Gomperz,
Theodor (1832-1912)
Les penseurs de la Grèce : histoire de la philosophie
antique
trad. de Aug.
Reymond,... ; et précédée d'une préf. de M. A. Croiset,...
Griechische Denker : eine Geschichte der antiken Philosophie
2e éd. rev. et corr.
Paris : F. Alcan ; Lausanne : Payot, 1908-1910
CHAPITRE II
Cosmogonies orphiques.
I. Formes diverses de la croyance en l'immortalité. Homère et Hésiode. Transfiguration des âmes et supplices infernaux. - II. Doctrines orphiques. Phérécyde de Syros ; sa cosmogonie : combat des dieux. Phérécyde, le premier des éclectiques. - III. Les cosmogonies orphiques ; leur rapport avec la théorie de Phérécyde. L'œuf du monde. Influences étrangères. Très anciennes relations entre les peuples. Traits panthéistiques.
I
Le penchant à la
joie, le goût des plaisirs de la vie, la parfaite sérénité que manifeste
l'épopée de cour, et qu'elle pousse parfois jusqu'à la frivolité, ont-ils
produit une réaction ? Ou bien, en s'élevant à la puissance et au bien-être,
les couches inférieures du peuple ont-elles fait prévaloir leur conception de
la vie - celle des bourgeois et des paysans ? Ce qu'il y a de certain, c'est que
la religion et la morale de la Grèce posthomérique offrent un caractère
essentiellement différent de celles de l'âge précédent. Les traits sérieux,
graves, sombres même commencent à prédominer. L'expiation du meurtre, le
culte des âmes, les sacrifices en l'honneur des morts (01)
apparaissent pour la première fois, ou deviennent la règle là où ils
n'étaient auparavant que l'exception. Et nous ne nous trouvons pas ici en
présence de créations exclusivement nouvelles, mais, pour une part au moins
aussi importante, ce sont d'antiques institutions qui revivent ou qui, pour la
première fois, deviennent visibles à nos yeux ; c'est ce que nous prouvent
avant tout les nombreuses et profondes analogies de ces usages avec ceux des
peuples de même race, et surtout des plus proches parents des Grecs, ceux de
l'Italie. Mais, à n'en pas douter, la croyance à l'immortalité de l'âme
éprouve une transformation progressive, et comme cette croyance a exercé une
influence importante sur le développement de la spéculation philosophique en
Grèce, nous devons lui consacrer une étude approfondie.
Les images de l'au-delà préoccupent de tout temps les esprits des hommes.
Elles reçoivent leur forme et leur couleur des conditions et des dispositions
changeantes des peuples. Tout d'abord, cet avenir apparaît comme une simple
continuation du présent. Les gens heureux l'envisagent avec joie ; les
malheureux avec une sombre appréhension. Pour les princes et les nobles,
l'au-delà est une suite presque ininterrompue de parties de chasse et de
banquets ; les valets et les esclaves y voient une série indéfinie de dures
corvées. Mais tout avenir est incertain, et laisse libre champ aux perspectives
les plus diverses : pressentiments angoissants, espérances exaltées. Car si le
désir peut être appelé le père de la pensée, l'inquiétude en est la mère
; et leurs descendants reproduisent leurs traits dans des proportions variées.
Quand l'ici-bas offre une surabondance de biens, l'avenir apparaît volontiers
comme un reflet terne et vaporeux de l'existence terrestre ; quand celle-ci
laisse une large place aux vœux et aux regrets, la fantaisie aime à tremper
son pinceau dans les couleurs de l'espérance ; enfin, l'excès de maux et
l'habitude de souffrir qu'il engendre émoussent en même temps que la force de
vouloir celle d'espérer, et confinent l'imagination à de sombres perspectives
d'au-delà. Aux circonstances extérieures, viennent se joindre les diversités
de tempérament des peuples. Mais, en somme, et pour autant que les facteurs
jusqu'ici énumérés entrent seuls en jeu, l'image de l'avenir ressemble à la
réalité actuelle, bien que, du fait des conditions indiquées, elle présente
des couleurs tantôt plus claires, tantôt plus foncées. Il n'est pas difficile
de distinguer les motifs qui, dans le cours des siècles, produisent une
évolution de cette image. Le dernier terme de la transformation se trouve dans
cette conception de la vie future que l'on peut désigner du nom de
rétributive. Or un premier linéament de cette conception est contenu dans
cette constatation de fait : que le sort présent des individus est déterminé
à beaucoup d'égards par leurs dispositions intellectuelles et morales. Le
fort, le brave, le circonspect, le résolu parviennent souvent sur terre à la
puissance et au bonheur; de là, par un raisonnement tout indiqué - si ce n'est
par le simple effet de la liaison des idées - ne sera-t-on pas porté à croire
que la même destinée leur écherra aussi dans le royaume des âmes ? Un autre
facteur est la faveur ou la défaveur que les dieux témoignent à l'individu.
Leurs favoris et surtout leurs rejetons ne doivent-ils pas avoir le pas, dans
l'au-delà, sur ceux qu'aucun lien de cette nature ne rattache aux maîtres de
la destinée humaine ? Et si la prière et le sacrifice ont pour effet
d'enchaîner la bienveillance des dieux, n'est-il pas naturel que la faveur
ainsi obtenue se reporte sur le sort futur des hommes ? Dans la mesure, enfin,
où l'État et la société se fortifient, où les énergies puissantes de la
Nature acquièrent une signification morale, et, à côté des ancêtres
déifiés, sont considérées comme des gardiennes et des protectrices des
institutions humaines, comment la pensée ne se ferait-elle pas jour - un peu
tard peut-être et insensiblement - que la mort n'oppose pas à la puissance des
juges célestes une barrière infranchissable, mais que, au contraire, la
récompense et la punition peuvent trouver ou atteindre le bienfaiteur des
hommes, comme le criminel, au delà du tombeau (02)
?
Le développement du peuple grec place nettement sous nos yeux quelques-unes de
ces phases. A une époque ou dans une condition sociale remplie de passions
indomptables, où retentit sans trêve le fracas des armes, et qui, par
conséquent, offre le plus abondant aliment à toute l'échelle des sentiments
humains, il n'y a guère plus de place pour les songes de l'au-delà que pour le
regret des jours meilleurs d'autrefois. Le présent, saturé à tous égards,
absorbe aussi bien le lointain avenir que le lointain passé. Même dans les
rares heures de loisir où ils se reposent des combats, les héros homériques
prennent plaisir aux descriptions de batailles et aux récits d'aventures : de
celles auxquelles ils ont eux-mêmes pris part, aussi bien que de celles de
leurs ancêtres ou de leurs dieux, qu'ils se représentent si parfaitement
semblables à eux-mêmes. Les âmes qui séjournent dans le monde souterrain y
coulent une existence terne, sans vigueur, nullement enviable. Se promener à la
lumière du soleil est le plus ardent désir des guerriers qui combattent autour
de Troie ; Achille préférerait - simple et pauvre journalier - passer ici-bas
une misérable existence que d'exercer la royauté sur les Ombres. Si, parfois,
un des combattants est enlevé par les dieux et admis à partager leur
félicité, c'est là une faveur purement personnelle, et non la récompense de
glorieux exploits, et celui qui en bénéficie - par exemple Ménélas - n'est
à aucun égard supérieur à ses compagnons d'armes moins heureux. Il en est
autrement aux époques - ou bien devons-nous dire dans les couches sociales ? -
auxquelles s'adresse Hésiode. Pour elles, le présent est triste, et le désir
de gloire et de bonheur pousse l'imagination à embellir aussi bien , le passé
que l'avenir. Les hommes tournent leurs regards avec regrets vers un « âge
d'or » depuis longtemps disparu ; la déchéance graduelle du lot terrestre
passe pour eux à l'état de fait et devient un problème dont la solution,
comme nous l'avons vu, préoccupe les esprits réfléchis ; la condition des
âmes après la mort prend souvent l'aspect d'une glorification. Les défunts
sont fréquemment élevés au rang de démons qui veillent sur la destinée des
vivants. Les « champs Elysées », les « îles Fortunées » commencent à se
remplir d'habitants. Mais tout cela est absolument dépourvu de précision
dogmatique ; tout cet ordre d'idées reste longtemps vague, vacillant, confus.
