Tour du monde, ou Voyages du Rabbin Péthachia, de Ratisbonne, dans le XIIe siècle.
Le douzième siècle, cette grande époque littéraire des Israélites modernes, qui a produit tant d'hommes célèbres, donna aussi naissance à deux fameux voyageurs dont les relations sont parvenues jusqu'à nous.
Le premier, Benjamin de Tudèle, est connu de tous les savants, et il existe plusieurs traductions de ses Masahoth, ou voyages. Une relation de cette époque ne peut en effet manquer d'être intéressante : mais il ne faut pas perdre de vue, que c'est un voyage du moyen âge, temps où l'ignorance de la géographie était générale, où l'on ne parcourait le monde qu'en pèlerin, et Benjamin lui-même paraît avoir entrepris ses voyages dans les trois parties de l'univers plutôt dans le dessein de visiter les différentes synagogues que pour enrichir les sciences. Ce voyageur, quoique souvent observateur fidèle, a quelquefois tous les défauts de ceux, de ses contemporains qui parcouraient les mêmes contrées, en sacrifiant la vérité au goût de son siècle porté vers le merveilleux.
Ce que nous venons de dire des voyages de Benjamin, de Tudèle, est également applicable à ceux de Péthachia de Ratisbonne, dont nous offrons aujourd'hui le texte et une traduction française. Comme Benjamin, il voyageait dans l'intention de connaître l'état moral et politique de ses frères dispersés dans les différentes parties du monde. Comme lui, il s'attacha spécialement aux objets qui intéressaient sa nation ; et son récit offre également beaucoup de fables et souvent peu d'intérêt. D'ailleurs, nous n'avons des mémoires de Péthachia qu'un extrait fait par des mains étrangères qui ont peut-être omis les choses les plus essentielles. Ici, est-il dit dans l'ouvrage en parlant de la Syrie, ici Péthachia nous a indiqué le nom de chaque ville qu'il a parcourue, et combien de jours il a employés pour se rendre d'une ville à l'autre : mais nous avons jugé inutile de le transcrire. En effet d'après le titre de l'ouvrage, notre voyageur a dû parcourir le monde entier connu alors, et non quelques contrées seulement, comme le ferait supposer le texte imprimé.
Quant aux détails de la vie de notre Péthachia, ils sont peu connus. On sait seulement qu'il était né à Ratisbonne, ville d'Allemagne, et qu'il avait deux frères, dont l'un nommé Isaac Halbin, se rendit célèbre en France où il étudia sous Jacob Tam ; l'autre appelé Nachman, fut rabbin à Ratisbonne. Cette ville était alors l'Athènes des Israélites : car outre Péthachia et Nachman desquels nous venons de parler, elle possédait encore Ephraïm, fils d'Isaac, et Isaac fils de Mardochée, tous deux disciples du célèbre Jacob Tam ci-dessus cité; Moïse, fils de Joël, et Abraham Hagadol son fils ; Juda Chasid et son fils Aaron, qui s'appliquaient jour et nuit à l'intelligence de la loi divine.
Cependant les études de Péthachia ne lui firent pas perdre le désir qu'il avait de marcher sur les traces de Benjamin, et de visiter les diverses parties du monde connu, pour déterminer et connaître tous les établisse-mens israélites. Il partit donc de Ratisbonne vers l'année 1175, deux ans après la mort de Benjamin, et arriva à Jérusalem dans le temps où les successeurs de Godefroi de Bouillon étaient encore les maîtres de la ville sainte, et avant que cette célèbre cité eut été prise par Saladin, 1187. On ignore la suite du voyage de Péthachia, quels étaient les pays qu'il a encore parcourus, et par quel chemin il est enfin revenu en Allemagne : on peut seulement conjecturer, d'après le dernier passage de son ouvrage, qu'il y retourna par la Grèce.
A son retour il publia la relation de son voyage sous le titre de Sibbub h'olam, Tour du monde ; cette relation, qui ne nous est point parvenue, paraît avoir été rédigée par Juda Chasid, ci-dessus mentionné, et mise ensuite en abrégé par quelqu'un de ses disciples dont le nom est ignoré. Mais quel que soit l'auteur de cet extrait, il est certain qu'il a omis la majeure partie de la relation de notre voyageur, et ne nous a transmis qu'un court abrégé. Cet abrégé a été imprimé pour la première fois à Prague, en 1595, in -4°, avec le Medrasch Jonas; plus tard il en parut une nouvelle édition à Amsterdam, puis une traduction allemande en caractères hébraïques également à Prague. Ces éditions sont si rares, qu'il nous a été impossible de nous les procurer. La seule que nous ayons eue en notre pouvoir est celle que Wagenseil a publiée avec une traduction latine dans ses Exercitationes, Altorf, 1687 et 1696, in-4°, et qui a été reproduite dans les Institutions rabbiniques de Zanolini, et dans le trésor des antiquités sacrées d'Ugolini. Quant à celle que nous publions ici elle est faite d'après une copie écrite à Colmar en 1650, par notre trisaïeul le rabbin Meir Carmoly, et elle est beaucoup plus exacte que celle de Wagenseil.[1]
Nous avons cru devoir ajouter des notes pour éclaircir les endroits de l'ouvrage de Péthachia qui nous ont paru obscurs; et pour suppléer à la concision de ses descriptions, nous avons consulté toutes les relations de voyages qui pouvaient nous fournir des renseignements utiles et peu connus. Nous ne nous sommes point bornés à cela, et nous avons eu recours aux lumières d'un savant modeste que nous nous honorons d'avoir pour collègue à la Société Asiatique, M. Reinaud, à qui nous nous faisons un devoir d'offrir ici le témoignage de notre reconnaissance.
Les écrits des rabbins bien étudiés peuvent jeter un nouveau jour sur la géographie du moyen âge. Comme le texte et les traductions des voyages de Benjamin de Tudèle et les autres écrivains rabbiniques, publiés jusqu'ici, fourmillent d'erreurs, notre intention serait de les reproduire plus tard. Puisse l'échantillon que nous donnons ici appeler l'attention du public sur ce genre d'entreprises !
Eliacin Carmoly.
Paris, 1er juin 1831.
DU
Voici les voyages du rabbin Péthachia, qui fit le tour du monde.
Partant d'abord de Ratisbonne, ville de sa naissance, il arriva à Prague, capitale du royaume de Bohême. De Prague il se rendit en Pologne, de Pologne à Kiev en Russie. De là, après une marche de six jours, il parvint au fleuve Dnieper, et l'ayant passé, il commença à parcourir le pays de Kédar.[2]
Les habitons de ce pays n'ont point de navires; ils cousent ensemble une dizaine de peaux de cheval étendues, et passent une corde tout autour du bord. Ils se placent au milieu avec leurs chariots et leurs effets, attachent la corde à la queue de plusieurs chevaux et traversent ainsi le fleuve.[3] On ne mange point de pain dans le pays de Kédar, mais du riz et du millet cuits dans du lait, ainsi que du beurre et du fromage. Quant à la viande, ils la découpent en morceaux, la placent sous leurs selles, puis font galoper leur chevaux jusqu'à les mettre en sueur, et ainsi échauffée, ils la mangent avidement.[4]
On ne peut voyager dans ce pays qu'à la suite d'un guide. Et voici comment le Kédarien[5] se lie par serment : il se pique le doigt avec une aiguille et donne son sang à sucer à celui qu'il doit conduire, pensant ainsi introduire en quelque sorte son sang et sa chair dans le corps de l’étranger.[6] Ils ont encore une autre manière de se lier par serment : on remplit de lait un vase d'airain, en forme de figure humaine ; le guide et le voyageur y boivent ensemble, et jamais ils ne violent la foi ainsi jurée. Ils n'ont pas de rois, mais des princes et des familles nobles.
Le rabbin Péthachia traversa le pays de Kédar dans toute sa largeur en seize jours. Les habitants, du reste, demeurent sous des tentes; ils ont la vue perçante et de beaux yeux, parce qu'ils ne mangent point de sel et qu'ils habitent dans des champs qui exhalent une odeur agréable. Ils sont excellents archers, au point qu'ils percent de leurs flèches les oiseaux au vol. Non seulement ils aperçoivent des objets éloignés d'une journée de marche, mais encore ils les reconnaissent.
Cette contrée n'est point montagneuse, elle consiste en plaines cultivées. A une journée de marche dans le pays de Kédar, la mer s'avance dans les terres et sépare ce pays de la Khazarie.[7] Ici l'usage est que les femmes pleurent jour et nuit leurs mères et leurs pères morts, et elles continuent ces honneurs funèbres jusqu'à ce que quelqu'un des fils ou des filles ou des proches parents soit atteint de la mort. Ceux qui restent pleurent ceux qui les premiers sont sortis de la vie. Les mères enseignent des élégies à leurs filles, et la nuit elles gémissent et se lamentent. Les chiens y mêlent leurs aboiements et leurs hurlements.
Notre rabbin Péthachia employa huit jours à traverser ce pays. A l'extrémité de la Khazarie, coulent dix-sept rivières qui finissent par se réunir en une seule,[8] et c'est là que se rassemblent tous ceux qui veulent partir sur des vaisseaux pour les régions lointaines. Il y a d'un côté une mer qui répand au loin une odeur fétide,[9] et de l'autre côté il y en a une seconde qui n'a point d'exhalaison méphitique;[10] ces deux mers sont à la distance d'une journée de marche. Si quelqu'un essaie de traverser la mer Putride il meurt sur le champ, et beaucoup sont même frappés de mort quand le vent souffle seulement de cette mer vers l'autre. C'est pourquoi l'on ne hasarde aucune traversée sur celle-ci, que lorsque le vent souffle du côté opposé à la première.
De la Khazarie, le rabbin Péthachia se rendît dans le pays de Thogorma,[11] où l'on observe, de même que plus loin, la loi de Mahomet. De Thogarma, il entra dans le pays d'Ararat,[12] et après huit jours de chemin il parvint à Nizibin, laissant à la droite les hautes montagnes d'Ararat.[13]
Il n'y a point en Kédar de véritables Juifs; on y trouve seulement des hérétiques[14] auxquels le rabbin Péthachia demanda : « Pourquoi n'ajoutez-vous pas foi aux traditions que nous ont transmises nos docteurs d'heureuse mémoire? » — Ils lui répondirent: « Parce que nos pères ne nous les ont pas enseignées. » —« Tout le pain qu'ils doivent manger au Sabbat, ils le découpent la veille; ils restent tout le jour assis à la même place et ne font pour toute prière que réciter des cantiques. Péthachia leur ayant récité après le repas nos prières et l'action de grâces dont nous nous servons selon le Talmud, ils parurent les approuver; mais ils avouèrent que jamais ils n'avaient entendu dire ce que c'est que le Talmud.
Arrivé dans le pays d'Ararat, il traversa les hautes montagnes de ce pays jusqu'à Nizibin et à Hisn-kaifa, nom qui veut dire grand rocher.[15] Quand il eut atteint l'extrémité des montagnes d'Ararat, il parcourut pendant deux jours la pente opposée. Il y a dans la ville de Nizibin une grande communauté juive[16] et une synagogue fondée par le rabbin Juda, fils de Bathera.[17] Il y a encore deux autres synagogues qu'Esdras le scribe fit bâtir. Dans le mur de l’une d'elles on voit incrustée une pierre rouge qu'Esdras emporta avec lui des débris du temple de Jérusalem. Au-delà de Nizibin, se présente l'Assyrie; il faut ajouter que les habitants de la Khazarie font usage d'un autre idiome que ceux du pays de Thogarma.[18] Ces deux peuples paient tribut à l’empereur des Grecs. Quant aux Kédariens, ils ont aussi leur langue particulière.
De Nizibin,[19] en cinq jours de marche, notre rabbin Péthachia parvint à la nouvelle Ninive[20] qu'arrose le Tigre. Il passa le fleuve, et après avoir parcouru l’autre rive pendant trois jours, il arriva à l'ancienne Ninive qui est aujourd'hui ruinée. Tout le sol environnant est comme de la poix, et la place principale de Ninive, qui était jadis une forêt, a été bouleversée à l'égal de Sodome, tellement que l'on n'y trouve ni herbes, ni buissons, et la nouvelle Ninive se trouve vis-à-vis à l'autre rive. Elle est habitée par plus de six mille Juifs. Deux chefs sont à leur tête, l'un nommé rabbin David, l'autre s'appelle rabbin Samuel : ils sont cousins-germains et descendent de la race du roi David.[21] Les habitants soumis à un tribut paient annuellement un écu d'or; l'impôt sur les juifs est partagé en deux parties, dont l'une est donnée à leurs chefs, et l'autre revient au souverain, qu'on ne nomme pas roi, mais sultan : celui-ci est soumis au khalife de Babylone.[22] Les Juifs y possèdent des champs et des vignes.
Dans tous ces pays, les synagogues n'ont point de Hazans[23] ; on n'en trouve pas non plus en Perse, en Médie, à Damas ni dans les provinces voisines. Mais les chefs nourrissent à leur table beaucoup de savants auxquels ils font entonner les prières. Ils ont aussi une prison dans laquelle ils renferment les criminels. Quand un différend s'élève entre un juif et un ismaélite, les chefs ont droit de punir celui qui est reconnu coupable.
