Traduction française : E. Cavaignac.
DE
Revue des Etudes Grecques, XXV, 1912.
Le papyrus qui a été révélé au monde savant dans la collection d'Oxyrinchos, en 1907, a été reproduit par MM, Grenfell et Hunt, en 1909, dans la petite collection d'Oxford, sous le titre Hellenica Oxyrhinchia : c'est ce texte que j'ai pris peur base du travail qui suit. Je me borne à signaler en note les restitutions que je considère comme douteuses et celles que j'ai ajoutées.
J'ai pensé rendre service au public en traduisant tout ce qui offrait un sens suivi.[1]
Avant tout, j'ai une réserve à exprimer. Les éditeurs semblent considérer connue un fait acquis que les trois principaux fragments se suivent dans l’ordre A, B, D, et sont séparés par des intervalles qui peuvent être considérables : ils semblent considérer comme certaine la place assignée au fragment C. Le fragment A contient : l'incident de Démainètos, le début de la « huitième année », certains faits de la guerre navale. Le fragment B contient la bataille de Thybarna et le meurtre de Tissapherne. Le fragment D contient : la révolution de Rhodes, le commencement de la guerre en Grèce, les embarras financiers de Conon et la mutinerie de ses soldats, la campagne d'automne d'Agésilas. Quant au fragment C, il me paraît aussi obscur pour l'instant que les fragments minuscules rangés par les éditeurs à la suite de D: j'aime donc mieux ne pas exprimer mes conjectures sur ce sujet.
J'ai surtout essayé de placer ces fragments dans l'œuvre à laquelle ils appartenaient. Je tiens pour prouvé par MM. de Wilamowitz et Ed. Meyer que cette œuvre ne peut être que l’Histoire grecque de Théopompe. Je renvoie, pour le commentaire, à l'étude étendue d'Ed. Meyer (Theopomps Hellenika, Halle, 1909).
Je me borne à indiquer ici le point principal sur lequel je suis forcé de m'écarter de lui : il s'agit de la date à laquelle correspond la « huitième année » dont le début est marqué par le fragment A. M. Ed. Meyer l'identifie avec l’an 395). Pour moi, cette année ne peut être que 396, pour plusieurs raisons, dont voici les plus importantes :
1° Dans le récit qui précède immédiatement, l'auteur parle des tendances anti-laconiennes qui se manifestaient en Grèce, et il est visible qu'il est en train d'aborder ce sujet pour la première fois. Il me paraît donc impossible qu'il ait déjà rencontré sur son chemin l’incident d'Aulis (printemps 396), par lequel ces tendances, en ce qui concerne au moins les Béotiens, s'étaient affirmées avec éclat. Quant à remonter au delà de 396, on sait que la mention de « Pharax, le navarque précédent », s'y oppose.
2° Je ne puis me résoudre à admettre qu'un auteur qui continue Thucydide n'ait pas placé la coupure de son Histoire après 404 (cf. ci-dessous).
3° Le navarque dont l'entrée en charge est mentionnée an cours de la « huitième année » est différent de celui qui entre en charge en 395 (fragment D), et les difficultés où l’on s'engage en plaçant ces deux navarchies dans la même saison militaire ne se laissent résoudre qu'an prix d'hypothèses pénibles (cf. Kahrstedt, Forschungen zur Geschichte etc., p. 187).
Je vais, de plus, essayer de donner une idée d'ensemble de l’Histoire grecque. Les fragments nouveaux nous apprennent que l'œuvre était disposée annalistiquement (ce qui, soit dit en passant, me paraît suffire à écarter toute possibilité de l'attribuer à Ephore), Cette disposition permet de préciser l'aspect que devait offrir l’Histoire de Théopompe :
Point de départ : le combat de Cynossèma ;
Fin de la 21e année de la guerre du Péloponnèse (411/0) ;
22e année (410) : Cyzique; Thrasylle et Alcibiade;
23e année (409) ; succès d'Alcibiade dans l'Hellespont;
24e année (408) : retour d'Alcibiade à Athènes; Lysandre et Cyrus ;
25e année (407) : bataille de Notion ; campagnes de Conon ;
26e année (406) : Kallikratidas; bataille des Arginuses;
27e année (405) : retour de Lysandre en Ionie ; Aigospotamos; Siège d'Athènes;
28e année (401) : chute d'Athènes; retour de Lysandre à Sparte.
Il me paraît impossible que la coupure chronologique ne tombât pas après tous ces événements, comme l'indique d'ailleurs vaguement le biographe de Thucydide (fgt. 6 de Théopompe, édit. d'Oxford). Quant à penser que, continuant Thucydide, Théopompe ne fit pas commencer la seconde partie de son œuvre avec l’an 403, encore une fois, j'aurais de la peine à m'y résoudre, quand bien même je ne considérerais pas comme prouvé d'autre part que la « huitième année » du fragment A est l’année 390 (voir ci-dessus). A partir de 403 donc, l'autour compte par années de l’ἀρχή de Lacédémone :
1ère année (403) ; chute des Trente; chute de Lysandre;
2e année (404) : hégémonie de Sparte;
3e année (401) : expédition de Cyrus la retraite des Dix-Mille devait être racontée assez brièvement) ;
4e année (400) ; rupture de Sparte avec la Perse ; avènement d'Agésilas ;
5e année (309) : Dercyllidas en Asie ;
6e année (398) : Pharnabaze chez. le Roi ; la guerre navale décidée :
7e année (397) : Pharax et Dercyllidas; Pharax contre Conon ; l'expédition d'Agésilas décidée à Sparte, tendances anti-laconiennes en Grèce ;
8e année (390) : guerre navale; défection de Rhodes; incident d'Aulis; première campagne d'Agésilas ;
9e année (395) : campagne de printemps d'Agésilas; explosion de la guerre en Grèce; campagne d'automne d'Agésilas; bataille d'Haliarte et ses suites;
10e année (304) : rappel d'Agésilas; bataille de Corinthe ; la guerre navale jusqu'à la bataille de Cnide et aux conséquences immédiates de la bataille.
L'auteur devait terminer en racontant l'écroulement de la domination de Sparte dans le domaine égéen à la suite de la journée de Cnide, qui était naturellement pour cet Ionien, comme la journée de Leuctres pour un Grec continental, le commencement de l’anarchie dont l'apparition de Philippe fit entrevoir le terme à Théopompe.
Rien n'indique que l'auteur comprît dans son récit les événements d'Occident. Il est vrai que rien non plus ne prouve formellement le contraire.
Quant à la division par livres, il est beaucoup plus malaisé de s'en faire une idée, puisqu'elle a pu être dictée par des considérations tout extérieures, par exemple le désir de rendre les livres aussi égaux que possible : si vraiment le signe qu'on voit en tête du fragment A indique le début d’un livre, il appert que cette division était bien arbitraire. Néanmoins, comme les 17 ans dont l'ouvrage comprenait le récit étalent racontés en 12 livres (11 d'après Suidas), on voit qu'en moyenne une année et demie correspondait à peu près à un livre. De plus, nous ne manquons pas, dans les citations rassemblées par les éditeurs d'Oxford (fgts 6-24), de points de repère. On peut donc, en gros, fixer ainsi la répartition : Livre 1 : 411, 410; Livre II : 409, 408; Livre III : 407, 406 ; Livre IV : 405, 404 ; Livre V : 403, 402; Livre VI : 401; Livre VII : 400, 399; Livre VIII : 398, 397 ; Livre IX : 396; Livre X : 395; Livre XI : 394.
