Bidpai

BIDPAI

 

FABLE

traduction française de M. Silvestre de Sacy

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 


 

BIDPAI

Notice d’un manuscrit hébreu de la Bibliothèque impériale contenant un fragment de la version Hébraïque du livre de Calila et Dimna, ou Fables de Bidpai

par M. Silvestre de Sacy

Chapitre IX de la traduction Hébraïque du livre de Calila, extrait du manuscrit Hébreu de la Bibliothèque impériale

 

Il n'est peut-être aucun livre, si l'on en excepte ceux qui servent de fondement à notre religion, qui ait été aussi généralement répandu, et traduit en autant de langues, que celui qui porte, chez les Arabes, le nom de Calïla et Dimna, et qui est plus connu parmi nous, sous le titre de Fables de Bidpai, Pidpai ou Pilpaï. Néanmoins, malgré la prodigieuse célébrité de ce livre, ou peut- être par un effet même de cette célébrité, son histoire est enveloppée de beaucoup d'obscurités et d'incertitudes, qu'aucun critique n'a pu jusqu'ici dissiper. Il semble même que la plupart des savants qui en ont parlé, loin de faire évanouir ces obscurités, y en aient ajouté de nouvelles, en substituant des conjectures aux traditions les mieux autorisées, et en confondant avec le livre de Calila, d'autres romans ou recueils d'apologues moraux qui lui sont totalement étrangers…….

Il existe une ancienne version latine du livre de Calila, faite d'après un texte hébraïque, par un juif converti à la religion chrétienne et connu sous le nom de Jean de Capoue. Cette traduction latine est d'une grande importance dans l'histoire de ce livre, parce qu'elle est la source de laquelle sont dérivées immédiatement ou médiatement plusieurs autres traductions ou imitations écrites en italien, en allemand, en français, en espagnol et peut-être encore en d'autres idiomes. Elle est intitulée: Directorium humane vite, alias Parabole antiquorum sapientum, et commence par un avertissement du traducteur……….

 

FABLE

TRADUCTION.

Chapitre du Roi et de l’Oiseau.

Le roi dit au philosophe : j'ai entendu l'apologue que vous venez de me raconter et qui m'a offert l’exemple d'un homme qui s'associe avec son ennemi, en sorte que l'un et l'autre se prêtent réciproquement secours, et qui conserve cette société jusqu'à ce que tous deux soient échappés au malheur qui était l’objet de leur crainte. Donnez-moi maintenant un exemple de deux personnes qui se haïssent, et du soin qu'elles doivent avoir de se tenir en garde l'une contre l'autre.

Le philosophe dit : un homme prudent et sage ne doit jamais se fier à son ennemi, quand même il croirait voir en lui tous les signes d'une amitié fraternelle: il doit au contraire se tenir en garde contre son ennemi, comme fit l'oiseau avec le fils du roi. Comment cela est-il arrivé ! dit le roi. Le philosophe répondit :

Un roi de l'Inde avait, dit-on, un oiseau qui se nommait Pinza, et il lui apprit à bien parler. Cet oiseau était fort intelligent. Il avait un petit. Le roi commanda qu'on prît l'oiseau et son petit, et qu'on les plaçât dans la maison, auprès d'une femme qui tenait le premier rang parmi ses femmes, et il ordonna à cette femme de veiller à la garde de ces oiseaux. Dans la suite, cette femme mit au monde un fils, et le petit de l'oiseau contracta une société intime avec cet enfant : ils badinaient et mangeaient ensemble. Pinza allait chaque jour vers une montagne, et en rapportait deux fruits de palmier : il en donnait un à l'enfant, et l'autre au petit oiseau. Ce fruit contribuait à les fortifier, en sorte qu'ils grandirent en peu de temps, et que leur visage parut au roi en embonpoint. Il en conçut une augmentation d'amitié pour Pinza, qui devint, encore plus que par le passé ; l'objet de ses bonnes grâces. Un jour que Pinza était allé vers les montagnes pour en rapporter des dattes, le petit oiseau monta sur le sein de l'enfant s l'enfant irrité de cela, le prit, le jeta par terre et le tua.

Figure de l'enfant qui tue le petit de l’oiseau.