Notre Péthachia, pendant son séjour à Ninive tomba malade et les premiers médecins du roi déclarèrent sa maladie mortelle; et comme dans ce pays l'usage est que, lorsqu'un juif étranger meurt, la moitié de sa fortune revienne au trésor du sultan, Péthachia, qui portait de beaux habits, fut jugé riche, et déjà les greffiers du sultan venaient réclamer son argent dans le cas où il viendrait à mourir. Mais Péthachia demanda que, tout malade qu'il était, on le transportât à l'autre bord du Tigre. Ce fleuve est large, et l'on ne peut le passer sur un bateau parce qu'il le renverserait, tant est grande la force et la rapidité de son cours.[24] On se sert donc de radeaux de joncs, qu'on appelle flösse,[25] sur lesquels on peut mettre des hommes et des effets. Le rabbin Péthachia s’étant mis dans un radeau de cette espèce, fut guéri sur-le-champ ; car les eaux de ce fleuve sont très saines.
Il y a à Ninive un éléphant dont la tête ne ressort pas tout-à-fait;[26] il est d'une grandeur énorme et mange en une seule fois autant de foin qu'on en donnerait à deux jeunes taureaux. Sa bouche est près de la poitrine, et quand il veut manger, il étend une trompe longue d'environ deux coudées[27] dont il se sert pour prendre le foin et le porter à sa bouche. Si quelqu'un est condamné par jugement du sultan au dernier supplice, on dit à l'éléphant : celui-ci a mérité la mort: aussitôt il le saisit avec sa trompe, le jette en l'air et le tue. En général tout ce que l'homme fait avec ses mains, cet animal le fait avec sa trompe. Il est beau et bigarré. On adapte sur son dos une machine en forme de tour, qui peut contenir douze hommes armés et cuirassés. Il tend sa trompe, et les soldats s'en servent comme d'un pont, pour parvenir à la tour.
Il y avait alors à Ninive un astronome appelé rabbin Salomon,[28] qui n'avait pas son pareil dans la science astrologique ni dans cette ville, ni dans l'Assyrie entière, ni parmi tous les savants. Le rabbin Péthachia lui demanda quand viendrait le Messie ? Il lui répondit : « Je l'ai déjà vu quelque fois très clairement dans les astres. » Mais le rabbin Juda Chasid n'a pas voulu le consigner par écrit, de crainte qu'on ne l'accusât d'avoir ajouté foi aux paroles du rabbin Salomon.[29]
Le rabbin Péthachia s'embarqua ensuite sur le Tigre, et après avoir descendu ce fleuve durant quinze jours, il aborda au jardin du chef de l'académie[30] babylonienne. Il faut au moins un mois de temps pour faire ce trajet par terre. A partir de Ninive, il y a dans toutes les villes et dans tous les bourgs des communautés juives.
Notre voyageur entra donc dans le jardin du chef de l'académie. Ce jardin s'étendait au loin et il y avait toutes sortes de fruits. On y trouve aussi les dudaïms,[31] qui représentent une figure humaine, et dont les feuilles sont larges. De là, il se rendit par terre en un jour de marche à Bagdad en Babylonie ; car on ne peut continuer à naviguer plus loin sur le Tigre, à cause de la force et de la rapidité de ses eaux. Pour faire le trajet par terre, on se sert de chameaux et de mulets; on attache les outres derrière soi sur le dos des chameaux.
La ville de Bagdad est la capitale du royaume. Le khalife y a sa résidence : ce grand prince exerce une autorité absolue sur tous les peuples des alentours. Bagdad est une cité immense de plus d'un jour de marche dans sa longueur et de plus de trois jours de circonférence. Il y demeure environ mille Juifs, qui sortent toujours voilés. On n'y voit jamais une femme dans la rue, et personne n'ose entrer dans la maison de son voisin sans préalablement s'être fait annoncer de crainte d'y apercevoir son épouse. Si, par hasard, un homme entre sans avertissement, on court à sa rencontre et on lui dit : « Pourquoi es-tu venu ici, homme audacieux? » Un domestique frappe à la porte avec un petit marteau, et le maître de la maison arrive et converse avec lui. Tous les Juifs se couvrent d'un taled[32] de laine avec des franges qu'ils portent toute la journée.
Le chef de l'académie à Bagdad est le rabbin Samuel Halevi,[33] fils d'Ali, ancien chef de l'académie. C'est un homme célèbre, plein de sagesse, versé dans la loi écrite et dans la loi orale. Il sait tout le Talmud par cœur, et rien ne lui est caché; il connaît la nécronomie et est versé dans toutes les sciences d'Egypte.[34]
On ne trouve pas dans la Babylonie, l'Assyrie, la Médie, la Perse, même parmi le plus bas peuple, un homme qui ne connaisse les vingt-quatre livres de l'Ecriture, avec ses points, anomalies, lacunes et répétitions.[35] Car dans les synagogues de ces pays, ce n'est pas le Hazan qui lit la section de la loi, mais c'est chaque individu appelé au pupitre, qui fait cet office, Le chef de l'académie a près de mille disciples, dont plus de cinq cents assistent à la fois à ses leçons. Tous sont parfaitement instruits; car avant de se présenter à ses leçons, ils prennent dans la ville d'autres maîtres, et ce n'est qu'après cette espèce d'initiation qu’ils sont admis devant le chef de l'académie.
Le rabbin Eléazar,[36] chef d’ordre, est soumis au chef de l'académie.[37] La maison de ce dernier est très vaste, et tapissée d'étoffes de soie; lui-même, couvert de vêtements dorés, se place dans une chaire élevée: les disciples s'assoient par terre.
Il s'adresse à l'interprète, qui transcrit ses paroles à l'auditoire. Lorsqu'il s'élève quelque question difficile, les disciples la soumettent à l'interprète; et si celui-ci ne peut la résoudre lui-même, il a recours au chef de l'académie. Il y a donc deux répétiteurs : le premier lit l'un des traités du Talmud à une portion de l'auditoire; le second lit un autre traité talmudique au reste de l'auditoire. Toute la lecture du Talmud se fait avec une certaine harmonie, et l'explication du chef de l'académie termine la leçon.
Un an avant l'arrivée du rabbin Péthachia, la mort enleva le rabbin Daniel, chef de la captivité, dignité supérieure à celle de chef de l'académie.[38] Tous les Israélites ont des livres généalogiques, qui remontent jusqu'aux tribus dont ils sont issus. Le rabbin Daniel descendait de la maison de David. Le khalife ne nomme jamais le chef de la captivité, que sur la présentation des principaux Juifs. Il n'y avait personne plus capable de remplir cette importante dignité que deux chefs de tribus, issus de la souche de David, sur lesquels les suffrages se sont partagés ; les uns ont choisi le rabbin David, et les autres ont préféré le rabbin Israël;[39] et jusqu'à présent ils n'ont pas pu s'accorder, parce que tous deux sont des personnes fort instruites.[40] Quant à rabbin Daniel, il n'a point laissé des fils, mais seulement des filles.
Le rabbin Samuel Halevi, possède un livre de généalogie qui remonte jusqu'à Samuel de Ramatha, fils d’Elkana.[41] Ce rabbin n'a aussi qu'une fille : elle est très versée dans la Sainte Ecriture et dans le Talmud. Elle enseigne l'Ecriture aux jeunes gens ; mais elle reste enfermée dans une maison d'où elle enseigne par une jalousie qui se trouve en haut; les élèves assis dehors et en bas ne peuvent jamais la voir. Du reste tous les Juifs qui habitent l’Assyrie, Damas, Acco,[42] la Perse, la Médie, la Babylonie, ne reconnaissent d'autres juges que ceux qui sont nommés par le rabbin Samuel, chef de l'Académie. C'est lui qui dans toutes les villes donne le pouvoir d'enseigner et de juger; son seing est d'un grand poids dans tous les pays, même dans la Terre Sainte, car il est respecté de tous. Il a sous ses ordres environ soixante domestiques et licteurs, qui frappent de verges les délinquants. Lorsque les disciples ont fini leurs études, les plus avances en âge les interrogent sur l'astronomie et sur d'autres sciences.
Dans le pays d'Ararat[43] il y a de grandes villes; mais peu de Juifs y demeurent. Autrefois, lorsqu'il y en avait beaucoup, la discorde se mit entre eux, ils se firent la guerre et finirent par se séparer et aller s'établir partie en Babylonie et partie dans la Médie, dans la Perse et dans l'Ethiopie. On compte en Babylonie plus de six cent mille Juifs; l'Ethiopie et la Perse en contiennent autant Mais dans ce dernier pays ils ont à souffrir la plus cruelle servitude et les plus désagréables vexations, c'est pourquoi Péthachia n'en visita qu'une seule ville. Les Israélites de la Babylonie jouissent d'une grande tranquillité; ils paient tous les ans par tête une pièce d'or au chef de la captivité, car ils ne paient pas de tribut au khalife, mais seulement au chef de la captivité.
Le prédécesseur du khalife actuel,[44] celui qui régna du temps de Chasdai, chef de la captivité[45] et père du rabbin Daniel, aimait beaucoup ce rabbin, parce qu'il était de la race de Mahomet,[46] et que le chef de la captivité était un descendant de David. Il lui dit un jour qu'il voulait voir la tombe du prophète Ezéchiel, qui, dit-on, opérait des miracles. Le rabbin Chasdai lui répondit : « Seigneur, vous ne pouvez la voir, car il est saint, et vous n'aurez pas la force d'ouvrir son sépulcre ». Comme le khalife persistait dans sa demande, le chef de la captivité et les anciens lui dirent : « Seigneur, près du tombeau du prophète, on a placé son disciple Baruch, fils de Nérei ; visitez d'abord, si vous voulez, le tombeau de Baruch, et après avoir vu impunément le disciple, vous pourrez contempler aussi le maître ». Alors le khalife fit assembler tous ses vizirs, et ordonna de fouiller le tombeau de Baruch, fils de Nérei. Mais tous ceux qui tentèrent d'ouvrir ce tombeau furent renversés et moururent. Il se trouvait là un vieillard ismaélite,[47] qui conseilla au khalife de faire exécuter les fouilles par des Juifs. Mais les Juifs répondirent que ce tombeau leur inspirait trop de crainte. Le khalife leur dit alors :« Si vous suivez la loi de Baruch, fils de Nérei, il n'y a point de danger pour vous; car il n'a fait périr que les fossoyeurs ismaélites ». A cela le rabbin Chasdai répliqua : « Accordez-nous un délai de trois jours pour jeûner, afin qu'il nous pardonne notre hardiesse ». Les trois jours passés, les Juifs ouvrirent le tombeau sans qu'il leur arrivât aucun mal. Le cercueil de Baruch, fils de Nérei, se composait de deux blocs de marbre, au milieu desquels le corps était couché de manière que le bord du taled sortait un peu. Le khalife dit : « Il ne convient pas que deux rois portent la même couronne, et il ne faut pas que ce juste reste auprès d'Ézéchiel, je veux le faire transporter ailleurs ». Il fit donc enlever le cercueil de marbre, mais quand ils furent arrivés à un mille[48] du tombeau d'Ézéchiel, ils ne purent plus avancer, tous les chevaux et tous les mulets n'auraient pas pu faire avancer le cercueil. Alors le rabbin Chasdai s'écria : « le Juste a choisi ce lieu pour sépulture ». Le cercueil y fut donc déposé, et l'on éleva dessus un superbe palais.
Le rabbin Samuel Halevi, chef de l'Académie, déjà cité, donna au rabbin Péthachia un écrit empreint de son sceau, pour lui servir de sauf-conduit auprès de tous les Israélites qu'il rencontrerait sur son chemin, et afin qu'on lui fit voir les tombeaux des docteurs de la loi et des justes. Dans toute la Babylonie, on étudie les commentaires du rabbin Saadias[49] sur l'Ecriture et les six ordres, de même que ceux du rabbin Haï Gaon.[50] Ces deux docteurs sont enterrés au pied du mont Sinaï. On dit que toutes les montagnes de cette contrée ne forment qu'une chaîne jusqu'au mont Sinaï, et qu'elle s'étend jusqu'auprès de Bagdad.
Le rabbin Péthachia emporta donc avec fui le sceau du rabbin Samuel, chef de l'académie ; on obéit à toutes ses demandes, tant était grand le respect pour son nom. Rabbin Péthachia se dirigea vers une ville nommée Felousa,[51] éloignée de Bagdad d'un jour de chemin. Il y demeurait un prêtre vénérable qui, d’après l'opinion générale, descendait de la race d'Aaron, tant du côté paternel que du côté maternel sans aucune interruption. Il a aussi un livre généalogique. Près de l'entrée de cette ville est un sépulcre sur lequel on a élevé une superbe maison. On rapporte qu'un fantôme apparut en songe à un riche Juif, et lui dit : « Je me nomme Beruzak, je suis un des seigneurs qui furent emmenés en captivité avec Jéchonias ; je suis juste, et comme tu n'as point d'enfants, si tu élèves sur mon tombeau une maison digne de moi, il te naîtra des enfants ». Cette maison fut donc fondée par cet homme, qui, ensuite, eut beaucoup d’enfants. Depuis il interrogea le fantôme[52] sur celui qui est enterré en cet endroit, ce fantôme répondit : « Je me nommais Beruzak, et je n'ai point d'autre nom ».
Le prêtre dont nous avons parlé ci-dessus fit escorter le rabbin Péthachia par cinquante jeunes, gens, armés de lances et d'autres armes. Car il y a sur les confins de Babylone une peuplade qui ne reconnaît pas l'autorité du khalife, elle habite le désert et on la nomme les Charaméens,[53] parce qu'ils attaquent et pillent tous les autres peuples. Leur visage a quelque ressemblance avec l'herbe grona.[54] Ils ne reconnaissent que le divin Ezéchiel, c'est ainsi que ce prophète est nommé aussi par les Ismaélites.
