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LIVRE I
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
HISTOIRE
DE
CONSTANTINOPLE
DEPUIS LE REGNE DE
L'ANCIEN JUSTIN
jusquà la fin de l'Empire,
Traduite sur les Originaux Grecs par Mr COUSIN,
Président en la Cour des Monnoyes
DEDIEE A MONSEIGNEUR DE POMPONNE
Secrétaire d'Etat.
T O M E V.
A PARIS
En la boutique de PIERRE ROCOLET,
Chez DAMIEN FOUCAULT, Imp, & Libr. ord, du Roy, & de la Ville,
au Palais, en la Gallerie des Prisonniers, aux Armes du Roy & de la Ville.
M. D C L X X II I
AVEC PRIVILEGE DU ROY.
Ec ij
HISTOIRE
DE L'EMPEREUR
ALEXIS COMNENE,
Ecrite par Nice tas*
CHAPITRE PRBMÏEIU
i. Stupidité d Alexis. ». Dijjolution défis pare m, j. Mauvais état
de t Empire* 4. Jaloujtecontre iefrotofebafte. >A/i?#-pre.
* t* On fils Alexis lui fuccéda, étant
^J enfant , & dans un âge où ilavoit be-foift d'une gouvernante , &
d'un précepteur. Les affaires étaient plus maLcondoite* que ne le
fut U chariot du Soleil,brique Phaéton entreprit de k mener. Ce
jeune Grince avoit tant de vanité, & tant d'orgueil, & si peu
delumie-1e & de fuffi&ace y qu'il ne s'aquitoàt d'aucun devoir. Il
n'était pas feulement capable ék re-connokre quand â avoit fujet
defe réjouir, ou de s'affliger. U paflbit toute & vie au jeu x & a
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DE I/EMP. AtEXIS COMNENE^ tu lactaûe, &contra&oit des habitudes fore
vu cieufes.
i. Ses plus proches parent s'appliquoient a toute autre chofe qu'au
foin de son éducation, & ils négligeaient entièrement le bien
public, Les-uns étant amoureux de limperatrice , pa£-foient le»
jours envers auprès d'elle , parez, frifez, & parfumez comme de*
femmes , pour lui donner de l'amour. D'autres, vivant darïs la
dernière diAblution, étmifoient le trefor roïal , pour fournir à
leurs débauches; d'autres, enfin, rapporxoient tout-à la paflkm de
régner, dont ifc étoientenflâmez.
$. Personne ne tendant qu'à son intérêt par-ticulier, l'Etat était
rempli de la mêmeconfu-fion, qu'une famille d<>ù une perfonne fage
6t févére, qui cft accoutumée à la gouverner, eft ab-fente, & qu'un
bâtiment dont la colonne qui le foutenoit eft tombée parterre. Les
plus puhTans* négligeant de fe tenir dans Kégahté où ils dévoient
être, ne tenoient plus de confeilpour les; affaires publiques.
4. Alexis Comnene Protofebafte & Protovc-ftiaire, coufin germain de
Manuel, arant gagné les bonnes-grâces de l'Impératrice, ceux qui
tous le régne précèdent avoient rempli lespremieres charges,
{ouffrirent son élévation avec une ex-trême hfcpatience , non tant
par sa crainte que l'Empereur Afea fentfc quelque préjudice-, ^ue
par celle de perdfe une partie de leur crédit, ta
Ee ii)
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.zzt HISTOIRE
renommée, qui eft indifcrcte,publioit.que le Pro-
tofebafte attiroit par des care{Tes,&pardespre».
fens force gens à son parti, & qu'il méditoit de
fe rendre maître de l'Empire, comme il s'était
rendu maître de refprit de l'Impératrice. Ainfi,
ïaCourétait pleine de tumulte, & de tempêtes,
& c'était une image de la fable du Dragon
fourd Ôc aveugle, .
. j. On vit alors Taccompliflement de ce qui avoir été rfignifié par
unmonftre qui avoit paru sur la fin de la vie de Manuel
; Une femme qui iiemeuroit en la Propontide, étant accouché» d'un
garçon, qui avoit le corps plus menu que les autres, & la tête
d'unejprodigieufe grofTeur, cela fut pris pour un préfage d'une
multiplicité de Çommandans, qui eft toujours la ruine de l'autorité
légitime.
* * ■————— -
CHAPITRE IL
/. Andronique s'enfuit proche de Caidée. 2. Théodore le fait dans
(on exil. 3. L'Em-pereur Manuelle rappelé. 4. Etrange équi-page dans
lequel il paroit devant l'Empe-reur. j. Il eft erwoïé a Oenmm.
h A Ndronique Comncne, coufin germain
x\dc l'Empereur Manuel w duquel nous
avons parlé fort amplemet dans Thiftoire de ce
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DE L EMP. ALEXIS COMNENE. ^
Prince, aïant appris en la ville d'Oenaeum où il était, la nouvele
de sa mort, & la divifïon de la Cour, fentitferéveiller dansfoncoeur
la paflîon qu'il avoit autrefois eue* de monter sur le
trône. Mais nous rapporterons cela plus commodément dans la fuite de
notre hiftoire. Maintenant , pout ne la pas interrompre, & pour ne
rien omettre de remarquable, nous fommes obligez de reprendre les
chofes d'un peu plus haut. An-dronique s'était exilé lui-même, de
peur de tomber entre les mains de l'Empereur , & après avoir couru
diverfes provinces, il s'était, enfin, retiré chez Saltuque, Prince
d'un petit pais voi-fin aeCaldée, lequel avoit autrefois relevé des
Romains, & alorà il relevoit des Turcs, &ctoic gouverné par leurs
loi*.
x. Théodore fille d'Ifac Sebaftociator , avec laquelle il
entretenoit un infâme commerce, s'étoit rendue la compagne
volontairede fonexiL N'étant pas moins difficile à l'Empefôur de
pren~ dre Andronique, qu'il étok difficile à Ixion d'em-brafler
Junon , il tâcha au-moins , de prendre Théodore, comme cet autre
avoit pris la nuë, & il en vint à-bout, par le moïen de Nicephorc
Palcologue Prince deTrebizonde.
3. Il n'eut pas de peine à attirer Paleologue, par l'amour qu'il
portoit à Théodore, & a ses enfans, & à faire en forte qu'il lui
demandât par-don dupatTé, & afluranec pour l'avenir.
4. Quand il l'eut obtenue, il vint à Conftan-
114 HISTOIRE
tinople, Ôc comme il était fin, & rufé, il mit une chaîne à Ton cou,
& la cacha sous sa robe., qui lui batoit sur les talons.
Aïant été mené devant l'Empereur, il fe profterna le vifagc contre
terre, montra sa chaîne, fondant en larmes, & jettanc deprofons
foupirs, il lui demanda pardon, avec desgeftes capables de donner de
la pi-tié. L'Empereur fut si fcnfiblement touché de ce fpe&acle,
qu'il ne put s'empecher de pleurer. Il commanda à rheurc-mcfmc, de
le relever. Mais Androniquedit, qu'Une fc leveroit point qu'on ne
l'eut traîné par sa chainejufqu'aupié du trône. Ilae l'Angç, qui
ruina depuis sa tyrannie, fut choifi pour cet office, ce qui peut
paffer pour une cfpece de prodige.
j. Après avoir reçu tous les témoignages ima-ginables d'*ffe&ion, il
fut envoie à Oenasum, de peur , que s'ils demeuroient enfemble, leur
première défiance ne vint à fcréveiller, &que la jaloufie 4c ceux
qui gagnent le* bonnes-grâces des Princes par de fau* rapports, &qui
établif-fent leur fortune par des calomnies, np renouve? Utleur
ancienne mefinteiligencc
CHAP.
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DE L'EMP. ALEXIS COMNENE. HJ
CHAPITRE III.
/. sAnàronicjuc médite de Ce rendre maître du gouvernement* 2. Il
écrit à [Empereur , & au Patriarche. 3. Il vient à Confiantinople,
f$y forme un grand parti*
1. A Ndronique vivoit ainfi éloigné dejupi-^^ter , & de la foudre,
lorfqu'il apprit la mort de l'Empereur Manuel', les débauches du
jeune Prince,lesmauvaifes intentions de festu-teurs 5 & il crut que
ce changement lui fourni-roit un fpécieux prétexte d'ufurpcr la
fôuverai-ne puifTance. Aïant lu le ferment qu'il avoit autrefois
fait à Manuel & à son fils Alexis, au* lieu de le prendre dans la
lignification naturel-le ,il s'attacha a ces termes , comme les
mouches s'attachent aux ulcères : Si je voi > ou quefappre-ne
quelque chofequife trame contre votre honneur, ou contre votre
intérêt, je vous en donnerai avis ,&• m'y oppoferai de tout mon
pouvoir. Et il crut qu'il s'en pourroit fervir pour l'avancement de
son def-fein.
z. Il écrivit plusieurs fois à l'Empereur fon
neveu,au Patriarche, & aux perfonnes de qua
lité , qu'il croïoit conferver quelque refte d'af-
fe&ion.pour la mémoire de l'Empereur Manuel,
pour leur témoigner la douleur qu'il avoit des
Tome V. F f
\
%ié HISTOIRE
defordres delà Cour,& le defirde voir réduire la faveur du
Protofebafte à quelque forte de mo-dération. Comme il écrivoit avec
véhémence, & qu'il avoit toujours dans la bouche les Epîtres du
divin Paul, il attira plusieurs perfonnes à son fentiment, & fe fit
confiderer comme le plus affectionné au bien de l'Etat, & le plus
capable d'en empêcher la ruine.
