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Le censeur

 

Origine

Le nom de deux magistrats de haut rang dans la république romaine. Leur charge s’appelle Censura. Le Census, qui est un registre des citoyens romains et de leurs propriétés, est établi pour la première fois par Servius Tullius, le cinquième roi de Rome. Après l'expulsion des rois, la censure est reprise par les consuls. Jusqu’en 443 on ne nomme pas de magistrats spéciaux pour la tenir. La raison du changement de 443 est l’établissement l’année précédente de tribuns militaires à pouvoir consulaire à la place des consuls : comme ces tribuns peuvent être des plébéiens, les patriciens privent les consuls et par conséquent leurs représentants, les tribuns, du droit d'effectuer le recensement, et leur adjoignent deux magistrats, appelés Censores, qui sont choisis exclusivement chez les patriciens. La magistrature reste patriciennne jusqu’en 351 : 

PREMIER CENSEUR PLEBEIEN : On indiqua les comices pour l'élection des censeurs. Mais C. Marcius Rutilus, qui avait été le premier dictateur plébéien, aspirait à la censure ; il déclara ses prétentions, et troubla ainsi l'union des ordres. Il semblait avoir assez mal choisi son temps, car les deux consuls étaient patriciens et refusaient de tenir compte de sa demande. Toutefois il parvint à son but, à force de persévérance et par l'appui des tribuns, dont tous les efforts tendaient à reconquérir le droit qu'ils avaient perdu aux comices consulaires : d'ailleurs, cet homme était assez grand par lui-même pour n'être point au-dessous des plus hautes dignités : enfin c'était lui qui avait ouvert le chemin de la dictature au peuple, et c'était par lui que le peuple voulait arriver au partage de la censure. On ne varia point dans les comices, et Marcius fut créé censeur avec Manlius Cnéus. Tite-Live, VII, 22

AU MOINS UN CENSEUR PLEBEIEN : Émilius, qui avait alors les faisceaux, nomma dictateur son collègue, qui lui-même nomma Junius Brutus maître de la cavalerie. Cette dictature servit la cause populaire, et par ses harangues accusatrices contre les patriciens, et par l'établissement de trois lois bien favorables au peuple et contraires à la noblesse: 1) les plébiscites obligeraient tous les citoyens romains; 2) les lois portées aux comices par centuries seraient, avant l'appel aux suffrages, ratifiées par le sénat; 3) enfin, un des censeurs serait choisi parmi le peuple, déjà maître du droit de nommer deux consuls plébéiens.Tite-Live, VIII, 12.

C. Marcius Rutilus devient le premier censeur plébéien. Douze ans plus tard, en 339, la lex Publilia oblige qu’un des deux censeurs soit plébéien, mais jusqu’en 280 aucun censeur plébéien n’exécute la purification solennelle du peuple (lustrum condidit). En 131 les deux censeurs sont pour la première fois des plébéiens. 

deux censeurs

Il y a toujours deux censeurs, parce que les deux consuls précédemment effectuent le recensement ensemble. Si l’un des censeurs meurt durant sa charge, on peut en prendre un autre à sa place, comme pour les consuls. Mais c’est une pratique ancienne s’est arrêtée en 393 : la prise de Rome par les Gaulois durant ce lustrum provoque des craintes religieuses contre cette pratique. A partir de là, si un des censeurs meurt, son collègue démissionne et deux nouveaux censeurs sont choisis. 

élection

Les censeurs sont élus par les comices centuriates présidées par un consul. Niebuhr pense qu'ils sont d'abord élus par les comices curiates et que leur élection est confirmée par les centuries; mais il n'y a aucune preuve de cette supposition et sa véracité dépend entièrement de l’exactitude de ses vues sur l'élection des consuls. [ CONSUL. ] Les deux censeurs doivent nécessairement être élus le même jour : donc si le vote pour le second n’est pas terminé, l’élection du premier ne vaut rien et on doit réunir de nouveaux comices. Les comices pour l'élection des censeurs se tiennent sous des auspices différents de ceux de l'élection des consuls et des préteurs; c’est pourquoi les censeurs ne sont pas considérés comme leurs collègues, alors qu’ils ont comme eux les maxima auspicia. Les comices sont présidées par les consuls de l'année très peu de temps après leur entrée en fonction. Dès que les censeurs sont élus et qu’on leur a accordé la puissance censoriale par une lex centuriata, ils entrent en charge. Un principe général veut que seuls des anciens consuls peuvent obtenir cette charge mais il y a quelques exceptions. 

