Ermold le Noir

 PIERRE DE VAULX-CERNAY

 

HISTOIRE DE L'HÉRÉSIE DES ALBIGEOIS, ET DE LA SAINTE GUERRE ENTREPRISE CONTRE EUX (de l'an 1203 a l'an 1218)

Chapitres I à X

chapitres XI à XXX

Oeuvre mise en page par Patrick Hoffman

Le texte latin provient de Migne

 

 

 

 

 

iiiCOLLECTION

DES MÉMOIRES

RELATIFS

A L'HISTOIRE DE FRANCE,

DEPUIS LA FONDATION DE LA MONARCHIE FRANÇAISE JUSQU'AU 13e SIÈCLE;

AVEC UNE INTRODUCTION, DES SUPPLÉMENS, DES NOTICFS

ET DES NOTES;

Par M. GUIZOT,

PROFESSEUR D'HISTOIRE MODERNE A L'ACADÉMIE DE PARIS.

 

B.L.

 

A PARIS

CHEZ J.-L.-J. BRIÈRE, LIBRAIRE,

rue saint-andré-des-arts, n°. 68.

1824.

 

 

vHISTOIRE

DE L'HÉRÉSIE

DES ALBIGEOIS,

 

ET DE LA SAINTE GUERRE ENTREPRISE CONTRE EUX
(de l'an 1203 a l'an 1218);

 

Par PIERRE DE VAULX-CERNAY.

 

 

viiNOTICE

SUR

PIERRE DE VAULX-CERNAY.

 

On ne saurait absolument rien de Pierre, moine de Vaulx-Cernay, s'il ne nous apprenait lui-même, dans le cours de son histoire, qu'il était neveu de Gui, abbé de Vaulx-Cernay, évêque de Carcassonne après la conquête des États du comte de Toulouse par Simon de Montfort, qu'il avait accompagné son oncle dans la croisade des Francs contre l'Empire grec en 1205, et qu'il le suivit également dans la croisade contre les Albigeois, dont l'abbé Gui fut l'un des plus ardens promoteurs. Pierre ne nous a du reste transmis, sur sa personne et sa vie, aucun autre détail, et aucun de ses contemporains n'a suppléé à son silence. Il demeura probablement attaché à la fortune de son oncle, et ne se fit remarquer par aucun acte, aucun mérite considérable, car la violence de son zèle contre les hérétiques n'était pas alors un trait saillant qui pût lui valoir une attention particulière.

Son ouvrage n'en est pas moins un des plus ins-viiitructifs et des plus curieux qui nous soient parvenus sur l'un des plus grands et des plus tragiques événemens du treizième siècle. Pierre ne fut pas seulement témoin de la guerre des Albigeois; il y fut acteur: tantôt il parcourait la France avec son oncle pour recruter de nouveaux Croisés, tantôt il le suivait dans les sièges et les batailles, prêchant, confessant, assistant, comme il le dit lui-même, avec une allégresse ineffable, aux massacres et aux auto-da-fé. Il vécut dans l'intimité des chefs Croisés, ecclésiastiques et militaires, partageant toutes leurs passions, exclusivement préoccupé du succès de leur entreprise, et tellement dévoué a la personne de Simon de Montfort qu'il lui sacrifie aveuglément non seulement ses ennemis, mais ses compagnons, et même se permet, bien qu'avec réserve, de blâmer le pape, quand le pape n'accorde pas au comte de Montfort une complaisance et une faveur illimitées. Aussi les infidélités, surtout les réticences, abondent dans son récit; il dénature ou omet, non seulement les circonstances favorables au comte Raimond de Toulouse et à tous les siens, mais les discordes intestines des Croisés, la rivalité de leurs ambitions, les reproches que le pape leur adressa plusieurs fois, enfin tout ce qui eût pu ternir la gloire ou abaisser un moment ixla fortune du comte Simon, seul héros, pour lui, de cette effroyable épopée. Cette ardeur de parti, la fureur de conviction religieuse qui s'y joint et qui étouffé à un degré rare, même dans ces temps-là, même dans le camp des Croisés, tout sentiment de justice et de pitié, donnent à la narration de l'écrivain une véhémence, une verve de passion et de colère qui manquent à la plupart des chroniques, quelque terribles qu'en soient les scènes, et animent celle-ci d'un intérêt peu commun. Le moine Pierre raconte d'ailleurs avec détail ce qu'il a vu; il décrit les lieux, rappelle avec soin les petites circonstances, les incidens, les anecdotes, ce qui fait la vie et la vérité morale de l'histoire. Il en est peu de plus partiales que la sienne et qui doivent être lues avec plus de méfiance; mais aucune peut-être n'est plus intéressante, plus vive, et ne fait mieux connaître le caractère du temps, des événemens et du parti de l'historien.

L'ouvrage de Pierre de Vaulx-Cernay fut imprimé pour la première fois en 1615, par Nicolas Camusat, chanoine de Troyes; il en existait déjà une traduction française, incomplète et très-fautive, publiée par Arnaud-Sorbin, sous ce titre: Histoire de la ligue sainte sous la conduite de Simon de Montfort contre les Albigeois tenant le xBéarn, le Languedoc, la Gascogne et le Dauphiné, laquelle donna la paix à la France sous Philippe-Auguste et Saint-Louis1. Le texte original a été réimprimé depuis dans les Historiens de France de Duchesne2 et dans la Bibliothèque de l'Ordre de Citeaux3. C'est sur cette dernière édition, la plus correcte de toutes, qu'a été faite notre traduction. Nous y avons joint quelques Eclaircissemens et pièces historiques utiles pour expliquer et compléter l'ouvrage qui, du reste, ne doit être considéré que comme l'un des monumens de cette grande guerre des Albigeois, objet de plusieurs autres chroniques qui prendront place dans notre Collection.

F. G.                 

 

 

 

 

 

PETRI MONACHI COENOBII VALLIUM CERNAII HISTORIA ALBIGENSIUM ET SACRI BELLI IN EOS ANNO 1209 SUSCEPTI DUCE ET PRINCIPE SIMONE DE MONTEFORTI.

 

 

EPISTOLA NUNCUPATORIA AUCTORIS AD INNOCENTIUM III PONTIFICEM ROMANUM.

Sanctissimo Patri et beatissimo domino INNOCENTIO Dei gratia universalis Ecclesiae summo pontifici, humilis licet immeritus servus ejus, frater PETRUS qualiscunque Vallium Cernay monachus, non solum oscula pedum, sed et ipsa pedum ejus vestigia humiliter deosculari.

Benedictus Dominus Deus Sabaoth, qui novissime diebus nostris, sanctissime Pater, cooperante vestra sollicitudine non pigra, Ecclesiam suam in partibus Provinciae, inter persequentes haereticorum procellas, jam quasi penitus naufragantem, per ministrorum suorum manus, de ore leonum misericorditer eripuit, de bestiarum manibus liberavit.

Verum, ne tam gloriosum et tam mirabile factum per evolutiones temporum successivas, possit in oblivionem venire, sed nota fiant in gentibus magnalia Dei nostri, seriem facti, qualicunque modo in scriptum redactam, vestrae, beatissime Pater, offero majestati, humiliter supplicans ne deputetur praesumptioni quod puer elementarius manum misit ad fortia: onus subire praesumpsit supra vires; quia fuit mihi intentio in hoc opere haec sola scribendi causa, ut sciant gentes mirabilia opera Dei; maxime cum, sicut ex ipso dicendi modo perpendi potest, non studuerim superfluis verbis ornare codicem, sed simplicem exprimere simpliciter veritatem.

Firmum igitur habeat, Pater bone, vestrae dignatio sanctitatis, quod, etsi ad omnia quae in hoc facto contigerint scribenda, per ordinem non potuerim pertingere, vera sunt illa quae scripsi, cum nihil unquam apposuerim, nisi quod viderim oculis meis, vel audierim a magnae auctoritatis personis et plenissima fide dignis.

In prima autem hujus operis fronte breviter tango de sectis haereticorum et qualiter provinciales, infidelitatis lepra infecti fuerint, a temporibus retroactis.

Postea exprimo quomodo memorati Provinciales haeretici, per praedicatores verbi Dei, et vestrae sanctitatis ministros, admoniti fuerint ut redirent praevaricatores ad cor et saepius requisiti

deinde crucesignatorum adventus, civitatum et castrorum captiones, caeteraque ad progressum negotii fidei pertinentia, prout possum, per ordinem repraesento.

Unde sciant qui lecturi sunt, quia in pluribus hujus operis locis Tolosani, et aliarum civitatum et castrorum haeretici et defensores eorum, generaliter Albigenses vocantur, eo quod aliae nationes haereticos Provinciales, Albigenses consueverint appellare.

Ut autem lector in hoc libello quod quaesierit possit facilius invenire, sciat quod, secundum multiplices et successivos negotii fidei processus, per varias distinctiones digestum est opus istud

INCIPIT HISTORIA ALBIGENSIS.

CAPUT PRIMUM.

De legatione fratris Petri de Castronovo et fratris Radulphi de ordine Cisterciensi ad provinciam Narbonensem.

In provincia Narbonensi, ubi quondam fides floruerat, coepit inimicus fidei superseminare zizania; desipuit populus; Christi sacramenta, qui est Dei sapor et sapientia, profanans, factus insipiens, a vera desipiens theosebia, vagus et vagans per errores in ima, factus in invio, et non in via (Psal. CVI).

Monachi duo Cistercienses, zelo fidei succensi, F. Petrus videlicet de Castronovo et F. Radulphus, auctoritate summi pontificis contra pestem infidelitatis instituti legati, negligentiam omnem relegantes, legatione sibi indicta officiose fungentes, urbem Tolosam ingressi sunt et aggressi, a qua venenum principaliter emanabat, plebes inficiens: sicque deficere faciens a Christi cognitione, a veridico splendore, a deifica charitate.

Radix amaritudinis sursum germinans, profundius in cordibus hominum convaluerat, nec sine multa difficultate potuit explantari. Suasum est Tolosanis saepe et multum ut haeresim abjurarent, ut haereticos relegarent. Suasum fuit eis a viris apostolicis, sed minime persuasum, adeo siquidem morti inhaeserant, qui recesserant a vita, affecti et infecti nequam sapientia animali, terrenali, diabolica; expertes illius sapientiae quae desursum est, suadibilis est, bonis consentiens (Jac. III) .

Tandem illae duae olivae, illa duo candelabra lucentia ante Dominum (Apoc. IV) , servis servilem incutientes timorem; minantes eis rerum depraedationem, regum ac principum dedignationem intonantes; haereseon adjurationem, haereticorum expulsionem eis persuaserunt. Sicque ipsi, non virtutis amore, sed, secundum poetam: Oderunt peccare mali, formidine poenae: quod manifestis indiciis demonstrarunt: nam statim perjuri effecti, et miseriae suae recidivum patientes, in conventiculis suis, ipso noctis medio, praedicantes, haereticos occultabant.

Heu, quam difficile est a consuetudine evelli! Haec Tolosa, tota dolosa, a prima sui fundatione, sicut asseritur, raro vel unquam expers hujus pestis vel pestilentiae detestabilis, hujus haereticae pravitatis, a patribus in filios successive, veneno superstitiosae infidelitatis diffuso. Quamobrem et ipsa in vindictam tanti sceleris, tantum dicitur jamdudum sustinuisse manus ultricis et justae depopulationis excidium, ut in ipso meditullio civitatis, sulcata vomeribus planities pateret agrorum. Unus etiam de regibus suis inclytis, qui tunc temporis in ipsa regnabant, Alaricus, ut creditur, nomine, in extremum dedecus, pro foribus urbis ejusdem, est suspensus in patibulo.

Hujus antiquae viscositatis faece infectum genimen, praedictae civitatis, genimen viperarum, non poterat etiam nunc temporibus nostris a suae perversitatis radice divelli: quinimo naturam haereticam, et haeresim vernalem, furca dignae ultionis expulsam, usquequaque passa in se recurrere,
Patrissare sitit, degenerare negans, cujus vicinitatis exemplo, sicut
Uva . . . compacta, livorem ducit ab uva,
Et grex totus in arvis,
Unius scabie cadit, et porrigine porci. (JUV. sat. II, 81.)

Vicinae urbes et oppida, radicatis in se haeresiarchis, per ejusdem infidelitatis surculos pullulantes, inficiebantur miserabiliter et mirabiliter peste ista. Barones terrae Provincialis, fere omnes haereticorum defensores et receptores effecti, ipsos amabant ardentius, et contra Deum et Ecclesiam defendebant.

CAPUT II.

 De diversis haereticorum sectis.

Et quoniam se in hoc loco quodammodo ingerit opportunitas, haereses et sectas haereticorum, enucleatius stylo brevitatis prosequi dignum duxi.

Primo sciendum quod haeretici duos constituebant creatores, invisibilium scilicet, quem vocabant benignum Deum, et visibilium, quem malignum Deum nuncupabant. Novum Testamentum benigno Deo, Vetus vero maligno attribuebant, et illud omnino repudiabant, praeter quasdam auctoritates quae de Veteri Testamento, Novo sunt insertae, quas ob Novi reverentiam Testamenti, recipere dignum aestimabant.

Auctorem Veteris Testamenti mendacem asserebant, quia protoplastis dixit: Quacunque die comederitis de ligno scientiae boni et mali, morte moriemini (Gen. III) , nec, sicut dicebant, post comestionem, mortui sunt; eum tamen revera post gustum pomi vetiti, mortis miseriae fuerunt subjecti. Homicidam quoque ipsum nominabant, tum quia Sodomitas et Gomorrhaeos incineravit, et aquis diluvii mundum delevit, cum quia Pharaonem et Aegyptios mari obruit.

Omnes Veteris Testamenti Patres, damnatos affirmabant; Joannem Baptistam unum esse de majoribus daemonibus asserebant. Dicebant etiam in secreto suo, quod Christus ille qui natus est in Bethlehem terrestri et visibili, et in Hierusalem crucifixus, malus fuit; et quod Maria Magdalena fuit ejus concubina, et ipsa fuit mulier in adulterio deprehensa, de qua legitur in Evangelio (Joan. VIII) . Bonus enim Christus, sicut dicebant, nunquam comedit vel bibit, nec veram carnem assumpsit, nec unquam fuit in hoc mundo nisi spiritualiter in corpore Pauli. Ideo autem diximus in Bethlehem terrestri et invisibili; quia haeretici fingebant esse aliam terram novam et invisibilem, et in alia terra secundum quosdam, bonus Christus fuit natus et crucifixus.

Item dicebant haeretici bonum Deum duas habuisse uxores, Collant et Colibant, et ex ipsis filios et filias procreasse.

Erant alii haeretici qui dicebant quod unus est Creator, sed habuit filios, Christum et diabolum. Dicebant et isti, omnes creaturas bonas fuisse, sed per filias de quibus legitur in Apocalypsi, omnia fuisse corrupta (Apoc. XIX) .

Hi omnes membra Antichristi primogeniti Satanae, semen nequam, filii scelerati, in hypocrisi loquentes, mendacio corda simplicium seducentes, provinciam Narbonensem, veneno suae perfidiae infecerant.

Fere totam Romanam Ecclesiam, speluncam latronum esse dicebant (Matth. XXI) , et quia ipsa erat meretrix illa, de qua legitur in Apocalypsi (Apoc. XVII) . Sacramenta Ecclesiae usque adeo adnullabant, ut sacri baptismatis undam, ab aqua fluviali non distare; sacrosancti corporis Christi hostiam, a pane laico non differre publice dogmatizarent; simplicium auribus hanc instillantes blasphemiam, quod Christi corpus etsi magnitudinem Alpium in se contineret, jamdudum 1consumptum a comedentibus et annihilatum fuisset. Confirmationem, confessionem, frivolas esse et inanes omnino reputabant. Sacrum matrimonium meretricium esse, nec aliquem in ipso salvari posse praedicabant, filios et filias generando. Resurrectionem quoque carnis diffitentes, quasdam adinventiones confingebant inauditas, dicentes animas nostras esse spiritus illos angelicos qui per superbiae apostasiam praecipitati de coelo, corpora sua glorificata in aere reliquerunt, et ipsas animas, post successivam qualiumcunque corporum septem, et terrenorum inhabitationem, quasi tunc demum poenitentia peracta, ad illa relicta corpora remeare.