De Bagdad à une journée ou une journée et demie de marche est le tombeau d'Ezéchiel dans le désert,[55] dont les Charaméens revendiquent la possession. Mais il y a une ville près de cette tombe dont les Juifs gardent les clefs. Le tombeau d'Ezéchiel est entouré d'un mur; il y a un édifice superbe et une vaste cour.
Ce mur n'a point de porte ; il n'existe qu'une petite ouverture resserrée que les Juifs ouvrent, et où ils passent en se traînant sur leurs pieds et sur leurs mains. Cependant durant les fêtes des Tabernacles, lorsqu'on y vient de tous les pays des alentours, la porte s'élargit et s'élève d'elle-même, jusqu'à ce que ceux qui montent sur des chameaux puissent y entier. On y compte quelquefois jusqu'à soixante et quatre-vingt mille Juifs, qui y viennent à cette époque, sans compter les Ismaélites,[56] et ils célèbrent la fête dans la cour d'Ezéchiel. La fête passée, la porte reprend ses anciennes limites. Cela s'opère à la vue de tout le monde, alors chacun apporte des dons et des offrandes. Si un homme où une femme se trouvent frappés de stérilité, ou si un pasteur possède quelque animal stérile, ils forment des vœux et adressent leurs prières sur cette tombe, et ils sont exaucés.
On a raconté au rabbin Péthachia qu'un homme puissant qui demeurait à quatre journées du tombeau d'Ezéchiel, avait une jument stérile. Il fit le vœu que, si elle engendrait, il donnerait le poulain à Ezéchiel. Quelque temps après, elle mit bas un poulain : le maître le trouvant beau, en eut pitié et ne le consacra point aux mânes du prophète. Le poulain prit la fuite et se réfugia dans la cour d'Ezéchiel par la petite ouverture, qui s'était élargie pour le laisser passer. Le seigneur ayant fait partout des perquisitions pour retrouver son jeune cheval, s'arrêta enfin sur cette idée : « C'est peut-être, dit-il, parce que j'ai fait vœu de le consacrer à Ezéchiel le juste, qu'il s'est rendu de lui-même à son tombeau ». Il y alla donc et y trouva son poulain ; mais il fit de vains efforts pour l’emmener : il ne put y réussir, car l'ouverture était trop petite. Alors un Juif lui dit : « Ce n'est pas sans cause que votre cheval est entré ici, peut-être l'aviez-vous voué aux mânes du Juste »? Le seigneur avoua tout et dit : « En effet, je l'avais voué, mais que faut-il faire pour le faire sortir d'ici »? — « Prenez de l'argent, lui répondit le Juif, et déposez-le sur le tombeau par petites portions, quand vous aurez atteint la somme équivalente à votre poulain, il pourra sortir librement ». Le seigneur suivit ce conseil, et déposa successivement plusieurs pièces d'argent, jusqu’à ce qu'il eût atteint la valent numérique nécessaire : alors l'ouverture s'élargit et le cheval sortit. Le rabbin Péthachia lui-même se rendit au tombeau d'Ezéchiel, portant dans ses mains des grains d'or;[57] les ayant laissé tomber par mégarde, il dit : « Seigneur Ezéchiel, c'est en ton honneur que je suis venu ici, et j'ai apporté avec moi un don suivant ma fortune, mais j'ai laissé tomber les grains d'or que je te destinais, et ils sont perdus. Néanmoins, quel que soit le lieu où ils se trouvent, ils t'appartiennent ». A peine avait-il achevé ces mots, qu'il les vit briller à une hauteur d'étoile, il crut d'abord que c'était une pierre précieuse, mais s'en étant approché, il reconnut ses grains d'or, qu'il déposa aussitôt sur le tombeau d'Ezéchiel.
Il est à remarquer que chaque Ismaélite qui va en pèlerinage au tombeau de Mahomet, passe près du sépulcre d'Ezéchiel pour y déposer des dons et des offrandes; et qu'il lui adresse ses vœux en ces termes : « Mon maître Ezéchiel, si je reviens sain et sauf, je te donnerai telle ou telle chose ». On va là en quarante jours, on traverse un désert ; et celui qui connaît les routes, peut en dix jours faire le trajet du tombeau d'Ezéchiel au fleuve Sambation.[58]
Celui qui veut voyager dans les pays lointains, donne à garder sa bourse ou d'autres objets précieux à Ezéchiel et dit : « Mon seigneur Ezéchiel, conserve-moi cette bourse ou cet objet jusqu'à mon retour, et ne permets pas que personne y touche, si ce n'est mes héritiers ». Il y a là plusieurs bourses pleines d'argent, qui sont détériorées parce qu'elles sont là depuis plusieurs années. Il y a aussi des livres confiés à la garde d'Ezéchiel ; quelqu'un des impies voulut enlever un de ces livres, mais ce fut en vain, car il fut atteint de mille maux et frappé de cécité. Aussi tout le monde célèbre-t-il les louanges d'Ezéchiel.[59]
Au reste, celui qui n'a pas vu le grand palais d'Ezéchiel n'a jamais vu de beau monument. Il est tout incrusté d'or en dedans. Sur le tombeau même, on a construit une maçonnerie à hauteur d'homme, et aux côtés de cette maçonnerie, s'élève un édifice en cèdre doré tel que l'œil humain n'en a jamais vu de pareil. Des fenêtres y sont pratiquées, au travers desquelles, celui qui veut prier introduit la tête. Au-dessus règne une voûte d'or garnie en dedans de belles tapisseries et de vases précieux. Trente lampes y brillent nuit et four, et l'huile nécessaire à l'entretien de ces trente lampes est acheté de l'argent des offrandes. Deux cents commissaires sont préposés à la garde des trésors offerts sur ce tombeau, dont l’un surveille l'autre. Ils doivent avec cet argent subvenir à l’entretien de la synagogue quand elle exige quelque réparation. En outre, ils dotent les jeunes orphelins et orphelines, et nourrissent les pauvres étudiants dépourvus de moyens de subsistance.
A Babylone, il y a trois synagogues, sans compter, celle que fonda Daniel, dans l'endroit où il vit les deux anges, l'une sur la rive droite, et l'autre sur la rive gauche du fleuve.[60] Tandis que le rabbin Péthachia était sur le tombeau d'Ezéchiel, il aperçut au sommet du palais,[61] un oiseau à face humaine. Celui qui, en ce moment, veillait à la garde des trésors, se lamenta et dit : « Il existe parmi nous une tradition de nos ancêtres, que la maison sur laquelle un pareil oiseau se repose sera détruite ». Mais l'oiseau ayant voulu s'envoler d'une fenêtre, on le vit changer et mourir. Alors le gardien fit éclater une grande joie et dit : « Puisque cet oiseau est frappé de mort, l'ordre fatal est révoqué ». Le chef de la synagogue apprit à Péthachia qu'autrefois une colonne de feu s'élevait sur le tombeau d'Ezéchiel ; mais que des impies étaient venus et l'avaient profanée. Quatre-vingt mille hommes environ étaient accourus pour les fêtes du Tabernacle : mais parmi eux se trouvaient des gens indignes; alors la colonne de feu disparut. On élève encore aujourd'hui les tabernacles dans cette cour, près du tombeau.
L'Euphrate et le Chaboras se jettent l'un dans l'autre, mais leurs eaux se distinguent. Au-delà de l’Euphrate, à un initie environ de l'enceinte du tombeau d'Ezéchiel, sont enterrés Hanania, Mischaël et Azaria, chacun à part. On voit là aussi la synagogue d'Esdras le scribe.[63]
Revenu de son excursion, notre rabbin Péthachia se rendit en deux jours à Nahardea,[64] ville que l’on pouvait à peine parcourir jadis en trois jours, mais qui est aujourd'hui toute en ruines, excepté un quartier fort resserré, où demeure une communauté de juifs. Dès qu’il leur eut montré le sceau du chef de l'académie de Bagdad, ils lui firent voir la synagogue de schaf veiathib[65] et ses triples murs, dont le coté occidental s'élève au bord de l’Euphrate. Tout ce mur n'est bâti ni en pierres, ni en briques, mais avec une terre que Jéchonias a rapportée de Jérusalem. Cette synagogue n’a point de toiture, car tout est ruiné. Les Juifs racontent que, pendant la nuit, il y apparaissait une colonne de feu qui s'étendait jusqu'au tombeau de Berusak, dont il a été fait mention ci-dessus.
Il alla visiter ensuite la ville que l’on nomme Hillah ; là, il trouva le tombeau du rabbin Meir; c'est le même rabbin Meir de la Mischna.[66] Hors de la ville est un champ voisin du fleuve, et dans ce champ est le tombeau. Comme souvent l’Euphrate l'inondait dans ses débordements, on construisit avec une partie de l'or offert tant par les Juifs que par les Ismaélites une enceinte et des tours dans le fleuve même, et sur ce tombeau on éleva un superbe édifice. Les Ismaélites l'appellent rabbin Meir Alchanki,[67] parce qu'un sultan ayant enlevé un jour la pierre des degrés par lesquels on monte au sépulcre, le rabbin Meir lui apparut pendant son sommeil, et le saisissant au cou comme s'il eût voulu l'étrangler, lui dit : « Pourquoi m’as-tu enlevé ma pierre ? Ne sais-tu pas que je fus un homme pieux et chéri de Dieu? » Comme le sultan lui demandait pardon, il répondit : « Je ne t'accorde point de pardon que tu n’aies d'abord porté cette pierre sur tes épaules en présence de tout le monde, et que tu n'aies dit à haute voix : J'ai péché, parce que je me suis permis de dépouiller mon juste maître. » Le lendemain il porta la pierre sur ses épaules en présence de tout le monde, il la remit à sa place et s'écria : « J'ai péché, parce que j'ai osé voler mon juste maître. » Depuis ce temps les Ismaélites honorent ce juste, se prosternent devant son tombeau, offrant, des dons et des présents afin d'obtenir un heureux retour dans leur pèlerinage.
Partout où Péthachia faisait usage du sceau du chef de l'académie, on sortait avec lui armé de lances pour l'escorter. Du tombeau d’Ézéchiel à la tombe de Baruch, fils de Nérei, il n'y a guère plus d'un mille, mais le tombeau de Nahum l’Elkousien est éloigné de quatre parasanges[68] de celui de Baruch, fils de Nérei.[69] Entre ces deux monuments, vers le milieu est situé le tombeau d'Abba Aricha.[70] Il est long de dix-huit coudées. Cinq autres amoraïs y sont également ensevelis. On voit aussi dans cet endroit le moulin que Raba[71] avait fait construire pour ses disciples. Il est aujourd'hui sans eau, et l’on bâtit au-dessus une maison élégante.
Les habitants se vantent, d'après une ancienne tradition, de connaître les sépultures de tous les prophètes et amoraïs au nombre de cinq cent cinquante, nombre renfermé dans le mot sarim.[72] Avant que quelque caravane arrive pour visiter le tombeau d'un Juste, on étend sur la tombé des rideaux de soie, et lorsqu'elle quitte le monument on le couvre de tapis de laine grossière, à moins qu'on n'ait construit un édifice sur cette tombe. Sur la plupart des tombeaux qui sont couverts de rideaux ou de tapis, il y a sous la couverture un serpent gardien du tombeau. C’est pourquoi l’on dit à celui qui veut ôter la couverture : « Prenez garde au serpent ».
Le chef de l'académie donna par écrit au rabbin Péthachia les noms de tous les amoraïs qui y sont enterrés; mais il a oublié cette liste en Bohême. Car Péthachia vint ici[73] de Bohème, et raconta les voyages qu'il avait faits dans les pays orientaux (la Bohême est à l'orient de Ratisbonne, et la Russie est à l'orient de la Pologne).
De là, se dirigeant vers l'orient, après six jours de marche, il arriva au tombeau de notre maître Esdras, le scribe.[74] On rapporte qu'autrefois le tombeau d'Esdras fut brisé, et qu'un pasteur, étant passé là et voyant une ruine, s'endormit auprès. Alors Esdras lui apparut en songe et lui dit : « Va et dis au sultan que je suis Esdras le scribe, qu'il me fasse transporter par des Juifs dans tel ou tel lieu, que s'il néglige de le faire tous ses sujets périront. » Le sultan ayant méprisé ces ordres, plusieurs de ses sujets moururent; alors les Juifs ayant été appelés, le sépulcre fut fouillé avec respect, et l'on trouva un cercueil de marbre portant cette inscription : Je suis Esdras le prêtre. Les Juifs l'ensevelirent donc dans le lieu qu'il avait indiqué au pasteur et y élevèrent un palais. A la onzième heure de la nuit, une colonne de feu sortit du sépulcre, s'éleva vers le ciel et dura jusqu'à la douzième heure. Sa lueur s’étend de trois ou quatre parasanges à la ronde. Quelquefois on la voit paraître aussi vers la première heure de la nuit.[75] Les Ismaélites rendent à ce sépulcre un culte religieux. Les clefs des maisons qui y sont bâties se trouvent entre les mains des Juifs qui reçoivent les offrandes, et avec les produits, ils fournissent des dots aux orphelins et orphelines, entretiennent des étudiants et réparent les synagogues des pauvres.
Avant d'aller au tombeau d’Esdras, le rabbin Péthachia s'était rendu en huit jours à Suse, ville royale. Deux Juifs seulement y demeurent, ceux-ci sont teinturiers.[76] Après leur avoir montré le sceau du chef de l'académie de Bagdad, ils lui firent voir le cercueil de Daniel.
