détail sa campagne contre l'Arabie[270]. Devant le temple aujourd'hui ruiné d'Aménôthés III siégeaient deux statues colossales taillées chacune dans un seul bloc, et qui longtemps remplirent d'étonnement le monde ancien. L'une d'elles se brisa pendant le tremblement de terre de l'an 27 av. J.-C. La partie supérieure se détacha et elle s'écrasa en tombant sur le sol ; l'inférieure resta seule en place. Bientôt après, le bruit se répandit que des sons semblables à celui qu'une corde de harpe ou de lyre produit en se cassant[271], sortaient du socle, chaque matin, au lever du soleil. Les touristes accoururent, une légende merveilleuse circula de bouche en bouche. Malgré le témoignage des habitants de Thèbes[272], les Grecs se refusèrent à voir dans la statue vocale un colosse du Pharaon Aménôthés III. Elle était, à leurs yeux, un portrait de Memnon l'Éthiopien, fils de Tithon et de l'Aurore, qui, après la mort d'Hector, avait marché au secours de Priam contre les Grecs et avait été tué par Achille ; tous les matins, Memnon, en fils bien élevé, saluait sa mère d'une voix harmonieuse et pure. Vers le milieu du second siècle de notre ère, l'empereur Hadrien et l'impératrice Sabine entreprirent le voyage de la Haute Égypte pour entendre sa chanson miraculeuse. La popularité toujours croissante inspira enfin aux maîtres du monde le désir de rendre son intégrité à l'image ; sous Septime Sévère, elle fut restaurée à peu près telle qu'elle était avant sa chute, mais contre toute attente, elle se tut. « Je ne nie pas la réalité des harmonieux accords que tant de témoins affirment unanimement avoir entendu moduler par le merveilleux colosse aussitôt qu'il était frappé des premiers rayons du soleil. Je dirai seulement que, plusieurs fois, assis au lever de l'aurore sur les immenses genoux de Memnon, aucun accord musical sorti de sa bouche n'est venu distraire mon attention du mélancolique tableau que je contemplais, la plaine de Thébes, où gisent les membres épars de cette aînée des villes royales.[273] »

L'avènement et les hauts faits de la dix-huitième dynastie n'avaient pas seulement valu à Thébes la suprématie sur le territoire entier de l'Égypte ; elles avaient assuré au dieu thébain Amon la prééminence sur les dieux des autres cités. Amon avait profité, plus peut-être que les rois eux-mêmes, du butin recueilli au Nord et au Sud : chaque succès des armées lui valait une part considérable des dépouilles ramassées sur le champ de bataille, des tributs arrachés à l'ennemi, des prisonniers emmenés en esclavage. Ces richesses, accrues régulièrement de génération en génération, avaient fait du grand prêtre un personnage presque aussi important que le Pharaon : on aurait pu dire avec apparence de raison que, pour lui, et pour lui seul, les Égyptiens avaient entrepris la conquête de l'Asie. En même temps que la puissance matérielle, la puissance spirituelle s'accroissait sans relâche à voir le roi de Thèbes recevoir l'hommage de la terre, les prêtres s'étaient persuadés à eux-mêmes qu'Amon avait droit à l'hommage du ciel, et qu'il était le dieu réel, auprès duquel les autres dieux ne comptaient plus. Ils tirèrent des textes anciens, qui le renfermaient en germe, le dogme de l'unité divine et prétendirent l'imposer au reste du pays Amon, le seul dieu toujours et partout victorieux, devint pour eux le seul dieu[274], Les rois ne virent pas sans déplaisir ce développement de l'ambition sacerdotale et songèrent à se prémunir contre les tentatives d'usurpation qui pouvaient en résulter. Déjà Thoutmosis IV avait, à la suite d'un rêve surnaturel, désensablé le Sphinx de Gizeh et remis en vigueur le vieux culte d'Harmakhouîti, le soleil dans les deux horizons[275]. Aménôthés III, rallié à l'antique tradition héliopolitainne, transporta à Thèbes la religion d'Atonou, le disque solaire, et, l'an X de son règne, il institua à Karnak une fête en l'honneur de l'intrus[276]. Son fils Amenôthès IV poussa plus loin l'audace : pour venir à bout plus sûrement du dieu Thébain, il imagina d'enlever à Thébes le rang de capitale qu'elle détenait depuis vingt siècles, et d'imposer à son royaume une capitale nouvelle, dont le patron remplacerait Amon dans les prérogatives de dieu suprême. Peu de souverains ont été maltraités aussi piteusement par la postérité que ne l'a été Aménôthés IV : il semble que les historiens modernes aient eu à coeur d'aggraver les malédictions dont les prêtres thébains avaient chargé sa mémoire. Le grand nombre ne veut voir en lui qu'un fanatique exalté, les autres l'inculpent de folie, d'autres encore déclarent qu'il fut un simple eunuque. Sa mère Tii partage avec lui le privilège de fournir matière aux hypothèses les plus diverses : on s’accorde généralement à la croire étrangère, mais les uns affirment qu'elle était Sémite, les autres qu'elle était Libyenne. L'éducation étroite qu'elle aurait donnée à son fils aurait contribué à faire de celui-ci le personnage que l'on sait ; le dieu Atonou aurait été le dieu national de sa tribu, qu'elle aurait conspiré d'imposer à son pays d'adoption. Tii était pourtant une Égyptienne de vieille souche, comme l'indiquent son nom et celui de ses parents. Elle n'appartenait pas à la race royale, mais elle sortait d'une famille de simples particuliers : peut-être, si nous connaissions le fond de son histoire, n'y verrions-nous qu'un épisode de roman, un roi épousant par amour la bergère traditionnelle[277]. Aménôthés IV, en montant sur le trône, paraît avoir d'abord essayé d'avancer par la douceur la réforme politique et religieuse qu'il méditait. Tout en accentuant sa préférence pour le dieu Atonou, il continua à rendre publiquement hommage à son père Aménôthés et à l'Amon de Karnak[278]. Mais bientôt Thébes lui déplut : il la quitta, se retira dans la moyenne Égypte, et construisit, un peu au nord de Siout, sur la rive droite du fleuve, une ville où rien ne lui rappelait plus le souvenir du sacerdoce thébain. L'usage s'était introduit dès longtemps de confier au dieu de la métropole la protection des colonies nouvelles : l'Éthiopie, les Oasis, colonisées par Thèbes, avaient pour religion le culte thébain d'Amon[279]. Aménôthés IV proclama Atonou dieu de sa capitale, appela la ville Khoutniatonou, l'horizon du disque, et changea son propre nom, qui était une profession de foi en l'honneur d'Amon, en celui de Khouniatonou, splendeur du disque solaire. Un nome nouveau, dont les bornes-frontières sont encore en place[280], fut créé au détriment des nomes anciens de Kousît et de Khmounou. La ville, bâtie rapidement sur l'ordre du maître, devint, en peu de mois, grande et somptueuse : pendant quelques années, Thèbes et Memphis n'eurent plus que le second rang en Égypte.

La religion d'Atonou était une variante des religions de Râ, la plus ancienne probablement. Le disque devant lequel on se prosterne n'y était pas seulement, comme dans certains mythes solaires, le corps éclatant et visible de la divinité, il était le dieu lui-même. Ainsi est-ce à lui que les beaux hymnes gravés dans les tombeaux de Tell El-Amarna s'adressent exclusivement. C'est lui « qui n'a point de pareil et qui réjouit le monde de ses rayons. A peine levé à l'horizon oriental du ciel, il prodigue la vie à ses créatures, à l'homme, aux animaux qui ont quatre pattes, aux oiseaux, aux serpents, à tout ce qui se traîne sur terre et qui y vit[281] ». Les grands prêtres de Khoutniatonou adoptèrent le titre de grands prêtres de Râ, et leur culte fut réglé sur le culte de Râ, à Héliopolis[282]. Les peintures et les bas-reliefs nous montrent Atonou sous la figure d'un disque dont les rayons descendent vers la terre ; chacun d'eux est terminé par une main qui tient la croix ansée, symbole de vie. Partout où va le roi, le disque l'accompagne et répand sur lui sa bénédiction. Atonou n'est pas d'ailleurs une divinité exclusive. Il proscrit la religion d'Amon, et demande qu'on martèle le nom de son rival sur tous les monuments, là où on peut l'atteindre ; mais il respecte les autres dieux, Râ, Harmakhis, Horus, Osiris, Malt, qu'ils soient solaires ou non. Les préoccupations religieuses n'empêchèrent pas Khouniatonou d'être, à l'exemple de ses ancêtres, constructeur et conquérant. Il édifia un temple de son dieu à Memphis[283], un autre à Thébes, en face du sanctuaire de Karnak[284], d'autres en Éthiopie. Son règne dura au moins douze ans[285], et sa mort n'arrêta point d'abord le développement de l'oeuvre qu'il avait entreprise : ses gendres lui succédèrent l'un après l'autre, et pratiquèrent de leur mieux la religion du disque solaire. Bientôt cependant, Aï, le plus connu d'entre eux, suspendit les persécutions dont Amon avait été l'objet : il abandonna Khoutniatonou, où il s'était creusé un tombeau[286], et revint se faire enterrer à Thèbes, auprès d'Aménôthés III[287]. Son successeur Toutankhamonou était maître de l'Égypte entière et reçut publiquement l'hommage des peuples étrangers[288]. Mais, après lui, la guerre civile éclata : des princes éphémères[289], dont l'histoire ne nous a pas conservé le nom, se disputèrent le trône pendant quelques années, et la dix-huitième dynastie s'éteignit au milieu du désordre, sans qu'on sache quel fut son dernier roi.

La dix-neuvième dynastie : Sétoui 1er et Ramsès II.

La tentative d'Aménôthés IV avait été dirigée contre Thèbes et contre son dieu : la réaction se produisit à leur avantage. Harmhabi (Armaïs), dont nous ne connaissons pas l'origine[290], rétablit le culte d'Amou dans sa splendeur, rasa le temple d'Atonou et en employa les matériaux à ériger l'une des portes triomphales qui mènent au sanctuaire de Karnak ; le nom des adorateurs du disque fut martelé, et leurs monuments furent renversés de fond en comble. Le nouveau roi avait beaucoup à faire pour réparer les désastres des années précédentes : au dedans, toute la machine gouvernementale était démontée et refusait service; au dehors, les peuples vassaux avaient cessé de payer le tribut. La correspondance des seigneurs des cités asiatiques[291], nous montre comment, sous Aménôthés IV, l'empire asiatique de l'Égypte s'était presque perdu. Les nations de la Phénicie et de la Syrie centrale s'étaient révoltées à la faveur des discordes religieuses de l'Égypte, et les Khati profitant de leurs rebellions avaient arraché aux Égyptiens la Syrie septentrionale tout entière. Harmhabi réprima le brigandage, punit de mort les employés prévaricateurs[292], restitua aux temples les biens qui leur avaient été ravis, et fut bientôt assez puissant pour entreprendre des guerres au dehors. Il renoua les relations avec le Pouanit lointain[293], exécuta des razzias sur les tribus du haut Nil[294], et se vanta d'avoir soumis les mêmes populations syriennes que Thoutmosis III avait combattues[295]. Les renseignements précis manquent sur ses hauts faits, mais l'aspect de ses monuments, et ils sont nombreux, donne l'impression d'un règne glorieux, prospère et long[296]. On ne sait quand le sceptre passa aux mains de Ramsès 1er, ni comment ce prince était allié à son prédécesseur[297]. Après avoir servi sous Aï et sous Harmhabi, il s'assit sur le trône des Pharaons, dans un age assez avancé : une expédition de l'an II contre l'Éthiopie[298], une courte campagne contre les Syriens, terminée par un traité avec les Khati[299], remplirent honnêtement son règne. Au bout de deux ou trois années, il mourut, laissant pour successeur son fils Sétoui, le Séthosis des traditions grecques.