Sciendum autem quod quidam inter haereticos dicebantur perfecti, sive boni homines; alii credentes haereticorum, qui dicebantur perfecti, nigrum habitum praeferebant; castitatem se tenere mentiebantur; esum carnium, ovorum, casei omnino detestabantur; non mentientes videri volebant, cum ipsi maxime de Deo quasi continue mentirentur. Dicebant etiam quod nulla unquam ratione debeant jurare. Credentes autem haereticorum dicebantur illi, qui saeculariter viventes, licet ad vitam perfectorum imitandam non pertingerent, in fide tamen illorum se salvari sperabant,

divisi siquidem erant in vivendi modo, sed in fide et infidelitate uniti erant. Qui dicebantur credentes haereticorum, dediti erant usuris, rapinis, homicidiis et carnis illecebris, perjuriis et perversitatibus universis. Isti siquidem ideo securius et effrenatius peccabant, quia credebant sine restitutione ablatorum, sine confessione et poenitentia se esse salvandos, dummodo in supremo mortis articulo Pater noster dicere. et manuum impositionem recipere a magistris suis potuissent. De perfectis vero haereticis, magistratus habebant, quos vocabant diacones et episcopos, sine quorum manuum impositione, nullus inter credentes moriturus, se salvari posse credebat. Verum si morienti cuilibet quantumcunque flagitioso manus imposuissent, dummodo Pater noster dicere posset, ita salvatum, et secundum eorum vulgare consolatum aestimabant, ut absque omni satisfactione, absque omni alio remedio statim evolaret ad coelum. Unde ridiculum quod super hoc audivimus duximus inserendum.

Quidam credens haereticorum, in supremo mortis articulo, per manuum impositionem a magistro suo consolationem tum accepit, sed Pater noster dicere non potuit, et sic exspiravit. Consolator ejus quid de ipso diceret nesciebat, salvatus videbatur per receptam manuum impositionem; damnatus quia non dixerat Dominicam Orationem. Quid plura? Consuluerunt haeretici quemdam militem, nomine Bertrandum de Saxiaco, qui erat haereticus, quid de illo judicare deberent: miles autem tale dedit consilium et responsum: « De isto sustinebimus et dicemus quod salvus sit; omnes, alios nisi Pater noster dixerint in fine, damnatos judicamus. »

Item aliud ridiculum: Quidam credens haereticorum in morte legavit haereticis ccc solidos, et praecepit filio suo ut daret haereticis pecuniam illam. Quam cum, post mortem patris, haeretici requirerent a filio, dixit eis: « Volo ut dicatis prius, quomodo est patri meo. » Et dixerunt: « Certissime scias quod salvus est, et jam in coelestibus collocatus. » Quibus ille subridens: « Gratias Deo et vobis; verumtamen ex quo pater meus jam est in gloria, animae ipsius non est opus eleemosynis; et ego tam benignos vos scio esse, quod amodo patrem meum a gloria non revocabitis. Sciatis igitur quod nihil a me de pecunia reportabitis. »

Non credimus autem silendum quod et quidam haeretici dicebant quod nullus poterat peccare ab umbilico et inferius. Imagines quae sunt in ecclesiis dicebant idolatriam; campanas earum turbas daemonum affirmabant. Item dicebant quod non peccabat quis gravius dormiendo cum matre vel sorore sua, quam cum qualibet alia. Illud et inter supremas fatuitates dicebant, quod si quis de perfectis peccaret mortaliter, comedendo videlicet modicissimum carnium, vel casei seu ovi vel alicujus rei sibi inhibitae, omnes consolati ab illo, amittebant Spiritum S. et oportebat eum iterum reconsolari; et etiam salvati, pro peccato consolatoris, cadebant de coelo.

Erant praeterea alii haeretici, qui Waldenses dicebantur, a quodam, Waldio nomine Lugdunensi. Hi quidem mali erant sed comparatione aliorum haereticorum, longe minus perversi: in multis enim nobiscum conveniebant, in aliquibus dissentiebant. Ut autem plurima de infidelitatibus eorum omittamus, in quatuor praecipue consistebat error eorum, in portandis scilicet sandaliis more apostolorum et in eo quod dicebant nulla ratione jurandum, vel occidendum; in hoc insuper quod asserebant quemlibet eorum in necessitate dummodo haberet sandalia, absque ordinibus ab episcopo acceptis, posse conficere corpus Christi.

Haec nos de sectis haereticorum breviter excerpsisse sufficiat.

Quando aliquis se reddit haereticis, ille dicit qui recipit eum: « Amice, si vis esse de nostris, oportet ut renunties toti fidei quam tenet Romana Ecclesia. » Respondet: « Abrenuntio.--Ergo accipe Spiritum sanctum a bonis hominibus: » et tunc aspirat ei septies in ore. Item dicit illi: « Abrenuntias cruci illi, quam tibi fecit sacerdos in baptismo, in pectore, et in scapulis, et in capite de oleo et chrismate? » Respondet: « Abrenuntio.--Credis quod aqua illa operetur tibi salutem? » Respondet: « Non credo.--Abrenuntias velo illi, quod tibi baptizato sacerdos posuit in capite? » Respondet: « Abrenuntio. » Ita accipit ille baptismum haereticorum, et abnegat baptismum Ecclesiae: tunc ponunt omnes manus super caput ejus et osculantur eum, et induunt eum veste nigra, et ex illa hora est quasi unus ex ipsis.

CAPUT III.

Qualiter et quando primum praedicatores venerunt ad provinciam Narbonensem contra haereticos.

Anno Verbi incarnati 1206, Oxomensis episcopus, Diegus nomine, vir magnus et magnifice extollendus, ad curiam Romanam accessit, summo desiderio desiderans episcopatum suum resignare, quo posset liberius ad paganos, causa praedicandi Christi Evangelium se transferre. Sed dominus papa Innocentius noluit acquiescere desiderio viri sancti: imo praecepit ei ut ad sedem propriam remearet.

Factum est igitur, dum rediret a curia, et esset apud Montempessulanum, invenit ibi venerabilem virum Arnaldum abbatem Cisterciensem, et F. Petrum de Castronovo, et F. Radulphum monachos Cistercienses apostolicae sedis legatos, injunctae sibi legationi, prae taedio renuntiare volentes, eo quod nihil aut parum haereticis praedicando proficere potuissent. Quotiescunque enim vellent ipsis haereticis praedicare, objiciebant eis haeretici conversationem pessimam clericorum, et ita nisi vellent clericorum vitam corrigere, oporteret eos a praedicatione desistere.

Memoratus autem episcopus, adversus hujusmodi perplexitatem salubre dedit consilium, monens et consulens ut, caeteris omissis, praedicationi ardentius insudarent: et ut possent ora obstruere malignorum, in humilitate praecedentes exemplo, pii magistri facerent et docerent; irent pedites, sine auro et argento, per omnia formam apostolicam imitantes. Dicti vero legati haec omnia quasi quamdam novitatem per se arripere non volentes dixerunt, quod si quis favorabilis auctoritatis eos sub hac forma vellet praecedere, ipsum libentissime sequerentur. Quid plura? Obtulit se vir Deo plenus, moxque familiam suam Oxomum transmittens, uno comite contentus, cum duobus saepedictis monachis, Petro videlicet et Radulpho, Montempessulanum ingreditur, abbas autem Cisterciensis Cistercium perrexit, tum quia in proximo celebrandum erat Cisterciense capitulum, tum quia post celebratum capitulum, quosdam de abbatibus suis volebat secum adducere, qui eum in exsequendo injuncto sibi praedicationis officio adjuvarent.

Exeuntes autem a Montepessulano, Oxomensis episcopus et praefati monachi venerunt ad castrum quoddam Carmanum, ubi invenerunt quemdam haeresiarcham, Balduinum nomine, et Theodoricum quemdam filium perditionis et stipulam incendii. Iste de Gallia oriundus, erat quidem nobilis genere, et canonicus fuerat Nivernensis. Postea vero, cum quidam miles, qui erat avunculus ipsius et haereticus pessimus, in Parisiensi concilio, coram Octaviano cardinale et apostolicae sedis legato, fuisset de haeresi condemnatus, videns iste quod diutius latere non valeret, ad partes se transtulit Narbonenses, ubi ab haereticis in maximo amore et veneratione est habitus; tum quia aliquantulum caeteris acutior videretur, tum quia gloriabantur se habuisse de Francia, ubi esset fons scientiae et religionis Christianae, suae iniquitatis socium, suae nequitiae defensorem. Nec praetereundum quod Theodoricum faciebat se vocari, cum Guillelmus antea vocaretur.

Habita cum his duobus disputatione per octo dies, Balduino videlicet et Theodorico, praedicatores nostri universum populum dicti castri, salutaribus monitis ad saepedictorum haereticorum odium converterunt. Ipsos siquidem haereticos a se libentissime expulissent, sed dominus castri, veneno perfidiae infectus, eos sibi familiares fecerat et amicos; verba autem illius disputationis, longum esset per omnia enarrare. Sed hoc solummodo adnectere dignum duxi: quod cum venerabilis episcopus, dictum Theodoricum, ad ima conclusionis disputando, deduxisset: « Scio, inquit Theodoricus, scio cujus spiritus sis, siquidem in spiritu Eliae venisti. » Ad haec sanctus: « Et si ego in spiritu Eliae veni, tu venisti in spiritu Antichristi. » Actis igitur ibi octo diebus exeuntes a castro, venerabiles viros prosecutus est populus per leucam fere unam.

Illi autem recto itinere procedentes, Biterrensem aggressi sunt civitatem, ubi per dies XV, disputantes et praedicantes, confirmabant in fide paucos qui ibi erant Catholicos, haereticos confundebant. Venerabilis autem episcopus Oxomensis et F. Radulphus consuluerunt F. Petro de Castronovo, ut ad tempus ab eis recederet; timebant siquidem, ne occideretur F. Petrus, eo quod ipsum odio haberent haeretici super omnes. Recessit igitur F. P. ab episcopo et F. R. tempore aliquanto.

Ipsi a Bitteris egressi Carcassonam gressu prospero devenerunt: ubi per octo dies morantes, praedicationi et disputationibus insistebant. Contigit tempore illo prope. Carcassonam miraculum, quod praeteriri non debet. Metebant haeretici segetes suas, in die Nativitatis sancti Joannis Baptistae: ipsum enim non prophetam, sed malignissimum esse dicebant; dum igitur meterent, aspiciens unus ex eis manum suam vidit manipulum suum sanguinolentum: quod videns, putavit quod incidisset manum; sed inveniens eam sanam, exclamavit sociis: « Quid ultra? » Aspicientes singuli manipulos quos tenebant invenerunt eos sanguinolentos, manibus conservatis illaesis. Venerabilis autem abbas Vallium Guido tunc erat in illa terra, qui manipulum sanguinolentum vidit, et ipse mihi hoc narravit.

Quia vero longum esset enarrare per ordinem quomodo viri apostolici, scilicet praedicatores nostri circuibant per castra, evangelizantes et disputantes ubique, his omissis, ad praecipua veniamus.

Quodam die convenerunt omnes haeresiarchae apud quoddam castrum in Carcassonensi dioecesi, quod dicitur Mons regalis, disputaturi unanimiter adversus viros saepius memoratos. Ad hanc disputationem rediit F. P. de Castronovo, qui, sicut paulo ante diximus, discesserat apud Biterrim. Disputantibus autem dati fuerunt judices de ipsis credentibus haereticorum; protelata autem fuit disputatio per XV dies, et redacta fuerunt in scriptum hinc inde proposita et tradita judicibus, ut diffinitivam sententiam promulgarent. Videntes autem ipsi judices haereticos suos manifestissime superatos, noluerunt dare sententiam, sed et scripta quae a nostris acceperant, ne venirent in publicum noluerunt reddere, sed tradiderunt haereticis.

His peractis, recessit F. P. de Castronovo a sociis suis, et ivit in Provinciam, et laboravit ut componeret nobiles Provinciae, hac autem intentione, ut auxilio eorum qui pacem juraverant, posset haereticos de Narbonensi provincia exstirpare. Sed comes Tolosanus, Raimundus nomine, inimicus pacis, noluit acquiescere dictae paci, donec tam per guerras, quas movebant ei nobiles Provinciae, mediante industria viri Dei, quam per excommunicationem ab eodem in ipsum comitem promulgatam, jurare compulsus est pacem illam.

Sed qui fidem negaverat, et erat infideli deterior (I Tim. V) , nunquam deferens juramento, juravit pluries, pluries perjuravit. Quem vir sanctissimus F. Petrus magna animi virtute corripuit, tyrannum intrepidus aggrediens, eique in facie resistens, quia reprehensibilis, imo damnabilis erat valde, confundebatque eum vir magnae constantiae, vir conscientiae illibatae, adeo ut exprobraret ei quod erat per omnia perjurus: et vere sic erat.

CAPUT IV.

Descriptio vitae corruptoe atque morum comitis Tolosani erga Deum et ejus Ecclesiam.

Quia ergo opportunitas se ingessit, hic de incredulitate ipsius comitis aliquid breviter explicemus. Primo dicendum quod, quasi a primis cunabulis, semper haereticos dilexit et fovit, et eos in terra sua habens, quibuscunque modis potuit, honoravit, usque hodie etiam, sicut asseritur, ubicunque pergit, haereticos sub communi habitu secum ducit, ut si ipsum mori contigerit, inter manus ipsorum moriatur: credebat enim, absque omni poenitentia, quantumcunque peccator fuerit, se salvandum, si in ipso mortis articulo impositionem manuum eorum potuisset adipisci. Faciebat et deferri Novum Testamentum, ut, si necesse esset, impositionem manuum cum libro reciperet ab haereticis. Vetus siquidem Testamentum detestantur haeretici: dicunt Deum illum qui veterem legem instituit, malum esse, vocantes eum traditorem propter spoliationem Aegypti; homicidam, propter diluvium et subversionem Aeyptiorum; dicunt et Moysen, Josue, David, illius mali Dei fuisse ruptarios et ministros.

Dixit et saepedictus comes quodam die haereticis, sicut pro certo scimus, quod volebat facere nutriri filium suum apud Tolosam inter haereticos, ut addisceret fidem, imo infidelitatem illorum. Dixit et quadam die quod vellet dare centum marcas argenti ut quidam miles suus posset capere fidem haereticorum, ad quam multoties invitaverat eum, et quam faciebat ei saepius praedicari. Praeterea quando haeretici mittebant ei aliqua xenia vel cibaria, gratissime suscipiebat, et faciebat optime servari ea, nec patiebatur quod aliquis comederet ex eis, nisi ipse et aliqui ejus familiares. Multoties etiam, sicut certissime cognovimus, adorabat haereticos flexis in terra genibus, et petebat ab eis benedictionem et osculabatur eos.

Quodam die erat dictus comes in exspectatione quorumdam hominum qui debebant venire ad eum; sed cum non venissent, dixit: « Bene apparet quod diabolus fecit mundum istum, quia nihil succedit nobis ad votum. » Dixit praeterea idem comes venerabili episcopo Tolosano, sicut ab eodem episcopo audivi, quod monachi Cistercienses non poterant salvari, quia tenebant oves quae luxuriam exercebant. O haeresis inaudita!

Dixit et comes dicto episcopo Tolosano ut veniret de nocte in palatium ejus, et audiret praedicationem haereticorum: unde perpenditur quod saepe de nocte audiebat eos.

Erat quondam memoratus comes quadam die in ecclesia quadam ubi missa celebrabatur: habebat autem secum quemdam mimum, qui, sicut mos est hujusmodi joculatorum, homines cum bucca histrionice deridebat. Cum autem sacerdos qui celebrabat missam verteret se ad populum, dicens, Dominus vobiscum, sceleratissimus comes dixit histrioni suo, ut contra faceret et derideret sacerdotem. Dixit praeterea aliquando supradictus comes quod mallet assimilari cuidam haeretico, qui erat apud Castras in Albigensi dioecesi detruncatus membris et habitu miserabili, quam esse rex vel imperator.

Quod autem ipse haereticos semper fovit, ex hoc habemus probatissimum argumentum; quia nunquam ab aliquo sedis apostolicae legato, potuit induci ad hoc, ut saepedictos haereticos de terra sua depelleret, licet compulsus ab ipsis legatis multoties abjuravit. Praeterea adeo parvipendebat matrimonii sacramentum, quod quotiescunque ei displicuit uxor propria, ipsam dimittens aliam duxit, ita quod quatuor uxores habuerit, quarum tres adhuc vivunt. Habuit enim primo sororem vicecomitis Biterrensis, nomine Beatricem: qua dimissa, duxit filiam ducis Cipri; hac dimissa, duxit sororem regis Angliae Richardi, quae contingebat ei in tertio gradu consanguinitatis: qua mortua, accepit sororem regis Arragonensis, quae similiter erat consanguinea ejus in quarto gradu. Nec silendum est quod, cum ipse teneret primam uxorem suam, monuit eam saepissime ut habitum religionis assumeret. Illa autem intelligens quid intenderet, ex industria quaesivit ab eo, utrum vellet quod ipsa in ordine Cisterciensi fieret monialis: ipse autem dixit, quod non. Quaesivit iterum utrum vellet quod ipsa fieret monacha in ordine Fontis Ebraldi. Respondit comes quod non volebat. Tunc quaesivit ab eo quid ipse vellet, et mandavit quod, si vellet fieri eremitica, ipse ei in omnibus provideret, et factum est ita.