Le livre XII ne pouvait guère contenir que l'épilogue de l'ouvrage, ce qui expliquerait la divergence entre Diodore et Suidas (fgt. 24).
Bien entendu, celte division est approximative (on en verra la preuve au début du fragment A). Mais elle ne peut s'éloigner très sensiblement de la réalité. J'ai donc cru pouvoir l'indiquer dans cet essai de reconstitution de l'œuvre de jeunesse de Théopompe de Chios.
Un mot encore sur l'emploi que j’ai fait — ou plutôt que je n'ai pas fait — de Diodore. Il est admis depuis longtemps (pour de bonnes raisons) que la source principale de celui-ci, pour la période qui nous intéresse est Éphore. Peut-être même son travail a-t-il consisté à contaminer avec les notices d'un mémento chronologique les récits d'Éphore et, pour la Sicile, de Timée. En tous cas, le seul ouvrage qu'on puisse essayer de reconstituer avec Diodore est celui d'Ephore. Il reste entendu que Théopompe est la source première de bien des renseignements, probablement même de tous ceux qui ne proviennent pas de Xénophon. Mais c'est au moins à travers Ephore. Il ne faut pas, je crois, chercher dans Diodore la disposition, l'allure, la couleur de la narration de Théopompe,[2] pas plus qu'on ne songerait à y retrouver Thucydide ou Xénophon, s'ils étaient perdus. Aussi, tout en ayant sans cesse présent à l'esprit le récit de Diodore, je ne me suis cru autorisé à placer, dans mon essai de reconstitution, aucun passage précis de cet auteur.
Le récit commençait là où finit celui de Thucydide, c'est-à-dire à l'automne de 411 (Diod. XIV, 81). On se rappelle quelle est, à ce moment, la situation :
La guerre vient d'être portée dans l’Hellespont, où déjà la bataille de Cynossèma a été livrée. A Athènes, où le gouvernement est aux mains de Théramène et de ses amis, on a repris courage à la nouvelle de cette victoire. Les Etats d'Occident n'ont pas encore été inquiétés par Carthage, et laissent leurs vaisseaux en Orient.[3]
Livre I.
Départ des forces navales, jusque là postées en Eubée, pour l’Hellespont (Diod. XIII, 41); bataille d'Abydos ; Alcibiade chez Tissapherne ; pénurie de la flotte athénienne; Théramène dans les îles et en Macédoine (Diod. XIII, 47, 49) ;
C'est sans doute ici que se plaçait l'épisode auquel il est fait allusion dans Hellen. Oxyrh. II 4 :
Le Corinthien Timolaos bat le stratège athénien Simichos prés d’Amphipolis et enlève Thasos aux Athéniens ; l'arrivée, des Péloponnésiens à Thasos a donc été quelque peu postérieure au changement que mentionne Thuc., VIII, 64.[4] (i).
Conon à Corcyre (Diod. XIII, 48).
22e année, 410 :
Concentration des forces athéniennes vers Cyzique, bataille de Cyzique; négociations à Athènes (Diod. XIII, 52-3);
Expédition de Thrasylle (Diod. XIII, 52, 64);
Alcibiade et ses collègues dans l’Hellespont;
ici se plaçait le passage, des Hellen. Oxyrh., fragment 7 :
« Ils se mettent en marche vers Chalcédoine ci Byzance avec le reste de l'armée, voulant occuper Chrysopolis... » ;
La dîme de Chrysopolis;
Jonction de Thrasylle avec Alcibiade; les vaisseaux du Pont à Athènes; reprise de Pylos par les Spartiates (Diod. XIII, 64).
Livre II.
23e année, 409 : Kratésippidas à M égare et à Chios (Diod., XIII, 65).
C'est ici que se place (cf. Ed. Meyer, Theop. Hell., p. 100) le fragment Hellen. Oxyrh. 8 :
allusion louangeuse à Pedaritos;
Alcibiade à Chalcédoine et à Byzance; la cour de Pharnabaze.
24e année, 408 : Alcibiade revient à Athènes; l'incident des Mystères; Alcibiade repart; Cyrus et Lysandre.
Livre III.
25e année, 407 : Alcibiade et Lysandre en présence, Notion; Thrasybule à Thasos (Diod., XIII, 72) ; Agis contre Athènes (Diod., XIII, 72-3); remplacement d'Alcibiade par Conon et ses collègues,
26e année, 406 : Delphinion et Téos reprises par Kallikratidas (Diod., XIII, 76, ne s'accorde pas avec Xén., Hell., I, 5, 15). Kallikraiidas vainqueur de Conon ; le dernier armement d'Athènes; bataille des Arginuses ; le procès des stratèges; Ktéonikos (Diod., XIII, 100).
Ici devait se placer le fragment Hellen. Oxyrh., 9 :
Thèbes près Mycale, cédée par les Milésiens aux Samiens (sont-ce les négociations auxquelles coupa court le coup de force relaté par Diod., XIII, 104?).
Livre IV.
27e année, 405 : Les nouveaux stratèges athéniens et Lysandre ; Aigospotamos ; chute de la domination athénienne; blocus d'Athènes; première ambassade à Sparte: les ambassadeurs arrêtés à Sellasie (Xén., Hell., II, 2, 13).
Ici se plaçait très certainement le fragment Hellen. Oxyrh. 11 :
Sellasie, ville de Laconie.
28s année, 404 : Chute d'Athènes ; siège de Samos ; installation des Trente; chute de Samos; retour triomphal de Lysandre à Sparte.
Le livre contenait encore probablement le récit de
la mort d'Alcibiade (Diod., XIV, 11),
s'il est vrai qu'il faille rapporter là le fragment Hellen. Oxyrh. 12 :
Trinessa, ville de Phrygie,
Enfin il faudrait encore placer là probablement le fragment Hell. Oxyrh. 303, sur :
Skiraphidas et les débuts à Sparte à propos de l'introduction de l'or et de l'argent.
Livre V.
1ère année de l'hégémonie spartiate, 403 : Thrasybule et les Trente ; Lysandre et Pausanias à Athènes.
2e année, 402 : Les décarchies; Cléarque (Diod., XIV, 12); chute de Lysandre (Diod., XIV, 13); la domination de Sparte; commencement de la guerre d'Elide (Diod., XIV, 17).
Livre VI.
3e année, 401 ; Les Béotiens et Orope.
C'est ici sans doute que se plaçait le fragment. Hellen. Oxyrh. 13 ;
« A Orope, ils s'entendent avec Télèphe et ceux de son parti, qui voulaient leur livrer la place »;
Orope aux Béotiens; suite de la guerre d'Elide; réunion d'Athènes et d'Eleusis (Diod., XIV, 33); expédition de Cyrus; Samios à Issus, Conaxa; Tissapherne et les Dix-Mille; retour de Tissapherne en Asie Mineure.
Livre VII.
4e année, 400 : Fin de la guerre d'Elide ; expulsion des Messéniens de Naupacte (Diod., XIV, 34) ; Agésilas, roi de Sparte;[5] Tissapherne en Asie Mineure; envoi de Thibron ; Archélaos et la Thessalie (?).