Il était autrefois enterré sur l’une des rives du fleuve du Tigre,[77] et cette partie du sol jouissait d'une félicité parfaite et d'une grande abondance de tous les biens de la terre, tandis que sur l’autre bord il n'y avait que misère et pauvreté. Ils dirent : « C’est parce que ce Juste n'est point enterré de notre côté, que le sol est ingrat. » Il s'éleva donc des guerres continuelles entre ces habitants qui se disputaient le cercueil et se l’arrachaient les uns aux autres ; jusqu'à ce qu'enfin des anciens vinrent leur proposer un arrangement.[78] Ils prirent le cercueil et le suspendirent par des chaînes de fer à de hautes colonnes aussi de fer, joignant les deux rives du fleuve. Et ainsi le cercueil, qui est entièrement d'airain, est suspendu au milieu du fleuve à dix coudées au-dessus de l’eau, et il offre à ceux qui le regardent de loin, l'aspect du plus beau cristal.
Les Juifs assurent que le vaisseau qui passe sous ce cercueil, s’il est chargé d’hommes pieux, continue sa route en paix; sinon, il est enfoncé dans l’eau; aussi n'y passe-t-on qu'en tremblant. Ils disent encore que l’on y trouve des poissons avec des anneaux d’or qui pendent à leur nez.[79] Le rabbin Péthachia ne passa pas sous le cercueil, mais il le contempla de loin et retourna à Bagdad.
On lui fit voir alors un chameau volant,[80] qui est petit et qui a tes jambes grêles. Quand on veut le monter, on s'attache à son dos de peur de tomber. Le cavalier fait en un jour autant de chemin qu'un piéton en quinze; et même plus si les forces humaines pouvaient se prêter à une telle rapidité; car dans un moment il franchît un espace d’un mille. On lui fit voir aussi les portes de Bagdad, hautes de cent coudées, larges de dix coudées, d'airain pur, ornées de ciselures si belles, que nul humain ne pourrait les imiter. Il en était tombé par hasard un clou, mais on ne put trouver un ouvrier qui sût le remettre à sa place. Anciennement, les chevaux, lorsqu'ils voyaient ces portes, reculaient effarouchés, car la réverbération de l'airain poli leur représentait la figure d'autres chevaux s'avançant contre eux, et ils s'enfuyaient. C’est pour cela qu'on lava ces portes avec du vinaigre bouillant, qui enleva à l'airain son éclat et son poli, afin que les chevaux ne fussent plus effarouchés à leur passage. Cependant on voit encore au haut un petit espace sur lequel le vinaigre ne fut pas répandu. Ces portes faisaient partie de celles de Jérusalem.[81]
Le chef de l'académie de Bagdad a près de soixante domestiques pour frapper ceux qui exécutent trop lentement ses ordres. Tout le monde le respecte ; c'est un homme pieux, modeste, plein de l'esprit de la loi ; il est revêtu d'habits d'or et de pourpre comme un roi. Son palais est garni de tapis de soie avec une magnificence vraiment royale.
De Bagdad, le rabbin Péthachia se rendit en deux jours à l'extrémité de l'ancienne Babylone. Le palais de Nabuchadnézar le méchant[82] est entièrement ruiné; près de ses vieilles murailles on voit une colonne et la maison de Daniel. Cette dernière a encore l'apparence toute neuve. Là, on voit aussi et la pierre où il avait coutume de s'asseoir, et le marbre sur lequel il appuyait ses jambes; au-dessus est la pierre sur laquelle était placé le livre qu'il a écrit. Dans un des murs mitoyens entre la maison de Daniel et le palais de Nabuchadnézar, se trouve une petite ouverture où le prophète plaçait ses manuscrits. Au-dessous, on voit des gradins sur lesquels s'asseyaient en sa présence trente sages Chaldéens. Près du siège du prophète, à droite, est une pierre enchâssée dans le mur. Et, d'après une ancienne tradition, c'est là que furent cachés les vases du saint temple. Ce secret fut un jour révélé aux chefs du pays qui accoururent pour enlever la pierre, mais dès qu'ils la touchèrent, ils furent renversés et moururent, de sorte que jamais on ne put rien emporter de cet endroit.
Ensuite les guides conduisirent le rabbin Péthachia, par des degrés pratiqués dans une cavité du mur, au cénacle où Daniel avait coutume de prier. L'entrée est disposée de manière à ce qu'elle soit en face de Jérusalem, par un art que personne en pourrait expliquer.
Le rabbin Péthachia atteste que, pendant tout le temps qu'il passa à Babylone, il ne vit pas un seul visage de femme : car elles sont voilées et très modestes. Chaque père de famille a un bain dans sa maison, et ne récite sa prière qu'après l'ablution. Les voyageurs ne marchent ici qu'à la faveur de la nuit, à cause de la grande chaleur. Dans la saison d'hiver, tout y croît comme chez nous en été, et c'est aussi pendant la nuit, que se traitent à Babylone la plupart des affaires. Cette ville est comme un autre univers; la plupart des Israélites qui l'habitent se livrent à l'étude de l'Écriture sainte et au culte de la divinité. Les Ismaélites mêmes sont d'une loyauté à toute épreuve ; si quelque marchand vient chez eux déposer des marchandises, ils les exposent en vente dans les rues avec les leurs, et si quelqu'un offre le prix établi par le propriétaire, ils font pour lui des marchés avantageux ; sinon, ils emploient des courtiers pour faciliter la vente ; s'ils voient que la marchandise commence à être méprisée, ils s’en défont le mieux qu'il leur est possible, le tout avec une très grande bonne foi.
A Babylone il y a trois synagogues, sans compter celle de Daniel, comme nous l'avons déjà remarqué. Mais il n'y a point de Hazan titulaire; celui que désigne le chef de la synagogue, entonne les prières : l'un des assistons récite d'abord seul les cent bénédictions, auxquelles rassemblée répond amen. Ensuite un autre se lève et chante à haute voix l'hymne Loué soit celui fui a parlé;[83] ensuite vient encore un autre qui récite les actions de grâces, et l'assemblée les répète avec loi, mais sa voix se distingue toujours par-dessus toutes les autres, pour éviter la confusion, ils commencent la prière Qu'il soit loué, avant celle Dieu sauve; les autres prières se suivent, et ainsi l'office des prières quotidiennes est partagé entre plusieurs Hazans. Du reste, personne dans la synagogue ne peut adresser un mot à son voisin ; ils se tiennent debout, modestement, sans souliers et pieds nus. Si quelqu'un de ceux qui prient chante faux, le chef de la synagogue lui fait signe du doigt, et aussitôt il comprend le ton qu'il faut prendre. C’est ordinairement un jeune homme doué d'une belle voix qui récite les psaumes avec une douce mélodie. Durant les demi-fêtes on les accompagne avec des instruments de musique ; ils possèdent, d'après une ancienne tradition, les mélodies qui conviennent à chaque psaume. Pour l’asour ils ont dix mélodies, pour le schminith[84] ils en emploient huit; car sur chaque psaume on a plusieurs mélodies différentes. Pendant que le rabbin Pethachia était dans le cénacle de Daniel, on lui montra la fosse aux lions, laquelle est très profonde, ainsi que la fournaise ardente, qui est aujourd'hui à moitié remplie d'eau. Si quelqu'un, attaqué d'une fièvre ardente, se baigne ou se plonge dans cette eau, il est guéri sur-le-champ.
Durant son séjour à Bagdad, il vit les députés des rois de Mésech[85] ; le pays de Magog est éloigné de là de dix jours de marche, et s'étend jusqu'aux Montagnes ténébreuses, au-delà desquelles habite la postérité de Jonadab, fils de Réchab.[86]
On dit que sept rois qui commandaient au pays de Mésech virent pendant leur sommeil un ange qui leur ordonna de quitter leur religion et d'embrasser la loi de Moïse, fils d'Amram, sous peine de voir leur pays dévasté. Les rois hésitèrent quelque temps et traînèrent en longueur jusqu'à ce que, l’ange ayant commencé le ravage, ils se convertirent avec tous leurs sujets et demandèrent au chef de l'académie de Bagdad, de leur envoyer des docteurs. Tout savant dénué de fortune se rendait dans ce pays pour enseigner aux habitants la foi divine et le Talmud babylonien.[87] Une foule d'étudiants d'Egypte s'y rendirent également pour les instruire. Le rabbin Péthachia vit les députés qui visitèrent le tombeau d'Ezéchiel, parce qu'ils avaient ouï parler des miracles qui s'y opéraient et que toutes les prières qu'on faisait en cet endroit étaient exaucées.
Le rabbin Péthachia rapporte que les monts d'Ararat sont éloignés de la Babylonie de cinq journées de marche; qu'ils sont extrêmement hauts; qu'une de ces montagnes, très élevée elle-même, en porte quatre autres qui sont deux en face de deux. C'est au milieu de ces monts que fut portée l’arche de Noé, et elle ne put plus en sortir. Il ne reste plus rien de cette arche ; car elle est entièrement pourrie.[88]
Ces montagnes sont pleines de chardons et d'herbages sur lesquels de la manne tombe avec la rosée.[89] La manne fond à l'ardeur du soleil, c'est pourquoi on est obligé de la recueillir la nuit, et si l'on tarde, il arrive qu'il faut enlever avec la manne les broussailles ou chardons qui sont très durs et qu'il faut couper. La manne est blanche comme la neige, les broussailles et les chardons ont une grande amertume, mais ils perdent ce goût si on les fait cuire dans la manne avec du miel et d'autres substances douces. La manne cuite sans chardons relâche le corps à cause de sa grande douceur. Elle se présente sous la forme de petits grains ; le rabbin Péthachia en goûta un peu, elle fondit dans la bouche. Elle était douce et pénétrait dans tous ses membres, il ne put supporter une telle douceur.
En se dirigeant vers le tombeau d’Ezéchiel, Péthachia passa devant la Tour de la génération dispersée.[90] Elle s'est écroulée et a produit une haute montagne, une masse éternelle ; mais la ville qui était devant est ruinée.
Le khalife qui régnait du temps de rabbin Chasdai, père du rabbin Daniel, chef de la captivité, voyant la clarté.qui sortait du tombeau de Baruch, fils de Néréi, et son taled bien conservé et d'une blancheur éblouissante qui s'apercevait un peu à travers deux tables de marbre, partit pour La Mecque, où est enterré Mahomet, afin de visiter son tombeau[91] : mais il ne vit qu'un cadavre meurtri et putréfié, et de sa fosse s'exhalait une puanteur si forte, que personne ne pouvait la supporter. Il dit alors à son peuple : « Il n'y a rien de vrai dans Mahomet le prétendu prophète, ni dans sa loi, car vous voyez que Baruch, fils de Néréi, reste intact, et que le taled qui sort de son cercueil brille d'une manière miraculeuse, lui qui ne fut que disciple d'un prophète. De plus les Ismaélites qui voulurent le déterrer, sont tombés morts, et les Juifs, au contraire, n'éprouvèrent aucun mal. Je reconnais donc que les Israélites suivent la vraie loi de Baruch, fils de Néréi. » Mais il ne put avant sa mort accomplir le dessein qu'il avait formé de se convertir avec tout son peuple, et le décret rendu à ce sujet fut aboli dans la suite.
Il faut ajouter quant à Esdras le scribe, qui est enterré à l'extrême frontière de la Babylonie, que toutes les fois qu'un nuage de feu s'élevait sur son tombeau, on ne voyait plus la maison bâtie au-dessus à cause de la lumière éblouissante dont il est entouré.[92] Devant et derrière le cénacle de Daniel, s'étend un beau verger, dans lequel on voit encore sa fontaine et des palmiers plantés par lui.
En demeurant quelque temps dans ce pays, on parvient facilement à comprendre la langue des habitants; car elle a beaucoup de rapport avec la nôtre[93] ou avec le chaldéen. Ainsi ils disent daroch pour derech (chemin), lahom pour lehem (pain), basor pour basar (viande), et bakor pour bakar (gros bétail).[94]
Dans le pays des Ismaélites,[95] l'or germe entre l'herbe; on le découvre la nuit par son éclat : alors les marqueurs font une marque dans la terre avec des cendres ou de la chaux, et le lendemain ils viennent couper l’herbe près de laquelle l’or est attaché. Aussi la monnaie n'est pas rare ici, et ils ont en générai beaucoup d'or.[96]
Le rabbin Péthachia ayant repris sa marche vers l’occident, revint à Ninive; et de là à Nizibin. Il y a dans cette dernière ville une synagogue fondée par Esdras,[97] où l’on voit une pierre sur laquelle était gravé : Esdras le scribe. Il alla aussi à Aram Naharaïm, ville située entre deux fleuves.[98] Huit cents juifs habitent Nizibin. D'Aram Naharaïm il se rendit à Hamat. Ici Péthachia nous a indiqué le nom de chaque ville qu'il a parcourue et combien de jours il a employés pour se rendre d'une ville à l'autre. Mais nous avons jugé inutile de le transcrire. Il visita la ville de Haleb : c'est la même ville que celle qui est appelée dans l'Écriture,[99] Aram Zoba. Elle est nommée Haleb, parce que les troupeaux d'Abraham, notre aïeul, paissaient sur une montagne voisine, et que l'on descendait de cette montagne par une espèce de trappe pour offrir du lait aux indigents.[100]
De Haleb il se rendit à Damas; c'est une très grande ville soumise au sultan d'Egypte.[101] Elle est habitée par environ dix mille Juifs. Leur chef de l'Académie est le rabbin Esra,[102] homme rempli de savoir, car ii a été élevé à cette dignité par le rabbin Samuel Halevi, chef de l'académie de Babylone (Bagdad).