Et si, déjà chez Homère, on peut reconnaître un premier germe du dogme de la
rétribution - dans les peines qu'encourent aux enfers quelques criminels
insolents et ennemis déclarés des dieux - il s'écoule pourtant bien des
siècles jusqu'à ce que ce germe soit arrivé à son complet développement.
Les tortures d'un Tantale et d'un Sisyphe sont suivies de celles d'Ixion et de
Thamyras ; mais si l'insolence et l'insubordination à l'égard des dieux sont
punies par ceux-ci mêmes dans le Tartare, le sort posthume de l'énorme
majorité des hommes est regardé encore comme complètement indépendant de
leurs mérites ou de leurs fautes. Et, par dessus tout, quelle que soit la
bigarrure des tableaux de la vie d'au-delà, la religion d'État qui peut être
considérée comme l'expression de la conscience des classes dirigeantes, ne
prend qu'une faible connaissance de la foi en l'immortalité ; c'est à la vie
présente que vont, après comme avant, les préoccupations dominantes de
l'homme antique, pour autant du moins que nous pouvons déduire des cultes
officiellement reconnus ses pensées et ses désirs.
Mais, au courant principal de la vie religieuse s'opposent des contre-courants ;
d'autre part, il recouvre des courants cachés ; et ces courants secondaires
gagnent peu à peu en force, bien qu'avec des affaiblissements momentanés, et
finissent par constituer un fleuve qui ronge et évide le noyau même de la
religion hellénique. Ils ont en commun - culte des mystères aussi bien que
doctrines orphico-pythagoriciennes - une vive préoccupation de la destinée
posthume de l'âme, qui leur fait rabaisser sa condition actuelle,
c'est-à-dire, en définitive, leur fait envisager la vie sous de sombres
couleurs.
Les doctrines
orphiques, ainsi appelées du légendaire chantre thrace Orphée, sous le nom
duquel circulaient les livres sacrés de cette secte, nous ont été conservées
dans des rédactions multiples, souvent très divergentes. Mais notre source
d'informations la plus abondante remonte aux derniers temps de l'antiquité ;
nous la devons aux Néo-Platoniciens, ultimes héritiers du grand philosophe ;
ils revenaient avec prédilection à ces doctrines qu'ils aimaient parce
qu'elles présentaient une grande affinité avec les leurs, et en donnaient dans
leurs écrits de nombreuses analyses partielles, accompagnées souvent de
précieuses citations des poèmes orphiques (03).
Or, comme la doctrine orphique ne forme pas un tout strictement homogène, mais
qu'elle a pris dans le cours du temps des développements variés, on comprend
la méfiance avec laquelle ont été accueillis et examinés ces témoignages
tardifs. A première vue, la critique paraît justifiée à ne les considérer
comme pleinement valables que pour l'époque à laquelle ils remontent. Mais les
voies dans lesquelles elle s'est souvent engagée en pareille matière sont bien
glissantes ; quelques découvertes récentes (04)
l'ont montré de la manière la plus frappante.
Des tablettes d'or, trouvées dans des tombes de l'Italie méridionale datant en
partie du IVe, en partie du commencement du IIIe siècle avant Jésus-Christ,
nous donnent les échos de vers orphiques que nous ne connaissions jusqu'ici que
par une citation de Proclus, néo-platonicien du Ve siècle de notre ère ;
ainsi la garantie que nous avons de leur antiquité s'est accrue en un coup de
sept siècles ! Une des plus importantes divinités du culte orphique, Phanès,
ne nous était attestée jusqu'à aujourd'hui que par un historien de l'époque
d'Auguste, Diodore ; une des tablettes de Thurium nous prouve qu'elle était
déjà invoquée trois cents ans auparavant. Dans ces cas donc, la critique
avait vraiment dégénéré en hypercritique ; l'excès de prudence scientifique
s'est révélé défaut de saine intelligence scientifique. Mieux vaut, en
somme, faire à l'erreur une légère part dans le détail que de s'interdire
volontairement la connaissance intime du système par l'application trop
rigoureuse d'une méthode en soi justifiée, mais qui n'attribuerait les
éléments de ce système qu'à l'époque où leur existence est indubitablement
attestée. D'ailleurs, les études récentes, en relevant et en examinant avec
soin les allusions et les indications que nous offrent par-ci par-là les
textes, ont réussi à suppléer sur bien des points à l'absence de
témoignages directs.
