Les écrivains et le pouvoir

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Le despote et le père du peuple

MARTIAL : D'origine espagnole, Martial vient tôt à Rome. De grands personnages lui accordent soutien et moyens de subsistance. Il participe à la vie mondaine. Il termine ses jours dans sa patrie. Il est l'auteur de nombreuses épigrammes le plus souvent cinglantes pour ses contemporains.
L'extrait suivant provient du De spectaculis (recueil de pièces consacrées aux jeux de l'amphithéâtre)

A la fin de son règne, Tibère devient de plus en plus soupçonneux.

Le despote et le père du peuple

Hic ubi sidereus propius videt astra colossus
et crescunt media pegmata celsa via,
invidiosa feri radiabant atria regis,
unaque iam tota stabat in urbe domus ;
hic ubi conspicui venerabilis Amphitheatri
erigitur moles, stagna Neronis erant ;
hic ubi miramur velocia munera thermas
abstulerat miseris tecta superbus ager ;
Claudia diffusas ubi porticus explicat umbras,
ultima pars aulae deficientis erat.
Reddita Roma sibi est et sunt te praeside, Caesar,
deliciae populi, quae fuerant domini.

   vocabulaire

Le despote et le père du peuple 

Là où le radieux colosse voit les astres de près ; où s'élèvent, au milieu de la voie publique, de gigantesques machines, brillait l'odieux palais d'un farouche tyran, et ce palais, à lui seul, remplissait Rome entière : là où s'offre aux yeux la masse imposante d'un magnifique Amphithéâtre, étaient tes étangs de Néron ; là où nous admirons les Thermes, si promptement construits par la munificence de César, un parc fastueux avait usurpé la place des cabanes de quelques malheureux ; là où le portique de Claudius déploie un vaste abri contre le soleil, était l'extrémité du palais qui a disparu. Rome est rendue à elle-même ; et sous ton empire, César, les lieux qui avaient été les délices d'un tyran sont devenus les délices du peuple.

MARTIAL, de spectaculis, 2.

 

Texte parallèle

(Néron) se fit bâtir une maison s'étendant du Palatin à l'Esquilin et l'appela d'abord le Passage, puis, un incendie l'ayant détruite, il la reconstruisit sous le nom de Maison Dorée. Pour faire connaître son étendue et sa splendeur, il suffira de dire ce qui suit. Dans son vestibule, on avait pu construire une statue colossale de Néron, haute de cent vingt pieds ; la demeure était si vaste qu'elle renfermait des portiques à trois rangs de colonnes longs de mille pas, une pièce d'eau semblable à une mer, entourée de maisons formant des villes, et par surcroît une étendue de campagne, où se voyaient à la fois des cultures, des vignobles, des pâturages et des forêts, contenant une multitude d'animaux domestiques et sauvages de tout genre ; dans le reste de l'édifice, tout était couvert de dorures, rehaussé de pierres précieuses et de coquillages à perles ; le plafond des salles à manger était fait de tablettes d'ivoire mobiles et percées de trous, afin qu'on pût répandre d'en haut sur les convives soit des fleurs, soit des parfums ; la principale était ronde et tournait continuellement sur elle-même, le jour et la nuit, comme le monde.

SUÉTONE, Néron, 31

 

MARTIAL est le numéro un toute catégorie de la flagornerie : voici quelques petits extraits :

LIVRE IV

I. - SUR L'ANNIVERSAIRE DE LA NAISSANCE DE DOMITIEN.

Jour fortuné qui vis naître César, jour plus sacré que celui où l'Ida, complice de Cybèle, vit naître Jupiter sur le mont Dictée, prolonge, je t'en prie, ta durée au delà des trois âgés du sage de Pylos ; sois toujours aussi brillant et, s'il se peut, plus brillant encore qu'en ce moment. Que notre maître tout couvert d'or, sacrifie à Minerve Albaine pendant des années sans nombre ; et que ses augustes mains distribuent encore des milliers de couronnes de chêne. Puisse-t-il après une longue suite de lustres, renouveler les jeux séculaires et les fêtes instituées à Térente par Romulus ! Dieux de l'Olympe, c'est vous demander de grandes faveurs, mais vous les devez à la terre. Quels voeux pourraient être indiscrets pour un aussi grand dieu ?

LIVRE V

1. - A CÉSAR DOMITIEN.

César, soit que tu résides sur les collines d'Albe, que chérit Pallas, et que de là tu étendes tes regards, d'un côté, sur le temple de la triple Hécate, de l'autre sur les plaines de Thétis; soit que tu habites la ville où deux soeurs rendent tes oracles véridiques, à l'endroit où les flots de la mer viennent en s'abaissant baigner les faubourgs ; soit que tu préfères la demeure de la nourrice d'Énée, ou le palais de la fille du Soleil, ou le séjour d'Anxur, aux rochers blancs, aux ondes salutaires ; je t'offre mon ouvrage, à, toi l'heureux protecteur de l'empire qui te doit sa durée, à toi dont la prospérité semble un gage de la reconnaissance de Jupiter. Daigne seulement l'accepter : je penserai que tu l'auras lu, et, crédule comme un Gaulois, je serai tout. fier d'un tel honneur.