Dès les premiers jours, Sétoui s'annonça au dehors comme un conquérant. « On était venu dire à Sa Majesté : les vils Shasou ont tramé la révolte, les chefs de leurs tribus, assemblés en un seul lien et qui sont dans les régions de Kharou, ont été frappés d'aveuglement et d'esprit de violence, et chacun d'eux égorge son voisin[300] ». Sétoui franchit, au château de Zarou, le canal qui bornait l'Égypte et poussa droit vers l'Orient, à travers les ouadys dont cette partie du désert est sillonnée[301]. La longueur des étapes y est réglée encore aujourd'hui sur l'éloignement des sources : une forteresse, ou tout au moins une tour de garde, surveillait chacune des fontaines ou des mares qui jalonnaient la route, la forteresse du Lion, la tour (Maktel) de Sétoui 1er, la citerne de Sétoui 1er, etc. Partout où l'ennemi fit tête, il fut aisément dispersé, ses arbres détruits et ses moissons hachées impitoyablement : de station en station, les Égyptiens atteignirent les deux forts de Rabbiti et de Pakanana. Ce dernier, assis dans une assez belle position, auprès d'un petit lac, sur l'un des derniers plans des monts Amorrhéens, défendait l'accès d'un des cantons les plus riches que renferme la Syrie méridionale[302]. Il succomba au premier assaut, et toute la grasse vallée dont il barrait l'accès fut dévastée par les Égyptiens[303]. Ce premier succès en entraîna d'autres plus sérieux. Sétoui, remontant vers le nord, arriva au pied du Liban, où il força les Labnanou à couper leurs arbres et à les expédier en Égypte, pour les constructions qu'il avait commencées en l'honneur d'Amon[304]. De là il pénétra dans la vallée de l'Oronte, afin de se mesurer avec les Khati ; une victoire remportée sur ces ennemis traditionnels termina heureusement sa première campagne[305]. Sa rentrée fut une fête perpétuelle, depuis la frontière, où les barons et les prêtres l'accueillirent de leurs acclamations, jusqu'à Thèbes, où il offrit ses prisonniers à son père Amon[306] ; l'Égypte crut qu'elle revenait aux beaux temps des Thoutmosis et des Amenôthès. Par malheur, ces triomphes avaient plus d'apparence que de fond. L'état de l'Asie avait changé depuis un siècle. La Syrie méridionale, écrasée par le passage des armées, avait abandonné toute idée de résistance acharnée et se livrait presque sans combat. Les Phéniciens estimaient qu'un tribut volontaire coûtait moins qu'une guerre contre les Pharaons, et se consolaient amplement de la diminution de leur liberté en accaparant le commerce maritime du Delta. Mais, au nord, les Khati se montraient plus redoutables qu'ils n'avaient jamais été. Réunis tous sous le pouvoir d'un souverain unique, depuis la fin du règne d'Aménôthés III, non seulement ils avaient étendu leur suprématie sur tout le Naharanna, de Gargamish à Qodshou, mais ils avaient surmonté le Taurus et ils s'étaient introduits assez avant dans l'Asie Mineure. On ne sait jusqu'où ils y avaient porté leur domination : il semble cependant qu'elle ne dépassait pas le pays de Qodi[307], c'est-à-dire la plaine cilicienne de la Kataonie.

De toute manière, ils entrèrent en relations directes avec les peuples qui se partageaient alors les régions centrale et occidentale de la péninsule, les Lyciens, les Mysiens, les Dardaniens, les habitants d'Ilion et de Pédasos. Alliés aux uns, recrutant chez les autres des bandes de mercenaires, ils pouvaient ranger en ligne des forces capables de tenir tête à l'Égypte et de lui arracher ou du moins de lui disputer chèrement la victoire[308], Sétoui le vit bien lorsqu'il les assaillit de front : sans doute il n'eut pas de peine à prendre Qodshou et la plupart des villes amorrhéennes de l'Oronte[309], mais la ténacité des Khati, toujours prêts à recommencer la lutte malgré leur défaite, fut plus longue que sa patience. De guerre lasse, il renonça aux armes et il contracta avec le roi Morousîl, fils de Shoubbililioum, une alliance qui dura jusqu'à sa mort[310]. Désormais l'autorité des Pharaons ne dépassa plus les sources du Litany et de l'Oronte : restreinte à la Syrie du sud et à la Phénicie, elle gagna en solidité ce qu'elle perdait en extension. Il semble que Sétoui 1er, au lieu d'exiger simplement le tribut, imposa aux cantons annexés des gouverneurs de race égyptienne, et qu'il installa des garnisons permanentes dans quelques places, comme Gaza et Mageddo. C'était là sans doute une précaution excellente, mais, si l'on compare son empire à celui de Thoutmosis III, on ne peut s'empêcher de remarquer combien l'Égypte était plus forte au temps de la dix-huitième dynastie. Jamais les Pharaons d'alors n'auraient considéré les roitelets syriens comme des égaux, avec qui l'on concluait une paix honorable : ils ne voyaient en eux que des ennemis qu'il fallait vaincre, ou des rebelles qu'il fallait châtier. La chancellerie de Sétoui 1er conserva l'usage d'infliger aux rois de Khati les épithètes méprisantes que la chancellerie de Thoutmosis III leur avait prodiguées ; elle l'appela le renversé de Khati, et son peuple l'humble Khati. Tout cela n'était que phraséologie officielle, comme les titres de vainqueur des barbares et de maître du monde entier, dont elle affublait le souverain.

Cela dit, on ne saurait nier que le règne de Sétoui 1er ne marque encore une époque brillante dans l'histoire d'Égypte. Le butin ramassé en Syrie servit à élever quelques-uns des monuments les plus parfaits de l'art égyptien : le temple funéraire d'Abydos[311], la salle hypostyle de Karnak[312], le tombeau du roi[313]. Sétoui fut aidé dans cette oeuvre par son fils, Ramsès. Du vivant de son père, il avait épousé une princesse de l'ancienne famille royale, peut-être fille d'Harmhabi et petite-fille d'Aménôthés III : il avait de la sorte effacé l'usurpation dont Ramsès 1er était coupable. Le fils qui naquit de cette union, Ramsès, hérita naturellement tous les droits de sa mère, et, dès l'instant de sa naissance, il fut considéré par les Égyptiens loyalistes comme le seul souverain légitime. Son père, roi de fait, fût contraint de l’associer au trône alors qu'il était encore « petit garçon », sans doute pour éviter une révolution. Ce ne fut d'abord qu'une fiction légale, peu respectée par Sétoui lui-même ou par les ministres de son gouvernement. Pendant cette première partie de son existence, Ramsès ne fut précisément ni roi, ni prince héréditaire : il occupa entre ces deux conditions une place intermédiaire et probablement assez mal définie. Souverain reconnu des deux Égyptes, en principe il possédait tous les insignes et toutes les prérogatives de son rang, mais en fait il ne portait pas toujours les uns et il n'exerçait nullement les autres. Il avait droit à l'uræus et à la double couronne, mais il s'en tenait le plus souvent à la coiffure ordinaire des simples princes royaux, une grosse tresse recourbée et pendante. Il avait droit aux deux cartouches et aux qualifications les plus pompeuses de la chancellerie égyptienne, mais les scribes chargés de rédiger les inscriptions oubliaient d'y insérer son nom, et ils ne lui accordaient que les titres modestes de « fils qui aime son père » ou d'héritier présomptif. Il avait droit au poste d'honneur et à la fonction principale dans les cérémonies du culte, mais les monuments nous le montrent toujours en seconde ligne : il lève un plat d'offrande, il verse une libation ou il prononce les invocations, tandis que son père accomplit les rites sacrés. Ramsès n'avait du roi que le titre et l'apparence : les scribes de la chancellerie oubliaient ses droits indiscutables, ou, s'ils se les rappelaient, ce n'était que par occasion et par boutade[314].

Dès l'âge de dix ans, il fit la guerre en Syrie, et même, à n'en croire que les historiens grecs, en Arabie. C'est à la suite de ces campagnes qu'éprouvé par l'habitude du commandement militaire il commença de réclamer une part active au gouvernement intérieur de ses États et qu'il revendiqua son héritage royal. La transformation de l'associé obscur et presque inconnu en un Pharaon Maître des deux mondes et craint de tous ses ennemis se produisit lentement, graduellement, au fur et à mesure que la valeur personnelle de Ramsès se développait et s'accentuait de plus en plus. Sétoui, vieilli et fatigué par les exploits de sa jeunesse, lui céda peu à peu le pouvoir et finit par s'effacer presque entièrement devant son glorieux fils. Retiré dans ses palais, il y acheva sa vie entouré d'honneurs divins. Certains tableaux du temple d'Abydos le montrent assis sur le trône, au milieu des dieux ; il serre la massue d'une main, et, de l’autre, un sceptre complexe où sont réunis les divers symboles de force et de vie. Isis est à ses côtés et les dieux parèdres, alignés trois à trois, siègent derrière le couple tout-puissant auquel Ramsès adresse sa prière. C'est une apothéose anticipée, dont la conception fait honneur à la piété du régent, mais ne laisse aucun doute sur la situation réelle de Sétoui dans sa vieillesse. On adore un dieu, mais il ne règne pas. Sétoui ne faisait pas exception à cette règle commune ; on l'adorait, mais il ne régnait plus[315].

La paix fut menacée soudain par un danger imprévu. Les peuples de l'Asie Mineure étaient restés jusqu'alors en dehors de la sphère d'action de l'Égypte ; plusieurs d'entre eux, les Shardana, les Tourshâ (Tyrsènes), dont les noms sonnaient étranges à des oreilles égyptiennes, débarquèrent sur la côte d'Afrique et s'allièrent aux Libyens. Ramsès II les battit. Les prisonniers qu'il avait faits sur eux furent incorporés dans la garde royale[316] ; les autres retournèrent en Asie Mineure, emportant un tel souvenir de leur échec que l'Égypte fut à l'abri de leurs incursions pendant près d'un siècle.