5e année, 399 : Thibron et les Dix-Mille, campagne contre les satrapes; conjuration de Cinadon;
c'est à cette occasion probablement que Théopompe donnait les détails suivants (fragment 14 des Hellen. Oxyrh. :
« La race des hilotes vit dans des conditions constamment misérables; il y a longtemps, en effet que ces malheureux sont asservis aux Spartiates, les uns étant, d'origine messénienne, les autres Héléates, c'est-à-dire anciens habitants d'Hélos en Laconie... ».
Dercyllidas remplace Thibron en Asie; Hérippidas à Héraclée (Diod., XIV, 38).
Livre VIII.
6e année, 398 : Dercyllidas en paix avec Pharnabaze.
C'est à l'occasion dos campagnes de Dercyllidas qu'apparaissent les noms géographiques dont il est question dans les fragments Hellen. Oxyrh. 16, 17, 18 :
Kalpè (Bithynie); Ladyniens et Tranepsiens (chez les Thyniens); Kytonion (entre Mysie et Lydie).
Puis :
Dercyllidas en Chersonèse et devant Alarnée: négociations à la cour de Perse, Ctésias (Diod., XIV, 46 ; cf. Ctésias, Persica, 63).
7e année, 397 : Dercyllidas et Pharax contre Tissapherne et Pharnabaze au printemps (Xén., Hell., III, 2, 17); Conon part de Cypre, Pharax le bloque à Canne dans l'automne de 397 (Diod. XIV, 39, 79);[6] les Lacédémoniens décident l'envoi d'Agésilas en Asie (Xén., Hell., III, 4, 12} ; dispositions hostiles à Sparte en Grèce.
Donc, le livre dont le signe conservé en tête du fragment A marquait le commencement est pour moi le livre IX; l'auteur est, à ce moment, en train de signaler les intrigues engagées contre Sparte dès l'hiver 397/6.
[Fragment A :]
Vers le même temps, une trière partit d'Athènes. Ce n'était pas l'effet d'une décision du peuple; Démainétos, le maître du bateau, agissait de son initiative propre, non sans avoir, dit-on, communiqué secrètement son projet au Conseil. Avec quelques citoyens qui s'étaient concertés avec lui, il descendit au Pirée, tira un navire des cales et fit voile pour rejoindre Conon.[7]
L'affaire fit du bruit dans Athènes : les notables s'emportaient et déclaraient qu'on compromettait la cité en partant en guerre contre Sparte. Effrayés par tout ce bruit, les Conseillers réunirent le peuple et protestèrent qu'ils n'étaient pour rien dans ce coup de tête. Dans l’assemblée; la parole fut aux hommes du groupe Thrasybule-Aisimos-Anytos : ils démontrèrent qu'il y aurait péril grave à ne pas dégager la responsabilité de la cité. Les modérés et les riches ne désiraient que le maintien du statu quo ; quant à la masse populaire, sous le coup de la peur, elle suivit le conseil qui lui était donné. On envoya dire à Milon, l'harmoste d'Egine, qu'on abandonnait Démainétos à sa vengeance, connue ayant agi sans l'agrément de la cité.
Il n'en était pas moins vrai qu'avant cela, les Athéniens avaient passé leur temps à intriguer contre Sparte, et avaient même commis maint acte d'hostilité, ils avaient envoyé des armes et des rameurs à l'escadre de Conon, et député auprès du Roi une ambassade dirigée par Epikratès (?), Hagnias et Téléségoras, Pharax, le précédent navarque, avait arrêté ces députés et les avait envoyés à Sparte, où on les mit à mort.
Les instigateurs de cette opposition étaient les hommes du groupe Epikratès-Képhalos : ils constituaient le parti de la guerre, et n'attendirent pas, pour avoir ces idées, de s'être abouché avec Timokratès et d'avoir reçu son or; c'était leur programme bien avant. Il se trouve pourtant des gens pour assurer que ce fut l'argent de celui-ci qui décida à la révolte contre Sparte les hommes en question, ainsi que ceux de la Béotie et des autres cités que j'ai nommées tout à l'heure : ils semblent ignorer que tout ce monde était depuis longtemps mal disposé envers Sparte et cherchait le moyen de pousser à la guerre. En effet, les ...... d'Argos et de Béotie[8] étaient irrités contre Sparte, qui soutenait dans leurs cités les partis d'opposition; ceux d'Athènes désiraient voir cesser une paix onéreuse et lancer l'Etat dans la guerre et les aventures pour tirer de la politique des avantages particuliers. Quant à Corinthe, si l’on y voulait un changement dans la situation, c'était, comme à Argos et en Béotie, par un sentiment général d'hostilité contre Sparte; un seul, Timolaos, était mu par des rancunes privées. Il avait été auparavant « laconiste » dans l'âme, et avait fait ses preuves à cet égard au cours de la guerre décélique. D'abord, avec cinq vaisseaux, il avait ravagé quelques-unes des îles qui relevaient d'Athènes. Puis, se rendant à Amphipolis avec deux trières, il en avait encore équipé quatre en cet endroit, et avait battu dans un engagement naval le stratège athénien Simichos (voir ci-dessus) : il avait capturé les trières ennemies, au nombre de cinq, et trente vaisseaux qu'elles convoyaient; puis avec ces onze (?) trières, il s'était porté sur Thasos et avait provoqué la défection de cette île alliée d'Athènes.
On avait donc déjà, dans les cités susdites, bien des motifs de haine contre Sparte, avant qu'intervint Pharnabaze et son or.
C'est alors que Milon, l’harmoste d'Egine, averti par les Athéniens, équipa en hâte une trière et se mit à la recherche de Démainétos. Celui-ci se trouvait à ce moment à la hauteur de Thorikos en Attique. Voyant le Spartiate s'avancer contre lui dans la direction de Thorikos, Démainétos prit les devants... Il s'empara du vaisseau ennemi, et, abandonnant le sien dont la coque était inférieure, il y transféra son équipage; puis il partit pour rallier Conon..,. Quant à Milon, il revint à Egine (?)....
Tels sont les événements les plus saillants... de cette année : avec l'été suivant commença la 8e année de....
[8e année = 396]
....... aros ayant emmené les trières.... Il y aborda................ Il se trouvait toujours.... Il avait organisé un arsenal...., en toute rencontre ….
...... Pharnabaze ayant appris...,
…. voulant approcher ...... et emporter le salaire ...... aros resta là.
C'est alors que Pollis, successeur d'Archélaïdas (?) dans la navarchie, vint de Sparte prendre le commandement de la flotte lacédémonienne et alliée. Vers le même temps, 47 (ou 49) vaisseaux phéniciens arrivèrent à Caune : 10 venaient de Cilicie, les autres de........ Acton le Sidonien les.....,[9] Pharnabaze.... aros.... Conon, .... le fleuve de Caune, entra dans le golfe de Caune[10] .... de Pharnabaze et de Conon ....rnès, un Perse…. voulait prendre…. amitié..., envoya au Roi.... sa tente.... annonçant....
Puis devait venir :
la défection de Rhodes (aut. 396).
Je place le fait à ce moment :
1° en raison de la place où le mentionne Diodore (XIV, 79), entre les deux campagnes d'Agésilas;
2° à cause du comput d'Isocrate (voir ci-dessus).
Il ne faut pas le reculer trop tard; car le convoi de blé promis par Néphéritès (Diod„ XIV, 79), et envoyé par lui ou par Hakori son successeur (Hercynion?, Justin, VI, 2), n'a pas dû arriver à Rhodes (où il est tombé en pleine défection} trop longtemps après la moisson d'Egypte.
