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Suétone

Vies

Traduction française

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

VIE DE TERENCE.

I. Publius Térentius, surnommé l’Africain, était né Carthage, et fut, à Rome, l’esclave du sénateur Térentius Lucanus, qui, charmé de son esprit et de sa beauté, lui fit donner une éducation libérale, et l’affranchit de bonne heure. Quelques auteurs pensent qu’il était captif; mais Fénestella en démontre l’impossibilité absolue. En effet, Térence naquit et mourut entre la fin de la seconde guerre punique et le commencement de la troisième; et s’il avait été pris par les Numides ou les Gétules, il n’aurait pu tomber au pouvoir d’un général romain, aucun commerce entre les Italiens et les Africains n’ayant commencé avant la destruction de Carthage. Il vécut familièrement avec beaucoup de nobles, mais surtout avec Scipion l’Africain et C. Lélius. On croit même qu’il dut leur amitié à ses grâces extérieures; opinion également réfutée par Fénestella, qui soutient que Térence était l’aîné de l’un et de l’autre. Cornélius Népos dit pourtant qu’ils étaient tous trois du même âge et, dans le passage suivant, Porcius a fait soupçonner entre eux des relations intimes:

« Tandis qu’il ambitionne les bruyants plaisirs des nobles et leurs trompeuses louanges; tandis que, d’une oreille avide, il écoute la voix divine de l’Africain; tandis qu’il attend de sa beauté une place aux soupers de Furius et de Lélius; tandis qu’il se croit aimé d’eux, et qu’il espère que sa jeunesse le fera souvent appeler à leur maison d’Albe, tout son avoir se dissipe et il tombe dans la dernière misère.

« Alors, fuyant tous les regards, il se retira à l’extrémité de la Grèce, et mourut à Stymphale; une ville d’Arcadie fut le tombeau de Térence! Il ne tira de Publius Scipion aucun cours, aucun de Lélius, de Furius, aucun. Ces trois nobles amis goûtaient, pendant ce temps-là, toutes les douceurs d’une heureuse vie, et il n’en reçut même pas le modique présent d’une maison à loyer, où un pauvre esclave pût au moins apporter la nouvelle que son maître était mort. »

II. Il écrivit six comédies. Quand il présenta aux édiles l’Andrienne, qui était la première, on lui répondit de la lire d’abord à Cérius. Celui-ci était à souper lorsque Térence alla le voir, et le poète, assez pauvrement vêtu, commença, dit-on, sa lecture assis sur un tabouret près de son juge. Mais, après les premiers vers, Cérius lui donna une place à côté de lui, l’engagea à souper, et se fit lire ensuite toute la pièce, non sans de fréquents témoignages d’admiration. Cette pièce et les cinq autres furent également bien reçues du peuple. Toutefois Volcatius dit, en les énumérant toutes

« Choisissez l’Hécyre, la sixième de ces pièces. »

Celle de l’Eunuque fut jouée deux fois en un jour, et lui fut payée le prix que n’avait jusqu’alors mérité aucune comédie, c’est-à-dire huit mille sesterces; voilà pourquoi cette somme fait ordinairement partie du titre. Varron préfère le commencement des Adelphes même à l’exposition de Ménandre. C’est une opinion assez accréditée, que Térence se faisait aider dans ses ouvrages par Lélius et par Scipion, dans l’intimité desquels il vécut. Il a lui-même donné faveur à ce bruit, en ne se défendant toujours que très faiblement contre cette allégation. Il dit, par exemple, dans le prologue des Adelphes:

« Des critiques malveillants accusent le poète de se faire toujours aider par de nobles personnages dans la composition de ses pièces, et ils croient former contre lui une accusation terrible. Mais il regarde comme sa plus grande gloire d’avoir su plaire à des hommes qui vous plaisent à tous, qui ont la faveur du peuple, et dont tout le monde a tiré des services dans la paix, dans la guerre et pour des intérêts privés, sans qu’ils en soient plus vains. »

Il paraît toutefois ne s’être défendu si habilement que parce qu’il savait que cette opinion était agréable à Lélius et à Scipion : elle ne fit que s’accroître, et s’est perpétuée après eux.