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3. Il partit en même-temps pour venir à Conftantinople, difant
librement le fujet de son voïagc, en tous les lieux où il pafloit, &
montrant les termes de ion ferment. Ceux qui ai-moknt les
nouveautcz,& qui ajoutoient foi à de vieilles prédictions, qui
promettoient l'Em-pire à Andronique, s'aûembloientàrentourde lui,
comme les chouettes autour de l'aigle. Il vint delà forte
jufqu'cnPaphlagonic, & fut reçu par tout avec des honneurs
extraordinaires, comme s'il eût étéleconfervatcur de l'Empire.
DE L EMP. ALEXIS COMNENE. 227
CHAPITRE IV.
/. Le Trotofibafie fe rent maître de tomes les grâces. 2. Andronique
eft attendu Avec impatience. ?. Marie Parphyrogénéte con-fpire
contre le Protofibafie. 4. La conjst-- ration efl découverte. /.
Elle fe réfugie dans t Eglife, 0* y met des Cardes.
t. ^ U-refte, leProtofebafte étant enfle de fk
X^.profperité, & appuie de l'amitié de l'Im^ * peratrice,fe rendoit
maître de toutes les affaires, &fefaifoit craindre comme un dragon
que per-fonne n'ofc regarder. Il n'y avoit rien dont il ne diipofat
avec un pouvoir absolu. Si quelqu'un entreprenait la moindre cho&,
sans sa participation , ou qu'il obtint une grâce de l'Impératrice ,
ou quen jouant avec T Empereur il lui fît une prière, il
ncluipcrmettoit pas d'en jouir. Il avok trouvé un moïen pour retirer
ce que les autres avoient obtenu , en publiant un Exzit pas leu quel
il était ordonne que les lettres figrtées de la main dfc l'Empereur
fèroient nulles , jufqa'à ce qu'il les eut vues y & fellécs de cire
verte: Âinfi, il dKpo£akde tout félon son caprice, & toiwnoit a son
profit lestrefors que les Cornue-' nés avotent amaffez avec une
infinité de fueurs, &accompliffottla parole d'Aochiloxpie^quidit,
Ff ij
n8 HISTOIRE
que l'on pert quelquefois dans le fcin d'une femme, ce que Ton a
gagné en beaucoup de temps, & avec beaucoup de peine.
2,. C'eft pourquoi toute la ville attcndoit avec impatience
qu'Andronique parût comme un Aftre qui dcvoit diffiper (es ténèbres.
Les
Î
>lus confiderablesluiécrivoient en fecret, pour e prier de fe hâter,
& pour l'aflurer que chacun le recevroit à-cœur-ouvert, &refpe&erok
met me son ombre.
3. Marie Porphyrogénétc, fœur de père de l'Empereur, & le Cefar son
mari, qui était Ita-lien, l'animoient plus que les autres. Cette
fem- ' me, qui avoit un courage mâle , & un naturel élevé, ne
pouvant obeïr qu'à regret, ni fouffrir que l'Empire de son père fût
comme expofé en proie à l'avidité du Protofebafte, preflbit
incef-famment Andronique, comme un cavalier prêtre un cheval dans la
carrière. Mais ce n'était que Î>bur son propre malheur. Ne pouvant
diminuer la haine qu'elle portoit au Protofebafte , elle engagea
dans une conspiration contre-lui ceux qu'elle connoifToit être ses
ennemis, & être amis d'Andronique. Ceux dont je /parle étoient
Ale-xis Comnene, fils naturel de Manuel, & de sa nièce Théodore ;
Andronique Laparda, Jean & Manuel, tous deux fils d'Andronique, Jean
Ca-matere Gouverneur de Conftantinople, & plu-fïeurs autres. Avant
que de rien exécuter elle renouvela le ferment de fidélité qu'elle
avoit fait à
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DE L'EMP. ALEXIS COMNENE. H?
PEmpcreur son frerc , & à rheure-même, elle chercha l'occafion de fc
défaire de son ennemi* Aïant jugé qu'il n'y avoit point de temps
plus commode que de l'attaquer lorfqu'il iroit le fe-ptiéme jour de
la première femainedc Carême % célébrer, avec l'Empereur, la fête de
faint Théodore martyr , elle fuborna des aflaflins pour le
poignarder.
4. Mais le coup fut détourné par je ne fai quel accident. La
confpiration aïant été décou-verte, lesaecufez furent traînez devant
le tribunal de l'Empereur j où ils ne furent jugez qu'en apparence,
puifquc, sans obferver aucune formalité , & fanslcur donner la
liberté de fe défendre, on les chargeaauffi-tôt de chaînes.
5. Marie Porphyrogénéte fe réfugia avec son mari, dans la grande
Eglife, criant qu'elle fuïoit la fureur de sa belle-mere, &de son
amant. Elle fit pitié non-feulement au Patriarche, & aux
Ecclefîaftiques 5 mais à tout le peuple \ fî-bieh que chacun fondoit
en larmes. Se fiant à l'affe-âion de la populace qu'elle avoit
gagnée par argent, elle dédaigna de fe mettre en pofture de
fuppliante, & bien-loin d'accepter le pardon qu'on lui ofFroit, elle
demanda que les conjurez ruflent mis en liberté , & que le
Protofebafte, qui deshonoroit sa famille par des crimes dé
teftâ-bles, fût éloigné de la Cour. Mais en demandant cela, elle
demandoit ce qu'elle ne pouvoit obtenir, parce qu'ilfetenoitattaché
à l'Impera-
Ff iij
%$o HISTOIRE
trke , comme un poupe s'attache a un rocher.* Au-refte, l'Empereur,
ou plutôt IcProtofebafte, & rimpcratricc> la menacèrent de la tirer
de force de l'Eglife, si clic n'en fortoit volontairement. Elle
refula hautement d'obeïr, & appréhendant d'êurç enlevée avec
violence , elle mit des Gardes aux portes, & aux avenues,
changeantainfi la maifon de prière en une caverne de voleurs, & en
une place de guerre. Non-contente de cela, elle leva des foldats j
tant Romains qu'étrangers, rejettant tous les avis de ceux
quifaportoientà la paix, & iméprilant les remontrances du Patriarche
qui lui reprefentoit fortement son devoir, 6c h reprenoit
quelquefois avec une fain-tc colère.
CHAPITKI V.
/. Inconfiance du peuple de Conftantinople. 2* H déclame contre le
Protofebafte, 0* contre [Impératrice, j. Des Prêtres aug-mentent la
[édition. 4. Les fédmeuxfpttr lentde^maifons. /. Combat furieux dan*
la ville.
i. X E peuple de toutes les villes du monde
1 jeft fort déraifonnable j & fort malaifé à
gouverner} mais celui de Conftantinople cft plus
turbulent, & plusféditicux qu'aucunautre. La
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DEI/EMP. ALEXIS COMNENE. 131
multiplicité des nations dont il eftcompofé, & la .divcrfité des
emplois où il s'occupe, le rent plus fu jet au changement. Comme les
mauvai-lès choies font plus communes que les bonnes , & qu'il eft
rare de trouver un grain de raifm entier au-milicu d'une grape qui
eft gâtée, ce peuple n'entreprent rien avec raiibn, & ne fe déaîfte
de rien avec jufticc. Mais quand il eft une fois ému, il eft
femblabîc à une mer orageufe * à un embrafement que rien ne peut
éteindre , à un phrenetique qui le jette au-milieu des épees, des
rochers, & des précipices. Quand, au contraire» il eft menacé d'un
grand danger, il fe laifle aba^ tre,& fouler aux pies. Irn'apas
afiez de lumière pour reconnoître delui-même ce qu'il doit faire,
niaflez de docilité pour fuivre les (âges confeils qu'on lui donne.
Sa perfidie envers ses Princes eft le vice qui lui eft le plus
nature). Ildépofcra demain comme un tyran, celui qu'il refpe&e
aujourd'hui comme Ion légitime Souverain ; ce qui ne fait que trop
voir qu'il n'agit que pat caprice.
x. Celui de Conftantinople étant donc alors aflemblé comme par
pelotons, à tous les coins de la ville, parloit avec une grande
liberté , té-moignant de la compaftion des traitemens que la
Princcffe Porphyrogénete, recevoit & de l'indignation de la grandeur
à laquelle s'élevoit le Protofcbafte, & n'épargnoit pas mêmele nom
de l'Impératrice.
iji HISTOIRE
. ; 3. Trois.Prêtres,dont l'un tenoit une image du Sauveur , l'autre
une Croix , & l'autre une bannière , amafïbient les féditieux , &
les exci-" toient à publier les louanges de l'Empereur, & à vomir
des injures contre l'Impératrice , & contre k Protofebafte, avec la
dernière info-lence.
4. Ce defordre aïant continue plusieurs jours, le peuple en devint
si furieux, qu'il pilla les maifonsde ceux qui é toient les plus
confide-rez par l'Impératrice, & par le Protofebafte , &
entre-auttes, celle de Théodore Pantecne Gouverneur de
Conftantinople , Secrétaire & Préteur. Pour lui, il échapa à la
fureur populaire. Mais les ordonnances qui avoient été faites pour
le gouvernement de la ville, & qui concernoient l'intérêt de toutes
les familles, furent perdues.
j. Le Protofebafte voïant que le mal croif-foit, fe réfolut d'en
arrêter le cours,' & jugeant que Marie Porphyrogénéte nerabatroit
rien de {a fierté, il fe prépara à terminer l'affaire parles armes ,
& à la tirer de force hors de l'Eglifè. Aïant donc amaffé dans le
Palais, une petite armée , compofée de troupes d'Orient &
d'Occident, ilehoifit l'endroit le plus propre pour attaquer
TEglife. La Princeffe Porphyrogénéte commanda à fesgens de fe mettre
en état de fc bien défendre, & à l'heure-même, aïant abatu une
maifon voifine, ils montèrent sur une voûte pour
repouffer ceux qui les viendraient atta-quer.