Le sol de Damas est très fertile, et la ville est entourée de toutes parts de jardins et de vergers. Il y a de grands canaux et de vastes citernes dont les eaux sont très saines; le pays abonde en toutes sortes de fruits et de productions. C’est pourquoi les Ismaélites ont coutume de dire : S'il y a un paradis sur terre, il est à Damas ; et s'il est au ciel, Damas le remplace sur la terre.
En allant à Damas, on voit sur le côté les montagnes Séïr, Hermon et Liban. Dans le pays de Sihon et d'Og,[103] on ne trouve ni herbe ni arbrisseau ; la plaine désolée rappelle la destruction de Sodome et de Gomorrhe. Le rabbin Péthachia vit une tombe longue de quatre-vingt coudées, que l’on dit être celle de Sem, fils de Noé; mais les Juifs ne disent pas cela.
La Syrie se traverse en vingt jours de marche. Notre rabbin Péthachia, passa le Jourdain qui sort d'une caverne ; ainsi les Talmudistes disent : « Le Jourdain sort de la grotte de Panéas, et se rend à Tibériade.[104] » Il y trouva une grande communauté israélite. Il y a aussi des communautés Israélites en Palestine, quoiqu'elles ne s'élèvent pas à plus de deux ou trois cents âmes.
Tibériade possède une synagogue fondée par Josué, fils de Nun. A Sephoris,[105] est enterré Rabbenou hakkadosch[106] dont la sépulture répand une odeur suave, qui se fait sentir à un mille de distance. En Palestine les tombeaux sont profonds ; il n'en est pas de même en Babylonie, où les eaux jaillissent après de légères fouilles, de sorte qu'on ne peut faire des fosses profondes.
De la postérité de Rabbi, existe encore un homme respectable nommé rabbin Nehoraï,[107] qui a un fils très savant, appelé rabbin Juda, du nom du rabbin Juda Hannasi. Il possède un livre généalogique remontant jusqu'à Rabbi. Le rabbin Nehoraï est un médecin, et vend publiquement des aromates. Ses enfants l'entourent dans sa boutique, couverts d'un voile, pour qu'ils ne puissent voir ça et là. Il est au reste aussi savant que juste.
Tibériade et Sephoris, ainsi que toutes les autres villes situées dans la plaine, sont de la Galilée inférieure. Car la haute Galilée n'a point de villes dans les montagnes. Péthachia visita aussi Uscha et Separem, où le rabbin Siméon, fils de Gamliel,[108] occupait la chaire du chef du grand Sanhédrin. Il y a des Juifs à Acco;[109] et à Yabné,[110] se trouve une source qui coule pendant six jours de la semaine; mais le jour du sabbat, on n'y trouve pas une seule goutte d'eau.[111]
Dans la Galilée inférieure il y a un souterrain large et élevé en dedans; d'un côté s'ouvre une caverne où sont enterrés Schammai[112] et ses disciples, de l'autre côté une seconde caverne renferme Hillel[113] et ses disciples : au milieu du souterrain est une grande pierre creusée en forme de coupe; elle peut contenir plus de quarante seah.[114] Lorsque des personnes pieuses y viennent, ils trouvent cette pierre remplie d'eaux limpides; ils y lavent leurs mains, puis ils prient et adressent leurs vœux au ciel pour qu'il accomplisse leurs désirs. Le fond de cette pierre n'est point percé, et l'eau ne vient pas du sot ; elle se forme naturellement en faveur de chaque homme pieux ; mais s'il se présente un homme qui n'est pas pieux, il ne paraît point d'eau. Quand la pierre est remplie, on y puiserait mille cruches, que les eaux ne tariraient point et qu'elles paraîtraient toujours remplies comme lors de leur croissance.[115]
Le rabbin Péthachia se rendit de là dans la haute Galilée qui s'étend dans les montagnes. C’est ici qu'était Nithai H'arbeli[116] dans la ville d'Arbele.[117] Le mont Gaas est très élevé, et le prophète Abadias y est enterré. On y monte par des degrés taillés dans je roc; vers le milieu est enterré Josué, fils de Nun,[118] et près de lui Caleb, fils de Jéphoné.[119] Non loin de leurs tombeaux jaillit une source dont l’eau pure coulé en bas de la montagne; à ces monuments on a ajouté de beaux mausolées. Ils sont, comme tous les édifices de la Judée, construits en pierres. Près d'une de ces basiliques est incrustée la trace d'un pied, comme le pas d'un homme, empreinte dans la neige. Cette marque est celle que laissa après lui l'ange qui, à la mort de Josué, vint donner une espèce de secousse à toute la Judée ; et c'est de ce tremblement que la montagne tire son nom.[120]
Le rabbin Péthachia ajoute que l'on peut traverser toute la Judée en trois jours. Il se rendit de là au sépulcre de Jonas, fils d'Amithai, près duquel s'élève pareillement un élégant mausolée; près de cette tombe est un jardin rempli de toutes sortes de fruits. Le gardien de ce jardin n'est pas un juif, et cependant lorsqu'un infidèle vient le visiter, il ne lui donne rien des fruits de ce jardin ; tandis que, s'il s'y présente des Juifs, il les reçoit d'un air de bienveillance, en leur disant : « Jonas, fils d'Amathai, fut un Juif; c'est pourquoi ce qui lui appartenait vous est échu. » Et il leur donne des fruits à manger.
Il alla aussi visiter le tombeau de Rachel, sur le chemin d'Ephratha[121] qui est éloigné d'une demi-journée de Jérusalem. Onze pierres sont placées sur ce monument, d'après le nombre des onze tribus,[122] car Benjamin alors n'était pas encore né, et ce ne fut qu'en mourant que sa mère lui donna le jour. Toutes ces pierres sont de marbre ; et la pierre de Jacob, aussi de marbre, couvre toutes les autres. Elle est d'une telle grandeur, qu'elle serait la charge de plusieurs hommes. Les moines qui demeurent à un mille de là, avaient enlevé cette pierre du sépulcre pour la déposer dans leur chapelle; mais le lendemain ils la retrouvèrent couchée sur le monument, comme elle l'était auparavant; ils tentèrent plusieurs fois de l'enlever, jusqu'à ce qu'ils furent empêchés de la prendre : sur cette pierre est gravé le nom de Jacob. Il vit aussi la grande pierre qui est sur l'ouverture du puits près d'Haran:[123] quarante hommes ne pouvaient pas la remuer. Quant au puits, il a à peu près trois cents coudées de profondeur, mais les eaux en sont taries.
Ensuite il se rendit à Jérusalem; il n'y a plus qu'un seul Israélite,[124] nommé rabbin Abraham hazéba,[125] qui paie au roi un grand tribut pour avoir le droit d'y résider. Ce rabbin lui fit voir le Mont des Oliviers, et il observa que le pic était d'une hauteur de vingt-trois coudées et d'une largeur égale. Il y a là un temple superbe, que les Ismaélites fondèrent lorsque Jérusalem était entre leurs mains.[126] Car des Juifs impies avaient annoncé au khalife qu'il y avait parmi eux un vieillard qui connaissait le lieu où existait jadis le sanctuaire et le parvis du temple ; le khalife pressa alors tant ce vieillard, qu'il lui arracha son secret. Or, comme le khalife favorisait les Juifs, il dit: « Je veux bâtir là un temple, et les Juifs seuls auront le droit d'y prier. » Aussitôt il fit élever un temple de marbre d'une architecture superbe, enrichi de marbre rouge et vert, et de mille ornements différents. Mais des infidèles survinrent et y placèrent leurs images; comme elles tombèrent, ils les incrustèrent dans l'épaisseur du mur. Cependant dans le lieu où fut autrefois le sanctuaire des sanctuaires, il leur fut impossible d'y placer une image.
A côté de ce temple est un hospice où sont nourris les pauvres. Non loin de là est un ravin que l'on appelle la vallée de ben-Hinnom,[127] où ils ont leur cimetière.[128]
Toute la terre d'Israël peut, comme il a été dit ci-dessus, être traversé en trois jours. Le rabbin Péthachia vit la Mer Salée[129] et les endroits où furent Sodome et Gomorrhe[130] qui manquent entièrement de végétation. Mais il dit n'avoir pas vu la statue de sel,[131] car elle n'existe plus. Il ne vit pas non plus les tas de pierres que Josué fit élever.[132]
De Jérusalem, Péthachia se rendit à Hébron, et il vit l'édifice que le patriarche Abraham éleva sur la caverne.[133] Il y a des pierres de vingt-sept à vingt-huit coudées; mais celles qui sont placées à chaque angle ont jusqu'à soixante-dix coudées. Notre rabbin Péthachia offrit une pièce d'or au porte-clefs de la caverne, afin qu'il l'introduisît dans la sépulture des patriarches. Quand elle fut ouverte, il vit une image sur la porte et trois tombeaux en dedans ; mais il avait été averti par les juifs d'Acco de prendre garde, parce qu'on avait placé à l'entrée de la caverne trois cadavres que l'on faisait passer pour ceux des patriarches,[134] et que ce n'étaient pas eux, quoique le gardien le lui soutînt.
Il lui donna donc une seconde pièce d'or pour qu'il le conduisit dans la véritable sépulture. Alors le gardien lui ouvrit une porte et dit : « Je n'ai jamais fait entrer un étranger par cette porte. » Prenant ensuite des flambeaux, il conduisit Péthachia dans l'intérieur. Ils descendirent quinze degrés comme avant de parvenir à la première caverne. Péthachia arriva donc dans un vaste souterrain au milieu duquel était une ouverture pratiquée dans le sol ; et ce sol est lui-même un roc comme toutes les cavernes taillées dans un rocher. Cette ouverture était fermée par des grilles de fer très épaisses; et nul mortel n'en pourrait faire de semblables sans le secours du ciel. Un vent violent perçant hors des cavités qui existaient entre une grille et l'autre, empêchait d'en approcher avec des flambeaux : notre rabbin jugeant que c'était la que les patriarches étaient ensevelis, se mit-en prière : comme il se penchait sur l'ouverture de la tombe, un coup de vent le repoussa en arrière.
A Jérusalem il y a une porte nommée Porte de la Miséricorde;[135] elle est tout obstruée de pierres et de décombres. Aucun Juif, et moins encore un infidèle, n'ose y approcher. Une fois les infidèles voulurent ôter et ouvrir la porte ; le pays d'Israël en trembla, et il y eut dans la ville une terreur panique, jusqu'à ce qu'ils se fussent retirés. Il y a une tradition parmi les Juifs, qui dit que c'est par cette porte que le Séchinah s'est exilé,[136] et que c'est par cette même porté qu'il doit revenir un jour; ses pieds s'appuieront sur le Mont des Oliviers, et ils le verront de leurs propres yeux ainsi qu’il est dit : Il pèsera ses pieds en ce jour sur la montagne des Oliviers...... Ils verront de leurs propres yeux comment Dieu s'en retournera vers Sion[137]…. Cette porte est en face du Mont des Oliviers, mais cette montagne est plus basse. On y fait des prières : le rabbin Péthachia vit aussi la tour de David qui existe encore.[138]
Hors de la ville de Damas, il y a deux synagogues, l’une fondée par Elisée, et l'autre par le rabbin Eléazar, fils d'Azaria; cette dernière est une grande synagogue dans laquelle se font encore aujourd'hui les prières.
Dans la plaine de Mamré, à quelque distance de là, habite un vieillard que Péthachia trouva mourant quand d se rendit près de lui ; mais ce vieillard ordonna à son fils de montrer à notre rabbin l'arbre contre lequel les anges s'étaient appuyés.[139] Le fils du vieillard lui fit donc voir un bel olivier, fendu en trois parties, au milieu duquel était une pierre de marbre. La tradition rapporte que, lorsque les anges furent assis, cet olivier se fendit en trois, afin que chacun put s'appuyer sur un arbre à part, en se mettant sur la pierre. Les fruits en sont très doux.
Non loin de cet arbre est la fontaine de Sara, dont les eaux sont excellentes et très limpides. La tente de Sara est près de cette fontaine ; et à proximité de la tente on voit d'un côté une plaine et de l'autre côté la fontaine d'Abraham le Patriarche. Il y a à peu près cent coudées de la fontaine de Sara, jusqu'à la fontaine d'Abraham, dont les eaux sont très pures. Il fui montra encore une pierre longue de vingt-huit coudées, sur laquelle fut circoncis notre père Abraham. Ce vieillard étant sur le point de mourir et incapable de mentir, affirmait avec serment, que dans un jour solennel de l’expiation, comme il priait prosterné auprès de la fontaine de Sara, il vit un ange tout de feu et son cheval qui était pareillement de feu.
En Grèce, les Israélites sont réduits à une dure captivité, et souffrent une cruelle servitude. On trouve parmi eux des étudiants qui connaissent la nécromancie, entre autre le rabbin Sabtai.[140] Ils savent aussi évoquer les démons, et les emploient ensuite comme des domestiques.[141] Ce pays renferme tant de communautés juives, que la Palestine ne pourrait les contenir, si elles y étaient.