III. Q. Memmius a dit, dans le discours qu’il prononça pour sa propre défense: « Publius l’Africain, empruntant le nom de Térence, porta sur la scène le fruit de ses loisirs. » Népos prétend tenir d’une source certaine que C. Lélius se trouvant, une fois, à Pouzzoles le jour des calendes de mars,[1] et sa femme étant venue l’avertir qu’il était temps de se mettre à table, il la pria de ne pas l’interrompre; que s’étant enfin rendu, après ses convives, dans la salle à manger, il leur dit que le travail ne lui avait jamais mieux réussi ; et que, pressé par eux de lire ce qu’il avait composé, il récita ces vers, qui sont dans le Bourreau de soi-même:[2]

« C’est, ma foi, un maître coquin que ce Syrus: m’attiré ici avec ses belles promesses ! » etc.

IV. Santra estime que si Térence avait eu besoin d’être aidé dans ses compositions, il ne se serait adressé ni à Scipion ni à Lélius, qui étaient encore bien jeunes, mais à Sulpicius Gallus, homme d’un grand savoir et qui donna l’exemple de faire représenter des comédies dans les jeux consulaires,[3] ou bien à Q. Fabius Labéon et à M. Popillius, tous deux consulaires et tous cieux poètes. Aussi, ajoute-il, Térence n’a-t-il pas désigné, comme ses collaborateurs, des jeunes gens, mais des hommes faits, dont le peuple avait éprouvé les talents dans la paix, dans la guerre et dans les affaires. Après avoir publié ses comédies, il quitta Rome, n’ayant pas encore trente-cinq ans, soit pour échapper au reproche de donner pour siens les travaux d’autrui, soit pour étudier les usages et les mœurs de la Grèce et les reproduire dans ses écrits, et il ne revint plus. Volcatius a dit, au sujet de sa mort

« Quand Afer eut mis au jour six comédies, il partit pour l’Asie. Une fois embarqué, on ne le revit plus. C’est ainsi que nous manque l’histoire de sa vie. »

V. Q. Cesconius dit qu’en revenant, de la Grèce, il périt en mer, avec cent huit pièces traduites de Ménandre. Les autres soutiennent qu’il mourut à Stymphale en Arcadie, ou à Leucade, sous le consulat de Cn. Cornélius Dolabella et de Marcus Fulvius Nobilior, à la suite d’une maladie aiguë, causée par le chagrin d’avoir perdu ses bagages, qu’il avait fait partir avant lui sur un vaisseau, et en même temps les dernières pièces qu’il avait composées. Il était, dit-on, de taille médiocre, assez maigre et de couleur basanée. Il laissa une fille, qui épousa ensuite un chevalier romain. Il avait, sur la voie Appienne, près de la villa de Mars, des jardins de vingt arpents : aussi suis-je étonné que Porcius ait dit :

« Il ne tira de Publius Scipion aucun secours; aucun de Lélius, de Furius, aucun. Ces trois nobles amis goûtaient, pendant sa misère, toutes les douceurs d’une heureuse vie, et il n’en reçut même pas le modique présent d’une maison à loyer, où un pauvre esclave pût au moins apporter la nouvelle que son maître était mort. » Afranius le préfère à tous les comiques, et il a écrit, dans ses Compitales[4] : « Vous ne direz pas qu’on en peut comparer un seul à Térence. » Volcatius ne se borne pas à lui préférer Névius, Plaute et Cécilius; il le place même après Licinius et Attilius. Cicéron en fait cet éloge dans son Limon:[5]

 « Toi aussi, Térence, qui seul, dans un style élégant, as su rendre en latin les beautés de Ménandre, tu fais entendre à la foule silencieuse tout ce qu’il a dit de plus agréable, tout ce qu’il a dit de plus doux. »

C. César en a aussi porté ce jugement:

« Toi aussi, ô demi-Ménandre, on te mettra au premier rang, et tu l’as bien mérité, toi qui as tant aimé la pureté du langage. Ah! si dans tes écrits, la force était jointe à la douceur, ta supériorité comique n’aurait aucun suffrage à envier aux Grecs, et tu ne souffrirais pas des dédains auxquels ce défaut t’expose. La vigueur est le seul mérite que je regrette, et amèrement, de ne pas trouver en toi, ô Térence. »

 

VIE DU POETE HORACE.

