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BENJAMIN DE TUDELE

 

RELATION DE VOYAGE (PARTIE I - PARTIE II)

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 


 

BENJAMIN DE TUDELE

 

 

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C'est ici que commence la Perse. Al-Motzal est une grande ville et très ancienne, sur le fleuve de Çhiddekel, c'est-à-dire sur le Tigre, entre laquelle est Ninive, qui est déserte; il n'y a qu'un pont. On y voit pourtant encore plusieurs villages et châteaux.

De Ninive il y a une parasange à la ville d'Arbal.[162] La ville de Ninive est située sur le bord du Tigre. Au reste, dans la ville d'Assur se voient les synagogues d'Abdias, de Jonas fils, d'Aroittaret de Nahum l'Élkoséen.

A trois jours de là est Rehobot ou Rahaba (Rechoboth de l'Écriture), située sar le bord de l'Euphrate ; il y a environ deux mille Juifs, dont les chefs sont R. Ezéchias, R. Éhod et R. Isaac. La ville est ceinte d'une muraille; elle est très belle, très grande et bien munie, ornée tout autour de jardins et de vergers.[163]

De là il y a une journée à Karkésia, autrefois Karkemis, sur l'Euphrate. Il y a environ cinq cents Juifs, dont les chefs sont R. Isaac et R. Elchanan.

A deux journées de là est Aljubar (Juba), dans le territoire de Néardéa,[164] ou Pumbeditha. Il y a là environ deux mille Juifs, entre lesquels il y a plusieurs disciples des sages ; à leur tête sont ceux-ci : R. Rabbin, R. Moïse, R. Eliakim. Là sont aussi les tombeaux de R. Juda et R. Samuel, devant lesquels sont les synagogues que chacun d'eux a fait bâtir avant sa mort. On y voit aussi les tombeaux de R. Bosthenaï, le prince chef de la captivité, de R. Nathan et de R. Nachman-ben-Papa. De là il y a cinq journées à Harda (Chardah ou Chadrah), ou il y a environ quinze mille Juifs, à la tête desquels sont R. Zaken, R. Joseph et R. Nathanaël.

A deux journées de là est Okbera,[165] ville bâtie par Jechonias, roi de Judée[166] ; on y compte environ dix mille Juifs[167] ; à leur tête sont R. Josué et R. Nathan.

De là il y a deux journées à Bagdad, la grande ville capitale et résidence du calife Émir-al-Mumnin,[168] ou commandeur des fidèles de la famille des Al-Abbassides, qui tire son origine de celle de leur prophète. Ce calife est le chef de la religion des, Ismaélites, auquel tous les rois des Ismaélites rendent hommage, étant parmi eus ce que le pape est parmi Les Nazaréens. Il y a un palais de trois milles de circuit au milieu de la ville de Bagdad. Au milieu de ce palais est un grand parc qui renferme toutes sortes d'arbres, tant fruitiers que stériles, qui sont dans le monde, aussi bien que toutes sortes de bêtes sauvages. Au milieu du parc il y a une rivière qui y est conduite par les eaux du Tigre. Quand le calife a l’envie de se promener ou de ce divertir, on bien aussi de faire quelque festin, ses gens vont à la chasse des oiseaux et des bêtes, ou à la pêche, et on leur prépare des oiseaux, d'autres bêtes de venaison, et des poissons, après quoi il s'en retourne à son palais avec ses conseillers et les princes de sa cour. Le nom de ce grand roi al-abasajde est Aanmed-Chaphtzi[169] ; il est grand ami des Israélites, et en a même plusieurs parmi ses ministres. Il sait toutes sortes de langues ; il est surtout fort versé dans la loi de Moïse ; il lit et écrit la langue sainte.

Il s'est proposé de le vivre que du travail de ses mains. Il fait des couvertures marquées de son sceau, qu'il fait vendre ensuite au marché par les seigneurs ou princes de sa cour, et les grands de la terre en achètent; le prix qu'il en tire est destiné à sa nourriture, tant pour le manger que pour le boire.

C'est un homme de bien, amateur de la vérité, affable et civil envers tous ceux qu'il rencontre. Les Ismaélites ou mahométans ne peuvent point le voir.

Les pèlerins qui viennent des pays éloignés pour aller à la Mecque, dans l'Aljeman (Yémen), demandent à le voir, et lui crient du palais : « O notre seigneur, la lumière des Ismaélites et la splendeur de notre loi, montrez-nous la clarté de votre visage! » Mais lui n'en tient aucun compte. Alors les grands seigneurs, et les serviteurs et les ministres, viennent et lui disent : « Seigneur, étendez votre paix sur ces gens qui sont venus des pays éloignés, et qui désirent de se retirer sous l'ombre de votre béatitude. » A l'heure même il se lève et étend par la fenêtre un pan de sa robe, que les pèlerins viennent baiser. Alors quelque prince leur dit : « Allez en paix, car notre seigneur, la lumière des Ismaélites, vous est favorable et vous donne la paix. » Alors ils s'en retournent chez eux tout joyeux de ce que leur a dit ce ministre, qui leur a souhaité la paix de la part du calife, car ils le regardent comme leur prophète.

Tous ses frères et toute sa famille baisent son habit. Ils ont chacun leur palais dans celui du calife, mais ils sont tous enchaînés avec des chaînes de fer et ont des gardes devant leurs maisons, de peur qu'ils ne se rebellent contre le grand roi. Car il est arrivé une fois que ses frères, s'étant rebellés contre lui, établirent un d'entre eux pour roi. C'est pourquoi il résolut de faire enchaîner toute sa famille, afin qu'ils ne s'élevassent plus contre le grand roi. Cependant, chacun d'eux est traité avec beaucoup d'honneur dans son palais. Ils ont même des villes et des bourgs sous leur commandement, dont les gouverneurs leur envoient les tributs, de sorte qu'ils mangent et boivent, et passent leur vie à se divertir.

Dans le palais du grand roi il y a de grands édifices avec des colonnes d'or et d'argent, et Mes cabinets où il y a toutes sortes de pierreries précieuses.

Le calife ne sort de son palais qu'une fois l'année, à la fête de Ramadan.

Ce jour-là on vient de tous côtés des pays éloignés pour le voir. Il paraît assis sur une mule, revêtu des habits royaux d'or et d'argent; il a sur la tête une tiare ornée de pierres précieuses d'un prix inestimable; mais sur cette même tiare on voit un drap noir qui représente la vanité du monde, comme s'il voulait dire : « Voyez-vous toute cette gloire? Au jour de la mort, elle sera engloutie dans les ténèbres. » Tous les princes ismaélites l'accompagnent à cheval, revêtus d'habits magnifiques, savoir : les princes d'Arabie, de Médie, de Perse, et ceux de Thobot ou Thibeth, éloigné de l'Arabie le chemin de trois mois.

Dans cet état, le calife va de son palais à la mosquée, qui est à la porte de Botzra ou Bassora. C'est une grande mosquée. Tous ceux qui accompagnent le calife, hommes et femmes, sont vêtus d'habits de soie et de pourpre. On voit dans toutes les places et rues de la ville des gens qui chantent, qui jouent de toutes sortes d'instruments de musique, et qui dansent devant le grand roi appelé calife. Ils le saluent à haute voix et lui crient : Paix te soit, ô seigneur notre roi ! Alors il baise sa robe, et, étendant la main, il leur donne la paix par ce signe de sa robe, et, de cette manière, il va jusqu'à la mosquée.

Là, dans cette mosquée, monté sur une chaire de bois, il leur explique leur loi.[170] Alors tous les sages des Ismaélites, se levant, prient pour lui et exaltent sa grande majesté et sa piété ; à quoi tous répondent : Amen.

Après tout cela, le calife les bénit; ensuite de quoi on lui amène un chameau qu'il tue, et c'est la pâque. Il distribue ce chameau à chacun des princes, qui le reçoivent avec empressement et le mangent avec beaucoup de joie, comme ayant été tué par la main de leur saint roi.

Cela étant fait, le calife sort de la maison de prière et s'en va tout seul le long du Tigre, à son palais, pendant que les seigneurs ismaélites passent le fleuve en sa présence dans des bateaux, jusqu'à ce qu'il soit entré dans son palais. Il ne reprend jamais le chemin par lequel il est venu une fois. On garde toute l'année le chemin par lequel il a marché le long du fleuve, afin que personne ne pose la plante de son pied dans le chemin qu'il a tenu. Outre cette fois-là, le calife ne sort jamais de toute l'année.

C'est un homme saint et pieux. Il a bâti un palais au delà du fleuve, sur le bord d'un bras de l'Euphrate, qui est de l'autre côté de la ville. Il y a aussi bâti de grandes maisons, des places et des hôpitaux pour les pauvres malades qui y viennent afin d'être guéris.

On y compte environ soixante apothicaires. Tous les malades qui y viennent y sont nourris, et y reçoivent tous les remèdes et tout ce qui leur est nécessaire, aux dépens du roi, jusqu'à ce qu'ils soient péris.

Il y a aussi là un grand palais appelé Dar Al-Maraphtan, c'est-à-dire Demeure de clémence,[171] où l'on enferme tous les fous qu'en trouve en été, et où ils sont enchaînés avec des chaînes de fer jusqu'à ce qu'ils reviennent en leur bon sens; alors on les renvoie, et chacun s'en retourne en sa maison. Tous les mois les officiers du roi les visitent, et s'il y en a quelqu'un de rétabli on le délie, et il s'en va son chemin. C'est ce que le roi fait, par un principe de justice, à tous les fous et à tous les malades qui se trouvent à Bagdad; car ce roi est un homme pieux qui fait cela à bonne intention.

Au reste, il y a à Bagdad environ mille Juifs qui y jouissent du repos et de la tranquillité, et même d'une grande gloire, sous la protection de ce grand roi. Il y a parmi eux des sages très célèbres et des chefs de conseils qui s'exercent dans la loi de Moïse.

Il y a dix académies, c'est-à-dire conseils, dans cette ville. Le chef du conseil suprême ou grand conseil est le rabbin R. Samuel, fils d'Éli; celui-là est le chef de l'illustre conseil[172] ; le saggan, c'est-à-dire le chef ou vicaire des lévites, est le chef du second conseil ; le président du troisième est R. Daniel ; R. Eléazar le candidat préside au quatrième. Le cinquième conseil est présidé par R. Tsemach, chef d'ordre. Ce rabbin fait remonter sa généalogie jusqu'à Samuel le prophète, qui repose en paix. Lui et ses frères savent chanter et jouer des instruments de musique, tout à fait de la même manière qu'on le faisait lorsque le sanctuaire subsistait encore. R. Masadia, l'ornement des candidate, préside au sixième conseil; R. Haggai le prince, au septième; R. Erra, au huitième; R. Abraham, surnommé Abu-Tahir, c'est-à-dire Père saint, au neuvième ; enfin, R. Zaccaï ou Zachée, fils de Bosthenai, leur receveur général, au dixième. Ce sont ceux-là qu'on appelle les oiseux,[173] qui ne sont occupés à autre chose qu'à régler les affaires du peuple. Ils administrent la justice à tous les Juifs du pays, tous les jours de la semaine, excepté le deuxième jour, savoir le lundi, qu'ils s'assemblent tous chez R. Samuel, président du conseil appelé Gaon Jaacob, c'est-à-dire Excellence de Jacob, lequel, avec les dix oiseux, présidents aux conseils, administre la justice à tout venant.

A la tête de tous est R. Daniel, fils de R. Chidaï, qu'on appelle chef de la captivité et seigneur, et qui fait remonter sa généalogie jusqu'au roi David; les Juifs l'appellent Adonenu, notre seigneur, et Rosch Haggolah, chef ou prince de la captivité, et les mahométans Saiedna ben Dawoud,[174] c'est-à-dire notre seigneur le fils de David. Il a un grand empire sur toutes les assemblées d'Israël qui vivent sous l'empire du commandeur des fidèles, seigneur des Ismaélites (Émir-al-Mumenin); car c'est ainsi que ce dernier l'a ordonné à sa postérité, et a donné au chef de la captivité un sceau pour confirmer son autorité sur toutes les assemblées d'Israël qui vivent sous son empire. Il a aussi ordonné à tous les peuples de sa domination, Juifs ou Ismaélites, de se lever devant lui et de le saluer, sous peine de cent coups de fouet à celui qui y contreviendrait.

Toutes les fois qu'il va voir le grand roi pour le saluer, il est accompagné de divers cavaliers juifs et gentils qui crient devant lui : « Préparez le chemin à notre seigneur le fils de David, comme il lui convient. » Ils expriment cela en leur langue par ces mots : O moulon tariek le saiedna ben Dawoud.[175] Pour lui, il est assis à cheval, vêtu d'habits de soie brodés, la tête couverte d'une grande tiare, sur laquelle est un grand drap blanc, et sur le drap un diadème.[176]

C'est là le chef de la captivité, qui donne la permission d'établir des rabbins et des chantres dans toutes les synagogues de la terre de Sinéar ou Chaldée, de la Perse, du Khorassan, du pays de Scheba ou Al-Yémen, du Diarbek, de la Mésopotamie, de la terre de Kut, dont les habitants habitent le mont Ararat, du pays d'Alania, pays environné de montagnes qui n'ont point d'issue que par les portes de fer qu'y a fait Alexandre, où est la nation appelée Alains; de plus, dans les synagogues du pays de Sicaria,[177] jusqu'aux montagnes d'Asana, dans le pays des Gergéniens ou Gergéséens[178] qui sont de la religion des Nazaréens, jusqu'au fleuve de Gihun (Oxus), jusqu’aux portes des provinces et aux contrées du Thibeth, et jusqu'aux Indes. Toutes ces synagogues reçoivent du chef de la captivité la permission d’avoir des rabbins et des chantres, et ces derniers rabbins et chantres vont à Bagdad pour se faire installer dans leur charge, et recevoir leur autorité et l'imposition des mains du chef de la captivité, auquel ils portent des dons et des présents des extrémités de la terre.

Le chef de la captivité possède à Babel des logis, des jardins, des vergers, et plusieurs grands fonds de terre qu'il tient de l'héritage de ses pères, et que personne ne peut leur ravir.

Il a aussi des hôpitaux pour les Juifs; il a un tribut assigné tous les ans sur les péages et sur les marchands de la terre, outre ce qu'on lui apporte des terres éloignées, de sorte qu’il est riche et puissant Il est aussi très savant et fort versé dans la Bible et dans le Talmud. Il a toujours plusieurs Israélites qui mangent à sa table.

Le jour que le chef de la captivité est créé, c'est-à-dire lorsque le roi l'installe dans sa charge par l'imposition des mains, ce chef de notre nation fait de grandes largesses au roi, à ses princes et à ses officiers. On le met dans le char du premier ministre du roi, et on le ramène dans cet état au palais du grand roi, dans son propre palais, au son des tambours et des flûtes, où il confirme les membres du conseil par l'imposition des mains.

Les Juifs de cette ville sont des disciples des sages, et très riches. Il y a vingt-huit synagogues de Juifs tant à Bagdad qu'à Alpharek (Al-Khorkh), qui est au delà du Tigre; car ce fleuve sépare la ville en deux parties. La grande synagogue du chef de la captivité est bâtie de colonnes de marbre de toutes sortes de couleurs, couvertes d'or et d'argent ; sur ces colonnes sont écrits en lettres d'or divers passages des psaumes.

Au-devant de l'arche, il y a environ dix degrés de marbre, au plus haut desquels s'assied, le chef de la captivité avec les princes de la famille de David.

Dans la province de Bagdad, il y a une ville de trois milles de circuit.[179] Le pays, au reste, abonde en palmiers, en jardins et en vergers qui n'ont pas leurs pareils[180] ; on y vient de toutes parts pour le commerce; on y voit des savants, des philosophes habiles en toutes sortes de sciences, et des mages experts en toutes sortes d'enchantements.

De là il y a deux journées de chemin à Gehiagan,[181] qui est Resen, cette grande ville où il y a environ cinq mille Ismaélites, au milieu de laquelle il y a une grande synagogue ; là est le sépulcre de ...,[182] tout près de la synagogue, et sous ce sépulcre il y une caverne où sont ensevelis deux de ses disciples.

De là à Babel il y a une journée ; c'est cette ancienne Babylone, qui est maintenant ruinée, dont les rues s'étendent à trente milles de circuit; on y voit encore le palais ruiné de Nébucadnezar. Tout le monde craint d'y entrer à cause des serpents et des scorpions qui y sont.

A vingt milles de là demeurent vingt mille Juifs, qui prient dans les synagogues, ou dans cette chambre haute qu'a bâtie autrefois Daniel de pierres de taille et de briques.[183] On y voit aussi me synagogue, le palais de Nébucadnezar, la fournaise de feu ardent où furent jetés Ananias, Misaël et Azarias.[184] Cette vallée est connue de tout le monde.

A cinq milles de là est Héla,[185] où il y a environ dix mille Israélites et quatre synagogues. L'une est celle de R. Meir, qui y est aussi enterré avec R. Zehri, fils de Hama, et R. Bieri. Les Juifs y font leurs prières en tout temps.

A quatre milles de là est la tour qu'ont bâtie les dispersés.[186] Elle est bâtie de briques qu'en appelle lagour[187] ; la largeur de ses fondements est d'environ deux milles; sa largeur est de deux cent quarante coudées, et sa hauteur de cent cannes; de dix en dix coudées il y a des chemins qui mènent à des degrés, faits en coquilles de limaçon, qui conduisent jusqu'en haut. De cette tour on découvre l'espace de vingt milles, car le pays est large et uni ; mais le feu du ciel, étant tombé sur la leur, l’a rasée et aplanie jusqu'au fond.