 

3. La modération de Camille est égalée par celle de Marcius Rutilius Censorinus. Elu censeur pour la seconde fois, il assembla le peuple et lui reprocha avec la plus grande sévérité de lui avoir conféré deux fois un pouvoir dont les ancêtres avaient cru devoir restreindre la durée parce qu'il leur semblait trop grand. Tous les deux avaient raison, et Censorinus et le peuple : l'un, en recommandant de ne confier les charges qu'avec mesure ; l'autre, en ne les confiant qu'à un homme d'une modération éprouvée. (An de R. 488.) VALERE-MAXIME, IV, I, 3.

En effet il n'y a aucune loi qui empêche quelqu’un d’être censeur une deuxième fois, mais la seule personne, qui l’a été deux fois, est C. Marcius Rutilus en 265 : il fait voter une loi cette année-là interdisant à quelqu’un d’être censeur deux fois et reçoit par conséquence le surnom de Censorinus. 

pouvoirs et signes extérieurs de la fonction des censeurs

La censure se distingue de toutes les autres magistratures romaines sa durée. Les censeurs sont, à l’origine, choisis pour un lustrum entier, c.-à-d., une période de cinq ans; mais leur charge est limitée à dix-huit mois, dix ans après son établissement (433), par une loi du dictateur Mam. Aemilius Mamercinus. Les censeurs ont aussi une position très particulière en ce qui concerne leur rang et leur dignité. Ils n’ont aucun imperium et en conséquence ils n'ont aucun licteurs. Le ius censurae leur est accordé par une lex centuriata non par les curiae, et de ce fait ils ont un pouvoir inférieur aux consuls et aux préteurs. Mais malgré tout, on considère la censure comme la fonction la plus élevée dans l'état, excepté la dictature; c’est un sanctus magistratus à qui on doit le plus grand respect. Le rang et le prestige élevés de la censure sont dus aux fonctions importantes qu’on lui confie petit à petit et particulièrement le regimen morum ou le contrôle général de la conduite et de la moralité des citoyens : l’exercice de ce pouvoir ne dépend que de leur propre appréciation et il n’a de compte à rendre à aucun pouvoir dans l'état. Les censeurs ont naturellement la sella curulis, mais on ne sait pas exactement comment ils s’habillent. D'un passage bien connu de Polybe, décrivant l'utilisation des imagines lors des enterrements, on peut conclure qu'un consul ou un préteur portent la toga praetexta, quelqu’un qui obtient le triomphe la toga picta, et le censeur une toga pourpre qui lui est particulière; mais d'autres auteurs parlent de leur robe officielle comme étant la même que celle des autres plus hauts magistrats. L'enterrement d'un censeur se fait toujours en grande pompe et par conséquent un funus censorium est voté même aux empereurs. 

