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table des matières dE PROCOPE

 

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

texte grec

 

 

Ecrit par Procope de Césarée.

 

DE JUSTINIEN,

Écrit par Procope de Césarée.

 

 

CHAPITRE I.

Fortifications de la ville de Dara.

 

1. J’ai décrit dans le livre précédent les Eglises que Justinien a bâties de neuf à Constantinople, ou qu'il y a réparées. Il faut maintenant parler des fortifications qu'il a faites sur les frontières. Ce qui sans doute est un ouvrage sort difficile, puisqu'il ne s'agit pas de décrire ces Pyramides si renommées, qui ne sont que d'inutiles ornements que les rois d'Egypte ont recherchés pour contenter leur vanité, mais de représenter les forts & les citadelles, par lesquelles l'Empereur a de telle sorte assuré l'Empire, qu'il n'y a plus sien à craindre des incursions des Barbares. Commençons par les frontières des Perses.

2. Après que les Mèdes se furent retirés de dessus les terres des Romains & qu'ils leur eurent restitué la ville d'Amide, comme je l'ai raconté plus au long dans les livres que j'ai publiés touchant les guerres, l'empereur Anastase le mit en peine d'enclore Dara, & d'en faire une ville au lieu que ce n'était qu'un bourg auparavant. Mais comme le traité fait entre les deux nations portait expressément, que ni l’une ni l'autre n'aurait la liberté de fortifier, les Perses s'opposèrent de tout leur pouvoir à l'avancement de l'ouvrage, bien qu'ils fussent occupés d'un autre côté à faire la guerre contre les Huns.

3. L'appréhension continuelle ou étaient les Romains d'être troublés par les courses des ennemis, les empêcha de rendre l'ouvrage aussi solide qu'il aurait dû être, car il est certain que l'on ne fait pas avec soin ce que l'on fait à la hâte, & que l'exactitude ne s'accorde guère avec la précipitation. Les murailles étaient trop basses & ne suffisaient nullement pour mettre à couvert les habitants, les pierres étaient mal posées, & mal jointes ; ainsi la plupart des tours ne pouvant résister ni à la neige ni au soleil, se démentirent en plusieurs endroits.

4. Justinien jugeant que les Perses ne manqueraient pas d'assiéger une place qui leur était si nuisible, ni d'y amener des éléphants chargés de tours, d'y élever des plates-formes, de la battre avec toutes sortes de machines, & de faire tous leurs efforts pour la réduire ; & considérant que comme elle servait de rempart contre les inondations des Barbares, sa prise serait infailliblement suivie de la ruine de l'Etat, il se résolut de la fortifier autant qu'il était nécessaire. Au lieu que les murailles en étaient faibles & aisées à attaquer, il les fit extrêmement fortes, & capables de résister aux plus terribles batteries. Il étrécit les créneaux, & n’y laissa que l’espace qu'il fallait pour passer la main, & pour tirer sur les assiégeants.

5. De plus il éleva la muraille de trente pieds, bien que ce ne fut pas partout avec une égale épaisseur, de peur de charger trop les fondements. Il fit faire une galerie pour aller tout autour, & fit mettre au dessus des créneaux. Ainsi la muraille avait deux étages, & les tours en avaient trois ; au haut de chaque tour il y avait un petit ouvrage en rond & à créneaux. Bien qu'il y eût plusieurs tours qui se démontaient. Justinien n'osa les démolir à cause du voisinage des ennemis.

6. Au lieu donc de les démolir il éleva au devant un ouvrage carré, & il fortifia par dehors les endroits des murailles qui menaçaient de ruine.

6. Il y en eut un néanmoins, nommé la garde, qu'il eut le temps d'abattre, & de relever. Il rehaussa aussi une partie de la muraille de dehors, & il y creusa un fossé d'une manière toute nouvelle, & dont je rendrai la raison.

7. Une partie de la muraille est inaccessible, parce qu'elle est assise sur une roche fort dure, & fort élevée, où l'on ne peut faire de mine, ni conduire de béliers. Au contraire du côté de Midi le terrain est plat et aisé à remuer. Voila pourquoi Justinien y fit faire un fossé fort large, & fort profond en forme de demi-lune, & le fit remplir d'eau pour en rendre le passage plus difficile. Il fit élever un petit mur sur le bord, du côté de la ville, pour y mettre des soldats à couvert en temps de siège. Comme il y avait un amas de terre entre les deux murailles, auprès de la Porte qui est du côté d’Ammodion par où il appréhendait quelque mine, il le fit nettoyer de telle sorte, qu'il ne restait plus de surprise à appréhender de ce côté-là.

 

CHAPITRE II.

Eau conduite à Dara.

