entrée dans le site    -   index des institutions

 

La plèbe romaine

 

Étymologie

PLEBES ou PLEBS. PLEBEII. Ce mot contient la même racine que im-pleo, com-pleo, &c., et donc est étymologiquement relié au mot grec plebos, terme qui est appliqué aux plébéiens par les auteurs grecs les plus autorisés sur l'histoire romaine, alors que d'autres les appellent incorrectement demos ou demotikoi.  

Les plébéiens sont l’ensemble du peuple de Rome et constituent un des deux grands éléments de la nation romaine : c’est à cause d’eux que les périodes anciennes de l'histoire romaine ont un caractère et un intérêt particuliers. Avant Niebuhr les érudits ont émis des théories les plus contradictoires sur les plébéiens et leurs relations avec les patriciens. Niebuhr a le mérite particulier de préciser la vraie position que la plèbe a occupée dans l'histoire de Rome. 

Origine : les clients

Les anciens eux-mêmes ne sont pas d’accord sur le moment où les plébéiens ont commencé à faire partie de la population romaine. Denys et Tite-Live disent qu’ils font partie des Romains dès la période de Romulus et les considèrent comme les clients des patriciens ou comme la populace de bannis qui sont arrivés à Rome au moment où Romulus ouvre l’asylum. S'il y a un fond de vérité dans ces explications sur l'existence ancienne des plébéiens, on peut seulement imaginer qu’ils sont les habitants des zones occupées par les nouveaux colons (Ramnes ou Romains), qui, après la conquête de leur territoire, sont maintenus dans cet état de soumission où se trouvent souvent dans les temps anciens les nations conquises. Il y a également quelques autres affirmations sur l’existence ancienne des plébéiens : on dit que les clients, du temps de Romulus, sont composés de plébéiens. Dans les premiers temps de Rome la position d'un client est à bien des égards plus favorable que celle d’un plébéien et il n'est pas improbable que certains des plébéiens aient voulu pour cette raison entrer en relation de clientela avec quelques patriciens et ont abandonné les droits qu'ils avaient en tant que plébéiens libres. Les exemples de ce genre ont pu faire naître l'histoire mentionnée par Tite-Live et Denys. Un auteur récent, Dr. W. Ihne cherche en se basant sur des arguments très plausibles à montrer qu'à l'origine les plébéiens et les clients sont le même peuple et qu'à l'origine tous les plébéiens sont des clients des patriciens et qu’ils s’émancipent graduellement de cette relation. 

Origine : la destruction d'Albe

Même si on peut admettre l'existence de plébéiens à Rome dans les temps les plus reculés, en tout cas leur nombre ne peut être très élevé. C’est sous le règne de Tullius qu’ils apparaissent comme classe distincte de citoyens romains en opposition aux patriciens. Albe, la tête de la confédération latine, est durant son règne prise par les Romains et complètement rasée. Les habitants les plus distingués d’Albe sont amenés à Rome et reçus parmi les patriciens ; mais la majeure partie des citoyens d'Albe est transférée aussi à Rome et reçoit une colonie sur le mont Caelius et reste soumise au populus Romanus ou aux patriciens. Cette nouvelle population dans et au dehors de Rome, combinée, peut-être, aux indigènes soumis, est, dit-on, aussi nombreuse que les vieux habitants de la ville ou patriciens: ce sont les plébéiens. Ce sont des latins, et par conséquent du même sang que les Ramnes, la plus noble des trois tribus patriciennes.
Après la conquête d'Albe, Rome, sous le règne d'Ancus Marcius, s’empare d’un territoire considérable contenant un certain nombre de villes latines dépendantes, comme Medullia, Fidenae, Politorium, Tellenae et Ficana. Des nombres habitants de ces villes sont de nouveau transplantés à Rome et incorporés aux plébéiens déjà installés là. On leur assigne l’Aventin pour installer leurs habitations. Beaucoup, cependant, restent dans leurs maisons d’origine et leurs terres leurs sont rendues par les Romains, de sorte qu'ils restent des propriétaires fonciers libres autant que les conquérants eux-mêmes et on doit donc les séparer des clients. 