Le calme rétabli au nord, Ramsès se rendit en Éthiopie, où il occupa les dernières années du règne de son père à pourchasser et à razzier les tribus qui errent le long des rives du haut Nil. Même il remporta sur elles des succès que la tradition grecque eut le tort d'exagérer. « Il dirigea d'abord ses armées contre les Éthiopiens, les défit et leur imposa des tributs consistant en bois d'ébène, en or et en dents d'éléphant. Il détacha ensuite vers la mer Rouge une flotte de quatre cents navires et fut le premier Égyptien qui équipa des vaisseaux de guerre. Cette flotte prit possession des îles situées dans ces parages ainsi que de tout le littoral jusqu'à l'Indos.[317] » D'après Strabon, il avait pénétré en Afrique à la région où pousse la cannelle : on y montrait des stèles qu'il y avait érigées. Il avait colonisé aussi les côtes de la mer Rouge, où certains endroits s'appelaient encore, du temps des Ptolémées, « le mur de Sésostris » ; il avait gravé une inscription au promontoire Dirê, sur le détroit de Bab-el-Mandeb[318]. Ces récits sont évidemment controuvés : Sésostris n'eut jamais de flottes et n'alla jamais jusqu'à l'Indos. Rien n'indique non plus qu'il ait visité les peuplades riveraines de la mer Rouge et qu'il soit parvenu à l'Océan d'Afrique. Il se borna, comme les inscriptions le prouvent, à exécuter contre les tribus du haut Nil quelques courses productives et peu dangereuses.

A la nouvelle de la mort de son père, Ramsès II, désormais seul roi, quitta l'Éthiopie et ceignit la couronne à Thèbes. Il était alors dans la maturité de l'âge, et il avait autour de lui un grand nombre d'enfants, dont quelques-uns étaient assez âgés pour combattre sous ses ordres. Ses premières années ne furent troublées par aucune guerre d'importance ; c'est à peine si les inscriptions signalent deux courtes expéditions en Syrie, dont l'une, en l'an II, au pays des Amorrhéens, et l'autre, en l'an IV au bord du Nahr-el-Kelb, près de Bérouth[319]. Les Khati, fidèles au traité d'amitié conclu avec Sétoui, ne cherchèrent pas à attiser la révolte. Les peuples de Canaan, comprimés par la présence des garnisons égyptiennes, ne bougèrent pas. Tout semblait donc aller pour le mieux, quand, vers la fin de l'an IV, la situation changea soudain. Le roi de Khati, Moutalou, fils de Morousîl, avait été assassiné[320] et remplacé par son frère Khatousîl. Celui-ci convoqua ses vassaux et ses alliés et rompit avec l'Égypte. Le Naharanna et sa capitale Gargamish, Arad et la Phénicie septentrionale, Qodshou et le pays d'Amaour, Qidi et le groupe compact des Lyciens, s'affilièrent à la coalition. L'espoir de piller, sinon l'Égypte elle-même, du moins les provinces égyptiennes de la Syrie, attira tous les aventuriers de la péninsule. Il en vint d'Ilion, de Pédasos, de Gergis, de la Mysie, de la Lycie, se joindre aux Khati contre Sésostris[321]. Aussi bien s'est-on fait une idée exagérée de l'immobilité à laquelle les peuples de l'Orient antique auraient été condamnés. Ce que nous savons de la composition de l'armée que Ramsès opposa aux confédérés suffirait seul à prouver avec quelle facilité ils se déplaçaient. Elle renfermait, à côté des Égyptiens de race indigène, des Libyens, des Mashouasha, des nègres, des Maziou, des Shardana, débris de l'invasion repoussée victorieusement quelques années auparavant[322]. Le Pharaon établit sa base d'opérations à la frontière de l'Égypte et du désert Arabique, dans la ville qu'il avait fondée récemment sous le nom de Pa-Ramsès Anakhouitou (la ville de Ramsès le très brave), traversa Canaan qui lui obéissait encore, se porta rapidement sur les contrées septentrionales et ne s'arrêta qu'à Shabtouna, bourgade syrienne située un peu au sud-ouest de Qodshou, et en vue de la ville. Il y séjourna quelques jours, étudiant le terrain et tâchant de discerner la position des ennemis, sur laquelle il possédait des données assez vagues. Les alliés au contraire, parfaitement renseignés par leurs espions, qui appartenaient pour la plupart aux clans nomades des Shasou, n'ignoraient aucun de ses mouvements. Le prince de Khati, leur chef, imagina et exécuta une manoeuvre habile, qui mit l'armée égyptienne à deux doigts de sa perte et qui n'échoua que devant la valeur personnelle du Pharaon.

Un jour que Ramsès s'était aventuré un peu au nord de Shabtouna, deux Bédouins vinrent lui dire : « Nos frères, qui sont les chefs des tribus réunies avec le vil chef de Khati, nous envoient dire à Sa Majesté : Nous voulons servir le Pharaon v. s. f. Nous quittons le vil chef de Khati ; il est dans le pays de Khaloupou au nord de la ville de Tounipa, où par crainte du Pharaon il a rétrogradé rapidement. » Le roi fut trompé par ce rapport qui ne manquait pas de vraisemblance : rassuré contre une surprise par l'éloignement présumé de l'ennemi (Khaloupou est en effet à quarante lieues au nord de Qodshou), il s'avança sans méfiance en tête de ses colonnes, escorté seulement de sa maison militaire, tandis que le gros de ses troupes, les régiments d'Amon, de Phrâ, de Phtah et de Soutkhou, le suivaient à distance. Au moment même où il divisait ainsi ses forces, les alliés, que des traîtres lui représentaient comme fort distants, se massaient en secret au nord-ouest de Qodshou, et se préparaient à fondre sur les Égyptiens, pendant la marche de flanc que ceux-ci devaient nécessairement exécuter le long de cette place. Leur nombre était considérable, à en juger par ce fait, qu'au jour de la bataille, un seul d'entre eux, le prince de Khaloupou, rangea en ligne dix-huit mille soldats d'élite ; outre une infanterie bien disciplinée, ils comptaient deux mille cinq cents chars, dont chacun portait trois hommes.

Sur ces entrefaites, les éclaireurs amenèrent au quartier général deux autres espions qu'ils avaient saisis. Le roi semble dès lors avoir conçu quelques soupçons ; il fit bâtonner vertement les prisonniers et il leur arracha des aveux complets. Ils confessèrent avoir été détachés pour surveiller les manoeuvres de l'armée égyptienne, et ils déclarèrent que les alliés, concentrés depuis longtemps derrière Qodshou, n'attendaient pour s'ébranler qu'une occasion favorable. Ramsès convoqua aussitôt un conseil de guerre et il lui exposa sans ambages la situation critique dans laquelle il était. Ses officiers s'excusèrent de leur mieux, alléguant la nonchalance des gouverneurs de province, qui avaient négligé de reconnaître chaque jour la position de l'ennemi, et ils dépêchèrent un exprès vers le gros de l'armée pour le ramener, s'il en était temps, au secours de son chef. Le conseil était encore réuni quand on apprit que l'ennemi se démasquait et qu'il accentuait son mouvement. Le prince de Khati porta rapidement ses forces au sud de Qodshou, tandis que le roi était déjà au nord de la ville, sur la rive occidentale de l'Oronte, enfonça la légion de Phrâ, qui était au centre, et coupa en deux la ligne égyptienne. Le roi dut charger lui-même à la tête de sa maison militaire. Huit fois de suite il s'élança sur les chars qui le cernaient, rompit les rangs, rallia ses bataillons dispersés et soutint l'assaut pendant le reste de la journée. Vers le soir, les Khati, perdant l'avantage qu'ils avaient depuis le matin, battirent en retraite devant les gros bataillons qui entraient enfin en action : la nuit seule suspendit l'attaque. Le choc décisif eut lieu le lendemain les confédérés plièrent sur plusieurs points, et se sauvèrent en pleine déroute. L'écuyer du prince, Garbatousa, le général de son infanterie et de ses chars, le chef des eunuques et Khalepsarou, l'écrivain des livres, sans doute l'annaliste officiel, chargé de transmettre à la postérité les gestes de son souverain, restèrent sur le carreau. Plusieurs des corps de l'armée syrienne, acculés à l'Oronte, se jetèrent dans le fleuve pour essayer de le franchir à la nage. Le frère du prince de Khati, Mizraïm, réussit à gagner l'autre rive ; le chef du pays de Nissa, moins heureux, se noya, et le prince de Khaloupou fut retiré du courant à moitié mort. Les tableaux du Ramesséum nous le montrent pendu par les pieds et dégorgeant l'eau qu'il avait absorbée. Les vaincus auraient probablement péri jusqu'au dernier, si une sortie de la garnison n'avait arrêté le progrès des Égyptiens et permis aux blessés et aux fugitifs de s'abriter dans Qodshou. Dès le lendemain, le prince de Khati demanda et obtint une trêve[323].

Contre toute espérance, ce triomphe éclatant ne termina rien ; le pays de Canaan et les provinces voisines se soulevèrent soudain sur les derrières du Pharaon victorieux. A la faveur de cette diversion, Khatousîl reprit courage, répara ses forces et dénonça la trêve : la Syrie entière était en feu des bords de l'Euphrate aux bords du Nil. La confédération, écrasée à Qodshou, ne se reforma pas : les peuples d'Asie Mineure abandonnèrent la partie et ne reparurent pas dans la lice. Il n'y eut plus de grandes batailles, mais une série d'affaires de détails et de sièges qui remplirent prés de quinze ans ; les hostilités se portaient tantôt sur un point, tantôt sur un autre, éclatant au nord quand elles s'apaisaient au sud, sans plan déterminé. L'an VIII vit les Égyptiens en Galilée, sous les murs de Mérom[324]. L'an XI, Ascalon fut prise, malgré la résistance héroïque des Cananéens qui l'habitaient[325]. Dans une autre campagne, le roi poussa une pointe vers le nord, jusqu'aux environs de Tounipa, et s'empara de deux villes du pays de Khati où il trouva sa statue[326]. La guerre traîna ainsi d'année en année, jusqu'au moment où les rivaux, épuisés par tant d'efforts inutiles, se décidèrent à porter les armes. Khatousîl demanda une fois encore la paix au souverain de l'Égypte ; elle fut acceptée et scellée en l'an XXI.