De là il y a une journée à Naphcha,[188] à il y a environ deux cents Juifs et la synagogue de R. Isaïe Naphcha, devant laquelle il est enterré. De là il y a trois parasanges à la synagogue d'Ézéchiel le prophète (sur qui soit la paix!); elle est sur l’Euphrate, et vis-à-vis du lieu où est cette synagogue, il y a soixante tours, entre chacune desquelles est une synagogue. Dans le parvis intérieur de la synagogue est l’arche. Derrière la synagogue est le tombeau d'Ezéchiel,[189] fils de Basile, sacrificateur, sur lequel il y a une magnifique voûte bâtie par Jéchontas, roi de Juda, et trente-cinq mille Juifs qui vinrent avec lui lorsque Evil-Mérodach le fit sortir de prison. Cet endroit est d'un côté sur le Chobar, et de ïamre sorte fleuve Jéehonias ; et tous ceux qui tinrent avec lui se voient gravés sur la muraille, Jéchonias à la tête, et Ezéchiel à l'extrémité.

Cet endroit est jusqu'à présent un petit sanctuaire. On y vient des pays éloignés pour y prier, depuis le nouvel an jusqu'au jour des eipiatkms, et l'on y fait de grandes réjouissances.

Le chef de la captivité et les autres chefs des conseils de Bagdad y viennent aussi alors et y dressent des tentes, à douze milles aux environs de la campagne; il y vient aussi quantité de marchands à un grand concours de peuple appelé phèra ; alors on tire un grand livre[190] écrit de la main d'Ezéchiel le prophète ; on y lit le jour des expiations. Il y a une lampe qui brûle jour et nuit sur le tombeau d’Ezéchiel, depuis le temps que ce prophète l'a allumée lui-même; on a soin de l'entretenir en changeant de mèche et ajoutant de l'huile, jusqu'à présent. Là est aussi une grande maison sainte, pleine de livres du premier et second temple, et quiconque meurt sans enfants y consacre ses livres à l'Eternel.

Les Juifs de la Perse et de la Médie qui viennent invoquer le nom de l'Éternel apportent leurs vœux, tant pour eux que pour les habitants du pays, à cette synagogue.

Les enfants même des grands d'entre les Ismaélites y viennent aussi faire leurs prières, tant ils ont de vénération pour le prophète Ézéchiel. Ils appellent ce lieu Dar-Melicha, c'est-à-dire Demeure agréable. Tous les Arabes y viennent aussi pour prier. A un demi-mille de là sont les tombeaux d'Ananias, Misaël et Azarias, sûr chacun desquels il y a une grande voûte. En temps de guerre, il n'y a personne au monde, ni d'entre les Juifs, ni d'entre les Ismaélites, qui ose toucher au tombeau d'Ézéchiel pour l'endommager.

De là il y a trois milles à la ville d'Alkotzonath, où il y a environ trois cents Juifs, et les tombeaux de R. Papha, de R. Hounna, de R. Joseph Sinaï, et de R. Joseph, fils de Hama, devant chacun desquels il y a une synagogue où les Juifs viennent tous les trois jours pour prier.

A trois parasanges de là est Einsaphta (Ain-Japhata), où est le tombeau du prophète Nahum l'Elkoséen.[191] D'Einsaphta, en une journée, on vient à Kephar (Lephras),[192] où sont les tombeaux de R. Chasdai (Chisdai), de R. Aquiba et de R. Douza.[193]

De là il y a une demi-journée à Kephar-Hammidbar, où sont R. David, R. Juda, R. Kobria, R. Lechora, et R. Abba.

A une journée de là est la rivière de Lega, où est le tombeau du roi Sédécias, sur lequel il y a une grande voûte.

A une pareille distance est la ville de Cusa (Kuffa),[194] où est le tombeau du roi Jechonias magnifiquement bâti, devant lequel il y a une synagogue et environ sept mille Juifs.

De Cusa il y a une journée et demie à Soria (Sura),[195] qui est Matha, c'est-à-dire la ville de Mahasia, où étaient au commencement les princes de la captivité et les chefs des conseils, entre autres R. Scherira, notre maître, R. Hay, son fils, notre docteur Saadias Fium, R. Samuel, fils de Hophni le sacrificateur, et Sophonie, fils de Cuschi, fils de Gedalia le prophète, et plusieurs autres chefs de la captivité, princes de la maison de David et chefs des conseils qui ont été là avant la désolation.

De là il y a deux journées à Schephitib (Shafjathib), où il y a une synagogue que les Israélites ont bâtie de la poudre et des pierres de Jérusalem, et qu'ils appellent Schephitib de Naardéa.

A une journée et demie de là est Elpabar (El-Jubar)[196] ou Pumbeditha, sur bord de l'Euphrate, où il y a environ trois mille Israélites, avec la synagogue de Raf et Samuel, aussi bien que leurs écoles et leurs tombeaux.

De là en marchant par le désert de la terre de Séba, appelée Al-Yémen, au septentrion du pays de Sincar, après vingt et un jours de marche dans les déserts, on trouve les Juifs appelés enfants de Réchab, hommes de Théma.[197]

La ville de Théma est la capitale de leur domination; c'est là qu'est R. Hanan (Chanan), le prince qui domine sur eux. Cette ville est grande. Leur pays s'étend à seize journées entre les montagnes du septentrion; ils ont de grandes villes bien munies, et ne sont assujettis à aucun joug des gentils. Ils vont piller et font force butin dans des terres éloignées, jusqu'aux Arabes leurs voisins et leurs alliés. Ce sont ces Arabes qui habitent sous des tentes, dans des déserts; ils n'ont point de maisons, mais ils font des courses dans tout le pays d'Al-Yémen pour piller et voler.

Ces Juifs sont craints de tous leurs voisins; ils se mêlent de l'agriculture et du bétail. Leur pays est fort vaste; ils donnent le dixième de tout ce qu'ils ont aux disciples des sages, qui demeurent toujours dans l'école, et aux pauvres d'Israël, et à leurs pharisiens ou dévots. Ces derniers sont ceux qui pleurent Sion et mènent deuil sur Jérusalem ; ils ne mangent point de viande et ne boivent point de vin ; ils ne sont vêtus que de vêtements noirs et demeurent dans des cavernes ou des maisons ruinées, et ils s'affligent tous les jours de leur vie, excepté les sabbats et jours de fête. Ils implorent sans cesse la miséricorde pour les captifs d'Israël, priant Dieu qu'il ait pitié d'eux pour l'amour de son grand nom.[198] Et même tous les Juifs habitants de Théma et de Tilimas jeûnent, avec leurs vêtements déchirés, pendant quarante jours, tous les ans, pour tous les Juifs qui vivent dans l'exil. Ils ont environ quarante villes, deux cents villages et cent bourgs ou châteaux. Dans toutes ces villes il y a environ trois cent mille Juifs. Leur principale ville est Tannaï, ville fort grande et fort munie ; on y sème et on y moissonne ; elle a quinze milles de longueur et autant de largeur. C'est là qu'est le palais du prince Salomon. La ville, au reste, est très belle, ornée de jardins et de vergers.

Tilimas est aussi une grande ville, très forte par sa situation, étant entre deux montagnes fort hautes. Elle est habitée par cent Juifs, entre lesquels il y en a de très sages, de très savants et de fort riches. C'est là que résident le prince Salomon et son frère le prince Hanan, qui sortent de la postérité du roi David; car ils ont un livre de leur généalogie et des extraits des questions généalogiques chez le chef de la captivité.

De Tilimas il y a trois journées à Chébar (Chaibar). On dit que là sont les tribus de Ruben et de Gad, et la demi-tribu de Manassé que Salmanassar, roi d'Assyrie, emmena captives. On ajoute que ces Israélites étant allés dans ces pays-là, y ont bâti de grandes et fortes villes, et qu'ils font la guerre à tous les royaumes, et que personne ne peut aller chez eux, parce qu'il faut passer par un désert de dix-huit journées où il n'y a aucun lieu habité, de sorte que personne ne peut pénétrer dans leur pays.

Chébar est une grande ville où il y a environ cinquante mille Israélites, parmi lesquels il y a des disciples des sages, et de grands héros qui font la guerre aux habitants de Sinéar et des terres septentrionales de l'Al-Yémen, qui sont leurs voisins, et où commencent les Indes.

De leur pays il y a vingt-cinq journées à la rivière de Vira,[199] qui est dans le Yémen, où il y a environ trois mille Israélites.

De là il y a sept journées à Nast ou Naset,[200] où il y a environ dix mille Israélites, et, entre eux, R. Nidian.

De là il y a cinq journées à Botzia (Bassora), qui est sur le bord du Tigre, où il y a environ deux mille Israélites et des disciples des sages et des riches.[201]

De là il y a deux journées au fleuve de Samoura,[202] où commence la Perse, et où il y a environ quatre cents Juifs. C'est là qu'est le sépulcre d'Esdras le scribe et le sacrificateur,[203] qui y mourut en retournant de Jérusalem auprès du roi Artaxerxés. On a bâti une grande synagogue devant son sépulcre, et, de l'autre côté, les Ismaélites ont bâti une mosquée, tant ils estiment Esdras et aiment les Israélites. C'est pourquoi les Ismaélites y viennent faire leurs prières.

De là il y a quatre milles à Chuzestan, qui est Élam (de l'Écriture), cette grande ville[204] ; mais elle n'est pas toute habitée, car elle est déserte et ruinée en partie. A son extrémité, au milieu de ses raines, est Suse,[205] château et autrefois palais d'Assuérus (Achashverosh) ; il y a encore là un bel édifice depuis les temps anciens. Il y a là sept mille Juifs et quatorze synagogues, devant l'une desquelles est le tombeau de Daniel. Le Tigre traverse la ville, et il y a un pont entre deux. Tous les Juifs riches demeurent du côté où sont les marchés et les boutiques, et où se fait le négoce; tous les pauvres demeurent de l'autre côté, où ils n'ont ni marchés, ni boutiques, ni jardins, ni vergers : ce qui dépita un jour tellement ceux-ci, qu'ils dirent que toute la gloire et la richesse de ceux de l'autre côté ne venaient que parce qu'ils avaient le sépulcre de Daniel, qui y est enterré. Alors ils demandèrent qu'on enterrât Daniel chez eux; mais les autres s’y opposèrent et ne voulurent, point le permettre. Sur ce refus ils se firent la guerre, dont s'étant enfin lassés, ils convinrent entre eux que le cercueil de Daniel serait alternativement une année d'un côté, et l'autre année de l'autre côté de la rivière, traité qu'ils ont observé, et qui a duré jusqu'au temps de Sanigar-Schah, fils de Schah (Sangar-Shah Ben-Shah),[206] qui règne sur tous les rois de Perse, au nombre de quarante-cinq, qui sont soumis à son empire. Il est appelé en arabe sultan Phors-al-Chabir,[207] c'est-à-dire grand empereur de la Perse. Son empire s'étend depuis l'embouchure du fleuve de Sorara (Shat-el-Arab) jusqu'à la ville de Samarcut (Samarkand), et jusqu'au fleuve de Gozan (Kirel-Ozein), la province de Gisbor,[208] tout le long du fleuve de Gozan, et des villes des Mèdes et des montagnes de Haphton, et sur les provinces du Thibet, dans les forêts de laquelle se trouvent les bêtes d'où l'on tire le musc. Son empire s'étend le chemin de quatre mois et quatre jours. Quand donc ce grand empereur Sanigar, roi de Perse, vint à Élam, et qu'il vit ainsi transporter le cercueil de Daniel d'un côté de la rivière à l'autre, avec une grande affluence de Juifs et d'Ismaélites passant le pont, il demanda ce que cela voulait dire. On lui dit tout ce que nous venons de raconter; à quoi il répondit : « Il n'est pas convenable qu'on se moque ainsi de Daniel ; nais plutôt, mesurez une distance égale des deux côtés, et mettez le cercueil de Daniel dans une châsse de verre que vous suspendrez au milieu du pont, avec des chaînes de fer, et bâtissez en ce même lieu un bel édifice en forme de synagogue pour tous ceux qui viendront à jamais et qui y voudront faire leurs prières, tant Juifs que Syriens. » Le cercueil de Daniel est donc, jusqu'à présent, suspendu sur le pont. Le roi défendit aussi à qui que ce soit de pécher plus prés de cet endroit qu'à un mille au-dessus et au-dessous, par respect pour Daniel.[209]

De là il y a trois journées à Robadbar,[210] où il y a environ vingt mille Israélites, entre lesquels il y a plusieurs disciples des sages et des riches; mais ils y sont sous le joug de la captivité.

De là il y a deux journées à la rivière de Vanth (Holwan), ou il y a environ quatre mille Juifs.

De là il y a quatre journées au pays de Molhat,[211] où sont des peuples qui ne croient point à la loi des Ismaélites. Ils demeurent sur de hautes montagnes; ils sont soumis au vieillard qui est dans le pays des Al-Haschischins. Il y a parmi eux quatre assemblées d'Israélites, qui habitent avec eux, et qui vont avec eux à la guerre. Ils ne sont point soumis au joug du roi de Perse. Ils demeurent sur de hautes montagnes, d'où ils ne descendent que pour piller et faire quelque butin, après quoi ils s'en retournent et grimpent sur leurs montagnes, sans que personne leur puisse aller faire la guerre. Les Juifs qui sont parmi eux ont des disciples des sages, et ils sont tous sous l'autorité du chef de la captivité, qui est à Bagdad.

De là il y a cinq journées à Aria,[212] où il y a environ vingt-cinq mille Juifs. C'est ici que commencent les assemblées des Israélites qui habitent sur les montagnes des Haphton[213] ; on y compte plus de cent assemblées d'Israélites. C'est ici aussi que commence la Médie. Ils sont encore des premiers captifs qui ont été transportés par Salmanazar,[214] et parlent la langue targum.[215] Il y a aussi entre eux des disciples des sages. Ils habitent à une journée de la ville d'Amaria, jusqu'au royaume de Perse. Ils vivent sous la domination de ce roi, qui tire d'eux un tribut par le moyen de ses officiers. Le tribut annuel qu'en paye, dans tout l'empire des Ismaélites, pour tout mâle de l'âge de quinze ans et au-dessus, est d'un amire d'or par tête, qui vaut un maravedi et trois quarts d'or.[216]

Il y a à présent dix ans qu'il s'éleva un homme nommé David El-Roi, de la ville d'Amaria, qui avait été disciple de Chasdaï, chef de la captivité, et d'Eli-Gaon-Jacob, chef du conseil de la ville de Bagdad.[217]

Il était très versé dans la loi de Moïse, dans les lois civiles, dans le Talmud et même dans toutes les sciences étrangères; il savait aussi la langue et l'écriture des Ismaélites, et était expert dans les livres des mages et des enchanteurs. Il lui vint dans l'esprit de s'élever contre le roi de Perse, d'assembler les Juifs qui habitent les montagnes de Haphton, de sortir et de faire la guerre aux gentils, et d'aller prendre Jérusalem. Il faisait voir aux Juifs de faux signes et miracles, et il leur disait : « L'Éternel m'a envoyé pour vous soumettre Jérusalem et vous délivrer du joug des gentils. » Une partie des Juifs crurent en lui et l'appelaient « notre Messie. » Ce que le roi de Perse ayant appris, il lui envoya dire de venir lui parler. David y alla sans crainte, et quand il fut auprès du roi, ce dernier lui demanda d'abord : « Es-tu le roi des Juifs? » A quoi El-Roï répondit : « Oui, je le suis. » Alors le roi, sortant, commanda qu'on le prit et qu'on le mit dans la prison où l'on met les prisonniers d'État jusqu'à leur mort, dans la ville de Dabestan (Darabistan), sur le grand fleuve, le fleuve de Gozam (Kizil-Ozein). Trois jours après, comme le roi s'entretenait avec ses princes et ses ministres, touchant les Juifs qui avaient conspiré contre lui, voici ce David, qui était sorti lui-même de sa prison, qui se présenta devant le roi, sans aucune permission de qui que ce soit. Le roi lui demanda : « Qui t'a amené et qui t'a délié? » David répondit là-dessus : « C'est ma sagesse et mon adresse, car je ne crains ni toi, ni aucun de tes serviteurs. » Alors le roi cria : « Saisissez-vous de lui! » Mais ses serviteurs répondirent : « Nous entendons bien sa voix, mais nous ne le voyons point. » Comme le roi était tout ravi en admiration de la sagesse de David, ce dernier dit : « Voici, je m'en vais mon chemin; » ce qu'il fit. Mais le roi le suivit avec tous ses princes et ses serviteurs, qui allaient après lui, jusqu'à ce qu'étant arrivés au bord du fleuve, David, ayant pris son mouchoir, fendit l'eau, et l'ayant étendu sur le fleuve, le passa à l'heure même, à la vue de tous les serviteurs du roi. Ceux-ci le suivirent dans de petites barques, mais ils ne purent pourtant pas l'attraper, et ils dirent : « Il n'y a point dans le monde d'enchanteur pareil à celui-ci. » En ce même jour il fit le chemin de dix journées, jusqu'à Amaria, par la vertu du nom de Jéhova,[218] où étant arrivé et ayant raconté aux Juifs tout ce qui s'était passé, ils furent tous ravis eu admiration de sa sagesse.