Efforçons-nous d'abord de nous représenter l'état intellectuel des hommes
qu'Aristote appelle les « théologiens (05) », et
que nous pouvons peut-être désigner comme l'aile droite des plus anciens
penseurs grecs. Leur tournure d'esprit est moins scientifique que celle des «
physiologues », mais ils éprouvent d'autant plus vivement le besoin
d'assister, par l'imagination, à la naissance et au développement de
l'Univers. Les légendes divines qui circulaient parmi leurs compatriotes leur
paraissaient insuffisantes, soit parce qu'elles contredisaient leurs aspirations
morales, soit parce - qu'elles ne donnaient que des réponses trop vagues ou
trop grossières à la question de savoir d'où et comment sont sorties les
choses. La pensée spéculative proprement dite ne peut fournir que des
indications pour résoudre ces énigmes vieilles comme le monde. Le plein
développement de ces indications, que réclame une pensée encore sous
l'influence dominante des mythes, ne peut se faire à moins que des légendes
venues d'ailleurs ne comblent les lacunes. On les recherche donc avec ardeur, et
l'on ne saurait s'adresser mieux pour en faire une ample moisson qu'aux
traditions locales et à celles des nations étrangères, et surtout de celles
de ces nations qu'entoure l'auréole d'une antique culture. Ces trois éléments
: spéculation cosmogonique proprement dite, traditions locales grecques et
traditions étrangères constitueront le tissu de la nouvelle doctrine. Qu'il en
soit ainsi en réalité, c'est ce que montre un regard sur le contenu et surtout
sur le caractère des doctrines orphiques et de celles qui sont avec elles dans
un rapport étroit. Ce mélange ressort clairement de la cosmogonie de
Phérécyde de Syros (06), dont nous nous occupons
en premier lieu, quoiqu'il ne soit pas le plus ancien, mais le premier
représentant de cette tendance auquel on puisse assigner une date avec une
certitude presque entière. Il a publié vers le milieu du VIe siècle un écrit
en prose intitulé Pentemuchos (l'antre aux cinq replis), dont il nous a été
conservé quelques citations littérales. Il subit l'influence d'anciens
coreligionnaires, en particulier peut-être du poète Onomacrite, qui vivait à
la cour du tyran athénien Pisistrate et de ses fils. Phérécyde, donc,
s'occupait d'astronomie ; il avait probablement emprunté aux Babyloniens les
principes de cette science, et l'on montrait encore bien longtemps après lui
son observatoire aux visiteurs de l’île. Comme philosophe, il admettait trois
essences primordiales, existant de toute éternité : Chronos, ou le principe du
Temps ; Zeus, appelé par lui Zas, à l'effet, sans doute, de rappeler
l'interprétation de ce mot que nous avons déjà rencontrée une fois chez
Héraclite, et qui tendait à faire du dieu souverain le principe suprême de la
vie ; enfin la déesse de la Terre, Chthoniè. De la semence de Chronos sont
sortis le Feu, l'Air et l'Eau, et de ceux-ci de multiples générations de
dieux. Deux autres éléments, que nous ne trouvons que dans une tradition
postérieure, et de ce fait peut-être adultérée, ont pour nom la « Fumée »
et les « Ténèbres » et complètent le nombre des matières fondamentales
indiqué par le titre de l'ouvrage (07). Chacune de
ces matières occupait à l'origine une région spéciale du monde. Mais un
combat s'engagea entre les dieux, dans lequel le dieu-serpent, Ophioneus, marcha
avec ses troupes à la rencontre de Chronos et de sa suite de dieux. A la fin de
la mêlée, un des groupes de combattants est précipité dans les profondeurs
de la mer, que Phérécyde appelle du nom vraisemblablement babylonien d'Ogènos
(08), qui correspond au grec Okéanos. Voici
quelques autres traits de sa cosmogonie. Zas ou Zeus, après avoir formé le
monde, se transforme dans le dieu de l'amour, Eros ; puis il confectionne « un
puissant et beau vêtement, dans lequel il tisse l'image de la Terre, d'Ogènos
et des demeures d'Ogènos », et qu'il étend sur le « chêne ailé » ; enfin,
« au-dessous de la Terre se trouve la région du Tartare, gardée par les
filles de Boréas, les Harpyes et Thyella. » et dans laquelle « Zas précipite
tous ceux des dieux qui se souillent d'actions criminelles ». Si nous ajoutons
encore que Chthoniè change de nom et devient Gê « depuis que Zas lui a
attribué la Terre » (et que la mère des dieux, Rhéa, s'appelle chez lui
Rhè, peut-être par opposition à Gè), nous aurons mentionné tout ce que nous
connaissons des doctrines de Phérécyde relativement à la naissance des dieux
et de l'Univers.
Étrange amalgame, où entre un peu de science, une dose d'allégorie et
beaucoup de mythologie ! Essayons de nous orienter dans ce cycle déconcertant
de pensées. Comme les « physiologues », notre penseur reconnaît des
principes primordiaux éternels, et il s'efforce de ramener à quelques
matières fondamentales la multiplicité des éléments qui constituent le monde
matériel. Il se rencontre aussi avec eux sur ce point - très caractéristique
- qu'il fait sortir de ces matières la foule des dieux secondaires. Il se
sépare d'eux en ceci qu'il va moins loin dans la simplification de la matière,
qu'il ne connaît pas une matière fondamentale seulement et que, si nous le
comprenons bien, il ne considère pas même l'air comme formant un élément
unique. Mais, surtout, ses matières fondamentales ne sont pas des matières
primordiales ; en lieu et place de celles-ci, il admet des essences primitives
qui, il faut le reconnaître, ne sont pas conçues comme grossièrement
matérielles, et qui donnent naissance aux matières proprement dites. S'il ne
nous décrit expressément que l'origine des trois éléments qui prédominent
dans le monde supérieur, le parallélisme de l'exposition semble forcer à
admettre que les deux autres, qui appartiennent au royaume des Ténèbres, (et
dont nous ne devons la connaissance qu'aux allusions fortuites de saint
Augustin) sont produites par le dieu-serpent, qui préside au monde d'en bas. On
serait tenté ici d'attribuer à notre « théologien » une position
intermédiaire entre Hésiode et les philosophes naturalistes. Mais cela ne
suffirait pas à donner une idée complète de leurs rapports. Dans la
Théogonie, les facteurs naturels conçus comme vivants : la « Terre à la
large poitrine », le « Ciel immense », etc., jouent les principaux rôles, à
côté de quelques principes divins. Chez Phérécyde, il n'est plus permis de
parler de fétiches naturels. Zas et Chronos apparaissent plutôt comme des
essences divines, et Chthoniè est expressément distinguée de la « Terre »,
dont elle ne reçoit le nom qu'après avoir reçu des mains de Zas la terre
proprement dite, matériellement parlant. C'est comme s'il voulait dire : «
L'esprit de la Terre existe avant la Terre, et il ne lui est associé que
postérieurement, comme l'âme au corps ». Ici donc s'annonce un mode de
pensée très caractéristique, très important pour l'intelligence des rapports
de l'esprit et du corps chez les Orphiques en général (au sens restreint du
mot) et chez Phérécyde lui-même.
Qu'un combat des dieux précède l'établissement du régime auquel l'Univers
est soumis, c'est là une conception si commune aux mythologies grecques et non
grecques, que nous ne pouvons pas nous étonner de la rencontrer aussi chez
Phérécyde. A la base de cette idée très répandue, se trouve sans doute,
soit dit en passant, une double considération, qui devait s'offrir
naturellement à l'esprit de l'homme primitif. Le règne de l'ordre ne pouvait
guère lui apparaître comme un fait initial ; en effet, les êtres puissants
qu'il croyait apercevoir derrière le monde extérieur, il se les figurait
animés d'une volonté aussi arbitraire et de passions non moins indomptables
que les membres les plus considérables de la société humaine, la seule qui
lui fût connue, et qui était si éloignée de la discipline et de la paix. De
là cette conjecture : que la régularité observable dans les phénomènes de
la Nature est une loi imposée aux vaincus par la volonté du vainqueur. Et
cette conjecture ne devait-elle pas s'imposer d'autant plus à eux que,
précisément, les plus violents agents naturels n'exercent que d'une manière
relativement rare leur pleine action ; que les tremblements de terre, les
tempêtes, les éruptions volcaniques, ne sont que des interruptions
occasionnelles et de courte durée de la paix habituelle de la Nature ? Cet
état de choses, pensait-on, ne peut pas avoir toujours existé ; ces
effroyables puissances, si hostiles à la vie humaine, se sont sans doute
déchaînées jadis, libres de tout obstacle ; si, aujourd'hui, des limites
étroites ont été imposées à leur fureur dévastatrice, ce ne peut être que
par le triomphe d'êtres encore plus puissants, qui sont entrés un jour en
lutte avec elles et les ont enfin domptées. La forme plus précise que ce
combat des forces supra-terrestres avec les forces souterraines a prise chez
Phérécyde rappelle tellement, dans nombre de détails, la légende
babylonienne de l'origine du monde, que des juges très compétents penchent à
admettre que le penseur grec les a empruntés à cette dernière. Si ensuite
Zas, en vue de la formation du monde, se transforme en dieu de l'amour, nous
n'avons pas à chercher bien loin le motif de cette conception. L'idée que
l'instinct de la reproduction seul rapproche les principes de même nature et
seul assure la durée des espèces et des genres existants n'est que la
généralisation d'un fait constaté dans le domaine de la vie organique ; cette
idée, nous l'avons déjà rencontrée chez Hésiode, et sous une forme pour
ainsi dire cristallisée, d'où nous avons conclu qu'elle avait, et depuis
longtemps, cessé de vivre. C'est sans doute au culte voué au dieu de l'amour
dans quelques très antiques sanctuaires, par exemple à Thespies en Béotie,
que s'est rattaché le mythe spéculatif d' « Eros créateur de l'Univers ».