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DE L'EMP. ALEXIS COMNENE. 13$
quer. L'armée de l'Empereur étant fortie du Pa
lais le feptiéme du mois de Mai, en la quinziè
me indi&ion, s'empara, sous la conduite de Sé
bacé Arménien5 del'Eglifede faint Jean l'Evan-
gelifte , laquelle eft fumommée Diipon. A lit
troifiéme heure du jour > ils tirèrent de haut-en
bas sur les foldats de Porphyfogénétc , qui
étoient sur la voûte du Milion*& en blefferent
un grand nombre. Apres cela, de nouveles trou
pes fortirent du Palais , remplirent les rues, &
s'emparèrent des avenues j de forte que le peuple
fe portoit avec un peu moins de chaleur à fe-
courir Marie Porphyrogénéte. Les foldats qui
fortoientde l'Eglifc,& quimontoient sur le por
tique de P Augufteon,ne pouvoient refifterlong-
temps contre une si grande multitude. Le combat
fut Furieux, les uns tirant de loin & les autres fc
battant de prés.On entcndoitks gémiffemens des
mourons, ôc les cris par lefquels les combattant
s exhortoient réciproquement à leur devoir. La
victoire fut douteufe jufqu'à midi $ mais sur la fin
du jour, elle fe déclara en faveur du parti de
l'Empereur, dont les foldats aïant chafle leurs
ennemis du Milion > y élevèrent leurs étendars,
& rompirent les portes de l'Auguftcon avec des
haches. Les foldàts de la Princeflè ne pouvant
plusrefifter,fedifliperent peu-à-peu, & ne re
çurent qu'un foiblc renfort de ceux qui jet-
toieht des traks & des pierres du haut duMacron,
qui eft le lieu où l'on inftntit ksCatécumenes.
Tome V. G g
134 HISTOIRE
Enfin, étant accablez de toutes parts, ils fc fau-verent de
VAugufteon, dans le portique de TE-
.»'
s etoient retirer.
Imperiauxn'oferent aller pli que les ru'és étoienc trop étroites, &
ceux du parti contraire n'oferent plus fortir du lieu où il*
CHAHTRÏ VL
/• Harangue du Ce far* 2. Second comhat* 3. Accommodement fait entre
les deux partis*
i.T £ Patriarche appréhendant que les foldaft
1, jn'entraflent avec leurs pies prophane»
dans le lieûfaint,& qu'ils n'enlevaiTentles vafes
facrez avec des mains teintes de fang, defeendk
au veftibulc nommé Protcébicce avec son étolc,
tenant les faints Evangiles. Le Cefar i qui de foa
ccjté craignoit d'être pris, amena ce qui lui reftok
de troupes, & environ cent cinquante éomeftr*
ques de sa femme, & étant monté'fur une chaife
fort élevée, qu'il trouva dans le Macron, il par*
la de cette forte. -,
Bien qu'il eûtétéplus a-propos de tourner nos Ttfées fontreles
ennemis de U Croix, que contre des perfemes de mefmc ftïs, & de même
Religion i néanmoins,pmf
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DE L'EMP. ALEXIS COMNENE. %^
que ceux qui gouvernent l'Etat nous y obligent par leur mauvaife
adminijbation> combattonsÀcs généreufcmcnt* & vengeons les injure*
qu'ils ont faites a Dieu,enpro-hanantfon Temple, sans nous arrêter à
conjiderer qu'ils abitent la mejme ville que nous > ni qu'ils font
pro-feffion delamêmefoi. Perfonnene nous peut blâmer de nous
défendre contre ceux'qui nous attaquent > sans garderies moindres
régies de bienféance, & qui nous veulent arracher du pié des Autels
où nous penfions trouver un axyle inviolable. Il eft évident qu'ils
commettent une injuftice, quand ils en ufent de la forte , &* qu'ils
fe portent à un excès defefpéré de fureur, quand ils nous
pourfuiveni comme des criminels, dans le temps même que nous
nousjettons entre les bras de Dieu , que nous le choifijfons pour
médiateur de la paix , &* pour protecteur de notre innocence. Qu'on
ne s'imagine pas que ce fit une impieté que de nous défendre , ou de
prévenir un ennemi qui vient sur nous l'épée a la main.
Nous ne femmes pas oblige^d'épargner celui qui attente à notre vie 9
parce que c'eft aufft nôtre cito'ien. Dieu aura agréable que nous
chajjions ces impies qui veulent piller fin Temple > & qui
non-contens de dépouiller leurs frères \veulent dépouiller les
autels. Mais fattefle le divin Sauveur , &• je jure par la lance que
je tiens i la main, que ces facrileges ne viendront pas a-bout de
leurs exécrables dejfeins >&• que nous défendrons /'£-glife, en nous
défendant nous-mêmes.
2. Apres que le Céfar eut parlé de la forte, il defcenditauveftibule
del'Egiifc, proche del'i-jnage de faim Michel, fuivide fesgens,qui
avec
Gg ij
%yfi HlSTOIRE
leurs boucliers & leurs épées paroiffbitfnt com> me des (tatues
d'airain. Les aïant rangez, &csé-tant muni du figue de la Croix, il
fondit le p re~ jBier sur ses ennemis, qui s'enfuirent
en dcfordrç hors de l*Augufteoju. Il y eut plusieurs foldats
fcleflez en cette rencontre ;mais il n'y en eut qu'un, qui aïant été
percé de partHtn-paxt, mourut iefii bieflure. Le Çcfat Ce retira ,
incontinent après, au-lieu d'où ilécott parti, &les foldats de
l'Em*-pereur n'oferent plus paûerleveftibule,fe contentant de tirer
de loin > mais furie £bir fcs uns & ks autres ceflerent de
combattre.
5. Le Patriarche envoïa I l'Impératrice un Officier nommé le
Palatin, parce que sa fonction «ftd'^rreorauPalais,poux y porter des
paroles, & pour en rapporter des réponds. Il la menaça d'abord delà
colère de Oku qui yok iesinjufti,-cesses hommes;puk, il lui
propofaun accom-.raodement avec la Princefle Porphyregeftctc,
On|nâtpowraifeitreskGijaiidDwc A^dr^ai^e CoûtoftepbaBc, k J>uc Jean
Grand J*éiia*que, & quelques autres personnes 4elaprei»iere«|ua-iké.
Jàés lefok^lesJeux paxtis conviiMïent 4'u-.neruipenfioft^arjŒK»,
flôcôt à caufede^oticiB-vité qui les eflapectioit de combaBt^c^ que
par aucune etorrfianec -qu'ils ^uflÀnt en la parole les uns des
autres. Le jour luivant, «ominc ils c toient yr&t^de recommeiKer le
combajyles arbkrcsfro-mirent à MariePorphyrogeneice^à son mari
^u'ilûeleur&qit^aucunm^U^iparrEmpe-
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DE I/EMP. ALEXIS COMNENE. tyj
TOI*, m P&X llmperatriçe, ni par le Prôtofebaftc, & que Ton
acçprderoit f amniftic à ceux qui avoient fuivi leur parti
j&ainfi,on pqfa les an-*nc$* Après laeqj^Jufiofldelapaix, le*
arbitres s'étant retirez, le Cefar, & Porphyrogcnése sa fejnme
forrirent 4c !TgHfe,& allèrent an grand Palais , où l'Empereur
logeoi; en ce ïemps?lL
CHAPITRE VIL
?9 Jugement de fHifiorien fm cette guerre? 2* Le Patriarche çft
relègue dans un AU* naftere. j. Ile si rétabli dflmfonfîége*
i. ^ TOila le fuçcé$ qu'épie l'affaire du Çefar, ^r & cette
malbureufè guerre, qui ajttira sur nous la jufte colère
du ciel, a çaufedclapropha-nation du Temple. Cornue je #'çxcu/e paç
Ja Pttncietfc Porpfeyrogéné*» de«%fe portée i ce* excès de
foreur,Ravoir excité des troubles qui o*t ébraijjB l'état j je aç
p&étens pas )uftin^r ceux qui o^t^prift fçs foumiffion^ ,*quioftF
fouillé l'Eglifepar leiang,^ parJe meurtre* &i lprfque Titepfitla
ville4e Je^ufalem il.en.cottr ierya le Xot^pje, # ^â^mzm^m. ço&& le
hfc-zard d'être bjefleparles Ju^fe qui ejifortoienjeo foule^pouf
fendre sur lui, que <fe permettre que Ja fftûwîte ,en
fut violée, bien qu'ilJdç reconnut pois* Jclfcieu qui y stoit <&dc*é
% quel flcfpeA
Gg iij
238 HISTOIRE
des Chrétiens rie devoitnt-iis pas avoir pour cette merveilleufe
Eglifc , que les mains de Dieu ont bâtie , qui eft comme le premier
& le dernier de ses chefd'ceuvres, & comme un Ciel sur
la Terre?
i. Le Protofebaftc étant irrité contre le Pa-triarche Theodofc, de
ce qu'il s'était oppofé a ses defTeins, fuborna,par argent, &
parfeftins,dcs Ecçlefiaftiqucs , & le fit déclarer coupable d'a-voir
favorifé la conjuration de Marie Porphy-rogénétc, en lui donnant
moïendefe défendre dans l'Eglife, comme dans une citadelle. Il y a
apparence qu'il Peut chafle honteufement de Ton fiége, si cette
PrincefTe ne l'eût maintenu, & si elle ne l'eût fait qbferver, de
peur qu'il ne Te dérobât lui-même au bruit des affaires, & qu'il ne
fc retirât à un Monafterc qu'il avoit fait bâtir en l'Ile de
Térébinte,& ne la laifïat expo-fée aux rigueurs de ses ennemis. Le
Protofebafte aïant depuis trouvé moïen de fatisfaire à Ta pat-fion
le relégua au Monafterc de Pantcpopte, & rechercha avec des Prêtres
corrompus qui li'avoient aucun refpe& de Dieu, ni des hommes , des
couleurs pour déguifer une violence si criminelle, & si odieufe.