Patriciens et plébéiens

La classe des plébéiens, qui se constitue lentement à côté des patriciens et qui dépasse de loin en nombre le populus, habite en partie à Rome dans les zones mentionnées ci-dessus et en partie dans leurs anciens territoires soumis à Rome, dans des villes, des villages ou des fermes dispersées. Les plébéiens sont des citoyens mais non optimo iure ; ils sont parfaitement distincts des patriciens et ne font pas partie des trois tribus, ni des curiae ni des gentes patriciennes. Ils sont donc exclus des comitia, du sénat et de toutes les charges civiles et religieuses de l'état. Denys se trompe complètement en déclarant que tous les nouveaux citoyens sont placés dans les curies patriciennes et il développe toute son Histoire avec cette erreur : il dit que les patriciens et les plébéiens sont unis dans les comitia curiata.  Il est évident que les plébéiens ne font pas parties des curies : Denys lui-même appelle les curies une assemblée patricienne; Tite-Live parle d'une lex curiata votée sans aucune coopération des plébéiens; et ceux, qui confirment l'élection des rois ou des magistrats et confèrent l'imperium, sont dans quelques passages appelés les patriciens et dans d'autres les curiae : ce qui prouve que les deux mots sont synonymes. Tite-Live dit clairement que les plébéiens n’appartiennent pas aux gentes patriciennes. Le seul point de contact entre les deux classes est l'armée : après la conquête d'Albe, Tullus Hostilius double le nombre des légions de l'armée romaine. Tite-Live déclare aussi que Tullus Hostilius forme dix nouvelles turmae d’equites, mais ce n’est qu’une spéculation si ces nouvelles turmae se composent d'Albains, comme le dit Tite-Live, ou si elles sont prises dans les trois anciennes tribus, comme le pense Göttling. Les plébéiens sont donc obligés de combattre et de perdre leur sang pour défendre et appuyer leurs nouveaux compagnons-citoyens sans avoir aucun de leurs droits ni de leurs privilèges et sans même avoir le droit au mariage mixte (connubium). En matière juridique ils sont entièrement à la merci des patriciens et n'ont aucun droit d'appel contre une condamnation injuste et ils ne peuvent pas, comme les clients, se rapporter à un patronus. Ils continuent à avoir leurs propres sacra d’avant la conquête, mais ils sont réglementés par les pontifes patriciens. Enfin ils sont propriétaires fonciers libres et ont leurs propres gentes. Il semble évident qu’un plébéien qui se marie avec une femme plébéienne ait la patria potestas sur ses enfants et que s'il fait partie d’une gens plébéienne, il posséde les iura et les sacra gentilicia de cette gens

Premier essai de tribus par Tarquin l'Ancien

La population de l'état romain est donc composée de deux éléments opposés : une classe dirigeante ou une aristocratie, et la plèbe, qui, malgré la même lignée que les plus nobles dirigeants et leur plus grand nombre, n’a cependant aucun des droits qui lui permettraient de prendre part à la gestion des affaires publiques, religieuses ou civiles. Leur citoyenneté ressemble à la relation d’étrangers à un état dans lequel ils sont simplement tolérées à assurer certains services : en fait on les appelle parfois les peregrini. Alors que la classe des patriciens est parfaitement organisée par sa division en gentes, la relation de la plèbe aux patriciens n’est nullement définie, et par conséquent elle n’a aucun moyen de se protéger contre une application arbitraire des lois. Qu’un tel état des choses ne puisse durer, est une évidence qui doit avoir été comprise par quiconque qui n'est pas aveuglé par son propres égoïsme et son amour du pouvoir. Tarquin l'Ancien est le premier à avoir l'idée de placer les plébéiens sur une pied d'égalité avec les vieux bourgeois, en les divisant en trois tribus, qu'il a l'intention d'appeler d’après son propre nom et ceux de ses amis. Mais ce noble plan est rejeté par l'opposition de l'augure Attus Navius, qui a probablement agi pour le compte des patriciens. Le but de Tarquinius c’est d’admettre les plus nobles familles plébéiennes dans les trois vieilles tribus, qui, cependant, se distinguent des vieilles familles patriciennes par les noms de Ramnes, de Tities, et de Luceres secundi, et leurs gentes se distinguent parfois par l’épithète de minores : ils ont la même relation que celle qu’avaient les Luceres vis-à-vis des deux premières tribus, avant la période de Tarquin. Cette mesure, bien qu'avantageuse pour les familles plébéiennes les plus distinguées, ne bénéficie pas à la classe des plébéiens, parce que les nouveaux patriciens sont rejetés de la plèbe, alors que les patriciens comme classe sont considérablement renforcés par l'accession des nouvelles familles. 