Enfin, on a remarqué depuis longtemps qu'à la défection de Rhodes devait se rattacher la
mission du Rhodien Timokratès en Grèce (hiver 396-5),
que Théopompe, on l'a constaté plus haut (p. 139), attribuait nettement à Pharnabaze.
Auparavant, l'historien avait dû exposer
le départ d’Agésilas avec l'incident d'Aulis (printemps 396); et sa première campagne en Asie-Mineure.
Enfin, dans le même livre. Il était parlé de certains événements survenus en Grèce, par exemple en Thessalie, où (Hell. Oxyrh. 19):
Sisyphe de Pharsale avait pour flatteur et pour ami Athénaios d’Erétrie.
Le fragment C ne pourrait-il se placer ici? On y distingue la mention de la Macédoine.
Il n'est pas possible de savoir à quel moment de l'année 395 se plaçait la coupure des livres IX et X. La question n'ayant qu'une importance très minime, je ferai coïncider provisoirement le début du
Livre X
avec celui de la
9e année 395.
(Il reste entendu que la coupure pouvait même tomber entre les fragments B et D des éditeurs du papyrus).
Campagne de printemps d'Agésilas :
(Fragment B).
... cavaliers..., Agésilas... le camp.... la plaine du Caystre... les montagnes... ayant devancé.... Tissapherne.... suivait les Grecs avec au moins 12.000 cavaliers et x dizaines de mille fantassins. Agésilas ..., jugeant difficile de repousser les ennemis en bataille rangée, étant donnée leur supériorité numérique, rangea ses troupes en carré……………………………………………………………….
Les Péloponnésiens et les alliés…………………………………………………………………
de nuit........ plaça x hoplites et (x x 100) hommes armés à la légère sous les ordres du Spartiate Xénoklès : quand les.... passeraient devant lui, celui-ci devait se tenir prêt à les attaquer. Le lendemain (?}, décampant au petit jour, le roi continua sa marche. Les Barbares suivirent comme d'habitude, harcelant les Grecs à coups de traits ou par des charges de fourrageurs; ceux qui étaient dans la plaine marchaient sans ordre. Quand Xénoklès jugea le moment venu de se montrer, il sortit de son embuscade avec les Péloponnésiens, au pas de course. À mesure que les corps ennemis voyaient se dessiner l'attaque des Grecs, ils se dispersaient à travers la plaine. Agésilas, voyant leur panique, détacha, pour les lancer à leur poursuite, ses voltigeurs et ses cavaliers; soutenant les hommes de Xénoklès, ils pressèrent vigoureusement les Barbares. Mais cette chasse ne dura pas, car les Perses, presque tous cavaliers ou hommes armés à la légère, se dérobèrent : il en tomba environ 600. Alors, arrêtant la poursuite, les Grecs se rabattirent sur le camp des Barbares. Ayant surpris la garde en désordre, ils le prirent en un clin d'œil, et y firent un butin abondant de marchandises, de prisonniers, d'objets d'équipement et d'argent appartenant à Tissapherne lui-même ou à d'autres.
Après un pareil combat, les Barbares, n'osant plus aborder les Grecs, regagnèrent Sardes avec Tissapherne, Agésilas resta 3 jours sur le terrain, rendit aux ennemis leurs morts à la faveur d’un armistice, éleva un trophée, et ravagea toute la contrée; puis il emmena l'armée vers la grande Phrygie. Il cessa de ranger ses hommes en carré, et les laissa courir la campagne pour piller. Tissapherne, averti de la marche de l'ennemi, rassembla les Barbares et suivit à distance respectueuse. Agésilas, après avoir traversé la plaine lydienne, était arrivé sans coup férir dans les montagnes qui séparent la Lydie de la Phrygie. Sorti de celle région, il descendit en Phrygie jusqu'au Méandre, qui, venant...... de Célènes, la plus grande ville de Phrygie, tombe dans la mer près de Priène et de.... Là, il fit camper les Péloponnésiens et les alliés; il sacrifia pour savoir s'il fallait ou non traverser le fleuve, et marcher sur Célènes ou revenir avec son armée. Les présages furent défavorables : après être reste là Se jour de l'arrivée et le suivant, Agésilas ramena donc son armée.... la plaine du Méandre
Le roi Artaxerxès accusa... Tithraustès... Phrygie et Lydie.... il envoya des lettres que portait... Ariée.... Il envoya Ariée à Sardes... la satrapie plus tranquille, Agésilas se tenant immobile près de Magnésie... Artaxerxès... Tithraustès... Milet... Ariée... bain? ... suivant l’ordre du Roi....
…………………………………………………………………
………………………………………………
Puis :
Trêve de 6 mois entre Agésilas et Tithraustès (Diod., XIV, 80).
Conon à Rhodes :
(Fragment D).
Chaque jour (Conon) passait une revue en armes dans le port, sous prétexte de tenir les hommes en haleine, mais en réalité pour que la vue de cette force armée assurât les Rhodiens et qu'on pût se mettre à l'œuvre incontinent. Quand il eut familiarisé la population avec le spectacle de ces revues, lui-même se rendit à Caune avec 20 trières, ne voulant pas assister à l'extermination des Diagoriens : il confia à ses lieutenants Hiéronymos et Nikophémos le soin de mener l'opération. Ceux-ci laissèrent passer cette journée; le lendemain, quand les soldats furent réunis pour la revue ordinaire, ils les conduisirent en armes, les uns dans le port, les autres à portée de l'agora. Dès que les Rhodiens qui étaient du complot crurent le moment venu, ils se rassemblèrent avec des poignards dans l'agora, l’un d'eux, Dorimachos, montant sur la pierre d'où le héraut fait ses proclamations, cria de toutes ses forces : « En avant, citoyens, sus aux tyrans! » À cet appel, les autres s'élancèrent, le poignard à la main, dans les bureaux de magistrats et tuèrent les Diagoriens et onze autres citoyens. Le coup fait, ils convoquèrent le peuple de Rhodes en assemblée. Ils étaient réunis quand Conon revint de Caune avec ses trières. Les auteurs du massacre renversèrent la constitution existante pour établir la démocratie : un petit nombre de citoyens furent proscrits. Ainsi finit la révolution de Rhodes.
Le même été, la guerre éclata entre Béotiens et Phocidiens. Ce furent quelques Thébains qui allumèrent l'incendie. Depuis quelques années, en effet, la Béotie était travaillée de dissensions. La constitution béotienne était alors la suivante.
Il y avait quatre conseils dans chaque cité, où n'avaient accès que les citoyens ayant un certain cens : chaque conseil était chargé à tour de rôle d'étudier à l'avance les projets de lois, puis il les introduisait devant les trois autres, et tous ensemble décidaient souverainement. Voilà pour les cités particulières. Voici maintenant pour la confédération de Béotie. Toute la contrée était divisée en 11 cercles, dont chacun fournissait un béotarque :
Les Thébains, 4, dont 2 pour Thèbes même, 2 pour Platées et Skolos, Erythrées, Skaphai, et les autres localités jadis unies à Platées et maintenant dans la dépendance de Thèbes;
Les Orchoméniens et les habitants d'Hyettos, 2 ;
Les Thespiens avec Eutrésis et Thisbé, 2 ;
Les Tanagréens, 1 ;
Les Haliartiens, Lébadéens et Coronéens, 1, que chacune de ces villes désignait à tour de rôle ;
Akraiphini, Kopai et Chéronée, 1, suivant la même règle.