Dans la Caphar Uza,[142] est enterré Jonas, fils d'Amithai; et à Sichem, nommée dans le Ghémare, Néopolis,[143] est enseveli Joseph le Juste.[144] Cette ville est au fond d'une vallée entre le mont Garizim et le mont Ebal, qui sont vis-à-vis l'un de l'autre. Le mont Garizim est couvert de jardins et de vergers ; il est nommé pour cela mont béni; mais le mont Ebal est inculte et stérile, c'est pourquoi on le nomme mont maudit.[145] Il y a là des Samaritains, qui offrent tous les ans l'agneau pascal sur le mont Garizim. La forêt de Saron est entre Acco et Jérusalem.[146] Il y avait ici, du temps de Salomon, de très belles roses. Dans le village de Sezur,[147] on trouve le tombeau de Simon Sezuri, souvent cité dans la Mischna;[148] et dans la ville de Bosra en Babylonie,[149] sont enterrés le rabbin Esra, fils d'Abtolas,[150] et le rabbin Hana Bagdatha, dont il est question dans le Talmud.[151] Bagdatha au surplus, est Bagdad, cette grande ville dont nous avons parlé plus haut. À Babylone, il n'y a point de maison de pierre, mais tout est bâti en briques.
FIN.
Béni soit le seigneur qui a donné à son serviteur Meir Carmoly, la force de transcrire le récit du savant rabbin Péthachia de Ratisbonne, frère du rabbin Isaac Halbin, et du rabbin Nahman de Ratisbonne, qui porte le titre de Tour du monde. A Colmar r dans le mois de Sebat, 5410 de la création du monde.
[1] Nous ayons été assez heureux pour trouver depuis dans la Bibliothèque du Roi, un exemplaire de l'édition de Prague qui, quoique plus exacte que celle d'Altorf, n'est cependant pas tout-a-fait conforme à notre manuscrit.
A juger d'après la traduction du racine passage cite dans la préface du Khozari, Bâle 1660, in-4°, p. 8, Buxtorf avait également un troisième exemplaire des relations de notre voyageur, non conforme aux deux précédents. Voici ses propres paroles: "Ego Pethachja profectus Ratisbona, veni Pragam : Praga in Poloniam : ex Polonia in Russiam : ex Russia sex dierum itinere progressus ultra fluvium Navaram, vel, Nafaram, veni in Tartariam. » Parmi toutes ces variations nous n'indiquerons que celles qui sont de quelque importance.
[2] Péthachia semble appliquer ici à la Tauride, le non de , qui désigne ordinairement l'Arabie déserte, habitée par les descendants de Kédar, fils d'Ismaël, parce qu'elle était occupée alors par les Comans, peuple qui, suivant quelques auteurs russes, était également de race ismaélite. Voyez Klaproth, Mémoires relatifs à l'Asie, t. iii, p. 113. Peut-être aussi l'auteur les nomme-t-il ainsi parce qu'ils demeuraient comme les Kédariens sous des tentes ; c'est par la même raison que les rabbins des xve et xvie siècles nommèrent les Tartares Kédariens. Voy. Elias Levita, Tisbi, p. 901; Poinis, Tzemach David, p. 197, col. 4.
[3] Le Tarikh-el-kamil rapporte qu'en 617 de l’hégire, les Mongols envoyés à la poursuite de Mohammed, passèrent le Djihoun se tenant à la queue de leurs chevaux et traînant après eux, par une corde passée autour du corps, des peaux de bœuf où ils avaient placé leurs bagages. Voyez aussi Carpin, lib. xxxi, cap. xvii.
[4] Ammien Marcellin est le premier auteur qui ait parlé de cette manière de macérer les viandes; lorsque Bergman voulut obtenir des Kalmouks quelques détails sur cette singulière préparation des aliments, ils l'assurèrent qu'elle leur était inconnue et se moquèrent de la crédulité européenne. — E. J.
[5] C’est-à-dire le Coman.
[6] Cette coutume existait dès le temps d'Hérodote chez les Scythes (Hérod. liv. iv, ch. 70); elle est mentionnée par Joinville comme existant encore de son temps chez les Comans (Joinville, édit. du Louvre, p. 104); enfin M. Klaproth l'a retrouvée en Chine et parmi toutes les nations tartares. Voyez la Description du Tibet, p. 31.
[7] La Khazarie semble ici désigner la contrée située entre le Don et le Volga; elle fut ainsi nommée à cause des Khazars, qui l'occupèrent pendant longtemps, ainsi que les contrées circonvoisines. Il est étonnant que notre voyageur ne dise pas un mot de la conversion du roi des Khazars à la religion juive; conversion qui, d'après le témoignage des écrivains israélites, confirmé par celui des auteurs arabes contemporains, fit une grande sensation. Voyez D'Ohsson, Des peuples du Caucase, pages 35, 179, 187, 205 et suivantes.
[8] Il s'agit probablement ici du Don, qui, après avoir reçu dans son sein les eaux d'un grand nombre de rivières, se jette dans la mer d'Azov, près de la ville du même nom.
[9] La mer Putride, ou Gniloi more.
[10] La mer d'Azov.
[11] Il paraît que Péthachia, pour se rendre à Thogorma, s'embarqua à Azov, et mit pied à terre à l'embouchure du Phase. Thogorma, répond à la Géorgie, ainsi nommée du nom de Thogarma, fils de Gomer, dont les Géorgiens, de même que les Arméniens, se croient issus. Le mot thogarma, chez plusieurs écrivains rabbiniques, a également servi à désigner les Turcomans.
[12] Nom de lieu dont il est parlé dans l'Écriture Sainte (II Rois xix, 37; Isaïe xxxvii, 38) et que Jonathan ben Uziel traduit pays de Kardou, ou par Arménie.
[13] Fameuses montagnes dans l'Arménie, sur lesquelles on dit que l'arche de Noé s'arrêta après le déluge. Voy. Genèse, viii, 4.
[14] L'auteur veut parler des Caraïtes, qui étaient et qui sont encore aujourd'hui très nombreux dans la Crimée. Un voyageur anglais nous donne des détails assez intéressants sur la ville Dschefout-kalé, habitée exclusivement par des Caraïtes, et qui renferme deux cents maisons et environ douze cents habitants. Voy. Clarke : Travels in various countries of Europe, Asia and Africa; London 1813, in-4°, tom. I, p. 487. Quant à la rigoureuse observation du Sabbat, elle existe encore aujourd'hui parmi cette secte ; un de leurs chefs, Elie Béchizi, qui a voulu l'adoucir dans le XVe siècle, fut vivement attaqué par ses confrères, entre autres par le médecin Abraham Bali qui écrivit contre lui un long ouvrage intitulé :
[15] Ou plutôt Forteresse de la pierre. Cette ville, située sur le Tigre, a joué un rôle assez important dans le moyen âge.
[16] Benjamin de Tudèle, qui passa dans cette ville quelques années auparavant, dit y avoir trouvé environ mille Israélites. Voyez Masahoth, édit. de Constantinople, p. 29.
[17] Ce docteur fleurit à Nizibin dans le second siècle de l'ère vulgaire, vers l’année 170. Nous avons encore le fragment d'une lettre qu'on lui adresse alors de Jérusalem à Nizibin. Voyez Talmud de Babylone, traité Pésachim, p. 3, verso.
[18] La langue des Khazars, dit Ibn Haukal, diffère totalement de celle des Turcs et de celle des Persans; elle n'a d'affinité avec aucun autre idiome. Voy. Ketab-al-mesalik wè-el-memalik, p. 145.
[19] L'ancienne Nisibe, à 119 l. N. O. de Bagdad, et à 13 l. S.E. de Mardin.
[20] La ville de Mossoul. Benjamin de Tudèle y trouva sept mille Israélites. Voy. Masah. l. c. Cette ville renferme aujourd'hui, d'après le témoignage d'Ezéchiel Elea de Bagdad, quatre cents maisons Israélite» et quatre synagogues.
[21] Ce sont sans doute les enfants du rabbin Zaccai, ou du rabbin Joseph, chefs de la communauté juive, lorsque Benjamin passa dans cette ville. Voy. Masah., l. c.
Ce rabbin David, au reste, vivait encore lorsque le célèbre poète Juda Charizi, visita Mossoul, vers l’année 1319. Ce savant désigne cette ville comme Benjamin, par le nom d'. V. Tahkemoni, chap. xlvi, p. 66, a, de l'édition de Constantinople et de celle d'Amsterdam.
[22] A l'époque où voyageait Péthachia, la ville de Mossoul était la capitale d’une principauté particulière qui en effet reconnaissait l'autorité spirituelle du khalife de Bagdad. Le prince portait le titre de roi des Emirs.
[23] Tel est le nom qu'on donne au Ministre de la synagogue qui fait la prière, chante les hymnes, et lit la section de la loi.
[24] Cet effet naturel des localités, lui a mérité le nom de Tigre en langue médienne, de Diglité ou Diglith en arabe et de Hiddekel en hébreu, termes qui tous rappellent le vol d'une flèche.
[25] Le mot flösse est allemand. Les habitants du pays nomment ces radeaux kelek
[26] L'auteur veut sans doute dire que la tête de l'éléphant ne se distingue pas de son corps, comme dans les autres animaux.
[27] Ancienne mesure qui était prise sur la longueur ordinaire du bras de l'homme depuis le coude jusqu'au bout de la main. Deux coudées valent trois pieds.
[28] Benjamin de Tudèle parle aussi d'un astronome israélite de Mossoul ; mais celui-ci s'appelait Joseph surnommé Borhan-al fulk ou preuve vivante des sphères célestes, à cause de sa grande habileté dans l'astronomie, et était au service de Zin ed-Din, frère de Nour ed-Din, sultan de Damas. Voyez Masah., loc. cit.
[29] Ceci vient à l'appui de ce que nous avons avancé dans l'avertissement, que le rabbin Juda Chasid avait rédigé cette relation, et qu'elle fut abrégée ensuite par un de ses disciples à Ratisbonne.
[30] En hébreu Yeschiba, mot qui signifie à la lettre siège, de être assis, parce que les disciples sont assis.
[31] Fruits mentionnées dans l'Ecriture Sainte (Gen. xxx, 14 ; Cant. vii, 14), et que notre auteur paraît confondre avec la mandragore, plante que les Persans appellent c'est-à-dire figure humaine, parce que les Orientaux accommodent si proprement la racine de cette plante avec les filaments qui l'environnent, qu'elle paraît avoir la figure d’un homme ou d'une femme, voyez Dom Calmet, Diction. de la Bible, Art. Mandragore; Diction. des Sciences Médicales, t. xxx, page 427.
[32] Voile carré, avec des franges aux quatre coins, dont on se couvre ordinairement, dans la synagogue, pendant le temps de la prière.
[33] Ce savant docteur fut élu à cette dignité du temps de Maïmonide, comme il ledit dans son Traité de la résurrection des morts, en ajoutant qu'il avait aussi composé un traité sur le même sujet, dans lequel il attaque avec force les philosophes. Benjamin cite également ce rabbin avec éloge. Voy. Masah. p. 33. Nous avons encore délai une lettre sur une décision de Maïmonide, avec la réponse. Voyez Ighereth Harambam, pages 52 et 53 de l'édit. de Prague.
[34] Telle que l'alchimie, l'astrologie, &c.
[35] C’est-à-dire avec la Massora, ou critique du texte de l'Ecriture Sainte.
[36] C’est sans doute le même chef d'ordre que Benjamin de Tudèle nomme Eléazar, fils de Zemàch, Quant à la dénomination de qui se trouve dans des deux éditions au lieu de , c'est évidemment une faute; car on voit par la suite du récit que le chef de la captivité était mort et qu'il n'avait pas encore été remplacé.
[37] Voici la liste de tous les titres usités dans cette contrée, dans leur ordre hiérarchique :
, chef de (a captivité;
, chef de l’académie ;
, chef d'ordre;
, chef de la communauté,
, chef de chapitre,
et , chef de la synagogue.
[38] Cette dignité était d'une haute importance sous la domination persane et les premiers khalifes, mais elle perdit beaucoup de son éclat depuis les Abbassides. Elle était l'apanage ordinaire des descendants de David, et d'après les témoignages d’Aben Esra, Benjamin de Tudèle et Isaac Arama, tous les chefs de la captivité, des xiie, xiiie et xive siècles, étaient en, possession de livres généalogiques qui remontaient jusqu'à David. Voy. Aben Esra, Comm. sur Zacharie, xii, 1 ; Benj. Masah. p. 34 ; Arama, Akedath Itzckak, chap. xxxiii, p. 88, col. 4.
Ce titre de chef de la captivité, s'est perpétué jusqu'à nos jours. Le rabbin Esra qui le portait il y a quelques années, a été conduit prisonnier à Constantinople. Son successeur, le chef de la captivité actuel, se nomme, d'après le témoignage d'Ezéchiel Elea de Bagdad, rabbin Saül. Voy. aussi Jewish expositor, juin 1835, page 231.
[39] Dans l’édition d’Altorf on lit ; mais celle de Prague porte, comme notre manuscrit, .
[40] Cependant, d'après la lettre apologétique d'Abraham Maïmonide, David obtint la préférence sur Israël. Ce rabbin David était un homme très éclairé, qui estimait beaucoup Moïse Maïmonide et le défendit contre un des disciples du chef de l'Académie de Bagdad, nommé Daniel Babli, qui s'était établi à Damas, et osa critiquer ce grand homme. Voyez Ighertth haithnauluth, mss. dans notre cabinet, cod. heb. n° xx.
[41] Le prophète Samuel.
[42] Aujourd'hui Saint-Jean-D’acre ou Ptolémaïs.
[43] Il s'agit toujours de l’Arménie.
[44] Le khalife qui régnait à Bagdad à l'époque où Péthachia visita cette ville, paraît avoir été Abou'labbas Ahmed, surnommé Nasir-lidwallah, qui monta jeune sur le trône, l'année 576 de l'hégire (1180). Le prédécesseur de Nasir-lidin-allah était son père Mostadhi-biamri-allah.
[45] On lit, dans les deux éditions que j'ai sous les yeux, le rabbin Salomon, mais Benjamin dit, comme notre manuscrit, que le père de Daniel s'appelait rabbin Chasdai : Voyez Masah., pages 34 et 43.