 

1. L'empereur ne se contenta pas de fortifier de la sorte la ville de Dara, il y fit aussi deux réservoirs, l'un entre les deux murailles, & l'autre auprès de l’Eglise de saint Barthélemy, du côté d'Occident. La rivière sort d'un faubourg nommé Cordes, qui est à deux milles de la ville. Le rivage est bordé de deux gros rochers, dont les racines s'étendent jusqu'à Dara, ce qui est cause que les ennemis ne sauraient ni détourner, ni traverser la rivière. Je dirai maintenant ce que les habitants ont fait pour la conduire dans leur ville. Ils ont fait un grand canal, & à l'endroit de la muraille, ils ont mis une grille de fer, dont quelques barreaux sont droits, & les autres de travers. Quand la rivière est entrée de la sorte dans la ville sans faire de brèche à la muraille, qu'elle y a fait divers tours, & qu'elle en a rempli les citernes, & les réservoirs, elle en sort par une ouverture semblable à celle par où elle est entrée. Lorsque la rivière baignait la campagne elle rendait aisée la prise de la ville, en rendant commode aux ennemis le campement dans son voisinage. Justinien chercha dans son esprit divers moyens de remédier à cet inconvénient ; mais Dieu le délivra de la peine de cette recherche, en y remédiant lui-même, & en y pourvoyant de cette manière.

2. Un officier de la garnison, soit de son propre mouvement, ou par une inspiration, commanda à des ouvriers de faire un fossé en rond, environ de quinze pieds de diamètre, dans la créance qu'ils trouveraient une fontaine. Cet ouvrage réussit à l'avantage des habitants, contre l'intention de l'entrepreneur, & détourna un mal, dont sans cela ils eussent été notablement incommodés. La rivière s'étant trouvée en ce temps-là extraordinairement enflée par des pluies, & s'étant débordée s'éleva à une prodigieuse hauteur, renversa la première muraille, & une partie de la seconde, inonda les rues, & les places publiques, abattit les maisons, entraîna les meubles, & s'alla perdre enfin dans la fosse, & se cacher sous la terre.

3. Elle parut à quarante milles de là, auprès de Théodosiopole, & se fit reconnaître par le débris des meubles. Elle est toujours entrée depuis dans la ville pendant la paix, en a rempli les Citernes, & les réservoirs, & est sortie ensuite par l'ouverture que nous avons dit avoir été faite exprès. Elle arrose ensuite, & elle engraisse les terres d'alentour. Mais en temps de guerre, & lorsque les ennemis paraissent, les habitants bouchent l'ouverture par où la rivière a accoutumé de sortir, & ils la contraignent de s'aller perdre dans la fosse, ce qui oblige les assiégeants de se retirer faute d'eau. Le Myrrhane y ayant mis le siège sous le règne de Cavade, fut obligé de le lever. Chosroès y ayant amené depuis, une armée plus nombreuse, fut obligé de la ramener, quand il vit qu'elle était pressée par la soif, & que les murailles étaient d'une extraordinaire hauteur, & ainsi il fut surmonté par la sage prévoyance de Justinien.

 

CHAPITRE III.

Songe d’un Ingénieur nommé Chryse. 2. Autres bâtiments élevés à Dara par Justinien.

 

1. Je dirai maintenant comment il pourvut au débordement de la rivière, & combien Dieu fut favorable à son dessein. Il y avait un Ingénieur fort habile, nommé Chryse, natif d'Alexandrie, à qui il avait ordonné de conduire les fortifications tant de Dara, que de plusieurs autres villes. Il était absent lorsque l'inondation dont j'ai parlé arriva, & qu'elle causa tout le désordre; après avoir reçu la nouvelle de ce fâcheux accident, & en avoir ressenti beaucoup de douleur, il alla se reposer, & eut le songe que je vais dire. Il s'imagina voir une personne d'une stature plus haute & plus majestueuse que les hommes ordinaires, qui lui montrait une machine propre à préserver la ville de Dara des inondations. Quand il fut éveillé il crut que c’était une inspiration de Dieu, & il en écrivit à l'Empereur. Il était arrivé un peu auparavant à Constantinople au courrier, qui avait apporté la nouvelle du débordement de la rivière, & des ravages qu'il avait causés. Justinien sensiblement touché de ce malheur, assembla à l’heure même les Ingénieurs les plus célèbres, dont j'ai ci-devant parlé, Anthème & Isidore, & leur demanda des expédients pour empêcher de pareilles inondations. Ils proposèrent tous deux divers moyens. Mais Justinien comme inspiré du ciel, inventa la machine qui avait été vue en songe par Chryse, après quoi ils le réparèrent sans avoir pris de résolution.

2. Justinien ayant reçu dans cet entre-temps la lettre de Chryse, qui contenait la figure de la machine, envoya quérir aussitôt Anthème & Isidore, qui lui répétèrent ce qu'ils avaient avancé dans la dernière conférence suivant les règles de leur art, & ce qu'il avait proposé lui-même. Alors il leur montra la lettre de Chryse, ce qui leur fit reconnaître avec un profond étonnement, que Dieu seconde les entreprises de ce Prince, & qu'il l’assiste dans le gouvernement de son Etat. En effet l'art de ces célèbres Ingénieurs céda à l’évidence de la démonstration, Chryse fut envoyé à Dara pour y construire une machine semblable à celle qu'il avait vue en songe, ce qu'il fit de cette sorte.