Mais la vertu dece faint perfonnage s'étant trouvée à l'éprcuve.dc
la calomnie,& son innocence aïant été générale-ment rcconnu'é,ce fin
ferpent fut contraint de digérer tout le fiel & tout le venin qu'il
avoit amaf* je contre-lui,& de confentir à son rétabUffemeni:,
. *
A*
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DE L'EMP, ALEXIS COMNENE. 139
3. Le pur de son retour 5 tous les Magiflrats, ^ tous les Prêtres
qui avoient quelque fenti-rnent d'honneur, allèrent, avec une
multitude incroïable de peuple, jufqu'au Monaftere, pour rendre son
entrée plus célèbre. On répandit des parfums dans les rués,& on
brûla du boi$dln-de, & le concours fut si extraordinaire, que bien
«ju'il fût partidés le matin du Monaftere , il ne rentra qu'au foira
l'Eglifc de fainte Sophie* Les Prêtres qui l'avoient voulu dépofer,
en conçurent une telle honte , qu'ils ne favoient où Ce cacher y &
qu'ils euffent voulu être morts t pour n'être pas expofez à
laraillcric publique,
CHAPITRE VI IL
i* ^Artifices J Androntque* 2. Àfolejje du Protofebafte. 3* Adreffe
de F Impératrice* 4< La ville de Nicfe refufe de fuivre le parti d'
Androniquel$.<téndronicjHeïrAn-ge eji envdté contre-lui 9 £5* ef
défait. 6* Il va trouver vindronique. 7. Joie du peuple*
t. y^Ëpcndant, Anironiquc était porté aa \^_J trône comme par le
vent de fescfperan-ces , & de ses defirs, & pouffé par les
véhémentes foUicitàtions de Marie , qui pour lui faire toi* qu'elle
n'étok pas indigne d'être faillie, l'ai-
l4o HtsîoUE
la trbuveti & lui reprëfènta fidéleihent l'état de la Obuf. Ce qui
fùtcâùfe âu'aïàiit quitte la Pà«. phlagonie , il alla à Héràelèè
ville dé Pont. Il vint, ehfuite, plus avant, & gagna force mon^ de,
par fés paroles tronipeufês -, par ses larmes fthités, par les
dilu'mulàtibns artificieufés* Qu| eft-ct qui auroitétéaffèzdur,
&affezihfehfible pour ne trépas touché parla douceur defesdif*
cours, ôc par l'abondance de fês pleurs, qui cou*. Ibieht de les
yeux cônimè les ruiffeaùx eôulèht des Fontaines. Il faifoit femblaht
dé brûler d'un zelc firicerc pour l'intérêt de l'Etat, & de
n'a«-Voir point d'autre deflein que de hiettre l'Em-pereur en
liberté.
x. Le Protofebafte ne négligea pas entièrement ses affaires, bien
qu'il fut oun naturel mol, & efféminé, & bien qu'il eût accoutumé de
pat fer dans lelitlaplus grande partie du jour, & de tenir ses
rideaux fermez, de peur de voir le Soleil. Il eft vrai, que
cen'était pas feulement par l'a-vérfîon qu'il a voit de la lumière,
mais auffi par le defir qu'il a voit de fe cacher, qu'il en ufoit de
la fortek Pour ne rien diffimulèr de la vérité, il diifîpoic
l'obfcurité de la nuit, parle jour artificiel des flambeaux, &
lorfque le Soleil paroiflbit sur Phèihifphèré Ail
cherchoit les ténèbres-, com-ihe lfcsbétes feftvages j & il
s'amufoit à frotter ses dens pourries-,&aèn mettre d'autres en la
pkee de celles qui jétôrenttômbées de vieilleffe. 3. Il ne lai^Tôii
pas dans cette-molle oifîveté,
de
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DEL'EMP. ALEXIS COMNENE. $41 de gagner l'afie&ion des plus
illuftresy& des plus courageux,par la.protection , ou plutôt parles
charmes de l'Impératrice, qui sa voit captiver tout le monde, par la
beauté de son vifage, par la force de ses regars , par l'égalité de
Ion humeur, par la candeur de son efprit, par la douceur de ses
paroles. Elleappaifa fi-bien ,par ses prefens ceux qui fe
plaignoient d'être moins confiderez que les autres, qu'aucun ne
fuivit le parti d'Androniquc, & ne fe laiffa tromper par ta
fubtilité avec laquelle il déguifoit les intentions.
4. La ville de Nicée, capitale de Bithinie, refufa de fe rendre à
lui, & Jean, qui en était Gouverneur , demeura fermé contre toutes
ses lettres, quoi qu'elles fuffent plus capables de l'ébranler que
les plus fortes machines dont on puiffe battre des murailles. Jean
Comnene grand Domeftique & Gouverneur de Thrace, boucha fès
oreilles, pouf n'être pas furpris par fei cn-chantemens, après avoir
reconnu dans ses lettres, comme dans un miroir fidèle, quefonefprit
ne changeoit pas moins de forme que Protée*
$. Andronique s'étant approché deTarfia, & aïant attiré à (on parti
pluucurs habitans de la ville de Nicomedie , Andronique l'Ange, dont
les deux fils Hac& Alexis font depuis parvenus à l'Empire , fut
envoie contre lui. Mais en étant venu aux mains, proche du fort de
Carace, avec un ennemi fort méprifable, qui ne conduifoit
TomtV. H h
141 HlSTOÏfcÊ
qu'une troupe de miferablcs païfans dePapfita-*'
gohie, il ne laiffa pas d'être défait.
C. Quand il fut de retour à Conftantinople f on lui redemanda
l'argent qu'on lui avoit donné pour fournir aux irais de la guêtre.
Rccon-noiffant donc que Ton attribuoit sa défaite à une fecretc
intelligence dont on le foupconnoit {J'ê-tre lié avec Andronique *
il feréfolutpar le con-fcildefiï fils qu'il avoit ,& qui tous
étoient fort vaillans, de fe fortifier dans famaifon, qui était au
Cionion extérieur. Mais , depuis , aïant va que l'Empereur le
vouloitaflieger, il embarqua sa femme & ses enfans, & fé réfugia
chez An-dronique, qui le voïant venir, dit ces paroles ? Renvoie mon
Ange devantvous , four vous préférer le chemin. Commelaprefencedefon
couun lui rc-levoit le courage, il quitta les détours, & mépris fant
Nicée&Nicomedie,il alla droit à Conftan-tinople. S'étant arrêté à
Peucies,qui cftun lien proche deCalcedoine, il y fit allumer
quantité de fcux,pour faire croire que son armée était fors
nombreufe.
7. Son arrivée tint le peuple dans une agréa* Me (uipenfion de
l'événement, chacun montant sur les hauteurs pour
regarder le rivage ou îlctoûv & comme pour l'inviter de ic hâter,
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DE L'EMP. ALEXIS COMNENE* ^
CHAPITRE IX.
>. £e Trotofebafte met une armée en meri
2. Il envoie offrir la paix a Andronique*
3. Quilarefuje. 4.. Le Général de larmée Navale Ce déclare four lui*
/. Plufieurs fument son exemple*
j. T E Protofebafte réfolut de s*oppofer par
1 jmer à ses ennemis, puifqu'il ne pouvoit
s'y oppofer par terre , à caufe que pluiieurs
avoient déjà embraffé le parti d'Androniquc
dans le fecret de leur cœur, & que les autres
croïoientquec'était témoigner afiez de fidélité
à l'Empereur, que de demeurer neutres , fans
prendre aucun parti. Car ç'eft là le fentiment &
le langage que Ton a appris dans l'école de l'inté
rêt , depuis que l'on parvient à l'Empire par le
fangi & par le meurtre. Il couvrit donc la Pro-
pontidç de galères, donc les unes étoient rem
plies de Romains , & les autres d'étrangers > &
parce qu'il fe fioit plus à ceux-ci qu'aux autres,
jl leur diftribua de plus grandes Tommes d'ar
gent. Bien qu'il fouhaitât de donner à ses pa~
rens le commandement de la note, néanmoins,
jContoftephaneaïaiit prétendu qu'il luiappartc*-
noit, il ne put le lui refufer j mais il laifTa avec
lui quelques-uns de ses amis pour ohfervcr sa con
duite, H h ij
%44 HISTOIRE
x. Aïantainfi bouché le partage aux vaifléaux d'Orient, il envoïa à
Andronique, de la part de l'Empereur, un Prêtre nommé Georges
Xiphi-lin,qui lui prefcnta une lettre, & lui expo sa le fujet de ion
ambaflade. Cette lettre lui promet-toit des charges , & des
dignitez, & même les grâces du Dieu de la paix, s'il vouloit
renoncer à la guerre civile , tfar laquelle il feroit réduit à une
condition privée,
3. On dit que Xiphilinaïant trahi le devoir de sa charge, & l'aïant
averti de ne rien accorder , il rejetta fièrement les propositions
de l'Empereur > & commanda aux Ambaffadeurs de lui dire, que s'il
vouloit qu'Andronique s'en retournât, il n'avoitqu'à faire rendre
comte au Protofebaftc de (on adminiftration, & aie chaf-fer de la
Cour, couper les cheveux à l'Impératrice, & l'enfermer dans un
Cloître, & gouverner par lui-même , félon le teftament de fou père,
sans permettre que son autorité fut étou-ree par le crédit de ses
favoris , comme le boa grain eftétoufé par l'ivraie. - 4. Peu de.
jours aprés,Coiicoftephane paffa,avce ,tous les vaifleaux, dans le
parti d'Andronique, ec qui le releva de telle forte, que le
Protofebaftc Vabandonnatout-à-faitau defefpoir, , .:■ 5* Depuis ce
temps-la, ceux du parti drAn-^hfonique s'afTemMereht publiquement,
fe moquant du Protofebafte, & tous ceux qui aimoienc les noaveautez
, pafferent a Calcédoine où ib
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DE L'EMP. ALEXIS COMNENE. %^
admirèrent là vénérable vieillcffc d'Àndronique, & après avoir
entendu les douces paroles <jui couloient de sa bouche, comme le
miel, ou comme la rofée qui arrofc la montagne de Sion , ils en
fortirent, auffi ravis de joie que s'ils euflent trouvé les vaches
d'or si fort célébrées par les Poètes , ou les fruits si précieux de
la table du Soleil. Il y en eut, toutefois, qui reconnurent d'abord
le loup caché sous la peau de la brebis, & le ferpent qui devoit
piquer ceux qui l'échau-foient dans leur fein.