Telle était la répartition des premiers magistrats. En outre, chaque cercle fournissait 60 bouleutes par béotarque, et leur versait une indemnité quotidienne. Le continrent militaire de chaque cercle était d'environ 1000 hoplites et 100 cavaliers. Enfin, c'est proportionnellement à la représentation dans le collège des béotarques que chaque ville jouissait des revenus communs, versait sa part de contributions, fournissait des juges, en un mot, participait aux avantages et aux charges de la confédération. Telle était l'organisation fédérale. Les conseils communs de la Béotie siégeaient dans la Cadmée.
Or, à Thèbes, les notables, comme je l'ai dit, étaient en lutte entre eux. L'un des partis était dirigé par Isménias, Antithéos et Androkleidas, l'autre par Léontiadès, Astias et Koiratadas. Dans la nation, les partisans de Léontiadès tenaient pour Sparte, ceux d'Isménias étaient accusés de sympathie pour Athènes depuis qu'ils avaient aidé les démocrates en exil ; cependant, ils ne s'occupaient pas, à proprement parler, des Athéniens, mais [ils étaient amenés par leur politique à] atticiser (?). Cette division de Thèbes en deux factions qui se faisaient à peu près équilibre s'étendit aux autres villes de Béotie : beaucoup crurent devoir prendre parti pour l'une ou pour l’autre. Au moment où nous sommes parvenus, le pouvoir, à Thèbes et dans le conseil fédéral, appartenait depuis peu au parti d'Isménias et d’Androkleidas ; mais auparavant, celui d'Astias et de Léontiadès avait, pendant longtemps, dirigé souverainement la cité. Au temps où les Spartiates en guerre avec Athènes occupaient Décélie et maintenaient constamment réunies les forces de leurs alliés, le parti de Léontiadès avait en effet une situation solide, d'abord en raison de la proximité de l’armée Spartiate, ensuite parce que sa politique avait été éminemment fructueuse pour la cité. Déjà le début de la guerre entre Athènes et Sparte avait été pour Thèbes le commencement d'une ère de grande prospérité; dès les premières tentatives des Athéniens contre la Béotie, on avait vu affluer à Thèbes les gens d'Erythrées, de Skaphai, de Skolos, d'Aulis, de Schoenos, de Potniai, bref de nombreuses localités privées de murailles ; la population de la ville se trouva doublée. Mais l'élan décisif fut donné à Thèbes par l'occupation de Décélie en communauté avec les Lacédémoniens : non seulement les Thébains achetèrent à vil prix les esclaves et le menu butin, mais surtout, profitant de leur proximité plus grande, ils purent transporter chez eux tout le gros matériel, à commencer par la charpente et les tuiles des maisons. Or, l’Attique était alors la contrée la plus prospère de la Grèce : elle avait relativement peu souffert des premières incursions des Spartiates, et les Athéniens s'étaient occupés si activement de réparer les quelques brèches faites à leur prospérité que… chez eux les habitations... construites que chez les autres....
Telle était donc la situation de Thèbes et de la Béotie. Le parti d'Androkleidas et d'Isménias désirait une rupture avec Sparte et la fin de l’hégémonie Spartiate, parce que cette puissance était le point d'appui principal et l'espoir de la faction ennemie. Ils jugeaient cette entreprise réalisable : les subsides perses avaient été promis par l'envoyé du Barbare, et Corinthe, Argos, Athènes, qu'on savait hostiles à Lacédémone, devaient entrer en lice avec leur Infanterie. Seulement, le parti en question savait combien ses desseins seraient difficiles à exécuter ouvertement; jamais les Thébains ni les autres Béotiens ne se jetteraient de gaîté de cœur dans une guerre contre la première puissance de la Grèce. Il eut donc recours à la ruse : il poussa certains Phocidiens à envahir le territoire des Locriens dits Hespériens.
Voici quel différend existait entre ces deux peuples : il y a un terrain litigieux aux abords du Parnasse, lequel avait été déjà la cause de plusieurs conflits. Souvent, dans ce district, Phocidéens et Locriens font paître leurs troupeaux sur le domaine d'autrui : en pareil cas, celui des deux peuples qui s'aperçoit de l'usurpation court sus au bétail des coupables. Beaucoup d'incidents de ce genre s'étaient déjà produits, mais, dans la règle, l'affaire se dénouait par un jugement ou une transaction. Cette fois, les Locriens, ayant enlevé des troupeaux par représailles, les Phocidiens, excités par les hommes qu'avaient stylés Androkleidas et Isménias, envahirent brusquement la Locride. Les Locriens, voyant leur pays ravagé, envoyèrent des ambassadeurs aux Béotiens pour se plaindre des Phocidiens et réclamer un secours que leur faisait espérer leur vieille alliance avec la Béotie. C’était le moment qu'attendaient les gens d'Isménias et d'Androkleidas : ils firent décider qu'on soutiendrait les Locriens. A cette nouvelle, les Phocidiens évacuèrent immédiatement la Locride et députèrent aux Spartiates pour les prier d'interdire aux Béotiens l'invasion projetée. Les Spartiates n'étaient pas sans méfiance contre les Phocidiens; néanmoins ils avertirent les Béotiens de ne pas déclarer la guerre à la Phocide, leur rappelant que, s'ils s'estimaient lésés, ils devaient d'abord porter l'affaire à Sparte, devant l’assemblée générale des alliés.
Les Béotiens, toujours à l'instigation des hommes qui avaient ourdi toute cette trame, renvoyèrent les ambassadeurs de Sparte avec une réponse dilatoire, et, prenant les armes, ils marchèrent contre les Phocidiens. Ils se jetèrent sur ce pays, ravagèrent la terre des Parapotamiens, des Dauliens et des Phanotéens, et tâtèrent les villes. A Daulis, ils partirent sans avoir rien fait, et non sans avoir subi quelques pertes; mais ils emportèrent le faubourg de Phanotée. Continuant leur marche, ils coururent une partie de la plaine voisine d'Elatée, de Pédion, etc. ; puis ils se replièrent. Dans leur retraite, en passant par Hyampolis, ils firent une tentative contre cette localité, qui est assez forte. L'assaut fut rude, mais échoua: les Béotiens perdirent environ 80 soldats, et rentrèrent chez eux. Tels furent les coups portés par les Béotiens à la Phocide, et leur retraite.
Sur mer, Cheirikratès avait déjà pris le commandement des Spartiates et des alliés comme successeur de Pollis dans la navarchie,[11] lorsque Conon, équipant 20 de ses trières, revint de Rhodes à Caune. Il voulait voir Pharnabaze et Tithraustès, et en obtenir de l'argent : il se rendit donc de Caune vers eux. Il se trouvait alors en retard de plusieurs mois pour la paie due aux soldats. La solde, en effet, était mal payée, selon l'habitude des généraux du Roi; dans la guerre décélique déjà, alors qu'ils étaient alliés de Sparte, ils rémunéraient très irrégulièrement leurs auxiliaires, et plus d'une fois la flotte alliée se serait dispersée, n'avait été le zèle de Cyrus. La responsabilité de ces mésaventures incombe au Roi qui, quand il a engagé une guerre, commence par donner aux chefs une maigre mise de fonds, puis se désintéresse de l'affaire; alors ceux qui sont préposés à l'expédition, s'ils ne peuvent payer sur leurs propres ressources, n'ont qu'à assister à la dislocation de leurs forces. Voilà ce qui se passe couramment. Mais cette fois Conon vint trouver Tithraustès et lui montra qu'il risquait de faire échouer, par négligence dans les paiements, une entreprise à laquelle tous ceux qui représentaient le Roi ne pouvaient raisonnablement renoncer; il le convainquit. Tithraustès confia le soin de régler la solde à quelques Barbares de son entourage, auxquels il remit 220 talents d'argent, prélevés sur la fortune de Tissapherne. Puis, après être resté encore quelque temps à Sardes, il retourna auprès du Roi, après avoir chargé Ariée et Pasiphernès de la conduite des opérations, et leur avoir remis, en vue de la guerre, ce qui restait d'or et d’argent : on dit que la somme totale, comme on le constata ensuite, était d'environ 700 talents.