Lorsque Pinza, de retour de la montagne, vit son petit tué, il s'affligea, pleura, se désola et dit : maudits soient tous les rois; ils n'ont ni foi, nr exactitude à remplir leurs engagements. Malheur à celui que Dieu a frappé du fléau de leur société ; car les rois n'ont ni compagnon, ni ami; jamais ils n'aiment qui que ce soit : s'ils ont des égards pour un homme, ce n'est que parce qu'ils espèrent obtenir de lui quelque chose : alors ils le comblent de faveurs et d’égards, dans cette vue. Ont-ils obtenu de lui ce qui était l'objet de leurs désirs, ils n'ont plus pour lui ni amitié, ni tendresse, ni sentiment fraternel. Toutes leurs actions ne sont qu'impiété, artifice, orgueil, injustice et iniquité. Leur bouche est remplie de paroles de paix pour leur prochain, tandis que dans leur cœur ils s'occupent à lui tendre des pièges. Je n'aurai point de repos, ajouta-t-il, et Je ne me tiendrai point tranquille, que je ne me sois vengé aujourd'hui même de ce cruel, de ce scélérat, qui n'a ni bonne foi, ni amitié, qui fait éclater sa trahison contre son frère, ses proches et ceux qui mangent avec lui.

Aussitôt se levant, il vola sur l'enfant, lui arracha les yeux avec ses pattes; puis s'envolant, il s'arrêta sur un lieu élevé.

On alla informer le roi de ce qui venait de se passer ; il en conçut une vive douleur, et étant consterné, il chercha quelque artifice pour tromper Pinza, le prendre et le tuer.

Figure de Pinza arrachant les yeux à l’enfant

Le roi étant monté à cheval, partit pour aller trouver Pinza, s'avança vers le lieu où était l'oiseau, et quand il en fut proche, il l'appela par son nom, et lui dit : tu es toujours fidèle à mes yeux, je t'ai pardonné ta faute: reviens donc à moi.

L'oiseau s'y refusa, et répondit au roi : Sire, le traître est pris dans sa propre iniquité et est victime de sa perfidie. On se sert envers un homme de la même mesure dont il s'est servi envers les autres, quand même l'exécution de cette sentence serait différée, si elle tarde, attendez-la néanmoins ; parce qu'elle arrivera certainement, et qu'elle ne tardera point; et si elle est suspendue en ce monde, elle ne le sera point dans le monde futur. Mais Dieu punit l'iniquité des pères sur les enfants et les petits enfants. Je me suis vengé promptement du mal que ton fils m'a fait. Ton fils ayant été perfide à mon égard, je me suis empressé de rendre à l'homme suivant ses œuvres, comme il a agi envers moi, j'ai agi envers lui.

FIGURE du Roi appelant Pinza qui est sur la montagne.

En vérité, lui dit (le roi), nous avons péché contre ton fils, et nous nous sommes ligués contre toi ; mais déjà tu as tiré vengeance de nous, et pour nous, nous n'avons à te demander raison d'aucune injustice. Reviens maintenant à nous avec une pleine confiance et sans rien craindre, dans une entière tranquillité et une parfaite assurance.

Pinza lui répondit : Je ne reviendrai point te trouver; car les sages ont recommandé de ne point aller dans un lieu où il y a du danger, et ont dit : garde-toi de te laisser séduire par les paroles de ton ennemi, et par la douceur de sa bouche qui t'adresse des discours respectueux : ne te fie point à lui, car (les paroles) de sa bouche sont plus douces que la crème, et la guerre est dans son cœur. Jamais la haine n'offrira un juste sujet de confiance, et l'on n'a autre chose à faire que de se tenir sur ses gardes contre elle. Il y a longtemps qu'on a dit: l'homme prudent doit considérer ses pères comme des compagnons, ses frères comme des amis, ses femmes comme une liaison amoureuse, ses fils comme un monument élevé à sa gloire et qui conserve sa renommée, ses filles comme un sujet d'épreuve et de querelle, ses proches comme ses excréments ; et il doit se regarder lui-même au milieu d'eux comme solitaire et isolé. C'est ainsi que je suis aujourd'hui solitaire et isolé : ma peine est venue de vous, et vous avez mis sur moi des angoisses et des tribulations, que personne autre que moi ne portera, et que je porterai seul. Adieu donc, je pars.