Erat quidam pessimus haereticus apud Tolosam, Hugofaber nomine, qui quondam in tantam lapsus est dementiam, quod juxta altare cujusdam ecclesiae purgavit ventrem, et in contemptum Dei cum palla altaris tersit posteriora sua. O scelus inauditum! Dixit et haereticus praedictus quadam die quod, quando sacerdos in missa percipiebat Dominici corporis sacramentum, trajiciebat daemonem in corpus suum: quae omnia cum vir venerabilis abbas Cistercii, qui tunc erat abbas Grandis-silvae in territorio Tolosano comiti retulisset, et eum moneret qui tantum facinus perpetrarat, respondit comes quod nullo modo puniret propter hoc civem suum. Abominationes praedictas narravit dominus abbas Cisterciensis, qui tunc erat archiepiscopus Narbonensis ferme viginti episcopis, me praesente in concilio apud Vaurum:

adeo autem semper fuit luxuriosus et lubricus dictus comes, quod, sicut pro certo didiscimus, sorore propria abutebatur, in contemptum religionis Christianae: ab infantia enim sua concubinas patris sui quaerebat diligentissime, et cum illis diligentissime concubebat; vix enim ei aliqua placere poterat, nisi sciret patrem suum prius accubuisse cum ea: unde et pater ipsius, tam propter haeresim, quam propter enormitatem istam, exhaeredationem suam ei saepissime praedicebat.

Praeterea ruptarios mirabili quoque amplexatus est affectu dictus comes, per quos spoliabat ecclesias, monasteria destruebat, omnesque sibi vicinos quos poterat exhaereditabat:

ita semper se habuit membrum diaboli, filius proditionis, primogenitus Satanae, inimicus crucis et Ecclesiae persecutor, haereticorum defensio, Catholicorum depressio, minister perditionis, fidei abjurator, plenus scelerum, peccatorum omnium apotheca.

Ludebat quodam die comes in ludo schaccorum cum quodam capellano, et inter ludendum dixit capellano: « Deus Moysi, quem vos creditis, non poterit vos juvare in ludo isto, » et addidit: « Nunquam me juvet Deus ille. »

Alio tempore, cum ipse comes a partibus Tolosanis iturus esset contra adversarios quosdam suos in partes provinciae, media nocte surgens, venit ad domum in qua haeretici Tolosani erant congregati, et dixit eis: « Domini ac fratres, bellorum varii sunt eventus, quidquid de me contingat, in manus vestras commendo corpus et animam meam. » Quo facto, desuper abundanti duos haereticos in veste communi secum adduxit, ut si forte mori eum contingeret, inter manus ipsorum moreretur.

Infirmabatur quodam tempore comes maledictus in terra Arragonum, et cum multum invalesceret infirmitas, fecit sibi fieri lecticam, et in lectica illa faciebat se Tolosam deportari: et cum quadam die quaereretur ab eo, cur cum tanta festinatione se faceret deportari, cum tam gravissima infirmitate laboraret, respondit miser: « Quia non sunt boni homines in terra ista inter quorum manus possim mori. » Haeretici enim a fautoribus suis boni homines vocabantur, sed et amplioribus signis et dictis se fatebatur haereticum: dicebat enim: « Scio me exhaeredandum fore pro bonis hominibus istis, sed non tantum exhaeredationem, imo etiam decapitationem pro ipsis paratus sum sustinere. »

Haec de incredulitate et malitia dicti miseri dixisse sufficiat, nunc ad propositum revertamur.

CAPUT V.

De adventu XII abbatum ordinis Cisterciensis causaque praedicationis et reditu ac obitu domini Didaci episcopi Oxomensis, et disputationibus.

Celebrata disputatione praenotata in Monte-regali, dum adhuc essent praedicatores nostri apud Montem-regalem, et circumquaque verbum Dei et salutis monita seminantes mendicarent ostiatim panem suum, supervenit vir venerabilis abbas Cistercii, Arnaudus nomine, a partibus Franciae, abbates duodecim habens secum, qui totius viri religionis, viri perfectae et sanctae scientiae, viri incomparabilis sanctitatis, juxta numerum sanctissimum apostolorum, cum abbate decimo tertio, duodecim advenerunt, parati de ea quae in ipsis erat fide et spe, omni disputanti reddere rationem (I Petr. III) : et hi omnes cum pluribus monachis, quos secum adduxerant, omnem sectantes humilitatem, juxta exemplar quod eis ostensum erat in monte (Exod. XXV) , id est quod audierant de episcopo Oxomense, pedites procedebant, statim ab abbate Cisterciense longe lateque singuli dispersi; et assignati sunt unicuique termini proprii, per quos discurrendo praedicationi insisterent, disputationibus insudarent.

CAPUT VI.

De colloquio Apamiensi et morte Oxomensis episcopi.

Episcopus Oxomensis voluit ad suum redire episcopatum, ut et domui suae disponeret, et praedicatoribus verbi Dei in Narbonensi provincia, de suis proventibus necessaria provideret. Dum ergo recederet tendens ad Hispaniam, venit apud Apamias in territorio Tolosano: et convenerunt ad eum Fulco Tolosanus, et Navarrus Consoranensis episcopi et plurimi abbates, habita ibi disputatione cum Waldensibus; plane convicti sunt Waldenses et confusi, et populus castri, praecipue pauperes ex parte maxima favit nostris: ille etiam qui constitutus erat judex in disputatione, et erat favens Waldensibus, magnusque in castro illo, renuntiavit pravitati haereticae, et in manu domini Oxomensis obtulit se et sua: a die etiam illa et deinceps sectatores superstitionis haereticae viriliter impugnavit.

Huic disputationi interfuit ille pessimus traditor comes Fuxi, ille crudelissimus persecutor Ecclesiae, Christi hostis. Hic uxorem habebat manifestam haereticam de secta Waldensium et duas sorores, quarum una sectas Waldensium, alia vero aliorum perfidorum haereses profitebatur. Celebrata autem disputatione praedicta in palatio ipsius comitis, idem comes Waldenses die uno, praedicatores nostros de altero procuravit. O ficta humilitas!

Post haec episcopus Oxomensis ad suum perrexit episcopatum, firmum habens propositum redeundi, quam citius posset, ad peragendum negotium fidei in provincia Narbonensi. Peractis vero in episcopatu paucis diebus, dum redire disponeret morte praeventus, in senectute sua feliciter obdormivit: prius autem quam ipse decederet, in fata decesserat supramemoratus F. Radulphus vir bonae memoriae, in quadam abbatia ordinis Cisterciensis prope S. Aegidium, quae dicitur Francia vallis.

Subtractis igitur his duobus luminaribus, episcopo videlicet Oxomensi et F. Radulpho, venerabilis Guido abbas vallium Sarnay in dioecesi Parisiensi, qui cum aliis abbatibus causa praedicationis, in Narbonensem provinciam venerat vir nobilis genere, sed scientia longe nobilior et virtute, qui etiam postea episcopus factus est Carcassonensis, prior inter praedicatores constitutus est et magister, abbas siquidem Cisterciensis ad alias partes se transtulit, quibusdam magnis negotiis tunc temporis impeditus.

Discurrentes igitur praedicatores sancti haereticosque disputando manifestissime convincentes: sed, quia obstinati erant in malitia, convertere non valentes post multum temporis, cum parum aut nihil praedicando sive disputando proficere potuissent, ad partes Galliae sunt reversi.

Nec praetereundum est quod, cum dictus abbas vallium Sarnay, cum supradicto Theodorico, et quodam alio haeresiarcha maximo, Bernardo scilicet de Cimorra, qui in Carcassonensi dioecesi praecipuus habebatur, disputasset pluries et eos saepius convicisset, quodam die, cum saepedictus Theodoricus, nihil aliud respondere potuisset, dixit abbati: « Diu me detinuit meretrix, sed de caetero non tenebit: » hoc dicens, dicebat Romanam Ecclesiam meretricem. Nec silendum quod, cum saepedictus abbas vallium Sarnay, alio die castellum quoddam prope Carcassonam, Lauranum nomine, causa praedicationis intraret, in ipso introitu castri signaculo crucis se signavit: quod videns miles quidam haereticus qui erat in castro dixit abbati: « Nunquam me adjuvet signum istud! »

CAPUT VII.

Miraculum de schedula, B. Dominici manu scripta, quae ter flammis injecta, illaesa resiliit.

Contigit tempore illo quoddam miraculum fieri, quod in hoc loco dignum duximus interserendum. Disputaverant quadam die quidam praedicatores nostri, viri religiosi adversus haereticos, unus autem de nostris, Dominicus nomine, vir totius sanctitatis, qui socius fuerat episcopi Oxomensis, auctoritates, quas in medium produxerat, redegit in scriptum, et cuidam haeretico tradidit schedulam illam, ut supra objectis deliberaret. Nocte igitur illa erant haeretici congregati in una domo, sedentes ad ignem. Ille autem cui vir Dei tradiderat schedulam, produxit eam in medium: tunc dixerunt socii sui ut in medium ignem illam projiceret, et si schedula illa combureretur vera esset fides; imo perfidia haereticorum: si vero incombusta maneret, fidem quam praedicabant nostri, veram esse faterentur. Quid plura? In hoc consentiunt omnes, schedula in ignem projicitur; sed, cum in medio igne aliquantulum moram fecisset, incombusta penitus ab igne resilivit. Stupentibus qui aderant unus caeteris durior ait illis: « Projiciatur in ignem iterum ex tunc experiemini plenius veritatem: » projicitur iterum, iterum resiliit incombusta. Quod videns ille durus et tardus ad credendum, dixit iterum: « Trina vice projiciatur, et tunc sine dubio rei exitum cognoscemus: » projicitur tertio, nec tunc quidem comburitur, sed integra ab igne resiliit et illaesa. Haeretici autem, visis tot signis, ne tunc ad fidem voluerunt converti, sed in sua manentes malitia, districtissime sibi invicem inhibuerunt ne miraculum istud per narrationem alicujus ad nostrorum notitiam deveniret; sed miles quidam, qui erat cum illis, qui aliquantulum consentiebat fidei nostrae noluit celare quod viderat, sed pluribus enarravit. Factum est autem hoc apud Montem-regalem, sicut ab ore viri religiosissimi audivi, qui schedulam haeretico tradidit superscriptam.

CAPUT VIII.

De martyrio fratris Petri de Castronovo, qui gladiis impiorum occubuit.

His de praedicatoribus verbi Dei breviter praelibatis, ad martyrium viri venerabilis et athletae fortissimi F. Petri de Castronovo, juvante Deo, veniamus: quod nullo modo melius, vel magis authentice credimus nos facturos, quam ut litteras D. papae, narrationi nostrae inseramus, quas Christi fidelibus destinavit, ipsum martyrium plenius continentes. Forma litterarum haec est:

INNOCENTIUS episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis nobilibus viris, comitibus, baronibus et universis militibus per Narbonensem, Arelatensem, Ebredunensem, Aquensem et Viennensem provincias constitutis, salutem et apostolicam benedictionem.

Rem credulam audivimus, et in communem luctum generalis Ecclesiae deducendam, quod cum sanctae memoriae F. P. de Castronovo monachus et sacerdos, vir inter viros utique virtuosus, vita, scientia et fama praeclarus, ad evangelizandum pacem, et confirmandam fidem, in provincia Auxitana cum aliis destinatus in commisso sibi ministerio laudabiliter profecisset, et proficere non cessaret: quippe qui plene in schola Christi didiscerat quod doceret, et eum qui secundum doctrinam et fidelem obtinendo sermonem, in sana poterat exhortari doctrina, et contradicentes revincere (Tit. I) paratus omni poscenti semper reddere rationem (I Petr. III) , ut poterat vir in fide catholicus, in lege peritus, in sermone facundus, concitavit adversus ipsum diabolus ministrum suum comitem Tolosanum Raimundum, qui cum pro multis et magnis excessibus, quos in Ecclesiam commiserat et in Deum, saepe censuram ecclesiasticam incurrisset, et saepe sicut homo versipellis et callidus, lubricus et inconstans, poenitudine simulata fuerat absolutus: tandem odium continere non praevalens quod ceperat contra ipsum, eo quod non erat in ore ejus verbum veritatis (Psal. CXVIII) ad faciendam vindictam in nationibus et increpationes in populis (Psal. CXLIX) , ac eo fortius in eodem comite, quo magis pro majoribus erat ipse facinoribus increpandus tam tanquam collegam suum, apostolicae sedis legatos ad villam S. Aegidii convocavit, promittens super cunctis quibus impetebatur capitulis satisfactionem plenariam exhibere. Cum autem, convenientibus illis in villam praedictam, praefatus comes salutaria monita sibi facta, modo velut verax et facilis promitteret se facturum; et modo, velut fallax et durus, ea prorsus facere recusaret, volentibus illis demum ab eadem villa recedere, mortem est publice comminatus, dicens quod quocunque vel per terram divertant vel per aquam, vigilanter eorum observaret egressum: et confestim dictis facta compensans, complices suos ad exquisitas insidias destinavit.

Cumque vero nec ad preces dilecti filii abbatis S. Aegidii, nec instantia consulum et burgensium, furoris sui mitigari insania potuisset, ipsi eos, invito comite, nimiumque dolente cum armatae manus praesidio, prope ripam Rhodani fluvii deduxerunt, ubi nocte quieverunt instante, quibusdam ejusdem comitis satellitibus, ipsi prorsus ignotis hospitantibus cum eisdem, qui, sicut apparuit in effectu, sanguinem quaerebat eorum.

In crastino itaque mane facto et missa celebrata de more, cum innocui Christi milites ad transitum se fluminis praepararent, unus de praedictis Satanae satellitibus, lanceam suam vibrans, praenominatum Petrum, supra Christum petram (I Cor. X) immobili firmitate fundatum tantae proditionis incautum, inter costas inferius vulneravit. Qui prius in ipsum respiciens percussorem, et Christi magistri sui, cum B. Stephano secutus est exemplum; dixit ad ipsum: « Deus tibi dimittat, quia ego dimitto, » pietatis et patientiae verbum saepius repetendo. Deinde sic transfixus, acerbitatem illati vulneris spe coelestium est oblitus: et instanti suae pretiosae mortis articulo, cum ministerii sui sociis qui fidem promoverent et pacem, non desinens ordinare, post multas ad Dominum orationes in Christo feliciter obdormivit. Qui profecto, cum ob fidem et pacem, quibus nulla est prorsus causa laudabilior ad martyrium, sanguinem suum fuderit, claris jam, ut credimus, miraculis coruscasset, nisi hoc illorum incredulitas impediret. De quorum similibus in Evangelio legitur, qua ibi virtutes Jesus non faciebat multas, propter incredulitatem eorum (Matth. XIII) , quia, quanquam linguae, non fidelibus sed infidelibus sint in signum (I Cor. XIV) Salvator tamen praesentatus Herodi, qui, teste Luca, valde gavisus est, viso ipso, pro eo quod signum aliquod ab eo fieri sperabat, et facere dedignatus est signum, et reddere interroganti responsum (Luc. XXIII) , sciens quia incredulitas signorum, non credulitatis inductio, sed vanitatis illum admiratio delectabat (Matth. XXVI) .