fin de la censure - remplacement par le Praefectus morum

La censure perdure pendant 421 ans : de 443 à 22 PCN. Durant cette période beaucoup de lustra s’écoulent sans aucun censeur. Selon une scolie la fonction est supprimée par Sylla et bien que l'autorité de cette scolie ait peu de poids, le fait lui-même est probable; pour cette scolie il n’y a aucun recensement pendant les deux lustra qui s’écoulent entre la dictature de Sylla et Pompée (82-70) : l’aristocratie qui soutient Sylla supporte très mal la rigidité du regimen morum. Si la censure est supprimée par Sylla, elle est reprise sous le consulat de Pompée et de Crassus. Son pouvoir est limité par une des lois du tribun Clodius (58), qui prescrit une marche à suivre légale avant que les censeurs ne puissent expulser quelqu’un du sénat ainsi que l'accord des deux censeurs pour pouvoir infliger cette dégradation.  Mais cette loi est abrogée sous le troisième consulat de Pompée (52), sur proposition de son collègue Caecilius Metellus Scipio. La censure ne retrouve jamais son ancien pouvoir et son influence. Durant les guerres civiles qui suivent peu après, on n’élit aucun censeur. C’est seulement après un long intervalle qu'il on en nomme un nouveau : en 22 PCN, quand Auguste nomme à cette fonction L. Munatius Plancus et Paulus Aemilius Lepidus. C'est la dernière fois que l’on en nomme. Dorénavant les empereurs font passer leurs pouvoirs à la Praefectura Morum. Certains empereurs prennent parfois le nom de censeur quand ils font réellement un recensement des romains, comme c’est le cas pour Claude, qui nomme Vitellius comme collègue, et pour Vespasien, qui prend comme collègue son fils Titus. Domitien prend le titre de censor perpetuus, mais cet exemple n'est pas imité par les empereurs qui lui succèdent. Sous le règne de Decius on voit Valérien nommé à la censure, mais cet projet n’est pas mis à exécution. 

On peut subdiviser les attributions des censeurs en trois parties qui sont cependant étroitement reliées entre elles. I. Le recensement ou registre des citoyens et de leurs propriétés : on y inclut la lectio senatus et la recognitio equitum ; II. Le Regimen Morum; et III. L'administration des finances de l'état : on y classe la direction des bâtiments publics et la l’administration de tous les nouveaux travaux publics. A l’origine les tâches du censeur sont beaucoup plus limitées : uniquement le recensement; mais la ce pouvoir leur en apporte graduellement d’autres ainsi que nouvelles fonctions. Une description générale de ces fonctions est donnée brièvement par Cicéron dans un passage du de legibus : "Censores populi aevitates, soboles, familias pecuniasque censento: urbis templa, vias, aquas, aerarium, vectigalia tuento: populique partes in tribus distribunto: exin pecunias, aevitates, ordines patiunto: equitum, peditumque prolem describunto: caelibes esse prohibento: mores populi regunto: probrum in senatu ne relinquunto." 

I. LE RECENSEMENT

recensement des personnes

I. LE RECENSEMENT : la première et principale fonction des censeurs : l’expression exacte est censum agere. Il se fait toujours au Champ de Mars et depuis 435 dans un bâtiment spécial appelé Villa Publica, érigé dans ce but par la deuxième paire de censeurs, C. Furius Pacilus et M. Geganius Macerinus. On trouve un exposé des formalités de l’ouverture du recensement dans un fragment des Tabulae Censoriae, repris par Varron. Après la prise des auspices, les citoyens sont sommés par un crieur public (praeco) de se présenter devant les censeurs. Chaque tribu est appelée séparément. Dans chaque tribu la liste des noms est faite préalablement par les tribuns des tribus. Chaque paterfamilias doit venir en personne devant les censeurs, qui sont assis dans leurs chaises curules. On considère que les noms cités les premiers sont un bon présage, tesl que Valerius, Salvius, Statorius, &c.  Le recensement se fait ad arbitrium censoris; mais les censeurs établissent quelques règles, parfois appelées leges censui censendo, où ils mentionnent les différente sortes de propriétés sujets au recensement et de quelle manière leur valeur doit être estimée. Selon ces lois chaque citoyen doit donner sous serment (ex animi sententia) un décompte de lui-même, de sa famille et de ses propriétés. D'abord il doit donner ses nom et prénoms (praenomen, nomen et cognomen) et celui de son père ou s'il est affranchi celui de son patron. Il doit ensuite donner son âge. Puis on lui demande Tu, ex animi tui sententia, uxorem habes? et s’il est marié il doit donner le nom de son épouse et aussi le nombre, les noms et les âges de ses enfants éventuels.  Les femmes célibataires (viduae) et les orphelins (orbi orbaeque) sont représentés par leurs tutores; leurs noms sont inscrits sur des listes séparées et ils ne sont pas compris dans la somme totale des capita