[46] Les khalifes de Bagdad descendaient d'Abbas, oncle de Mahomet; c'est pourquoi on les appelle du nom général d'Abbassides.
[47] Chez Péthachia et cher les autres rabbins le mot ismaélite est synonyme de mahométan, vu que Mahomet descendait d'Ismaël fils d'Abraham. Quelquefois aussi les rabbins désignent par le nom d'ismaélite les Arabes en général t et appellent la langue arabe, le pays des Arabes ou l'Arabie.
[48] Quoique on ne puisse douter que cette dénomination ne soit empruntée des Romains, cela n'empêche pas que, chez les rabbins, le mille n'ait sa définition distincte et particulière, laquelle est donnée sur le pied de deux mille coudées. Plusieurs endroits du Talmud (Traité Joma, page 67, a; Traité Baba Mezia, p. 33, a.) nous apprennent que les talmudistes comptent la mesure du mille par sept stades et demi. Le terme dont ils se servent pour exprimer le stade est , au pluriel . La fonction de quatre exprime chez les rabbins une espèce de lieue nommée au pluriel et chez les anciens Perses Parasanges.
[49] C'est le célèbre Saadias Gaon, du Fayyoum, mort en 942 de l'ère vulgaire, à Sora, où il fut chef de l'académie pendant 14 ans. Il est auteur d'une version arabe de l'Ecriture Sainte et d'autres ouvrages. Quant à ses commentaires sur les six ordres, dont se compose la Mischna, ils nous sont inconnus.
[50] Savant docteur, également chef de l'académie de Sora, ville située.sur l'Euphrate, au commencement du onzième siècle.
[51] Il s'agit probablement ici de Feloudja ville de l’Irak-arabi, bâtie sur l'Euphrate, un peu au-dessus de Hilla.
[52] Le texte porte c'est-à-dire: il fit des questions en songe. C’était une pratique assez commune dans le moyen âge, d'interroger le songe sur toutes sortes de choses. Il existe même un ouvrage entier de questions semblables avec leurs réponses, par un certain rabbin Jacob Levi, dont Un exemplaire manuscrit se trouve dans la bibliothèque du Roi, fonds Sorbonne, n° 152, et un autre dans notre cabinet de mss. Cod. héb. n° xv.
[53] Du mot arabe qui signifie voleur.
[54] Sous-arbrisseau rampant de la Cochinchine, à feuilles alternes, pétiolées, ovales, entières et accompagnées de deux stipules subulées, à fleurs pourpres portées, aiguës, biflores, lequel forme un genre dans la diadelphie décandrie. Voy. Nouv. Dict. d'Histoire naturelle. Art. Grone.
[55] Entre Imam-Hossein et Imam-Ali, à douze milles, dans le désert, au sud-ouest de Hilla. Ce tombeau est encore aujourd'hui très fréquenté par les Israélites du pays. Voyez, Description du pachalik de Bagdad, Paris, 1809, in-8° p. 77 ; Voyages aux ruines de Babylone, édition de Paris, 1818; in-8°, p. 25.
[56] Nous avons déjà remarqué que le mot ismaélite chez les rabbins est synonyme de mahométan. Ce nom est employé d'autant plus volontiers par les docteurs israélites, qu’à leurs yeux il constate leur supériorité sur les musulmans. Car Ismaël, aïeul de Mahomet, était fils d'une esclave d'Abraham, au lieu qu'Isaac, leur aïeul, était fils de l'épouse légitime de ce patriarche.
[57] Le terme dérive du mot latin granum.
[58] Le Sabbatique. Au rapport de l’historien Flavius Josèphe, et des talmudistes, cette rivière de la Syrie cessait de couler le jour du sabbath, et reprenait ensuite son cours pendant les autres jours de la semaine, ce qui lui avait fait donner le nom de Sabbatique. Voy, Josèphe, de Bello Judaic. l. vii, c. 13; Talmud, Traité Sanhédrin, p. 65; Béréchith Rabba, ch. 11, §. 6 ; Echa Rabbati, f. 77, col. 1.
[59] Voyez, à ce sujet, les beaux vers du célèbre poète Juda Charizi, Tahkemoni ch. xxxv. Voyez Tahkemoni, mss. de notre cabinet, cod. héb. n° xxx, c. l. La Bibliothèque du Roi, fonds Sorbonne, n° 236, en possède également un exemplaire manuscrit.
[60] Voyez Daniel, xii, 5.
[61] Le mot dérive du nom latin palatium; en hébreu on désigne un palais par , ou .
[62] En publiant cette seconde partie des voyages du rabbin Péthachia, il n'est peut-être pas hors de propos de dire un mot sur la description minutieuse des tombeaux et des lieux saints qu'elle renferme.
Cette description porte le caractère du temps ou elle a été écrite et de l’esprit qui animait alors les chrétiens et les musulmans aussi bien que les Israélites. En effet, à cette époque, comme aujourd'hui encore dans une grande partie de l'Orient, c'était à qui mettrait en avant le plus de saints personnages à vénérer, le plus de lieux sacrés à visiter, le plus de miracles à préconiser: les faits de ce genre avant été soigneusement recueillis par notre auteur, nous ne pouvions les passer sous silence. Ils serviront à donner une idée des croyances d'une époque si éloignée de nous ; on verra que des détails analogues se retrouvent dans plusieurs autres relations rabbiniques du moyen âge, ce qui prouve à quel point ces croyances étaient accréditées.
[63] C’est ainsi qu’Esdras est nommé dans Néhémie, viii, 9, parce qu’il a rédigé ceux des titres de la sainte Ecriture qui ont pu souffrir quelques altérations pendant la captivité de Babylone.
[64] Située sur l’Euphrate dans la Babylonie, autrefois très peuplée d'Israélites. Voyez Josèphe, Antiq. Jud., l. xviii, ch. 12.
[65] Cette ancienne synagogue fut fondée, d'après la tradition, par le roi Jéchonias, des débris du temple de Salomon, qu'il avait apportés de Jérusalem. C’est pourquoi on rappela c'est-à-dire transplanté ici. Voyez à ce sujet le Talmud de Babylone, traité Meghilla, p. 29, recto ; l’Aruch, et Benjamin de Tudèle, Masahoth, p. 39.
[66] Docteur célèbre de la Palestine, mort dans le second siècle de l’ère vulgaire en Babylonie, et enterré, suivant le Talmud de Jérusalem, traité Khelaim, in fin. , c'estàdire sur le bord de la mer, sans doute sur les bords de l’Euphrate. Cf. à ce sujet, Benjamin de Tudèle, Masah., page 37.
[67] Mot arabe qui signifie l’étrangleur. Ce nom se trouve également dans un ancien Itinéraire à l’usage des pèlerins Israélites, manuscrit de notre cabinet, cod. héb. n° xvii, part. ii, p. 15.
[68] Mesure itinéraire chez les anciens Perses.
[69] On trouve encore à quelques lieues de Mesurai, de l’autre coté du Tigre, une petite ville appelée Elcousch, où on vénère le tombeau du prophète Nahum.
[70] C’est le même docteur que Rab, disciple du rabbin Juda Hannasi, qui érigea une académie célèbre à Sora, et y enseigna la Mischna jusqu'à sa mort, en 243. Rab fut un des premiers docteurs qui portaient le titre d’amoraï ou orateur, et se distingua par deux ouvrages sur les iie, ive et ve livres de Moïse, intitulés Sifra et Sifri. Le Talmud, traité Nidda, p. 94, recto, parle de sa grande taille, qui lai a donné le nom d'Aricha, qui veut dire long, grand, haut.
[71] Docteur du ive siècle, chef de l’Académie de Bumbéditha. J'ignore le fait auquel Péthachia fait allusion ici.
[72] Seigneurs. On sait que toutes les lettres hébraïques, ainsi que celles des- autres langues orientales, ont une valeur numérique; le mot , que notre auteur emploie ici pour désigner le nombre de 550, se compose d'une dont la valeur numérique est 300, d'une qui renferme le nombre de 900, d'un qui a la valeur de 10, et d'un qui contient le nombre 40.
[73] A Ratisbonne. Ce passage prouve que cet ouvrage n'est pas de Péthachia lui-même, et qu'il a été écrit non à Prague, mais à Ratisbonne. Voyez l'Introduction.
[74] Dans le paya de Hawizah, vis-à-vis de Korna et près de la rivière de Senné, on voit encore aujourd'hui un vieux bâtiment qui passe pour être le tombeau du prophète Esdras; ce monument est honoré par les Turxs, et les Israélites vont souvent s'y acquitter de leurs pieux devoirs. Voyez Description en Pachalik de Bagdad, déjà citée, p. 58. - Benj. de Tudèle, p. 41, et Charisi, Tahkemoni ch. xxxv, p. 54, nomment l’endroit de ce tombeau .
[75] Ce phénomène paraît être attesté par le célèbre poète Charizi, qui, l'ayant entendu raconter par plusieurs personnes sans vouloir y ajouter foi, alla lui même pour se convaincre de la vérité. Il ajoute que plusieurs savants prétendent que ce n'est que l'effet naturel des matières sulfureuses recelées dans le sein de la terre; mais après un examen réfléchi dont il donne les détails, il se convainquit que c'est plutôt un phénomène surnaturel. Voyez Tahkémoni, l. c.
[76] Du temps de Benjamin de Tudèle, il y avait sept mille Israélites. Voyez Masah., p. 41.
[77] L'auteur paraît ici confondre le Tigre arec la rivière qui se jette dans ce fleure du côté de l’Orient, et sur laquelle était située l'antique Suse. Benjamin de Tudèle a commit la même erreur.
[78] Voyez à ce sujet Benjamin de Tudèle, Masah., p. 41, et Hadji-Khalfa, Miroir du monde, Géographie de l’Asie, composée en tare, et imprimée à Constantinople, en 1732, art. Suse.
[79] Il est certain qu’en Orient l’anneau passé dans la narine d’un animal est un signe de sujétion, et qu’il est d’usage de tenir dans un bassin d’eau des poissons avec un de ces anneaux en l’honneur du propriétaire ou du saint qui est révéré dans le voisinage. Voyez M. Reinaud, Monuments arabes, persans et turcs, t. I, p. 39 ; et les Voyages de Chardin, édit. de Paris, 1811, t. III, p. 199 et suiv.
[80] Espèce de chameau que les Turcs nomment c'est-à-dire chameau de vent, et les Persans , c'est-à-dire chameau-oiseau; cet animal répond au struthiocamelus des Latins. Il est plus petit, mais plus éveillé que les autres ; le chameau ordinaire ne va que le pas et celui-ci va le trot et galope aussi bien que le cheval. Voyez, Voyages d’Oléarius, tome I, page 550.
[81] C’est une tradition assez ancienne parai les Israélites de cette contrée, que Nabuchadnédzar fit transporter à Babylone les portes de Jérusalem avec toutes les richesses de cette grande cité.
[82] C’est Nabuchadnézar roi de Babylone, ainsi nommé par les rabbins, parce qu'il livra Jérusalem au pillage, fit égorger les vieillards, les femmes, les enfants jusque dans le sanctuaire, et mit le feu au temple du Seigneur.
[83] Voyez Rituel des prières journalières à l'usage des Israélites, traduit en français par M. J. Anspach, Metz, 1828, in-8°. page 24.
[84] Je crois qu'il s'agit ici de l'instrument de musique à dix cordes et à huit cordes mentionné dans les Psaumes xcii, 4 et vi, 1.
[85] Mésech est le nom d'un des fils de Japheth (Gen. X, 9), qu'on croit s'être établi entre la Mer Noire et la Mer Caspienne, au nord du Caucase. Quant au pays de Magog, il désigne dans l'opinion des Orientaux les régions situées au nord de l’Europe et de l'Asie. V. l'ouvrage de M. D'Ohsson, déjà cité, p. 276 et suiv.
[86] Ce conte est tiré de Joseph, fils de Gorion, liv. ii, ch. ix, p. 24 de l’édit. de Venise 1544, in-4°. Les auteurs arabes placent derrière ces montagnes qu'ils nomment Couman les descendants de Yadjoudje et de Madjoudje, enfants de Manassekh, qui est le Mésech de l'Ecriture sainte.
[87] Nous avons déjà parlé ci-devant, des progrès que le judaïsme avait faits à une certaine époque au nord du Caucase. Les détails que notre voyageur nous donne ici, ne ressemblent pas tout-à-fait à ceux que fauteur du livre Khozari raconte à ce sujet au commencement de son ouvrage. Voy. , Fano, 1506, in-4° partie i, § 1.
[88] Il y a eu cependant des voyageurs, postérieurs à Péthachia, qui, à l'exemple d'auteurs anciens, ont prétendu qu'il restait encore des débris de l’arche. Benjamin dit que le khalife Omar avait mit enlever ces débris pour en faire une mosquée. Voyez Masah., p. 29.
[89] Voyez sur la manne qui tombe encore dans certaines contrées d'Orient, Aben Esra, Commentaire sur l’Exode, vi, 14, et la Description de l'Arabie, par Niebuhr, t. I, p. 205.
[90] C’est-à-dire la tour de Babel, qui fut bâtie par ceux qui ont été dispersés après son édification. Le mot joint à un substantif quelconque est assez usité chez les rabbins pour designer une époque mémorable comme génération du déluge, , génération du désert.
[91] Aucun khalife depuis Haroun-al-Rachid, ne fit en personne le pèlerinage de la Mecque : ainsi il y a ici erreur. Voy. les Monuments arabes de M. Reinaud, t. II, p. 923.