Installation des tribus : tribus urbaines et rustiques

les tribuns

C’est son successeur, Servius Tullius, qui donne à là plèbe une organisation interne régulière et détermine les relations de celle-ci avec les patriciens. Ce roi n’a pas l’intention de modifier la vieille constitution, mais seulement de l'agrandir afin de la rendre capable de recevoir de nouveaux éléments de l'état. D’abord il divise la ville en quatre, et puis il divise les contrées conquises aux alentours, qui sont habitée par des plébéiens, en vingt-six régions ou tribus rustiques, et dans ces régions il assigne une grande quantité de terre à ces plébéiens qui n’ont pas encore de propriété foncière. Niebuhr pense qu’on donne de sept jugera à chacun, opinion qui est contredite par Göttling. Il fait observer que l’Aventin et le Capitole ne font pas partie de ces quatre tribus urbaines: le premier fait partie des tribus rustiques, et le second est la ville des dieux. Tite-Live dans récit sur la constitution de Servius ne mentionne pas ces vingt-six tribus rustiques, et quand il parle pour la première fois du nombre total des tribus, il en mentionne seulement vingt et une au lieu de trente. Niebuhr a certainement raison quand il explique ce chiffre de vingt-et-un avec les trente tribus de Servius : il suppose que lors de la guerre contre Porsenna Rome perd un tiers de son territoire, c.-à-d. dix tribus, de sorte qu'il n’y en a plus que vingt. Comme après l'immigration du Claudii et de leurs clients, une nouvelle tribu est formée, Tite-Live a raison en ne mentionnant que vingt et une tribus. Ces trente tribus de Servius, du moins à l'origine, ne contiennent aucun patricien, et même après l’arrivée des Claudii à Rome, il n'est pas nécessaire de supposer que la gens Claudia, qui prend le rang de patricien, soit comptée dans la nouvelle tribu, mais cette nouvelle tribu se compose probablement de leurs clients à qui des terres sont assignées au delà de l'Anio.Mais certains des clients des patriciens font probablement partie des tribus de Servius. Chaque tribu a son praefectus appelé le tribunus. Les tribus ont eu également leurs propres sacra, fêtes et réunions (comitia tributa), qui sont convoqués par leurs tribuns. 

Les comices centuriates (plébéiens + patriciens)