recensement des biens

Quand un citoyen a énuméré son nom, son âge, sa famille, &c., il doit alors faire une compte rendu de tous ses biens qui sont objets de recensement. Quand il fait sa déclaration on parle de censere ou censeri (considéré comme déponent dans le sens d’évaluer ou d’estimer, ou comme passif dans le sens d’être évalué ou être estimé). On emploie censere aussi pour le censeur qui reçoit cette déclaration de même que accipere censum.  Seuls des biens qui sont repris dans le recensement (censui censendo) sont des biens ex iure Quiritum. Dans un premier temps il semble que chaque citoyen donne simplement la valeur de l’ensemble de ses biens sans entrer dans les détails; mais bientôt cela devient une habitude de donner des spécifications minutieuses de chaque objet ainsi que la valeur générale du tout. C’est la terre qui est la partie la plus importante dans le recensement; mais la terre publique, qui appartient à une seule personne, est exclue comme ne faisant pas partie de la propriété des Quirites.  Pour ce que l’on sait sur la façon de faire de la période impériale, il est d'usage de donner des spécifications fort minutieuses de tout bien qu’un citoyen possède ex iure Quiritium. Il doit dire le nom et la situation de la terre, indiquer quelle partie est arable, quelle autre est un pré, quelle autre une vigne et quelle autre une oliveraie: et pour une terre si minutieusement définie le censeur donne sa propre évaluation. Les esclaves et le bétail forment viennent en seconde partie par leur importance. Les censeurs ont également le droit de demander une déclaration sur des objets inhabituels comme des habits, des bijoux et des chars. Certains auteurs modernes se demandent si les censeurs ont le pouvoir d’évaluer à la hausse les biens déclarés par un citoyen; mais en sachant la nature discrétionnaire du pouvoir des censeurs et de la nécessité d'empêcher la fraude, il est clair que des personnes ont le droit de surtaxer des biens et il est logique que ce soient les censeurs qui aient ce pouvoir. On sait d’ailleurs qu’en une occasion il ont surtaxé exagérément les articles de luxe; et même s’ils n'écrivent pas dans leurs livres les biens d'une personne à une valeur plus élevée que celle qu’on lui a donnée, il arrive au même point en le contraignant payer l'impôt sur la propriété à un taux plus élevé que d'autres. L'impôt (tributum) est habituellement de un millième sur les biens inscrits dans les livres des censeurs; mais dans une occasion les censeurs, en punition, ont contraint une personne à payer une taxe de huit millièmes (octuplicato censu). 

Absence au recensement.  Problème des soldats

Une personne qui s’absente volontairement du recensement et qui de ce fait est incensus, risque la plus grave punition. On dit que Servius Tullius condamne l'incensus à l’emprisonnement et à la mort. Durant la période républicaine l'incensus peut être vendu par l'état comme esclave. Plus tard sous la république, une personne absente au recensement, peut être représentée par d’autres et ainsi est enregistrée par les censeurs. On se pose la question si les soldats absents pour cause de service doivent nommer un représentant. Dans des périodes anciennes une guerre soudaine empêche le recensement, parce qu'un grand nombre de citoyens sont de ce fait absents. On suppose, en se basant sur un passage de Tite-Live, que, dans des périodes postérieures, les censeurs envoient des commissaires dans les provinces avec les pleins pouvoirs pour effectuer le recensement des soldats romains qui s’y trouvent; mais cela semble un cas unique. Il est, au contraire, probable si l’on suit Cicéron qui dit que l'absence d'Archias de Rome avec l'armée de Lucullus est une raison suffisante pour ne pas être inscrit dans le recensement, que le service dans l'armée est une excuse valable pour s’absenter du recensement. 