CHAPITRE X.
/. Prifon du Protofebafte. 2. Exclamation de Nicétas. 3. Le
Protofebafte fe plaint de la dureté de ses Cardes. 4. Le Patriarche
le confole. j. On lui crève les yeux. 6. Imprudence de sa conduite.
7. Défaite des Latins. S. Leur retraite.
i.TEan& Manuel fils d'Àndronique, & les au-I très que le
Protofebafte avoit emprifonnez, furent délivrez, & ceux qu'il
avouïavorifez de ses bonnes-graces,furent mis en leur place. Le
Protofebafte fut lui-mcfmearrêté dans le Palais avec sa fa&ion,&
avec sa parenté, par des An-glois armez de haches qui coupçnt des
deux cotez. Sur le minuit,il en fut tiré, pour être côn-
Hh iij
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%4fi HISTOUE'
duit foUs plus feure garde à l'Eglife du Palais ; qui a été
autrefois bâtie par le Patriarche Michel,
i. étrange viçiflitude des chofes, qui chan» cent plus promtement
qu'on ne fauroit dire ! Cet hommç, qui é toiç illuftre par sa
naiffançe, & qui avoit éti çlçvé à la première place de l'Etat, par
sa fortune \ qui avoit afliégê l'Eglife avec des gens de guerre , &
qui en avoit voulu arracher ceux qui s'y étojent réfugiez, fe vit,
le lendemain chargé de chaînes, f?ns protection & sans appui,
* 3. Ce changement lui étant infupportablc, il fc plaignoit,
uir-tout, delà dureté de ses Gardes, ui ne luipermettoient pas de
prendre le mpin-re repos, 6c qui Tobligeoient à tenir les yeux
ouverts, comme's'ils eufTent été de fer , ou de eprne,
4. Le Patriarche , oubliant généreufement les injures qu'il avoit
reçues de lui par le pafle, eut compafîion de sa difgrace, le
confola, & l'exhorta à parler avec douceur à ses Gardes, dans le
temps de son affliction.
/. Peu de jours après, il fut tiré de l'Eglife,' mis sur
un petit cheval, précédé d'un drapeau attaché à un rofeau , & mené
sur le bord de la mer, où il fut jette dans un vauTcau,.&
conduit à Andronique, qui, par l'avis desgrands del'Em? -pire, lui
fît crever les yeux.
6. Telle fut la fin de la puiffance,, ou, pour
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BE L*ËMP< ALEXIS CdtaNENEr 147
mieux dire, de la tyrannie mal-établie du Pro-tofooaftci qui ne
manquant pas de cœur, & fa-chant l'art de faire la guerre, eût pu
empêcher Andronique d'entrer à Conftantinople , s'il eût arnâfle des
troupes avec la diligence nèceflaire. Il ne manquoit ni d'argent, ni
de vaiffeaux, ni d'hommes. Il avoit le trefôr de l'Empire,- il avoit
des galères & des foldats Latins tout couverts de fer. Mais sa
mauvaife deftinée ruina sa fortune; ai lui abatant le cceuf.
?. Andronique s'étant arrêté ail détroit, Crivô'tà les galères de
Coritoftephane, avec quelques cohortes choifiés de fort
armée^contreles Latins,qui défendoient Gonftantirioplc. Le peuple
s'étane1 foulevé aumcfme temps5 on dombattit par mer, & par terre j
de forte que les Latins étant attaquez de deux côtefcj& ne pouvant
réfifter s abandon-nèrent au pillage des maifôns pleines d'argent &
de richeffes* S'étarte difperfez en divers quartier^ les uns fe
cachèrent dans les Palais des Gratis, & les autres montèrent
sur les vaiffeaux. Ceux qui furent pris furent tuez.
8. Les galères quiportoiént lesfuïars, arrivée rentlemêmejour à
l'Ile du Prince, à l'Ile Porté, & aux autres Iles voifirics.
Leiendemain, ils brûlèrent les Monaftercs , & firent tous les defor^
dres qu'ils purent t sans être pourfùivis de pcï-fonne,
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i48 HISTOIRE
CHAPITRE XL
i. apparition dune Comète. 2. Epervierblanc pris pour un pré fage.
j. Entrevue d' Andromède, & au Patriarche.
1. T L parut, en ce temps-là, une Comète, qui JLpréfageoit de grands
malheurs , 6c quidcfi-gnoit clairement Andronique. Elle avoit la
figure d'un dragon , qui quelquefois s'étent , 6c quelquefois fc
replie. Puis, ouvrant la gueule, effraie ceux qui le regardent, 6c
fcmble vouloir les dévorer. Elle ne parut que la moitié d'un jour, &
une nuit.
2,. Il y eut aufli un Epervier blanc, inftruità la chafle, qui avoit
des longes aux pies , 6c qui avoit plusieurs fois quitté Ion vieux
plumage, pour en prendre un nouveau, qui vint d'Orient en la grande
Eglife du Verbe Eternel, 6c étant entré dans la Thomaïdc, attira
sur foi les yeux de tout le monde. Quelques-uns l'aïant voulu
1
>rendre , il s'envola sur le Palais, & s'arrêta
sur e cabinet ou les Empereurs ont accoutumé d'être couronnez,
6c ensuite, d'être faluezpar tout le peuple. Après cela, il s'envola
à TEglife , 6c aïaht fait trois foislemême tour, il fut pris , ÔC
apporté à l'Empereur. Ceux quiappliquoient ce préfage à Andronique,
à caufe qu'il était tout
blanc,
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DE L'EMP. ALEXIS COMNENE. t^
blanc, & qu'il avoitétépluucursfoisenprifon, afTuroient quec'était
un ligne qu'il ferait rigou-reuierncnt châtié ; mais les plus
judicieux di~ foicnt, que ce vol fait à trois reprifes,fignifioitj
qu'il régneroit trois ans, après lefquels il feroit
remis enpnlon.
3. Comme tout le monde paflbit la mer, pour aller faluer Andronique,
le Patriarche Theodo-fe y alla le dernier, avec les principaux de
son Clergé. Androniquc vint au devant de lui avec Une robe violette
d'une étofed'Ibériç, qui était ouverte par devant, & qui lui
defeendoit juf-
Î
iu'aux genous , & avec un bonnet noir fait en
orme de pyramide. Quand il Peut rencontré,
ilfe profterna jufqu'aux pies de son cheval, &
luibaifale deflfous du pie, lui donnant les noms
de zélé pour le bien de l'Etat, de confervatcur
de l'Empereur, & de défenfeur de la vérité,&
lui donna d'autres éloges fort rares, avec une
éloquence égale à celle du grand Chryfoftome.
Le Patriarche,quin'avoit jamais vu Androniquc,
çonfiderant fonvifageafreux, son naturel fom-
brc> sa taille monftrueufe, son efprit diflîmulc,
fa démarche fiére, ses fourcis élevez, sa conte
nance feverc itémoigna de la compaffion de ceux
qui, pour leur malheur, l'avoient élevé sur le
tronc, & lui dit : J'avois autrefois oui farter de
vous 1 mais maintenant 9 je vous vois, eyje vous con*
nois farmoi-mefine ; & il ajouta ces paroles de Da-»
vid j cç que nous avons entendu dire,efi conforme à ci
TomeV, Ii
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tfo HISTOIRE
que nouivotons. Voulant par là marquer adroitement les
vainsrcfpe&s,&lesfaufles foumiffions qu'il lui rendoit dans cette
entrevue de cérémonie :& voulant en même temps rappeler dans ia
mémoire le portrait que l'Empereur Manuel lui enavoitfait autrefois.
L'ambiguïté de ces paro-les n'echapapas à la lumière aAndronique,
qui s'en fentant olefle comme par une épée à deux trenchans,&
prenant lesfourcisfroncez du Pa-triarche pour une marque de
trifteffe, & de douleur, dit : Vo\U un Arminien bien caché, car on
dit que son père était d'Arménie. Comme ils «'entretenoienr enfemble
, un autre jour, & qu'Andronique témoignoit du dcplaifir d'être
chargé feul de la tutéle de l'Empereur Alexis, & de n'être foulage
par perfbnne, non-pas même par sa Sainteté , pien que Manuel l'eût
nommé tuteur de son fils, & Miniftre de l'Empire, par préférence à
tous ses parens ; Il fit une réponfe fort piquante , difant, qu'il
ayoit renoncé à la conduite de l'Empereur, & qu'il le contoit au
nombre des morts, depuis qu'Andronique était entré dans
Conftantinople , & qu'il avoit pris Padminiftration des affaires.