3. Il éleva une digue fort haute & fort large entre les deux rochers dont j'ai parlé à quarante pieds de la première muraille, & il la joignit de telle sorte à ces deux rochers, que la rivière, pour forte qu'elle pût être, ne trouvât point de partage entre deux. Les maîtres de l'art appellent ces ouvrages des Phractes, ou des Arides. Chryse le fit en forme de demi-lune, afin que s'avançant vers le courant de l'eau il en soutint mieux l’impétuosité. Il fit des ouvertures en haut, & en bas afin que quand la rivière serait débordée elle put s'écouler sans battre la muraille avec violence, & elle s'écoule en effet de la sorte. Enfin il boucha une Porte, qui pour être dans un fond était sujette aux inondations, & il en perça une autre sur une hauteur.

4. Les habitants étaient fort incommodés de la disette d'eau par le passé, parce qu'ils n'avaient ni citerne, ni fontaine, ni aqueduc. Ceux qui demeuraient près de la rivière avaient la commodité d'y prendre de l'eau quand il leur plaisait : mais les autres qui en étaient éloignés l'allaient puiser avec une extrême peine. L'Empereur les en délivra en faisant faire un grand Aqueduc, par le moyen duquel on distribua de l'eau dans tous les quartiers. De plus il fonda deux Eglises, savoir la grande, & celle de saint Barthélemy Il bâtit aussi des logements pour les soldats, afin qu'ils ne fussent plus à charge aux habitants.

5. Comme les deux murailles de la Ville d'Amide étaient fort vieilles & qu'elles menaçaient de ruine il les fit réparer. Je dirai incontinent ce qu'il fit aux forts, qui sont aux environs de ces deux villes.

 

CHAPITRE IV.

1. Rabdion entouré de murs utiles par Justinien. 2. Divers petit forts réparés, entre Dara, & Amide.

 

1. Lorsque l’on va de Dara en Perse, on a à la main gauche un pays par où ni les chevaux, ni les chariots ne peuvent passer. Il contient deux journées de chemin, & il se termine à un lieu nommé Rabdion, qui est entrecoupé de précipices. Je fus étonné la première fois que je le vis, & je demandai aux habitants pourquoi les Romains en étaient maîtres, vu qu'il était pressé des deux côtés par les terres des Perses ? Ils me répondirent que cela procédait de ce que les Perses à qui il appartenait, l'avaient autrefois donné à un Empereur en échange de Martiropole qui est un bourg où il y a un grand vignoble. Pour Rabdion il est assis sur des roches fort hautes & fort escarpées, au bas desquelles est un champ de grande étendue, que l’on appelle le champ des Romains, parce qu'il leur appartient, quoi qu'il soit au milieu des terres des Perses. Il est extrêmement fertile en toutes sortes de fruits.

2.  Il y avait dans la Perse une ville fort célèbre, nommée Sisaurane, que Justinien avait prise & rasée & d'où il avait emmené force gens de Cavalerie avec Blescane qui les commandait. Elle était à deux journées de Dara, & à trois milles de Rabdion. Comme cet endroit était fort inconnu, & qu'il n’était gardé d'aucune garnison Romaine, les païens qui cultivaient le champ dont j'ai parlé, payaient aux Perses cinquante écus d'or de contribution pour s'exempter du pillage, outre le tribut ordinaire qu'ils devaient à l'Empereur. Ce Prince rendit leur condition plus heureuse en faisant clore Rabdion avec une muraille, qui fut bâtie sur le haut de la montagne, & qui acheva, avec l'avantage de l'assiette, de rendre le lieu inaccessible. Mais comme il n'y avait point d'eau, & qu'on ne pouvait trouver des sources sur la cime des rochers, Justinien fit tailler des réservoirs & des citernes dans le roc y & ôta par ce moyen aux Perses l'espérance de réduire les habitants par la soif.