Ensuite le roi de Perse envoya vers le commandeur des fidèles, calife de Bagdad, seigneur des Ismaélites, pour lui dire de parler au chef de la captivité et aux autres chefs du conseil, afin qu'ils empêchent David El-Roï de faire telles choses, « faute de quoi, ajoutait-il, je ferai mourir tous les Juifs qui se trouvent dans mon royaume. » Comme donc toutes les assemblées de Perse se trouvaient alors dans une grande angoisse, elles envoyèrent des lettres au chef de la captivité et aux présidents des conseils de Bagdad, en ces termes : « Pourquoi mourrions-nous devant vos yeux, nous et toutes les assemblées de ce royaume? Réprimez cet homme, afin que le sang innocent ne soit point versé. » Alors le prince de la captivité et les présidents des conseils lui écrivirent : « Sache que le temps de la rédemption n'est point encore venu; nous n'avons point encore vu nos signes.[219] Personne ne pourra venir à bout de ses desseins par l'orgueil; c'est pourquoi nous te recommandons de te désister de ton entreprise; sinon sois excommunié, ou retranché de tout Israël. »

Ils lui envoyèrent aussitôt ces lettres.

Ils écrivirent au prince Zachaï,[220] qui est dans le pays d'Assur, et à R. Joseph le voyant, ou l'astronome, surnommé Brahen Alphelec, qui est dans le même pays, pour les prier d'écrire aussi à leur tour à David El-Roï. Le prince donc et le voyant, que nous venons de nommer, écrivirent à cet imposteur pour le solliciter et l'exhorter à se désister de son entreprise ; mais il ne les écouta point et ne se détourna pas de son mauvais train, jusqu'à ce qu'il s'éleva un roi nommé Zin Al-Din, roi des Turcs,[221] vassal du roi de Perse,[222] qu'il envoya vers le beau-père de David El-Roï, et lui offrit une récompense de dix milles florins d'or pour tuer David El-Roï en cachette, ce qu'il exécuta de cette manière : Il alla chez son gendre, et le tua dans son lit pendant qu'il dormait. Et ainsi s'évanouit l'adresse et l'entreprise d'El-Roï. Cependant la colère du roi de Perse contre les Juifs habitants des montagnes et du reste de son empire ne fut point apaisée ; ce que les Juifs voyant, ils envoyèrent vers le chef de la captivité pose venir à leur secours et intercéder pour eux auprès du roi de Perse; ce qu'il fit en adoucissant l'esprit de ce roi par de bonnes paroles, auxquelles il ajouta encore cent talents d'or. De cette manière la terre fut tranquille et la colère du roi apaisée.

De ces montagnes il y a dix journées à Amadan. C'est la grande ville de Madaï, où il y a environ cinquante mille Israélites. Là sont les tombeaux de Mardochée et d'Esther devant une synagogue.[223]

A quatre journées de là est Dabrestan, où il y à environ quatre mille Juifs, sur le bord du Gozan. A sept journées de là est Ispahan. Cette grande ville, qui est la capitale du royaume, a douze milles de circuit, et l'on y compte environ quinze mille Israélites. Là est le prince Schalom, établi par le chef de la captivité sur toutes les villes de Perse

De là il y a quatre journées à Schiphaz,[224] qui est la province de Perse où il y a environ dix mille Juifs.

A sept journées de là est Giva (Khiva),[225] grande ville sur les bords de l'Oxus, contenant environ huit mille Juifs. Cette ville est le centre d'un commerce très étendu, et l'on y rencontre des commerçants de tous les pays et parlant toutes les langues; la contrée qui l'entoure est très plate.

A cinq journées de là est Samarcande,[226] cette grande ville qui est sur les frontières du royaume, c'est-à-dire de la Perse, où il y a environ cinquante mille Israélites, qui ont pour chef établi sur eux le prince R. Obadias; il y a parmi eux des disciples des sages et des gens riches.

De là il y a quatre journées à Thoboth (Tibet), province dans les forêts de laquelle est le musc.

De là il y a vingt-huit journées aux montagnes de Nisbon,[227] qui sont sur le fleuve de Gozan. Il y a en Perse des Juifs originaires de ces montagnes qui disent qu'on trouve dans les villes de Nisbor (Nisapour) les quatre tribus de Dan, de Zabulon, d'Aser et de Nephtali, que Salmanasar, roi d'Assyrie, y a transportées à la première captivité, selon ce qui est écrit (Rois, II, 17).[228] Il transporta les Israélites à Lechalach et à Chabor, et dans les montagnes de Gozan, aussi bien que dans celles de la Médie. Leur pays a vingt journées de circuit. Ils ont des villes et des bourgs sur les montagnes. Ils sont environnés, d'un côté, par le fleuve de Gozan.[229] Ils ne sont assujettis à aucun joug des gentils, mais ils ont un prince nommé Joseph Amarckla, lévite[230] ; ils ont parmi eux des disciples des sages. Ils sèment et ils moissonnent. Ils vont par des déserts faire la guerre au pays de Cush (Kuth). Ils sont alliés avec les Copher-al-Tourcs,[231] qui adorent le vent, et qui demeurent dans les déserts. C'est une nation qui ne boit point de vin et ne mange point de pain. Ils ne mangent que de la chair crue, telle qu'elle est, sans la faire cuire. Ce sont des gens cruels. Au lieu du nez, ils ont de petits trous par lesquels ils respirent. Ils mangent toutes sortes d'animaux purs et impurs. Au reste, ils aiment les Israélites. Il y a à présent quinze ans qu'ils vinrent en Perse avec une puissante armée ; ils y prirent d'abord la ville de Roi ou Rai, et, après avoir tout passé au fil de l'épée et tout pillé, ils s'en retournèrent dans leurs déserts. Il y avait bien- longtemps qu'on n'avait entendu parler de chose semblable dans la Perse; le roi de Perse, l'ayant appris, se mit fort en colère contre eux, en disant : « Jamais, du temps de mes ancêtres, aucune armée n'est sortie de ce désert; je m'en vais donc maintenant et j'effacerai leur nom de la terre. » Il fit donc publier un édit par tout son royaume pour rassembler toutes ses troupes, et il fit chercher un guide qui leur montrât le chemin de leur campement. Il s'en trouva un qui lui dit : « Je te montrerai l'endroit où ils sont, car je suis l'un d'entre eux. » Alors le roi lui jura qu'il l'enrichirait s'il lui montrait le chemin, et s'il faisait ce qu'il lui promettait.

Enfin le roi lui demanda : « Pour combien de temps avons-nous besoin de provisions pour faire ce chemin dans ce grand désert? » A quoi il répondit : « Prenez du pain et de l'eau pour quinze jours, car vous ne trouverez point de nourriture jusqu'à leur pays. »

Cela ayant été ainsi exécuté, l'armée marcha dans le désert pendant quinze jours, sans rien trouver. Il ne leur restait donc que très peu de provisions ; hommes et bêtes commençaient à mourir. Alors le roi ayant fait appeler le guide lui dit : « Où sont tes paroles, par lesquelles tu nous a assuré que nous trouverions nos ennemis? » A quoi le guide répondit: « Je me suis égaré du chemin. » Mais le roi irrité lui fit trancher la tête, et fit publier par tout le camp que celui qui aurait quelque nourriture la partagerait avec son compagnon. Ils mangèrent donc tout ce qu'ils avaient en main, jusqu'à leurs bêtes de somme, et ils marchèrent ainsi encore treize jours par les déserts, jusqu'à ce qu'ils arrivèrent aux montagnes de Nishor (Chasvin), habitées par les Juifs. Les Perses y étant arrivés de jour, ils campèrent dans les jardins et dans les vergers, auprès des fontaines qui sont le long du Gozan. Or, comme c'était la saison des fruits, ils mangeaient et ravageaient tout, sans que personne sortit contre eux ; mais ils découvraient sur les montagnes plusieurs villes et tours. Le roi donc ordonna à deux de ses serviteurs d'aller s'informer quelle nation habitait sur ces montagnes, et d'y aller de quelque manière que ce fût, soit sur des bateaux, soit à la nage. Ces hommes y étant allés, trouvèrent un grand pont sur lequel il y avait des tours et une porte fermée, et au bout du pont, de l'autre côté du fleuve, il y avait une grande ville. Ces deux hommes crièrent du pont jusqu'à ce que quelqu'un étant venu, leur demanda : « Que voulez-vous, et à qui appartenez-vous? » Mais ils ne l'entendirent point, jusqu'à ce qu'un trucheman qui savait leur langue étant venu, leur fit la même question. Ils répondirent : « Nous sommes serviteurs du roi de Perse, et nous venons vous demander qui vous êtes, et à qui vous obéissez? » À quoi ceux-ci répondirent : « Nous sommes Juifs, et nous ne sommes soumis à aucun roi ou prince gentil ; mais nous avons un prince juif. » Les Persans s'informèrent aussi touchant les Comarius, enfants de Gotz, d'entre les Copher-al-Torchs. Mais les Juifs répondirent : « Ce sont nos alliés ; et quiconque cherche à leur faire du mal, nous en fait à nous. » Ces deux hommes s'en étant retournés et ayant sait ce rapport, le roi fut saisi d'une grande terreur. Le lendemain, les Juifs envoyèrent lui livrer bataille. Le roi répondit : « Je ne suis pas venu pour vous faire la guerre, mais seulement aux Copher-al-Torchs, mes ennemis. Que si vous voulez me faire la guerre, je me vengerai en faisant mourir tous les Juifs de mon royaume, car je sais que vous êtes plus forts que moi dans ce pays. Usez plutôt de bonté envers moi; ne me faites pas la guerre, laissez-moi la faire contre les Copher-al-Torchs, mes ennemis, et vendez-moi des vivres autant que moi et mon armée en avons besoin. » Les Juifs, ayant délibéré entre eux, prirent la résolution de complaire au roi de Perse à cause des Juifs qui sont dans son royaume. Il entra donc dans leur pays lui et toute son armée, et s'y arrêta quinze jours, les Juifs lui faisant de grands honneurs.

Cependant ceux-ci envoyèrent en même temps des lettres aux Copher-al-Torchs, leurs confédérés, par lesquelles ils leur donnaient avis de tout ce qui s'était passé. De sorte que tous les habitants de çà déserts se saisirent des passages des montagnes avec une grande armée. Le roi de Perse s'étant mis en marche pour les combattre, ceux-ci, s'étant avancés, lui livrèrent bataille en chemin, et firent un si grand carnage dans l'armée persane que le roi de Perse fut obligé de se sauver avec peu de gens dans son pays.

Or un cavalier d'entre les serviteurs du roi emmena avec lui par ruse un Juif de ce pays, le nommé R. Moïse, dont ce cavalier fit ensuite son esclave lorsqu'il arriva en Perse. Un jour, comme les archers s'exerçaient à tirer de l'arc pour divertir le roi, il ne s'en trouva point de si adroit que R. Moïse. Le roi, l'ayant fait venir, le questionna par un trucheman, sur quoi R. Moïse lui raconta d'abord tout ce qui lui était arrivé, et comme il avait été emporté frauduleusement par ce cavalier. Aussitôt le roi l'anoblit, le fit revêtir d'habits de soie et de fin lin, et lui fit de grands dons. A quoi le roi ajouta : « Si tu veux te convertir et embrasser notre religion, j'userai de gratitude envers toi, je te ferai puissamment riche, et même je t'établirai sur toute ma maison. » A quoi il répondit : « O roi, mon seigneur, c'est ce que je ne puis faire. » Le roi donc le prit et le mit dans la maison de R. Schalom, prince de l'assemblée d'Asbahan (Ispahan), qui lui donna sa fille en mariage. C'est ce R. Moïse lui-même qui m'a raconté cette histoire.

De là je suis retourné[232] à Chuzestan, qui est sur le bord du Tigre, d'où ce fleuve descend et se jette dans la mer des Indes,[233] auprès d'une île nommée Nekrokis.[234] Cette île a six journées de circuit. On n'y sème point. On n'a qu'une seule fontaine dans toute l'île, et point de rivière; on n'y boit que de l'eau de pluie

Il y vient des marchands; des Indes et des îles, qui y séjournent pour le commerce. Les gens de Sinéar, d'Al-Yémen et de Perse y apportent toutes sortes d'habits de soie et de pourpre, du lin de rivière, du chanvre, de la laine, du blé, de l'orge, du millet, de l'avoine, et toutes sortes de vivres, et de légumes, dont ils font négoce entre eux, car les Indiens y apportent beaucoup d'aromates. Les habitants de l’île font l'office de facteurs ou courtiers entre eux, et c'est par cela seul qu'ils gagnent leur vie. Il y a cinq cents Juifs.

De là il y a deux journées par mer à Katipha,[235] où il y a environ cinq mille Juifs. C'est là qu'on trouve la perle. Le vingt quatrième jour du mois de nisan,[236] il tombe une pluie sur l'eau que les huîtres reçoivent, et, après s'être renfermées, elles descendent au fond de la mer; ensuite, au milieu du mois de tisri,[237] deux hommes descendent au fond avec des cordes, recueillent ces huîtres, les ouvrent, les fendent et en tirent ces pierres.[238]

De là il y a sept journées à Oulam,[239] où commence le royaume de ceux qui adorent le soleil, Ce sont les enfants de Cush; contemplateurs des astres; ils sont tous noirs, et fidèles dans le commerce. Lorsque les marchands viennent des pays éloignés, et qu'ils entrent dans le port, trois secrétaires du roi viennent et écrivent le nom des marchands, qu'ils présentent au roi. Le roi se charge lui-même de l'argent qu'ils ont laissé à la campagne, sans gardes, sinon qu'il établit un officier ou commis dans une hôtellerie où l'on apporte tout ce qu'on trouve de perdu et d'égaré, de quelque endroit que ce soit. Alors le maître de la chose perdue donne des indices qu'elle est à lui, et on la lui rend. Telle est la coutume dans tout le royaume de ce roi.

Depuis Pâques jusqu'au nouvel an, tous les jours de l'été, il y fait une si grande chaleur que, depuis la troisième heure du jour jusqu'au soir, les gens se cachent dans leurs maisons. Le soir ils sortent et allument les flambeaux par toutes les places et les rues, et font leur ouvrage la nuit, ne pouvant le faire le jour, à cause de la chaleur excessive.

C'est dans ce pays que croit le poivre. Ils plantent leurs arbres à la campagne, tout autour de la ville, où chacun connaît son jardin. Ces arbres sont petits, et le poivre est blanc ; mais quand ils l'ont cueilli, ils le mettent dans des vases, et ils jettent de l'eau chaude dessus, et le font ainsi sécher au soleil, jusqu'à ce qu'il se durcisse, et alors il devient noir.

On y trouve aussi la cannelle et le gingembre, et plusieurs autres sortes d'aromates.

Les habitants de cette île n'enterrent point leurs morts, mais ils les embaument avec toutes sortes d'aromates, et les mettent sur des bancs qu'ils couvrent de linges. Chaque famille a les siens à part. La chair et les os venant à se sécher, il semble que ce sont des hommes vivants. Chacun reconnaît encore ses ancêtres et toute sa famille depuis un grand nombre d'années.

Ils adorent le soleil[240] ; ils ont partout des autels à un demi-mille à la ronde autour de la ville. Le matin, ils courent au devant du soleil, car ils ont dans chaque autel comme une sphère de soleil, faite par art magique, qui se tourne avec grand bruit quand le soleil se lève. Alors chacun, hommes et femmes, ayant un encensoir à la main, encensent le soleil ; car telle est leur voie, ou plutôt leur folie.

Dans tout ce pays il y a environ cent Juifs, qui sont aussi noirs que tous les autres habitants. Ces Juifs sont de bonnes gens, observateurs des préceptes. Ils ont la loi et les prophètes, et quelque chose du Talmud et des Constitutions.[241]

De là il y a vingt-deux journées aux lies de Cinrag.[242] Les habitants, appelés Dogbüms,[243] adorent le feu. Il y a parmi eux vingt-trois mille Juifs.[244] Ces Dogbüms ont des prêtres dans tous les lieux où ils ont des temples de leurs idoles. Ces prêtres sont tous de grands magiciens, qui n'ont pas leurs semblables dans toute la terre en toutes sortes de prestiges. Devant l'autel de leur temple il y a une grande fosse, où tous les jours ils allument un grand feu qu'ils appellent alhuta (elahuta, divinité); ils font passer leurs enfants, ils jettent aussi leurs morts au milieu de ce feu. Il y en a même quelques-uns d'entre les grands de pays qui font vœu de se brûler tout vifs dans le feu. Quand celui qui s'est dévoué dit à ses enfants et à ses autres parents: « Voici, j'ai fait vœu de me jeter tout vivant dans le feu ! » tous lui répondent et lui disent: « Oh! que tu es bienheureux ! et bien te soit ! » Quand le jour du vœu est arrivé, on prépare un grand festin au dévoué, lequel ensuite s'en va, à cheval s'il est riche, ou à pied s'il est pauvre, jusqu'au bord de la fosse, et se jette lui-même au milieu de ce feu pendant que toute la famille chante et danse et joue de la flûte, jusqu'à ce qu'il soit entièrement consumé par le feu.