Ce qu'il nous est le plus difficile de comprendre enfin, ce ne sont pas tant les
détails des théories du théologien de Syros, mais l'état d'esprit dont elles
sont sorties, et où s'allient si étrangement la science et la foi aux mythes.
Nous n'avons aucun motif de mettre en doute les aspirations de cet homme à la
vérité ; rien ne dénote chez lui une tendance à frapper les imaginations par
des miracles de charlatan. Comment nous représenter alors que, sans être un
poète, sans se flatter de pénétrer les secrets de l'Univers dans l'ivresse du
délire et de la possession démoniaque, il nous offre un tableau, poussé
jusque dans le détail, de l'origine de cet Univers et des dieux avec la
confiance de celui qui prétend avoir reçu une révélation ? Pour nous, du
moins, il n'y a pas d'autre explication possible de l'énigme que celle que nous
avons déjà indiquée. Sa pensée spéculative peut lui avoir fourni
quelques-unes des parties constitutives de sa doctrine, notamment de la doctrine
des matières primordiales ; il en a emprunté d'autres, comme nous venons de le
dire, aux recherches de ses prédécesseurs ; mais il ne pouvait puiser ni à
l'une ni à l'autre de ces sources pour peindre avec de si riches couleurs son
tableau d'ensemble ; il le doit sans doute à des traditions nationales ou
étrangères auxquelles il a donné son assentiment parce que, dans leurs traits
essentiels, elles s'accordaient avec les résultats de ses investigations; il a
dû, pour cette raison précisément, les transposer, les transformer, les
fondre ensemble avec un arbitraire dont il était lui-même inconscient. Rien
n'est plus difficile, mais rien n'est plus indispensable que de se faire une
idée de cette critique incomplète qui rejette beaucoup de légendes, mais en
accepte avec une foi parfaite d'autres reposant sur un fondement tout à fait
identique ; qui, par conséquent, ne prend pas une position de principe à
l'égard de la tradition comme telle, mais, avec une étonnante naïveté,
prétend trouver dans les mythes divins comme dans les noms des dieux la clef
des profondeurs les plus secrètes de l'énigme universelle. Ainsi il nous est
permis de voir en Phérécyde un des plus anciens représentants de cet
éclectisme à moitié critique, à moitié croyant qui sera, en d'autres temps
et chez d'autres peuples, celui de tant de penseurs.
Parmi les
sectaires orphiques, des écrits divers et contradictoires ont circulé
simultanément ou successivement au sujet de la vie et des enseignements du
fondateur de la doctrine, comme tel a été le cas aussi pour d'autres
communautés religieuses. Il nous parait aussi déplacé de parler ici de «
falsification » consciente ou d'ouvrages « apocryphes » qu'il le serait -
d'appliquer de pareils qualificatifs au Deutéronome de Moïse dans l'Ancien
Testament ou à la doctrine du Logos dans le Nouveau. La cosmogonie orphique,
elle aussi, était exposée dans des rédactions multiples, dont il n'est pas
possible de déterminer sûrement la succession. Mais rien n'empêche de
supposer que plusieurs d'entre elles avaient cours en même temps, sans que les
lecteurs pleins de foi de ces « saintes écritures » fussent choqués des
contradictions flagrantes qu'elles pouvaient présenter. Nous en connaissons
quatre d'une manière plus ou moins complète (09).
L'une d'entre elles a été analysée par Eudème, l'élève d'Aristote, qui
avait composé une Histoire de l'Astronomie ; mais de cette analyse il ne nous
est guère parvenu que cette sèche mention : la Nuit jouait le rôle de
principe primordial. Cette opinion transparaît dans le vers d'Homère où Zeus
craint de rien faire qui puisse déplaire à la Nuit, et semble ainsi
reconnaître celle-ci comme supérieure à lui. Les Maoris, eux aussi,
connaissent « la Nuit, antique Mère », et cette divinité joue le rôle le
plus important dans les doctrines cosmogoniques des Grecs, chez le légendaire
Musée non moins que chez le voyant Epiménide ; chez le conteur de légendes,
Akousilaos, non moins que chez un quatrième auteur dont le nom est resté
inconnu. Il ne vaut guère la peine de mentionner la deuxième version, exposée
dans une douzaine d'hexamètres relatifs à l'origine de l'Univers, que le
poète alexandrin Apollonius, en ses Argonautiques, met dans la bouche
d'Orphée. En effet, l'auteur du poème ne prétend pas faire une citation
authentique, et le contenu de ce passage ne saurait justifier une telle
prétention. Le principe de la « Discorde », qui y sépare les quatre
éléments, appartient, comme ceux-ci, au philosophe-naturaliste postérieur
Empédocle. En outre, le combat des dieux y est décrit en concordance partielle
avec Phérécyde, sans cependant que les légères divergences d'Apollonius
fassent l'impression de remonter à une plus haute antiquité. Car, tandis que
le théologien de Syros nous montre le dieu-serpent et Chronos en lutte pour le
pouvoir, et attribue au vainqueur le monde supérieur, et au vaincu le monde
souterrain pour résidence et pour royaume, ici Ophioneus est au début maître
de l'Olympe ; or, comme les serpents, en vertu de leur nature même,
appartiennent, et sans doute dans toutes les mythologies, au domaine terrestre,
nous ne pouvons voir ici qu'une déviation de la forme primitive, qu'un
développement artificiel de la légende. Nous n'arrêterons pas longtemps non
plus le lecteur à la troisième version. En effet, elle est expressément
opposée par ceux qui nous la rapportent à la doctrine orphique courante ; les
traits qui l'en différencient n'offrent nullement un caractère plus ancien, et
les autorités sur lesquelles elle repose - Jérôme et Hellanikos - sont d'une
date incertaine et d'une valeur douteuse. Il en est tout autrement de la
quatrième et dernière, qui nous raconte à la fois la naissance des dieux et
celle du monde, et qui se trouvait autrefois dans ce qu'on a appelé les
Rhapsodies (10). Les savants modernes s'inspirant
de l'exemple d'un maître en cette science, Christian Auguste Lobeck, ont
montré avec une entière certitude que les penseurs et les poètes du VIe
siècle avant J.-C. la connaissaient et l'utilisaient, tandis que les motifs sur
lesquels on s'appuyait et l'on s'appuie encore pour en contester la haute
antiquité se sont révélés peu fondés. Nous ne pouvons laisser tout à fait
de côté cette controverse, qui touche à des questions de principe de la plus
haute importance. Mais, tout d'abord, indiquons le contenu essentiel de cette
cosmogonie. A l'origine se trouve, comme chez Phérécyde, Chronos ou le Temps,
qui était de toute éternité, tandis que le principe de la lumière ou du feu,
nommé Aether, et le « gouffre immense », appelé Chaos, ne faisaient
qu'entrer à l'existence. Ensuite le « puissant Chronos » forma, de l'Aether
et du Chaos rempli de « sombre brouillard », un « oeuf d'argent ». De
celui-ci sortit le « premier-né » des dieux, Phanès ou le Brillant, appelé
aussi dieu de l'Amour, Éros, la Sagesse, Métis, ou encore Erikapaios, nom qui
n'a pas été expliqué d'une manière certaine. Comme dépositaire de tous les
germes de vie, il est à la fois mâle et femelle ; de lui-même, il produit la
Nuit, puis un effroyable dieu-serpent, Echidna ; en s'unissant à la Nuit, il
engendre le Ciel et la Terre (Ouranos et Gaia ; ancêtres de la race
«secondaire » des dieux. Nous ne dirons rien des Titans, des Géants, dès
Parques et des monstres aux cent bras ou Hécatonchires, parce que la théogonie
orphique ne différait pas essentiellement, au sujet de ces êtres, de celle
d'Hésiode. Kronos et Rhéa appartiennent, eux aussi, à la seconde génération
des dieux. Mais leur fils, « Zeus, tête et centre en même temps, duquel tout
procède », «Zeus, origine de la Terre et du Ciel semé d'étoiles (11)
», engloutit Phanès, et par là réunit en lui les germes de toutes choses ;
il les fait renaître de lui-même en créant la troisième et dernière
génération des dieux et tout le monde visible.