[92] Ce phénomène, dont il a été déjà parlé, donna lieu à Charizi de composer un long poème qui commence par ces vers :
Ce poème ne se trouve point dans les deux éditions du livre Tahkemoni de Constantinople et d'Amsterdam que j'ai sous les yeux. Voyez ms. Hébr. de la bibliothèque du roi, fonds Sorbonne, n° 936; et de notre cabinet, cod. Héb. n° xvii, chap. xxiii, p. 78 recto et verso, et chap. l, p. 134 recto.
[93] Il s'agit ici de la langue hébraïque.
[94] Le pays dont parle Péthachia appartient à la Mésopotamie on à quelque contrée du voisinage : or à cette époque les habitants parlaient la langue arabe. Le mot daroch parait être le mot arabe pluriel de route; lahom répond à l'arabe viandes, basor à chairs, et bakor à bœufs.
[95] L’Arabie.
[96] Peut-être aussi : c'est pourquoi les orfèvres fréquentent souvent cet endroit; ils y recueillent beaucoup d'or.
[97] Cette synagogue n'est pas mentionnée dans les voyages de Benjamin, quoiqu'il ait passé dans cette ville ; mais elle paraît avoir été connue de Charizi, puisqu'il parle des vers qu'il avait fait graver sur la porte d'une synagogue d’Esdras. Ces vers se trouvent dans le Tahkemoni, déjà cité, chap. l, p. 142.
[98] Le mot Naharaïm, en hébreu, signifie deux fleuves : en effet le pays est situé entre le Tigre et l’Euphrate. C’est dans ce sens que ce pays a été appelé par les Grecs Mesopotamia.
[99] Psaume lx, 2. Cette assertion est confirmée par Benjamin de Tudèle, Masah, p. 98, et par Juda Charizi, Tahkemoni, c. 47. Cependant il est difficile de déterminer jusqu'à quel point cette opinion est fondée. Bochart, dans sa Geogr. Sacra, ch. vi, ne sait pas dans quel endroit il faut la placer, et Michaelis, de Syria sobaed, la transplante au-delà de l’Euphrate et la confond arec Nisibe. Ce qui est certain, c'est que les rabbins donnent encore aujourd’hui ce nom d’Aram Zoba, à la ville d'Alep. Guedalia ben Yahya parle de cette ville, dans sa chronique : Il existe aujourd'hui parmi nous une tradition qu'Aram Zoba est Haleppo. On peut consulter sur ce nom la préface de l'ouvrage du rabbin Ismaël Cohn d’Alep, intitulé : Venise, 1598; et celle de l'ouvrage du rabbin Siméon Doyack Cohn, également d'Alep, qui a pour titre : , Constantinople, 1738, in-fol.
[100] En effet le mot Haleb, en hébreu et en arabe, signifie lait.
[101] Sous Saladin, époque où voyageait Péthachia, Damas dépendait de l'Egypte.
[102] Benjamin de Tudèle, en parlant de ce savant, assure qu'il était le chef de l’Académie de Palestine. Voy. Masah, p. 27.
[103] Le pays situé a l'orient du Jourdain. Voy. Nomb., xxi, 12 et 33 ; Deut., ii, 26 ; iii, i et suiv.
[104] Voy. Talmud de Babylone, traité Bechoroth, p. 55 recto.
[105] Sephoris, ancienne ville de Galilée, située sur une colline, au milieu d’une plaine. Elle a reçu sous les Romains le nom de Diocésarée; aujourd'hui elle est comblée de ruines.
[106] C’est le célèbre Juda Hannasi, ainsi homme à cause de la sainteté de sa vie ; il est appelé aussi par excellence Rabbi, c'est-à-dire, le maître. C’est le savant auteur de la Mischna, mort à Sephoris en 935 de l'ère vulgaire.
[107] Il est remarquable que Benjamin de Tudèle ne parle ni de Nehoraï ni de son fils.
[108] Voy. le Talmud, traité Rorch hassana, ch. iv, p. 31 vers. Ce rabbin Siméon est le troisième du nom, et père du rabbin Juda Hannasi, ci-dessus mentionné.
[109] Ptolémaïs. Voyez ci-devant. Benjamin y trouva environ deux cents Israélites.
[110] Yabné, nommée sous les Romains Jamnia., village sur la route de Gaza, à trois lieues de Ramlé. Ce village était, du temps d’Ozias, roi de Juda, une ville considérable et forte. Voyez le 2e livre des Chron., xxvi, 6.
[111] Voyez ci-devant.
[112] Schammai, docteur célèbre, assesseur du grand sanhédrin à Jérusalem, sous le règne d’Antigone, fils d'Aristobule. Il est fondateur d'une école qui porte le nom de Beth Schammai.
[113] Hillel, un des plus célèbres docteurs de la loi, président du grand sanhédrin à Jérusalem. Il est chef d'une école nommée Beth Hillel, qui surpassa celle de Schammai, son contemporain.
[114] Ancienne mesure hébraïque qui était le tiers d'un épha- Voici la définition la plus exacte de ces mesures de capacité, d'après l'opinion générale des docteurs de la foi. C'est-à-dire, l’èpha contient 3 séahs, le séah 6 kabs, le kab 4 lougs, le loug 6 œufs, dont la marque mnémonétique est guda, mot chaldéen qui veut dire sommet d'arbre (Daniel, iv, 11), composé de quatre lettres qui renferme les nombres de 3, 6, 4 et 6.
[115] Benjamin de Tudèle place cette caverne près de Maran, dite autrefois Meron ; mais il n'entre pas dans tous ces détails. Voy. Masah. p. 25.
[116] Ancien docteur, qui florissait sons le pontificat de Jean Hyrcan, contemporain de Josué, fils de Pérachia.
[117] Ville qu'il ne faut pas confondre avec celle qu'Alexandre le Grand immortalisa par sa victoire, et qui est située au-delà du Tigre.
[118] Voy. Josué, xxiv, 30.
[119] Caleb, de la tribu de Juda, fut envoyé avec Josué et dix autres députés pour reconnaître le pays de Chanaan, et eut pour son partage les montagnes et la ville de Hébron, où il mourut.
[120] Le mot signifie en effet trembler, être ébranlé.
[121] Voy. Genèse, x, xxv, 19 et 90.
[122] Benjamin de Tudèle, Masah. p. 93, et l'auteur de l’Itinéraire à l'usage des pèlerins Israélites, déjà cité, disent à peu près la même chose.
[123] Voy. Genèse, xxix, 2.
[124] On sait que, sous la domination des Chrétiens à Jérusalem pendant les Croisades, les Israélites n'étaient pas toujours tolérés dans cette ville. Voy. Charizi, Tahkemoni, c. 98. Ibn-Gioozi, dans sa chronique arabe, intitulée ou Miroir des temps, mss.Arab.de la Bibliothèque du Roi, ancien fonds, n.° 641, dit même qu'à la première entrée des Croisés, en 1099, les Israélites furent enfermés dans leur synagogue, où on les brûla. Le rabbin Juda Hallevi, qui voulut y entrer en 1140, fut cruellement massacré. On faisait seulement une exception en faveur de quelques individus qui s'occupaient de la teinture des draps et des laines. Voy. Masahoth, p. 90.
[125] Le Teinturier.
[126] L'auteur veut parier de la célèbre mosquée bâtie par le khalife Omar sur l'emplacement du temple de Salomon.
[127] Ou Gehinnon, c'était une vallée joignant Jérusalem, par où passaient les limites méridionales de la tribu de Benjamin. On croit que dans cette vallée était la voirie de Jérusalem, et qu'on y entretenait toujours un feu pour brûler les charognes et les immondices; ce-qui a fait donner à l'enfer le nom de Gehennom , à cause du feu éternel qui y doit brûler les méchants.
[128] Il emploie exprès ici le pronom il, qui est amphibologique, parce que le texte lui-même laisse lieu de douter si ce qui est dit doit s'entendre des infidèles ou des pauvres.
[129] La mer Morte.
[130] Voy. Genèse, xix, 94 et 95.
[131] Genèse, xix, 96, où il est dit que la femme de Loth devint une statue de sel.
[132] A Galgala. Voy. Josué, iv, 17.
[133] Qui devait lui servir de tombeau ainsi qu'à Sara, sa femme. Voyez Genèse, xxiii, 19.
[134] Benjamin de Tudèle rapporte à peu près la même chose, seulement il fait mention de six cadavres au lieu de trois. Voy. Masahoth, p. 93.
[135] Cette porte paraît être la même que celle qui fut nommée la porte dorée : elle est au levant, et donne sur le parvis du temple. Les Turcs l'ont murée. Voy. l’Hist. des Croisades par M. Michaud, 4e édition, t. I, p. 631. Selon Benjamin, cette porte de la Miséricorde n'est qu'un reste de la muraille du temple appelée la Porte de la Miséricorde ; et c'est là où les Juifs font leurs prières. Voyez Masahot, p. 21.
[136] Les talmudistes prétendent que, depuis la destruction du temple, la majesté divine est comme exilée et ne se manifestera qu'au rétablissement du saint édifice. Voyez Talmud, traité Meghilla, p. 29, recto. Ceci explique ce vers du célèbre poète Charizi :
« A Jérusalem le Séchinah est-il retourné? »
Voyez Tahkemoni, chap. xxxv, p. 53, verso. Quant au nom Séchinah, proprement dit, c'est un mot hébreu de la racine qui ne signifie que demeurer ou être en repos, mais dont les cabbalistes se servent pour exprimer la présence divine, se manifestant dans une nuée visible qui reposait sur le propitiatoire. Ce mot parait être le même que Sékineh de l'Alcoran, II, 949, que Mahomet a sans doute emprunté des rabbins.
[137] Zach. xiv, 4; Isaïe, lii, 8.
[138] Cette tour, située au nord de la ville, et qui avait toujours été respeçtée.par les Chrétiens et les Musulmans, fut détruite en 1239. Voyez les Extraits des historiens arabes relatifs aux croisades, par M. Reinaud, page 440.
[139] Sur cet épisode de la vie d'Abraham, voyez la Genèse, XVIII, V. 4.
[140] Le rabbin nommé ici, est sûrement le même que Sabtai Yavani ou le Grec, grand chiromancien dont parle Moïse Nachmanide, dans son discours prononcé devant le roi de Castille. Prague, 1597, in-4°.
[141] Voyez, sur ces évocations également pratiquées chez les musulmans, l’ouvrage de M. Reinaud, intitulé ; Monuments arabes, persans et turcs du cabinet de M. de Blacas, tome II, page 95.
[142] Je n'ai trouvé nulle part mention d'un lieu nommé et j'ignore tout-à-fait où est situé cet endroit, si ce n'est cité dans la Mischna, traité Khélaïm, chap. vi, 4. Quant au tombeau du prophète Jonas, Benjamin le place à Sephoris. Voyez Masah. p. 25.
[143] Voyez le Talmud de Jérusalem, traité Aboda Zara, p. 44 verso.
[144] Le patriarche Joseph. Ce passage ne se trouve pas dans les deux différentes éditions de cet ouvrage.
[145] On trouve à peu près la même chose dans un ancien Itinéraire à l’usage des pèlerins Israélites ; manuscrit dans notre cabinet, cod. héb. xvii, part. 1.
[146] Voy. Mémoires sur la forêt de Saron, par M. Paultre. Quant aux roses dont parle Péthachia, Voyez Cant. des Cant. II, 1.
[147] Abraham Zacuth parle de ce village, d'après des lettres envoyées de Palestine. Voici ce qu'il dit en parlant de notre Siméon Sézori : « Dans la haute Galilée, près de Séphath, se trouve un village nommé jusqu'à aujourd'hui Sézur. Il est enterré là comme nous l’avons vu par des lettres écrites sur les tombeaux des Justes, envoyées du pays d'Israël. » Voy. Sepher Jouchasin, édit de Cracovie, 1580, in-4°, p. 68 recto, et p. 49 de l'édition d'Amsterdam, 1715, in-8°.
[148] Voyez Traité Demai, ch. iv, i; Traité Schebiith, ch. ii, 8 ; Traité Ghittin, chap. VI, 5 ; Traité Chulin, ch. VI, 5 ; Traité Teharoth, ch. iii, 2; Traité Tebul Yom, ch. iv, 5. Conférez ce passage arec la Description des tombeaux, que le rabbin Jacob, l'envoyé du rabbin Jéchiel de Paris, avait apportée de l'Orient. Mss. héb. de la Bibliothèque du Roi, fonds Sorbonne, n° 222, et dans notre cabinet, code héb. n° xvii.
[149] Grande ville au confluent du Tigre et de l'Euphrate appelée par les Arabes Basra; à 93 l. S. E. de Bagdad. Notre voyageur la nomme babylonienne, pour la distinguer de Bosra ou Bostra, ville à 20 l. S.de Damas.
[150] Le nom d'Esra, fils d’Abtolas, est cité dans le Talmud de Babylone, traité Ménachoth, p. 53 recto. Voyez, sur ce rabbin, l'ouvrage du savant Jéchiel, fils de Salomon de Minsek, intitulé Seder Hadoroth, Karlsruhe, 1769, in-fol., p. 138, col. 4.
[151] Voyez le Talmud de Babylone, Traité Berachoth, p. 56, a Traité Kethuboth, p. 7. b, et p. 10, b ; Trmùé Jebamith, p. 67, a ; Traité Baba Bathra, p. 142, b. Ce rabbin était disciple de Samuel l’Astronome, chef de l’Académie de Nahardea, dans le troisième siècle de l’ère vulgaire.