Cependant les Cypriotes, qui étaient venus à Caune avec Conon, se laissèrent entraîner par quelques braillards qui disaient qu'on ne toucherait jamais la solde échue, et que les chefs se préparaient à ne payer que les équipages et les épibates. Mécontents, ils se réunirent en assemblée, élurent comme stratège l'un d'entre eux, qui était de nationalité carpasienne, et lui donnèrent pour gardes du corps deux soldais par vaisseau...
[Conon, revenu à Caune, reçoit la députation des mutins].
Instruit de leurs inquiétudes. Il démentit énergiquement, et assura que tout le monde serait payé également. Puis il déclara qu'il voulait convaincre directement le reste de la troupe, et partit, accompagné du chef des Cypriotes (le Carpasien), pour se rendre devant le gros des soldats. Ils arrivent sous la porte, et Conon, qui se trouvait en tête, la franchit; mais au moment où le Carpasien allait sortir aussi, quelques-uns des Messéniens qui accompagnaient toujours Conon le saisissent, à l'insu de celui-ci, pour le ramener en ville, où il devait expier son insubordination. Mais les Cypriotes qui l'escortaient prennent sa défense contre les Messéniens. A cette vue, le bataillon d'élite[12] vient à la rescousse. En présence de cette bagarre, Conon rentre brusquement dans la ville. Quant aux Cypriotes, ils arrachent, le Carpasien des mains des Messéniens. Alors, convaincus que Conon préparait effectivement des injustices dans le paiement de la solde, ces hommes montèrent aussitôt sur les trières. On prétend que leur premier projet était de prendre avec eux ceux qui étaient restés à Rhodes et de retourner en Cypre. Mais, une fois partis de ..., avec tous ceux des Cypriotes qui s'étaient laissés entraîner par eux, ils se dirigèrent contre l'acropole de Caune, d'abord pour enlever le commandement à Conon, en qui ils voyaient la cause de tous leurs maux..., ensuite parce qu'ils avaient besoin des... des trières, qui se trouvaient là. Voyant les Cypriotes débarquer, Conon alla trouver Léonyme [le commandant de place], et lui dit que seul il pouvait sauver les affaires du Roi : qu'il voulût bien seulement confier à lui, Conon, ceux des Grecs qui tenaient garnison à Caune et la plupart des Cariens, et lui se chargeait de la répression. Léonyme lui dit de prendre tout ce qu'il voudrait. Le jour était trop avancé pour rien faire: mais le lendemain avant l'aube, Conon prit le commandement d'une forte troupe de Cariens et de tous les Grecs, et les conduisit hors de la ville. Avec les uns, il cerna le camp, tandis que les autres... du coté du rivage et des vaisseaux. Ces mesures prises, il fit proclamer par le héraut que chaque soldat vint à la paie; alors il fit saisir l'homme de Carpasos et 60 autres des Cypriotes : ceux-ci furent exécutés et le chef empalé. À ces nouvelles, les hommes restés à Rhodes se soulevèrent ; dans leur emportement, ils frappèrent et expulsèrent les chefs nommés par Conon, puis ils quittèrent le port, et remplirent Rhodes de tumulte. Mais Conon, revenant de Caune, intervint à temps : les meneurs furent arrêtés et mis à mort, les autres reçurent leur paie. C'est ainsi que l'entreprise formée par le Roi fut sauvée d'un grave danger par l'énergie de Conon.
Agésilas cependant était reparti dans la direction de l'Hellespont avec l’armée des Péloponnésiens et des alliés. Tant qu'il fut en Lydie, fidèle à la trêve conclue avec Tithraustès, il ne fit aucun mal aux habitants. Mais, quand il se trouva dans le domaine de Pharnabaze, il poursuivit sa marche en ravageant le pays. Après avoir parcouru la plaine de Thébè et ce qu'on appelle l’Apia, il entra en Mysie, et il mit les habitants de cette contrée en demeure de marcher avec lui (la plupart des Mysiens sont en fait indépendants du Roi). A celles des tribus mysiennes qui acceptèrent de lui envoyer leur contingent, il ne fit aucun mal : quant aux autres, il se mit à dévaster leurs terres. Mais quand il fut engagé dans l'Olympe mysien, voyant le chemin difficile, étroit, et tenant à le traverser en sûreté, il envoya un parlementaire aux Mysiens pour conclure une trêve. Puis il se mit en devoir d'achever la traversée de cette région. Mais les Mysiens, laissant passer le gros des Péloponnésiens et de leurs alliés, tombèrent sur les hommes de l'arrière-garde, qui marchaient sans ordre dans le défilé, et en tuèrent quelques-uns. Agésilas arrêta ses troupes et se tint tranquille ce jour-là : il s'occupa à rendre les derniers devoirs aux morts (ils étaient environ cinquante). Mais le lendemain, il plaça en embuscade un grand nombre de mercenaires dits « Dercyllidiens » : lui-même décampa et continua sa marche. Les tribus mysiennes, croyant qu'Agésilas se retirait démoralisé par l'échec de la veille, sortirent de leurs villages, pour le poursuivre ; ils espéraient renouveler leur coup de main contre l'arrière-garde. Les Grecs placés en embuscade les laissèrent venir à bonne portée : alors, se démasquant brusquement, ils foncèrent sur eux. L'avant-garde des Mysiens, surprise par l'attaque, fut défaite; et les autres, à cette vue, s'enfuirent vers leurs bourgs. Agésilas averti fit volte-face et, ramenant son armée, par le même chemin, rallia le corps qui avait été placé en embuscade; il campa au même endroit que la veille. Il reçut les hérauts des tribus mysiennes auxquelles appartenaient les soldais tués, et leur permit de les relever (il y avait plus de 130 morts).
Après avoir demandé à ces bourgs des guides, et donné ... jours de repos à ses hommes, Agésilas continua sa marche vers le pays des Phrygiens : la région qu'il atteignit n'était pas celle qu'il avait ravagée l'été précédent ; elle était intacte. Il la ravagea, guidé maintenant par Spithradate et son fils. Ce Spithradate était un Perse qui avait vécu longtemps dans l'entourage de Pharnabaze ; puis il s'était, attiré la malveillance du satrape, et, craignant quelque fâcheuse aventure, il s'était enfui à Cyzique. Plus tard, il avait été trouver Agésilas, amenant son fils Mégabate, qui était jeune et beau : Agésilas les avait bien accueillis, d'abord à cause du fils (on dit qu'il en fut fort épris), puis à cause du père, dont il attendait des services précieux, comme guide et autrement. Telle était l’origine de la situation de Spithradate auprès d'Agésilas.