tabulae censoriae - archivage

Quand les censeurs ont reçu les noms de tous les citoyens avec la quantité de leurs biens, ils doivent alors établir les listes des tribus, des classes et des centuries. Lors de la législation de Servius Tullius la place de chaque citoyen dans l'état est déterminée par la quantité de ses biens [ COMITIA CENTURIATA. ] Ces listes sont la partie la plus importante des Tabulae Censoriae : on inclut sous ce nom tous les documents rattachés à l'exercice des fonctions des censeurs. Ces listes, si elles se rapportent aux finances de l'état, sont déposées dans l'aerarium, qui est le temple de Saturne; mais dans les premiers temps le lieu d’archivage ordinaire pour tous les documents est l’Atrium Libertatis, près de la Villa Publica, et plus tard le temple des Nymphes.

recensement des sénateurs et des chevaliers

En plus de la disposition des citoyens dans des tribus, centuries et classes, les censeurs doivent faire les listes des sénateurs pour le lustrum suivant ou jusqu'à la nomination de nouveaux censeurs. Ils rayent de la liste ceux qu’ils considèrent indignes et ajoutent les nouveaux nommés. Cette partie importante de leurs fonctions est expliquée sous la rubrique SENATUS. De la même manière ils passent en revue les equites equo publico : ils ajoutent ou enlèvent des noms selon leur propre appréciation. [ EQUITES. ] 

établissement des listes et nombre de citoyens

Après l’établissement des listes, on compte le nombre de citoyens et on annonce le chiffre total : on constate donc que, dans le décompte d'un recensement, on donne habituellement le nombre des citoyens. On les appelle dans ce cas des capita, tantôt en y ajoutant le mot civium, et tantôt sans le faire : par conséquent être enregistré dans le recensement est identique à caput habere. [ CAPUT. ] 

II. REGIMEN MORUM.

II. REGIMEN MORUM. C’est la partie la plus importante de la charge des censeurs et celle qui vaut à cette charge d’être la plus respectée et la plus redoutée dans l'état romain. Elle découle naturellement du droit que les censeurs possèdent d'exclure les personnes indignes des listes de citoyens. Comme on l’a bien fait remarquer : en premier lieu, ils sont les juges uniques sur beaucoup de questions de fait : vérifier si un citoyen a les qualifications prévues par la loi ou la coutume pour le rang qu'il réclame, vérifier s’il n’a jamais été reçu une condamnation infamante. A partir de là, la transition est facile, selon les notions romaines, vers des décisions de questions de droit : un citoyen est-il vraiment digne de garder son rang : celui qui n'a commis aucun acte illégal ou celui qui a enfreint la loi."  De cette manière les censeurs prennent graduellement la surveillance totale sur l’ensemble des gens et sur leur la vie privée. Ils s’établissent en conservateurs de la moralité publique; ils ne doivent pas simplement empêcher le crime ou les actes particuliers d’immoralité, mais leur grande fonction est de maintenir les us et coutumes romains, le mos maiorum. L'expression appropriée pour cette partie de leur fonction c’est le regimen morum qui s’appelera sous l’empire cura ou praefectura morum. La punition infligée par les censeurs dans l'exercice de cette partie de leur charge s’appelle Nota, Notatio ou Animadversio Censoria. En l'infligeant ils sons guidés uniquement par leurs convictions consciencieuses du devoir; ils font le serment de ne pas agir ni par le partialité ni par faveur. De plus ils sont obligés dans tous les cas de mettre dans les listes, à côté du nom du citoyen coupable, la cause de la punition infligée : c’est la subscriptio censoria