LIVRE VII

  I. 

A DOMITIEN, SUR SA CUIRASSE. 

Arme-toi de la cuirasse formidable de la belliqueuse Minerve, de cette cuirasse que redoute la colère même de la tête de Méduse. Tant que tu n'en fais pas usage, César, on pourra l'appeler une cuirasse ; placée sur ta poitrine sacrée, ce sera l'égide. 

II. 

A LA CUIRASSE ELLE-MÊME. 

Cuirasse du maître de l'empire, impénétrable aux flèches du Sarmate, plus sûre que le bouclier de cuir du Mars Gétique ; toi qui, pour être à l'épreuve des dards mêmes de l’'Étolie, fus tissée d'un assemblage sans nombre d'ongles polis de sanglier ; que ton sort est heureux ! tu vas toucher la poitrine sacrée de notre dieu, et t'échauffer au feu de son génie. Va, compagne de ses travaux, sois à l'abri de l'ennemi, mérite de nobles victoires, et rends bientôt notre prince à la toge ornée de palmes (triomphale)   

LIVRE VIII

A L'EMPEREUR DOMITIEN AUGUSTE, GERMANIQUE, DACIQUE V. MARTIAL, SALUT.

Prince, mes ouvrages, qui vous doivent leur réputation, autant dire la vie, sont tous placés sous votre protection ; et c'est, je pense, ce qui fait qu'ils sont lus. Celui-ci cependant, qui forme le huitième livre de mon recueil, est plus riche que les autres du récit de vos vertus. Il a donc coûté moins de travail à mon esprit, que secondait l’abondance de la matière. Toutefois je me suis efforcé d'y jeter de la variété par le mélange de quelques plaisanteries, afin que votre céleste modestie ne trouvât pas dans chaque vers des louanges plus capables de vous fatiguer que d'épuiser mon admiration. En outre, quoique de très graves personnages et des hommes du plus haut rang semblent avoir pris à tâche d'imiter, dans les épigrammes qu'ils ont faites, le langage licencieux de la farce, je n'ai pourtant pas permis à celles-ci de s'exprimer aussi librement que leurs aînées. La majesté de votre nom sacré se trouvant associée à la plus grande et la meilleure partie de ce livre, il n'oubliera pas que ce n'est qu'après avoir été purifié par des ablutions, religieuses qu'il est permis de s'approcher des temples. Et afin que ceux qui me liront sachent combien je suis résolu à tenir ma promesse, j'ai voulu la consigner en tête de mon livre dans une très courte épigramme.

LIVRE XI

IV. - INVOCATION AUX DIEUX EN FAVEUR DE TRAJAN.

Autels sacrés, Lares de la Phrygie, que l'héritier d'Ilion aima mieux arracher aux flammes que les richesses de Laomédon ; Jupiter, dont l'or vient pour la première fois d'éterniser l'image ; toi sa soeur, toi sa fille, qui à lui seul as dû ta naissance ; Janus, toi qui déjà trois fois as inscrit le nom de Nerva dans les Fastes consulaires, je vous le demande en grâce, unissez-vous pour conserver notre chef, pour conserver le sénat ; faites que celui-ci se règle sur les moeurs du prince, et que le prince ne prenne modèle que sur lui-même.

V. - A LA LOUANGE DE NERVA.

Il y a chez toi, César, un respect du droit et de la justice, qui te place à côté de Numa : mais Numa était pauvre. C'est chose difficile de défendre tes moeurs des séductions de la richesse, et de rester un Numa après avoir vaincu tant de Crésus. Si nos ancêtres, ces illustres personnages, pouvaient revenir sur terre, et quitter les bocages de l'Élysée, l'invincible Camille te sacrifierait même la liberté ; Fabricius accepterait de l'or de ta main ; Brutus aimerait à t'avoir pour maître ; le sanguinaire Sylla déposerait le pouvoir suprême pour te le céder ; Pompée te chérirait, d'accord avec César, rendu à la vie privée ; Crassus te ferait l'abandon de toutes ses richesses ; Caton lui-même, s'il pouvait quitter le noir séjour du dieu des enfers, Caton deviendrait partisan de César.