La minute du traité avait été rédigée primitivement en langue de Khati : elle était gravée sur une lame d'argent, qui fut solennellement offerte au Pharaon dans son château de Ramsès. Les conditions y furent essentiellement les mêmes que celles des traités conclus auparavant à plusieurs reprises, entre les deux empires, au temps de Ramsès 1er et de Sétoui 1er. Il y fut stipulé que la paix serait éternelle et qu'il y aurait alliance : « Si quelque ennemi marche contre les pays soumis au grand roi d'Égypte et qu'il envoie dire au grand prince de Khati : “Viens, amène-moi des forces « contre eux »”, le grand prince de Khati fera comme il lui aura été demandé par le grand roi d'Égypte ; le grand prince de Khati détruira ses ennemis. Que si le grand prince de Khati préfère ne pas venir lui-même, il enverra les archers et les chars du pays de Khati au grand roi d'Égypte pour détruire ses ennemis. » Une clause analogue assure au prince de Khati l'appui des armes égyptiennes. Viennent ensuite des articles spéciaux, destinés à protéger le commerce et l'industrie des nations alliées et à rendre plus certaine chez elle l'action de la justice. Tout criminel qui essayera de se soustraire aux lois, en se réfugiant dans le pays voisin, sera remis aux mains des officiers de sa nation ; tout fugitif non criminel, tout sujet enlevé par force, tout ouvrier qui se transportera d'un territoire à l'autre pour s'y fixer à demeure, sera renvoyé chez son peuple, mais sans que son expatriation puisse lui être imputée à crime. « Celui qui sera ainsi extradé, que sa faute ne soit pas élevée contre lui, qu'on ne détruise ni sa maison, ni sa femme, ni ses enfants ; qu'on ne tue pas sa mère ; qu'on ne le frappe ni dans ses yeux, ni dans sa bouche, ni dans ses pieds ; qu'enfin aucune accusation criminelle ne s'élève contre lui. » Égalité et réciprocité parfaite entre les deux peuples, alliance offensive et défensive, extradition des criminels et des transfuges, telles sont les principales conditions de ce traité, qu'on peut considérer jusqu'à présent comme le monument le plus ancien de la science diplomatique[327].

Ainsi se terminèrent les guerres de Ramsès II. Si glorieuses qu'elles fussent en réalité, la tradition ne les jugea pas suffisantes. Suivant les historiens grecs, Sésostris[328] aurait pénétré jusqu'au fond de l'Asie, écrasé la Syrie, la Médie, la Perse, la Bactriane, l'Inde jusqu'à l'Océan ; puis, revenant par les déserts de la Scythie, il se serait avancé jusqu'au Tanaïs et il aurait oublié, dans les environs de la Palus Mæotis, un certain nombre d'Égyptiens, dont les descendants peuplèrent la Colchide[329]. On dit même qu'il vint en Europe, mais qu'il n'y dépassa pas la Thrace, où le manque de vivres et la rigueur du climat arrêtèrent l'essor de son ambition. Il rentra en Égypte après avoir, pendant neuf ans, couru de victoire en victoire, et consacré partout sur son chemin, en manière de trophées, des statues ou des stèles à son nom. Hérodote en avait vu plusieurs en Syrie et dans l'Ionie[330]. Les voyageurs ont signalé en effet, non loin de Beyrouth, à l'embouchure du Nahr-el-Kelb, trois stèles gravées dans le roc et datées des ans II et IV de Ramsès II[331]. Les deux figures qu'Hérodote disait exister de son temps en Asie Mineure sont debout aujourd'hui encore près de Ninfi, entre Sardes et Smyrne. Au premier abord, elles semblent avoir réellement le caractère des ouvrages pharaoniques ; mais un examen attentif y fait ressortir une foule de détails qui ne confirment point cette impression. La chaussure est recourbée, comme les souliers à la poulaine du moyen âge, la coiffure plus semblable à une tiare phrygienne qu'à la double couronne, et la calasiris striée de droite à gauche au lieu de l'être de haut en bas[332]. C'est, comme le prouve l'inscription, l'oeuvre d'un artiste asianique, et non celle d'un sculpteur égyptien[333].

De l'an XXI à la mort du roi, pendant quarante-six ans, la paix ne fut pas troublée. On observa loyalement de part et d'autre les conditions du traité ; bientôt même une alliance de famille resserra les liens d'amitié qui s'étaient noués entre les deux souverains. Ramsès épousa la fille aînée de Khatousîl[334], et, quelques années après, il invita son beau-père à visiter la vallée du Nil. « Le grand chef de Khati mande au chef de Qidi : “Prépare-toi, que nous allions en Égypte. La parole du roi s'est manifestée, obéissons à Sésostris. Il donne les souffles de la vie à ceux qui l'aiment : aussi toute terre l'aime, et Khati ne fait plus qu'un avec lui”.[335] »  Khatousîl  visita, en l'an XXXIII, la ville de Ramsès, peut-être même celle de Thèbes ; on grava, à cette occasion, une stèle sur laquelle il est représenté en compagnie de sa fille et de son gendre[336]. Ce ne fut pas sans un étonnement mêlé de reconnaissance que l'Égypte vit ses ennemis les plus acharnés devenir ses alliés les plus fidèles, et « les peuples de Kîmit n'avoir plus qu'un seul coeur avec les chefs de Khati, ce qui n'était pas arrivé depuis le temps du dieu Râ.[337] »

A la faveur de cette tranquillité, le roi put se livrer à son goût pour les constructions monumentales. « Il fit, disent les historiens grecs, bâtir un temple dans chaque ville à la divinité principale du lieu. » Et vraiment, Ramsès II est le roi maçon par excellence. Pendant les soixante-sept années de règne qui lui furent si largement mesurées, il eut le loisir d'achever ce que ses prédécesseurs avaient ébauché et d'accomplir l'ouvrage de plusieurs générations. On peut dire, sans crainte de se tromper, qu'il n'y a pas une ruine en Égypte et en Nubie où l'on ne lise son nom[338]. Le grand spéos d'Isamboul était destiné à perpétuer le souvenir des expéditions contre les Nègres et contre les Syriens ; quatre colosses monolithes hauts de vingt mètres en décorent l'entrée. A Thèbes, on ajouta au temple d'Amenôthès III à Louqsor une cour, deux pylônes et deux obélisques en granit, dont le plus beau est aujourd'hui en exil à Paris sur la place de la Concorde. Le temple de Gournah, projeté par Sétoui en l'honneur de Ramsès 1er, fut achevé et consacré. Le Ramesséion, connu des anciens sous le nom de Tombeau d'Osymandias, évoqua une fois de plus dans ses sculptures les épisodes de la campagne de l'an V. Partout, dans la nécropole d'Abydos[339] comme à Memphis[340] et à Bubaste, aux carrières de Silsilis[341] comme aux mines du Sinaï, on retrouve la main de Ramsès II. Le temple de Tanis, négligé par les souverains de la dix-huitième dynastie, fut restauré et agrandi ; la ville elle-même se repeupla et sortit neuve de ses ruines[342]. Dans plusieurs endroits, les architectes, accablés de besogne, commirent de véritables usurpations : ils effacèrent, sur des statues et sur des temples, le nom des rois consécrateurs, pour y substituer les cartouches de Ramsès[343]. Ce qui appartient bien en propre à ce souverain, c'est la décoration de la salle hypostyle de Karnak : Ramsès 1er en avait devisé le plan, Sétoui 1er la commença, Ramsès II l'orna presque entière.

Les travaux d'utilité publique eurent leur large part de ses soins et de son argent. Dés l'an III il s'était inquiété d'assurer l'exploitation des mines d'or de Nubie, et il avait établi, sur la route qui mène du Nil au Gebel-Ollaki, comme une chaîne de stations munies de citernes et de puits[344]. Plus tard il nettoya et compléta le réseau de canaux qui sillonnait la Basse Égypte, entre autres le canal creusé entre le Nil et la mer Rouge[345], sur la limite du désert. Il répara les murailles et les postes fortifiés qui barraient l'isthme aux entreprises des Bédouins ; même, les nécessités de la politique le forçant à résider à l'orient du Delta, il y fonda, presque sur la frontière, plusieurs villes, dont la plus importante reçut son nom, Ramsès-Anakhouîtou. Les poètes du temps nous en ont laissé des descriptions pompeuses. « Elle s'étend, disent-ils, entre la Syrie et l'Égypte, toute remplie de provisions délicieuses. - Elle est comme la reproduction d'Hermonthis ; - sa durée est celle de Memphis ; - le soleil se lève - et se couche en elle. - Tous les hommes quittent leur ville et s'installent sur son territoire.[346] » - « Les riverains de la mer lui apportent en hommage des anguilles et des poissons, - et lui donnent le tribut de leurs marais. - Les tenants de la ville sont en vêtements de fête, chaque jour, - de l'huile parfumée sur leur tête dans des perruques neuves ; - ils se tiennent à leurs portes, - leurs mains chargées de bouquets, - de rameaux verts du bourg de Pâ-Hathor, - de guirlandes du bourg de Pahour, - au jour d'entrée de Pharaon… Ousirmârî Sotpenri ! v. s. f. dieu Montou dans les deux Égyptes, - Ramsès Mîamoun ! v. s. f. le dieu ![347] »

Comme on voit, la rhétorique florissait sous Ramsès II ; par malheur, les manuscrits qui ont conservé les oeuvres des auteurs en vogue ont négligé d'y joindre leur nom[348]. Le plus souvent cité d'entre eux, celui que nous appelons à tort Pentaour, s'est plu à célébrer les exploits de Ramsès à la bataille de Qodshou. On sait déjà quelle est la donnée du morceau : le roi, surpris par le prince de Khati, est contraint de payer de sa personne et de charger à la tête de sa maison militaire. « Voici que Sa Majesté se leva comme son père Montou ; elle saisit ses armes et revêtit sa cuirasse, semblable à Baal en son heure. Les grands chevaux qui portaient Sa Majesté, - “Victoire à Thèbes” - étaient leur nom, sortaient des écuries de Ousirmârî Sotpounrî, aimé d'Amon. Le roi, s'étant lancé, pénétra dans les rangs de ces Khati pervers. Il était seul de sa personne, aucune autre avec lui ; s'étant ainsi avancé à la vue de ceux qui étaient derrière lui, il fut enveloppé par deux mille cinq cents chars, coupé dans sa retraite par tous les guerriers du pervers Khati et par les peuples nombreux qui les accompagnaient, par les gens d'Arad, de Mysie, de Pédase. Chacun de leurs chars portaient trois hommes, et ils étaient tous réunis en masse. “Aucun prince n'était avec moi ! aucun général, aucun officier des archers ou des chars Mes soldats m'ont abandonné, mes cavaliers ont fui devant eux, et pas un n'est resté pour combattre auprès de moi ». Alors Sa Majesté dit : « Qui es-tu donc, ô mon père Amon ? Est-ce qu'un père oublie son fils ? Ai-je donc fait quelque chose sans toi ? N'ai-je pas marché et ne me suis-je pas arrêté sur ta parole ? Je n'ai point violé tes ordres. Il est bien grand, le seigneur de l'Égypte qui renverse les barbares sur sa route ! Que sont donc auprès de toi ces Asiatiques ? Amon énerve les impies. Ne t'ai-je pas consacré des offrandes innombrables ? J'ai rempli ta demeure sacrée de mes prisonniers ; je t'ai bâti un temple pour des millions d'années, je t'ai donné tous mes biens pour tes magasins. Je t'ai offert le monde entier pour enrichir tes domaines… Certes, un sort misérable soit réservé à qui s'oppose à tes desseins ! bonheur à qui te connaît ! car tes actes sont produits par un coeur plein d'amour. Je t'invoque, ô mon père Amon ! Me voici au milieu de peuples nombreux et inconnus de moi ; toutes les nations se sont liguées contre moi, et je suis seul de ma personne, aucun autre avec moi. Mes nombreux soldats m'ont abandonné ; aucun de mes cavaliers n'a regardé vers moi ; quand je les appelais, pas un d'entre eux n'a écouté ma voix. Mais je pense qu'Amon vaut mieux pour moi qu'un million de soldats, que cent mille cavaliers, qu'une myriade de frères ou de jeunes fils, fussent-ils réunis tous ensemble ! L'oeuvre des hommes n'est rien, Amon l'emportera sur eux. J'ai accompli ces choses par le conseil de ta bouche, ô Amon ! et je n'ai pas transgressé tes conseils : voici que je t'ai rendu gloire jusqu'aux extrémités de la terre ! »