Efforçons-nous de saisir la pensée fondamentale de cette exposition, d'en
pénétrer le caractère spécial, et en même temps, si possible, d'en
déterminer l'origine historique afin de contribuer, pour notre part, à la
solution du problème indiqué plus haut. On ne peut guère se défendre de
l'impression que les éléments de cette cosmogonie ne sont pas absolument
homogènes, et qu'ils n'ont été qu'assez tard fondus ensemble. En effet, le
principe de la lumière et du feu, autrement dit l'éther, apparaît, dans la
formation de l'Univers, antérieurement à Phanès ; le premier-né des dieux,
dont le nom signifie le Brillant. S'il n'y a pas là une contradiction, du moins
est-ce une conception qu'on ne peut guère attribuer à la première période
mythique. Celle-ci vise toujours aux puissants effets ; elle se garderait bien
de les atténuer d'avance. On est tenté de penser qu'ici deux couches de
spéculation mythologique se sont pénétrées, l'une en quelque sorte plus
naturaliste, l'autre plus portée à créer des divinités proprement dites. «
Dans le cours du temps, sous l'influence de la lumière et de la chaleur, le
monde s'est fermé de la matière obscure qui flottait dans l'espace » , à peu
près, pouvons-nous ajouter, comme une plante croit et se développe aux rayons
vivifiants du soleil ; - telle est sans doute la pensée qui a trouvé son
expression mythique dans la première partie de cette cosmogonie. « Des
ténèbres primordiales et dépourvues de forme est sorti un principe lumineux
et divin qui a formé le monde », voilà une seconde pensée, essentiellement
différente de la première. Le lien entre ces deux idées est représenté par
le terme sous lequel les poèmes orphiques désignent Phanès : « fils du
resplendissant éther ». Le mythe de l'œuf du monde ne paraît pas, lui non
plus, se trouver ici sous sa forme originelle. Car il est sorti sans doute du
raisonnement intuitif suivant : le monde est animé, et il est né. Sa naissance
doit avoir été analogue à celle d'un être vivant. Or la courbure du ciel en
forme de sphère rappelle la forme de l'œuf ; il y a donc eu, se disait-on,
autrefois un oeuf qui s'est brisé ; la moitié supérieure s'est conservée et
constitue la voûte céleste ; de la moitié inférieure est sortie la terre
avec les êtres qui la peuplent. Mais rien ne force d'admettre que la
déformation de cette légende ne s'est produite que sur le sol grec. Ce mythe
très répandu, les Grecs l'avaient en commun avec les Perses et les Hindous,
avec les Phéniciens, les Babyloniens et les Égyptiens (12)
; chez ces derniers, il se présente exactement sous la même forme que dans la
cosmogonie orphique. Voici, en effet, dans quels termes s'exprime une cosmogonie
égyptienne : « Au commencement, il n'y avait ni Ciel ni Terre ; le Tout était
entouré d'épaisses ténèbres et rempli d'une eau primordiale illimitée
(appelée par les Égyptiens Nun), qui recelait dans son sein les germes mâles
et femelles, ou les premiers linéaments du monde futur. L'esprit divin
primitif, inséparable de la matière de l'eau, se sentit porté à l'activité
créatrice, et sa parole appela le monde à la vie... Le premier acte de la
création commença par la formation d'un oeuf, qui fut tiré de l'eau
primordiale, et duquel sortit la lumière du jour (Rà), cause immédiate de la
vie dans le domaine du monde terrestre ». Dans une autre version, il est vrai -
et il ne sera sans doute pas inutile de rendre attentif aux formes multiples de
la légende dans la vallée du Nil - c'est au dieu Ptah qu'est attribuée la
création de l'œuf. C'est lui qui, suivant ses adorateurs, a tourné - tel un
potier sur son tour - l'œuf duquel est sorti le monde. Il n'aura pas échappé
au lecteur attentif que, par cette attribution à l'eau primordiale des germes
mâles et femelles, le mythe égyptien offre une analogie remarquable avec la
légende orphique, qui prête au dieu lumineux, organisateur du inonde, les
attributs à la fois mâles et femelles. Cette double nature nous rappelle
encore plus vivement sans doute les divinités hermaphrodites qui ne sont rien
moins que rares dans le panthéon babylonien (13).
Si nous ajoutons que le principe du temps qui figure en tête de notre
cosmogonie, - pour ne pas parler de l'Avesta des Perses où il apparaît sous le
nom de Zrvan Akarana (14) ou durée illimitée - se
retrouve aussi, d'après le témoignage irrécusable d'Eudème, dans la
cosmogonie des Phéniciens, nous en aurons assez dit pour faire admettre à nos
lecteurs que les traditions étrangères ne sont pas restées sans influence sur
l'origine de la doctrine orphique.