Cependant, le roi continuait à avancer, en ravageant la terre de Pharnabaze : il arriva à l'endroit appelé Têtes des Lions. Après une attaque inutile sur cette localité, il repartit, continuant à saccager tout ce qui était en bon état dans le pays. Arrivé à une autre ville appelée Gordion, laquelle était bâtie sur une hauteur et bien fortifiée, il campa sous ses murs, et passa six jours à l'assiéger : il maintenait la cohésion de ses troupes par la diligence avec laquelle il les approvisionnait. La place fut sauvée par l'énergie de Rathanès, le Perse qui y commandait : Agésilas dut repartir et continua à s'enfoncer dans l'Asie, suivant Spithradate qui lui indiquait comme objectif la Paphlagonie.
Parvenu avec les Péloponnésiens et les alliés sur les confins de la Phrygie et de la Paphlagonie, il s'arrêta et envoya Spithradate en avant. Celui-ci s'aboucha avec les Paphlagoniens et leur persuada d'envoyer à Agésilas des députés, avec lesquels il revint au camp, Agésilas conclut une trêve, puis il ramena rapidement son armée vers la mer : il commençait à craindre pour ses approvisionnements d'hiver. Au lieu de prendre la même route qu'à l'aller, il revint par la Bithynie, pensant y faire vivre plus facilement ses troupes. C’est alors que Gyès lui envoya... x cavaliers et plus de 2.000 fantassins.
La route passait par Cios de Mysie : Agésilas s'y arrêta dix jours pour ravager à nouveau le territoire mysien, en représailles du guet-apens de l'Olympe. Ensuite il ramena les Grecs par la Phrygie maritime; il essaya encore une attaque sur la place forte appelée Mur de Milet, mais ne put la prendre.
Enfin, continuant sa route le long du Rhyndakos, il arriva au lac Daskylitis, sur lequel se trouve Daskylion, ville très forte et pourvue de tout par les soins du Roi. On disait que Pharnabaze y avait déposé tout ce qu'il avait d'or et d'argent, Agésilas campa sous ses murs, et y manda Pankalos, qui, parti de Sparte comme épibate du navarque Cheirikratès, croisait dans l’Hellespont avec cinq trières. Pankalos se hâta d'obéir et amena ses trières dans le lac; le roi lui fit donc embarquer tout ce qui, dans le butin, avait quelque valeur, avec ordre de le porter à ... près de Cyzique : c'est là-dessus qu’il comptait pour régler la solde de l'armée. Il licencia, ensuite tous ceux des soldats qui étaient Mysiens, leur prescrivant de revenir au printemps : il voulait passer l'hiver à préparer une expédition contre la Cappadoce. On lui avait dit que ce pays était une mince langue de terre allongée entre la mer Pontique d'une part, la Cilicie et la Phénicie de l'autre, et ayant, en largeur, depuis Sinope...,
Théopompe devait mentionner quelque part le fait que Xénophon a eu probablement raison de mentionner Hell., III, 4, plutôt que Hell., IV, 1 :
Désignation d'Agésilas comme navarque (Pisandre n'ayant été délégué par lui que plus tard).
Théopompe revenait de là en Grèce pour mentionner :
La bataille d'Haliarte,
à propos de laquelle il faisait l'éloge suivant de Lysandre (Hell. Oxyrh., fgt. 2) :
« Lysandre était laborieux et savait manœuvrer les particuliers et les rois, d'ailleurs tempérant et dédaigneux des plaisirs : alors qu'il avait la Grèce à ses pieds, dans aucune ville on ne le vit s'adonner aux femmes, à la bonne chère, au vin »;
et il parlait encore de son désintéressement.
Etant donné le nombre et l'importance des événements qui s'accumulèrent en 395, il est naturel que le
Livre XI
commençât avant la
10e année, 394.
Théopompe parlait dans ce livre des événements de l'hiver :
Agésilas et Pharnabaze.
(C'est le récit si durement critiqué par Porphyre, (Hellen. Oxyrh., 23).
Conon à Babylone (Diod., XIV, 81); il obtient de l'argent et la nomination de Pharnabaze.
Les progrès de la coalition contre Sparte (Diod., XIV, 82); le rappel d'Agésilas ; Bataille de Corinthe ;
Retour d'Agésilas jusqu'aux Thermopyles.
Au cours de ce récit se plaçait l'incident raconté (Hellen. Oxyrh., 22).
Les Thasiens envoyèrent à Agésilas, qui passait, une députation avec des moutons et des bœufs bien nourris, plus toutes sortes de friandises. Agésilas prit moutons et bœufs; quant aux friandises, il ne les vit pas d'abord, parce qu'elles étaient cachées. Quand il les vit, il dit qu'on pouvait les remporter, que les Lacédémoniens n'étaient pas habitués à cette nourriture. Les Thasiens insistant : « Eh bien, dit-il, donnez-les à ceux-là — il montrait les hilotes — ; il vaut beaucoup mieux les abîmer avec cette nourriture, plutôt que moi et les Lacédémoniens présents ».
Le récit des opérations sur terre était donc mené au moins jusqu'à la veille de Coronée.
Comme il est difficile, malgré Suidas, de ne pas croire Diodore, qui affirme avec insistance (XIII, 42 ; XIV, 84), qu'il y avait un
Livre XII,
il faut croire que ce livre XII contenait :
Les opérations maritimes de Conon et de Pharnabaze contre Pisandre, le navarque d'Agésilas (cf. Foucart, Etude sur Didymos, p. 142);
Bataille de Cnide, dont la nouvelle parvient à Agésilas au moment de l'éclipse du 14 août 394 (Xén., Hell., IV, 3), la veille de Coronée.
L'écroulement de la domination Spartiate dans les îles (Diod., XIV, 81).
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Comment Théopompe, écrivant cinquante ans après les événements, a-t-il recueilli tant de renseignements qu’on ne trouve pas dans l’Histoire grecque de Xénophon parue peu de temps avant son livre ? Je ne puis me défendre d'émettre ici une supposition,
Parmi les noms qui ont été mis en avant à l'occasion de notre papyrus, le seul qui ait compromis sérieusement l'attribution à Théopompe est celui de Cratippe. Sur ce Cratippe, nous savons seulement :
1° Que son œuvre était encore connue, et sans doute lue à l'époque romaine ;
2° Que cette œuvre portait sur la même période que celle de Théopompe, 411-394 ;
3° Que l'auteur était probablement Athénien.
M. Ed. Meyer (Theopomps Hellenika, p. 126 sqq.) a donc proposé de voir en Cratippe un auteur de l'époque hellénistique qui se sera essayé sur un sujet d'histoire ancienne, l’hypothèse est séduisante, — sauf que, pour y souscrire, il faut écarter un texte formel de Denys d'Halicarnasse, qui fait de Cratippe un contemporain de Thucydide. Est-il facile de croire que Denys : (je ne dis pas Suidas ou même Pollux) se soit trompé si grossièrement sur une question de chronologie littéraire? Si on se refuse à l'admettre, il ne reste qu'à supposer ceci.