Licet autem ipsa prava generatio et perversa Provincialium non sit digna, ut tam cito sicut forsitan ipsa quaerit, de suo sibi martyre signum detur; expedisse tamen credimus, ut unus ipse pro ipsa, ne tota pereat, moreretur (ibid.) . Quae contagio haereticae pravitatis infecta, per interpellantem occisi sanguinem, a suo melius revocetur errore,

hoc est enim vetus sacrificium Jesu Christi, hoc miraculosum ingenium Salvatoris, ut cum in suis esse victus putatur, tunc vincat fortius in eisdem et ea virtute qua ipse mortem moriendo destruxit, a superatis interdum famulis suis, superatores eorum faciat superari. Nisi granum frumenti cadens in terram mortuum fuerit, ipsum solum manet; si autem mortuum fuerit, plurimum fructum affert (Joan. XII) . Sperantes igitur quod de morte hujus fecundissimi grani, sit fructus in Christi Ecclesia proventurus, cum profecto sit dure culpabilis et culpabiliter durus, cujus animam ipsius gladius non pertransit (Luc. II) , nec unquam penitus desperantes, cum utilitas tanta debeat in sanguine suo esse, quod suae praedicationis nuntiis circa memoratam provinciam, pro qua ipse in corruptionem descendit ob tanta Deus tribuat incrementa. Venerabiles fratres nostros archiepiscopos eorumque suffraganeos monendos duximus, attentius et hortandos per Spiritum sanctum in virtute obedientiae districte praecipiendo ut verbum pacis et fidei seminatum ab eo suae praedicationis irriguis convalescere facientes, et ad pugnandam haereticam pravitatem ac fidem catholicam confirmandam ad exstirpanda vitia et plantandas virtutes indefesse studio sedulitatis instantes. Jam dictum Dei famuli occisorem, et universos quorum ope vel opere consilio vel favore, tantum facinus perpetravit receptatores quoque vel defensores illius ex parte omnipotentis Dei Patris, Filii et Spiritus sancti auctoritate quoque BB. apost. Petri, et Pauli, et nostra, excommunicatos et anathematizatos per suas dioeceses denuntient universis: et omnia loca prorsus, ad quae ipse vel aliquis ipsorum devenerint praesentibus eis, interdicto faciant ecclesiastico subjacere, singulis diebus Dominicis et festivis, pulsantibus campanis et candelis accensis, donec ad sedem apostolicam accedentes, per satisfactionem condignam mereantur absolvi, sententiam hujusmodi solemniter innovantes. Illi autem qui orthodoxae fidei zelo succensi ad vindicandum sanguinem justum, qui de terra clamare non cessat ad coelum (Gen. IV) , donec ad confundendum subversos et subversores de coelo descendat ad terram Deus ultionum, viriliter se accinxerint adversus hos pestilentes qui simul in unum pacem et veritatem impugnant, suorum remissionem peccaminum a Deo ejusque vicario secure promittant indultam, ut eis labor hujusmodi, ad operis satisfactionem sufficiat similiter illis offensis pro quibus cordis contritionem et veram confessionem oris obtulerint vero Deo hujusmodi siquidem pestilentes provinciales, non tam jam nostra diripere, sed nos perimere moliuntur; nec solum ad perimendas animas linguas acuunt, verum etiam ad perdenda corpora manus extendunt prolisores animarum effecti, et corporum peremptores.

Licet autem praefatus comes pro multis et magnis flagitiis, quae longum esset per omnia enarrare, jamdudum sit anathematis mucrone percussus, quia tamen certis indiciis, mortis sancti viri praesumitur esse reus, non solum ex eo quod publice comminatus est ei mortem et insidias paravit eidem, verum etiam ex eo quod occisorem ipsius in multam familiaritatem admisit, et magnis donis remuneravit eumdem, ut de caeteris praesumptionibus taceamus, quae plenius innotescunt multis. Ob hanc quoque causam, iidem archiepiscopi et episcopi publice nuntient anathematizatum eumdem. Et cum juxta sanctorum Patrum canonicas sanctiones, ei qui fidem Deo non servat, fides servanda non sit, a communione fidelium segregato, utpote qui vitandus est potius quam fovendus, omnes qui dicto comiti fidelitatis seu societatis, aut foederis hujuscemodi juramento tenentur astricti, auctoritate apostolica denuntient interim absolutos, et cuilibet catholico viro licere, salvo jure domino principali, non solum persequi personam ejusdem, verum etiam occupare et detinere terram ipsius, illius praesertim obtentu, quod ab haeresi per suam prudentiam fortiter expietur, quae per illius nequitiam fuit hactenus turpiter sauciata, maculata. Quia dignum est ut manus omnium contra ipsum consurgant, cujus manus exstitit contra omnes. Quod si nec sic vexatio dederit intellectum, manus nostras in eo curabimus aggravare. Si quo modo vero satisfactionem promiserit exhibere, ipsum poenitudinis suae haec signa praemittere oportebit, ut de toto posse suo depellat pravitatis haereticae sectatores, et se paci satagat conciliare fraternae, cum principaliter propter culpam quam in utroque noscitur commisisse, in eum ecclesiastica fuerit prolata censura; quanquam si in suas iniquitates Deus voluerit observare, vix posset congrue satisfacere non tantummodo pro seipso, sed pro alia multitudine, quam in laqueum damnationis induxit. Quia vero secundum sententiam Veritatis timendi non sunt qui corpus occidunt, sed ille qui potest mittere corpus et animam in gehennam (Luc. XII) , confidimus et speramus in eo qui, ut a fidelibus suis timorem mortis auferret, mortuus die tertia resurrexit (Luc. XXIV) , quod praefati hominis Dei mors, venerabili fratri nostro Consoranensi episcopo et dilecto filio A. abbati Cisterciensi apostolicae sedis legatis, aliisque orthodoxae fidei sectatoribus, non solum timorem non incutiet, sed amorem accendet, ut ejus exemplo qui vitam aeternam temporali morte feliciter est mercatus, animas suas in tam glorioso certamine, si necesse fuerit, pro Christo ponere non formident. Unde archiepiscopis et episcopis consulendum duximus, admonendo, preces praeceptis, praecepta precibus inculcantes, ut legatorum ipsorum salubribus monitis et mandatis efficaciter intendentes, tanquam strenuissimi commilitones assistent eidem in omnibus, quae propter haec ipsis duxerint injungenda, scientes quod sententiam quam ipsi non solum in rebelles, sed etiam in desides promulgaverint, nos ratam haberi praecipimus et inviolabiliter observari.

Eia igitur Christi milites, eia strenui militiae Christianae tirones, moveat vos generalis Ecclesiae gemitus; succendat vos ad tantam Dei nostri vindicandam injuriam pius zelus. Mementote quia Creator noster nostri non indiguit, cum nos fecit: qui, quanquam nostro servitio non indigeat, ut quasi per illud minus in agendo minus voluerint fatigetur, et sua omnipotentia minor sit obsequio nostro carens, occasionem tamen in hoc articulo nobis tribuit acceptabiliter serviendi.

Cum igitur post interfectionem praefati justi, Ecclesia quae in partibus illis est, absque consolatore in tristitia et moerore sedente, fides evanuisse, periisse pax, haeretica pestis et hostilis rabies fortius invaluisse dicatur, ac si potenter in ejus novitate procellae non succurratur eidem, pene penitus videbitur navis Ecclesiae naufragari, universitatem vestram monemus attentius et propensius exhortamur, ac in tantae necessitatis articulo in virtute Christi confidenter injungimus, et in remissionem peccaminum indulgemus, quatenus tantis malis occurrere non tardetis, et ad pacificandum gentes illas, in eo qui est Deus pacis et dilectionis intendere procuretis: et quibuscunque modis revelaverit vobis Deus, haereticam ibi studeatis perfidiam abolere, sectatores ipsius eo quam Saracenos securius quo pejores sunt illis in manu forti et extento brachio impugnando.

Praenominatum etiam comitem, qui quasi foedus percussisset cum eadem morte propria non recogitat (Isa. XXVIII) , si forte vexatio sibi tribuat intellectum, et impleta facies ejus ignominia incipiat inquirere nomen Dei ad satisfaciendum nobis et Ecclesiae, imo Deo, pondere non desinatis inductae super eum oppressionis urgere ipsum et fautores ejusdem de castris Domini depellendo, et auferendo terras eorum in quibus relegatis haereticis, habitatores Catholici subrogentur, qui scilicet orthodoxae fidei nostrae disciplinam in sanctitate et justitia serviant coram Deo (Luc. I) .

Datum Laterani, VI Id. Martii, pontif. nostri ann. II.

His dictis de morte sanctissimi viri praelibatis, ad narrationis nostrae seriem redeamus.

CAPUT IX.

Tolosanus et Consoranensis episcopi Romam legantur, ut pontifici maximo statum Ecclesiae in Narbonensi provincia exponant.

Videntes igitur praelati Narbonensis provinciae, et alii quos tangebat negotium pacis et fidei, decessisse bonos viros Oxomensem episcopum et fratres Petrum de Castronovo, et F. Radulphum, qui fuerant praedicationis in terra praenotata principes et magistri; animadvertentes quod eadem praedicatio etiam jam peregerit ex parte maxima cursum suum, nec multum profecerit, imo penitus fructu frustrata sit exoptato, ad pedes summi pontificis judicant transmittendum.

Accingunt ergo se viri venerabiles, Fulco Tolosanus, et Navarrus Consoranensis episcopi, Romamque properant, supplicaturi domino papae ut periclitanti in Narbonensi provincia, et Bituricensi, et Burdegalensi pro pace Ecclesiae, et quasi penitus naufraganti manum porrigat adjutricem.

Dominus autem papa Innocentius, qui defendendae fidei catholicae necessitatibus totis nisibus occumbebat, tanto morbo manum apposuit medicam, generales et efficaces super hoc negotio litteras in Franciam transmittendo, sicut inferius plenius exprimemus.

Quod audiens comes Tolosanus, imo dicamus melius Dolosanus, perrexisse videlicet praenotatos episcopos ad curiam Romanam, timens se digne pro meritis puniendum, vidensque facta sua non posse impune transire, poenitudinem simulans, et si possit sibi praecavens in futurum: cum multos alios jam misisset, quosdam exsecrabiles et malignos, archiepiscopum Auxitanum et Raimundum de Rebastenchs, qui quondam fuerat Tolosanus episcopus, sed meritis suis exigentibus erat depositus, misit Romam; conquestusque est domino papae per nuntios illos, de abbate Cisterciensi, qui legatione super negotio fidei fungebatur; asserens quod eum exacerbaret nimis aspere et plus justo; promittens etiam comes quod si dominus papa aliquem a latere suo ad illum dirigeret, ad voluntatem ipsius per omnia se haberet. Hoc autem non dixit, quia vellet, se aliquatenus emendare. Sed cogitabat, quod si dominus papa aliquem de suis cardinalibus ad eum mitteret, ipsum posset, sicut homo versipellis et callidus circumvenire:

sed Omnipotens qui scrutator est cordium et cognitor secretorum (Sap. I) , noluit puritatem circumveniri apostolicam, noluit tegi amplius dicti comitis pravitatem. Providit igitur juste et misericorditer justus judex, ut et dominus papa comiti quasi juste petenti satisfaceret, et ipsius comitis malitia diutius non lateret. Misit enim dominus papa unum de collateralibus suis clericis, ad partes provinciae, Milonem nomine, virum utique vita honestum, scientia praeclarum, facundia disertum, qui ut, probitatem ejus breviter perstringamus, nec terrore terreri potuit, nec minime frangi.

Comes autem audiens quod veniret magister Milo, gaudio gavisus est valde, quia putavit quod saepedictus magister ad ipsius se haberet et per omnia voluntatem, discurrensque comes per terram suam coepit gloriari et dicere: « Modo bene est mihi, quia legatum habeo secundum cor meum, imo ipse ero legatus. » Sed omnia evenere contraria voto illius, sicut inferius exprimetur.

CAPUT X.

Mittitur cum M. Milone magister Theodisius.

(4-5) Missus est autem cum dicto M. Milone, clericus quidam magister Theodisius nomine canonicus Januensis, qui saepedicto M. Miloni assisteret, et ipsum in expediendo fidei negotio adjuvaret. Iste Theodisius vir multae scientiae, vir constantiae mirabilis, vir eximiae bonitatis, qui bene se habuit in negotio Jesu Christi, qui quanta pro eodem negotio pericula passus sit et labores, rei exitus patefecit, et nos postmodum curavimus latius intimare.

Dominus vero papa M. Miloni dederat in mandatis ut de omnibus quae ad negotium fidei pertinebant, et praecipue super facto comitis Tolosani, ad consilium Cistercii abbatis ordinaret, eo quod abbas statum negotii et versutias comitis plene sciret. Unde et dominus papa M. Miloni expresse dixerat: « Abbas Cistercii totum faciet, et tu organum ejus eris; comes enim Tolosanus habet eum suspectum, tu non eris ei suspectus. »

Descendentes igitur M. Milo et M. Theodisius in Franciam, abbatem Cistercii apud Autissiodorum invenerunt. Consuluit igitur M. Milo abbatem Cisterciensem, super pluribus certis capitulis quae ad negotium fidei pertinebant. Abbas vero de omnibus diligentius instruens, consilium suum tradidit ei scriptum et sigillatum. Monuit etiam eum et consuluit ut, antequam aggrederetur comitem Tolosanum, convocaret archiepiscopos, episcopos et alios praelatos, quos expedire videret, et eorum quaereret et haberet consilia. Quosdam etiam de praelatis, M. Miloni expresse et specialiter nominavit, quorum consiliis deberet idem magister adhaerere.

Post haec abbas Cisterciensis et M. Milo perrexerunt ad regem Franciae Philippum, qui apud Novamvillam in territorio Senonico cum pluribus de baronibus suis solemne colloquium celebrabat. Erat enim dux Burgundiae Odo, Nivernensis et S. Pauli comites, et multi alii nobiles et potentes. Dominus autem papa mittebat regi litteras speciales monens et deprecans ut per seipsum, saltem per filium suum Ludovicum, periclitanti in Narbonensi provincia Ecclesiae auxilium impenderet opportunum. Rex autem nuntio domini papae tale dedit responsum, quod duos magnos et graves habebat a lateribus leones, Othonem qui dicebatur imperator, et regem Angliae Joannem, qui hinc et inde ad turbationem regni Franciae totis viribus laborabant. Ideoque nec ipse a Francia ullo modo exire vellet, nec filium mittere, imo satis ei videbatur ad praesens, si barones suos ire permitteret, ad perturbandum in Narbonensi provincia pacis et fidei perturbatores.

Summus autem pontifex, ut ad exstirpandam pestem haereticam, fideles populos efficeret promptiores, generales miserat litteras ad omnes praelatos, comites et barones, et universum populum in regno Franciae constitutum, monens efficaciter et exhortans ut festinarent ad vindicandam in Narbonensi provincia injuriam crucifixi, scientes remissionem omnium peccaminum a Deo ejusque vicario universis indultam, qui orthodoxae fidei zelo succensi, ad opus se accingerent hujus pietatis, dummodo contriti essent pariter et confessi.

Quid plura? Publicatur ista indulgentia in Francia, armat se multitudo magna fidelium signo crucis.

 

1HISTOIRE

DE LA GUERRE

DES ALBIGEOIS.

 

PROLOGUE

Adressé par l'Auteur au pape Innocent III.

 

Au très-saint père et très-bienheureux seigneur Innocent4, par la grâce de Dieu, souverain pontife de l'Église universelle, son humble bien qu'indigne serviteur frère Pierre, quel qu'il puisse être, moine de Vaulx-Cernay. Il baise, non seulement ses pieds, mais encore, et en toute humilité, la trace de ses pas.

Béni soit le seigneur des armées, qui, de nos jours et tout récemment, a, très-saint père, par la coopération de votre active sollicitude, et par les mains de ses ministres, arraché miséricordieusement de la gueule des lions son Église déjà près de faire naufrage complet dans les régions de la Provence, au milieu des tempêtes que lui suscitaient les hérétiques, et l'a délivrée de la griffe des bêtes féroces!

Mais pour qu'un acte si glorieux et si merveilleux 2ne puisse venir à oubli par les successives révolutions des temps, et que les grandes choses de notre Dieu deviennent notoires parmi les nations, j'offre, très-bienheureux père, à votre majesté, la série des faits rédigée telle quelle par écrit: la suppliant humblement de ne pas attribuer à présomption qu'un enfant, borné aux premiers rudimens, ait mis la main à si forte affaire, et osé prendre un faix au dessus de ses forces: car mon dessein dans tel travail et mon motif pour écrire ont été que les peuples connussent les œuvres merveilleuses de Dieu, d'autant plus que je ne me suis étudié, ainsi qu'il appert de ma manière de dire, à orner ce même livre de paroles superflues, mais bien à exprimer simplement la simple vérité.

Que votre dignité et sainteté tiennent donc pour assuré, bon père, que si je n'ai eu pouvoir de présenter par ordre tous les faits que j'avais à retracer, du moins ceux dont j'ai parlé sont vrais et sincères; n'ayant rien dit nulle part que je n'aie vu de mes yeux, ou entendu de personnes d'autorité grande et dignes d'une foi très-entière.

Dans la partie première de ce livre, je touche brièvement des sectes des hérétiques, et dis comment les Provençaux ont été infectés dans les temps passés de la ladrerie d'infidélité.

Après quoi, je raconte de quelle manière les susdits Provençaux hérétiques ont été admonestés par les prédicateurs de la parole de Dieu et ministres de votre sainteté, et plus que souvent requis pour qu'ils eussent à retourner, prévaricateurs qu'ils étaient, au cœur et giron de notre sainte mère l'Église.

3Puis, autant que je puis, je représente par ordre la venue des Croisés, les prises des cités et châteaux, et autres faits et gestes appartenant au progrès des affaires de la foi.

Sauront les lecteurs qu'en plusieurs endroits de cette œuvre, les Toulousains, hérétiques des autres cités et châteaux, tout ainsi que leurs défenseurs, sont généralement appelés Albigeois, vu qu'ainsi les autres nations ont nommé les hérétiques de Provence.

Finalement, et pour que le lecteur puisse trouver plus à son aise en ce livre ce qu'il y voudrait querir, il est averti que cet ouvrage est ordonné en divers chapitres, selon les divers événemens et successions des choses de la foi.

 

CHAPITRE PREMIER.