3. Comme tous les forts qu'il y a depuis Dara jusques à Amide, savoir Ciphas, Sauras, Smargdis, Lurnes, Jérifton, Atacas, Sifris, Ripalte, Banasyméon, Sinas, Rasios, Dabane & quelques autres étaient dans un état tout à fait pitoyable: Justinien les fit rebâtir tout de neuf de la manière dont nous les voyons aujourd'hui, & assura par ce moyen la frontière. Il y a au même endroit une Montagne fort haute, & fort droite; & toute bordée de précipices, au pied de laquelle s'étend un pays qui est également propre à être la bonté, & à servir de pâturage. : Il est peuplé de divers bourgs, dont les habitants ont l'avantage d'avoir du bien, & ont en même temps le malheur d'être exposés au pillage. L'Empereur voulant pourvoir à leur sureté construisît un fort sur la cime de la montagne, où ils enferment ce qu'ils ont de meilleur & ou ils se réfugient au premier bruit de l'approche des ennemis. On le nomme le fort des Empereurs. Il y avait aux environs d'Amide divers autres forts dont les murailles n’étaient que de boue : il les a réparés très solidement. Apadnas, & Byrton sont de ce nombre. J'aurais trop de peine à rapporter tous les autres. Enfin il fit tant par ses soins & par ses travaux, que toutes les places qui étaient auparavant exposées aux insultes des ennemis se trouvèrent en état de se défendre & que l'entrée de la Mésopotamie fut bouchée aux Perses.

4.  Il ne faut pas oublier ce qu'il fit au fort de Baras, où il y avait auparavant disette d'eau. Ce fort est sur une montagne dont les environs sont des abîmes. Il y avait sur la pente de la montagne une source, que l'on ne crut pas devoir enfermer dans les murailles, de peur qu'il y eut quelque endroit trop bas par où les ennemis pussent entrer. Voici ce dont Justinien s'avisa— Il fit creuser au dedans de la place depuis la cime de la montagne jusqu'à la racine, ou il se trouva inopinément de l'eau en très grande quantité. Ainsi l’assiette du fort demeura sure, & la demeure en devint commode.

 

CHAPITRE V.

Réparations faites à Théodosiopole & à Constantine.

 

 

1. Le temps ayant tellement détruit les murailles de Théodosiopole, qui est une ville assise sur le bord: du fleuve Aborras, & qui sert de ce côté-là comme de rempart à l'Empire, qu'au lieu de donner quelque assurance aux habitants, elles les tenaient dans une appréhension continuelle ; Justinien les répara en divers endroits, & arrêta par ce moyen les incursions que les Barbares faisaient en Mésopotamie.

2. Ce qu'il fit faire a Constantine mérite d'être rapporté. La muraille en était autrefois si basse qu'elle était aisée à escalader & si faible qu'il semblait que ceux qui l’avaient bâtie, n’avaient pas eu dessein de la mettre en état d'être défendue. Les tours étaient si éloignées les unes des autres, que ceux qui attaquaient le milieu de la courtine étaient hors de la portée du trait. Enfin le temps l'avait tellement ruinée qu'elle ne pouvait plus durer. Il semblait aussi que la muraille de dehors n'avait été faite que pour servir aux assiégeants. Elle n'avait que trois pieds de large & n’était liée qu'avec de la boue. Le bas était de pierres dures, mais le haut n’était que de pierres tendres. Justinien en fit réparer toutes les ruines du côté de Septentrion & du côté d'Occident, & fit accroître du double le nombre des tours. De plus il fit rehausser les tours, & les murailles. Il fit faire un degré dérobé à chaque tour & les divisa en trois étages, si bien que ce sont comme autant de forts, ou de châteaux. Car ce que les Grecs appellent un fort, les Romains l'appellent un château. Outre ce que je viens de dire, la ville manquait autrefois d'eau. Il y avait à un mille des fontaines qui arrosaient un bois, & qui en faisaient croître les arbres à une extraordinaire hauteur, mais il n'y en avait point dans la ville qui était sur une éminence, & les habitants étaient pressés par la soif. Justinien y fit faire un grand aqueduc, & y distribua de l'eau. Tous ces ouvrages dont je viens de parler lui ont acquis, avec justice le titre de fondateur de cette ville.

 

CHAPITRE VI.

1. Circésion bâti par Dioclétien, & réparé par Justinien.  2. Réparation de divers forts proche de Théodosiopole.

 

1. Il y a dans la Mésopotamie, à l'endroit ou le fleuve Aborras se décharge dans l'Euphrate, un fort nommé Circésion, qui relève des Romains, & qui fut autrefois construit par l'Empereur Dioclétien. Mais Justinien voyant qu'il avait été tellement ruiné par le temps; qu'il était abandonné, le rebâtit, & en fit une ville fort grande, & fort considérable. On ne l’avait pas enclos tout à fait de murailles au temps de Dioclétien, mais seulement jusques sur le bord de l’Euphrate, où l'on avait élevé deux tours aux deux côtés dans la croyance que ce fleuve le défendrait assez de ce côté-là. L'Euphrate ayant miné par la suite du temps le pied de la tour qui était du côté de Midi, de telle sorte qu’elle semblait prête à tomber à moins qu'on la réparât promptement, Justinien, à qui Dieu avait réservé la gloire d'être le restaurateur de toutes les parties de l'Empire, soutint la tour, & continua la muraille le long de l'Euphrate. Il en éleva une autre en dehors, à l'endroit où les deux fleuves se rencontrent, & il rendit la place imprenable. De plus il y laissa une sorte garnison sous un vaillant commandant. Il répara encore le bain public qui ne pouvait plus servir, & il l'embellit de tous les ornements qu'il a maintenant. Le cours de la rivière ayant affaibli, par la suite des années, l'Edifice qui avait été bâti au dessus des fourneaux, Justinien le fit réparer de telle sorte que l'eau ne le peut plus endommager, & il conserva de la sorte le divertissement du bain à la garnison.*