Horatius Flaccus, de Venouse, eut pour père, comme il l’a écrit lui-même, un affranchi, percepteur de l’impôt; mais d’autres disent un charcutier, parce que, dans une querelle, quelqu’un lui cria: « Que de fois j’ai vu ton père se moucher du coude ! » Dans la guerre de Philippes, il fut appelé à l’armée par Narcus Brutus, et il servit sous lui comme tribun des soldats. Après la défaite de son parti, il obtint sa grâce, et acheta une charge de greffier des questeurs. Il gagna bientôt la faveur de Mécène, puis celle d’Auguste, et il tint dans leur amitié un rang distingué. L’épigramme suivante montre assez combien Mécène l’aimait :

« Si je ne t’aime déjà plus que mes entrailles, mon cher Horace, je consens à ce que l’on voie ton ami plus efflanqué qu’un mulet. »

Mais une meilleure preuve encore; c’est cette dernière recommandation de Mécène à Auguste: « Souvenez-vous d’Horace comme de moi-même. » Auguste lui offrit auprès de lui l’emploi de secrétaire, comme il le dit à Mécène dans cette lettre : « Autrefois je suffisais à ma correspondance avec mes amis; maintenant je suis accablé d’affaires et infirme; je désire vous enlever notre Horace: il quittera donc cette table de parasite pour notre palais, et il nous aidera à écrire nos lettres. » Le refus d’Horace n’irrita pas Auguste, ne refroidit même pas son amitié. On a encore de lui des lettres dont je citerai quelques passages, pour prouver ce que j’avance : « Usez des droits que vous avez sur moi, comme si vous étiez devenu mon commensal; et vous le seriez, je le voulais, si votre santé eût permis qu’il en fût ainsi. » Il lui dit ailleurs : « Notre cher Septimius pourra vous dire, comme bien d’autres, quel souvenir je conserve de vous; car l’occasion s’est offerte de m’exprimer devant lui sur votre compte. Si vous avez fièrement dédaigné mon amitié, ce n’est pas une raison pour que, de mon côté, je fasse avec vous le superbe. » Auguste, entre autres plaisanteries, l’appelait souvent « la plus chaste des queues, » ou « son joli petit homme; » et ses libéralités l’enrichirent. Il avait d’ailleurs tant de goût pour ses écrits, et il les croyait si dignes de subsister éternellement, qu’il le chargea de composer le chant séculaire et de célébrer la victoire de ses beaux-fils, Tibère et Drusus, sur les Vindéliciens. C’est aussi pour cette raison qu’aux trois premiers livres de ses poésies, publiés depuis longtemps, il le contraignit d’en ajouter un quatrième. Après la lecture de ses Épîtres, il se plaignit en ces termes de n’y être pas même nommé : « Sachez que je suis fâché contre vous de ce que, dans la plupart des écrits de ce genre, ce n’est pas à moi que vous vous adressez de préférence. Avez-vous peur de vous faire tort auprès de la postérité, en laissant paraître que vous êtes mon ami? » Il en obtint alors l’épître qui commence ainsi:[6]

O vous dont les exploits protègent l’Italie,

Vous de qui les vertus l’ont ornée et polie,

Vous qui, la réformant, l’éclairant par vos lois,

Du fardeau de l’Etat portez seul tout le poids;

— César, ne craignez pas qu’une indiscrète muse,

Aux dépens des Romains, de vos moments abuse.[7]