La nota - l'ignominia

Cette partie de leur charge leur donne un genre particulier de juridiction, qui, à bien des égards, ressemble à la préoccupation de l'opinion publique dans des temps modernes : pour les censeurs il y a de nombreux actes reconnus par tous pour être préjudiciables et immoraux, mais qui ne relèvent pas toujours des lois d'un pays. Même dans les cas de vrais crimes, les lois punissent fréquemment seulement un délit particulier, alors que pour l'opinion publique le contrevenant, même après avoir subi sa peine, ne peut obtenir certains honneurs et certaines distinctions accordées uniquement aux personnes intègres. C’est pourquoi les censeurs romains peuvent stigmatiser quelqu’un par leur nota censoria quand il est condamné pour un crime devant un tribunal et qu’il a déjà exécuté sa peine. La conséquence d'une telle nota est l’ignominia et non l’infamia [ INFAMIA ], et le verdict du censeur n'est pas un iudicium ni une res iudicata, parce que ses effets ne sont pas durables, mais peuvent être enlevés par les censeurs suivants ou par une lex. Une nota censoria ne peut être faite que si les deux censeurs sont d’accords. L'ignominia est donc uniquement une capitis diminutio transitoire qui ne semble pas priver un magistrat de sa charge et n’empêche certainement pas qu’on puisse se présenter à une magistrature, être nommé comme iudices par le préteur ou servir dans les armées romaines. Ainsi, Mam. Aemilius est, malgré l’animadversio censoria, nommé dictateur.  

Une personne peut être marquée d’une un nota du censeur dans une foule de délits, qu'il est impossible d'énumérer : dans beaucoup d’exemples la nota dépend de l’appréciation des censeurs et de la position qu’il adopte lors d’une affaire. Dans certains cas, des censeurs laissent passer un délit qui est puni sévèrement par leurs successeurs. Mais les délits qui sont rapportés sont de trois genres. 

1. Des délits privés, par exemple
(a) Vivre dans le célibat à un moment où on doit être marié pour fournir à l'état des citoyens. Souvent les censeurs ont poussé des gens à se marier et le refus de le faire est puni d’amende [ AES UXORIUM ].
(b) La dissolution du mariage, une promesse non tenue ou pour des raisons insuffisantes.
(c) Une mauvaise conduite envers son épouse ses enfants, que ce soit dans le sens de la dureté que de la permissivité trop grande envers des enfants; la désobéissance des enfants envers leurs parents.
(d) Un mode de vie excessif et luxueux ou une dépense exagérée d’argent. On trouve un grand nombre d'exemples de cette sorte. Plus tard on vote des leges sumtuariae pour vérifier le goût excessif du luxe.
(e) La négligence et l’inattention dans ses cultures.
(f) La cruauté envers des esclaves ou des clients.
(g) La poursuite d'un commerce ou d'un métier déshonorant, tel que acteur dans les théâtres.
(h) La chasse à l’héritage, l’escroquerie sur les orphelins, &c. 

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3. On peut interdire une foule d'actions ou de loisirs qu’on juge nuisibles à la moralité publique, par un édit, et ceux qui vont contre ces édits sont punis par une nota et dégradées. Pour une énumération des délits punis par les censeurs avec ignominia, voir Niebuhr, Hist. de Rome, vol. II p399, &c.

Les punitions infligées par les censeurs sont généralement différentes selon la position occupée par la personne, cependant parfois une personne de rang très élevé peut être punie immédiatement, en étant rétrogradée à la plus basse classe de citoyens. Mais elles sont généralement divisées en quatre catégories: 

1. La Motio ou eiectio e senatu ou l'exclusion du sénat. Cette punition peut soit être une exclusion simple de la liste de sénateurs, soit avec en même temps exclusion des tribus et rétrogradation au rang d’éraire (citoyen non inscrit dans une tribu). Cette dernière solution semble être rarement appliquée; voici la façon normale de punir : dans leurs nouvelles listes les censeurs omettent les noms des sénateurs qu'ils souhaitent exclure et quand ils lisent les nouvelles listes en public, ils passent outre des noms de ceux qui ne doivent plus être sénateurs. Donc l’expression praeteriti senatores est l’équivalent de senatu eiecti. Dans certains cas, cependant, les censeurs ne se contentent pas de cette façon de faire mais s’adressent au sénateur notés et le réprimandent publiquement pour sa conduite. Mais comme en temps ordinaire l'igonminia n'empêche pas un ex-sénateur de se présenter à une magistrature qui mène au sénat, il peut lors du recensement suivant redevenir sénateur. 