Cratippe était en effet un contemporain plus jeune de Thucydide. Il a entrepris de reprendre, de continuer, de corriger l’ouvrage du grand historien, qui, à peine publié, dut paraître insuffisant, au point de vue de la forme, à un public admirateur de Lysias. Il a donc raconté les faits dont il avait été témoin jusqu'en 394. Le sujet a été repris, quarante ans plus tard, et à l'occasion de la publication de l’Histoire de Xénophon, par le jeune Théopompe, et l’œuvre de l'élève d’Isocrate a tué, pour la postérité, celle de son prédécesseur, car il n'est pas douteux que Théopompe ne soit infiniment plus connu que Cratippe connue autorité sur la période 411-394. Celui-ci n'aura plus été lu que par quelques spécialistes de rhétorique, curieux du travail d'un des « primitifs » de l'histoire éloquente, d'un contemporain et émule de Lysias.
L'explication m'a paru mériter d'être suggérée à ceux que ne satisferaient pas complètement les arguments présentés par l’éminent historien allemand pour enlever définitivement à Cratippe la paternité des Hellenica. Oxyrhinchia.
E. Cavaignac.
N. B. — 1° Mon travail était achevé quand j'ai eu connaissance d'un article de M. Judeich (Hermès 1911). Il aboutit aux mêmes conclusions que moi sur les chiffres de vaisseaux de Diodore (p. 138). Mais je ne puis ratifier le selbst eingesehen.
2° J'ai eu connaissance aussi, après l'achèvement de mon travail, du t. III de l’Einleitung in die Altertumswissenschaft où M. Lehmann-Haupt s'explique sur l'historien d'Oxyrhynchos (p. 89, 114 sqq.]. J'ai vu avec satisfaction que, comme moi, il concevait l’œuvre de Cratippe comme antérieure à celle de Théopompe. Mais il revient à l'opinion qui fait de cet historien l'auteur de notre papyrus. Disons, pour ménager toutes les possibilités qu'il reste une chance sur cent pour qu'il en soit ainsi ; c'est à peu près la probabilité qu'indique la notoriété des deux écrivains, Cratippe et Théopompe, à l'époque romaine.
Au reste, si l’on conçoit Cratippe comme ayant traité, vers 390-380, la période 411-394, et Théopompe comme ayant, une trentaine d'années plus tard, stylisé cet ouvrage d'histoire en l'augmentant d'emprunts faits à Xénophon, la question se volatilise en quelque sorte. On pourrait presque appliquer à l'ouvrage de Cratippe le résumé que nous avons présenté de l’Histoire grecque de Théopompe, en supprimant seulement la division en livres, et le fragment relatif à l'entrevue de Pharnabaze et d'Agésilas, que juge si sévèrement Porphyre. Seul, ce fragment, si le papyrus était conservé jusque là, pourrait nous fixer définitivement.
Mais, étant donné que nous n'avons aucune idée du style de Cratippe, et que nous n'avons qu'une idée extrêmement vague du style de Théopompe, le seul argument précis contre l'attribution à ce dernier reste la forme donnée au nom de la ville d'Akraiphiai.
E. C.
[1] Certains passages ont été traduits déjà par M. A. J. Reinach, Revue des Idées, 15 mai 1908.
[2] Pour n'avoir pas suffisamment respecté le principe posé par lui-même, M. Ed. Meyer a exposé son jugement sur Théopompe aux critiques de M. Busolt, (Hermès, 1910, 220 sqq., 468) : ces critiques portent, si on consent à rendre Théopompe responsable des confusions commises par Ephore ou même par Diodore ; sinon, non.
[3] Comme rien n'indique que Théopompe ait fait entrer l'Occident dans le cadre de son exposition, nous laisserons ce domaine de côté.
[4] Mais Thasos a été ensuite enlevée aux Péloponnésiens par une révolution (Xén. Hell. I, 1) et reconquise encore par eux, puisque Thrasybule dut les en chasser en 407 (Diod., XIII, 72) : on pourrait donc identifier l'exploit de Timolaos avec cette seconde conquête.
[5] Comme il est mort dans sa 41e année de règne (Plut., Agés., 40), en 360, il faut qu’on ait pu dater son avènement de l’année spartiate 401/0.
[6] Il est aujourd'hui impossible de remonter plus haut, en raison du texte de Didymos (dans Foucart, Etude sur Didymoos, p. 139). Mais d'autre part, il me paraît qu'on n'est pas parvenu, si l'on reporte le début de la guerre navale jusqu'en 396 à expliquer la présence de Pharax en Occident dans cette même année 396. Au reste, le seul motif valable qu'on ait de le faire, ce sont les « 3 ans » que compte Isocrate (Panég., 142; Evag., 64) jusqu'à la bataille de Cnide (394). Or, je considère : 1° qu'Isocrate (voir l'expression dont il se sert dans le premier passage), compte à partir de la défection de Rhodes (aut. 396. cf. ci-dessous), comme il compte à partir de là les 15 mois de pénurie écoulés jusqu'au voyage de Conon à Babylone (vers le 1er janvier 394) ; 2° qu'il compte par années attiques, tout comme l'auteur qu'a consulté Didymos dans le passage précité, et que ces années sont par conséquent 396/5, 395/4, 394/3. Tout cela en admettant qu'il faille prendre à la rigueur l'expression du rhéteur.
[7] On peut supposer, si la lecture κύριος αὐτῆς est sûre, que Démainétos avait obtenu un vaisseau public pour un prix de complaisance.
[8] Je n'ose restituer « les révolutionnaires »; mais il s'agit évidemment des hommes qui, peu après (on sait que les entrées en charge à Thèbes avaient lieu en décembre) allaient saisir le pouvoir et provoquer l'affaire d’Aulis.
[9] Voici pourquoi j'ai cru devoir rectifier le chiffre restitué par les éditeurs d'après Diodore.
Diodore raconte que Conon partit de Cypre et arriva à Caune avec 40 vaisseaux (XIV, 39, 10). Assiégé par Pharax et débloqué par les Perses, il reçoit 80 vaisseaux; puis Rhodes lui ouvre ses portes, et il reçoit encore 90 vaisseaux, 10 de Cilicie, 80 amenés par le roi de Bidon (§ 79). Il n’en a pourtant que « plus de 90 » (§ 83) le jour de Cnide la « supériorité énorme » dont parle Xénophon, IV, 3, sans donner de chiffre, mais en comparant aux 85 vaisseaux des Spartiates, n'étonnera pas ceux qui le connaissent; il y a là une sorte de coïncidences qui montrent que Diodore a confondu les chiffres des renforts avec ceux des forces totales (car je ne crois pas que la faute remonte à Ephore même. Le fait est celui-ci :
Conon est parti avec plus de 10 vaisseaux (le texte de Didymos prouve que Diodore a arrondi par en bas). Après le débloquement, il en a reçu 40 ou 50 autres, 10 de Cilicie, le reste venu avec Acton. Après la défection de Rhodes, il en a reçu encore quelques-uns ou (plus probablement) Ephore plaçait à ce uniment une revue de ses forces totales qui a amené la confusion de Diodore. C'est le second renfort que mentionne ici Théopompe, celui qui a provoqué la défection de Rhodes.
[10] La restitution des éditeurs est évidente mais alors il me parait impassible de placer ce combat dans le golfe Caunien après la défection de Rhodes.
[11] Ceci place le changement de navarque assez tôt, puisqu’il faut loger ensuite toute la campagne d’automne d’Agésilas. Nous dirons plutôt le 26 juillet et le 25 août 395.
[12] Cf. Ed. Meyer, Theopomps Hellenika, p. 188.