Cette division en tribus avec des tribuns à leurs têtes n'est rien d’autre qu'une organisation interne des plébéiens, analogue à la division des patriciens en trente curies : elle ne leur confère pas le droit d'interférer en quelque façon que ce soit dans la gestion des affaires publiques, ou dans les élections, qui restent entièrement aux mains du sénat et des curies. Mais ces droits, ils les obtiennent par une autre loi de Servius Tullius : loi qui n’a absolument rien à voir avec les trente tribus. Pour ce faire il fait un recensement et divise l’ensemble des citoyens romains, plébéiens aussi bien que patriciens, en cinq classes, selon l’importance de leurs propriétés. Il fait en sorte que l'imposition et les fonctions militaires soient telles que les fardeaux les plus lourds tombent sur les classes plus riches. L’ensemble des citoyens ainsi divisés forme une grande assemblée nationale appelée le comitiatus maximus ou comitia centuriata. Dans cette assemblée se rencontrent plébéiens et patriciens apparemment sur un pied d'égalité, mais on distribue les voix de telle manière qu'elles soient toujours aux mains des classes les plus riches, auxquelles appartiennent naturellement les patriciens, quand il s’agit de décider d’une question avant qu'elle ne soit mise aux voix des classes plus pauvres. Un grand nombre de familles plébéiennes nobles, qui après la soumission des villes latines n'ont pas été admises dans les curies par Tarquin l’Ancien, sont maintenant mises par Servius au nombre des equites, avec douze suffragia aux comices centuriates [ EQUITES] Finalement on dit que Servius Tullius régle le commercium entre les deux ordres par environ cinquante lois. 

Servius, un républicain ?

Dans cette constitution les plébéiens, en tant que tels, n'obtiennent pas l'admission au sénat, ni au plus hautes magistratures, ni à aucune place religieuse. Ces places sont uniquement réservées aux patriciens par droit divin. Les plébéiens continuent à ne pouvoir occuper la terre publique, qui reste aux mains des patriciens : ils peuvent uniquement laisser leur bétail sur les pâtures communes en payant à l'état une certaine somme. Il est vrai que par l'acquisition de richesses les plébéiens peuvent devenir membres de la première classe de propriété, et que leurs voix dans les comices peuvent avoir ainsi le même poids que celles des patriciens riches, mais la possibilité d'acquérir une telle richesse est minime à cause de leur exclusion de l'utilisation de l’ager publicus. Niebuhr conclut de la nature de la constitution de Servius qu'elle doit avoir accordé des avantages plus grands aux plébéiens que ceux mentionnés par nos historiens : il prétend qu'elle leur donne le droit d’appel à leur propre assemblée, et de prononcer une condamnation quand leurs libertés sont bafouées, bref que la constitution de Servius les a placés sur la même pied que les patriciens, comme cela se passe de manière permanente lors des lois de C. Licinius et L. Sextius. Il n'y a aucun doute que cela est possible et probable, mais les arguments qu'il avance à l'appui de son hypothèse ne semblent pas convaincre, comme le précise Göttling. Tous ce qui est certain c’est que Servius donne à l’ensemble des plébéiens une organisation interne par l'établissement des trente tribus plébéiennes, et que dans les comitia centuriata il les placent, du moins en théorie, sur un pied d'égalité avec le populus. S'il a eu l'intention de faire plus, ou aurait fait plus s'il cela avait été en son pouvoir, c’est une autre question. Mais les faits énoncés ci-dessus suffisent à une période postérieure, quand les avantages conférés réellement aux plébéiens leur sont retirés, d’avoir un regard reconnaissant sur ce roi en le considérant comme son grand patron et de le regarder aussi comme celui qui a accordé tous ces droits que plus tard ils acquièrent après de nombreuses années de lutte féroce. Ainsi ce qu'il a fait réellement, est exagéré par rapport à ce qu’il aurait pu faire ou souhaité faire. Suivant ce raisonnement, on doit considérer qu'il a eu l'intention de renoncer à sa dignité royale et d'établir un gouvernement de deux consuls, dont l’un aurait été un plébéien. 

Descente aux enfers sous Tarquin le Superbe

Pendant le règne du dernier roi, les plébéiens perdent non seulement tout ce qu'ils ont gagnés par la législation de son prédécesseur; mais le tyran les oblige également à travailler comme des esclaves dans ses grands travaux architecturaux, tels que les cloaques et le cirque. 