Horace était petit de taille et épais. C’est ainsi qu’il se dépeint lui-même dans ses satires, et qu’Auguste le représente dans cette lettre : « Dionysius m’a apporté votre petit livre; si petit qu’il soit, il me fournit contre vous matière à accusation. Vous me paraissez craindre que vos livres ne soient plus grands que vous. Mais si la taille vous manque, il n’en est pas de même de la rotondité : vous pourriez écrire sur un boisseau. L’ample rondeur de votre livre ressemble assez à celle de votre gros petit ventre. » Il était, dit-on, très porté aux plaisirs de l’amour. [On rapporte qu’il avait des chambres garnies de glaces, où il s’enfermait avec des prostituées, de manière â voir se reproduire partout l’image de ses plaisirs.] Il demeurait le plus souvent dans sa retraite de Tibur, voisine du territoire des Sabins; et l’on montre encore sa maison près du petit bois de Tibur. J’ai eu entre les mains des élégies portant son nom, et une épître en prose, où il se recommandait à Mécène. Mais je crois que ces pièces lui sont faussement attribuées; car le style des élégies est commun, et celui de la lettre, obscur; défaut qui n’était pas du tout le sien. Il était né le six des ides de décembres,[8] sous le consulat de Lucius Cotta et de Lucius Torquatus. Il mourut le cinq des calendes de décembre,[9] sous les consuls Caïus Marcius Censorinus et Caïus Asinius Gallus, à l’âge de cinquante-sept ans, en désignant devant témoins Auguste pour son héritier, la violence de la maladie ne lui ayant pas permis de faire un testament dans les formes. Il fut inhumé à l’extrémité des Esquilies, près du tombeau de Mécène.

VIE DE LUCAIN.

M. Annéus Lucain, de Cordoue, fit le premier essai de son talent dans les louanges de Néron, aux jeux quinquennaux institués par ce prince. Il lut plus tard en public un poème sur la guerre civile de César et de Pompée. Il avait tant de présomption et si peu de retenue, que comparant dans une préface son âge et ses débuts avec ceux de Virgile, il osa dire « Que me reste-t-il pour atteindre au Moucheron[10] ? » Dans sa jeunesse, ayant appris, à Athènes, que son père s’était retiré à la campagne, à cause d’un mariage malheureux, il en revint aussitôt. Il était d’ailleurs rappelé par Néron, qui l’adjoignit à la troupe de ses amis et l’éleva même à la questure; mais son crédit dura peu. Lucain fut très blessé de ce que, pendant une de ses lectures, Néron, dans le seul but de l’interrompre, avait tout à coup convoqué le sénat, et était sorti pour s’y rendre. A partir de ce moment-là, il ne dit, ne fit plus rien qu’en haine du prince; et, un jour, aux latrines publiques, après avoir lâché un vent des plus bruyants, il prononça cet hémistiche d’un vers de Néron: « L’on dirait un tonnerre souterrain; » audace qui fit prendre la fuite à tous ceux qui étaient assis à ces latrines.[11] Dans un poème diffamatoire, il prodigua les plus sanglantes invectives à Néron lui-même et aux plus puissants de ses favoris; enfin il fut comme le porte-enseigne de la conjuration de Pison; il ne cessait de proclamer la gloire des tyrannicides, et, la bouche toujours pleine de menaces, il allait jusqu’à offrir au premier venu la tête de l’empereur. Mais quand la conjuration fut découverte, il ne montra aucune fermeté : il s’empressa de faire des révélations, s’abaissa aux plus humbles prières et nomma jusqu’à sa mère parmi ses complices;[12] elle était innocente, et il espérait qu’un prince parricide lui tiendrait compte de cette impiété. Mais il n’obtint que la faveur de choisir son genre de mort, il écrivit alors à son père un billet, où il indiquait des corrections pour quelques-uns de ses vers; il fit ensuite un repas copieux et tendit ses bras au médecin qui devait lui ouvrir les veines. Je me rappelle qu’autrefois on lisait ses poèmes dans des réunions, et que le soin de les orner, pour les mettre en vente, était poussé jusqu’à la folie.

VIE DE PLINE.