2. Il y a ensuite un vieux château nommé Anucas, dont Justinien ayant trouvé les murailles à demi-ruinées il les rétablit avec une telle magnificence, qu'elles ne cèdent en rien aux fortifications des plus grandes villes. Il répara de même façon tous les forts qui sont aux environs de Théodosiopole, si bien qu'au lieu qu'ils faisaient autrefois pitié, ils impriment aujourd'hui de la terreur. En voici les noms. Magdalat avec deux autres petits. Le grand, & le petit Tannurion ; Bismidéon, Témére, Bidame, Dausare, Thiolle, Philas, Zamarthe & d'autres. Il y avait près da grand Tannurion un endroit dont les Sarrasins, ennemis irréconciliables des Romains, pouvaient aisément s'emparer en traversant le fleuve Aborras, & en gagnant ensuite une montagne & une forêt qui étaient proches. Justinien leur ferma l'entrée de ce coté-là par le moyen d'un fort qu'il y bâtit de pierres dures & d'une garnison qu'il y établit.

 

CHAPITRE VII.

Réparations faites à Edesse, à Callinique, & à d’autres villes.

 

1. Voila ce que Justinien fit dans la Mésopotamie. L'ordre des lieux m'oblige maintenant de parler d'Edesse, de Carra, de Callinique & de quelques autres petites villes d'entre le Tigre, & l'Euphrate. Edesse est arrosée par un fleuve nommé Scyrte, qui n'est pas de grande étendue, & qui après avoir ramassé les eaux de divers ruisseaux passe au milieu de la ville, remplit les canaux que les anciens y ont creusés, & coule plus avant. Ce fleuve ayant été un jour extraordinairement enflé par les pluies, fondit impétueusement sur la ville, renversa une partie des murailles, ruina les plus belles maisons, noya le tiers des habitants, & fit d'horribles désordres.

2. Justinien releva incontinent tout ce qui avait été abattu & surtout l'Eglise, & un autre Edifice nommé l'Antifore, & employa tous les soins dont il fut capable, pour éviter de pareilles inondations. Il creusa pour cet effet un nouveau lit à la rivière, vis-à-vis des murailles. Il y avait une plaine sur l'un des bords, & une roche sur l'autre. Justinien coupa cette roche, & fit creuser à la gauche un fossé beaucoup plus profond que le lit, & élever à la droite une muraille fort épaissie, afin que la rivière apportât les commodités dont on aurait besoin pendant que son cours serait réglé, & sa hauteur modérée, & qu'elle n'apportât point de dommage lorsqu'elle serait débordée. De plus, il l'obligea de couler droit dans la ville par un quai, qu'il éleva des deux côtés, & ainsi l’on en tire toute l'utilité qu'on en peut attendre, sans appréhender l'incommodité du débordement. Le temps ayant ruiné une partie de la première, & de la seconde muraille, ce même Prince les a réparées plus solidement qu'elles n'avaient été bâties.

3.  Il y a une Citadelle jointe à la muraille d'Edesse, à l'endroit qui est à l'opposite d'une colline qui commande la ville. Les habitants avaient autrefois enfermé cette colline de peur que les ennemis s'en servissent, mais la muraille ont ils l’avaient enfermée était si basse, & si faible qu'elle ne servait qu'à rendre la ville plus aisée à prendre, & qu'elle aurait pu même être prise par des enfants. C'est pourquoi Justinien la fit abattre, & en fit rebâtir une autre sur la cime de la colline.

4. De plus, il fit entièrement démolir la première, & la seconde muraille de Carra, & de Callinique, & il en fit refaire d'autres fort solides. Il fit aussi clore le Port de Batne, qui avait été tout à fait négligé, & il y fit mettre tous les ornement que nous y voyons aujourd'hui.

 

CHAPITRE VIII.

Réparations du fort de Mambri, & de la ville de Zénobie.