Sache, reprit le roi, que si tu n’eusses point tiré vengeance de nous, la chose serait effectivement comme tu le dis ; mais c'est nous qui avons commencé à te faire du mal, et toi aussi tu as pris la vengeance qui t'était due : pourquoi donc refuses-tu de te fier à nous! Viens ici auprès de moi, et reviens chez moi. Je serai pour toi tel que tu sais (que j'ai été), et je mettrai en oubli toutes tes iniquités.

Pinza répondit : la haine est une grande peine et une douleur violente : les langues n'expriment pas, d'une manière conforme à la vérité, les sentiments qui sont dans les cœurs ; le cœur dépose de ce qui est dans le cœur avec plus de sincérité que la langue, et mon cœur me dit que ton cœur forme de mauvais projets (contre moi). Puisque je te hais, comment pourras-tu jamais m'aimer! car quant à moi je te hais, et tu sais bien toi-même que mon cœur ne rend point témoignage à ta langue ni ton cœur à la mienne.

Ne sais-tu point, répondit le roi, que les inimitiés et les haines sont très communes parmi les enfants des hommes ! et néanmoins tous les hommes sages se fient aux paroles. ......

Pinza reprit et dit : la chose est en effet comme vous l'avez dit ; mais les hommes sages ont des artifices et des finesses par le moyen desquels ils peuvent se garantir des dangers. Ils savent qu'il y a tel ennemi contre lequel on ne peut rien par la bravoure et la force, mais qu'on peut vaincre par les artifices et la finesse jusqu'à se rendre maître de lui, de même qu'on prend l’éléphant qui est plus grand que tous les autres animaux, et dont néanmoins un petit enfant se rend maître par ses ruses. Les gens sages savent bien d'ailleurs que les hommes égorgent les brebis comme bon leur semble et en mangent la chair, et que cela néanmoins n'inspire aucun chagrin aux autres brebis qui ne continuent pas moins pour cela à se fier aux hommes, et oublient le traitement qu'elles en reçoivent; de même les chiens prêtent assistance aux hommes, et quelquefois les hommes en tuent un : mais les autres ne se séparent point de l'homme pour cela. Pour moi, je ne veux point être comme ces animaux qui négligent leur propre conservation : au contraire, je me tiendrai en garde contre toi autant que je le pourrai.

Le roi dit alors : l'homme généreux ne quitte point son compagnon, et ne laisse point seul son camarade et son frère. Tous les hommes d'ailleurs ne sont pas dans la même catégorie : il y en a contre lesquels on doit en toutes circonstances se tenir en garde, quand même ils auraient donné leur parole ; et il y en a d'autres au contraire à la parole desquels on doit s'abandonner avec confiance, parce que leurs discours sont un signe non équivoque de leurs actions.

Les haines sont redoutables, reprit Pinza, et l'on doit en craindre l'effet, en quelque personne qu'elles se trouvent ; mais la haine que l'on doit surtout redouter, c'est celle (qui se trouve dans le cœur des rois; car les rois regardent la vengeance comme un devoir, et s'imaginent que se venger) dans ces cas-là est pour eux une gloire et un honneur. Il est indigne d'un homme sage de se laisser séduire quand if voit que son ennemi use envers lui de paroles doucereuses, parce que la haine qui est dans le cœur y est cachée comme un feu recouvert de cendres, quand il manque de bois, et que l'ennemi ne cherche que des prétextes comme le feu cherche du bois ; à l'instant où celui que la haine anime en trouvera l'occasion, il s'allumera comme le feu s'enflamme, et ce feu ne pourra être éteint ni par les richesses, ni par des paroles humbles et soumises, ni par des discours, des supplications, des soumissions, ou toute autre chose, si ce n'est par la mort de ceux qui sont l'objet de la haine. D'ailleurs, bien qu'il y ait des hommes qui, étant haïs de leurs ennemis, peuvent repousser leurs mauvais desseins par des ruses et de sages mesures qui leur sont connues, moi j'ai peu de ressources dans l'esprit, ma science est très bornée, et ma prudence ne me fournit point les moyens de te faire jamais renoncer aux projets que tu as dans l'âme : en conséquence je ne me fierai à toi en aucun temps. Quand même nous vivrions en société, je ne mettrais jamais de confiance en toi ; je ne vois pour moi aucun autre parti à prendre que de me séparer de toi : je te dis donc adieu.