La plèbe au début de la République

Lors de l’établissement de la république, les comitia centuriata et peut-être la constitution entière, telle qu'elle était avant le règne du dernier Tarquinin, sont rétablies, de sorte que seuls les patriciens continuent à pouvoir être élus aux charges publiques. Que les comices centuriates sont rétablies juste après l'exil des Tarquins, peut être déduit des paroles de Tite-Live, qui indique, que les premiers consuls sont élus ex commentariis Servii Tullii : ces paroles font probablement référence aux comitia centuriata, au cours desquelles, selon les règlements du Roi Servius, devaient se tenir les élections. Il n’y a plus de connubium entre les deux classes et le populus est toujours en tous points distinct de la plèbe. Comme les patriciens se réservent tous les pouvoirs qui étaient auparavant concentrées dans les mains du roi et que ces pouvoirs sont maintenant donnés à un certain nombre d’officiers patriciens, on doit admettre qu’au début de la république les plébéiens sont plus mal lotis que si le gouvernement royal avait continué avec les institutions proposées par Servius. Cependant la plèbe obtient quelques avantages. Les places vacantes au sénat durant le règne du dernier roi sont occupées par les plus distingués parmi les equites plébéiens et Valerius Publicola propose un certain nombre de lois qui définissent plus exactement qu’auparavant les relations entre patriciens et plébéiens et qui donnent également une certaine protection aux plébéiens. [ LEGES VALERIAE. ] Les deux classes se rencontrent uniquement dans l'armée et aux comices centuriates, dans lesquelles, cependant, les patriciens exercent une énorme influence par le nombre de leurs clients qui votent pour eux; de plus tous les décrets des centuries ont toujours besoin de la sanction des curies. Malgré tous ces inconvénients, les plébéiens occupent une position qui aurait pu bientôt leur permettre d’obtenir une égalité parfaite avec les patriciens. Mais une calamité les arrête et met un terme à leur progrès politique : c’est la guerre malheureuse contre Porsenna, durant laquelle un grand nombre (un tiers) de plébéiens perdent leurs domaines, s’appauvrissent et deviennent peut-être pendant un certain temps soumis aux Etrusques. 

Luttes entre patriciens et plébéiens

Pendant ce temps, les patriciens, non contents d’exercer toute l'autorité dans l'état, semblent souvent grignoter les droits accordés aux plébéiens par les lois valérianes. Cette façon de faire, la rigueur et l'oppression impitoyables des lois, ne peuvent qu’exciter l'indignation et amener les plébéiens à résister : ils se convainquent graduellement qu'il est impossible de garder ce qu’ils possèdent sans obtenir plus. La lutte qui commence alors entre les deux classes, est, pour la plèbe, une des plus nobles qui ait jamais eu lieu entre oppresseurs et opprimés. D'un côté une oligarchie hautaine et infidèle cherchant tous les moyens que l'amour du pouvoir et l'égoïsme peuvent concevoir; de l’autre, une plèbe patiente jusqu’au bout dans son opposition et dans sa résistance, restant toujours dans les limites des lois existantes, et cherchant le pouvoir, non par la seule satisfaction de l'ambition, mais pour obtenir la possibilité de se défendre contre la fraude et la tyrannie. Les détails de cette lutte appartiennent à l'histoire de Rome et ne peuvent pas être donnés ici; on peut seulement préciser de quelle façon les plébéien accèdent graduellement à toutes les charges civiles et religieuses, jusqu'à ce qu'enfin les deux frères ennemis s’unissent en un grand ensemble des citoyens romains avec des droits égaux et que surgisse un état de choses totalement différent de ce qui existait auparavant. 