Comment des moines prêchèrent contre les hérésies de Toulouse.

 

En la province de Narbonne, où jadis avait fleuri la religion, l'ennemi de la foi se prit à parsemer l'ivraie. Le peuple tourna à folie, profanant les sacremens du Christ, qui est de Dieu la vraie saveur et sagesse, se donnant au mensonge, déviant de la véritable sapience divine, errant et divaguant d'erreurs en erreurs jusqu'en l'abîme, marchant dans les voies perdues, et non plus dans le droit chemin.

Deux moines de Cîteaux5, enflammés du zèle de la 4foi, à savoir, frère Pierre de Castelnau et frère Raoul, par l'autorité du saint pontife institués légats contre la peste de l'infidélité, déposant toute négligence et remplissant avec ardeur la mission à eux prescrite, vinrent en la ville de Toulouse, d'où découlait principalement le venin qui infectait les peuples et les entraînait en défection de la science du Christ, de la véridique splendeur, de la divine charité.

Or la racine d'amertume avait germé, ains avait pris force et profondeur dans le cœur des hommes, et ne pouvait sans difficulté bien grande en être extirpée. Il fut conseillé aux Toulousains, le fut souvent, et bien fort, d'abjurer l'hérésie et de chasser les hérétiques. Si leur fut-il conseillé par ces hommes apostoliques; mais très-peu furent-ils persuadés: tant s'étaient pris à la mort ceux qui avaient détesté la vie, affectés et infectés d'une méchante sagesse animale, terrestre, diabolique, vides de cette sagesse qui vient d'en haut, docile et consentant aux bonnes croyances.

Enfin, ces deux oliviers saints, ces deux candélabres resplendissans devant le Seigneur, imprimant aux serfs une crainte servile, les menaçant de déprédation, faisant tonner l'indignation des rois et des princes, les décidèrent à l'abjuration de l'hérésie et à l'expulsion des hérétiques; en telle sorte qu'ils craignirent l'offense et le malfaire, plus par peur du châtiment que, selon l'expression du poète6, par amour de la vertu. Et bien l'ont-ils démontré par indices manifestes; car, se parjurant aussitôt, et endurant de recheoir en leurs misères, ils cachaient 5des herétiques prêchant au beau milieu de la nuit, dans leurs conventicules.

Hélas! combien il est difficile d'être arraché à l'habitude! Cette Toulouse7 toute pleine de dols, jamais ou bien rarement, ainsi qu'on l'assure, et ce depuis sa première fondation, n'a été exempte de cette peste ou épidémie détestable, de cette hérétique dépravation dont le poison d'infidélité superstitieuse a découlé successivement des pères sur les enfans. C'est pourquoi, et en châtiment d'un tel et si grand crime, elle est dite avoir jadis souffert le fléau d'une juste dépopulation vengeresse; à ce point que le soc aurait passé jusque par le cœur de la ville, et y aurait porté le niveau des champs. Voire même, un des plus illustres rois qui régnaient alors sur elle, lequel on croit avoir eu nom Alaric, fut, pour plus grande ignominie, pendu à un gibet au devant des portes de la ville.

Toute gâtée par la lie de cette vieille glu d'hérésie, la génération des Toulousains, véritable race de vipères, ne pouvait, même en nos jours, être arrachée à sa perversité. Bien plus, ayant toujours souffert qu'en elle vinssent derechef cette nature hérétique et souillure d'esclaves, bien que chassées par la rigueur et violence de peines méritées, elle a soif d'agir en guise de ses pères, ne voulant entendre à en dégénérer; et ni plus ni moins que le mal 6de l'un se gagne aux autres, et que le troupeau tout entier périt par la ladrerie d'un seul, de même, par l'exemple de ce voisinage empesté, les hérésiarques venant à prendre racine dans les villes et bourgs circonvoisins, ils étaient merveilleusement et misérablement infectés des méchantes greffes d'infidélité qui pullulaient dans leur sein; même les barons de la terre provençale, se portant presque tous champions et receleurs d'hérétiques, les aimaient plus vivement qu'à bon droit, et les défendaient contre Dieu et l'Église. 

CHAPITRE II.

Des sectes des hérétiques. 

Or, puisqu'en quelque manière l'occasion s'en présente en cet endroit, il m'est avis de traiter brièvement et intelligiblement des hérésies et des diverses sectes qui étaient parmi les hérétiques.

Et premièrement, il faut savoir que ces hérétiques établissaient deux créateurs, l'un des choses invisibles, qu'ils appelaient le Dieu bénin, l'autre des visibles, qu'ils appelaient le Dieu malin, attribuant au premier le Nouveau-Testament, et l'Ancien au second; lequel Ancien-Testament ils rejetaient en son entier, hormis certains textes transportés de celui-ci dans le Nouveau, et que, par révérence pour ce dernier, ils trouvaient bon d'admettre.

L'auteur de l'Ancien-Testament, ils le traitaient de menteur, pour autant qu'il est dit en la Genèse: «En 7quelque jour que vous mangiez de l'arbre de la science du bien et du mal, vous mourrez de mort;» et, ainsi qu'ils disaient, pour ce qu'en ayant mangé ils ne moururent pas, tandis pourtant qu'après avoir goûté du fruit défendu, ils ont été sujets à la misère de mort. Ce même auteur, ils l'appelaient aussi meurtrier, tant pour ce qu'il a brûlé les habitans de Sodome et Gomorrhe, et effacé le monde sons les eaux diluviennes, que pour avoir submergé Pharaon et les Égyptiens dans les flots de la mer.

Quant aux Pères de l'Ancien-Testament, ils les certifiaient tous dévolus à damnation, et disaient que Jean-Baptiste était un des majeurs démons et pires diables. Même disaient-ils entre eux que ce Christ qui est né dans la Bethléem terrestre et visible, et qui a été crucifié à Jérusalem, était homme de mal, que Marie Madelaine fut sa concubine, et qu'elle est la femme surprise en adultère dont il est parlé dans l'Évangile. Pour ce qui est du bon Christ, selon leur dire, il ne mangea oncques, ni ne but, ni se reput de véritable chair, et ne fut jamais en ce monde, sinon spirituellement au corps de Paul. Nous avons parlé d'une certaine Bethléem terrestre et visible, d'autant que les hérétiques feignaient qu'il fût une autre terre nouvelle et invisible, et qu'en icelle, suivant aucuns d'entre eux, le bon Christ est né et a été crucifié.

En outre ils disaient que le Dieu bon avait eu deux femmes, savoir, Collant et Collibant, et que d'elles il avait procréé fils et filles.

Il se trouvait d'autres hérétiques qui reconnaissaient un seul créateur; mais ils allaient de là à soutenir 8qu'il a eu deux enfans, l'un Christ et diable l'autre. Ceux-ci ajoutaient que toutes créatures avaient été bonnes dans l'origine; mais qu'elles avaient été corrompues toutes par les filles dont il est fait mention dans la Genèse.

Lesquels, tous tant qu'ils étaient, membres de l'Antechrist, premiers nés de Satan, semence de méchanceté, enfans de scélératesse, parlant par hypocrisie, et séduisant par mensonges les cœurs des simples, avaient infecté la province narbonnaise du venin, de leur perfidie.

Ils disaient de l'église romaine presque toute entière qu'elle était une caverne de larrons, et la prostituée dont il est parlé dans l'Apocalypse. Ils annullaient les sacremens de l'Église à tel point qu'ils prêchaient publiquement que l'onde du sacré baptême ne difiere aucunement de l'eau des fleuves, et que l'hostie du très-saint corps du Christ est la même chose que le pain laïque et d'usage commun; distillant dans l'oreille des simples ce blasphème que le corps du Christ, quand bien même il contiendrait en lui l'immensité des Alpes, aurait été consommé depuis long-temps par ceux qui en mangent et annihilé. Ils attestaient de plus que la confirmation et la confession sont deux choses frivoles et du tout vaines, disant encore que le sacrement de mariage est une prostitution, et que nul ne peut être sauvé en lui en engendrant fils et filles. Désavouant aussi la résurrection de la chair, ils forgeaient sur ce point certaines inventions inouies; prétendant que nos ames sont ces esprits angéliques qui, précipités du ciel comme apostats d'orgueil, ont laissé dans les airs leurs corps 9glorieux; et que ces mêmes ames, après une successive habitation en sept corps quelconques et formes terrestres, doivent retourner aux premiers, comme si était enfin parachevée leur pénitence.

Il faut savoir en outre que certains entre les hérétiques étaient dits parfaits ou bons, et d'autres croyans. Les parfaits portaient vêtemens noirs, se disaient faussement observateurs de chasteté, détestaient l'usage des viandes, œufs et fromage, et affectaient de paraître ne pas mentir, tandis qu'ils mentaient tout d'une suite et de toutes leurs forces en discourant de Dieu. Ils disaient encore qu'il n'était raison aucune pour laquelle ils dussent jurer. Étaient appelés croyons ceux qui, vivant dans le siècle, et bien qu'ils ne cherchassent à imiter les parfaits, espéraient, ce néanmoins, qu'ils seraient sauvés en la foi de ceux-ci.

Différens qu'ils étaient dans la manière de voir, bien étaient-ils unis en croyance et infidélité. Les croyans étaient adonnés à usures, rapines, homicides, plaisirs de la chair, parjures et toutes façons de perversités: et ne péchaient-ils que plus sûrement et sans frein, pensant, comme ils faisaient, qu'ils seraient sauvés sans restitution des choses ravies, sans confession ni pénitence, pourvu qu'à l'article de la mort ils pussent dire une patenôtre et recevoir l'imposition des mains de leurs maîtres. Entre les parfaits, ils choisissaient leurs magistrats, qu'ils appelaient diacres et évêques, desquels l'imposition des mains était nécessaire, à ce qu'ils pensaient, pour le salut de quiconque, parmi les croyans, était en point de mourir. Mais ceux-ci avaient-ils opéré ladite imposition sur aucun 10moribond, tant méchant fût-il, pourvu qu'il pût dire sa patenôtre, ils l'assuraient sauvé; et, selon leur expression vulgaire, consolé; à telles enseignes que, sans nulle satisfaction ni autre remède, il s'envolait aussitôt devers le ciel. Sur quoi nous avons ouï compter le fait ridicule que voici, et bon à rapporter.

Un certain croyant, à l'article de la mort, reçut consolation d'un sien maître par l'imposition des mains, mais ne put dire sa patenôtre, et expira sur ces entrefaites, pour quoi le consolateur ne savait qu'en dire. En effet, il semblait sauvé par l'imposition et damné faute d'avoir récité l'oraison dominicale. Que dirai-je? les hérétiques consultèrent sur tel cas difficile un certain homme d'armes, ayant nom Bertrand de Saissac, hérétique lui-même, pour savoir de lui ce qu'ils devaient penser à l'occasion du mort; lequel homme d'armes donna son sentiment et fit réponse comme il suit: «Pour cettuy-ci, dit-il, nous le tiendrons sauvé; mais tous les autres, s'ils ne disent Pater noster à leur dernier moment, nous les déclarons en damnation.»

Autre fait pour rire. Un autre croyant légua, près de mourir, trois cents sous aux hérétiques, et commanda à son fils qu'il eût à leur bailler ladite somme. Mais comme eux, après la mort du père, l'eurent requise du fils, il leur répondit: «Je veux que d'abord me disiez en quel point est mon père. — Sache de certitude, reprirent-ils, qu'il est sauvé et colloqué déjà aux cieux. — Je rends grâce, dit-il lors en souriant, à Dieu et à vous. Puis donc que mon père est déjà dans la gloire, aumônes ne font plus besoin à son 11ame; et pour vous je vous sais assez benins que de ne l'en vouloir retirer. Par ainsi n'aurez aucun denier de moi.»

Je ne crois pas devoir taire qu'aussi certains hérétiques prétendaient que nul ne pouvait pécher depuis l'ombilic et plus bas. Ils traitaient d'idolâtrie les images qui sont en les églises, assurant, sur le sujet des cloches, qu'elles sont trompettes du diable. Bien plus, ils disaient qu'on ne pèche davantage en dormant avec sa mère ou sa sœur qu'avec toute autre femme quelconque. Finalement, au nombre de leurs plus grandes fadaises et sottes crédulités, faut-il bien compter cette opinion, que si quelqu'un entre les parfaits venait à commettre péché mortel en mangeant chair, œufs ou fromage, ou autre chose à eux interdite, pour peu que ce pût être, tous ceux qu'il avait consolés perdaient l'esprit saint, et qu'il fallait les consoler derechef; et quant à ceux qui étaient déjà sauvés, que, pour le péché du maître, ils tombaient incontinent du ciel.

Il y avait encore d'autres hérétiques appelés Vaudois, du nom d'un certain Valdo, Lyonnais. Ceux-ci étaient mauvais; mais, comparés aux autres hérétiques, ils étaient beaucoup moins pervers, car ils s'accordaient en beaucoup de choses avec nous, ne différant que sur quelques-unes.

Pour ne rien dire de la plus grande partie de leurs erreurs, elles consistaient principalement en quatre points, à savoir: porter des sandales à la manière des apôtres; dire qu'il n'était permis en aucune façon de jurer ou de tuer, et en cela, surtout, qu'ils assuraient que le premier venu d'entre eux pouvait, en 12cas de besoin et pour urgence, consacrer le corps du Christ sans avoir reçu les ordres de la main de l'évêque, pourvu toutefois qu'il portât sandales.

Qu'il suffise de ce peu que j'ai dit touchant les sectes des hérétiques.

Lorsque quelqu'un se rend à eux, celui qui le reçoit lui dit: «Ami, si tu veux être des nôtres, il faut que tu renonces à la foi toute entière, telle que la tient l'Église de Rome.» Il répond: «Oui, j'y renonce. — Recois donc l'Esprit saint des bons.» Et lors il lui souffle sept fois dans la bouche. «Renonces-tu, lui dit-il encore, à cette croix qu'en ton baptême le prêtre t'a faite sur la poitrine, les épaules et la tête, avec l'huile et le chrême?» Et il répond: «Oui, j'y renonce. — Crois-tu que cette eau baptismale opère pour toi le salut? — Non, répond-il, je ne le crois pas. — Renonces-tu à ce voile que le prêtre a posé sur ta tête en te donnant le baptême?» II répond: «Oui, j'y renonce.» Et c'est en cette sorte qu'il reçoit le baptême des hérétiques, et renie celui de l'Église. Tous alors lui imposent les mains sur le chef, le baisent, le revêtent de la robe noire; et dès l'heure, il est comme un d'entre eux.

 

CHAPITRE III.

Quand et comment les prédicateurs vinrent au pays albigeois.

 

L'an du verbe incarné 1206, l'évêque d'Osma8, nommé Diégue, homme d'excellens mérites et bien 13digne qu'on l'exalte par magnifiques louanges, vint en cour de Rome, poussé d'un desir véhément de résigner son évêché, pour pouvoir plus librement se transporter chez les Païens, et leur prêcher l'Évangile du Christ. Mais le seigneur pape Innocent III ne voulut acquiescer au desir du saint homme; ains il lui commanda de retourner dans son siége.

Or, il advint, comme il revenait de la cour du saint Père, qu'étant aux entours de Montpellier, il rencontra le vénérable homme, Arnauld, abbé de Cîteaux9, père Pierre de Castelnau et frère Raoul, moines dudit ordre, légats du siége apostolique; lesquels, par dégoût, voulaient renoncer à la mission qui leur avait été enjointe, pour ce que leurs prédications n'avaient en rien ou que très-peu réussi près des hérétiques. Toutes fois, en effet, qu'ils avaient tenté de les prêcher, ceux-ci leur avaient objecté la très-méchante conduite des clercs, et qu'ainsi, s'ils ne voulaient amender leurs mœurs, ils devaient s'abstenir de poursuivre leurs prédications.

Dans une telle perplexité, le susdit évêque ouvrit un avis salutaire; disant et conseillant aux légats du siége apostolique qu'abandonnant tout autre soin, ils n'épargnassant ni sueurs ni peines pour répandre avec plus d'ardeur la semence de la parole sainte, et que, pour fermer la bouche aux médians, ils marchassent 14en toute humilité, faisant et enseignant à l'exemple du divin maître, allant à pied sans or ni argent; bref, imitant en tout la manière apostolique. Mais eux, refusant de prendre sur eux ces choses, en tant qu'elles semblaient une sorte de nouveauté, répondirent que si une personne d'autorité suffisante consentait à les précéder en telle façon, ils la suivraient très-volontiers. Que dirai-je de plus? il s'offrit, cet homme plein de Dieu, et renvoyant aussitôt sa suite à Osma, ne gardant avec lui qu'un seul compagnon10 et suivi des deux moines souvent indiqués, savoir Pierre et Raoul, il s'en vint à Montpellier. Quant à l'abbé Arnauld, il regagna Cîteaux, pour autant que le chapitre de l'ordre devait très-prochainement se tenir, et partie pour le dessein qu'il avait, ce chapitre terminé, de mener avec lui quelques-uns de ses abbés, qui l'aidassent à poursuivre la tâche de prédication qui lui était prescrite.