Le roi reprit fa parole et dit : Tu sais bien qu'un homme ne peut faire ni bien ni mal à son semblable, à moins que Dieu, dont le nom soit béni, ne le veuille et ne le fasse lui-même. Si donc Dieu a décrété que tu mourras de ma main, tu ne saurais trouver un asile et un refuge contre cette destinée, et tu tomberas infailliblement entre mes mains : si au contraire il n’est point dans les décrets de Dieu, dont le nom soit ; béni, que tu périsses de ma main, et que néanmoins j'aie la volonté de te tuer, quand même tu tomberais en mon pouvoir, je ne pourrai rien contre toi. De même qu'il n'y a point d'homme au monde qui puisse créer quelque chose, il n'y en a point non plus qui puisse rien faire périr. Tu n'es coupable d'aucune iniquité en ce que tu as fait à mon fils, et mon fils n'a commis aucune faute en tuant ton petit ; car tout cela vient du ciel, et nous n'avons été que le moyen par lequel s'est opéré ce que Dieu a fait.

Il est bien vrai, répondit Pinza, que le décret divin est tel que tu viens de le dire : mais cela n'empêche point l'homme prudent de se mettre en garde contre son ennemi, de se garantir de ses mauvais desseins et de le craindre. L'homme est obligé de veiller à sa conservation, et Dieu après cela fait ce qu'il veut. Tu sais bien que, s'il est arrêté dans les décrets éternels qu'un homme doit mourir dans les eaux, rien au monde ne peut le préserver de ce malheur. Si cependant ceux qui consultent les astres viennent prédire cela à un homme, il prendra toutes les précautions possibles pour sa conservation : il se gardera bien de dire : puisqu'il est décrété que je dois périr dans les eaux, je vais aller m'y jeter ; car il serait un fou s'il en agissait ainsi. Les sages ont dit que toute personne qui se tue elle-même n'aura aucune part en ce monde ni en l'autre. Dieu a mis l’âme dans le corps pour que l'homme veille à sa garde et qu'il ne laisse point périr le dépôt qu'on lui a confié, jusqu'à ce que celui à qui appartient le jugement arrive, et que l'homme lui rende ce dépôt. Ainsi, quand même il serait prédestiné que je dois périr de ta main, je n'irai point (te trouver) de mon plein gré ni par ma propre détermination. Je sais que ta bouche me tient des discours qui ne sont point dans ton cœur. Ce qui s'est passé entre toi et moi, c'est que ton fils a tué mon petit, que moi j'ai arraché les yeux à ton fils, et qu'à présent tu veux te venger de moi et m'arracher mon âme ; mais l'âme ne veut point mourir, et redoute le trépas; la haine ne cessera jamais. Vous autres hommes vous ne voulez avoir les oiseaux que pour l'une de ces trois choses, pour les manger, ou pour vous en amuser, ou pour les tuer. Ce n'est ni pour me manger, ni pour ton amusement que tu désires m'avoir, mais bien pour me tuer à cause de ce mal que j'ai fait à ton fils. Tout homme aime la vie et redoute la mort. Aucun homme sage n'abandonne la société des hommes, et ne s'en retire pour se livrer au culte de Dieu, et cela à cause de la crainte extrême de la mort ; ou bien il le fait pour délivrer son âme une fois de la mort, et ne pas mourir plusieurs fois et pour ne pas être exposé à une multitude de peines qui sont autant de morts ; car on a dit il y a longtemps que la sagesse est une peine, la force une peine, le voisinage d'un ennemi une peine, la maladie une peine, la vieillesse une peine, et que la plus grande de toutes les peines est la mort. Il n'y a que le cœur [de chacun] qui connaisse l'amertume que son âme ressent. Tu ne sais point quelle angoisse me saisira si je tombe entre tes mains; moi, au contraire, je connais ce que tu as dans l'âme à mon égard, par ce que j'éprouve en moi-même par rapport à toi. En conséquence, il n'y a pour moi aucun avantage dans ta société. Quand même nous vivrions dans une société sincère, si nous venions à nous souvenir du mal que nous nous sommes fait respectivement, sur-le-champ nos cœurs éprouveraient un changement de disposition.