Andronique rou-
Î
jiiTant a cette parole, & faifant femblant de ne a pas entendre ,
quoi qu'il entendît fort bien Ju'ellcregardoit la mort de
l'Empereur, deman-a ce que cela vouloir dire > Mais le Patriarche,
qui ne vouloit pas irriter cette Béte farouche f ni provoquer ce
chameau au vomuTement, ion-
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DE L'EMP. ALEXIS COMNENE. 2^
na une faufle explication àfes paroles, 6c les détourna de leur
véritable fens, en apurant, que les canons, nifon âge fort avancé ,
ne lui per-mettoient pas de fe charger de la conduite de l'Empereur,
ni de s'embarafler dans les affaires du monde, & que, d'ailleurs,
Androniquc pou-voit feul remplir tous les emplois.
CHAPITRE XII.
u ftdndronique faffe le détroit. 2. Il*vafa~ liïér t Empereur & F
Impératrice, j. Vn miferable efi brûlé parle peuple. 4. An* drpnique
verfe des larmes feintes sur le tom* beau de Manuel.
1. \ Ndroniquc aïant donné, d'abord , par ^/T^foi-même , par ses
enfans, & par fc$ amis, fort bon ordre aux affaires de l'Etat,partit
, enfin, de Damalis, & en traverfant le détroit chanta avec joïe ces
paroles de David. Raffure toi, mon amc,puifque le Seigneur t'a fait
tant degra+ ces ; car vous avex» Seiguur , retiré mon ame de U mort,
mes yeux des larmes, mesfiés delà chute.
x. L'Empereur Alexis,& famereXene étant fortis du grand Palais, pour
aller loger en celui de Mangaric, félon que lefouhaitoit Androni*
que,il allales-y vifiter, fe profterna aux pies de l'Empereur, & les
baignade ses larmes. Aïant,
Ii ij
ijî, HISTOIRE
cnfuite, falûé l'Impératrice, comme par manière d'aquit, & sans
cacher, avec artifice , l'ancienne haine qu'il avoit conçue
contre-elle * il s'en retourna en sa tente , où toutes les
per-fonnesdela plus haute qualité s'aflemblerent au tour de lui, 3.
On prit alors un fécond Iras femblable i celui d'Homère. Cétpit un
homme fort mal-fait, qui n'avolt point de demeure arrêtée, qui
cherchent les tables des riches , & qui ne vivoit que des morceaux
qu'il en ramaffoit. Comme il mandioit la nuit à heure indue , au
tour de la tenu d'Andronique, il fut pris par ses domefti-ques.
Aïant cru, d'abord, que c é toit un forcier, ik le livrèrent au
peuple, qui adorant Androni-que comme un Dieu, & voulant lui plaire
3 trai-nacemiferable au téâtre, alluma un grand feu, & le brûla sans
connoiffance de caufe.
1
4. Andronique , après avoir paffé quelques jours avec l'Empereur
dans le parc appelé le Phi-lopas, defira d'aller à Conftantinople ,
& d'y voir le tombeau de Manuel. Quandil fut au Mona-ftere de
Pântocrator, & qu'on lui eut montré l'endroit où il était enterré,
il pleura amèrement, J& fit de grands cris, fi-bien que ceux qui ne
con-noiffpient pas ses fourberies ^difoient : Oefiune ihofè
mervemeufe eut il ait si tendrement aimé un patent qui ta traite
avec tant d'inhumanité i Qucl-ues-ùns de ses proches l'aïant averti
qu'il avoit onrié affez de larmes à sa douleur , au-lieu de déférer
à leur avis, il leur demanda encore un
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DE L'EM*. ALEXIS CÔMNEKE. tjj
peu de temps pour s'entretenir, avec le mort, & étendant ses mains
comme s'il eût voulu prier Dieu f & arrêtant fixement Ces yeux
sur la tombe , il prononça quelques paroles, si bas que
perfonne ne les pouvoit entendre. Quelques* uns difoient, que
c'était un enchantement ; mais les plus habiles afluroient, que
c'était une imprécation qu'il faifbit en ces termes. Je te tiens
maintenant > cruel perfecuteur s qui m*as rendu errant & vagabond
far tout le monde , ey qui m*as expofé à la' raillerie publique , en
prefqu*autant de lieux que le fileil en éclaire. Tu es renfermé dans
ce tombeau à fiptCommets , & tu y dors d'un profond fimmeil , dont
tu ne feras réveillé que par la trompette du jugement. Cependant %
je me jetterai sur ta famille avec U mefine fureur avec
laquelle un lion si jette sur iapro'h érjcmc vengerai
des injures que m rias faites.
CHAFITHE XIÎL
1. jindronique amufe [Empereur su jeu, 0* à la chajfe. 2. Il difpofe
des Charges.
3. tlperfecute les principaux de t Empire*
4, Defcription de ces perficutions. y II
empoifonnefes meilleurs amis*
i,TL parcourut, ensuite , les plus belles mai-llons des Grans, &
difpofa de toutes les affai-
Ii iil
tj4 HISTOIRE
res avec un pouvoir abfolu. Il amufoit', cependant, Alexis à la
chafle, & aux autres divertiûc-mens, & lui donnoit des Gardes,qui,
comme des Argus, obfèryoient toutes ses démarches, & qui ne
pcrmcttpient pas qu'on lui parlât de la moindre affaire. Pour-lui,
il s'appliqua au foin de l'Etat, non à deflein de k rendre plus
florif-fantj mais à deffein d'éloigner les fages têtes qui auraient
pu donner de bons confeils à Alexis, les gens de cœur capables d'une
exécution gené* reuie, & tous ceux que la vertu, & le mérite lui
fendoientfufpe&s,
, z. Il récompenfa les Paphlagoniens, & ks autres qui lui avoient
fervi à ufurper lafouverai* ne Puiûance. Il s'attribua les premières
dignitez, & diftribua les autres à ses nls, & à ceux qui avoient
fuiviTon parti, qui avoient quitté Oku pour fe donner à Baal, & qui
avoient préféré la fortune à la jufticç,
3. Il relégua les principaux de l'Empire, il en
enferma quelques-uns en d'étroites priions * &
ks chargea de chaînes. Il y en eut à qui il fit
crever les jeux, bien qu'on né les acculât d'au*
cun crime , que d'être iffus d'une noble race,
que d'avoir de l'efprit,ducceur, & d'autres ex
cellentes qualitez capables de donner de la jalou-
fie & de la crainte aux tyrans,
4. La condition de ces temps-là était tout-
a-fait fâcheufe ; mais ce qu'il y avoit de plus in-»
fiipportable, était la perfidk dont ks plus pro-
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DE L'EN». AtEXTS CôMNENE. IJJ cties ufoient les uns envers les
autres* Non^feu-le ment les frètes abandonnoient leurs frères j &
les pères leurs enfans s mais ils favorifoient les dénonciateurs, &
confpiroiencavec cespeftes publiques j à la ruine de leur famille.
Il y en eut qui déférèrent leurs parens, & qui les acculèrent ou de
fc moquer d'Andronique , ou de s'attacher à Alexis comme à
l'héritier légitime de l'Empire. Quelques-uns furent aceufez $ dans
le temps même qu'ils aceufoient les autres.JcanCantacu* zéne
fournira une preuve autentique de ce que j'avance. Comme il venoit
de battre à coups de poins l'Eunuque Zita, avec une telle violence,
qu'il lui avoit fendu les lèvres & cafle les dens t à caufe qu'il
s'était entretenu avec Alexis, de la mifere commune de l'Etat, il
fut jette lui-* même dans une obfcure prifon,& eut les yeux crevez j
pour avoir falué Conftantin l'Ange son beaufrerc , qui était
prifonnicr. Perfbnne n*é-toit exemt de cette cruelle perfecution > &
on voïoit alors, plus que jamais, les prodiges que le Poète
Empédocle a chantez aulujet delà con-tention. On
faifôitcesmjurietixtraitcmensau*. plus zelez partifans d'Andronique,
aufïi-bien
J
u'aux autres. Ceux aufqucjs il avoit donné la eur du froment,
aufquels il avoit verfe le vin le plus délicieux, & pour lefqucls il
avoit tué le veau-gras reffentoient peu-aprés les derniers outrages
, & on voïoit, en un même jour, le met me homme orne de loiiangcs, &
chargé d'inju-
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%S6 HISTOIRE
m, couronné, & écorché, comme le Pilote de Xerxés. I,e$ plus avifez
prenoicnt les éloges d'Andronique pour un commencement de sa
liain£,fes prçfçns pour un préfagcdcleur ruine, fescareiTes pour un
deffein de les perdre,
j. Loriqu'il commenta à ufurper l'autorité fouverainc, on ne favoit
pas qu'il fut un exécra-ble empoifonneur, ni qu'il fût l'art
pernicieux 4e çpmpofercesbruvages funeftes qui donnent la mort. Mais
on l'apprit bien-tôt après, & on publia que Marie fille de
l'Empereur Manuel, qui avoit defirc son retour avec plus de paillon
que nul autre, fut la première sur qui il en fit
l'eifai, & qu'il corrompit un Eunuque nommé Pterygionitez, pour lui
donner un pbifon qui la devoir faire mourir lentement. Le Cçfar ne
fur-vécut pas long-temps à sa femme, & onfoup-r Çonna que sa mort
n'avpip pas été naturelle
CHAP,
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DE L'EMP, ALEXIS COMNENE. 157
CHAPITRE XIV.