Plinius Secundis était de Côme.[13] Il remplit avec distraction les emplois militaires des chevaliers, et, continuellement chargé des missions les plus brillantes, il y fit preuve de la plus grande intégrité. Il se livra toutefois avec tant d’ardeur aux études libérales, que l’on citerait difficilement un homme qui ait plus écrit que lui dans ses loisirs. Ainsi, il renferma en vingt volumes l’histoire de toutes les guerres entreprises contre les Germains, et il donna en trente-sept livres une Histoire complète de la nature. Il mourut dans le désastre arrivé en Campanie. Il commandait alors la flotte de Misène, et pendant l’embrasement du Vésuve, il s’en approcha sur un vaisseau liburnien, pour étudier les causes de ce phénomène; mais les vents contraires l’ayant empêché de reprendre le large, il périt étouffé par la cendre et la poussière. Suivant quelques auteurs, il fut tué par un de ses esclaves, qu’il supplia de lui donner la mort, quand il se sentit suffoqué par la chaleur.

VIE DE D. J. JUVENAL.

Junius Juvénal était le fils ou, selon d’autres, le pupille d’un riche affranchi. Il s’exerça, vers le milieu de sa vie, à la déclamation, plutôt par goût que pour se préparer aux discussions de l’école ou du forum. Ayant enfin composé, en peu de vers, une satire assez remarquable[14] contre le pantomime Pâris et contre le poète [de Claude Néron, à qui le comédien était tout fier d’avoir fait obtenir de prétendues fonctions militaires qui durèrent six mois], il s’appliqua avec ardeur à ce genre de composition. Toutefois il resta longtemps sans oser rien lire, même devant un auditoire peu nombreux; mais il eut ensuite tant d’auditeurs et tant de succès, qu’il dut répéter deux et trois fois les mêmes vers. Aussi fit-il entrer ses premiers essais dans ses nouveaux ouvrages:

« Ce que les grands ne sauraient donner,[15] un histrion le donne! Et tu fais ta cour aux Camérinus et aux Baréas,[16] et tu fréquentes les vastes antichambres des grands! Apprends que la tragédie de Pélops a fait des préfets, et celle de Philomèle, des tribuns. »

Un histrion faisait alors[17] les délices de la cour, et l’on élevait, chaque jour, aux plus grandes charges de l’État quelques-uns de ses partisans. Juvénal fut soupçonné d’avoir fait allusion à ce qui se passait; et aussitôt, quoiqu’il eût quatre-vingts ans, on l’éloigna de Rome, sous le prétexte honorable d’un commandement militaire: il fut nommé chef d’une cohorte qui se rendait à l’extrémité de l’Égypte.[18] On choisit ce châtiment pour que la peine fût proportionnée au délit, qui consistait en une plaisanterie sans importance. Mais il ne tarda pas à mourir de chagrin et d’ennui.

VIE DE PERSE.