Trois jours après, deux de leurs principaux prêtres viennent dans sa maison et disent à ses enfants : « Mettez tout en ordre dans la maison, car votre père viendra aujourd'hui chez vous pour vous ordonner ce que vous devez faire. »

Alors ils prennent des témoins de cette ville, et voici Satan qui vient sous la figure du mort. Sa femme et ses enfants, lui allant au-devant, lui demandent comment il se trouve dans l'autre monde ; à quoi il répond : Je suis venu auprès de mes compagnons, mais ils ne m'ont point reçu jusqu'à ce que je me sois acquitté de mes dettes envers les enfants de ma maison et mes voisins. Ensuite il donne des ordres, il distribue ses biens à ses enfants, il ordonne qu'on paye tous ses créanciers, et qu'on fasse pareillement payer tous ses débiteurs. Les témoins écrivent ses ordres; alors il s'en va, et personne ne le voit plus. C'est par de tels mensonges, fraudes et prestiges, que leurs prêtres les confirment dans leur créance. Ils disent même qu'il n'y a point de semblables à eux dans toute la terre.

De là il y a le chemin de quarante jours pour aller à la terre d'Al-Tzin (la Chine),[245] qui est à l'extrémité de l'Orient. Il y en a qui disent que c'est là la route de la mer appelée Nikpha, sur laquelle domine la constellation de l'Orion, qui excite souvent un vent si orageux, qu'aucun marinier ne peut se tenir sur le vaisseau à cause de la violence du vent ; de sorte que le vent jetant le vaisseau dans cette mer de Nikpha, il ne peut point se tirer de l'endroit où il est; et ainsi les gens y étant arrêtés, y meurent après avoir consumé toutes leurs provisions. Il y périt un grand nombre de vaisseaux de cette manière. Cependant les hommes ont appris l'art de se tirer de ce méchant endroit. On prend avec soi plusieurs peaux de bœuf. Si donc le vent vient à pousser le vaisseau dans la mer glaciale, ou de Nikpha, celui qui veut échapper se met dans une de ces peaux, coud cette peau en dedans de peur que l'eau n'y pénètre, ensuite se jette dans la mer, au milieu de l'eau; alors quelqu'un de ces grands aigles appelés griffons, le voyant et croyant que c'est une bête, descend, le prend et l'emporte sur terre, sur quelque montagne ou vallée, pour dévorer sa proie; alors l'homme enfermé tue promptement l'aigle avec son couteau ; ensuite, sortant de sa peau, il marche jusqu'à ce qu'il trouve quelque lieu habité. Plusieurs personnes ont été sauvées de cette manière.[246]

De là il y a trois journées à Gingala (Cingala)[247] ; quand on y va par mer, il y a quinze journées. Il y a là environ mille Israélites.

De là il y a sept journées, par mer, à Coulan[248] ; il n'y a point d'Israélites.

De là il y a douze journées à Zabid (Sebid),[249] où il y a peu de Juifs.

De là il y a huit journées[250] à cette partie des Indes qui est en terre ferme et qu'on appelle Beedan (Aden)[251] ; c'est Éden[252] qui est à Telassar.[253] Il y a là de grandes montagnes habitées par plusieurs Israélites qui ne sont soumis à aucun joug des gentils. Ils ont des villes et des tours au sommet des montagnes. Ils descendent dans le pays de Hammaatom (Ma'aloum, Hamamet), appelé Libye,[254] qui est sous la domination des Iduméens; ce sont les Libyens qui habitent la Libye. Les Juifs leur font la guerre, et après les avoir pillés et remporté un grand butin, ils remontent sur leurs montagnes, et personne ne peut les attaquer. Il vient plusieurs de ces Juifs d'Aden en Perse et en Egypte.

De là à la terre d'Asvan[255] il y a vingt journées par le désert de Saba (Seba), le long du fleuve Phison (Nil), qui vient du pays de Ctish,[256] dont les habitants ont un roi nommé Sultan-al-Ghabasch. Une partie des habitants de ce pays vivent comme des bêtes; ils mangent l'herbe qui croît sur le boni du Phison ; ils vont tout nus à la campagne.[257]

Leur climat est très chaud. Lorsque les gens d'Asvan vont pour piller et faire du butin, ils prennent avec eux du pain, du blé, des raisins secs et des figues ; ils les jettent à leurs ennemis, lesquels venant pour les prendre et les manger, ceux-ci se jettent sur eux, les emmènent captifs et les vendent ensuite en Egypte et dans les autres royaumes voisins. Ce sont là ces esclaves noirs de la postérité de Cham. D'Asvan à Chelvan (Chaluah.)[258] il y a douze journées. Il y a là environ trois cents Juifs. De Chelvan on va avec les caravanes, le chemin de cinquante journées, par le désert appelé Al-Tsahra (Sahara), à la ville ou province appelée Zuila (Zavila),[259] qui est Chavila dans la terre de Gana. Il y a dans ces déserts des montagnes de sable, de sorte que lorsqu'il s'élève un grand vent, le sable couvre et suffoque les caravanes. Ceux qui en échappent apportent avec eux du fer, du cuivre, du sel et toutes sortes de fruits et de légumes. C'est de là aussi qu'on apporte l'or et les pierres précieuses. Ce pays est dans la terre de Cusch, appelée Al-Chabasch, du coté de l'occident.[260]

De Chelvan il y a treize journées à la ville de Kous,[261] qui est le commencement de l'Egypte. Il y a là environ trente mille Juifs.

A cinq journées de là est Phium,[262] autrefois Pithom, où il y a environ vingt Juifs. On y voit encore des restes des anciens édifices bâtis par nos pores.

A quatre journées de là est Misraïm la grande ville,[263] située sur le bord du Nil ou Al-Nil. Il y a là environ deux mille Juifs et deux synagogues,[264] l'une des Juifs de la terre d'Israël appelés Al-Schamiin, l'autre des Juifs de Babylone appelés Al-Irackun. Ces deux sortes de Juifs différent dans la division ordinaire des sections ou des parashiot et des sedarim de la loi; car les Babyloniens ont coutume de lire toutes les semaines une parasita ou section de la loi, comme l'on fait dans toute l'Espagne; de sorte que chaque année ils achèvent la lecture de la loi. Mais ceux île la terre d'Israël ne font pas ainsi; car, partageant chaque parasita (ou section) en sedarim ou (trois parties), ils n'achèvent la lecture de la loi qu'au bout de trois ans. C'est une coutume établie parmi eux de se joindre et de prier tous ensemble pour célébrer le jour de la réjouissance de la loi[265] et le jour auquel la loi fut donnée.[266] Entre eux est R. Nathanaël, le prince des princes, chef du conseil et de toutes les assemblées d'Egypte; c'est lui qui établit les rabbins et les chantres. Il est aussi ministre dit grand roi qui réside dans le palais de Tsoban,[267] qui est une ville du pays d'Egypte dont a été émir-al-mumnin Ali, fils d'Abitaleb ; tous ses sujets sont appelés rebelles,[268] parce qu'ils se sont révoltés contre l'émir-al-mumnin Al-Abassite, qui réside à Bagdad. Il y a une inimitié perpétuelle entre eux. Celui qui réside en Egypte a établi son trône à Tsoban, parce que cet endroit lui a paru fort agréable.[269] Ils ne se montrent au public que deux fois l'année, la crémière fois au temps de leur fête, et la seconde fois quand le Nil déborde.[270] Tsohan est environnée d'une muraille, mais non point Misraïm, celle-ci étant arrosée d'un côté par le Nil. Misraïm est une grande ville ornée de places et de boutiques[271] ; il y a plusieurs riches Juifs.

Il n'y pleut point, et l'on n'y a jamais vu ni neige, ni glace. C'est un pays fort chaud.

Le fleuve déborde tous les ans une fois,[272] au mois d'élul, couvre tout le pays et l'arrose dans une étendue de quinze jours de chemin; les eaux restent sur la terre pendant les mois d'élul[273] et de tisri[274] pour l'arroser et pour l'humecter. Il y a une colonne de marbre devant une certaine île, au milieu de l'eau, élevée avec beaucoup d'art, de douze coudées au-dessus de l'eau. Lors donc que le fleuve déborde et qu'il couvre la colonne, les habitants connaissent par là que l'inondation a couvert la terre l'étendue de quinze jours de chemin ; mais s'il ne va que jusqu'à la moitié de la colonne, il ne couvre aussi que la moitié du pays. Il y a un homme qui mesure tous les jours la colonne, et ensuite crie à Tsoban et à Misraïm : « Rendez grâces à Dieu, car le fleuve est monté à une telle et telle hauteur. » C'est ainsi qu'il mesure et qu'il crie tous les jours. Si le fleuve couvre toute la colonne, c'est signe qu'il y aura grande fertilité dans toute l'Egypte, car le fleuve croit peu à peu, jusqu'à ce qu'il ait couvert le pays jusqu'au bout, durant le chemin de quinze journées. Alors quiconque a des champs loue des ouvriers qui lui creusent une grande fosse dans son champ,[275] dans laquelle les poissons entrent à mesure que l'eau croît, et où ils restent ensuite à mesure que l'eau décroît. Alors les propriétaires des champs les prennent et les mangent, ou les vendent aux marchands, qui les salent et les portent partout. Ces poissons sont extrêmement gras ; les grands mêmes du pays se servent de cette graisse pour leurs chandelles ou lampes. Si quelqu'un mange trop de ces poissons, il n'a qu'à boire de l'eau du fleuve; il n'en aura aucun mal, car cette eau lui sert de remède.

Au reste, si l'on demande aux Égyptiens pourquoi le fleuve monte ainsi, ils répondent que cela vient des pluies abondantes qui tombent plus haut, dans le pays d'Al-Habas, ou Havila, lesquelles enflent le Nil et le font ainsi déborder. Lorsque le fleuve ne déborde point, ils ne sèment point aussi, et alors il y a une grande disette par tout le pays. Ils sèment au mois de marhesvan ou octobre, après que le fleuve est rentré dans ses bornes. Ils moissonnent l'orge au mois d'adar ou février, et le froment au mois de nisan ou mars. En ce mois de nisan ils abondent en cerises, en noix, en concombres, en courges, en pois, en fèves, en galbanons, en pois chiches, et en toutes sortes d'herbages, comme en pourpier, en asperges, en baume, en laitues, en coriandre, en chicorée, en choux et en raisins ; en un mot, la terre abonde en toutes sortes de biens. Leurs jardins et leurs vergers sont arrosés tant par des canaux que par les eaux du fleuve.

Ce fleuve, après avoir arrosé la ville de Misraïm, se divise en quatre branches[276] : la première va à Damiette, autrefois Caphtor, et s'y jette dans la mer ; la seconde à la ville de Raschid, prés d'Alexandrie, et s'y jette pareillement dans la mer; la troisième s'en va par le chemin d'Asmon (Ashmoun), cette grande ville qui est sur les confins d'Egypte, etc.[277] Tout du long de ces quatre branches, de côté et d'antre, il y a des villes, des bourgs et des villages où l'on peut aller par terre et par eau; il n'y a pas de pays au monde si peuplé que celui-ci, qui est d'ailleurs très vaste et abondant en toutes sortes de biens.[278]

De la nouvelle Misraïm à la vieille il y a deux parasanges. Cette dernière est ruinée. On y voit pourtant encore aujourd'hui les vestiges des anciennes murailles et des maisons, comme aussi plusieurs greniers de Joseph. Il y a là aussi une colonne ou pyramide faite par art magique qui n'a pas de pareille en aucun endroit du monde. Ces greniers, au reste, sont d'une structure très solide, bâtis avec de la chaux et des briques. Hors de la ville est l'ancienne synagogue de Moïse, notre maître, qui repose en paix.[279] Il y a là un vieillard qui en est le gouverneur et le diacre; c'est un disciple des sages qu'on appelle Al-Scheck-Albounetzar. Misraïm la déserte a le chemin de trois milles.

De là il y a huit parasanges[280] à la terre de Goscen (Goshen, Gizeh), qui est Bolsir-Salbis, grande ville où il y a trois mille Juifs.

De là il y a une demi-journée à Iskaal-Lein-al-Sames (Iskiil-Ain-al-Schems),[281] ou Ramsès, maintenant déserte; on y voit des restes des édifices bâtis par nos pères, et des espèces de tours bâties en briques.

De là il y a une journée à Albubieg,[282] où il y a environ deux cents Juifs.

A une demi-journée de là est Mansiphta,[283] où sont deux cents Juifs.

De Mansiphta, en quatre parasanges, on vient à Remira,[284] où on trouve sept cents Juifs.

De là il y a cinq journées à Lemachla,[285] où il y a cinq cents Juifs.

A deux journées de là est Alexandrie, bâtie par Alexandre le Grand, qui l'a appelée de son nom,[286] et ornée de très beaux et de très forts édifices ; les maisons, les palais, les murailles, tout y est très proprement bâti.

Hors de la ville est l'École d'Aristote, précepteur d'Alexandre, qui est un grand et bel édifice orné de colonnes de marbre entre chaque école. Il y a environ vingt de ces écoles où l'on venait de tous les endroits du monde pour entendre la sagesse du philosophe Aristote.[287]

Cette ville est bâtie sur un lieu élevé, mais sa partie basse est convexe, bâtie sur des voûtes[288] ; ses places et ses rues sont très fréquentées, et si longues qu'on n'en voit pas le bout. Une d'entre elles a un mille de long, depuis la porte de Raschid jusqu'à la porte de la mer. C'est là, c'est-à-dire vers le port, qu'Alexandre a construit une digue qui s'étend à un mille de long dans la mer, sur laquelle il a bâti une haute tour appelée Hamegarah, et en arabe Megar Alexandria.[289] Au sommet de cette tour il avait fait un certain miroir de verre, d'où l'on pouvait voir cinquante journées d'éloignement tous les vaisseaux qui venaient de la Grèce ou de l'Occident pour faire la guerre ou pour nuire autrement à la ville; de sorte que, par ce moyen, ils étaient avertis de se tenir sur leurs gardes. Cela dura ainsi longtemps après la mort d'Alexandre. Mais un jour il vint un vaisseau de la Grèce commandé par un capitaine grec, très habile en toutes sortes de sciences, qui s'appelait Sodoras.[290] Les Grecs étaient alors sous la domination des Égyptiens. Ce capitaine apportait au roi un très beau présent en or, en argent et en habits de soie. Il jeta l'ancre devant le miroir, selon la coutume de tous les marchands qui s'y arrêtaient. Or l'officier qui gardait cette tour de lumière allait manger tous les jours avec ses gens chez le capitaine du vaisseau, de sorte que celui-ci ayant gagné les bonnes grâces du commandant de la tour, il allait et venait tous les jours librement chez lui. Un jour le capitaine régala le commandant et l'enivra tellement, lui et ses gens, qu'ils se mirent tous à dormir. Alors le capitaine et ses gens, se levant de nuit, cassèrent le miroir, et s'en allèrent cette même nuit. Depuis ce temps-là, les Iduméens ont commencé à y venir avec des barques et de gros vaisseaux, et ont enlevé aux Égyptiens les grandes Iles de Crète et de Chypre, qui sont jusqu'à présent sous la domination des Grecs, les Égyptiens n'ayant pu encore se relever, ni se soutenir contre les Grecs.

Cette tour de lumière sert encore jusqu'à présent de signal à tous ceux qui naviguent à Alexandrie,[291] car on la découvre à cent milles de là, jour et nuit, par le moyen d'un grand flambeau allumé qui, paraissant de loin aux mariniers, cette clarté leur sert de guide.

Ce pays est très marchand et fréquenté par toutes les nations pour le commerce. On vient à Alexandrie de tout l'empire des Iduméens, du Bolognèse,[292] de la Toscane, de la Lombardie, de la Pouille, de Malchi,[293] de Sicile, de Rekuphia, de Cordoue,[294] de l'Espagne,[295] de Russie,[296] de l'Allemagne, du Sosannah,[297] du Danemark, de Celatz,[298] de Flandre, de Hitar,[299] de Larmandia,[300] de Phrania,[301] du Poitou, de l'Anjou, de la Bourgogne, de Médiana,[302] de la Provence, de Gènes, de Pise, de la Gasconie, d'Aragon et de Navarre. Pareillement aussi du côté de l'occident, qui est aux ismaélites, il en vient de l'Andalousie, de l'Algarbe,[303] de l'Afrique et de l'Arabie. Il en vient aussi du côté des Indes, de Havila (Savila), d'Al-Habas' (Abyssinie), de la Libye, d'Al-Jerman (Yémen), de Sinear,[304] d'Al-Scham,[305] des Pavanites ou Grecs, et des Turcs.

On y apporte des marchandises des Indes, toutes sortes d'aromates que les marchands Iduméens achètent. La ville est très peuplée à cause du commerce; chaque nation y a sa loge.[306]

Sur le bord de la mer il y a un tombeau de marbre où sont gravés toutes sortes d'oiseaux et toutes sortes d'animaux, le tout avec des inscriptions anciennes que personne ne connaît.[307] On croit, avec quelque vraisemblance, que c'est d'un ancien roi, avant le déluge. La longueur de ce sépulcre est de quinze empans, et la largeur de six.

Au reste, il y a à Alexandrie trois mille Juifs.

De là il y a deux journées à Damiette, autrefois Caphtor, où il y à environ deux cents Israélites.

De là il y a une demi-journée à Sombat (Sunbat), où l'on sème du lin dont on fait des toiles qu'on transporte par tout le monde.