 

1. Après avoir décrit ces ouvrages que Justinien a fait faire dans la Mésopotamie & dans l'Osroène. Il est à propos de considérer la Province qui est à la droite de l'Euphrate. Par tout ailleurs, les Romains & les Perses habitent dans le voisinage les uns des autres le long de leurs frontières, & en sortant de leur pays, ils se trouvent aussitôt dans le pays ennemi, soit qu'ils y aillent pour y exercer des actes d'hostilité, ou pour y faire trafic de leurs marchandises. Mais dans le pays qu'on appelait autrefois Comagène & qu'on appelé aujourd'hui Euphratèse, ils n'en usent pas de la même sorte, parce qu'ils sont séparés par une vaste étendue de terres désertes, qui ne produisent rien qui puisse être le prix, ou le sujet de la guerre. Les uns & les autres ont élevé divers forts de terre, chacun au côté de ce désert qu'ils habitent : mais ces forts n'ont jamais souffert d'attaque, parce qu'ils n'ont jamais rien enfermé qui fut digne de l'envie des ennemis. Dioclétien y en avait autrefois fait bâtir trois, l'un, desquels s'appelait Mambri. Mais comme le temps l'avait presque ruiné, Justinien le répara.

2. Zénobie, femme d'Odonat, prince des Sarrasins, fonda autrefois à cinq miles de ce fort une ville, qu'elle appela de son nom ; mais comme le temps en avait ruinées les fortifications; & que les Romains n'avaient pas pris le soin de les retirer, elle était devenue déserte ce qui était cause que les Perses faisaient des courses quand ils voulaient & qu'ils prévenaient par leur vitesse le bruit de leur marche. Justinien rebâtit entièrement cette ville, la peupla d'habitants, y fit de bonnes fortifications, y établit une puissante garnison, & la rendit un des boulevards de l'Empire. Il ne se contenta pas des idées de ceux qui l'avaient bâtie dans le commencement, il en chercha d'autres pour la rendre plus forte qu'elle n'avait jamais été. Comme les rochers qui l'environnent pouvaient donner moyen à des assiégeants de tirer sur ceux oui défendaient les murailles, il inventa certains ouvrages qu'on appelé des Aîles, parce qu'ils sont étendus pour couvrir les soldats. Il n'y a point de discours qui puisse dignement exprimer les avantages que ce Prince a procurés à cette ville, en la fortifiant avec d'autant plus de soin que les autres, qu'elle était plus éloignée de secours, & plus exposée au danger. Je ne laisserai pas néanmoins d'en marquer une partie.

3. L'Euphrate coule le long de la ville de Zénobie, du côté d'Orient, mais comme il est pressé par de hautes montagnes, & qu'il n'a pas d'espace pour s’étendre, lorsque les pluies le grossissent, il s'élève jusqu'au haut des murailles, sépare les pierres, les ébranle, & en rompt la structure. Justinien fit construire une chaussée d'une longueur égale à telle de la muraille, & réduisit ce fleuve à écumer inutilement, sans pouvoir faire aucun dommage, ayant reconnu qu'il y avait du côté de Septentrion une partie de la grande muraille qui menaçait de ruine, il la fit abattre, de même que le petit mur, & ensuite rebâtir sur un plus beau & plus vaste dessin que n’était le premier : car comme les maisons étaient trop étroites, & qu'elles déplaisaient pour ce sujet aux habitants, il accrut la ville.

4. De plus, comme il y avait du côté d'Occident une colline dont les Barbares se pouvaient aisément emparer, & ensuite tirer de dessus jusqu'au milieu de la ville, Justinien l'enferma dedans, & fit escarper les côtés, & bâtir un mur au dessus, de telle sorte qu'il n'y avait plus d'endroit par où les ennemis pussent venir, le terrain qui est au dessous de la colline étant trop bas, & les montagnes qui sont du côté d'Occident étant trop éloignées.

5. L'Empereur ne se contenta pas de pourvoir de la sorte à la sureté de cette ville, il contribua encore à son ornement en bâtissant de magnifiques églises, des bains publics, des galeries, & des logements pour les soldats. Il se servit pour ces ouvrages de deux architectes, dont l'un qui était de Constantinople se nommait Jean, & l'autre qui était Milésien se nommait Isidore, & était neveu de l'autre Isidore dont j'ai ci-devant parlé. Quoi qu'ils ne fussent que dans la fleur de la jeunesse, ils ne laissaient pas d'être fort habiles, & d'avoir une grande expérience.

 

CHAPITRE IX.

1. Fortifications de Sura, &de Sergiopole. 2. Réparations de plusieurs petites places de l'Euphratèse.

 

1. Il y a sur le bord de l'Euphrate au delà de Zénobie une petite ville nommée Sura, dont les murailles étaient si faibles, que quand Chosroès y mit le siège elle ne pût résister une demi-heure à l'effort de se armes. Justinien l'entoura d'une muraille très forte, & égale à celle de Callinique, & la mit en état de le bien défendre.