Grandes étapes de la lutte

Après la première sécession, en 494, les plébéiens obtiennent plusieurs grands avantages. D'abord, on vote une loi pour empêcher les patriciens de prendre un intérêt usuraire sur l'argent qu'ils prêtent fréquemment aux plébéiens appauvris; ensuite, on nomme des tribuns pour protéger les plébéiens [ TRIBUNI ]; enfin, on nomme des édiles plépléiens [ AEDILES. ] Peu de temps après, ils gagnent le droit de convoquer devant leurs propres comices tributes ceux qui violent les droits de leur classe et celui de faire les décrets (plebiscita), qui, cependant, n’ont pas de pouvoir sur toute la nation avant 449 [ PLEBISCITUM. ] Quelques années plus tard (445, B.c.), le tribun Canuleius établit le connubium entre patriciens et plébéiens. Il essaye également de partager le consulat entre les deux classes, mais les patriciens empêchent la réalisation de ce plan par la nomination de six tribuns militaires, qui doivent être élus parmi les deux classes. [ TRIBUNI. ] Mais les tribuns ne parviennent pas à empêcher que les plébéiens obtiennent une partie du pouvoir censorial, que les consuls ont investi et on établit une nouvelle fonction curule, la censure que seul les patriciens peuvent obtenir. [ CENSEUR. ] Peu de temps après la prise de Rome par les Gaulois, les plébéiens sont dans une position un peu meilleure que celle qu’ils avaient avant leur première sécession sur le Mont Sacré. En 421, cependant, ils sont admis comme questeurs : ce qui leur ouvre les portes du sénat, où dorénavant leur nombre va continuer à augmenter. [ QUAESTOR; SENATUS. ] En 367, les tribuns L. Licinius Stolo et L. Sextius sont à la tête de la plèbe et reprennent la lutte contre les patriciens. Après une lutte féroce, qui dure plusieurs années, ils proposent une rogatio selon laquelle on doit nommer des decemvirs pour garder les livres Sibyllins à la place des duumvirs : la moitié doit comporter des plébéiens. La grande étape suivante est la restauration du consulat, à condition qu'un des deux consuls doit toujours être un plébéien. Une troisième rogatio de Licinius, qui est seulement prévue pour soulager momentanément les pauvres plébéiens, règle les taux d'intérêt. C’est à ce moment que les plébéiens obtiennent le droit d'occuper des parties de l’ager publicus. En 366, L. Sextius Lateranus est le premier consul plébéien. Cependant, les patriciens, qui s’arrangent toujours s pour ne donner pas plus que ce qu'il est impossible de garder, dépouillent le consulat d'une partie considérable de son pouvoir et le transfère à deux nouvelles magistratures curules : le préteur et l’édile curule. [ AEDILES; PRAETOR. ] Mais après avoir obtenu de tels avantages, on ne sait plus arrêter les plébéiens dans leur progression vers une égalité parfaite des droits politiques avec les patriciens. En 356 C. Marcius Rutilus est le premier dictateur plébéien; en 351, la censure s’ouvre aux plébéiens et en 336 la préture. La lex Ogulniana, en 300, leur ouvre également la charge de pontifex et d’augure. Ces avantages ne sont pas, comme on pourrait le croire, gagnés sans l’opposition la plus féroce des patriciens et même que la plèbe eut gagné et reçu la sanction des lois, les patriciens essayent de toutes les façons possible de faire obstruction à l’application de la loi. De telles tentatives frauduleuses conduisent, en 286, à la dernière sécessionde la plèbe : c’est après celle-ci que le dictateur Q. Hortensius réconcilie avec succès et de manière permanente les deux antagonistes : il fixe pour les plébéiens tous les droits qu'ils ont acquis jusque-là, et obtient pour leur plebiscita le plein pouvoir des leges qui lient toute la nation. 

La période heureuse

Au point de vue politique la distinction entre patriciens et plébéiens cesse maintenant et Rome, renforcé et uni intérieurement, commence la période la plus heureuse de son histoire. Cette distinction a disparu grâce au fait que dorénavant les deux consuls sont souvent plébéiens. De plus il y a un changement dans le gouvernement de Rome : on passe graduellement d’une oligarchie accablante à une démocratie modérée, dans laquelle chaque partie possède son influence appropriée et le pouvoir de surveiller l'autre, dans le cas où elle essayerait d'assumer plus qu'elle ne peut légalement réclamer. C'est cette constitution, travail de beaucoup de générations, qui a excité l'admiration du grand homme d’état Polybe. 