De là il y a quatre journées à Élam (Ailah) ou Élim,[308] qui appartient aux Arabes habitants du désert.

De là il y a deux journées à Rephidim (Refidim), habitée par les Arabes, où il n'y a point d'Israélites.

De là il y a une journée à la montagne de Sinaï, sur le sommet de laquelle il y a une église de prêtres appelée Sorianim. Au pied de la montagne il y a un grand bourg appelé Tor-Sinaï,[309] dont les habitants parlent la langue du Targum, c'est-à-dire chaldaïque, et sont sous la domination des Égyptiens. Cette petite montagne est à cinq journées de l'Egypte.[310]

La mer Rouge, qui est un bras de celle des Indes, est éloignée de Sinaï d'une journée.

De là on retourne à Damiette ; de celle-ci, il y a une journée et demie à Thunes ou Chanes,[311] où il y a environ quarante Israélites. C'est une ile au milieu de la mer. Jusqu'ici vient le royaume d'Egypte.

De là il y a vingt journées par mer à Messine, au commencement de l'île de Sicile, qui est sur un bras de mer appelé Lounid[312] qui sépare la Calabre d'avec la Sicile. Il y a là environ deux cents Juifs. Ce pays abonde en toutes sortes de biens, en jardins et en vergers. Un grand nombre de chrétiens s'y assemblent pour passer à Jérusalem, car c'est le passage le plus commode.

De là il y a deux journées à la ville de Païenne. Cette grande ville a deux milles de long et autant de large. C'est là qu'est le grand palais du roi Guillaume.[313] Il y a dans cette ville environ quinze cents Juifs et une grande multitude de chrétiens et de mahométans.

Le territoire de cette ville abonde en fontaines, en ruisseaux, en froment, en orge, en jardins et en vergers, en sorte qu'il n'y en a point de semblable en toute la Sicile. C'est là que réside le gouverneur ou vice-roi appelé Alchezeina (Al-Hacina).[314] On y trouve aussi toutes sortes d'arbres fruitiers. Au milieu il y a une grande fontaine environnée d'une muraille, où l'on fait un réservoir, nommé albehira,[315] qui renferme plusieurs sortes de poissons, et où sont les vaisseaux du roi couverts d'or et d'argent, sur lesquels il se fait porter avec ses femmes, lorsqu'il veut se divertir.

Dans le, jardin, il y a un grand palais dont les murailles sont ornées de figures d'or et d'argent, et le pavé est de marbre, où sont gravées toutes sortes de figures qui sont dans le monde. Il n'y en a point de semblable sur la terre. L'île commence à Messine, qui est le passage de tous les voyageurs, qui de là peuvent, en six journées, parcourir les villes de Calanéa, de Syracuse, de Mazara, de Petalria (Pantaléonie) et de Trapana. C'est dans cette dernière ville que se trouve la pierre de corail appelée almurgan.[316]

De là on peut arriver en trois jours au territoire de Rome, et de Rome on va par terre, en cinq jours, à Lucques. De là, après avoir passé en douze jours le mont El-Moraena[317] et les passages d'Itania,[318] on arrive à la ville de Berdin,[319] qui est le commencement de l'Allemagne, pays plein de montagnes et de collines.

Toutes les assemblées des Israélites, en Allemagne, sont sur le grand fleuve du Rhin, depuis la ville de Cologne, qui est la capitale du royaume, pendant quinze jours, jusqu'à la ville de Kassembourg,[320] qui est aux frontières de l'Allemagne, appelée le pays d'Aschenaz.[321]

Voici les noms des villes d'Allemagne où il y a des assemblées d'Israélites, tous libéraux, généreux ou honnêtes gens : aux environs de la Moselle, à Kouflenz,[322] à Andernach, à Crotnia,[323] à Binga,[324] à Germessa,[325] et à Mastraan,[326]

Tous les Israélites sont dispersés par toute la terre, et quiconque n'a point à cœur qu'Israël soit rassemblé ne verra peint le signe du bien et ne vivra point avec Israël; mais dans le temps que Dieu visitera notre captivité et élèvera la corne de son oing (Sam., I, II, 10), chacun dira : « Voici, je ramènerai les Juifs et les rassemblerai. »

Dans toutes ces villes il y a des disciples des sages et des assemblées qui aiment leurs frères, et qui parlent de paix à ceux qui sont loin et à ceux qui sont prés. S'il vient quelque étranger chez eux, ils s'en réjouissent, lui font un festin et disent : « Réjouissez-vous, frères, car le salut de l'Eternel viendra comme en un clin d'œil, et si nous ne craignions que la fin ne soit pas encore venue, nous serions déjà assemblés; mais nous ne le pouvons pas encore, jusqu'à ce que le temps des chansonnettes soit venu, que la voix de la tourterelle soit ouïe en-notre contrée, et que les messagers de bonnes nouvelles viennent et disent : l'Éternel soit glorifié à toujours. » Ces Juifs s'entretiennent les uns les autres par lettres, et se disent les uns aux autres : « Confirmez-vous dans la loi de Moïse; que ceux qui pleurent Jérusalem et Sion implorent la miséricorde de l'Éternel et demandent grâce, revêtus d'habits de deuil, dans leur intégrité. »

Outre les villes dont nous venons de parler, il y en a encore en Allemagne : Extrambourg,[327] Duidesbourg,[328] Mantrach,[329] Pesinges,[330] Banbork,[331] Tzor,[332] Reschenbork,[333] aux frontières de l'empire.[334] Dans toutes ces villes il y a aussi plusieurs Israélites disciples des sages et riches.[335]

De là, en avant, est le pays de Bohême, appelé Praga, qui est le commencement de l'Esclavonie, que les Juifs qui y habitent appellent pays de Canaan, parce que les habitants vendent leurs fils et leurs filles à toutes les nations, de même que ceux de Russie.[336] Celle-ci est un grand royaume qui s'étend depuis la porte de Prague jusqu'à la porte de Pin ou Phin, cette grande ville qui est à l'extrémité du royaume. C'est un pays de montagnes et de forêts où l'on trouve les bêtes appelées vairages[337] ou néblinatz. Le froid y est si rude en hiver, que personne ne sort hors de la porte de sa maison. C'est jusque là que s'étend le royaume de Russie.

Le royaume de France, qui est le pays de Tzarphat, s'étend depuis Al-Sodo[338] le chemin de six jours jusqu'à Paris, cette grande ville qui appartient au roi Louis, et qui est située sur la rivière de la Seine.

Elle renferme, des disciples des sages qui n'ont pas leurs pareils aujourd'hui sur toute la terre; ils s'appliquent jour et nuit à l'étude de la loi; ils sont fort hospitaliers envers tous les étrangers, et démontrent leur amitié et leur fraternité envers tous leurs frères Juifs.

L'Eternel veuille, par sa miséricorde, avoir pitié d'eux et de nous, et accomplir en eux et en nous cette parole de l’Écriture (Dmt., XXX, 3) : « Et il se retournera, et il te rassemblera de toutes les nations où l'Éternel, ton Dieu, t'a dispersé. » Amen! amen! amen !

 

 


 

[162] Ici Benjamin retourne vers l'Euphrate et traverse, le désert. On ne sait quelle est cette ville d'Arbèles.

[163] Cette ville était ruinée au temps d'Aboulféda.

[164] Ou dans la ville de N'hardéa, située au bord de l'Euphrate.

[165] Ville située sur le bord du Tigre, et appelée Akbera par Ibn-Haukal.

[166] Emmené en captivité à Babylone, l'an 591 avant Jésus-Christ. On montre son sépulcre à Koufa.

[167] On remarquera le chiffre élevé de cette population juive.

[168] Le mot khalife, que les Arabes prononcent khalife ou khalifa, signifie vicaire, successeur (sous-entendu du prophète). Le premier calife a été Abou-Bekr-es-Siddik, ou le Véridique, beau-père de Mahomet. Abou-Bekr disait : « Je ne suis pas le calife de Dieu, nais seulement le calife du prophète. » Après Abou-Bekr, le pouvoir suprême fut décerné par les chefs musulmans à Omar, qui refusa le titre de calife en faisant observer qu'il ne pouvait pas être appelé le successeur du prophète, mais seulement le successeur du successeur. Alors Mogaira, fils de Shaab, se leva et dit : « Omar est notre prince (émir) et nous sommes les croyants (mumenin) ; je propose donc qu'on l'appelle prince des croyants (émir-al-mumenin.)

Le titre de khalife fut conservé au souverain représentant le prophète, mais on y ajouta celui d'émir, ou de prince temporel; on y joignit aussi le titre d'imam al-moslemin, ou de chef religieux des musulmans, juge, interprète du Coran. Ces explications prouvent que les termes dont se sert Benjamin de Tudèle ne sont pas aussi inexacts que l'avait prétendu Baratier dans ses observations critiques sur ce passage de la relation.

Pendant plus de deux siècles après la mort de Mahomet, les califes furent très puissants. Leur empire, au commencement du huitième siècle, s'étendait des bords de l'Atlantique à ceux du Gange; les plus riches provinces de l'Asie et de l'Afrique, et quelques-unes des plus belles de l'Europe, leur étaient soumises.

Cette puissance s'affaiblit à la chute de la dynastie des Omeyades, remplacée, vers le milieu du huitième siècle, par celle des Abbassides. De nombreuses sectes religieuses prirent les armes ; l'Espagne s'affranchit, l'Afrique elle-même se rendit indépendante du califat. Toutefois l'empire ne jeta peut-être jamais plus d'éclat et ne s'éleva à un plus haut degré de civilisation que pendant cette seconde période. Le calife abbasside Haroun-el-Raschid restera comme le type le plus brillant des souverains mahométans; son règne est le siècle d'Auguste ou de Louis XIV les Arabes.

La décadence de la dignité du califat date du vingtième calife abbasside, Rhady-Billah, qui, en 934, abdiqua pour ainsi dire son autorité, en créant le premier émir-el-omrah, (prince des princes), espèce de maire du pelait.

Vers le milieu du onzième siècle, des hordes turques chassées des déserts de l'Asie centrale par les Chinois et les Tartares, s'appelant elles-mêmes Seldjouks, et ayant pour chef Toghrul-Beg (beg, maître, prince), petit-fils de Seldjouk, firent en peu de temps la conquête de toutes les possessions des califes. Les princes seldjoukides parvinrent non moins rapidement au titre d'émir-el-omrah et à ceux de sultan et de grand-sultan.

Vers 1150, trois souverains de la race des Seldjoukides dominaient encore l'Asie Mineure et exerçaient aussi une grande puissance sur l'Asie centrale et méridionale. Sandjar (roi des rois) s'était rendu maître de toute la Perse orientale ; Massoud, le grand sultan, résidait à Bagdad et régnait sur la Perse occidentale et sur les bords du tigre; Zenki, ou plutôt ses fils Nour eddin et Seïf eddin, régnaient sur le Tigre, sur l'Euphrate, et jusqu'aux bords de la Méditerranée.

Benjamin cite plusieurs fois les princes ou ala-beg (ala, père; beg, prince) de la famille de Zenki, lequel avait été d'abord (en 1130) gouverneur d'Alp-Arslan, fils du sultan Mahmoud II. Du reste, la fortune des princes seldjoukides s'éclipsa à la mort de Massoud.

Benjamin paraît avoir visité l'Asie Mineure entre 1159 et 1170, et les califes venaient alors de reconquérir leur indépendance. Ceux qui occupèrent successivement le trône, pendant cette période, furent Moktaf (11 mars 1160) ; Mostaidjed (13 décembre 1170), qui régna dix ans; Mostadh, qui ne régna que peu de temps.

On considère comme certain que Benjamin n'a point donné le nom de calife régnant lors de son passage à Bagdad. Ce calife, suivant M. Lebrecht, doit avoir été Mostaidjed. L'opinion de ce savant est appuyée sur une étude remarquable intitulée : Essai sur l'état du califat de Bagdad pendant la dernière moitié du douzième siècle (en allemand, et traduit en anglais par Asher). On trouve dans ce mémoire une biographie étendue de Moktaf et de Mostaidjed.

[169] Ce nom du calife donné par Baratier paraît être une interpolation.

[170] Le calife était alors dans ses fonctions d'iman.

[171] Les mots arabes signifient littéralement : demeure de ceux qui ont besoin d'être enchaînés.

[172] « Du collège Geon Ja'acob. » (Asher.)

[173] « Butlanim, les oisifs. » (Asher.)

[174] Saidna ben Daoud.

[175] A'milon tarik la-saidna ben Daoud.

[176] Ou chaîne.

[177] La traduction anglaise dit Siberia.

[178] « Les Gherghéséens, dit Lelewel, sont les Thogarmin-Géorgiens, et les Gherghéniens sont les Djordjani de l'autre côté de la mer Caspienne. »

[179] « La circonférence de la ville de Bagdad est de trois milles. » (Asher.)

[180] « Dans la Mésopotamie. » (Asher.)

[181] « Gihiagin, qui est Ras-al-Aien, Resen, la grande ville. » (Asher.)

[182] Le nom est omis dans toutes les éditions. L’édition anglaise dit : Rabbah et ajoute en note: Sage bien connu, dont le nom figure souvent dans le Talmud.

[183] « Cette synagogue de Daniel, dit Rapaport, est d’une très haute antiquité ; il en est question dans le Talmud. » (Trait. Erubin. 21. A.)

[184] Ibn-Haukal dit que, de son temps, l'on y voyait encore les cendres.

[185] Hillah.

[186] Le Birs-Nemroud.

[187] Al-ajur mot persan devenu arabe, et qui signifie briques.

[188] Peut-être la Nachaba de Ptolémée.

[189] Niebuhr donne la description suivante du tombeau d'Ézéchiel, t. II, p. 816 : « Au 25 décembre, je voyageai de Mesned-Ali, quatre lieues et demie au nord, jusqu'à Kefil, et ensuite encore autant au nord nord-est, jusqu'à Helle. La distance de ces deux villes est par conséquent de neuf lieues, ou sept miles d'Allemagne. Kefil est le nom arabe d’Ézéchiel, dont des milliers de Juifs viennent encore annuellement visiter ici le tombeau; mais ce prophète n'a point ici de trésors, ni d'argent, ni d'or, ni de pierreries ; car quand aussi les Juifs voudraient lui faire pareils présents, les mahométans ne les lui laisseraient pourtant pas longtemps. Ils doivent se contenter de la permission de faire ici des pèlerinages. Dans la chapelle du prophète, qui est sous une petite tour, on ne voit rien autre chose qu'un tombeau muré. Le propriétaire ou le gardien de ce sanctuaire est une famille arabe, qui a ici une jolie petite mosquée, avec un minaret, et ne paye presque aucune contribution aux Turcs, uniquement pour l'amour du prophète. Outre cela, cette famille arabe gagne encore considérablement des voyageurs, qui aiment à se reposer ici. Le tombeau d'Ézéchiel, la mosquée et le peu de mauvaises demeures des Arabes qu'il y a, sont environnés d'une forte muraille, haute de plus de trente pieds, et de deux cent cinquante pas doubles, ou environ douze cents pieds, de circonférence. On prétend qu'elle a d'abord été bâtie aux frais d'un Juif de Cufa nommé Soleyman, et, selon toute apparence, elle est encore entretenue par les Juifs, car ceux-là en retirent la plus grande utilité. »

« Entre Iman-Hussein et Iman-Ali, dit Rousseau, se voit une espèce de rotonde que tes habitants du pays prennent pour la sépulture du prophète Ezéchiel, et qui est très fréquentée par les plus dévots de la nation juive. »

Nous ne connaissons aucune représentation du tombeau, et la carte de Rennel nous paraît être la seule où son emplacement soit indiqué.

[190] « Le Pentateuque. » (Asher.)

[191] Le colonel Shiel vit un tombeau que les habitants lui dirent être celui du prophète Nachum, près d'Elkosh, à l’est du Tigre, au pied des montagnes qui bornent le Kurdistan. (Voy. Geogr. Society Journal, VIII, 93.)

[192] « A un village persan, » dit seulement la traduction d'Asher.

[193] « Je ne vis pas de mosquée sur ce chemin, dit Niebuhr (Voyage, II, 206), mais bien, comme près des villages et en pleine campagne sur l'Euphrate, beaucoup de kubbets ou petits édifices sur des tombeaux de prétendus saints, près desquels il y avait eu, selon toute apparence, autrefois des villages. »

[194] L'emplacement de cette ancienne cité est, d'après Niebuhr, à environ 6 ou 7 kilomètres de Meshed-Ali. « Le pays aux environs, ajoute ce voyageur, est entièrement désert, et la ville n'a plus du tout d'habitants. »

[195] Sura, située au-dessus de Bagdad, la Corsate des auteurs classiques, avait été pendant huit siècles le siège d'une des universités juives les plus célèbres.

[196] « Benjamin poursuit sa description positive ou sa course par Néardéa jusqu'à Elnabar ou Poumbeditha, comme s'il allait retourner. Ce pas rétrograde mérite d'être observé; il paraîtrait que Benjamin termina ses courses vers l’orient et rétrograda pour se rendre en Egypte. » (Lelewel.)