2. Il y a dans l'Euphratèse une Eglise de Saint Serge, qui est honoré avec tant de piété par ceux du pays, qu'ils ont donné son nom à leur ville, en l'appelant Sergiopole; ils l'avaient autrefois entourée d'une muraille qui était fort basse & qui n’était qu'aussi forte qu'il fallait pour soutenir l'attaque des Sarrasins : car ils ne savent point faire de sièges, & une muraille de boue suffit pour les arrêter. Depuis ce temps-là l'Eglise est devenue fort célèbre par la richesse de ses ornements, ce qui a porté Justinien à entourer la Ville d'une muraille très solide, à amasser de l'eau dans les réservoirs, à y bâtir des maisons, des portiques, des galeries & d'autres ouvrages semblables, qui contribuent plus que les autres à la décoration des villes. Chosroès brûlant autrefois d'envie de la prendre, l'assiégea avec une puissante armée, mais la solidité des murailles, & des tours l'obligea à lever le siège.

3. L'Empereur prit le même soin des forts & des autres places qui sont assises à l'extrémité de l’Euphratèse. En voici les noms. Barbalison, Néocésarée, Gabule, Pentacome, & Europon. Ayant trouvé que les murailles de Himérion avaient été bâties si légèrement qu'elles ne pouvaient soutenir un siège, il les jeta par terre & il en éleva d'autres avec des pierres dures d’une largeur, & d'une hauteur raisonnable. Il fit creuser plusieurs citernes autour des forts. Enfin il y établit des garnisons, & il pourvut de telle sorte à la sureté du pays, qu'il n'y a plus rien à appréhender de la part des ennemis. Quiconque considérera avec soin toutes ces choses, & repassera dans son esprit les autres bienfaits dont Justinien a comblé le pays dont je parle, il reconnaîtra qu'il n'est parvenu à l'Empire que par l'ordre d'une providence spéciale pour le bien des peuples.

4. Ce Prince ayant encore appris que Jérapole, qui est la Capitale du pays était ouverte de tous côtés, & exposée aux courses, & aux violences des ennemis, il prit un soin particulier de pourvoir à sa sureté. Il en retrancha pour cet effet un grand espace qui était vide, & inutile, & il fit la ville plus forte en la faisant plus petite. Une source d'eau coule continuellement au milieu & y forme un étang, qui dans le temps d'un siège peut servir à la défendre, & qui ne sert de rien durant la paix. Les habitants l’avaient négligé pendant plusieurs années pendant lesquelles ils avaient joui d'un profond repos, & d'une pleine sureté. Mais comme la prospérité présente a accoutumé d'ôter la prévoyance des disgrâces à venir, ils avaient gâté l'eau de l'étang en s'y baignant, en y lavant du linge, & des habits, & en y jetant les ordures.

5. Il y avait dans l'Euphratèse d'autres villes comme Zeugma & Néocésarée, qui n’étaient fermées que de murailles de boue, & où il n'y avait pas même ou placer les soldats. Justinien y en a fait faire d'autres plus hautes, & plus solides, qui les mettent en état de se bien défendre.

 

CHAPITRE X.

Réparations d’Antioche.

 

1. Il est juste de parler des réparations que Justinien a fait faire dans les villes qui avaient été prisés par Chosroès, lorsqu'oubliant le serment avec lequel il avait juré la paix, & l'argent qu'il avait touché pour l'entretenir, & qu'étant rongé d'envie de ce que l'Empereur avait conquis l'Afrique, & l'Italie, il épia le temps que nous étions occupés en Occident, pour commencer la guerre sans l'avoir déclarée. Justinien a de puis tellement fortifié & embelli ces villes-là, qu'elles sont en meilleur état qu'elles n'avaient jamais été, & qu'il n'y a pas sujet de craindre qu'elles soient emportées par les machines des ennemis.

2. Surtout il a embelli, & fortifié Antioche, qu'on appelé maintenant Théopole. Son enceinte était autrefois sort grande, & elle comprenait des terres & des rochers qu'il était malaisé de garder. Il l’a diminuée en retranchant l’endroit le plus bas, & le plus difficile à défendre, de telle sorte qu'au lieu de la vaste étendue qu'elle contenait, elle ne contient qu'un juste espace.

3. Le fleuve Oronte l'arrosant autrefois par divers détours, il en changea le cours & par le moyen d'un canal fait exprès, il l’a conduit le long des murailles. Ainsi il a délivré la ville de l’incommodité du débordement, sans la priver de la commodité de ce fleuve. Il y a aussi bâti plusieurs ponts. Il saut que j'ajoute de quelle manière il a fortifié le haut de la Ville, qui était autrefois entoure de précipices.

4. Il y avait au sommet d'une montagne une roche nommé Orocassiade, qui égalait la hauteur de la muraille, & qui en rendait l'attaque tout à fait aisée. Ce fut aussi par cet endroit que Chosroès prit la ville, comme nous l'avons vu en son lieu. Il y avait aussi dans l'enceinte un grand espace haut & bas, entrecoupé de rochers, & creusé par des torrents, où il était impossible de marcher. Justinien reconnaissant l'imprudence de ceux qui avaient bâti la muraille proche de la roche dont j'ai parlé, la fit couper, & fit enclore la place. De plus, il fit aplanir de telle sorte tous les endroits qui étaient autrefois hauts & bas qu'il n'y en a plus maintenant où l'on ne puisse aller à cheval, & en carrosse. Il fit aussi bâtir des bains & des citernes, & fit creuser un puits dans chaque tour, afin que la ville eût de l'eau en abondance.