 

 

 

ager, agri, m. : la terre, le territoire, le champ
amphitheatrum, i, n. : l'amphithéâtre
astrum, i, n. : l'astre, l'étoile
atrium, i, n. : grande salle (à l’entrée de la maison romaine), salle d’entrée (des monuments publics). , au pl. la maison, le palais
aufero, fers, ferre, abstuli, ablatum : emporter
aula, ae, f. : 1. la cour d'une maison, la cour d'un prince, la puissance d'un prince 2. la marmite 3. la flûte, la joueuse de flûte
Caesar, aris, m. : César, empereur
celsus, a, um : haut, élevé, grand
Claudia, ae, f. : Claudia
colossus, i, m. : le colosse (statue de grande dimension)
conspicuus, a, um : visible, remarquable
cresco, is, ere, crevi, cretum : intr. - 1 - naître, pousser (au pr. et au fig.). - 2 - croître, s'accroître, grandir en nombre. - 3 - au fig. s'accroître (en parl. des ch.). - 4 - s'élever (en gloire, en réputation), grandir en considération, grandir en puissance, devenir puissant.
deficio, is, ere, feci, fectum : faillir, faire défection; au passif : être privé de
deliciae, arum, f. pl. : 1 - tout ce qui charme : les délices, les douceurs, les plaisirs, les jouissances, le bonheur; le luxe, la mollesse, la délicatesse; les jeux, les agréments, les gentillesses, les plaisanteries. - 2 - l'objet de l'affection ou du plaisir; le délice, l'amour, l'amant, l'amante; le libertinage. - 3 - la recherche (de style), la gentillesse, la mignardise, le raffinement.
diffundo, is, ere, fudi, fusum : verser, répandre, épanouir
dominus, i, m. : le maître
domus, us, f. : la maison
erigo, is, ere, rexi, rectum : dresser, élever (erectus, a, um : élevé, dressé, droit, fier, attentif)
et, conj. : et. adv. aussi
explico, as, are, ui, itum (avi - atum) : 1. déployer, dérouler 2. étendre, allonger 3. débrouiller, tirer au clair
ferus, a, um : sauvage, barbare
ferus, i : l'animal
hic, adv. : ici
hic, haec, hoc
: adj. : ce, cette, ces, pronom : celui-ci, celle-ci
iam, adv. : déjà, à l'instant
in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
invidiosus, a, um
: 1 - envieux, jaloux, haineux. - 2 - qui est jalousé, qui est envié. - 3 - qui est haï, qui rend odieux, odieux, impopulaire, révoltant.
medius, a, um : qui est au milieu, en son milieu (medium, i, n. : le milieu)
miror, aris, ari : 1. s'étonner, être surpris 2. voir avec étonnement, admirer
miser, a, um : 1 - malheureux, misérable, digne de pitié. - 2 - triste, déplorable, lamentable. - 3 - qui fait souffrir, violent, extravagant, excessif. - 4 - malade, souffrant. - 5 - misérable, coupable.
mitto, is, ere, misi, missum : I. 1. envoyer 2. dédier 3. émettre 4. jeter, lancer II. laisser aller, congédier
moles, is, f. : la masse, la digue, le poids, la charge; l'effort, la difficulté
munus, eris, n. :1. l'office, la fonction 2. l'obligation, la charge 3. le produit 4. le service rendu 5. le don, le présent 6. le spectacle public, les combats de gladiateurs
Nero, onis, m. : Néron
pars, partis, f. : la partie, le côté
pegma, atis, n. : l'estrade, la machine de théâtre
populus, i, m. : 1. le peuple - 2. f. : le peuplier
porticus, us, f. : le portique
praeses, praesidis, m. : celui qui est à la tête de, le chef
propius, adv. : comparatif de prope : près
quae, 4 possibilités : 1. nominatif féminin singulier, nominatif féminin pluriel, nominatif ou accusatif neutres pluriels du relatif = qui, que (ce que, ce qui) 2. idem de l'interrogatif : quel? qui? que? 3. faux relatif = et ea - et eae 4. après si, nisi, ne, num = aliquae
radio, as, are : briller
reddo, is, ere, ddidi, dditum : 1. rendre 2. payer, s'acquitter de rapporter 3. retourner, traduire 4. accorder
rex, regis, m. : le roi (Rex, Regis : Rex)
Roma, ae, f. : Rome
se, pron. réfl. : se, soi
sidereus, a, um : étoilé, relatif au soleil, divin, radié, pourvu de rayons
stagnum, i, n. : l'eau stagnante, la nappe d'eau
sto, as, are, steti, statum
: se tenir debout
sum, es, esse, fui
: être
superbus, a, um : orgueilleux
tectum, i, n. : le toit, la maison
thermae, arum, f. : les thermes
totus, a, um : tout entier
tu, tui : tu, te, toi
ubi, adv. : où; conj. quand (ubi primum : dès que)
ultimus, a, um : dernier
umbra, ae, f. : l'ombre
una, adv. : ensemble, en même temps
unus, a, um : un seul, un
urbs, urbis, f. : la ville
velox, ocis
: rapide
venerabilis, e : vénérable, respectable
via, ae, f. : la route, le chemin, le voyage
video, es, ere, vidi, visum : voir (videor, eris, eri, visus sum : paraître, sembler)

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