[197] Cette partie du voyage relative au pays des Réchabites est généralement considérée comme imaginaire. « Certainement, dit Lelewel, le conte concernant les Réchabites n'est pas de l'invention de Benjamin. Iosip-ben-Gorion l'avait relaté antérieurement Benjamin désigne l'Arabie comme domicile des Réchabites. Péthakhia, qui le suivit, les fait habiter dans le pays de Gog et Magog, au delà des montagnes ténébreuses, conformément à l'opinion de Iosip-ben-Gorion. On voit que deux opinions divisaient les croyants : l'une plaçait les Réchabites dans le désert des mystérieux Thémoudites ; l'autre dans les ténèbres des Tibétains, descendant, suivant les Arabes, de Toba du Yémen, voisins de Gog et Magog, objet de la prédilection arabe. »

[198] Asher traduit : « Dans les cas douteux, ils en appellent aux décisions du prince de la captivité. »

[199] « A la ville de… sur la rivière de Virah, » suivant Asher.

[200] « Le Naseth de Benjamin me paraît être Waseth, » dit le savant Ritter.

La Waseth ancienne, qui était traversée par le Tigre, suivant Aboulféda, était à cinquante parasanges de Bassora, de Kufa, d'Ahwas et de Bagdad. Elle n'existe plus ; son nom a été transporté à une autre localité.

[201] La prospérité de cette ville s'est maintenue jusqu'à nos jours. La population de Bassora, qui est le centre de tout le commerce de la Perse et de l'Euphrate, s'élève à soixante mille âmes; sur ce nombre, on compte environ sept mille Juifs.

[202] « A la ville de… sur la rivière Samarra ou Shat-el-Arab. » (Asher.) Cette ville, non nommée, peut être Karna. La rivière est le Diyala (Délos), ou Diala inférieur, dans le voisinage de Bagdad.

[203] D'après Niebuhr et Macdonald Kinneir, ce tombeau est situé au bord du Tigre, un peu au-dessus de Karna.

Rousseau dit qu'il est « vis-à-vis de Karna et proche de la rivière de Senne, dans le pays de Haviza, en hébreu Ahara (voy. Esdras, VIII, 21-31). C'est, ajoute-t-il, une vieille bâtisse qui passe pour être le tombeau du prophète Esdras, monument honoré par les Turcs et les Juifs, qui vont souvent s'y acquitter de leurs pieux devoirs. »

Keppel dit : « Nous passâmes près d'un édifice qu'on appelle Il-Azer (Ozair? ou Esdras), et qui, d'après la tradition, serait la tombe du prophète. Il est surmonté d'une large coupole couverte de tuiles couleur turquoise. »

Enfin, le capitaine Robert Mignan s'exprime ainsi dans ses Voyages en Chaldée (1829) :

« A un demi-mille de Zetchiah est une mosquée en ruines autour de laquelle sont quelques palmiers; presque vis-à-vis est un canal, navigable jusqu'à la ville d'Hawiiah ; il se dirige vers l'est-nord-est. »

Le jour suivant, peu après le lever du soleil, nous arrivâmes à une tombe que les Arabes appellent Osair. Le monument est entouré d'une forte muraille en brique brûlée. A l'intérieur est un dôme assez vaste renfermant un sépulcre carré qui contient les restes d'Eira (Esdras), saint des Juifs ; l'intérieur est pavé avec la même teinte bleu de ciel qui décore le dôme et lui donne une apparence très brillante, surtout quand il est frappé par le soleil. Le nom d'Ozair lui a été assigné, je le suppose, par les Juifs, qui croient que ce tombeau renferme les os du prophète Esdras. Tous les ans, les Juifs y viennent en pèlerinage de Bassora. Les Arabes les volent, pillent et battent ; en cas de résistance, ils les tueraient aussi facilement que, suivant leur expression vulgaire, ils mangeraient des oignons. »

[204] Non pas ville, mais province.

[205] La dissertation la plus complète sur ce passage se trouve dans le Recueil de voyages et mémoires publié par la Société de géographie, vol. II, p. 324, 335, 337 et suiv. On lira aussi avec intérêt un mémoire du major Rawlinson inséré dans le neuvième volume du journal de la Société de géographie de Londres (Royal geographical Society)

[206] Ben-Melikshah, né en 1086 à Sanjar, en Syrie, et mort à soixante-douze ans, quelques années avant le voyage de Benjamin. Il gouverna pendant vingt ans la province du Khorassan. Il conquit Samarkand en 1140. (Voy. Herbelot, de Guignes et Hammer.)

[207] Al-Fars-al-Kabir, suprême commandeur de la Perse.

[208] « La ville de Nishapour. » (Asher.)

[209] William Ouseley a publié un dessin de la pierre sculptée trouvée parmi les débris du tombeau de Daniel, d'après une esquisse faite par le capitaine Monteith dans ses Voyages en Perse (Travels in Persia, t. I, p. 420, pl. xxi). La pierre avait 22 pouces de long et 12 de large ; sur un de ses côtés était une inscription cunéiforme que malheureusement le capitaine Monteith n'avait pas copiée. Cet officier, et depuis M. Gordon, membre de l'ambassade anglaise, offrirent en vain des sommes considérables en échange de cette pierre ; en vain même M. Gordon obtint une fois l'autorisation du prince de Kirmanshah, les habitants du Shuster (Dizi, Foul) et autres localités voisines des ruines de Suse s'opposèrent à ce qu'on l'enlevât, au moment où elle était déjà embarquée sur le Kuran ou l'Eulaeus (l'Ulai de l'Écriture), en alléguant, que c'était un talisman tout-puissant contre la peste, les incursions et les autres maux les plus redoutables. Pour éviter toute tentative nouvelle des Anglais, les habitants firent entre eux une collecte de la valeur d'environ 1600 livres anglaises, et offrirent cette somme avec deux beaux chevaux au prince, qui, en reconnaissance, rendit un décret pour défendre l'enlèvement de la pierre. Il est probable, dit Ousekj, qu'elle est encore aujourd'hui gardée par le fakir ou derviche qui montre la tombe de Daniel.

Il est à regretter que le capitaine Monteith n'ait point dessiné les ruines mêmes du tombeau. Quant à la pierre qu'il 1 si imparfaitement dessinée, il y a toute apparence qu'elle faisait partie d'un monument assyrien.

Ker-Porter a aussi publié une esquisse de la même pierre (t. I de son Voyage, p. 415). Ce qu'il dit au sujet de Suse et du tombeau de Daniel (t. I, p. 411) n'est qu'un résumé de ce que lui avait rapporté M. Macdonald Kinneir, compagnon de voyage du major Monteith: « Les habitants distinguent dans les restes de Suze deux masses de ruines qu'ils nomment : l'une le château, et l'autre le palais; et au pied de la plus élevée est un petit bâtiment en forme de dôme, sous lequel on montre aux voyageurs la tombe du prophète Daniel. Un derviche garde et montre ce monument qui, bien que recouvert d’une construction moderne, est considéré par les Juifs, les Arabes et les musulmans comme étant d'une haute antiquité, et contenant bien réellement les restes du prophète. »

Prideaux estime qu'en effet Daniel mourut à Suze vers la troisième ou quatrième année du règne de Cyrus à Babylone.

L'historien Joseph parle d'un édifice immense construit à Suze par Daniel.

Aasim de Cufah, historien arabe mort en 731, fait mention de la découverte du tombeau de Daniel, à Suze. Ibn-Haukal, deux siècles après, donne la même indication.

L'ancien voyageur hébreu auteur des Cippi hebraici (Heidelberg, édit. 1659) semble confondre, en parlant de cette tombe, le Tigre avec l'Euphrate, et Babylone avec Suze.

Certains cylindres babyloniens ou assyriens présentent une déposition de figures entièrement analogue à celle que l'on remarque sur la pierre, c'est-à-dire un rang d'arbres, un astre d'animaux, un troisième de génies ou prêtres, etc.

[210] Rudbar. Ce nom s'applique à plusieurs districts de Perse situés aux bords des rivières. Le major Rawlinson croit avoir reconnu la ville citée par Benjamin sur les bords du lit large et profond de l'Abi-Sirvan. (Voy. le journal de la Royal geogr. Society, IX, 56.)

[211] Mulebet. (Voy. un passage de la relation de Marco-Polo qui se rapporte à ce district.)

[212] Amaria, peut-être Holwan, située à Sar-Puli-Zohab, sur la route de Bagdad à Kirmanshah. Le major Rawlinson croit que le district de Holwan a été appelé jadis Amraniyah.

[213] Huphthon. Ce sont les monts Zagros, habités par les Ali-Habis, d'après l'opinion du major Rawlinson, qui a commenté ce passage de Benjamin.

[214] Halmanesser lI. (Rois, XVII, 3; XVIII, 9.)

[215] Le syrien.

[216] Le maravedi-bueno avait, au moyen âge, la valeur de 2 schellings et 3 pence de nos jours. Le tribut était donc de 3 schellings par tête, ce qui équivaudrait aujourd'hui au moins à 15 schillings, ou environ dix-neuf francs.

[217] Benjamin visita la Perse en 1163. Ce serait donc vers 1153 qu'aurait apparu l'imposteur David El-Roï, ou David El-David, comme l'appelle R. Salomon B. Virga, auteur de l'histoire juive intitulée Shebet Jehuda, écrite au seizième siècle.

M. Munk a trouvé au département des manuscrits de la Bibliothèque impériale, dans un manuscrit arabe inédit, une Histoire de David El-Roï composée au douzième siècle par un Juif renégat.

[218] Shem hamphorash, littéralement, « le nom expliqué, les lettres du mot Jéhova interprétées, » mystère connu de peu de personnes, et au moyen duquel on peut opérer tous les miracles. Le Talmud attribue la puissance de Jésus à la connaissance qu'il avait de ce mystère. (Asher.)

[219] Les signes par lesquels elle doit se manifester.

[220] « Ils envoyèrent des copies de ces lettres à Sakhat, le chef des Juifs à Mossoul, et à R. Joseph l’astronome, qui est appelé Borhan-al-Fulkh, et y réside aussi, avec prière de les envoyer à David El-Roï. » (Asher.)

[221] Voy. de Guignes, Hist. des Huns, III, p. 169.

[222] « Vassal du roi de Perse et Turc de naissance. » (Asher.)

[223] Voici ce que Ker-Porter dit au sujet de ce monument : J’accompagnai le rabbin à travers les ruines jusqu'à un enclos un peu plus élevé que les habitations voisines. Au milieu était la tombe juive d'Esther, c'est-à-dire un carré de briques en forme de mosquée, et où un dôme allongé assez élégant au sommet. L'ensemble était en mauvais état. La porte est très petite, de même que les anciennes portes sépulcrales du pays, elle se compose d'une seule pierre très épaisse, tournant sur deux pivots d'un seul côté; la clé est toujours entre les mains du chef des Juifs, à Hamadan.

Le premier tombeau fut détruit, dit-on, par les Tartares sous la conduite de Timour, et celui qui existe maintenant aurait été élevé presque immédiatement après, sur la même place.

Nous entrâmes en nous courbant en deux, et nous nous trouvâmes dans une petite chambre voûtée étaient les tombes de plusieurs rabbis. Une seconde porte s'offrit à nous, il fallut, pour passer à travers, marcher sur nos mains et sur nos genoux. Nous nous levâmes ensuite, et nous vîmes que nous étions dans une assez vaste salle, sous le dôme; au milieu sont deux sarcophages en bois sombre et sculptés avec une complication de lignes et une richesse d'ornements remarquables; une ligne de caractères hébreux court autour de la bordure supérieure de chacun d'eux. Beaucoup d'autres inscriptions sont gravées sur les murailles : la plus ancienne, et qui échappa, dit-on, à la ruine du premier édifice, est gravée sur une tablette de marbra blanc incrustée dans le mur. »

Ker-Porter donne la traduction de ces inscriptions.

Celle de la tablette de marbre est une louange de Mardochée.

Celles du sarcophage de Mardochée et d'Esther sont des prières à Dira.

M. Eugène Flandin donne des détails plus récents :

« Hamadan, dit-il, est une des contrées où, en Asie, se sont groupés en plus grand nombre les Juifs ou Yaoudis, cornue on les appelle. On en compte deux cents familles. J'attribue leur prédilection pour cette ville à une tradition dont l'histoire ne fournit pas la justification, mais qui, complètement avérée pour les Juifs, rapporte que la reine de Suze Esther, ainsi que son oncle Mardochée, ont été enterrés en cette ville. On y voit, en effet, un mausolée qui, assure-t-on, recouvre et conserve les restes de ces deux célébrités de la race hébraïque. Les Israélites d'Orient accourant de toutes parts en pèlerinage au pied de ces deux tombeaux qu'ils ont en très grande vénération. Ils viennent y célébrer de cette manière une de leurs plus grandes fêtes, appelée Parim. Cette solennité rappelle l'anniversaire de l'indépendance qu'ils recouvrèrent sous les Macchabées. Parmi les souvenirs antiques qui survivent dans cette localité, il n'en est pas un qui doive produire sur l'âme du voyageur plus d'impression que celui de cette fille benjamite profitant de sa beauté et de ses vertus pour affranchir sa nation de la honteuse humiliation sous laquelle la tenait Assuérus. Cette noble vie, racontée par l'histoire, illustrée par Racine, n'entoure-t-elle pas de son prestige cet honnête tombeau, dont la simplicité égale celle des vertus de la belle Juive ?

» Le monument qui conserve ces précieuses reliques s'élève sur une petite place, au milieu des ruines d'un quartier abandonné aux familles israélites. Son antiquité ne paraît nullement authentique, d'après son architecture. Le dôme et l'extérieur n'offrent aucune différence avec le style des sépultures musulmanes appelées imân-zadêh que l'on rencontre partout en Perse. L'intérieur se divise en deux salles. La première est fort petite; on y pénètre par une petite porte très basse, fermée par un battant en pierre d'un seul morceau; elle est obscure et n'est éclairée que pour les solennités, au moyen de petites lampes qu'on allume dans ces occasions. La porte qui conduit dans la seconde salle est encore plus basse que l'autre ; il faut, pour la franchir, ramper sur les genoux. De l'autre côté de cette ouverture, on se trouve dans un réduit obscur que traversent quelques faibles rayons de lumière, qui permettent à peine de distinguer les deux cénotaphes en bois noir sculpté qui y sont placés l'un à côté de l'autre. Ils sont exactement semblables quant à la forme et aux détails, mais celui d'Esther est un peu moins grand. Sur les parois de murs blanchis avec soin, sont gravées plusieurs inscriptions en hébreu, qui font remonter à onze cents ans la construction du monument actuel. Elles portent textuellement qu'il est dû à la piété des deux fils d'un certain Ismaïl, Israélite établi alors à Kachân. Pourquoi cet Ismaïl a-t-il élevé ce monument en ce lieu? C'est ce qu'il est impossible d'apprendre. Il est probable que les traditions restées parmi les Juifs leur ont appris que les restes d'Esther et de son oncle ont été apportés de Suze à Hamadan. Mais ce fait ne se rattache aucunement à ceux que l'histoire nous a conservés sur Assuérus et la belle Esther. » (Voyage en Perse, t. Ier, ch. xxiv, p. 384 et 385.)

[224] Shiraz ou Fars? (Voy. un Mémoire de Ritter sur cette ville, Erdkunde, VIII, p. 847 et suiv.) « Askaras, au delà de Nischabour? en changeant kar en fer, Asferar, canton de Herat, ou Esferain? » (Lelewel.)

[225] Voy. sur cette ville la carte et le Mémoire du lieutenant Zimmerman publiés en 1840 à Berlin.

[226] Marco-Polo parle de cette ville, capitale de la Transoxiane. On en trouve une longue description dans Ibn-Haukal et dans Edrisi.

[227] Chazvin ou Caswin, chaînes qui limitent les provinces modernes de Ghilan et de Mazandéran, séparent ces provinces de l'Iran, enferment la mer Caspienne, et s'étendent par plusieurs ramifications jusqu'à Nishapour, dans le Khorassan persan.

[228] Diverses considérations que font valoir Rennel dans son Système géographique d'Hérodote, 2e édit., vol. Ier, p. 521, et Morier dans son second Voyage, p. 207, tendent à confirmer ces assertions.

[229] « Kizil Ozein. » (Asher.)

[230] « De la tribu de Lévi. » (Asher.)

[231] Caphar-Tarac, dénomination dont se sert également Edrisi, et que M. Jaubert traduit par Turcs infidèles. Ce sont les Ghouzes ou Gouzes. Hammer établit que deux mille familles de cette race ayant embrassé le mahométisme, en 960, furent appelées Turcmans ou Turcomans, c'est-à-dire croyants ou convertis, tandis que ceux qui étaient restés fidèles à leur ancienne foi furent nommés Turcs infidèles.

« Les nomades dont il est fait mention dans ce passage de Benjamin, dit M. d'Ohsson, auteur de l’Histoire des Mongols, sont les Gouzes, dont le vrai nom est Ogouzes, peuple turc, alors païen, qui avait émigré, dans le douzième siècle, des contrées au nord de l'Oxus. Il habitait, deux cents ans auparavant, selon le géographe arabe Haukal, qui florissait à celle époque, le pays de plaines arides qui environne le lac Aral et le Khorassan. Ayant obtenu du souverain du Khorassan la possession d'un district, dans la province de Tokharistan, à l'est de la ville de Balkh, il passa le Djihoun et alla s'y établir.