5. Je ne dois pas omettre ce qu'il a fait à l'égard du torrent qui descend du haut des montagnes. Il y a deux rochers qui s'élèvent hors de la ville, & qui s'approchent l'un de l'autre. L'un s'appelle Orocassiade, & l'autre Stauris. A l'endroit où ils s'abaissent ils se joignent par un lieu inculte, au milieu duquel est une espèce de fondrière, qui est souvent remplie par un torrent nommé Onopnicte. Comme ce torrent roulant impétueusement de la cime des montagnes passait par dessus les murailles, & faisait des dégâts étranges, Justinien éleva une chaussée au devant pour en arrêter la violence & il laissa à la chaussée des ouvertures par où l'eau put s'écouler doucement, & se distribuer dans les canaux qui avaient été préparés exprès, sans faire aucun désordre.

6. Justinien ayant pourvu de la sorte à la sureté des murailles d'Antioche, s'appliqua au rétablissement des maisons qui avaient été brûlées par les ennemis. Toute la ville n’était qu'un amas confus de pierres & de cendres, de telle sorte que les particuliers ne pouvaient plus reconnaître la place où avaient été leurs maisons.

7. Comme il n'y avait plus de rues ni de marchés, de places publiques, ni de bains, & qu'il n'était pas possible dans cette confusion de rebâtir la ville, Justinien fit enlever les ruines & lorsque la place fut nette, il la fit paver de grandes pierres, puis il traça les places, les rues, les portiques, les galeries, bâtit les aqueducs, distribua l'eau dans les quartiers, éleva des théâtres, des bains, & d'autres ornements, qui sont les marques les plus ordinaires de l'abondance des villes, & de la félicité des habitants. Il fit venir ensuite quantité d'ouvriers pour rebâtir les maisons des citoyens,

8. & il rebâtit ainsi Antioche avec plus de splendeur & de magnificence qu'elle n'en avait jamais eues. Il a aussi élevé en l'honneur de la Vierge une Eglise, dont je ne puis égaler par mes paroles la grandeur, ni la beauté, & il y a attribué un revenu fort considérable. Il a bâti encore une fort grande Eglise en l’honneur de Saint Michel Archange. Il a de plus pourvu au soulagement des malades par la fondation d'un hôpital, où les salles des hommes sont séparées de celles des femmes; Il a pris le même soin des étrangers, & il leur a préparé des lieux de repos durant leurs voyages.

 

CHAPITRE XI.

Réparation & fortifications de Calcide, de Cyrus & de Palmyre.

 

1. Justinien a encore réparé les murailles de Calcide, qui n’ayant jamais été solidement bâties avaient été presque ruinées par la suite des années. Il les a fortifiées d'une seconde muraille, & il les a mises en l'état où elles sont aujourd'hui.

2.  Il y avait en Syrie une ville nommée Cyrus, qui avait autrefois été bâtie par les Juifs que les Mèdes avaient emmenés prisonniers en Assyrie, & que Cyrus avait depuis renvoyés en leur pays. Ce fut en reconnaissance de la grâce de leur liberté qu'ils donnèrent à leur ville le nom de leur libérateur. Cette ville ayant été tellement négligée dans la suite du temps que les murailles en étaient tombées. Justinien animé par le zèle dont il brûlait pour le bien de l'Etat, & embrasé par la dévotion qu'il avait à Saint Côme, & à Saint Damien, dont les corps reposent fort proche de là encore aujourd'hui, la rendit une des plus célèbres & des plus heureuses villes du monde, tant par la solidité des murailles que par le nombre de sa garnison, par la beauté de ses bâtiments & par tout ce qui pouvait en quelque sorte contribuer à la gloire.

3. La ville avait toujours été incommodée par la disette d'eau. Il y avait une source dans le voisinage, mais on ne pouvait en approcher sans fatigue, ni sans danger. On ne pouvait y aller sans faire plusieurs détours très incommodes, pour éviter les pièges que les ennemis tendaient dans les précipices. Justinien y fit creuser un canal qui était couvert depuis la source jusqu'à la ville, & y fit conduire par ce moyen de l’eau en grande abondance.

5. Voila comment il procura la sureté, & le bonheur des Syriens. Il y a en Phénicie, qui est proche du Liban, une ville nommée Palmyre, qui a été autrefois bâtie dans un désert en une situation fort commode pour observer les Sarrasins qui sont nos ennemis, & pour découvrir les courses qu'ils font sur nos terres. Comme elle était presque ruinée par le temps, Justinien l'a réparée, y a mis une puissante garnison, l'a pourvue d'eau, & a réprimé par ce moyen les irruptions de ces peuples.