2. L'ademptio equi ou l’enlèvement de l’equus publicus à son eques. Cette punition peut aussi être simple ou combinée avec l'exclusion des tribus et de la rétrogradation au rang d’aerarius. [ EQUITES. ]

3. La motio e tribu ou l'exclusion de sa tribu. Cette punition et la rétrogradation au rang d'aerarius sont à l'origine identiques; mais quand, au cours du temps, une distinction se fait entre les tribus rusticae et les tribus urbanae, la motio e tribu envoie une personne des tribus rustiques aux tribus moins respectables de ville. Si on ajoute à la rétrogradation au rang d’aerarius la motio e tribu, on le lui annonce toujours. 

4. La quatrième punition s'appelle referre ad aerarios ou facere aliquem aerarium. On peut l’infliger à toute personne que les censeurs jugent la mériter [ AERARII. ] Cette rétrogradation, pour dire vrai, inclut toutes les autres punitions : un eques ne peut devenir un aerarius qu’après avoir été privé de son cheval et un membre d’une tribu rustique ne peut devenir aerarius qu’après avoir été exclu de celle-ci.

Une personne stigmatisée par une nota censoria, peut, s'il considère qu’on lui fait du tort, essayer de prouver son innocence aux censeurs (causam agere apud censores) et s'il n’y arrive pas, il peut essayer de gagner la sympathie d'un des censeurs pour qu’il intervienne en son nom. 

III. L'ADMINISTRATION DES FINANCES DE L'ÉTAT

III. L'ADMINISTRATION DES FINANCES DE L'ÉTAT, est une autre partie de la charge des censeurs. En premier lieu le tributum ou l'impôt sur la propriété, doit être payé par chaque citoyen selon la quantité de biens enregistrés lors du recensement. En conséquence, le règlement de cet impôt est naturellement tombé sous la juridiction des censeurs [ TRIBUTUM. ] Ils ont également la direction de tous les autres revenus de l'état, les vectigalia, tels que la dîme payée sur les terres publiques, le sel, les mines, le droit coutumier, &c. [ VECTIGALIA. ] Toutes ces affaire financières, les censeurs ont l’habitude de les laisser à celui qui soumissionne le plus haut pour un lustrum ou cinq ans. L'acte de cession s’appelle venditio ou locatio et se passe, semble-t-il, en mars, dans un endroit public à Rome.  La durée de la location ainsi que les droits et devoirs des acheteurs, sont indiqués dans les leges censoriae que les censeurs publient avant que les enchères ne commencent. Pour d'autres conditions particulières voir PUBLICANI. Les censeurs ont également le droit, mais probablement pas sans l’accord du sénat, d’imposer de nouveaux vectigalia et même de vendre la terre appartenant à l'état. Les censeurs doivent aussi présenter un budget pour un lustrum et prendre soin que le revenu de l'état soit suffisant pour ses dépenses durant ces cinq ans. En regard de cela, leurs fonctions ressemblent à celles d'un ministre moderne des finances. Les censeurs, cependant, ne reçoivent pas les revenus de l'état. Le paiement de l'argent public se fait dans l'aerarium, qui est entièrement sous la juridiction du sénat; et toutes les dépenses sont faite sur l’ordre de celui-ci, qui utilise les questeurs comme ses fonctionnaires [ AERARIUM; SENATUS. ] 