Songez qu'il est sur un champ de bataille, que les Syriens le serrent et qu'il est seul contre une multitude. Il ne s'agit plus pour lui de vaincre, mais de rompre la ligne ou de mourir comme il convient à un roi : malgré le danger qui l'accable, son premier mouvement le porte vers son dieu. Au moment de se précipiter dans la mêlée et de tenter l'effort suprême, il prend son père Amon à témoin et il l'appelle au secours, non pas brièvement, par quelques mots jetés au hasard entre deux coups d'épée, mais longuement, avec autant de calme et de sérénité que s'il était encore dans les sanctuaires pacifiques de Thèbes. La pensée divine s'est emparée de lui et l'a pour un instant ravi à la terre ; le danger a disparu, les ennemis se sont évanouis, le monde entier semble s'être dérobé sous ses pas ; il est monté sans secousse aux confins d'un monde si calme et si haut, que le bruit de la bataille n'arrive plus jusqu'à lui. Il contemple Amon face à face, il lui redit les honneurs qu'il a rendus aux dieux, les bienfaits dont il a comblé leurs temples, et il réclame l'intervention des puissances célestes, non pas, comme un simple mortel pourrait le faire, en termes humbles et suppliants, mais sur un ton impérieux et grandiose où perce le sentiment de sa propre divinité.

Le secours ne se fait pas attendre. « La voix a retenti jusque dans Hermonthis, Amon vient à mon invocation : il me donne sa main. Je pousse un cri de joie, il parle derrière moi : “J'accours à toi, à toi Ramsès-Mîamoun, v. s. f. ; je suis avec toi. C'est moi, ton père ! ma main est avec toi et je vaux mieux pour toi que des centaines de mille. Je suis le seigneur de la force aimant la vaillance ; j'ai reconnu un coeur courageux et suis satisfait. Ma volonté s'accomplira”. Pareil à Montou, de la droite je lance mes flèches, de la gauche je bouleverse les ennemis. Je suis comme Baal en son heure, devant eux. Les deux mille cinq cents chars qui m'environnent sont brisés en morceaux devant mes cavales. Pas un d'entre eux ne trouve sa main pour combattre ; le coeur manque dans leur poitrine, et la peur énerve leurs membres. Ils ne savent plus lancer leurs traits et n'ont plus de force pour tenir leurs lances. Je les précipite dans les eaux comme y choit le crocodile ; ils sont couchés face en bas, l'un sur l'autre, et je tue au milieu d'eux. Je ne veux pas qu'un seul regarde derrière lui ni qu'un autre se retourne celui qui tombe ne se relèvera pas. »

L'effet produit par cette subite irruption de la divinité au milieu de la bataille est puissant, même sur un moderne, habitué à considérer l'apparition des dieux comme une simple machine de théâtre. Pour un Égyptien, nourri au respect illimité des forces surhumaines, il devait être irrésistible. Le prince de Khati, triomphant qu'il croit être, se sent comme arrêté soudain au milieu de sa victoire par un pouvoir invisible, et « il recule frappé de terreur. Il fit alors avancer des chefs nombreux munis de leurs chars et de leurs gens exercés à toutes les armes : le prince d'Arad, celui de Mysie, le prince d'Ilion, celui de Lycie, celui de Dardanie, le prince de Gargamish, celui de Qarqisha, celui de Khaloupou. Ces alliés de Khati, réunis ensemble, formaient trois mille chars. » Tous les efforts sont superflus. « Je me précipitai sur eux pareil à Montou ; ma main les dévora dans l'espace d'un instant, je taillai et je tuai au milieu d'eux. Ils se disaient l'un à l'autre :“Ce n'est pas un homme qui est parmi nous, c'est Soutkhou le grand guerrier, c'est Baal en personne. Ce ne sont pas les actions d'un homme, ce qu'il fait : seul, tout seul, il repousse des centaines de mille, sans chefs et sans soldats. Hâtons-nous, fuyons devant lui, cherchons notre vie et respirons encore les souffles !” Quiconque venait pour le combattre sentait sa main affaiblie ; ils ne pouvaient plus tenir ni l'arc ni la lance. Voyant qu'il était arrivé à la jonction des routes, le roi les poursuivit comme le griffon. »

Les ennemis en retraite, c'est alors seulement qu'il interpelle les siens, moins pour s'assurer de leur secours que pour les prendre à témoin de sa valeur. « Soyez fermes, affermissez vos coeurs, ô mes soldats ! vous voyez ma victoire, et j'étais seul : c'est Amon qui m'a donné la force, sa main est avec moi. » Il encourage son écuyer Menna, que le nombre des ennemis remplit d'effroi, et il se rue au travers de la mêlée. « Six fois je chargeai parmi les ennemis. » Enfin son armée arrive vers le soir et le dégage : il rassemble ses généraux et il les accable de reproches : « Que dira la terre entière, lorsqu'elle apprendra que vous m'avez laissé seul et sans un second ? que pas un prince, pas un officier de chars ou d'archers n'a joint sa main à la mienne ? J'ai combattu, j'ai repoussé des millions de peuples, à moi seul. Victoire à Thèbes et Nouri satisfaite étaient mes grands chevaux, c'est eux que j'ai trouvés sous ma main quand j'étais seul au milieu des ennemis frémissants. Je leur ferai prendre moi-même leur nourriture devant moi, chaque jour, quand je serai dans mon palais, car je les ai trouvés quand j'étais au milieu des ennemis, avec le chef Menna, mon écuyer, et avec les officiers de ma maison qui m'accompagnaient et sont mes témoins pour le combat : voilà ceux que j'ai trouvés. Je suis revenu après une lutte victorieuse et j'ai frappé de mon glaive les multitudes assemblées. »

L'escarmouche du premier jour ne fut que le préliminaire d'une action plus considérable. Le lendemain matin, la bataille recommença, avec quel succès pour les Égyptiens et quelles pertes pour les Asiatiques, nous l'avons montré plus haut. Le poète n'entre pas dans le détail de cette seconde affaire : il la décrit rapidement, en quelques lignes consacrées tout entières à l’éloge du roi. C'est qu'en effet le sujet du poème n'est pas la victoire de Qodshou et la défaite des armées syriennes : si importants à l'historien que soient ces événements, le poète les néglige. Il a voulu chanter le courage indomptable de Sésostris, sa foi dans le secours des dieux, la force irrésistible de son bras ; il a voulu le montrer surpris, abandonné des siens, et rachetant par sa vaillance les fautes de ses généraux, marchant seul aux ennemis, les obligeant six fois à reculer et les tenant en échec jusqu'au coucher du soleil. Tous les faits qui pourraient nuire à l'impression d'ensemble ou diminuer l'éclat de la vaillance royale sont repoussés dans l'ombre. De la maison militaire, une seule mention ; du second jour de la bataille, une description insuffisante. Le roi des Khati implore la paix Sésostris la lui accorde et rentre dans Thébes triomphant. « Amon s'approcha pour le saluer, disant : “Viens, notre fils chéri, ô Ramsès Mîamoun !” » Les dieux lui ont assigné les périodes infinies de l'éternité sur le double trône de son père Atoumou, et toutes les nations sont renversées sous ses sandales[349].

 

[153] Le nom égyptien est Kharou, ou, par dégénérescence de l'aspirée kh en chuintante, Sharon ; il dérive de celui des Horim et il s'appliquait d'abord aux portions de pays occupées par ces derniers au sud-ouest et à l'ouest de la mer Morte. C'est par abus que les Égyptiens l'appliquèrent au pays de Canaan puis à la Syrie entière.

[154] De là l'étymologie populaire de son nom moderne Nahr-el-Assy, le fleuve rebelle. En réalité, Assy vient d'Axios, nom que les Macédoniens donnèrent à l'Oronte en souvenir de leur patrie.

[155] Sur le nom de Nazana, cf. Maspero, dans les Mélanges, t. I, p. 140-141.

[156] Le pin, le cyprès, le mélèze et le sapin étaient les quatre espèces de bois de construction réservées au fisc sous l'empire romain (E. Renan, Mission de Phénicie, p. 258-280), et peut-être déjà sous les Chaldéens.

[157] Deutéronome, IX, 2.

[158] Juges, I, 10 ; Josué, XIV, 15.

[159] Genèse, XIV, 6 ; Deutéronome, II, 12-22.

[160] Deutéronome, II, 28.

[161] Deutéronome, II, 10-11, 20-21.

[162] Nombres, XIII, 34.

[163] Sur la vocalisation de ce nom, voir E. de Rougé, Leçons professées au Collège de France, publiées par Robiou dans les Mélanges d'archéologie, t. II, p. 271.

[164] Khati est aujourd'hui Boghar-Keuï, ainsi qu'il résulte des fouilles récentes de Winckler. L'invasion des Khati sous Samsouditona nous est connue par la Chronique Babylonienne de King.

[165] Genèse, XIV, 15 ; XXIII, 3 sqq. ; Sayce, Fresh Light from the Monuments, p. 94.

[166] Ou Naharaina.

[167] Movers, Die Phônizier, t. II, 2ter Theil, p. 164.

[168] Les textes assyriens prouvent que telle était l'orthographe du nom, et non pas Karkamish. G. Smith la met à Jérahis, sur l'emplacement d’Oropos (Fr. Delitzsch, Wo lag dos Paradies ? p. 265 sqq.).

[169] Sayce, The Monuments of the Hittites, dans les Transactions of the Society of Biblical Archœology, t. VIII, p. 253 sqq.

[170] Ils ont été réunis et publiés par H. Rylands, The inscribed stones from Jerabis, Hamath, Aleppo, etc., dans les Transactions, t. VII, p. 429-442.

[171] Sous Ramsès II, le roi Khatisarou emmenait avec lui à la guerre un historiographe, chargé d'enregistrer ses exploits (E. de Rougé, Leçons, dans les Mélanges, t. II, p, 277).

[172] C'est ce qui résulte de la liste des dieux hittites qui accompagne le traité de Ramsès II avec Khatisarou.

[173] Aujourd'hui Tinnab, prés Alep (Nöldeke, Tunip und Charbu, dans la Zeitschrift, 1876, p. 55, n° V).