« La population de ces Turcs-Gouzes était, d'après l'historien persan Mirkhond, d'environ 40.000 familles ou tentes, qui payaient annuellement un tribut de 24000 moutons à leur suzerain, le sultan Sindjar, de la dynastie des Seldjoucks, qui régnait sur le Khorassan. Mais dans l'année de l'hégire 548 (1158), les Gouzes se révoltèrent et défirent le gouverneur de Balkh. Sindjar marcha contre eux en personne. Le jour du combat, ses troupes prirent la fuite ; il fut poursuivi et fait prisonnier. Les Gouzes vainqueurs entrèrent dans la ville de Merv, résidence du sultan, et la saccagèrent; ils marchèrent de la sur Nischabour, qui éprouva le même sort ; puis les nomades se répandirent dans tout le Khorassan, qu'ils mirent à feu et à sang, hors la ville de Balkh, trop bien munie pour se laisser prendre. A la suite de cette dévastation, une famine cruelle acheva de désoler le pays. Sindjar, prisonnier, s'évada en 551 (1156), et revint à Merv, où il mourut peu de mois après, en juin 1157.

« En 554 (1159), les Gouzes s'emparèrent une seconde fois de Nischabour; en 556(1161), ils défirent le roi de Tabaristan. Depuis cette époque il n'est plus question de ces nomades dans l'histoire de Perse, et l'on n'y trouve point qu'ils aient saccagé la Ville de Rao, dans le royaume de l'Irak, qui appartenait à une autre branche de la dynastie des Seldjouks. »

[232] M. Asher suppose que ces cinq mots ont été ajoutés par un copiste.

[233] Dans le golfe Persique.

[234] Kish. Il faut décomposer le mot hébreu Nekrokish et lire nikra (appelée) et kish. (Asher.) — (Voy., sur cette île, la relation de Néarque, dans notre premier volume, et celle de Marco-Polo.)

Deux auteurs persans, Hamdallah Mastoufi ou Cazvini et Hafis Abru, attribuent la chute de la ville de Siraf, qui était sur le continent, à la prospérité de l'île de Kish sous les souverains Dilémites, dont la dynastie s'éteignit au onzième siècle. Cazvini ajoute qu'au treizième siècle les navires qui venaient de la Perse, de l'Inde et de l'Arabie relâchaient à Kish, centre d'un commerce très considérable. L'énumération que fait Benjamin des produits qui se vendaient sur le marché de l'île est exacte et s'accorde avec ce qu'ont écrit à ce sujet Vincent, Renaudot et Stuwe.

Parmi les documents les plus récents sur Kish, on peut recommander aux lecteurs une description du lieutenant Kemptborne, publiée dans le cinquième volume du Journal de la Société anglaise de géographie.

[235] El-Cathif, en Arabie, chez les Wahabis, sur le bord du golfe Persique.

Ibn-Batouta appelle cette ville Kotaif ; il en vante la grandeur, la beauté, et ajoute qu'elle est habitée par des Arabes de la secte Rafiza, très enthousiastes, exprimant hautement leurs sentiments et ne craignant point ceux des autres.

« Katif, dit Malte-Brun, paraît être l'ancienne Gerr, bâtie en pierre de sel. Les habitants de cette ville subsistent principalement par la pêche des perles. »

« La ville, dit Balbi, est fortifiée et protégée par une citadelle. Le capitaine Sadler ne lui accorde que six cents habitants. C’est la place la plus commerçante de cette partie de l'Arabie. »

[236] Avril.

[237] Octobre.

[238] Edrisi dit aussi : « Cette production, d'après le rapport des riverains du golfe Persique, résulte principalement des plûtes de février. S'il ne pleut pas dans cette saison, les plongeurs n’en trouvent point de toute l'année. C'est un fait considéré comme incontestable, et dont la réalité ne forme, dans le pays, le sujet d'aucun doute. »

[239] Choulan, aujourd'hui Quilon, 8º 53' lat. nord, sur la côte de Malabar, d'après Ritter. Baratier avait pensé à tort qu'il s'agissait de Ceylan.

Ibn-Batouta aborda trois fois à Quilon dans le cours de son pèlerinage. Plusieurs passades de sa relation confirment ce que va rapporter Benjamin. « Le Malabar, dit-il, est le pays du poivre noir; on condamne à mort celui qui vole une seule noix, ou même un grain de quelque fruit que ce soit : aussi les voleurs sont-ils inconnus dans cette contrée, et ce qui tombe d'un arbre n'est jamais touché par personne, excepté par le propriétaire. »

[240] Edrisi dit du roi de Choulan qu'il adore l'idole de Bouddha.

Ibn-Batouta remarque seulement que c'est un infidèle.

L'observation de Benjamin est exacte. Les adorateurs du feu, les guèbres, cherchèrent un refuge au Malabar, où l'on trouve encore leurs descendants, hommes actifs et intelligents.

[241] On s'étonne que Benjamin ait omis de parler des Juifs blancs. Il faudrait supposer que leur colonie, qui arriva en effet longtemps après celle des Juifs noirs, ne s'était pas encore établie dans ce pays au temps où notre voyageur visita l'Asie et y recueillit ses renseignements.

Voy. sur ces Juifs noirs et blancs le récit du docteur Claudius Buchanan, Christian Researches, Edimbourg, 1812; et Ritter, Erdkunde, V, 595 et suiv.

[242] « A l'île de Ceylan. » (Asher.)

[243] Druses. Benjamin les appelle sans doute ainsi parce qu'il se rappelle la secte de Syrie qui croyait à la métempsycose.

[244] « Le roi de cette île, dit Edrisi, a seize vizirs, dont quatre de sa nation, quatre chrétiens, quatre musulmans et quatre juifs! Il leur a assigné un lieu où se réunissent les personnes appartenant à ces nations, et où l'on écrit leurs actes judiciaires et leur histoire. Auprès des docteurs de toutes ces sectes (je veux dire des Indiens, des Grecs, des musulmans et des Juifs), se réunissent divers individus et grand nombre d'hommes de différentes races, qui apprennent de bonne heure à écrire les actes de leurs prophètes et l'histoire de leurs anciens rois, et qui s'instruisent dans la science des lois, et, en général, des choses qu'ils ignorent. »

[245] Benjamin de Tudèle paraît être le premier voyageur européen qui ait fait mention de la Chine.

[246] Cette tradition est très ancienne.

[247] On a vu que l'opinion commune était que les Chinois avaient peuplé une partie de cette île (Ceylan), et que le nom de Chingola, Chingala ou Singhala, vient d'une colonie chinoise établie à la pointe de Gale par quelques Chinois que la tempête y avait portés.

Baratier, dans une longue note sur ce passage, a cherché à prouver que Benjamin de Tudèle avait visité les îles Gangarides, à l'embouchure du Gange.

[248] Ritter croit que ce peut-être l'île de Socotra, à l'entrée du golfe Persique.

[249] « Sebid, dit Edrisi, est grande, très peuplée, très opulente; il y a un grand concours d'étrangers et de marchands de l'Hedjai, de l'Abyssinie et de l'Egypte supérieure, qui y arrivent par les bâtiments de Djidda. Les Abyssins y amènent des esclaves. On en exporte diverses espèces d'aromates de l'Inde, diverses marchandises chinoises et autres. Cette ville est située sur les bords d'une petite rivière, à 433 milles de Sanara. »

[250] En traversant la mer Rouge, ou mer de Hind.

[251] L'Inde moyenne ou continentale, c'est-à-dire l'Abyssinie, et peut-être l'Arabie jusqu'au golfe Persique. (Voy. la relation et la carte de Marco-Polo.)

[252] Adel?

[253] « Renseignement biblique confus et déplacé ; cet Éden et ce Telassar étaient du pays d'Azam, Syrie du temps du roi David. » (Lelewel.)

[254] « L'Afrikia des Arabes. » (Lelewel.)

[255] Assouan, Syène.

[256] « Du pays des noirs. » (Asher.) — L'Abyssinie.

[257] Dans la Nubie, dit Massoudi, dans la partie supérieure de l'Abyssinie, près des sources du Nil, on trouve une espèce de singes que l'on appelle nubiens. Ils sont de petite taille et d'une couleur noire peu foncée, comme le teint des Nubiens. C'est cette espèce de singes que les bateleurs mènent avec eux.

[258] Holvan, « bourg à l'orient du Nil, à deux parasanges de Fostat. » (Aboulféda.)

[259] Zavila. « On y compte beaucoup de négociants riches et intelligents, dit Edrisi ; leurs connaissances commerciales sont très étendues, et leur régularité dans les affaires est au-dessus de tout éloge. »

De Zuila, les caravanes s'avançaient au sud vers Gana, dans l'intérieur de l'Afrique.

« La cité qui porte ce nom, dit Ibn-al-Onardi, est une des plus grandes du pays des noirs. Tous les marchands des autres contrées s'y rendent pour y avoir de l'or, que l'on trouve sur la terre. On y porte des figues, du sel, du cuivre, de l'ouada, et on n'en retire que de l'or. »

[260] « Il est clair qu'étant en Egypte, Benjamin a rencontré les Israélites de Bedja, les marchands venant du fond de Magreb; mais en relatant ce qu'ils lui ont dit il s'embrouille, et enveloppe leurs renseignements dans ses explications bibliques. Ainsi biblisant, il donne une excessive extension à Habesch, parce qu'il pense que c'est Kousch ; Havila et Kousch étant Soudan, où est Gana, il en résulte que Habesch s'étend du côté de l'occident. » (Lelewel.)

[261] « C'est, dit Aboulféda, le premier endroit où s'arrêtent les caravanes qui viennent des mers de l'Inde, de l'Abyssinie, du Yémen et du Hedjaz, en traversant le désert d'Aïdali. Kous renferme un grand nombre de fondouks, de maisons particulières, de bains, de collèges, de jardins, de vergers, de potagers. Sa population se compose d'artisans de toute espèce, de marchands, de savants et de riches propriétaires. »

[262] Fajuhm, Faioum ; mais cette ville est à plus de huit journées de Kous.

[263] Naisz-al-Atik, ou Fostat, Memphis, le Caire.

[264] « Vers la fin du troisième volume de la Description de l’Egypte, par Makrizi, se trouvent quatre chapitres sous les titres suivants : 1° Des synagogues des Juifs; 2° De l'ère des Juifs et de leurs fêtes; 3° Des opinions et de la croyance primitive des Juifs, et de quelle manière il est survenu parmi eux des changements ; 4° Des différentes sectes qui partagent aujourd'hui les Juifs. Dans le premier de ces chapitres, il est dit que les Juifs ont un grand nombre de kenisset en Egypte, et l'on observe que kenisset est un mot hébraïque signifiant « lieu où l'on s'assemble pour la prière. » L'auteur fait mention de plusieurs de ces synagogues. Dans l'article Kenisset Demouh, il rapporte la vie de Moïse, et dans celui de Kenisset Djaoudjer se trouve la vie du prophète Élie. » (D'Ohsson.)

[265] On célébrait cette fêle le dernier jour de la fête des Tabernacles. (Deut., XVI, 13,15.)

[266] Avec la fête des Semaines. (Deut.; XVI, 9.)

[267] « Tso'an, dans la ville de Mitzraïm, qui est la métropole de ces Arabes. » (Asher.)

« Benjamin de Tudèle, dit Niebuhr, appelle Tsohan le château situé outre la ville et la montagne de Mokaltam, sur un rocher séparé de cette montagne, et il semble par conséquent que les Juifs d'Egypte, du temps de Benjamin, aient cru que la ville de Zoan, dont il est fait mention dans l'Ecriture sainte, avait été située dans cet endroit. »

[268] « Quoique de même foi que les califes de Bagdad, la diversité des sentiments mit une telle haine entre ces deux princes que, dans les prières publiques, on prononçait à Bagdad l'anathème contre les califes d'Egypte, pendant qu'au Caire on faisait la même cérémonie contre ceux de Bagdad. » (De Guignes.)

[269] Il paraît évident par ces passage que Benjamin visita l'Egypte avant 1171. Adhed, le dernier des califes de la dynastie fatimide, mourut cette année même, et depuis quelque temps son autorité avait été à peu près anéantie par les conquêtes de Nour eddin. Le nom de calife de Bagdad fut substitué à celui d'Adhed dans le service public ; ce fut le neveu de Nour eddin, le célèbre Saladin, qui en donna l'ordre.

[270] « Item, il y a au Kaire, droit devant Babillonne, emmy la rivière, une illette petite très bien habitée, fremée autour de maysons, où il y a une mayson basse fondée en l'eaue, en laquelle il y a un piller de marbre où l'eaue de la rivière vient frapper. Lequel est ensignie de plusieurs enseignes de trais qui sont paus, piez et pickes, et par che piller cognoist-on aus ditles enseignes quand la rivière croist et quantes pous ou qualités paumes, quans piez ou quantes pickes ebasc une nuit est crute. Et y a un propre maistre pour ce cognoistre, aux gaiges du Soudan, qui va crier parmi le Kaire le cruchon de l'eau pour resïoir le peuple.

« Item, quand elle vient à xvi pickes de haut audit pillier, le peuple du Caire fait joie, et monte le Soudan sur une gallëe ache ordonnée, et va lui-meismes retaillier et ouvrir la bouche d'un grant fossez fait à la main qui part de la rivière et passe parmi Babilonne, et lors par là sespart leaue du Nil par plusieurs petis bras et fossez parmi le Kaire es jardins et ou pays autour. » (Rapport de messire Guillebert de Lannoy, chevalier. Sur les situations de plusieurs villes, port et rivières par lui failles. Manuscrit du commencement du quinzième siècle, conservé à la Bibliothèque bodléienne d'Oxford, et publié dans le vingt et unième volume de l’Archœologia.)

Messire Guillebert de Lannoy avait été envoyé en Syrie et en Egypte par Henri V d'Angleterre.

[271] Voici ce que Makrizi rapporte sur la ville de Fosttatt, à la un du premier volume de sa Description de l’Egypte :

« Selon El-Djerheri, auteur d'un dictionnaire arabe très estimé, El-Fosttatt est une tente faite de poil; le même dit que Fosttatt est la capitale de l'Egypte.

« Sachez que le Fosttatt d'Egypte fut fondé après la conquête de l'Egypte par les musulmans, et devint sa capitale. Ce pays était antérieurement au pouvoir des Boums et des Cophtes, Après la fondation de Fosttatt par les musulmans, le siège du gouvernement y fut transféré d'Alexandrie, qui avait été pendant plus de neuf cents ans la capitale de l'Egypte. Dès lots El-Fosttatt fut la résidence des gouverneurs de ce pays, et continua à l'être jusqu'à ce que, dans le voisinage de cette ville, eût été bâtie Et-Asker, qui devint le lieu ordinaire de leur séjour. Néanmoins, quelques-uns d'entre eux demeuraient souvent à Fosttatt. Mais lorsque l'émir Aboul-Abbas-Ahmed, fils de Toutoun, eut fondé El-Cattaï, près d'El-Asker, il y fit sa résidence, et ses successeurs, jusqu'au dernier des Toulonides, suivirent son exemple. Après eux, les gouverneurs de l'Egypte résidèrent à El-Asker jusqu'à l'invasion du pays par l'arrivée de Moïzz-li-Din-Illahi le Fatimide, sous les ordres de son chancelier Djerher-el-Caïd. Djerher bâtit El-Cahiret (le Caire), et y demeura avec ses troupes. Moïzz, à son arrivée, habita son palais dans le Caire, et cette ville fut la résidence des califes. Mais Fosttatt n'en devint pas moins si florissante, que pour la quantité de ses édifices et le nombre de ses habitants aucune autre ville du monde ne pouvait lui être comparée, hors Bagdad. Elle conserva cet état de prospérité jusqu'à l'invasion des Francs. Lorsque Méri (Amaury, Amalrich), roi des Francs, eut posé son camp sur les bords du petit lac de Habesch (non loin du Caire), le vizir Shaver, jugeant qu'il ne pourrait pas défendre à la fois les deux villes de Fosttatt et du Caire, ordonna aux habitants de la première de l'évacuer, et de s'enfermer dans la seconde pour s'y mettre en sûreté contre les Francs. Le Caire était alors une ville très forte et bien défendue, en sorte que les habitants de Fosttatt obéirent sans grande répugnance, et passèrent tous au Caire. Shaver fit mettre le feu à Fosttatt, et dans l'espace de cinquante et quelques jours, cette ville fut en grande partie consumée. Lorsque Méri se fut retiré, et que Shircouh se fut emparé du vizirat, les habitants retournèrent à Fosttatt; mais cette ville ne put jamais se relever de ses ruines. Cependant elle est encore appelée de nos jours cité de l'Egypte (c'est le vieux Caire). »

[272] « En Egypte, dit de Sacy, on donne au Nil le nom de mer; en sorte que quand on veut désigner réellement la mer, soit la Méditerranée, soit le golfe Arabique, on y ajoute l'épithète salée. » La même appellation est employée dans la Bible.

[273] Août.

[274] Septembre.

[275] « On fermait, observe Abdallatif, les ouvertures pratiquées dans les chaussées, et les arches des ponts, au moment où le Nil avait cessé de croître, afin d'empêcher les eaux de se retirer vers le fleuve, et de les forcer de s'accumuler du côté voisin des terres. Alors on plaçait des filets, et on laissait l'eau prendre son cours. Le poisson, entraîné par le courant de l'eau, arrivait aux filets, qui l'empêchaient d'aller plus loin et de redescendre avec l'eau ; il s'amassait donc dans les filets. On le tirait ensuite à terre, on le déposait sur des tapis, on le salait et on le mettait dans des vases, et lorsqu'il était suffisamment fait, on le vendait sous le nom de salaisons et de sir. On ne préparait ainsi que le poisson qui était de la taille du doigt et au-dessous. Cette même espèce, quand elle est fraîche, se nomme absaria; on la mange rôtie et frite. »

[276] Edrisi admet la même division, et appelle canaux deux des branches.