Les magistratures religieuses

On a dit plus haut que les plébéiens durant leur lutte avec les patriciens ne cherchent pas le pouvoir pour la seule satisfaction de leur ambition, mais comme moyen nécessaire de se protéger contre l'oppression. L'abus qu’ils vont faire de leur pouvoir ou plutôt celui de leurs tribuns, vient beaucoup plus tard : l’on n’en trouve aucune trace pendant le demi-siècle qui suit la lex Hortensia; et même alors, ce n’est alors que l’apanage d’individus, et pas le fait de véritables plébéiens, mais d'un parti démocratique dégénéré, qui est malheureusement désigné par les auteurs tardifs par le nom de plébéien et s’est ainsi identifié à ceux-ci. Ceux qui savent l'immense influence que la religion et ses ministres publics ont sur la gestion entière de l'état, n’ont pas à se demander pourquoi les plébéiens dans leur lutte contre l’aristocratie ont désiré davantage accéder aux charges religieuses qu’à celles purement politiques; car accéder à ces dernières aurait en réalité eu peu d’importance sans accéder aux premières. La fonction de curio maximus, que les plébéiens ont exigée et obtenue presque un siècle après la loi d'Ogulnius, semble accréditer l’idée que dans ce cas les plébéiens ne cherchent qu’une distinction pour élargir leurs privilèges; mais Ambrosch prétend que la fonction du curio maximus a, à cette époque-là, une plus grande importance politique qu’on ne l’a généralement cru. Il est aussi bien connu que des fonctions religieuses qui ont peu ou pas de rapports avec la gestion des affaires publiques, comme celles de rex sacrorum, des flamines, des saliens etc, ne sont jamais demandées par les plébéiens et continuent à rester aux mains des patriciens jusqu’au bout. 

Après la loi d’Hortensius, la distinction politique entre les patriciens et les plébéiens cesse et à quelques exceptions sans importance, les deux classes sont sur un pied d’égalité parfaite. Dorénavant le nom de populus s’applique parfois aux seuls plébéiens et parfois à l’ensemble des citoyens romains réunis dans les comices centuriates ou tributes. Le mot plebs ou plebecula s’applique pour parler de la multitude ou de la populace par opposition aux nobiles ou au parti sénatorial. 

Une personne qui est née plébéienne peut passer au rang de patricien uniquement par une lex curiata comme cela s’est parfois passé durant la période royale et dans les premiers temps de la république. César est le premier qui essaye en son propre nom de faire passer des plébéiens au rang de patriciens et son exemple est suivi par les empereurs. [ PATRICII. ] 

Il arrive fréquemment dans l'histoire de Rome qu'une gens contienne des plébéiens aussi bien que des familles patriciennes. Dans les gens Cornelia, par exemple, on touve les familles plebéiennes des Balbi, Mammulae, Merulae, &c., avec les patriciens Scipiones, Sullae, Lentuli, &c. On peut expliquer ce phénomène de différentes manières. Peut-être une branche d'une famille plébéienne est-elle devenue patricienne alors que les autres restaient plébéiennes? Ou alors deux familles auraient eu le même nomen gentilicium sans faire partie de la même gens. ? Ou encore, une famille patricienne aurait pu passer chez les plébéiens et comme cette famille continue à porter le nom de sa gens patricienne, elle est devenue plébéienne avec un nom patricien. Quand il n’y avait aucun connubium entre les deux classes, un mariage entre un patricien et un plébéien a comme conséquence, que le même nomen gentilicium appartient aux personnes des deux classes. Quand un peregrinus obtient la civitas par l'influence d'un patricien, ou quand un esclave est émancipé par son maître patricien, ils adoptent généralement le nomen gentilicium de leur bienfaiteur et semblent ainsi appartenir aux mêmes gens que celui-ci.