Au sortir de Montpellier, l'évêque d'Osma et les deux moines susdits vinrent en un certain château de Carmaing11, où ils rencontrèrent un hérésiarque nommé Baudouin, et un certain Théodore, fils de perdition et chaume d'éternel incendie: lequel, originaire de France, était de race noble, et même avait eu canonicat à Nevers. Mais ensuite un homme d'ar-15mes, qui était son oncle et des pires hérétiques, ayant été condamné pour sa doctrine dans le concile de Paris12, en présence d'Octave, cardinal et légat du siége apostolique, il vit qu'il ne pourrait se cacher lui-même plus long-temps, et gagna le pays de Narbonne, où il fut en très-grand amour et très-haute vénération parmi les hérétiques, tant pour ce qu'il semblait surpasser quelque peu les autres en subtilité, que parce qu'ils se glorifiaient d'avoir pour leur frère en iniquité, et défenseur de leur corruption, un homme de France13 qui est la source de la science et religion chrétienne. Et il ne faut pas taire qu'il se faisait appeler Théodore, bien qu'auparavant il eût nom Guillaume.

Ayant disputé pendant huit jours avec ces deux hommes, à savoir, Baudouin et Théodore, nos prédicateurs convertirent tout le peuple du susdit château, par leurs salutaires avertissemens, à la haine des hérétiques: si bien qu'il eût de lui-même, et très-volontiers, expulsé lesdits hérétiques, n'était que le seigneur du lieu, infecté du poison de perfidie, les avait faits ses familiers et amis. Il serait trop long de rapporter tous les termes de cette dispute; j'ai cru seulement devoir en recueillir ceci que, lorsque par la discussion le vénérable évêque eut poussé Théodore jusqu'aux dernières conséquences: «Je sais, dit celui-ci, je sais de quel esprit tu es; car tu es 16venu dans l'esprit d'Élie.» A cela le saint répondit: «Si je suis venu dans l'esprit d’Élie, tu es venu, toi, dans celui de l'Antechrist.» Ayant donc passé là huit jours, ces vénérables hommes furent suivis par le peuple, à leur sortie du château, pendant une lieue environ.

Poursuivant droit leur chemin, ils arrivèrent en la cité de Béziers, où, prêchant et disputant durant quinze jours, ils affermissaient dans la foi le peu de catholiques qui s'y trouvaient, et confondaient les hérétiques. C'est alors que le vénérable évêque d'Oàma et frère Raoul conseillèrent à frère Pierre de Castelnau de s'éloigner d'eux pendant un temps: car ils craignaient que Pierre ne fût tué, parce qu'à lui surtout s'attaquait la haine des hérétiques: pour un temps donc, frère Pierre quitta l'évêque et frère Raoul.

Ceux-ci étant sortis de Béziers arrivèrent heureusement à Carcassonne, où ils demeurèrent huit jours, poursuivant leurs disputes et prédications. En ce temps-là, il arriva près de Carcassonne un miracle que l'on ne doit point passer sous silence. Comme les hérétiques faisaient leur moisson, le jour de la nativité de saint Jean-Baptiste (lequel ils ne tenaient point pour prophète, mais bien pour un démon très-malin), un d'eux, regardant à sa main, vit que la gerbe était toute sanglante; ce que voyant, il crut que sa main était blessée: mais la trouvant saine et entière, il cria à ses compagnons. Quoi plus! Chacun d'eux, regardant la gerbe qu'il tenait la trouva pareillement souillée de sang, sans que sa main fût aucunement atteinte. Le vénérable Gui, abbé de Vaulx-Cernay, qui était alors en cette terre, vit une de ces 17gerbes sanglantes, et c'est lui-même qui m'a raconté ceci.

Comme il serait trop long de réciter par ordre comment ces hommes apostoliques (je veux parler de nos prédicateurs) allaient de çà et de là, de château en château, évangélisant et disputant en tous lieux, omettons ces choses, et arrivons aux plus notables.

Un jour se réunirent tous les hérésiarques dans un certain château, au diocèse de Carcassonne, que l'on nomme Mont-Réal14, pour disserter d'accord contre les susdits personnages. Frère Pierre de Castelnau qui, comme nous l'avons dit tout à l'heure, les avait quittés à Béziers, revint pour assister à cette dispute, où furent pris pour juges aucuns d'entre ceux que les hérétiques nommaient croyans. Or, l'argumentation dura quinze jours, et fut rédigé par écrit tout ce qui s'y était traité, et remis en la main des juges, pour qu'ils prononçassent la sentence définitive; mais eux, voyant que les leurs étaient manifestement battus, ne voulurent la rendre, non plus que les écrits qu'ils avaient reçus des nôtres, de peur qu'ils ne vinssent à publicité, et les livrèrent aux hérétiques.

Ces choses faites, frère Pierre de Castelnau, laissant de nouveau ses compagnons, s'en alla en Provence, et travailla à réunir les nobles, dans le dessein d'extirper les hérétiques du pays de Narbonné, à l'aide de ceux qui avaient juré la paix; mais le comte de Toulouse, nommé Raimond, ennemi de cette 18trève, ne voulut y acquiescer, jusqu'à tant qu'il fût forcé de la jurer, tant par suite des guerres que lui suscitèrent les nobles de la province, par la médiation et industrie de l'homme de Dieu, que par l'excommunication qu'il lanca contre ledit comte15.

Mais lui qui avait reçu la foi, et qui était pis qu'un infidèle, n'obéissant oncques à son serment, jura souvent, et souvent fut parjure. Pour quoi le reprit avec grande vertu d'esprit le très-saint frère Pierre, abordant sans peur le tyran, lui résistant en face, pour ce qu'il était répréhensible, voire même bien fort damnable; et cet homme de grande constance et de conscience sans tache le confondait à ce point de lui reprocher qu'il était en tout parjure, comme de vrai il l'était.

 

CHAPITRE IV.

Malice du comte Raimond de Toulouse, fauteur des Albigeois.

 

Puis donc que l'occasion s'en présente, parlons un peu de la crédulité de ce comte16. Il est à dire d'abord que, quasi dès son berceau, il chérit toujours et choya les hérétiques, et les accueillant dans ses terres, il les honora par toutes les faveurs qu'il put. Même jusqu'à ce jour, ainsi qu'on l'assure, partout où il va, il mène avec lui quelques-uns de ces 19hommes, cachés sous l'habit laïque, afin que, s'il venait à mourir, il meure entre leurs mains. Il croyait en effet que, sans faire aucunement pénitence, et si grand pécheur qu'il fût, il serait sauvé, pourvu qu'à l'article de la mort il pût recevoir d'eux l'imposition des mains. Il faisait aussi porter avec soi le Nouveau-Testament, pour qu'au besoin il reçût des mains des infidèles l'imposition et ledit livre. De vrai, l'Ancien-Testament est détestable aux hérétiques: ils disent que ce Dieu, qui a institué la vieille loi, est mauvais, l'appelant traître à cause de la spoliation d'Egypte, et meurtrier pour le déluge et la submersion des Egyptiens. Ils ajoutent que Moïse, Josué et David ont été les ministres de ce mauvais Dieu, et routiers17 à son service.

Un jour le susdit comte dit aux hérétiques, comme le savons certainement, qu'il voulait faire nourrir son fils à Toulouse parmi eux, à cette fin qu'il s'instruisît davantage en leur foi, ou plutôt dans leur infidélité. Il dit encore, une autre fois, qu'il donnerait volontiers cent marcs d'argent pour qu'un de ses chevaliers embrassât leur croyance, à laquelle il l'avait maintes fois appelé, et qu'il lui faisait prêcher souvent. Outre cela, quantes fois les hérétiques lui envoyaient des présens ou des provisions, il les recevait avec grande reconnaissance, et les faisait conserver très-soigneusement, ne souffrant pas que personne en mangeât, sinon lui et certains d'entre ses 20familiers. Très-souvent aussi, comme nous l'avons appris de science certaine, s'agenouillant, il adorait les hérétiques, requérait leurs bénédictions, et les baisait.

Un jour qu'il était à attendre quelques gens qui devaient venir à lui, comme ils ne venaient pas, il s'écria: «Il appert clairement que le diable a fait ce monde, puisque rien ne nous succède à souhait.» Il dit, en outre, au vénérable évêque de Toulouse, ainsi que nous l'avons ouï dudit évêque, que les moines de Cîteaux ne pouvaient être sauvés pour autant qu'ils avaient des ouailles adonnées su péché de luxure. O hérésie inouïe!

Le même comte dit à cet évêque de Toulouse qu'il vînt la nuit dans son palais, et que là il entendrait la prédication des hérétiques; par quoi il est patent qu'il les entendoit souvent durant la nuit.

Étant un jour dans une église où étoit célébrée la messe, ce Raimond avoit en sa compagnie un certain mime qui suivoit la mode des bouffons de cette sorte, railloit les gens par grimaces et autres gestes d'histrion: or, comme le prêtre célébrant se retournoit vers le peuple en disant Dominas vobiscum, le très-scélérat comte commanda à son mime de contrefaire l'officiant et le tourner en dérision. Il dit encore une autre fois qu'il aimeroit mieux ressembler à un certain hérétique de Castres au diocèse d'Alby, auquel on avait tranché les membres, et qui vivait dans un état misérable, que d'être empereur ou roi.

Que ledit comte protégea toujours les hérétiques, nous en avons la preuve très-convaincante en ce que jamais il ne put être induit par aucun légat 21du siége apostolique à les chasser de son pays; bien que, contraint par ces mêmes légats, il ait fait de fréquentes abjurations. Il faisait en outre si peu de cas du sacrement de mariage que, toutes fois et quantes sa propre épouse lui désagréait, la répudiant, il en prenait une autre, si bien qu'il en eut quatre18, dont trois vivent encore. Il eut d'abord la sœur du vicomte de Béziers, nommée Béatrix; laquelle ayant répudiée, il prit la sœur du duc de Chypre19. Ayant encore quitté celle-ci, il épousa la sœur du roi d'Angleterre20, qui lui était unie par conséquent au troisième degré; et cette dernière étant morte, il reçut en mariage la sœur du roi d'Arragon21, qui pareillement était sa cousine au quatrième degré. On ne doit point taire que, durant son premier mariage, il conseilla souvent à sa femme de prendre l'habit religieux. Celle-ci, comprenant ce qu'il voulait dire, exprès lui demanda s'il voulait qu'elle se fît religieuse de l'ordre de Cîteaux; à quoi il répondit que non. Lors elle lui demanda s'il entendait plutôt qu'elle entrât dans l'ordre de Fontevrault22; mais il dit encore qu'il ne le voulait ainsi. Finalement elle lui demanda quelle était sa volonté, et il lui dit que, si elle consentait à se faire ermite, il pourvoierait à tous ses besoins, et il fut fait de la sorte.

22Il y avait à Toulouse un détestable hérétique nommé Hugues Fabri, qui jadis était tombé dans une telle démence qu'il avait profané l'autel d'une église de la manière la plus immonde, et qu'au mépris de Dieu, il s'était servi salement du poêle qui couvrait ledit autel23. O forfait inoui! le même hérétique avait dit un jour qu'au moment où le prêtre reçoit dans la messe le sacrement de l'Eucharistie, c'est le démon qu'il fait passer dans son propre corps. Or le vénérable abbé de Cîteaux, qui était alors abbé de Granselve24 dans le territoire de Toulouse, ayant rapporté tout ceci au comte, et lui ayant indiqué qui avait commis un si grand crime, celui-ci répondit qu'à telle cause il ne punirait aucunement un citoyen de ses domaines. Le seigneur abbé de Cîteaux, qui était pour lors archevêque de Narbonne, a raconté ces abominations à environ vingt évêques, moi présent, au concile de Lavaur.

En outre, ledit comte fut à tel point luxurieux et débauché que, comme nous l'avons appris avec certitude, il abusait de sa propre sœur, au mépris de la religion chrétienne. Dès son enfance25, il recherchait avec grand empressement les concubines de son père, et couchait avec elles dans des transports d'ardeur extrême, à ce point qu'à peine une femme pouvait lui plaire s'il ne savait qu'elle fût entrée d'abord au lit de son père; d'où suit que celui-ci, tant à cause de son hérésie que pour cette énormité, lui annonçait souvent qu'il perdrait son héritage.

23Davantage, ledit Raimond se prit d'une merveilleuse affection pour des pillards et routiers, à l'aide desquels il dépouillait les églises, détruisait les monastères, et dépossédait tous ceux de ses voisins qu'il pouvait.

C'est en cette façon qu'il se comporta toujours comme un membre du diable, fils de perdition, premier né de Satan, ennemi de la croix et persécuteur de l'Église, champion des hérétiques, oppresseur des catholiques, ministre de damnation, apostat de la foi, rempli de crimes, et vrai magasin de toute espèce de péchés.

Un jour qu'il jouait aux échecs avec un chapelain, il lui dit tout en jouant: «Le Dieu de Moïse en qui vous croyez ne pourra vous aider à ce jeu; et quant à moi, ajouta-t-il, que jamais ce Dieu ne me soit en aide!»

Une autre fois, comme il devait marcher du pays de Toulouse contre quelques ennemis à lui qui étaient en Provence, se levant au beau milieu de la nuit, il vint à la maison où les hérétiques toulousains étaient assemblés, et il leur dit: «Seigneurs et frères, divers sont les événemens de la guerre. Quoi qu'il arrive de moi, je recommande en vos mains mon ame et mon corps.» Ce qu'ayant dit, il emmena, pour plus de précaution, avec lui, des hérétiques en habit commun, pour que si, d'aventure, il venait à mourir, au moins ce pût être entre leurs bras.

Un jour ce maudit comte était malade en Arragon; et, comme son mal augmentait, il se fit construire une litière, et, dans cette litière, transporter à Toulouse; comme on lui demandait pourquoi il se faisait porter 24en si grande hâte à Toulouse, affligé qu'il était d'une si grave maladie, il répondit, le misérable: «C'est pour ce qu'il n'y a point en cette terre de bons hommes entre les mains desquels je puisse mourir;» car étaient les hérétiques nommés bons hommes par leurs fauteurs. Pour finir, par bien d'autres signes et paroles il s'avouait hérétique. «Je sais bien, disait-il, que je dois être déshérité pour ces gens de bien; mais suis-je prêt à endurer non seulement l'exhérédation, bien plus, à perdre la tête pour eux.»

Qu'il suffise de ce que nous avons dit touchant l'incrédulité et malice de ce malheureux, Maintenant retournons à notre propos.

 

 

CHAPITRE V.

De la venue de douze abbés de Cîteaux et de leurs prédications.

 

La dispute plus haut rappelée ayant eu lieu dans Mont-Réal, tandis que nos prédicateurs y étaient encore, et que semant de toutes parts la parole de Dieu et les leçons du salut, ils mendiaient partout leur pain; survint le vénérable homme abbé de Cîteaux, nommé Arnauld, arrivant de France et menant avec lui douze abbés, hommes de religion entière, hommes de sainte science et parfaite, hommes de sainteté incomparable, lesquels, selon le nombre sacré des douze apôtres, vinrent au nombre de douze avec l'abbé, lui treizième, préposés à rendre raison à tout disputeur quelconque des choses qui étaient en eux 25touchant la foi et l'espérance; et tous en compagnie de plusieurs moines qu'ils avaient amenés avec eux professant complète humilité, suivant le modèle qui leur avait été montré à Montpellier, c'est-à-dire selon le précepte de l'évêque d'Osma, faisaient route à pied. Soudain ils furent dispersés au loin par l'abbé de Cîteaux, et furent à chacun assignées les bornes dans lesquelles ils se livreraient au discours de la prédication26, et persévéreraient dans le labeur des disputes contre les hérétiques.

 

 

 

CHAPITRE VI.

Du colloque de Pamiers et de la mort de l'évéque d'Osma.

 

L'évéque d'Osma voulut lors retourner à son évêché, partie pour veiller sur ses ouailles, et partie pour fournir de ses revenus aux nécessités des prédicateurs de Dieu en la province de Narbonne. Or donc, comme il s'en allait devers l'Espagne, il vint à Pamiers au territoire de Toulouse, et près de lui se rendirent Foulques, évêque de Toulouse, et Navarre, évêque de Couserans27, avec plusieurs abbés. Là, ils 26disputèrent avec les Vaudois, lesquels furent vaincus à plat et confondus; et le peuple du lieu, principalement les pauvres, se rangèrent pour la plupart au parti des nôtres; voire même celui qui avait été institué juge de la dispute (lequel était favorable aux Vaudois et considérable en son endroit) renonca à la perversité hérétique, et s'offrit lui et tout son bien aux mains du seigneur évêque d'Osma, et dès lors il a combattu virilement les sectateurs de la superstition.