Le foyer d'où rayonnèrent ces traditions a, selon toute probabilité, été le
pays que non seulement nous envisageons comme un des anciens centres, mais où
l'on peut même voir le berceau de la civilisation, nous voulons dire le pays
situé entre l'Euphrate et le Tigre, et sur lequel régnait Babylone. Cette
manière de voir provoquera certainement les plus vives objections, peut-être
même les sarcasmes des savants pour lesquels c'est déshonorer les Grecs que de
les faire aller à l'école des nations qui les ont précédés dans la culture,
et de leur faire emprunter d'elles leurs premières notions scientifiques et
religieuses. Mais l'esprit d'étroitesse et d'entêtement qui voudrait, si l'on
peut ainsi parler, faire monter le peuple grec sur un tabouret isolateur pour le
soustraire à l'influence des peuples civilisés avant lui ne peut se maintenir,
en présence des faits toujours plus nombreux, toujours plus importants et plus
clairs qui ne cessent de se manifester. Il ne se trouve presque plus personne
aujourd'hui pour nier ce que, il y a quelques dizaines d'années seulement, on
niait avec tant d'assurance et d'obstination : à savoir que les Grecs doivent
à l'Orient les éléments de leur civilisation matérielle et les premiers
modèles de leur art. La résistance qu'a rencontrée l'opinion correspondante
dans les domaines scientifique et religieux, a sans doute été puissamment
entretenue par les essais prématurés, partiaux et dépourvus de méthode, des
générations précédentes ; mais ce courant, pour avoir été créé par des
savants tout à fait éminents, tel que l'était par exemple Lobeck, n'en doit
pas moins finir par céder à une appréciation complète et impartiale des
faits historiques. Mercenaires et négociants, marins en quête d'aventures et
colons avides de combats, les Hellènes, nous l'avons vu, se sont trouvés de
bonne heure en rapports multiples et étroits avec les peuples étrangers. Au
bivouac, au bazar et au caravansérail, sur les ponts des bateaux
qu'éclairaient les étoiles, et dans le demi-jour intime de l'appartement
conjugal que l'émigrant grec partageait si souvent avec une indigène, se
faisait un échange perpétuel d'entretiens, qui sûrement, ne roulaient pas
moins sur les choses du ciel que sur celles de la terre. Mais les doctrines
religieuses étrangères - auxquelles l'Hellène devait depuis longtemps nombre
de ses divinités et de ses héros, par exemple la sémitique Aschthoreth
(Afthoret, Aphrodite) et son favori Adonis, et plus tard la déesse thrace
Bendis et la phrygienne Kybêle - trouvaient un accueil d'autant plus empressé
que les anciennes traditions nationales satisfaisaient moins l'ardeur toujours
plus grande de savoir, l'instinct de recherche scientifique toujours croissant
d'un âge porté à l'intellectualisme. La fierté chauvine n'opposait qu'une
faible digue à ces influences. Les Grecs ont été de tout temps, et à un
degré étonnant, disposés à reconnaître leurs propres dieux dans ceux des
autres peuples, et à atténuer par des transpositions de sens ou de souples
accommodations les contradictions qui existaient entre leurs traditions et les
traditions étrangères ; l'historien Hérodote nous donne de ce procédé de
très nombreux exemples, aussi amusants qu'instructifs. Mais, en ce qui concerne
Babylone, sa position centrale et son influence prépondérante au point de vue
de l'histoire religieuse, il suffira de mentionner en quelques mots quelques-uns
des résultats décisifs des études actuelles. Pour prouver la simple
possibilité du transport des doctrines religieuses de la Mésopotamie en
Égypte, l'auteur de ce livre avait rassemblé, il y a quelques années, une
foule de faits qui devaient prouver les anciennes et actives relations des
habitants de ces deux pays. Les feuilles où ils étaient consignés peuvent
maintenant, et sans regrets, être mises au panier, car ces preuves ont été
confirmées et dépassées par les résultats merveilleux des fouilles
récentes. Je parle des archives cunéiformes découvertes à Tell-el-Amarna en
Égypte (15), qui non seulement, ont mis au jour
une correspondance diplomatique nouée vers l'an 1500 avant J.-C. entre les
souverains des deux pays, mais encore - unies aux résultats des dernières
fouilles de Lachisch en Palestine - nous ont appris que l'écriture et la
langue- babyloniennes servaient de moyen de communication dans de vastes
territoires de l'Asie antérieure ; qu'il y avait en Égypte des savants très
au courant soit de l'une soit de l'autre, et que, sur les bords du Nil, ce qui
auparavant eût paru presque incroyable - on s'intéressait suffisamment aux
traditions religieuses de Babylone pour transcrire dans les bibliothèques de
briques des sanctuaires babyloniens les documents les plus anciens qui s'y
rapportaient. L'Inde n'est pas restée non plus sans subir l'influence de cette
métropole de la civilisation ; c'est ce que prouve déjà suffisamment un mot
significatif emprunté aux Babyloniens, et qui se rencontre dans les hymnes du
Rig-Véda, le mot mine, comme désignation de poids. D'autres preuves
importantes et de natures diverses tendant à établir les antiques échanges de
culture entre les régions de l'Euphrate et du Tigre et celles de l'Indus et du
Gange - échanges dans lesquels les premières donnaient plus qu'elles ne
recevaient - seront bientôt publiées par un savant qui fait autorité (16).
Mais, après cette digression forcée, revenons à notre objet. L'absorption de
Phanès par Zeus est calquée sur de plus anciens modèles : Kronos avait déjà
englouti ses enfants ; Zeus lui-même engloutit Métis pour tirer de sa propre
tête Athéna, que celle-ci portait dans son sein (17).
L'emploi de ce procédé grossier semble découler du désir de fondre en un
seul tout des légendes divines auparavant isolées et indépendantes. Le
procédé lui-même est basé évidemment sur une conception antérieure et
panthéistique du dieu suprême, qui porte en lui toutes les énergies et les
semences vitales. Or si, dans la nouvelle cosmogonie, ce rôle était attribué
au dieu lumineux ou Phanès, on avait besoin d'un fait par lequel le dernier
organisateur du monde, aboutissement final d'une série de générations de
dieux, pût entrer en possession de la dignité que, sans y prendre garde, le
mythe avait déjà conférée au « premier-né des dieux ». Le caractère
panthéistique de la cosmogonie orphique qui se manifeste ici a jeté sur la
haute antiquité de ce poème des doutes qui, à notre avis, ne sont absolument
pas fondés. Il ne peut, nous semble-t-il, en aucune façon paraître incroyable
que ce panthéisme relativement modéré ait fleuri au sixième ou même déjà
au septième siècle dans le cercle nécessairement étroit des conventicules
orphiques, si l'on se souvient du caractère clairement panthéistique des plus
anciennes doctrines des philosophes naturalistes, ou encore du fait qu'Eschyle,
avant le milieu du cinquième siècle, osait faire entendre du haut de la scène
au peuple athénien rassemblé des vers comme les suivants :
Zeus est le Ciel, Zeus est la Terre, Zeus est l'Air,
Zeus est le Tout, et ce qui existe en plus du Tout (18).
Mais si nous comparons l'ensemble de cette doctrine avec celle de Phérécyde,
nous remarquons des concordances aussi bien que des divergences tout à fait
importantes. A la trinité des êtres primordiaux de Phérécyde : Chronos, Zâs
et Chthoniè correspondent ici Chronos, Aether et Chaos. Ces deux derniers nous
sont déjà connus depuis Hésiode, mais ils ont quelque peu changé de position
et de caractère. Chez Hésiode, l'Aether n'est que l'un de plusieurs principes
lumineux il n'occupe nullement une place privilégiée. Le Chaos a aussi changé
de nature, puisqu'il ne désigne plus la simple fente béante entre la hauteur
suprême et l'ultime profondeur, mais une matière informe voguant dans cet
abîme, « un sombre brouillard ». L'éther ou principe de la lumière et du
feu est évidemment opposé ici à cette masse inerte; il représente
l'élément animateur et vivifiant dont Phérécyde a fait, en le personnifiant
sous le nom de Zâs, un divin principe de vie. Le même rapport existe sans
aucun doute entre le Chaos et l'Esprit ou la divinité de la Terre, Chthoniè.