[277] Benjamin omet la quatrième.

[278] « Cette contrée est tellement peuplée, que les villes ne sont distantes entre elles que d'une journée ou de deux au plus, et que les villages s'y touchent, pour ainsi dire, de tous côtés, et sur les deux rives du fleuve. Sur ses divers canaux on voit de toutes parts des villes florissantes et des bourgs très peuplés. » (Edrisi.)

[279] « Moïse, dit Abdallatif, faisait sa demeure dans un village du territoire de Djizeh peu éloigné de la capitale, et qui se nommait Dimouh. Les Juifs y ont aujourd'hui une synagogue. Les ruines de Memphis occupent actuellement une demi-journée de chemin en tout sens. »

Dimouh est une dénomination commune à plusieurs lieux en Egypte. Il y a trois villages de ce nom dans le Paygoun; celui dont il est question ici appartient au territoire de Djizeh, et il en est fait mention dans les cadastres de l'Egypte.

Makrizi, dans le chapitre de sa Description historique et topographique de l'Egypte et du Caire, intitulé : Des synagogues des Juifs, dit :

« Du nombre des synagogues qu'ont les Juifs en Egypte est celle de Dimouh, à Djizeh. C'est le principal objet de la vénération des Juifs en Egypte; car ils croient tous, sans hésiter, que ce lieu est celui où Moïse, fils d'Amran, faisait sa demeure, à l'époque où il rapportait à Pharaon les ordres qu'il recevait de Dieu, pour les lui annoncer, pendant tout le temps de son séjour en Egypte, depuis son retour du pays de Madian jusqu'à l'instant où il sortit d'Egypte avec les enfants d'Israël. Les Juifs disent aussi que l'édifice que l'on voit aujourd'hui à Dimouh fut bâti quarante ans après la dernière destruction de Jérusalem par Titus, plus de cinq cents ans avant l'islamisme. Dans cette synagogue est un arbre de rizlaght d'une grandeur immense. Les Juifs ne doutent aucunement que cet arbre ne soit du temps de Moïse; ils disent que ce prophète ayant planté son bâton en cet endroit, Dieu fit naître de ce bâton cet arbre; qu'il demeura dans toute sa beauté, couvert de branches vertes, avec un tronc égal, épais et parfaitement droit, qui s'élevait vers le fiel, jusqu'au temps où Mélik-al-Aschraf Schaban, fils de Hosein, bâtit au-dessous de la citadelle le collège qui porte son nom. Ce prince, à qui l'on avait vanté la beauté de cet arbre, donna ordre qu'on le coupât pour le faire servir à la construction de cet édifice. Lorsqu'on vint le lendemain pour exécuter l'ordre du prince, on trouva que l'arbre était devenu tortu, s'était courbé, et n'avait plus qu'un aspect affreux. On le laissa donc, et il demeura en cet étal pendant un assez long espace de temps. Ensuite, il arriva qu'un Juif se rendit coupable d'un (acte défendu) sous cet arbre. Dès ce moment ses branches s'inclinèrent vers la terre, ses feuilles tombèrent, et il sécha, en sorte qu'il n'y resta pas une seule feuille verte. C'est en cet état qu'on le voit encore aujourd'hui. En un certain jour de l'année les Juifs viennent en pèlerinage, avec toute leur famille, à cette synagogue; ce jour-là est celui de la promulgation de la loi, au mois de sirvan ; cela leur tient lieu de l'obligation où ils étaient d'aller à Jérusalem. »

Benjamin de Tudèle désigne d'une manière peu exacte l'emplacement de cette synagogue.

[280] Distance excessive. La distance réelle excède à peine une parasange.

[281] « Ain-Schams (source du soleil) est ainsi appelée de l'ancienne Héliopolis des Grecs, dont les ruines se font voir près de Matarieh ; de façon que Denjamin, avec les autres, a pu supposer, parmi les édifices bâtis par les Israélites, des édifices de Ramsès, et qualifier la ville de ce nom. Les tours de briques sont appelées aiguilles de Pharaon par les Arabes. Quant à Izkal, je ferai observer qu'Ibn-al-Ouardi parle d'une grande ville, Kalioub, située à l'occident d'Ain-Schems. Elle comptait 1700 jardins, et il n'en reste que peu et son nom célèbre. Peut-être cette Kal voisine, parvenue à un haut degré de puissance et de grandeur, a-t-elle fourni à Benjamin l'appellation de Izkal. » (Lelewel.)

[282] Albutidj, Aboutieg, Boutig, située, d'après Aboulféda, sur le bord oriental du Nil, à peu de distance d'Osion.

[283] Sephita, Zifita, port situé à l'extrémité supérieure de l'île où le Nil se partage en deux branches, vis-à-vis Sautout ou Chamout.

[284] Damira, petite ville située sur la rive occidentale du canal, où l'on fabrique de jolies étoffes appelées shoroubes, destinées à l'exportation, et où se fait beaucoup de commerce.

[285] « Il y a en Egypte une centaine de mahalats (habitations), dit Aboulféda. Aucune de celles de la basse Egypte n'a besoin de cinq journées pour arriver de Damira ; plusieurs de ces mahalats se trouvent à la distance de deux journées d'Alexandrie. Du temps d'Aboulféda, la plus renommée était Mahalat-Dakla, aujourd'hui c'est Mahalat-al-Kebir, située presque sous les murs de Damira. Dans cette abondance d'habitations égyptiennes, je pense que Mahalat-Meleh, située sur le bras du Nil de Rosette, en suivant le chemin vers Alexandrie, est préférable à toutes les autres. Mais, en ce cas, il faut absolument corriger les cinq journées du texte en huit parasanges. A la suite sont les deux (petites) journées jusqu'à Alexandrie. » (Lelewel.)

[286] « Quant à Alexandrie, dit Edrisi, c'est une ville bâtie par Alexandre, qui lui donna son nom. » — « Alexandre, fils de Philippe, étant monté sur le trône, et étant venu en Egypte, il y bâtit la ville d'Alexandrie. » (Makrizi, cité par de Sacy.) — M. Langlès dit, au contraire : « Malgré l'opinion, généralement adoptée, qui attribue la fondation de cette ville au conquérant dont elle porte aujourd'hui le nom, je n'hésite pas à lui contester le titre de fondateur. »

[287] « Je pense, dit Abdallatif, que cet édifice était le portique où enseignait Aristote, et après lui ses disciples, et que c'était là l'Académie que fit construire Alexandre quand il bâtit cette ville, et où était placée la bibliothèque que brûla Amrou-ben-Alâs, avec la permission d'Omar. »

[288] Edrisi dit : « Les eaux du Nil, qui coulent à l'occident de cette ville, passent par des aqueducs au-dessous des maisons. »

[289] Voy. la relation d'Arculfe par Adamnan sur ce même site.

« La petite tour située à l'entrée du port d'Alexandrie n'offre plus aucun vestige du monument dont elle a conservé le nom. Malgré la diversité d'opinion des auteurs arabes, grecs et latins, touchant la fondation du phare ; malgré les contes hyperboliques auxquels il a donné lieu, on ne peut douter qu'il n'ait existé, et qu'il ne méritât même une place parmi les merveilles du monde. Le voile impénétrable qui nous en dérobe l'origine m'autorise en quelque sorte à croire que sa fondation a dû suivre de près, peut-être même précéder celle de Kayoudah ; car il est difficile de décider si le phare a été construit pour la sûreté de la ville, ou pour celle des vaisseaux. Néanmoins, il remplissait ce double objet par le moyen des feux qu'on y entretenait pendant la nuit, et d'un miroir ou espèce de télescope placé au-dessus d'un dôme qui couronnait son sommet. Les merveilles que l'on raconte touchant ce miroir pourraient inspirer des doutes fort plausibles sur son existence, si l'on ne connaissait l'époque de sa destruction et de celle du phare. En outre, les observations des astronomes arabes et la description de leurs instruments ne permettent pas de douter qu'ils ne fissent usage de verres ou lunettes à longue-vue, à travers lesquelles on regardait les objets ou qui réfléchissaient de très loin, comme le miroir dont il s'agit. Si l'on en croit les Arabes, te fameux observatoire d'Alexandrie était placé dans le phare. Ce miroir avait cinq palmes (environ 3 pieds 9 pouces) de diamètre. Certains auteurs disent qu'il était de cristal, d'acier de la Chine poli, ou de différents métaux fondus ensemble ; suivant d'autres, des vedettes munies d'une cloche et placées auprès de ce miroir, y découvraient les vaisseaux en haute nier et les signalaient aux habitants de la ville. En temps de guerre, ceux-ci pouvaient se mettre sur la défensive, et ne craignaient point d'être surpris. Ce miroir paraît avoir longtemps résisté aux différents échecs que le pirate éprouva.

» El-Ouâlyd-ben-Abdoul-Melek-ben-Merouân, le sixième calife des Omeyades, vécut dans une guerre continuelle avec les empereurs grecs. L'un d'eux, connaissant l'avidité et la stupidité crédule d'El-Ouâlyd, voulut en profiler pour détruire un monument qui contribuait à la sûreté de la principale ville de l'Egypte. Il chargea de cette opération importante un de ses favoris, plein d'adresse, à qui il donna des instructions particulières. Ce personnage aborda en Syrie comme un favori disgracié que son souverain irrité voulait faire périr. Il accompagna cette imposture de détails également controuvés et capables cependant de lui attirer la confiance du calife ; enfin il poussa la fourberie jusqu'à embrasser l'islamisme en présence d’El-Ouâlyd. Pour se rendre encore plus agréable, il lui annonça des trésors cachés à Damas et autres lieux de la Syrie, lesquels étaient indiqués et représentés dans un livre qu'il avait apporté avec lui. Les richesses et les bijoux qu'El-Ouâlyd trouva en effet dans ces trésors exaltèrent son imagination et ne firent qu'exciter son avidité. Le Grec sut adroitement profiter de ces dispositions pour lui insinuer que, sous le phare d'Alexandrie, on trouverait des richesses entassées par Alexandre, qui en avait hérité de Chédâd, fils d'A'âd, et d'autres rois d'Egypte. Le prince des fidèles, séduit par ces récits, résolut de faire des fouilles, et chargea son nouveau favori de les diriger. Il le mit à la tête d'un certain nombre d'ouvriers. Leurs travaux avancèrent rapidement ; la moitié du phare fut bientôt démolie, et le miroir enlevé. Cet événement causa la plus vive indignation, et l'on s'aperçut alors de l'insigne fourberie du Grec; mais dès que celui-ci se vit découvert et sut que le calife était instruit de ce qui venait d'arriver, ayant d'ailleurs rempli ses projets, il s'enfuit pendant la nuit sur un bâtiment qu'il avait fait préparer. » (Voy. l'édition du voyage par Norden, Voyage III, p. 162, édit. de Langlès.)

« Cet édifice, dit Edrisi, en parlant du phare d'Alexandrie, est singulièrement remarquable, tant à cause de sa hauteur qu'à cause de sa solidité ; il est très utile en ce qu'on y allume nuit et jour du feu pour servir de signal aux navigateurs durant leurs voyages ; ils connaissent ce feu et se dirigent en conséquence, car il est visible d'une journée maritime (100 milles) de distance. Durant la nuit, il apparaît comme une étoile ; durant le jour, on en distingue la fumée. »

[290] Tod'ros, Theodoros.

[291] D'après Norden, le grand et le petit phare étaient surmontés de minarets. Il existe encore un minaret sur l’emplacement du phare.

[292] Balentia. De Valence? Florence? la Sardaigne?

[293] Malaga, suivant Lelewel; Amalfi, suivant Asher.

[294] Kartoïah. Cordoue? Carthagéne? Cortone? Crète?

[295] Espania, Asbania, l'Espagne, qui était bornée alors au sud de la Sierra et de la Castille.

[296] Du Roussillon?

[297] De la Saxe.

[298] « De l'Angleterre? » (Asher.) — « Holsat, figurant de bonne heure sur les cartes du moyen âge, dit Lelewel. »

[299] Hainaut, suivant Asher. — « Hiter, que je ne connais pas. » (Lelewel.)

[300] Normandie?

[301] Frania, Ile de France.

[302] France moyenne, centrale; Media, Médiana, appellation carlovingienne.

[303] Algarve, partie du Portugal.

[304] Mésopotamie.

[305] Syrie.

[306] Fonteecho, son comptoir, son magasin ; même origine que le mot grec pandoieton.

[307] Une des catacombes, un des hypogées remarqués par tous les voyageurs.

[308] Les Arabes l'appellent kureijeh (ville en ruines). Wadi Gharandel selon la traduction anglaise.

[309] Thor-Sinaï. Ce bourg existe encore.

[310] « De Mitzraïm. » (Asher.)

[311] L'ancien Hérakléopolis, Almas d'Edrisi, ville située dans une île du lac Menzaleh, dit de Sacy.

[312] « L'Ionide, la mer Ionienne. » (Lelewel.)

[313] Guillaume II.

[314] Château, palais fortifié.

Guillaume II de Sicile avait doute ans lorsque son règne commença, en 1166. Pendant sa minorité la reine douairière, Gentilis, fut régente, et elle éleva à la dignité de chancelier Etienne de Rotrou, fils du comte de Perche. Etienne devint archevêque de Palerme, gouverneur et vice-roi du royaume.

[315] Buheira est le mot arabe signifiant lac.

[316] Spallanzani rapporte que le produit de la pêche du corail, à Messine, s'élevait, de son temps, à douze quintaux, le quintal étant de 250 livres.

[317] Morœna, Moraïna, Moriana, le mont Maurienne.

[318] « Itania est le petit passage du Saint Bernard qualifié Itania de Tignes, village qui se trouve à droite. » (Lelewel.)

[319] Peut-être Méran. — « Lothaire II mourut en 1137 dans une ville de Bredin que l’on croit être aujourd'hui Bennetau, dans l'Innital du Tyrol, non loin de Méran, près des sources de Lech. » (Lelewel.)

[320] Selon Lelewel, ce serait Kuttenberg, Koutna-Gora en Bohême, lieu renommé par ses mines d'argent.

[321] Par les Juifs. On peut supposer que Benjamin ne voyagea point au delà du Rhin et de la Moselle.

[322] « Konflens, Confluensia, Coblentz. » (Lelewel.)

[323] « Ou Kotnia. La première version donnerait Kreutznach, l'autre Hattenheim, vis-à-vis d'Ingelheim. » (Lelewel.)

[324] Bingen.

[325] Worms.

[326] Mistran, Mastrach, Maestrich, sur la Meuse

[327] Astransbourg, Astrazbourg, Strasbourg.

[328] « Duisbourg, dont l'origine est basée sur Teutoburg. » (Lelewel.)

[329] Mantern.

[330] Pesingas, Fesinges.

[331] Bamberg.

[332] Zurich.

[333] Regensburg, Ratisbonne.

[334] Benjamin omet de citer beaucoup de villes et même de contrées, et Mayence n'y est pas, fait observer Lelewel, Venise non plus, l'Angleterre pas plus ; Vienne et Joudenbourg sont oubliés ou inconnus. Mais ce qui est pis encore, Kordouba et Sefarad sont évidemment négligés par l'auteur lui-même, qui venait de là. Et la Pologne, ce paradis des enfants d'Israël, est aussi passée sous silence ; elle ne réclame pas, parce qu'elle comprend que Benjamin de Tudèle, en donnant la description des routes qu'il a parcourues, ajoute parfois à grands traits quelques contes ou notices sur les pays non visités, sans avoir aucun plan arrêté de donner en géographe la description du monde. »

[335] Benjamin n'indique point le chiffre des populations juives en Allemagne.

« J'ai relevé, dit Châteaubriant, la plume à la main, les nombres donnés par le voyageur, et j'ai trouvé sept cent soixante-huit mille cent soixante-cinq Juifs dans l'Afrique, l'Asie et l'Europe. Il est vrai que Benjamin parle des Juifs d'Allemagne sans en citer le nombre, et qu'il se tait sur les Juifs de Londres et Paris. Portons la somme totale à un million d'hommes, ajoutons à ce million d'hommes un million de femmes et deux millions d'enfants, nous aurons quatre millions d'individus pour la population juive, au treizième siècle… Voici le tableau tel que je l'ai composé d'après l'Itinéraire de Benjamin. Il est curieux d'ailleurs pour la géographie du moyen âge, mais les noms de lieux y sont souvent estropiés par le voyageur; l'original hébreu a dû se refuser à leur véritable orthographe dans certaines lettres, Arias Montanus a porté de nouvelles altérations dans la version latine, et la traduction française achève de défigurer ces noms, etc. »

[336] C'était une tradition répandue parmi les Juifs que les Esclavons étaient les descendants des Cananéens.

[337] « L'écureuil blanc, le wiewiorka de Pologne. Les Russes payaient des tributs en peaux de ces quadrupèdes aux Normands, qu'ils appelaient varangariens ou corsaires. » (Asher.) — M. le docteur Roulin admettrait que Benjamin de Tudèle veut parler de l'hermine, dont le pelage subit en été une modification de teinte, ce qui lui fait donner aussi le nom de rosette.

[338] Sedan? Auxerre selon la traduction anglaise.