Fut présent à cette dispute ce traître et méchant comte de Foix28, ce très-cruel persécuteur de l'Église et ennemi du Christ, lequel avait une femme qui faisait manifeste profession de l'hérésie des Vaudois; plus deux sœurs dont l'une professait cette même doctrine, et l'autre, ainsi que le comte, celle des autres sectes déloyales des hérétiques. La dispute susdite ayant eu lieu dans le palais du comte même, celui-ci un jour pratiquait les Vaudois, et l'autre jour nos prédicateurs. O feinte humilité!

Ceci achevé, l'évêque d'Osma s'achemina vers son évêché, résolu de revenir le plus tôt possible, afin de poursuivre les affaires de la foi dans la province de Narbonne. Mais, après avoir passé peu de jours dans son siége, comme il se disposait au retour, il fut prévenu par la mort, et s'endormit heureusement dans sa vieillesse. Avant son décès, était mort pareillement le frère Raoul, dont nous avons parlé ci-dessus, homme de bonne mémoire, lequel rendit l'ame dans une certaine abbaye de l'ordre de Cîteaux, dite Franquevaux, près Saint-Gilles.

27Ces deux luminaires étant ravis au monde (savoir l'évêque d'Osma et frère Raoul), le vénérable Gui, abbé de Vaulx-Cernay, au diocèse de Paris, qui était venu avec les autres abbés au pays de Narbonne à cause de la prédication, homme de noble lignage, mais plus noble encore de beaucoup par science et par vertu, le même qui fut fait ensuite évêque de Carcassonne, fut constitué le premier et maître entre les prédicateurs; d'autant que l'abbé de Cîteaux se transporta en d'autres lieux, empêché qu'il était par les grandes affaires du temps.

Nos saints prêcheurs discourant donc et confondant très-apertement les hérétiques, mais ne pouvant, en leur obstination dans la malice, les convertir à la vérité, après beaucoup de temps employé à des prédications et disputes qui furent de mince ou nulle utilité, ils revinrent au pays de France.

Du reste, il n'est à omettre que ledit abbé de Vaulx-Cernay ayant disputé plusieurs fois avec Théodore, plus haut nommé, et un certain autre hérésiarque très-notable, à savoir Bernard de l'Argentière29, estimé le premier dans le diocèse de Carcassonne, et les ayant maintes et maintes fois confondus, ledit Théodore, n'ayant un jour pu répondre rien autre, dit à l'abbé: «La paillarde (il entendait par là l'Église romaine ) m'a long-temps retenu à elle30; mais elle ne me retiendra plus.» Il ne faut taire davantage que le même abbé de Vaulx-Cernay ayant gagné un castel 28près de Carcassonne, nommé Laurac31, afin d'y prêcher à son entrée dans ledit lieu, il se signa: ce que voyant un certain homme d'armes hérétique qui était dans le château, il dit à l'abbé: «Que ce signe ne me soit oncques en aide!»

 

CHAPITRE VII.

Miracle de la cédule écrite de la main du bienheureux Dominique, laquelle jetée trois fois au feu en ressauta intacte.

 

En ce temps advint un miracle qui nous a semblé digne d'être placé ici. Un jour que nos prédicateurs avaient disputé contre les hérétiques, un des nôtres nommé Dominique, homme tout en sainteté, lequel avait été compagnon de l'évêque d'Osma, rédigea par écrit les argumens qu'il avait employés dans le cours de la discussion, et donna la cédule à un hérétique, pour qu'il délibérât sur les objections y contenues. Cette nuit même, les hérétiques étaient assemblés dans une maison, siégeant près du feu. Lors celui à qui l'homme de Dieu avait baillé la cédule, la produisit devant tous: sur quoi ses compagnons lui dirent de la jeter au milieu du feu, et que si elle brûlait, leur foi (ou plutôt leur perfidie) serait véritable; du contraire, si elle demeurait intacte, qu'ils avoueraient pour telle la foi que prêchaient les nôtres, et qu'ils la confesseraient vraie. Que dirai-je de plus? A ce tous consentant, la cédule est jetée au feu: 29mais comme elle eut demeuré quelque peu au milieu des flammes, soudain elle en ressauta sans être du tout atteinte. Les spectateurs restant stupéfaits, l'un, plus endurci que les autres, leur dit: «Qu'on la remette au feu, et alors vous expérimenterez plus pleinement la vérité.» On l'y jeta derechef, et derechef elle ressauta intacte. Ce que voyant cet homme dur et lent à croire, il dit: «Qu'on la jette pour la troisième fois, et lors nous connaîtrons avec certitude! l'issue de la chose.» Pour la troisième fois donc on la jette au feu; mais elle n'est pas davantage offensée, et saute hors du feu entière et sans lésion aucune. Pourtant, et bien que les hérétiques eussent vu tant de signes, ils ne voulurent se convertir à la foi. Ains, persistant dans leur malice, ils se firent entre eux très-expresse inhibition pour que personne, en racontant ce miracle, ne le fît parvenir à notre connaissance; mais un homme d'armes qui était avec eux, et se rapprochait tant soit peu de notre foi, ne voulut celer ce dont il avait été témoin, et en fit récit à plusieurs. Or cela se passa à Mont-Réal, ainsi que je l'ai ouï de la bouche même du très-pieux personnage qui avait donné à l'hérétique la cédule en question.

 

CHAPITRE VIII.

Mort sanglante de frère Pierre de Castelnau qui succomba sous le glaive des impies.

 

Ayant dit ce peu de mots touchant les prédicateurs de la parole divine, arrivons, avec l'aide de Dieu, au martyre de cet homme vénérable, de cet 30athlète très-courageux, frère Pierre de Castelnau; à quelle fin nous pensons ne pouvoir mieux faire, ni plus authentiquement, qu'en insérant dans notre narration les lettres du seigneur pape, adressées par lui aux fidèles du Christ, et contenant plus au long le récit de ce martyre. La teneur de ces lettres est ainsi qu'il suit:

«Innocent, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à nos chers fils, nobles hommes, comtes, barons et tous chevaliers établis dans les provinces de Narbonne, d'Arles, d'Embrun, d'Aix et de Vienne: salut et bénédiction apostolique.

«Nous avons ouï une chose que nous sommes forcés de croire et déduire pour le deuil commun de toute l'Église, à savoir, que comme frère Pierre de Castelnau, de sainte mémoire, moine et prêtre, homme vertueux entre tous les hommes, illustre par sa vie, sa science et son renom, député avec plusieurs autres pour évangéliser la paix et affermir la foi dans la province d'Occitanie, travaillait louablement au ministère à lui commis, et ne cessait de travailler encore, comme celui qui avait pleinement appris en l'école du Christ ce qu'il enseignait; et, doué de paroles selon la foi, avait moyen d'exhorter suivant la saine doctrine celui qui est selon cette doctrine, et de repousser les contredisans, toujours préparé à rendre raison à qui l'en sommait, ainsi que le pouvait faire homme catholique, docte en la loi, éloquent en langage; contre ledit frère donc fut suscité par le diable son ministre, le comte Raimond de Toulouse: lequel, pour beaucoup et de grands excès commis envers l'Église et envers Dieu, ayant souvent 31encouru la censure ecclésiastique, et souvent (homme qu'il était de couleur changeante, rusé, impossible à saisir et inconstant) s'étant fait absoudre par une repentance simulée; ne pouvant enfin contenir la haine qu'il avait conçue contre ledit saint personnage, pour autant qu'en sa bouche était parole de vérité, pour réprimander et châtier les nations, et lui surtout, comte Raimond, qui méritait d'être repris davantage à cause de plus grands crimes, convoqua les légats du siége apostolique, savoir, frère Pierre et son collègue, dans la ville de Saint-Gilles, leur promettant de leur donner satisfaction sur tous les chefs pour lesquels il était reproché. Mais comme eux se furent rendus en la susdite ville, ledit comte, tantôt comme homme facile et de bonne foi, promettait de se soumettre aux salutaires admonitions à lui faites, et tantôt, comme homme double et endurci, refusait tout net de ce faire. Nos légats, voulant enfin se retirer dudit lieu, Raimond les menaça publiquement de mort, disant que par quelque endroit de la terre ou de l'eau qu'ils s'en fussent, il observerait avec vigilance leur départ; et aussitôt, accommodant les effets aux paroles, il envoya ses complices pour dresser les embûches qu'il méditait.

«Comme donc, ni aux prières de notre cher fils l'abbé de Saint-Gilles, ni aux instances des consuls et bourgeois, le délire de la rage ne le pouvait adoucir, eux, en dépit du comte et à son grand déplaisir, conduisirent les saints prédicateurs, à main armée, près des rivages du Rhône, où, pressés par la nuit, ils se reposèrent, tandis que certains satellites à eux du tout inconnus se venaient loger près d'eux; les-32quels, comme l'issue l'a fait voir, cherchaient leur sang.

« Le lendemain matin étant survenu, et la messe célébrée comme de coutume, au moment où les innocens soldats du Christ se préparaient à passer le fleuve, un de ces satellites de Satan, brandissant sa lance, blessa entre les côtes inférieures le susdit Pierre de Castelnau (pierre en effet fondée sur le Christ par immobile assiette), lequel ne se méfiait pas d'une si grande trahison.

«Lors, regardant d'abord l'assassin, et suivant l'exemple de son maître Jésus et du bienheureux Etienne, le martyr lui dit: «Que Dieu te pardonne, car moi je te pardonne,» répétant à plusieurs fois ce mot de piété et patience; ensuite, étant ainsi transpercé, il oublia l'amère douleur de sa blessure par l'espérance des choses célestes; et, à l'article de sa glorieuse mort, ne cessant d'ordonner, de concert avec les compagnons de son ministère, en quelle façon ils répandraient la paix et la foi, il s'endormit heureusement dans le Christ après les pieuses oraisons dernières. Pierre donc ayant, pour la paix et la foi (si justes causes de martyre qu'il n'y en a de plus justes), répandu son sang, il aurait déjà brillé, ainsi que nous le croyons, par d'éclatans miracles, si l'incrédulité des hérétiques ne l'eût empêché, à l'instar de ceux dont il est dit dans l'Evangile que Jésus ne faisait point parmi eux beaucoup de miracles à cause de leur incrédulité. C'est pourquoi, bien que la parole soit un signe nécessaire, non aux fidèles, mais aux infidèles, le Sauveur étant présenté à Hérode qui, au témoignage de Luc, se réjouit grandement de le voir, 33dans l'espoir qu'il ferait quelque miracle, il dédaigna d'en faire et de répondre à qui l'interrogeait, sachant que l'incrédulité qui demande des miracles n'est pas disposée à croire, et qu'Hérode recherchait seulement une vaine surprise.

«Bien donc que cette méchante race perverse de Provençaux ne soit digne que si promptement, comme elle le cherche peut-être, lui soit donné un signe du martyre de frère Pierre, nous croyons cependant qu'il a fallu qu'un seul mourût pour elle, à cette fin qu'elle ne pérît pas tout entière, et qu'infectée par la contagion de l'hérésie, elle fût rappelée de son erreur par l'intercession du sang du martyr.

«Tel est en effet le durable mérite du sacrifice de Jésus-Christ; tel est l'esprit miraculeux du Sauveur, que, lorsqu'on le croit vaincu dans les siens, c'est alors même qu'il est plus fortement victorieux en eux; et de la même vertu par qui lui-même a détruit la mort en mourant, il fait triompher de leurs triomphateurs ses serviteurs parfois abattus. A moins que le grain de froment qui tombe en terre ne meure, il reste seul; mais s'il meurt, il produit des fruits abondans. Espérant donc qu'il doit provenir dans l'Église du Christ un fruit de cette semence très-féconde, bien qu'assurément soit durement criminel et criminellement dur celui dont l'ame n'a pas été percée par le glaive qui a percé Pierre, et ne désespérant jamais entièrement, vu qu'une si grande utilité doit être dans l'effusion de son sang, que Dieu accordera les succès desirés aux nonces de sa prédication dans ladite province, pour laquelle le martyr est tombé en la corruption de la mort, nous jugeons devoir avertir 34plus soigneusement nos vénérables frères les évêques et leurs suffragans, et les exhorter par le Saint-Esprit, leur ordonnant strictement, en vertu de la sainte obédience, que, faisant prendre force à la parole de paix et de foi, semée par ledit Pierre dans ceux qui ont été abreuvés de sa prédication, pour combattre la perversité hérétique, affermir la foi catholique, extirper les vices et implanter les vertus, persistant dans les efforts d'un zèle infatigable, ils dénoncent à tous, par leurs diocèses, le meurtrier dudit serviteur de Dieu, ensemble tous ceux à l'aide, par l'œuvre, conseil ou faveur de qui il a accompli un si grand crime, plus ses recèleurs ou défenseurs, au nom du tout-puissant Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, ainsi que par l'autorité des bienheureux apôtres Pierre et Paul, et la nôtre, comme excommuniés et frappés d'anathème; et qu'ils fassent obtempérer à l'interdit ecclésiastique tous les lieux auxquels le susdit meurtrier ou autre précité apparaîtrait, voire même en leur présence, chaque jour de dimanche et fête, au son des cloches et à la lueur des cierges, jusqu'à ce que, approchant du siége apostolique, ils méritent, par une digne satisfaction, d'être absous, et fassent révoquer solennellement la présente sentence. Leur mandons en outre que, quant à ceux qui, animés du zèle de la foi orthodoxe, et pour venger le sang du juste qui ne cesse de crier de la terre vers le ciel, jusqu'à ce que le Dieu des vengeances descende du ciel sur la terre pour la confusion des pervertis et pervertisseurs, quant à ceux, disons-nous, qui se seraient virilement ceints et armés contre ces pestiférés qui s'attaquent tout d'une fois à la paix et à la vérité, ils leur pro- 35mettent en toute sûreté la rémission de leurs péchés accordée par Dieu et son vicaire; à cette fin que ce labeur leur suffise pour réparation des offenses à cause desquelles ils auront offert à Dieu la contrition de leur cœur et une confession véridique: le tout attendu que ces empestés Provencaux tentent non seulement de ravir ce qui est nôtre, mais de nous renverser nous-mêmes, et que, non contens d'aiguiser leurs langues pour la ruine des ames, ils mettent encore la main à la destruction des corps, devenus qu'ils sont corrupteurs des unes et meurtriers des autres.

«Bien que le comte dont il est parle plus haut soit depuis long-temps frappé du couteau d'anathême à cause de nombreux et énormes crimes qu'il serait trop long de raconter par le menu; vu cependant que, suivant des indices assurés, il est présumé coupable de la mort du saint homme, non seulement pour ce qu'il l'a menacé publiquement de le faire mourir, et lui a dressé des embûches, mais encore en ce qu'il a admis en sa grande familiarité le meurtrier dudit frère, voire l'a récompensé par riches dons (sans parler des autres présomptions qui sont plus pleinement notoires à plusieurs); à cette cause, voulons que les archevêques et évêques le déclarent publiquement anathématisé. Et comme, selon les sanctions canoniques des saints Pères, la foi ne doit pas être gardée à qui ne la garde point envers Dieu, étant ledit comte séparé de la communion des fidèles, et, pour ce, à éviter plutôt qu'à soutenir, voulons encore qu'ils déclarent déliés, par l'autorité apostolique, tous ceux qui sont astreints audit comte 36par sermens de fidélité, société, alliance et autres semblables causes, et libre à tout catholique (sauf le droit du seigneur suzerain32) non seulement de poursuivre sa personne, mais encore d'occuper et de tenir ses terres et domaines, afin, par ce moyen, d'arriver surtout à purger d'hérésie, par force et savoir faire, le territoire qui, jusqu'à ce jour, a été honteusement endommagé et souillé par la méchanceté dudit comte, étant juste en effet que les mains de tous se lèvent contre celui dont la main a été contre tous. Que si telle vexation ne lui donne enfin meilleur entendement, nous aurons soin d'appesantir notre bras sur sa tête. Mais si, par aucun moyen, il promet d'exhiber satisfaction, ores faudra-t-il qu'il promette, pour signe de sa repentance, qu'il chassera de tout son pouvoir les sectateurs de l'hérétique impiété, et qu'il s'empresse de se réconcilier à la paix fraternelle, vu que c'est surtout pour la faute qu'il est reconnu avoir commise en l'un et l'autre point, que la censure ecclésiastique a été proférée contre lui. Bien que si Dieu voulait prendre garde à toutes ses iniquités, à peine pourrait-il faire satisfaction convenable, non seulement pour lui-même, mais encore pour cette multitude qu'il a conduite dans les lacs de damnation. Mais pour ce que, selon la sentence de vérité, ceux-là ne sont à craindre qui tuent le corps, mais bien ceux qui peuvent envoyer le corps et l'ame en la géhenne, nous nous confions et espérons en celui qui, afin d'ôter à ses fidèles la crainte de la mort, mourut et ressuscita le troisième jour, pour que le meurtre du- 37dit homme de Dieu, frère Pierre de Castelnau, non seulement n'imprime pas la crainte à notre vénérable frère l'évêque de Couserans ni à notre bien-aimé fils Arnauld, abbé de Cîteaux, légat du siége apostolique, ni aux autres orthodoxes sectateurs de la vraie foi, mais, du contraire, les enflamme d'amour, afin qu'à l'exemple de celui qui a mérité heureusement la vie éternelle au prix d'une mort temporelle, ils ne redoutent pas d'employer pour le Christ, s'il est nécessaire, leur vie en si glorieux combat. C'est pourquoi nous avons jugé bon de conseiller aux archevêques et évêques qu'admonestant leurs ouailles, inculquant prières par préceptes et préceptes par prières, et s'unissant efficacement aux avis salutaires et commandemens de nos légats, ils assistent ceux-ci en toutes choses pour lesquelles ils jugeraient devoir leur faire telles injonctions qu'il leur plairait, ainsi que de braves compagnons d'armes; leur faisant savoir que la sentence que cesdits légats auraient promulguée, non seulement contre les rebelles, mais encore contre les paresseux, nous ordonnons qu'elle soit tenue pour ratifiée et soit observée inviolablement.