Pour autant que, dans des questions si difficiles, il est possible de se
prononcer, on ne pourra guère s'empêcher, vu la forme en quelque sorte
intermédiaire de cette doctrine entre Hésiode et Phérécyde, de la déclarer
antérieure à celui-ci et postérieure à celui-là. Cette conclusion est
appuyée par le fait que la théogonie orphique fait, comme Hésiode, naître
l'Aether et le Chaos dans le temps, tandis que le penseur de Syros, d'accord en
cela avec les physiologues auxquels il s'oppose essentiellement sous tous les
autres rapports, réclame sans distinction une existence éternelle pour ses
trois essences universelles. Mais bien plus fertile en conséquence que ces
essais enfantins d'explication du monde a été la doctrine orphique de l'âme ;
elle repose sur une conception essentiellement nouvelle de la vie, et elle a
produit dans le cours de l'hellénisme une rupture qui en a sapé la beauté et
l'harmonie et en a préparé la destruction finale. Seulement, au point où nous
sommes arrivés, les traits de la doctrine orphique s'embrouillent tellement
avec ceux d'un autre mouvement intellectuel plus profond encore, que nous ne
pouvons poursuivre notre étude sans avoir étudié ce mouvement et dessiné la
figure imposante de son auteur.
(01)
Cf. Lobeck, Aglaophamus, I 300 sq. et Grote, Hist. de la Grèce, I
28, qui cependant exagère ici les influences étrangères. Diels a montré, Sibyllinische
Blätter, 42, 78 et ailleurs que, plus probablement, les usages et les
croyances les plus antiques ont été refoulés par la culture qui se reflète
dans l'épopée ; comp. aussi l'exposé magistral de Rohde dans Psyché, éd., I
157 et 259 sq. - Tylor a excellemment montré dans sa Civil. primitive,
II 77 sq., et en plusieurs autres endroits, comment la théorie de la
rétribution est sortie de ce qu'il appelle continuance theory.
(02) La forme de punition la plus
simple est l'anéantissement. Les spécialistes discutent encore sur la question
de savoir si, d'après les idées védiques, les méchants en général sont
jugés dignes de survire. L'éminent sanscritiste Roth l'a nié, tandis que
Zimmer, Aitindisches Leben, 416, affirme le contraire en se basant sur
des arguments qui ne paraissent pas décisifs. Pour une époque postérieure au
Rig-Véda, la croyance en un lieu d'expiation et en des supplices infernaux est
sûrement attestée (ibid. 420-21).
(03) Les poèmes orphiques ont été
réunis en dernier lieu par E. Abel (Orphica, Leipzig-Prague, 1885); ils
l'avaient été auparavant par G. Hermann, Leipzig 1805 .
(04) Cf. Kaibel, Insc. graecae
Siciliae et Italiae, n° 638-642. Quelques textes omis par lui se trouvent
dans Comparetti, Notozie delle scavi, 1880, p. 155 et dans le Journal
of Hellenic Studies, III p. 114 sq. Les tablettes appartiennent
certainement, pour une partie au moins, au IVe siècle, en partie peut-être au
commencement du IIIe. - Citation de Proclus, frg. 4 Abel : õppñte
d' nyrvpow prolÛpú f‹ow elÛoio,
frg. presque identique au n° 642, Žll'
õpñtam cux¯ prñlipú f‹ow ŽelÛoio.
O. Kern a aussi attiré l'attention sur cette coïncidence et sur d'autres
analogues (Aus der Anomia, Berl. 1890, p. 87). - Phanès : cf. Diodore, 1
11, 3. Une nouvelle comparaison de ces tablettes a fait douter que le nom de
Phanès s'y trouve ; cf. H. Diels, dans le recueil qui m'a été dédié, Vienne
1902, p. 1 sq.
(05) Aristote,
Métaph., XII c. 6, où les physiciens leur sont opposés.
(06) Les
fragments de Phérécyde ont été réunis et joints à des débris analogues
par O. Kern, De Orphei, Epimenidis. Pherecydis theogoniis quaestiones
criticae, Berlin 1888. Voir à ce sujet Diels dans l'Archiv für Gesch.
der Philosophie. II 91 ; 93-4; 656-7.
(07) Je
puise ici dans Augustin, Conf., III 11, et dans la note de K. Raumer sur ce
passage. Il suffira sans doute que leur attention ait été attirée sur ce
point pour que d'autres reconnaissent clairement que cette doctrine manichéenne
remonte à Phérécyde.
(08) Hommel, Der babylonische
Ursprung der ägyptischen Kultur, p. 9, dérive le grecƒVkeanñw
du sumérien Ugina - cercle, totalité. Il est plus naturel encore d'en dériver
le mot énigmatique et complètement isolé d'Ogènos, bien entendu dans
l'hypothèse - à établir plus tard - que Phérécyde s'est inspiré de
traditions étrangères. Outre la ressemblance des noms, il y a lieu de
considérer la circonstance suivante. Le parti qui succombe dans le combat des
dieux est précipité dans l'Ogènos. Or le chef des vaincus, c'est-à-dire le
dieu-serpent Ophioneus, est évidemment une divinité chthonienne ou tellurique.
Sa demeure permanente et celle de ses compagnons est le monde d'en bas, qui,
d'après la conception hellénique, se trouve dans les profondeurs de la terre,
tandis que, d'après celle des Babyloniens, il se trouve sous l'Océan (cf.
Hommel, loc. cit. p. 8). L'Ophioneus de Phérécyde n'est-il pas identique à la
déesse babylonienne du Chaos, qui a la forme d'un serpent ? Comp. a ce sujet
Jensen, Kosmologie der Babylonier, p. 302. Un emprunt de ce genre à la
mythologie phénicienne, qui est étroitement apparentée à celle de la
Babylonie, est supposé du moins par Philon de Byblos (ap. Euseb. Prep. evang.,
I 10 p. 41 = I 93 Gaisf.), et il n'est certes plus possible aujourd'hui de
traiter avec Zeller (Phil. der Griechen, I 86, 5e éd.) Philon de «
falsificateur » et de rejeter son témoignage. Cf. C. Wachsmuth, Einleit. in
das Stud. der alten Gesch., Leipzig 1895, p. 406. Sur ce point, il est
particulièrement à remarquer que Halévy (Mélanges Graux, 55 sq.) a
établi l'identité essentielle de la cosmogonie phénicienne décrite par
Philon (ou par sa source Sanchuniathon) avec la cosmogonie babylonienne ; cf.
aussi Renan dans les Mém. de l'Acad.des Inscr., XXIII p. 251. - Un
fragment nouveau, relativement important, a été publié par Grenfell et Hunt, New
classical fragments and other Greck and Latin papyri, Oxford 1897. Il nous
fait connaître en Phérécyde un narrateur enjoué ; cf. le compte-rendu de
l'auteur dans l'Akad. Anzeiger, 3 mars 1897. Quant à l'explication de ce
fragment, on la doit surtout à H. Weill, Revue des Etudes grecques, X 1
sq.
(09) Sur les quatre versions de la
théogonie, comp. Kern, op. cit.