/• sAndronique propofe 9 dans un Concile y le mariage de sa fille
Irène, avec l'Empereur Alexis. 2. Divifion entre les Evêques. j.
Fermeté du Patriarche. 4. Sa retraite. /. Célébration du mariage. 6.
Promotion de B a file Camatéje.
x. A Ndronique fouhaitant avec paffion de ,l\>. faire épouferà
l'Empereur sa elle Irène,
3
u'il avoit eue de Théodore Comnene, écrivit c sa main à un Concile,
pour y propofer cette queftion : Si l'on devoit faire un mariage,
qui rie* tant point , OH qui n'étant que peu contraire à l'honnêteté
publique > pouvoir beaucoup contribuera la réconci-liation de
l'Orient &• de l'Occident* à la délivrance des prifonniers , (?
produire plusieurs autres avan* tages:
z. Cette propofition fut dans l'aflemblée
comme une chaudière boitillante, comme le tri
dent de Neptune., ou comme la pomme dédit-
corde, qui mit la divin" on entre les Juges, & qui
les arma les uns contre les autres, Se en fit deux
partis ennemis. La plupart étant gagnez par
préfens, ou par promcfTes, difoient, qu'il n*y
avoit point d'empêchement à ce mariage. Le*
plus hardis, quiavoient accoutumé de frequen-
TomeK Kk
if% HISTOIRE
ter les tables des Grans, & de vendre leurs fufr fiageS pour un
repas foutenoient, que les deux perfonnes que Ton propofoit,
n*étoient point parentes, à caufe qu'elles étoient nées d'une
conjonction illégitime. Ils ajoutaient, quec'é-toit une ignorance
grofliere de révoquer en doute cette vérité qui était plus claire
que le ' Soleil. D'autres combatoient cet avis par l'autorité des
loix qui condamnent ces noces ince-ftueufes. Mais ces généreux
défenfeurs de la bonne opinion , n'etoient qu'un petit nombre
d,Ecclelîaftiques,& de Sénateurs, que le zeiedu Patriarche avoir
animez, bien qu'ilsfuffent partis de leurs maifons dans une autre
difpofition.
j. Ce grand perlonnage ne fut ni ébranlé parla preiènee
d'Androniquc, ni fléchi parfon éloquence, ni épouvanté par lis
menaces ; mais il demeura ferme comme un rocher contre le-quel fe
viennent brifer les 6gts de la mer avec leur bruit, & leur écume,
4. Néanmoins, quand il vit que la confiance ne lèrvoit de rien, &
que le mauvais parti était le plus grand , il abandonna son Siège, &
fe iétira à l'Ile de Térébinte , où il avoit fait bâtir un
Monaftercr,& préparer Ion tombeau.
/. Andranique regarda sa retraite, comme un bonheur tauffi conforme
a son defir > que contraire à son attente > & conclut, à
l'beure-melme, le mariage, dont la cérémonie fut faite par FEvéque
dcsBulgares.
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«
DEL'EMP. ALEXIS COMNENE. %S?
6. Il délibéra, ensuite , de remplir le Siège Ecumenique d'un
Patriarche qui fuivitfesinclL nations , & il choifit Bafile Camatére
qui fuc feul aflêz lâche pour lui promettre, par écrit, de faire
tout ce qu'il lui plairoic, & de ne rien faire qui lui pût déplaire.
CHAPITRE XV.
/. Le Sultan de Cogni prent les armes contre les Romains. 2. Jean
Comnene si déclare contre Andronùjue. 3. oAndronique Lapât das ejt
envoie contre lui. 4. Jean Comnene demeure malade > &* donne ordre à
fies fis de combattre. $. Il meurt ,& apris sa mort» les habit ans
de Philadelphe Ce rendent a Andronique. 6. Ses deux fis s enfuient >
£5* ont les yeux crevez* en Candie. 7. atAndronique attribué a un
miracle la mort de Jean Comnene. <f. Il fait cour ronnert Empereur
Alexis.
i« C71 la capitale de l'Empire était dans un si ^J déplorable état,
les provinces n'étoienjt pas moins affligées. Le Sultan de Cogni qui
avoit autant appréhcïidé l'Empereur Manuel,
3
uc Tantale appréhendoit la pierre quiluipen-oit sur la
tête, aïam appris la nouveie de &
Kk ij
m
%ê<* HISTOIRE
mort s'empara de la ville de Sozople, pilla le* bourgs d'alentour,
incommoda par un long fiégc la célèbre ville d'Attalie, ravagea
Cotya-lium, & reçut le ferment de plusieurs provin-ces , qui fe
fournirent volontairement à fapuik fance.
i. D'ailleurs Jean Comnene,furnommé Va-tacc, grand Domeftique ,
excellent homme de guerre , qui s'était fignàlé ert diverfes
rencon-tres contre les Perfcs, & qui était alors à Phila-dclphe, fe
déclara contre Andronique, méprit ses ordres, & repouffa ses menaces
par d'autres menaces. Comme il avoit autrefois étéfoupçon-né de
vouloir ufurper la fouverainc puiffancé, il condamnoitrinjufticede
celui qui l'a voit ufur-pée , & il le déteftoit comme un malhureux
génie, qui méditoitla ruine de lafamille Impériale. Ce différent
remplit les villes d'Afic de divisons domeftiques, dont les
fuites-furent plus cruelles que celles des guerres étrangères, parce
que ceux que l'épéedes ennemis avoit épargnez, turent enlevez par
l'épée de leurs citoïens.
3. Andronique fe réfolut d'envoïer contre Jean Comnene Andronique
Lapardas, homme «Tune petite taille , mais d'un grand courage. Jean
Comnene étant tombé malade en même-jtemps, fut obligédfefecamper
prés de Philadcl-phe, & d'envoïer contre lui ses deux fils Manuel, &
Alexis. Comme le fort des armes était cha&-.geant r & que plusieurs
é toient emportez de côté,
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DE LËMK ALEXIS COMNENE. i6i èc d'autre,ildéploroitfonmalheur d'être
arrêté au lit, dans un temps où il devoit être à la tête de son
armée, iîgnaler sa valeur, recevoir les ac-clamations de tout
l'Orient , & jetter la terreur dans le coeur du vieil Andronique*
4. Chofe étrange! il fit voir , en cette occa-fion, qu'il n'y a rien
d'infurmontableàla gran-deur de courage, & que peu s'en faut qu'elle
ne foit capable de tirer les morts du tombeau* Il fe fit porter dans
son lit sur une hauteur^ d'où il pouvoir voir l'armée ,
& aïant preferit à ses fils la manière de la ranger en bataille, ils
rem-
i
forcèrent la vidoire , pourfuivirent vivement eurs ennemis, & en
tuèrent un grand nombre*
j. Il mourut peu de jours après, laiffant le* habitans de
Philadelphe dans une inconfokble douleur. Mais comme les
inclinations des peu-ples font changeantes $ ils réfolurent de fe
rendre a Androniquc>& députèrent àConftantinople, pour gagner ses
bonnes grâces par des flateriesr &pour noircir par des medifances la
réputation des deux fils de Jean Comnene.
6. Ces deux jeunes hommes appréhendant d'être pris, fe réfugièrent
chez le Sultan dcCo^ gni. Mais la fuite de leur difgrace fit voir
clai-rement, que perfonne ne fe peut fouftrairc aux ordres de la
providence t car s'étant ennuïcz de demeurer long-temps auprès d'un
Prince qui n'a-voit pas grande envie de les protéger, ils-fe
réfo-luicm de faire voile en Sicile, Ils curent d'abord
zéi HISTOIRE
un vent favorable, & côtoïerent les hors de Can-die. Puis, le vent
étant devenu contraire, ils furent obligez d'y prendre terre. Aïant
été reconnus par un François, ils furent menez au Gouverneur , qui
fouhaita de les fauver, & de les envoïer sur un vaifleau
avec des provifions j mais leur arrivée dans l'Ile étant devenue'
trop publique, il fut obligé d'en donner avis à An-dronique, qui
comme 1 ennemi du jour ôc de la lumière, leur fit crever les yeux.
7. Aïant accoutumé de tirer avantage des rencontres les plus
ordinaires, il attribua la mort de Jean Comnene à la Juftiçe divine,
& voulut qu'on la regardât comme un événement qui tcr noit quelque
chofe du miracle.
8. Ufant, ensuite, d'un nouvel artifice, pour déguiferfes
déteftablesintentions, il fit couronner Alexis , & le porta lui-même
à la grande Eglife , en prefence d'une foule incroïable de peuple, &
d'un concours extraordinaire d'étrangers. Il accompagna son action
de ses larmes, & le rapporta de la même forte , à-defTein de faire
croire qu'il avoit plus d'affection pour lui que son pere, & qu'il
était son véritable protêt Ôeur, bien qu'il fut fort éloigné de
cette difpo-fition, & qu'il dit tout-bas ces paroles de David 1 il
nftfmjfém myêlevm,
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DE I/EMP. ALEXIS COMNENE. a$$
CHAPITII XVI.
/. vàndronique veut cbaffer [Impératrice. j. Péril où Je mettent
ceux qui la défen-dent. s* Conjuration contre Andronique. 4.