[174] La liste s'en trouve dans Mariette, Karnak, pl. 20-21, 25, 26.

[175] La Batnæ des textes classiques.

[176] Alep ; Chabas, Voyage d’un Égyptien, 101-110.

[177] Papyrus de Leyde, I, 343, pl. VII, I.8.

[178] Et. de Byzance, s. v. FoinÛxh.

[179] Movers, Die Phönizier, t. II, 1ter Theil, p. 1-4.

[180] E. Renan, Mission de Phénicie, p. 836.

[181] Dès le temps de Ramsès II, le voyageur du Papyrus Anastasi I (pl. XIX, t. 1-2) se plaint des Shasou, qui rôdaient dans les bois de la montagne (cf. Chabas, Voyage d'un Égyptien, p. 112 sqq.)

[182] Zahi, comme nom général, était appliqué, chez les Égyptiens, à toute la côte syrienne, de l'embouchure du Nil à celle de l'Oronte. Les textes de Thoutmosis III prouvent cependant qu'il appartient plus particulièrement à la Phénicie du Nord.

[183] Strabon, I, XVI, 5, p. 753 ; Pline, II, 103, V, 31. « M. Gaillardot a vu, dans une de ses traversées de l'île au continent, la source d'eau douce, bouillonnant au fond de la mer » (E. Renan, Mission de Phénicie, p. 41-42).

[184] E. Renan, Mission de Phénicie, p. 21.

[185] La forme Gapouna, Gebôn, pour le nom de cette ville, est donnée par le Papyrus Anastasi I, 1. XX, 1.17. Cf. Chabas, le Voyage d'un Égyptien, p. 156-160.

[186] E. Renan, Mission de Phénicie, p. 174-178.

[187] Ibid., p. 295.

[188] Ibid., p. 296.

[189] Sidñna Žnyemñessan (Denys le Périégète).

[190] Papyrus Anastasi, I, pl. XXI, I, 1-2; cf. Chabas, le Voyage d'un Égyptien, 165-171 ; Lieblein, Sur la ville de Tyr, dans les Atti del IV Congresso Internazionale, Florence, 1880, p. 15 sqq.

[191] Brugsch, G. Inschr., t. II, p. 21-22.

[192] Juges, I, 34.

[193] Mover, Die Phœnizier, t. II, 1ter Theil, p. 30.

[194] Deutéronome, I, 7, 19-20 sqq.

[195] Knobel, Völkertafel, p. 332.

[196] Ibid., p. 333.

[197] Papyrus Anastasi I, pl. 19, I, 1-2; cf. Chabas, Voyage, p. 112-116. M. R. Pietschmann a fait observer très justement que cette dénomination des tribus pillardes du désert répond assez bien à celle de Nabatéens, que les Romains leur appliquaient (cf. de Luynes, Revue numismatique, 1858, p. 382 sqq. ; Blau, Zeits. d. D. Morgenl. Gesells., 1871, p. 560).

[198] Aujourd'hui Nahr-el-Aouadj.

[199] La plaine a une hauteur moyenne de dix-sept cents mètres au-dessus du niveau de la mer.

[200] Renan, les Apôtres, II, p. 177-178.

[201] Thureau-Dangin, dans la Zeitschrift, für Assyriologie, t. XXI, p. 182 sqq.

[202] Genèse, XIV.

[203] Ce sont les Cosséens des auteurs classiques ; cf. Fr. Delitzsch, die Sprache der Kossäer, in-8°, Leipzig, 1884.

[204] Toute cette histoire nous est indiquée sommairement dans la Chronique Babylonienne de King ; fr. Thureau-Dangin, dans la Zeits. für Assyriologie, t. XXI, p. 176-186.

[205] Auj. Kalah-Shergât.

[206] La Nii des listes égyptiennes, qui avait été identifiée avec Ninive, est une ville de la Cœlé-Syrie ou du Hauran.

[207] Lepsius, Denkm., III, 5.

[208] E. de Rougé, Annales de Thoutmès III, p. 17.

[209] Aujourd'hui Khirbét-Ierza (E. de Rougé, Divers monuments de Thoutmès, III, p. 54, n° 59).

[210] Selon F. de Saulcy, dont j'adopte l'opinion, el-Kheiméh (Lettre à M. Chabas sur quelques points de la géographie antique de la Syrie, selon la science égyptienne, dans les Mélanges d'archéologie, t. I, p. 120).

[211] Une localité voisine, mentionnée dans la liste des conquêtes de Thoutmosis III, sous le n° 70, porte le nom de Ganoutou, les Jardins. Cf. Papyrus Anastasi I, pl. XXV, 1.2-5.

[212] J'avais songé à Arranéh, et cette position a également frappé M. Conder (Megiddo, dans le Quarterly Statement du Palestine Exploration Fund, janvier 1877, p. 49) ; mais elle ne convient pas au récit de la bataille de Mageddo.

[213] M. Conder a essayé de montrer que Mageddo était située à Mejedda, prés de Beth-Shean (cf. Megiddo, dans le Quarterly Statement, janvier 1877, p. 15 sqq.).

[214] Cf. Maspero, le Récit de la campagne contre Mageddo, sous Thoutmos III, dans le Recueil de travaux, t. II, p. 51 sqq.

[215] C'est probablement le village moderne de Zebed à l'ouest de Magidi.

[216] Thomson (The Land and the Book, p. 410) et, après lui, Conder ont retrouvé les restes de Qodshou à Tell-Naby-Mendoh, sur l'emplacement de l'ancienne Laodiceia ad Libanum (Quarterly Statement, juillet, 1881, p. 163-173) : leur hypothèse a été confirmée par les fouilles de Gautier.

[217] G. Maspero, De Carchemis oppidi situ, p. 5.

[218] Maspero, la Mêlée des peuples, p. 120-147.

[219] Elle était fille, comme lui, d’Aménôthés 1er et de sa soeur, Ahhotpou II. Elle apparaît avec sa mère dans Lepsius, Denkmäler, III, 26, 1 b.

[220] Cf. Maspero, Notes sur quelques points de grammaire et d'histoire, dans la Zeitschrift, 1882, p. 132-133.

[221] Stèle d’Assouan, dans Lepsius, Denkm., III, 16 a.

[222] Le titre égyptien est fils royal de Koush. Dans le Papyrus d'Orbiney (pl. XIX, 1.4), par exemple, le héros du roman, fils de Pharaon, est nommé prince de Koush dés le moment de sa naissance.

[223] E. de Rougé, Études des monuments du massif de Karnak, dans les Mélanges d'archéologie, t. I, p. 50.

[224] Maspero, Notes sur quelques points de grammaire et d'histoire, dans la Zeitschrift, 1882, p. 132-133.

[225] E. de Rougé, Étude sur les monuments, dans les Mélanges, t. I, p. 50.

[226] Stèle de XVI à Ouady Magharah (Lepsius, Denkm., III, 28 b).

[227] Voir dans Maspero, De quelques navigations des Égyptiens (Revue historique, t. IX, p. 42, note 4), les raisons pour lesquelles on ne saurait admettre la présence de plus de cinq vaisseaux.

[228] Probablement identique au nom arabe Farihou, de la racine fariha « lætus, hilaris fuit ».

[229] Cf. Speke, les Sources du Nil, trad. fr., p. 183 ; Schweinfurth, Au coeur de l'Afrique, trad. fr., t. I, p. 282 ; Chabas, Études sur l'antiquité historique, p. 154 ; Mariette, Deir-el-Baharî, p. 50.

[230] Les textes relatifs à cette exploration ont été publiés par Dümichen dans ses grands ouvrages : Die Flotte einer Ægyptischen Kœnigin, et Hist. Inschriften, t. II, ainsi que par Mariette, Deir-el-Baharî. Ils ont été étudiés par E. de Rougé, Étude des monuments du massif de Karnak, dans les Mélanges d'archéologie, t. I, p. 49 sqq., et par G. Maspero, De quelques navigations des Égyptiens sur les côtes de la mer Érythrée, dans la Revue historique, t. IX, p. 4 sqq. Cf. Hommel, Die Semitischen Völker, t. I, p. 136 sqq.

[231] Cette date est donnée dans Dümichen, Die Flotte, pl. XVIII, a, 3 ; mais on ne voit pas bien si elle marque le commencement de l'expédition, le retour des navires, ou le jour de l'inauguration du temple que Hatshopsouitou construisit en commémoration de l'événement.

[232] Les textes relatifs à cette campagne sont analysés dans les Notices de Champollion, t. Il, p. 154-158, et publiés en entier par Lepsius, Denkm., III, pl. 51 b-32. Ils ont été étudiés par E. de Rougé, Annales de Thoutmès III, p. 8-9, 26-28, Sur quelques monuments inédits du règne de Thoutmès III, p. 35-40 ; traduits par H. Brugsch, Geschichte Ægyptens, p. 294-305, et par Maspero, le Récit de la campagne contre Mageddo, dans le Recueil, t. II, p. 48-56, 139-150.

[233] Inscription d'Amonemhabi, publiée par Ebers, Thaten und Zeit Tothmes III, dans la Zeitschrift, 1873, p. 1 sqq., et dans la Zeitschrift der D. Morg Gesellschaft, t. XXX, p. 391 sqq., t. XXXI, p. 459 sqq. J'identifie l'expédition mentionnée 1.3-71 de ce texte avec la cinquième campagne de Thoutmosis III.

[234] La Phénicie septentrionale.

[235] Annales de Thoutmosis III, I.1-7.

[236] Annales de Thoutmosis III, I.7-15. Il semble que le nom de Nisrona ait été appliqué au Kouweik et au lac marécageux dans lequel se jette ce fleuve. Nisrona ne se retrouverait-il pas dans le bourg de Kinnesrîn ? Cependant Neubauer (Géographie du Talmud, p. 307) donne le nom sous la forme Kan-Nîschraya.

[237] Cette ville a été confondue avec Ninive (Cf. Zeitschrift, 1879, p. 58 ; Pognon, l'Inscription de Bavian, p. 115.116). Elle paraît avoir été située dans la Cœlé-Syrie ou dans la Syrie du Nord.

[238] Un éléphant figure au tombeau de Rekhmiri, à Thébes, avec un ours isabelle du Liban. La chasse aux éléphants est racontée dans l'inscription d'Amenemhabi, I. 22-25.

[239] Longtemps identifiés avec, les Arméniens, les Lamnanou paraissent tirer leur nom de Labnana, le Liban, et désigner les habitants de la montagne.

[240] Le nom de l'île de Chypre, d'après le texte du décret de Canope, où le scribe égyptien a écrit Asinaï par analogie avec Asinê, qui était le nom d'une ville de l'île (Meursius, Cyprus, p. 28), peut-être Salamine.

[241] Annales de Thoutmosis III, I.37 sqq.

[242] La date n'est pas assurée : peut-être faudrait-il placer ce fait en l'an XLI. Cf. Chabas, Mélanges égyptologiques, 5e série, t. II, p. 297.