(10) Après Lobeck (Aglaophamus),
c'est surtout Kern, op. cit., qui a le plus travaillé à établir la haute
antiquité - très contestée - de la théogonie rhapsodique, ou du moins de son
contenu essentiel, et il a avancé dans ce but des motifs qui me semblent tout
à fait excellents. Je considère comme absolument manquée, en dépit de la
surprenante adhésion de Rohde, Psyché, 2e éd., II 416 note, la
prétendue preuve de Gruppe, que Platon n'a jamais connu la théogonie
rhapsodique (Jahrb. f. Philol., suppl., XVII 689 sq.). Examinée sous son
vrai jour, la divergence entre Rohde et moi se réduit à fort peu de chose. Car
Rohde concède que « la concordance des rhapsodies avec la doctrine et la
poésie orphiques » est encore démontrable sur plusieurs points, et moi je
suis tout disposé à reconnaître que l'ampleur de cette oeuvre (24 livres) et
les indices certains de l'intercalation de diverses versions des légendes nous
forcent à admettre que la théogonie rhapsodique est assez éloignée du point
de départ de la littérature orphique. Nous manquons, pour le moment du moins,
des moyens nécessaires pour transformer cette détermination relative d'âge en
une détermination absolue. C'est aussi l'opinion de Diels : il tient pour «
probable que la forme primitive de la théogonie orphico-rhapsodique remonte au
VIe siècle », et ajoute que « le mysticisme orphico-eschatologique lui
paraît encore considérablement plus ancien ». (Archiv II 91.) -
Indépendamment de la présence du nom de Phanès sur les tablettes trouvées
dans l'Italie méridionale (qui a été récemment remise en question), les
arguments avancés par Zeller à l'appui de son opinion (Phil. d. Griechen,
I 98, 88, note 5, et 90, note 3), me semblent peu concluants. De ce qu'Aristote,
Métaph. XIV 4, parle d'« anciens poètes » qui admettent des divinités
primordiales « telles que la Nuit et le Ciel, ou le Chaos ou Okéanos », il
n'aurait, suivant Zeller, connu aucun exposé dans lequel Manès joue un rôle.
En réalité, même d'après la théogonie rhapsodique, Phanès n'est pas,
Zeller le reconnaît lui-même, p. 95, la divinité primordiale proprement dite.
Il est, bien au contraire, précédé par Chronos (le Temps) qui engendre «
l'Aether et le sombre, incommensurable Abîme ou Chaos », et, de ces deux
êtres, forme l'oeuf du monde, d'où sort seulement Phanès. Je considère comme
peu fondée la conclusion que Zeller tire de ce passage de la Métaph. : « Ces
mots... supposent une cosmologie dans laquelle la Nuit occupait la première
place, soit à elle seule, soit avec d'autres principes également primordiaux.
Il en est autrement de la phrase 6 du chapitre XII de la Métaph., où il est
question de « théologiens qui font tout sortir de la Nuit » oß
¤k Nuktòw gennÇntew. Je ne puis
admettre avec Zeller que ces deux passages se rapportent exactement à la même
cosmogonie orphique, car le mot comme » (oäon),
dans le premier, semble déjà faire allusion à plusieurs. Les pluriels « les
anciens poètes » et « les théologiens » font également penser à tout
plutôt qu'à un système unique et bien défini. Ce qui me parait le moins
acceptable dans la discussion à laquelle Zeller soumet ce point, c'est la
supposition que l'on a commencé au IIIe siècle environ à revêtir des
pensées stoïciennes d'un vêtement mythique complètement neuf. Il est
hasardeux, sans doute, d'affirmer d'une manière tout à fait générale que la
force de création mythique était autant qu'éteinte à l'époque
hellénistique. Mais il l'est certainement encore bien plus de prétendre que
des mythes panthéistiques n'aient pas pu être créés au VIe ou au VIle
siècle, ou qu'ils n'aient pu être produits par la transformation de traditions
en partie locales, en partie non grecques.
(11) Abel,
Orphica, p. 167.
(12) Relativement
aux Perses et aux Hindous, cf. Darmesteter, Essais orientaux, p. 169,
173, 176; relativement aux Phéniciens et aux Babyloniens, cf. Mélanges
Graux, p. 61, et en outre Welcker, Griechische Götterlehre. I 195 ;
enfin cette remarquable indication de l'India d'Alberuni, trad. Sachau, I
222-23 : « If this our book were not restricted to the ideas of one single
nation, we should produce from the helief of the nations who lived in ancient
times in and round Babel ideas similar to the egg of Brahman... » En ce qui
concerne les Égyptiens, j'emprunte ma citation à Brugsch, Religion und
Mythologie der alten Aegypter, 101. La version relative au dieu Ptah se
trouve dans Erman, Aegypten und ägyptisches Leben, 253. Cf. aussi
Dieterich, Papyrus magica dans le Jahrb. f. Philol. Suppl.. XVI 773.
L'opinion de Lepage-Renouf, Proceedings of the Soc. of Bibi. archeology,
XV 64 et 289 n. 2, qui dénie l'oeuf du monde à la mythologie égyptienne, est
jusqu'ici isolée. On ne doit pas passer sous silence que le mythe de l'oeuf du
monde se trouve même là où l'on ne peut guère ou même pas du tout songer à
un emprunt, ainsi chez les Lettes, dans les îles Sandwich, chez les Péruviens
(cf. Lukas, die Grundbegriffe in den Kosmogonien der alten Völker,
261, sq.), et chez les Finnois, d'après Comparetti, il Kalevala, 132. Un
examen impartial ne devrait pourtant pas méconnaître la concordance assez
exacte des formes que ce mythe a prises chez quelques-unes des nations citées
dans le texte.
(13) Cf.
Lenormant-Babelon. Hist. anc. de l'Orient, 9e éd., V 250.
(14) Cf.
Avesta, I, trad. de James Darmesteter (Sacred Books of the East, IV),
Introd. p. 82 et Fargard, XIX 9, p. 206. Témoignage d'Eudème dans Eudemi
Fragmenta, coll. Spengel, p. 172 ; cf. aussi p. 171, où il est question de
la doctrine des Mages, c'est-à-dire de la religion de Zoroastre et de la place
qu'y occupe le principe du temps.
(15) Sur
les archives en caractères cunéiformes de Tell-el-Amarna et de Lachisch, cf.
Winekler dans les Mitteilungen aus den orientalischen Sammlungen der kgl.
Museen zu Berlin, I-III, Bezold et Budge, The Tell el Amarna tablets in
the Brit. Mus. 1892; enfin Flinders Petrie, Tell et Hesy, (Lachisch) 1890.
Sayce a traduit une partie de ces archives dans Records of the Pas, N. S.
vol. III no 4 (1890).
(16) M.
Gomperz fait allusion ici à un ouvrage que préparait le célèbre sanscritiste
Bühler. Malheureusement Bühler est mort prématurément, laissant cet ouvrage
inachevé. - A. R.
(17) Comparez
aussi avec cela l'engloutissement du coeur de Zagreus par Zeus, engloutissement
qui joue un rôle dans le mythe capital des Orphiques.
(18) Ces
deux vers appartiennent au drame intitulé Les Filles
du Soleil. (Fragm. tragicorum graecorum, 2e éd. Nauck, fr. 70, p. 24.)