«Sus donc, soldats du Christ! sus donc, novices intrépides de la milice chrétienne! que l'universel gémissement de l'Église vous émeuve, et qu'un pieux zèle vous enflamme du desir de venger une si grande injure faite à notre Dieu! Souvenez-vous que notre Créateur n'avait pas besoin de nous alors qu'il nous fit, et que, bien que notre service ne lui soit nécessaire, comme si, par ce concours, il se fatiguait moins dans l'opération de ses œuvres, et que son omnipotence fût moindre quand notre assistance vient à 38lui faillir, il nous a néanmoins accordé en telle circonstance l'occasion de le servir et de lui agréer.

«Puis donc qu'après le meurtre du susdit juste, il est dit que l'Église, en les pays où vous êtes, siége dans la tristesse et la douleur, sans appui ni consolateur, que la foi s'est évanouie, que la paix a péri, que l'hérétique peste et la rage de l'ennemi ont plus fort prévalu; puis aussi que si, dès l'origine de la tempête, on ne porte un puissant secours à la religion, le vaisseau de l'Église sera vu presque entièrement perdu en naufrage; nous vous avertissons tous soigneusement et promptement exhortons, vous enjoignons, dans une telle urgence et si grande nécessité, avec confiance et en vertu du Christ, vous donnant rémission de tous péchés, pour que vous ne tardiez à courir au devant de maux si énormes, et que vous fassiez en sorte de pacifier ces gens-là en celui qui est un Dieu de paix et d'amour; finalement pour que vous vous étudiez en vos régions à exterminer l'impiété et l'hérésie par tous les moyens quelconques que Dieu vous aura révélés, combattant d'une main forte et d'un bras au loin étendu leurs sectateurs plus sévèrement que les Sarrasins, en ce qu'ils sont pires.

«D'ailleurs, vous mandons, si ledit comte Raimond (qui, par ainsi que s'il eût fait pacte avec la mort, pèche et ne réfléchit sur son crime) venait d'aventure à prendre meilleur entendement dans la vexation qui lui est infligée, et que, la face couverte d'ignominie, il se prenne à rechercher le nom de Dieu, pour nous donner satisfaction et à l'Église, ou plutôt à Dieu, que vous ne vous désistiez pour cela de faire peser sur lui le fardeau d'oppression qu'il s'est attiré, 39chassant lui et ses fauteurs des châteaux du seigneur, et leur enlevant leurs terres, auxquelles, après l'expulsion des hérétiques, aient à être subrogés les habitans catholiques, qui, selon la discipline de notre foi orthodoxe, servent devant Dieu en sainteté et justice.

«Donné à Latran, le 6 des ides de mars, de notre pontificat l'an II33

Ces choses étant rapportées touchant là mort du très-saint homme, retournons à suivre notre narration.

 

 

CHAPITRE IX.

Comment les évêques de Toulouse et de Couserans furent envoyés à Rome pour exposer au souverain pontife l'état de l'Église dans la province de Narbonne.

 

Les prélats de la province de Narbonne et autres que touchaient les affaires de la paix et de la foi dans la province de Narbonne, voyant qu'étaient morts les hommes de bien, l'évêque d'Osma, frère Pierre de Castelnau et frère Raoul, lesquels avaient été en ladite terre les promoteurs principaux et maîtres de la prédication; remarquant, de plus, que cette prédication avait déjà accompli son cours pour majeure partie, sans avoir beaucoup profité, ains qu'elle avait été du tout frustrée des fruits desirés, ils délibérèrent d'en transmettre avis aux pieds du souverain pontife.

40A cette cause, les vénérables hommes Foulques, évêque de Toulouse, et Navarre, évêque de Couserans, se ceignent et s'acheminent vers Rome, pour supplier le seigneur pape qu'à la religion grandement périclitante en la province de Narbonne, de Béziers et Bordeaux, et faisant dans ces contrées presque entièrement naufrage, il tende une main secourable, et pourvoie à la paix de l'Église.

Sur quoi, le seigneur pape Innocent, qui s'appliquait de toutes ses forces à veiller aux nécessités de la foi catholique, porta remède à si grand mal, envoyant en France lettres circulaires et efficaces sur telle affaire, comme nous l'expliquerons mieux plus bas.

Ce qu'ayant ouï le comte de Toulouse, ou pour mieux dire ce comte de fourberie34 à savoir, que les susdits évêques s'en étaient allés à Rome, craignant d'être châtié selon ses mérites, et voyant que ses bons faits et gestes ne pouvaient passer impunis, après avoir député plusieurs autres émissaires à Rome, il y envoya finalement deux hommes méchans et exécrables, l'archevêque d'Auch et Raimond de Rabastens35 lequel avait été autrefois évêque de Toulouse, et pour ses mérites déposé depuis; et par ces truchemens, il se plaignit au seigneur pape de l'abbé de Cîteaux, qui à titre de légat traitait des choses de la foi, assurant qu'il l'avait aigri contre lui, Raimond, avec trop d'âpreté, et plus que de raison; promettant en outre ledit comte, que si le seigneur pape 41lui adressait un légat à latere, il se rangerait en tout à ses volontés: ce qu'il ne disait par desir qu'il eût de s'amender en aucune façon, mais bien dans l'idée que si le seigneur pape lui envoyait quelqu'un d'entre ses cardinaux, il pourrait le circonvenir, homme qu'il était de couleur changeante et bien fort rusé.

Mais le Tout-Puissant, qui est scrutateur des cœurs, et les connaît jusque dans leurs, secrets, ne voulut permettre que la pureté apostolique pût être induite à erreur, ni davantage que la perversité de ce comte fût cachée plus long-temps. Il pourvut donc, en sa justice et miséricorde, juge clément et équitable, à ce que ledit seigneur pape satisfit à sa requête, comme s'il demandait chose juste, et à ce que sa malice ne demeurât plus long-temps celée. En effet, le seigneur pape fit passer en Provence un de ses propres clercs, ayant nom Milon, homme de vie honnête assurément, illustre en science, disert en paroles, lequel (pour en peu de mots figurer sa vertu et probité), ne put être épouvanté par terreur, non plus que plier sous les menaces.

Toutefois, apprenant la venue de maître Milon, le comte se réjouit grandement, pensant, comme il osait faire, que celui-ci s'accommoderait en toutes choses à son bon plaisir; et, courant par ses domaines, il commença à se glorifier, et à dire: «Voici qu'à cette heure je suis bien, car j'ai un légat selon mon cœur. Voire, je serai moi-même légat.»

Mais il advint pourtant au contraire de son souhait, ainsi qu'il sera dit ci-après.

 

 

42CHAPITRE X.

Comment maître Théodise fut délégué avec maître Milon.

 

En compagnie du susdit maître Milon fut envoyé un certain clerc, nommé Théodise36, chanoine de Gènes, lequel devait l'assister et aider dans l'expédition des affaires de la foi. Or, ce Théodise était homme de grande science, homme de constance admirable, homme d'exquise bonté, qui se comporta très-bien pour les intérêts de Jésus-Christ. Quels dangers il eut à courir dans sa mission, et quels travaux à endurer, c'est ce que l'issue a fait voir, comme nous aurons soin par la suite de le rapporter plus amplement.

Le seigneur pape avait donné commandement à maître Milon de disposer, en tout ce qui touchait à la foi, et surtout au fait du comte de Toulouse, selon l'avis de l'abbé de Cîteaux, vu que l'abbé connaissait à plein l'état des affaires aussi bien que les fourberies de ce comte. Par quoi, le seigneur pape avait dit expressément à maître Milon: «L'abbé de Cîteaux sera de tout le faiseur, et toi, tu seras son organe; car le comte de Toulouse le tient pour suspect, mais toi, tu ne lui seras point tel.»

Maître Milon et maître Théodise étant donc venus en France, ils trouvèrent l'abbé de Cîteaux à Auxerre. Là, maître Milon le consulta sur plusieurs articles 43concernant les affaires de la foi; au sujet de quoi l'abbé l'instruisant avec soin, lui délivra son avis écrit et scellé. Il lui conseilla en outre de convoquer les archevêques, évêques et autres prélats qu'il jugerait expédiens au bien de la chose, avant que d'arriver au comte de Toulouse, de prendre leurs avis et opinions et de s'y tenir. Il lui indiqua même spécialement et par leurs noms quelques-uns d'entre les prélats aux conseils de qui il devait particulièrement adhérer.

Après, l'abbé de Cîteaux et maître Milon, s'acheminèrent vers le roi de France, Philippe, qui pour lors tenait une conférence solennelle avec plusieurs de ses barons à Villeneuve37, au territoire de Sens, où se trouvaient le duc de Bourgogne, les comtes de Nevers et de Saint-Pol, et beaucoup d'autres nobles et puissans personnages. Or, le seigneur pape avait envoyé au roi lettres spéciales, l'avertissant et priant d'employer secours opportun par lui-même, ou du moins par son fils Louis, pour la défense de l'Église, qui courait grands risques en la province de Narbonne. Mais le roi donna pour réponse au nonce du seigneur pape, qu'il avait à ses flancs deux grands et terribles lions, savoir Othon38 qui était dit empereur, et le roi Jean d'Angleterre39; lesquels, d'un et d'autre côté, travaillaient de toutes leurs forces à porter le trouble dans le royaume de France; par ainsi qu'il ne voulait sortir en aucune, façon de France, 44ni même envoyer son fils; mais que lui semblait assez pour le présent s'il permettait à ses barons de marcher contre les perturbateurs de la paix et de la foi dans la province de Narbonne.

D'autre part, le souverain pontife avait adressé lettres circulaires à tous prélats, comtes et barons, et au peuple entier du royaume de France, pour rendre les peuples fidèles plus prompts à extirper la peste d'hérésie; les admonestant efficacement et les exhortant de faire hâte à venger, dans le pays de Narbonne, l'injure du Crucifix; leur faisant savoir de plus que quiconque, enflammé du zèle de la foi orthodoxe, s'emploirait à cette œuvre de piété, obtiendrait rémission de tous ses péchés devant Dieu et son vicaire, pourvu qu'il fût contrit et confessé.

Que dirai-je? Ladite indulgence est publiée en France, et une grande multitude de fidèles s'arment du signe de la croix40.

 

   
   
   

(1Paris, chez Chaudière, en 1569, in-8°.

(2)  Tom. 5, pag. 554

(3) En 1669, in-fol. tom. 7.

(4 Innocent III, né à Agnano, de la maison des comtes de Segni, appelé Lothaire avant son élection, succéda à Célestin III le 8 janvier 1198, à l'âge de 37 ans, et mourut à Pérouse le 16 ou le 17  juillet 1216.

(5)  Ils étaient moines de Font-Froide, abbaye de Bernardins, fondée vers 1130, et située à trois lieues de Narbonne.

(6Horace.

(7L'auteur fait ici un jeu de mots sur le nom latin de Toulouse: hœc tolosa, tota dolosa. Il le répète même plus loin au sujet du comte Raimond, en forgeant exprès une expression latine: comes tolosanus, imo dicamus melius dolosanus (ch. 9). En général il se plaît, comme tous les écrivains du temps, à opposer entre eux les mots analogues, et souvent les mêmes mots.

(8il se nommait. Diégue de Azebez. Osma (Oxomuma, Uxama), ancienne ville d'Espagne, dans la Vieille-Castille. Elle tombe presqu'en ruines.

(9Cîteaux ( Cistertium), fameuse abbaye, chef d'ordre des Bernardins, fondée en 1098, et située entre des marais, au diocèse de Châlons-sur-Saône, à deux lieues de Nuits. L'église et le monastère étaient magnifiques. Elle avait 120,000 livres de rentes. Cet ordre comptait en France un grand nombre d'abbayes, toutes richement dotées.

(10) On verra plus loin que ce compagnon était le fameux saint Dominique, né à Calahorra, au diocèse d'Osma, l'an 1170, d'une noble et ancienne famille, mort à Bologne en 1221, et canonisé par Grégoire IX en 1234. Il fonda l'ordre des Frères-Prêcheurs, connu sous le nom de Dominicains et sous celui de Jacobins, et approuvé en 1216 par Honorius III.

(11) Carmaing (Carmanum), petite ville dans le haut Languedoc, à six lieues de Toulouse.

(12) Sans doute dans le concile tenu dans cette ville en 1210, où furent condamnés au feu tous les partisans des doctrines d'Amaury de Charmes, docteur de l'université de Paris.

(13) Ce nom ne comprenait pas encore les contrées du midi de la France. Il ne leur fut appliqué que plus tard et à mesure que la domination royale s'étendit directement sur elles.

(14) Mont-Réal (mons Regalis), ville du Languedoc, A quatre lieues de Carcassonne.

(15 En 1206.

(16) Raimond VI, arrière petit-fils du celèbre croisé Raimond IV, petit-fils du roi Louis-le-Gros par Constance sa mère, et cousin-germain de Philippe-Auguste alors régnant.

(17) On a donné à ce mot plusieurs étymologies. Sa signification la plus naturelle paraît être voleur de route ou de grand chemin; et il serait exactement traduit par l'expression anglaise high-way gentleman.

(18) Raymond VI eut cinq femmes; l'historien oublie ici la première, Ermesinde de Pelet.

(19) Bourgogne, fille d'Amaury, roi de Chypre.

(20) Jeanne, sœur de Richard-Cœur-de-Lion.

(21 Éléonore, sœur de Pierre II. Une autre sœur du même roi, nommee Sancie, devint aussi la femme du fils de Raimond VI.

(22 Célèbre abbaye de filles, chef d'ordre, fondée par Robert d'Arbrissel, située dans l'Anjou, à trois lieues de Saumur.

(23Voici la phrase.textuelle: Juxta altare cujusdam ecclesiœ purgavit ventrem, et in contemptum Dei, cum palla altaris tersit posteriora sua.

(24Abbaye d'hommes de l'ordre de Cîteaux, fondée en 1144.

(25Le texte porte ab Infantia.

(26On prêchait depuis long-temps dans la langue vulgaire, et il y a des conciles avant le douzième siècle qui ordonnent aux évêques, quand ils prêchent des homelies des Pères, de les traduire du latin en langue romane.

(27) Consoranum; ville de Gascogne, avec un territoire ayant titre de vicomte, borne par les comtes de Foix et de Comminges, et par la Catalogne. Elle fut détruite par Bernard de Comminges, et la résidence de l'évéque fut transportée a Saint-Lizier.

(28) Raimond-Roger, comte de Foix de 1188 à 1223.

(29 Cimorra. Cette petite ville, nommée aussi Cimolus ou Argenteria, est située en Languedoc dans le département de l'Ardèche.

(30) Il avait été catholique et chanoine de Nevers.

(31) Lauranum; anciennement, et avant Castelnaudary, capitale du Lauraguais.

(32 Le roi de France, de qui relevait le comte de Toulouse.

(33 Le 10 mars 1208.

(34) Comes Tolosanus, imo dicamus melius, dolosanus.

(35) Dans le haut Languedoc, à six lieues d'Albi. Il y a une autre ville du même nom en Bigorre, à quatre lieues de Tarbes.

(36 Ou, selon d'antres auteurs, Thédise.

(37) II y avait trois villes de ce nom auprès de Sens, savoir, Villeneuve-la-Guyard, Villeneuve-l'Archevêque et Villeneuve-le-Roi ou sur Yonne. C'est de cette dernière qu'il est question.

(38Othon IV, surnommé le Superbe.

(39)  Jean-sans-Terre.

(40) En 1209.