Dans un département important les censeurs sont chargés de dépenser l'argent public bien que les paiements réels se fassent par les questeurs. Les censeurs ont la direction générale de tous les bâtiments et travaux publics (opera publica). Ils prennent en charge les dépenses inhérentes à cette partie de leurs fonctions : le sénat leur votent une somme d'argent ou certains revenus, auxquels ils sont astreints, mais qu’ils peuvent utiliser selon leur bon vouloir. Ils veillent à ce que les temples et tous les autres bâtiments restent en bon état (aedes sacras tueri and sarta tecta exigere), que les particuliers n’empiètent pas les endroits publics (loca tueri), et que les aqueducs, les routes, les fosssés, &c. soient correctement entretenus. [ AQUAEDUCTUS; VIAE; CLOAQUES. ]  Les réparations des biens publics et leur conservation dans leur état originel sont laissées par les censeurs, par enchère publique, au soumissionnaire le plus bas, comme les vectigalia sont laissées au plus haut soumissionnaire. Ces dépenses s’appellent ultrotributa : on trouve fréquemment vectigalia et ultrotributa l’un pour l’autre. Les personnes qui ont le contrat se nomment conductores, mancipes, redemptores, susceptores, &c. et les fonctions dont ils doivent se charger sont indiquées dans les Leges Censoriae. Les censeurs ont également la direction des dépenses liées au culte des dieux, même, par exemple, l'alimentation des oies sacrées du Capitole, qui est également reprise dans le contrat.
En plus de la maintenance des biens publics existants, les censeurs construisent aussi pour l'ornement ou l'utilité, à Rome et dans d'autres parties de l'Italie : des temples, des basiliques, des théâtres, des portiques, des fora, des murs de villes, des aqueducs, des ports, des ponts, des cloaques, des routes, &c. Soit ces travaux sont effectués conjointement, soit ils se partagent l'argent, qui leur est accordé par le sénat. Ils lmettent les travaux en soumission à des entrepreneurs, comme pour les autres travaux mentionnés ci-dessus et quand les travaux sont terminés, les censeurs vérifient que le travail est effectué selon le contrat: on appelle cela opus probare ou in acceptum referre

Les édiles ont aussi la direction des bâtiments publics. Il n’est pas facile de définir avec exactitude les fonctions respectives des censeurs et des édiles, mais on peut remarquer en général que la direction des édiles a plus un caractère de police, alors que celle des censeurs se rapporte aux finances.

Quand les censeurs ont exécuté leurs diverses fonctions et ont fait le recensement, arrive alors le lustrum ou la purification solennelle. Quand les censeurs entrent en charge, ils tirent au sort pour désigner celui qui fera cette purification (lustrum facere ou condere); mais les deux censeurs sont obligés d'être présents à la cérémonie [ LUSTRUM. ]

Dans les colonies romaines et latines ainsi que dans les municipes il y a des censeurs, qui s’appellent quinquennales. On en parle dans COLONIA

On fait parfois un recensement dans les provinces, même sous la république; mais il ne semble pas y avoir de recensement général effectué dans les provinces jusqu'à la période d'Auguste. Cet empereur fait un comptage précis de tout l’empire romain, ainsi que de la quantité des biens; les empereurs successif font un recensement semblable de temps en temps, d'abord tous les dix, et plus tard tous les quinze ans. L'empereur envoye dans les provinces des fonctionnaires spéciaux pour effectuer le recensement : on les appelle Censitores; mais leur fonction est parfois reprise par les légats impériaux. Des fonctionnaires subalternes, appelés Censuales, aident les Censitores à tenir les listes, &c.. À Rome le recensement continue toujours sous l’empire, mais les vieilles cérémonies qui l’accompagnent cessent et la cérémonie du lustrum disparaît après Vespasien. Les deux grands juristes, Paulus et Ulpien, ont écrit des travaux sur le recensement durant la période impériale: plusieurs extraits de ces travaux se retrouvent dans un chapitre du Digeste. Si les lecteurs veulent en savoir plus, qu’ils se réfèrent à ces auteurs. 

Le mot census, sans compter sa signification d’ "évaluation" du domaine d'une personne, a d'autres significations, qui doivent être brièvement mentionnés:
1. Il signifié la quantité de biens d'une personne, et par conséquent nous lisons census senatorius, les biens d'un sénateur; census equestris, les biens du chevalier.
2. Les listes des censeurs.
3. L'impôt qui dépend de l'évaluation faite lors du recensement.

Les lexiques donnent des exemples de ces significations.