[243] Inscriptions d'Amenemhabi, I. 25-32 ; cf. Ebers, Zeit und Thaten Thotmes III, dans la Zeitschrift, 1873, p 6-7.

[244] Mariette, Revue générale de l’architecture, 1860, t. XVIII, col. 57, 60, et Notice des principaux monuments du musée de Boulaq, 5e édit., p. 78-80 ; Birch, Archœologia, t. XXVIII ; E. de Rougé, Revue archéologique, 1864 ; Maspero, Du genre épistolaire, p. 85-89. Ce bel hymne devint classique en Égypte. Quelques siècles après Thoutmosis, Séti 1er en copia une partie (Champollion, Notices, t. II, p. 96), et Ramsès III en prit plusieurs phrases pour célébrer ses exploits (Dümichen, Hist. Inschriften, t. I, pl. XI-XII).

[245] Goodwin, Translation of a Fragment of an Historical Narrative relating to the reign of Thotmes the Third, dans les Transactions of the Society of Biblical Archœology, 1874, t. III, p. 548; Birch, Égypt from the earlier times, p. 203-204; Maspero, les Contes populaires, p. 85-96.

[246] Ebers, Thaten und Zeit Thotmes III, dans la Zeitschrift, 1875, p.7. La durée exacte du règne est de cinquante-quatre ans et onze mois.

[247] Maspero, Notes sur quelques points, dans la Zeitschrift, 1882, p. 132.

[248] Brugsch donne pour ce nom l'orthographe Arinath (Geschichte, p. 589), qui fait songer à l'Oronte. L'orthographe Arosati est dans les Notices de Champollion. Il y a dans le texte hiéroglyphique une faute : le nom est certainement celui de l'Oronte mal compris par le graveur qui restaura l'inscription.

[249] Champollion, Notices, t. II, p. 185-186 ; Maspero, Notes sur quelques points, dans la Zeitschrift, 1879, p. 55-58.

[250] Lepsius, Denkm., III, pl. 65, I. 16-20.

[251] Inscription d'Amenemhabi, 1.39-42, dans Ebers, Thaten und Zeit Thotmes III, dans la Zeitschrift, 1875, p. 4 sqq.

[252] Lepsius, Denkm., III, pl. 69 e f ; Sharpe, Eg. Inscript., pl. 93, I.5-6 ; Louvre, C 202.

[253] Lepsius, Denkm., III, pl. 77 c ; Louvre, Salle historique, vitrine N, 582.

[254] Brugsch, Ueber ein merkwürdiges historisches Denkmal aus den Zeiten Kœnigs Amenophis III, dans la Zeitschrift, 1880, p. 81-87.

[255] Une partie de la correspondance avec les Pharaons Aménôthés III et IV a été découverte en 1888 à El-Amarna, dans les ruines du palais d’Aménôthés IV. Elle est rédigée en caractères cunéiformes, pour la plupart dans l'idiome sémitique de la Syrie, et elle est tracée sur des tablettes de terre, comme la correspondance des scribes babyloniens.

[256] Stèle de l'an XXII d'Ahmôsis dans Vyse, Pyramids of Gizeh, t. III, p. 94 ; Lepsius, Denkm., III, pl. 5 a, b.

[257] Cf. sur ce temple Chabas, Une inscription historique de Séti 1er.

[258] Le temple qui existait encore au commencement du siècle et qui a été détruit par Mohammed-Ali.

[259] Porte d'Aménôthés 1er (Maspero, Notes dans la Zeitschrift, 1885, p. 75) ; porte de Thoutmosis III, au mur extérieur de la ville (Lepsius, Denkm., III, 28).

[260] Reconstruction du temple sous Thoutmosis III (Champollion, Notices, t. I, p. 728).

[261] Constructions de Thoutmosis III (Champollion, Notices, t. I, p. 626).

[262] Piliers en granit au nom de Thoutmosis III (Wilkinson, Modem  Égypt and Thebes, p. 411). Un des piliers qui étaient encore debout a été renversé en 1885 par les chercheurs de trésors.

[263] Reconstruction du temple d'Hathor par Thoutmosis III (Dümichen, Bauurkunde, pl. XIV, XVI ; Mariette, Dendérah, t. III, p. 78).

[264] Travaux de Thoutmosis 1er au temple d'Osiris (E. de Rougé, Inscriptions, t. III, pl. XIX-XX). Colosse de Thoutmosis III à l'entrée du petit temple d'Osiris (Mariette, Abydos, t. III, p. 6).

[265] Stèle de l'an XLVII de Thoutmosis III, racontant la construction d'un mur à Héliopolis (Lepsius, Denkm., III, 29 b).

[266] Construction d'Ahmôsis dans le temple de Phtah (Lepsius, Denkm., 2 a - b).

[267] Mariette, Lettre à M. de Rougé sur les fouilles de Tunis, dans la Revue archéologique, 1861, t. I.

[268] [Wilkinson] Handbook of a Traveller, p. 528.

[269] Ibid., p. 328, 376, 378 ; Champollion, Not. man., t. II, p. 45; cf. Mariette, Karnak, in-folio, 1875, avec un vol. in-4° de Texte ; Maspero dans la Revue critique, 1877. t. I, p. 265 sqq.

[270] Publiée in extenso par Dümichen, Die Flotte einer Ægyptischen Königin, et Historische Inschriften, t. I et II ; Mariette, Deir-el-Baharî, enfin par Naville, Deir-el-Bahari, t. III.

[271] Strabon, I, XVII, c. I.

[272] Pausanias, I, 42, 2.

[273] Champollion, Lettres écrites d’Égypte, p. 312. Cf. Letronne, la Statue vocale de Memnon, in-4°, 1832. Selon Brugsch (Der Tempel von Deir-el-Medineh, dans la Zeitschrift, 1875, p. 123-128 ; Noch einmal Amenhotep der Sohn des Hapu, dans la Zeitschrift, 1876), l'architecte qui a dressé les colosses est un certain Amenôthès, dont les statues retrouvées à Karnak sont aujourd'hui au Musée du Caire.

[274] Maspero, Bulletin de la religion de l'Égypte, dans la Revue de l'histoire des religions, 1882, t. V, p. 99-100.

[275] Vyse, Pyramids of Gizeh, t. III, p. 114 ; Lepsius, Denkm., III, pl. 65 ; Brugsch, Der Traum Königs Thutmes IV bei der Sphinx, dans la Zeitschrift, 1876, p. 89-95.

[276] Birch, History of Égypt, p. 107.

[277] Maspero, Rapport sur une mission en Italie, dans le Recueil de Travaux, t. III, p. 127-128, et dans Rayet, Monuments de l'art antique, t. I.

[278] Mariette, Monuments divers, pl. 27 e.

[279] Cf. Lepsius, Ueber die widderköpfigen Götter Ammon und Chnumis, in Beziehung auf die Ammons-Oase, dans la Zeitschrift, 1877, p. 8-23.

[280] Lepsius, Denkm., III, 94, g ; Prisse d'Avennes, Monuments, pl. XII-XIV.

[281] La version la plus complète de cet hymne est celle qu'a publiée U. Bouriant, Deux jours de fouilles à Tell El-Amarna, dans les Mémoires publiés par la Mission archéologique française au Caire, t. I, 1884.

[282] Maspero, Rapport sur une mission en Italie, dans le Recueil, t. III, p. 128.

[283] Sir Ch. Nicholson, On some remains of the Disk-Worshippers. Le Musée du Caire possède les restes de plusieurs tombes, découvertes à Saqqarah en 1882-1884, qui appartiennent au règne de Khouniatonou. Une des tours du Bab-en-Nasr, et les murs de la mosquée du sultan Hakem, au Caire, renferment de nombreux fragments provenant du temple construit par lui à Memphis.

[284] Les fouilles de 1882-1883 m'ont porté à croire que le petit édifice, bâti avec les débris d'un temple d'Aménôthés II, entre le premier et le second pylône d'Harmhabi, pourrait bien être un reste du temple d'Atonou ; celles de 1902 ont révélé le fait que le second pylône d'Harmhabi est construit entièrement avec les débris de ce temple.

[285] C'est la dernière date que portent ses monuments (Lepsius, Denkm., III, pl. 91 g).

[286] Le tombeau d'Aï fait partie de ce qu'on appelle le groupe du sud, à Tell el-Amarna. Il a été publié par Lepsius, Denkm., III, 100, 103, 104, 405.

[287] Dans la vallée de l'ouest, tombeau n° 4. Il a été publié par Lepsius, Denkm., III, 113.

[288] Lepsius, Denkm., III, pl. 115-117.

[289] Le roi Teti, que nomment deux stèles du Louvre et de Marseille, est, comme l'a indiqué Naville, le fondateur de la VIe dynastie, dont le culte était encore en vigueur a Memphis, sous la XVIIIe (Ed. Naville, le Roi Teta Merenphtah, dans la Zeitschrift, 1878, p. 69-72).

[290] Sur l'identité de ce roi qu'on appelle par erreur Horus, avec Armaïs, voir Devéria, le Papyrus judiciaire de Turin, p. 70 sqq., et plus récemment, J Krall, Studien zur Geschichte des Allen Ægyptens, II, 1884, p. 60. Armaïs est classé d'ordinaire parmi les rois de la XVIIIe dynastie : il figure cependant, sur les monuments de ses successeurs, parmi les ancêtres de la XIXe et de la XXe dynastie, au même titre que Ramsès 1er. Brugsch pense qu’il avait épousé une soeur de Nofritîti, femme de Khouniatonou (Geschichte, p. 439), et qu'il tenait d'elle ses droits : mais il monta jeune sur le trône, comme le prouvent ses portraits, et une soeur de Nofritîti aurait été sensiblement plus âgée que lui. Le récit de son avènement, conservé sur la base d'une statue de Turin, est trop vague pour rien nous apprendre (Birch, Inscription of Harmhebi on a statue at Turin, dans les Transactions of the Society of Biblical Archœology, t. III, p. 486 sqq.). Le buste du Musée du Caire, considéré par Mariette comme un portrait de Ménéphtah, est un portrait d'Harmhabi (Maspero dans O. Rayet, les Monuments de l'art antique, t. I).

[291] Voir sur cette correspondance ce qui est dit plus haut.

[292] Stèle trouvée en 1882, contre l'un des pylônes d'Harmhabi (cf. U. Bouriant, Fouilles à Thèbes, dans le Recueil, 1884, t. VI).

[293] Mariette, Mon. div., pl. 88 ; Brugsch, Recueil de monuments, t. II, pl. LVII, 5.

[294] Le petit spéos de Silsilis nous montre Harmhabi vainqueur et porté en triomphe par ses lieutenants (Lepsius, Denkm., III, 121).

[295] Une liste des peuples du Nord vaincus par Harmhabi a été découverte en 1882 sur le premier pylône construit par ce prince.

[296] L'idée émise par Birch (Zeitschrift, 1877, p. 148, dans l'article de Ed. Meyer, Die Stele des Horemhed) qu'Harmhabi aurait été déposé ou aurait abdiqué, repose sur une identification avec l'Harmhabi dont le tombeau a été déblayé à Saqqarah par Mariette :  celui-ci fut bâti par Harmhabi avant son avènement.