Le roi dit : il n'y a rien de bon dans tout homme qui n'a point la force d'éloigner de son âme et d'en ôter ce qui y est, d'en écarter l'inimitié et de la disposer à l'amitié : c'est pour cela que l'intelligence a été donnée à l'homme intelligent, afin que, quand il veut arracher [un sentiment] de son cœur, il l'en arrache.

Tout homme, reprit Pinza, qui a un ulcère à la plante du pied, augmente son mal d'autant plus qu'il fait plus usage de son pied pour marcher. Si un homme a les yeux malades, et qu'il les expose au vent, sa maladie devient plus grave : il en est de même d'un homme qui est l'objet de la haine de son ennemi: plus il s'approche de son ennemi, plus l'ulcère de son propre cœur s'agrandit, sa douleur augmente, et son infirmité se renouvelle. Pareillement quiconque ne sait point comment il faut entreprendre une affaire, et comment il pourra s'en tirer, qui d'ailleurs est dépourvu de force, et néanmoins s'engage dans un mauvais chemin, celui-là s'est déjà donné la mort à lui-même. C'est ainsi qu'un homme qui ne peut pas manger beaucoup de pain et boire beaucoup de vin, et qui cependant se surcharge de nourriture, a déjà résolu de se faire périr. De même encore, celui qui, en mangeant, met dans sa bouche une bouchée trop grosse pour qu'il puisse l'avaler, mérite d'en être étranglé et de mourir. Quiconque aussi se laisse séduire par les paroles de son compagnon et ne se tient pas sur ses gardes, est un grand ennemi de lui-même. L'homme ne doit point considérer ce qu'il plaît à Dieu de faire, ou ce qu'il a prédestiné; son devoir est uniquement de veiller à sa conservation, d'agir avec force et avec fermeté d'âme, et de prendre garde à lui-même. Si après cela le succès des événements est contraire à ce qu'il s'était imaginé, il n'a rien à se reprocher. Jamais un homme sage ne se tiendra dans un lieu dangereux, quand il peut en sortir et trouver ailleurs un asile et un refuge. Pour moi, j'ai beaucoup de lieux où je puis aller, et où je trouverai toute sorte de biens pour toute ma vie. Il y a cinq vertus qui assurent à celui qui les a et les met en pratique, la possession de ce qu'il désire, et l'accomplissement de ses vœux; qui lui prêtent un secours puissant quand il est seul et isolé, le consolent dans une terre où il est étranger, lui procurent sa subsistance, et lui acquièrent des compagnons et des amis. La première, est d'avoir les mains pures et de ne faire de mal à personne ; la seconde, d'avoir de l'instruction; la troisième, de s'éloigner de tout péché et de tout ce qui donne une mauvaise réputation ; la quatrième, d'être noble dans toutes ses actions; la cinquième, de faire tout ce qu'il fait, au nom du ciel. Quand ces vertus se rencontrent parfaitement dans un homme sage, qu'il se trouve surpris par le malheur, et qu'il craint quelque chose, il peut se transporter partout où bon lui semblera; il n'aura aucun chagrin d'être séparé de ses fils, de ses filles, de sa femme, de sa famille, parce que Dieu rendra à ses œuvres une récompense plus grande que tout cela. Les richesses mauvaises, ce sont celles dont on, ne donne rien en aumône ; fa plus mauvaise femme, c'est celle qui n'obéit point à son mari dans toutes ses affaires ; le plus méchant de tous les fils, c'est celui qui est indocile et rebelle ; le pire de tous les compagnons, c'est celui qui use d'artifices : le plus méchant d'entre les rois, c'est celui qui veut répandre le sang innocent; le plus détestable de tous les pays, c'est celui où il n'y a ni tranquillité, ni repos. Quant à moi, je n'ai en toi aucune confiance, et jamais je ne pourrai approcher de toi.

Après cela Pinza bénit le roi, prit son vol et s'éloigna. Voilà la parabole qui représente les gens animés par la haine, et enseigna comment les hommes doivent se tenir en garde les uns contre les autres.

 

Fin du chapitre du Roi et de l'Oiseau.