Aulus Persius Flaccus naquit la veille des nones de décembre,[19] sous le consulat de Fabius Persicus et de L. Vitellius. Il mourut le huit des calendes de décembre,[20] sous celui de Publius Marius et d’Asinius Gallus. Il était né à Volterre, en Étrurie. Chevalier romain, il tenait par le sang et par ses alliances aux hommes du premier rang. Il mourut dans ses terres, près du huitième milliaire de la voie Appienne. Il avait environ six ans lorsque son père. Flaccus, mourut, le laissant pupille. Sa mère Fulvia Sisennia épousa ensuite Fusius, chevalier romain, qu’elle vit mourir aussi peu d’années après. Jusqu’à l’âge de douze ans il fit ses études à Volterre; il vint ensuite à Rome, où il étudia sous le grammairien Remmius Palémon et sous le rhéteur Virginius Flavus. A l’âge de seize ans, il se lia d’une telle amitié avec Annéus Cornutus, qu’il ne le quitta plus jamais. Celui-ci l’initia jusqu’à un certain point à l’étude de la philosophie. Il eut pour amis, dès sa première jeunesse, le poète Césius Bassus et Calpurnius Sura, qui mourut fort jeune, du vivant de Perse. Il aima Servilius Nonianus comme un père. Cornutus lui fit aussi connaître Annéus Lucain, du même âge que Perse et un des auditeurs de Cornutus, lequel, outre des tragédies, laissa pour la secte des stoïciens plusieurs traités de philosophie. Quant à Lucain, il admirait tant les écrits de Perse, que, pendant ses lectures, il pouvait à peine retenir ses exclamations, [et s’écriait sans cesse : « Voilà de la vraie poésie! »] Il fit assez tard la connaissance de Sénèque, mais ne fut pas séduit par son esprit. Il vivait, chez Cornutus, dans la compagnie de deux hommes pleins de savoir et de vertu, qui poussaient jusqu’à la passion le goût de la philosophie: c’étaient Claudius Agathémère, médecin de Lacédémone, et Pétronius Aristocrate, de Magnète. Il avait pour eux une grande admiration et il les prit pour modèles: ils étaient du même âge que lui, et plus jeunes que Cornutus. Pendant environ dix ans, il fut on ne peut plus cher à Pétus Thraséas, avec lequel il fit même plusieurs voyages, et qui avait pour femme Arria, sa parente. Perse avait des mœurs fort douces, une pudeur en quelque sorte virginale, une beauté remarquable, et pour sa mère, ses sœurs et sa tante, un amour qu’on proposait en exemple. Il fut toujours sobre et chaste. Il laissa à sa mère et à sa sœur environ deux millions de sesterces. Toutefois, dans un codicille adressé à sa mère, il la pria de donner à Cornutus, selon quelques-uns, cent mille sesterces, ou, selon d’autres, vingt livres pesant d’argent façonné, et à peu près sept cents volumes, c’est-à-dire toute sa bibliothèque. [Mais Cornutus n’accepta que les livres et laissa l’argent aux sœurs de Perse, que leur frère avait instituées ses héritières.] Perse écrivit peu et tard; il laissa même son livre imparfait. On en a ôté quelques vers à la fin; Cornutus le retoucha, pour que l’on crût que l’auteur y avait mis la dernière main; et Césius Bassus ayant prié Cornutus de le publier, celui-ci en chargea Bassus lui-même. Perse avait aussi écrit, dans son enfance, une comédie du genre des Prétextes [21] [le Gala], un journal de voyage, et quelques vers pour la femme de Thraséas, sur sa mère Arria, qui s’était tuée avant son mari. Mais, par le conseil de Cornutus, la mère de Perse détruisit tous ces écrits. Dès que son livre parut, ce ne fut qu’un cri d’admiration; tout le monde se l’arrachait. Perse mourut dans la trentième année de son âge, d’un vice de conformation à l’estomac. Il venait à peine de quitter l’école de ses maîtres, quand la lecture du dixième livre de Lucilius lui inspira un vif désir de composer des satires ; il en imita d’abord le commencement pour lui-même; mais ses études portèrent bientôt sur tous les autres, et il poursuivit avec tant acharnement les poètes et les orateurs de son temps, qu’il attaqua même Néron; c’est lui qu’il désigna dans ce vers:

« Le roi Midas a des oreilles d’âne. »

Cornutus n’y fit que ce léger changement:

« Qui n’a pas des oreilles d’âne? »

pour que Néron ne s’y reconnût pas.


 

[1] Jour de la fête des matrones ; solennité pour laquelle la femme de Lélius avait réuni des convives.

[2] Acte iv, sc. 3.

[3] Il était consul en 588 de R., année où fut jouée l’Andrienne.

[4] Fêtes que les Romains célébraient dans les carrefours, en l’honneur des dieux domestiques.

[5] Ouvrage aujourd’hui perdu.

[6] Epist., ii, 1.

[7] Traduction de Daru.

[8] Le 8 décembre, en 689 de R.

[9] Le 27 novembre, en 746 de R.

[10] Petit poème attribué à Virgile.

[11] C’était un crime de lèse-majesté de prononcer dans certains lieux le nom de l’empereur, ou d’y faire allusion.

[12] Voyez Tacite, xv, 36.

[13] Il n’était pas de Côme mais de Vérone.

[14] La septième.

[15] Sat., vii, 90.

[16] Tous deux proconsuls, l’un en Afrique, l’autre en Asie.

[17] Sous Adrien.

[18] Les uns disent à Séné, les autres en Cyrénaïque.

[19] Le 30 novembre en 787 de Rome. Cassiodore le fait naître l’année suivante.

[20] Le 24 novembre en 815 de Rome.

[21] Pièces de théâtre dont un magistrat romain était le personnage principal.