[297] La théorie d'après laquelle Ramsès 1er aurait été d'origine sémitique (Mariette, la Stèle de l'an 400) s'appuie sur une interprétation contestable d'un passage de la stèle de l'an 400, et n'a d'ailleurs aucune importance pour l'histoire.

[298] Stèle C 57 du Louvre.

[299] Traité de Ramsès II avec le prince de Khati, I.14, dans Brugsch, Recueil de monuments, t. L., pl. XXVIII.

[300] Champollion, Notices, t. II, p. 93.

[301] Brugsch a essayé de déterminer la route parcourue par Sétoui 1er, mais, je crois, sans succès (Dict. Géogr., p. 590-597 ; Geschichte, p. 438 sqq.). Il me semble, comme à M. Toukins (The Fortress of Canaan, dans le Palestine Exploration Fund, Q. Stat., 1884, p. 59-60), que l'itinéraire de l'armée égyptienne coïncide, sur une grande partie de son parcours, avec l'itinéraire relevé par M. Holland (Palestine Exploration Fund, Q. Stat., 1879, p. 70-72, et 1884, p. 4-15).

[302] L'emplacement de Pakanana a été fixé d'une manière fort heureuse à Khirbet-Kanâan, au sud d'Hébron, par M. Conder (The Fortress of Canaan, dans les Quart. Stat. du Pal. Expl. F., octobre 1883, p. 175-176) ; cf. Tomkins, The Fortress of Canaan, ibid., 1884, p. 57-61).

[303] Les textes et les bas-reliefs relatifs à cette campagne ont été reproduits par Champollion, Notices manuscrites, t. II, p. 86 sqq., et Monuments, pl. CCLX-CCC ; Lepsius, Denkm., III, pl. 126 sqq., etc. Ils ont été traduits en anglais par R. Lushington, The Victories of Seti I recorded in the Great Temple at Karnak, dans les Trans. of the Society of Bibl. Arch., t. VI, p. 509-534, en français par Guieysse, Inscription historique de Séti 1er, dans le Recueil de Travaux, t. XI, p. 52-77.

[304] Champollion, Mon., pl. CCLXC, et Not., t. II, p. 87 ; Rosellini, Mon. stor., pl. 46.

[305] Champollion, Not., t. II, 96-97.

[306] Burton, Exc. Hier., pi. XXXVI ; Lepsius, Denkm., III, 128. Les fouilles de 1905 ont montré que Sétoui 1er n'avait fait que copier, en les développant, une série de tableaux triomphaux érigés par Aménôthés II à Karnak.

[307] C'est du moins ce que je suis tenté de conclure d'une phrase du Papyrus Anastasi II, où le prince de Khati, voulant venir rendre visite à Ramsès II, ne convoque à l'accompagner que le prince de Qidi. le nom de Qidi ou Qodi a été conservé à l'époque classique dans celui de KhtÛw, que Ptolémée (V, 8, 5) donne à un canton de la Cilicie Trachée, situé entre la mer et le mont Imbaros, en face de la côte septentrionale de Chypre, peut-être dans celui de Kataonie et chez les K®teioi d'Homère (Odyssée, XI, 519-521), que M. Gladstone (Homeri, Synchronisms, p. 169) a identifiés aux Khati.

[308] Robiou, Questions homériques, 1876, p. 61, 65, sqq. ; et Sayce, The Ancient Empire of the East, t. I, p. 525 sqq., où l'auteur a condensé la matière des mémoires qu'il a publiés sur la question.

[309] Lepsius, Denkm., III, pl. 130 a ; Champollion, Mon., CCLXCV.

[310] Traité de Ramsès II avec le prince de Khati, I, 14.

[311] Publié par Mariette, Abydos, t. I, 1871.

[312] Mariette, Karnak, p. 57. L'idée de la salle hypostyle fut conçue sous Ramsès 1er.

[313] Tombeau n° 17, dit Tombeau de Belzoni, du nom du chercheur d'antiquités italien, qui le découvrit au commencement du XIXe siècle.

[314] G. Maspero, Essai sur l'inscription d'Abydos et Revue critique, 1870, t. II, p. 35-40.

[315] Maspero, dans la Revue critique, 1870.

[316] E. de Rougé, Extrait d'un mémoire sur les attaques, p. 5-6.

[317] Hérodote, II, cii.

[318] Strabon, I. XV, 2.

[319] Les stèles qu'il y a laissées sont reproduites par Lepsius, Denkm., III, 197.

[320] Traité de Ramsès avec le prince de Khati, I. 7-8.

[321] E. de Rougé, Extrait d'un Mémoire sur les attaques, p 4 ; Maspero, De Carchemis oppidi situ, p. 57-58. M. Ed. Meyer (Geschichte von Troas, p. 60-61) a refusé d'admettre l'identité des peuples mentionnés dans le récit de cette campagne avec les populations de la Troade. Brugsch (Geschichte, p. 491-492, etc.) y reconnaît en partie des peuples du Caucase et de l'Assyrie. Je ne vois aucune raison soit pour altérer en Maiouna, comme le propose Chabas (Antiquité historique, p. 190), la lecture Hiouna de E. de Rougé, soit pour rien changer aux identifications qu'il avait proposées. Il me paraît probable, toutefois, que les Iliens, les Pédasiens, les Mysiens de Khatisarou n'étaient que des bandes mercenaires qui se joignirent aux Khati.

[322] Voir plus haut. Ces Shardana sont représentés dans Rosellini, Mon. storici, pl. CI, CVI. Un des corps engagés dans la campagne de l'an V porte officiellement le nom sémitique de nàrouna, les jeunes gens, recrues.

[323] E. de Rougé, le Poème de Pentaour ; Cours de 1868-69, résumé par MM. Robiou dans la Revue contemporaine ; Chabas, Analyse de l'inscription d'Ibsamboul. Les questions relatives à la bataille de Qodshou ont été discutées par M. Tomkins, On the Campanig of Rameses the Second, in his Vth year against Kadesh on the Orontes, dans les Proceedings (1881-1882, p. 6-9) et dans les Transactions, t. VIII ; Guieysse, Textes historiques d'Ibsamboul, dans le Recueil de Travaux, t. XIV.

[324] Lepsius, Denkm., III, 450. La plus grande partie des noms de villes mentionnés a cette occasion est malheureusement illisible.

[325] Lepsius, Denkm., III, 145 c.

[326] Brugsch, Recueil, t. II, pl. V, I, 2 sqq.

[327] Le texte de ce traité a été publié dans Champollion, Not. man., t. II ; Lepsius, Denkm., III, 46 ; Brugsch, Monuments, t. I, pl. XXVIII ; il a été traduit par E. de Rougé dans Egger, Etudes sur les traités publiés, p. 243 ; par Chabas, le Voyage d'un Égyptien, p. 322 sqq. ; par Goodwin, Treaty of peace between Ramses II and the hittites dans les Records of the Past, t. IV, p. 25-32 ; par Max Müller, der Bündnisvertrag Ramses II und des Chetiterkönig's, 1902.

[328] Le nom Sésostris et Sesoôsis est tiré d'un des noms populaires de Ramsès II, Sestouri ou Sessouri.

[329] Hérodote, II, 103-105. M. Hyde Clarke a essayé de prouver la réalité de cette tradition par la philologie. Memoir on the comparative Grammar of Égyptian, Coptic and Ude, London, 1875.

[330] Hérodote, II, cii-cvii.

[331] Lepsius, Denkm., III, 197. Une autre de ces stèles, mais fort mutilée, a été retrouvée à Adloun, prés Tyr (E. Renan, Mission de Phénicie, p. 661-662).

[332] Charles Texier, Asie Mineure, II, 504. On nomme calasiris l'espèce de jupon court et bridant sur la hanche, qui était la pièce la plus importante du costume national égyptien.

[333] Sayce, The Monuments of the Hittites, dans les Trans. of the Soc. of B. Arch., t. VIII, p. 265 sqq.

[334] Inscription d'Isamboul, chez Bouriant, Notes de voyage, dans le Recueil de Travaux, t. XVIII, p. 164-166.

[335] Pap. Anastasi II, pl. II ; Pap. Anastasi IV, pl. VI, I.7-9. Cf. Chabas, Mél. égyp., 2e série, p. 151, et G. Maspero, Du genre épistolaire, p. 102.

[336] Lepsius, Denkm., III, 196.

[337] Ibid., pl. 195, 1.26 sqq.

[338] Mariette, Hist. d'Égypte, p. 60-64.

[339] Mariette, Abydos, t. I et II. Ramsès II finit le temple commencé par son père et construisit, pour son compte, un second temple, aujourd'hui entièrement ruiné.

[340] Le colosse renversé de Mit-Rahinéh et les débris de murailles, encore visibles près de Kom Abou-Khanzîr, témoignent de l'étendue des travaux entrepris au temple de Phtah (Mariette, Monuments divers, pl. 51).

[341] Lepsius, Denkm., III, 175 a, 200 d. ; Stern, Zeitschrift, 1873, p. 129 sqq., et 1875, p 175 sqq., et Records of the Past, t. X, p. 37-44, où sont publiées et traduites les trois principales inscriptions gravées à Silsilis sous le règne de Ramsès II.

[342] Mariette, Lettres à M. le vicomte de Rougé sur les fouilles de Tanis, dans la Revue archéologique, 1860, t. IV, p. 97 sqq. ; 1861, t. V, p. 297 sqq.

[343] Le grand sphinx A 21 du Louvre, par exemple, a été taillé sous un roi de la douzième ou de la treizième dynastie.

[344] Birch, Upon an historical tablet of Ramses II, dans l'Archœologia, t. XXXIV, p. 357, 399 ; Chabas, les Inscriptions des mines d'or, p. 15, 199.

[345] Aristote, Meteor., I, 14 ; Strabon, I. I, § 1 ; Pline, H. N., VI, 29, § 165. Tous ces auteurs disent que l'entreprise fut commencée, mais non achevée. Un monument du temps de Seti 1er nous montre le canal en activité dès avant Ramsès II.

[346] Pap. Anastasi II, pl. I, l.2.5. ; Pap. Anastasi IV, pl. VI, 1.24. Cf. Chabas, Mém. égyp., 2e série, p. 151 ; Maspero, Du genre épistolaire, p. 102.

[347] Pap. Anastasi III, pl. III, l. 1-9. Cf. Chabas, Mél. égyp., 2e série, p. 152-154 ; Maspero, Du genre épistolaire, p. 105-106.

[348] A. Erman, Neuägyptische Grammatik, p. 6-7.

[349] Le texte même du poème se trouve aux Papyrus Raifé et Sallier III, ainsi qu'a Ibsamboul, Abydos, Louqsor, Karnak et au Ramesséion. La traduction est de M. E. de Rougé, Recueil de travaux, 1870, t. I, p. 1-8.