Punition des conjurez* /- Emprifon^ nement de t Impératrice. 6. Sa
conaemna-tion9t$Çamort.
t. A Prés avoir éloigné de la Cour toutes le$ ^\_perfonnes de
qualité, il demeura fcul maître des affaires ; mais il ne fut pas
content qu'il n'en eût auffi éloigné l'Impératrice, Il fe plaignoit
sans ccfTc, non-feulement qu'elle lui etoit contraire, mais qu'elle
était ennemie de l'Etat, & il foulevoit de telle forte le peuple
contre-elle , qu'il couroit en foule à l'Eglifc , & qu'il prefïbit
le Patriarche Theodofe par des clameurs infolcntcs, & par des
injures outrageufês, de la chaffer de Conftantinople, & que peu s'en
faloir qu'il ne fe portât aux dernières violences contre ce faint
Prélat*, parce qu'il ne vouloir pas confen-* tir àuneinjufticcfi
odieufe.
a. Peu s'en falut que les Juges du Voile Léon Monafteriote,
DemetriusTornice,& Conftan-tin Patréne , qui n'étoient pas dévouez à
An-dronique, & qui n'avoient pas fléchi le genou devant l'idole de
sa fortune, ne perdiffentla vie,
%64 HISTOIRE
pour n'avoir pas voulu condamner cette inno-cente Prineeffe. Comme
on leur demandoit leur avis, ils dirent, qu'avant que d'opiner , ils
fe-roient bien-aifes de favoir si c'était l'intention Je l'Empereur
que l'affaire fûtmifcen délibération. Andronique piqué au vif par
cette parole , comme par un trait mortel, s'écria : Cefom-lï ceux
qui engagent le Protofîbafte dam lesflusfâcbeu-fes affaires ; cm'on
les arrête. A4'heure~même, les Gardes leur présentèrent la pointe de
leurs armes, & le peuple les tira tumultuairement par leur* robes,
tellement qu'ils ne fe fauvérene qu'à peine d'un si terrible danger.
3. Les Grans de l'Etat ne pouvant plus fouf-
frir de si cruels traitemens, & appréhendant d'ê»
tre mangez les derniers par* cet impitoïablc Cyv
clope, fe donnèrent réciproquement leur foi,
$c s'engagèrent, par un ferment folennel, à ne
point prendre de repos, qu'ils n'euflent teint la
robe d'Andronique de son fang,au-lieu delà
ceindre de pourpre, Les conjurez étoient, An
dronique, fils de Conftantin l'Ange , Androni-r
que Conçoftephane, lenrs fils, au nombre de fei-
zè, tous fort bien-faits, & fort vaillans, Bafile
Camatére Logothcte du Drome , & plusieurs
autres de leurs parens.
4. La conjuration n'aïant pas été tenue fe-
çretc, Andronique fondit sur Andronique fils de
Çpnftantin l'Ange; comme ildemeuroitproche
<fe la pprçç 4ç h vUle^'anç trouvé une barque,
a
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DE L'EMP. ALEXIS COMNENE. I6$
il fe fauva par mer , & ses quatre fils avec luû Contoftcphane,
quatre de ses fils, &BafiIe Ca-matere furent pris, & aveuglez.
Plufieurs autres furent condamnez, sans preuve, au même fup-plicc, &
sur de /impies foupçons. Andronique, ravi d'avoir une occafion
si favorable de perdre ceux qu'il haïfToit , en enferma quelques-uns
en d'étroites prifons, exila les autres, & les fit tous périr en
différentes manières.
$. Ceux qui refterent aïant changé de con-duite , comme les planètes
changent de cours, & s'étant accommodez au temps, ilferéfolutde
ruiner l'Impératrice , & aïant recherché contre elle diverfes
aceufations , il la chargea d'avoir confpiré contre l'Empire , &
d'avoir exhorté Bêla Roi de Hongrie,fon beaufrere,à s'empa-rer de
Branizove,&Bellegrade. Et aïant, enfui-. te,a£Temblé des Juges plus
prêts à la condamner qu'à l'abfoudre , il la fit renfermer dans une
nonteufe prifon proche du Monafterc de faint Dioméde, ou elle
fouffrit la faim & la foif, où elle reçut tous les outrages
imaginables de l'info-lencedefes Gardes, & où elle attendoit
à-tout-moment le coup delà mort.
6. Andronique , dont la vengeance n'étoic
pas fatisfaitedetous ces mauvais traitemens, &
dont la colère ne pouvoit être éteinte que par le
fang de cette malhureufePrincefTe, affembla des
Juges corrompus,&leurdemanda,quelle peine
meritoient ceux qui traitoient avec les ennemis,
Tome V. L1
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z66 HISTOIRE
pour leur livrer les villes de l'Empire. Ces Juge* aïant répondu
qu'ils meritoientîa mort, & lui aïant donné leur réponfe par écrit,•
il la fit condamner, & l'Empereur figna la condamnation $ comme avec
le fang de sa mère. Manuel, fils aine d'Androniquc, & George Sebafte
beaufrere d'Andronique, furent choifis pour l'exécution 5 mais déf
eftant une commiflton si infâme, ils dé-clarèrent , qu'ils n'avoient
point confenti à la mort de l'Impératrice, & qu'ils n'avoient garde
de fouiller leurs mains de son fang. Andronique qui ne
s'attendoitpasà cette réponfe, en fut fen-ublement affligé, &
s'arrachant la barbe, jettant le feu par les yeux, & s'agitant avec
de violentes contorfions, déplora son malheur , de n'avoir pas des
parens & des alliez aflèz attachez à ses intérêts, pour commettre un
meurtre en sa faveur. Puis, aïant arrêta tout-cftin-coupfa fou-rc, &
aïant caché sa colère comme un feu fous-fumée, il la fit étrangler
pa^ConftantinTri* pfyque Etériarque, & par l'Eunuque Pterygioni-te ,
dont il s'était autrefois fcrvi pour
empoi-fonner.Marie.Porphyrogénéte, comme nous l'a* vons dit. Voila
comment cette lumière fut éteinte, & en févelie au bord de la mer.
Il n'eft pref-que pas concevable que le Soleil ait pu éclairer on
crime si déteftable, & que Dieu ait bien voulu* le permettrez
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DE L EMP. ALEXIS COMNENE. %t7
CHAPITRE XVIL
i.
Les parti/ans iAndronïque le proclament Empereur* 2. Ils U portent
Jur le trône. 4. Ils le nomment dans FEglife , devant Alexis, 4. Il
protefbe de ri accepter l'Em* pire que pour le foulager dans fin bas
Age. §. Il le fait étrangler.
*• \ Ndroniquc était ravi de ruiner la mai-X^fon de Manuel, &
d'arracher, s'il cft permis de parler ainfi > les plantes de la
famille Impériale pour s'attribuer à lui feul la puifTance
fbuveraine. Ce fut en Tan fix mille fix cent, de-
E
uis la création du monde, au mois de Septem** re, en la féconde
Indi&ion, qu'il entreprit de £b faire déclarer Empereur. Une troupe
de la-* ches mercenaires dévouez à ses intérêts, parlèrent par son
ordre quoi que fecret, dans une a(Tem-* biée, de la fédition qui
s'était émue en Buhinic, de la réception quiavoit étéfaitcàlfac
l'Ange, & à Théodore Cantacuzéne à Nicée, & de celle quiavoit été
faite à Théodore l'Ange à Prufe, & publièrent que l'unique moïen
d'appaifer les troubles de l'Etat était d'élever furie trône
An-dronique > dont la favante vieilleflc était bien plus capable du
gouvernement, qu'une ignorant te jcuncfTe. Qj£u ne faloit plus
différer, & quq
Ll ij
ié8 HISTOIRE
fi Ton refufoit de confentir à ce qu'ils proptf-foient, ils en
viendroient à-bout par la force, Et à Pheure-même, ils firent la
proclamation en ces termes, à Alexis & à AnâronicpcCommîtes longues
années,
i. Dés que ce bruit eut frappé les oreilles du peuple, il s'amafla
une foule incroïable de per-fonnes de toute forte de conditions, &
un cer-tain Juge du Voile, dont j'épargne le nom, qui obtint une
Charge de Maître des Requêtes pouf récompenfe de sa lâcheté, & un
certain Protonotaire d'une éloquence fort enflée , furent le» deux
principaux inftrumens de la tyrannie. Etant donc entrez dans une
maifon nommée Mica-clife, où. la confpirationfe tramoit, & aïant ôté
aux Sénateurs les bonnets qu'ils avoient sur leurs tètes
, ils les enveloperent des bandes qui pen-doient à leurs robes, &
les traînèrent en cet équi-page ridicule, par la ville, danfant &
chantant avec une légèreté sans exemple. Lorfqu'An-dronique fut
arrivé au Palais de Rlaquernes y Alexis éveillé defonaffoupifTement,
par les ac-clamations des uns , & par les gémiûemens des autres,
crut devoir céder au temps, & inviter ce vièllard; à partager avec
lui l'autorité pour la-quelle il brûloit d'ambition. Â-Pheure-mcfme,
les plus ardens de sa faction le portèrent sur le trône
\ d'autres lui ôterent son bonnet nok, & piramidal,pour lui mettre
le bonnet rouge \ & d'autres le revêtirent de la robe.
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DE L'EMÎT ALEXIS COMNENE. ïgj
5. Le jour fuivant, auquel ils furent procla-mez dans la grande
Eglile , on changea l'ordre de la proclamation , & on nomma
Andronique le premier, sous prétexte qu'il n'était pas bien-* feant
de faire paffer un jeune-homme, qui n'é-toit pas encore en âge de
puberté > devant un -vénérable vieillard d un excellent efprit, &
d'u-ne rare prudence. En entrant dansl'Èglife,pour y être couronné,
il parut avec un air gai , & quît* ta sa mine affreufe, pour montrer
un vifage riant, qui fcmbloit promettre un gouvernement doux, &
modéré j mais ce n'était qu'une fauffe appa-rence de douceur,
quicouvroitun fond inépui-fable de cruauté,
4. Lorfque la cérémonie du couronnement fut achevée, & qu'il eut
reçu le paincélefte , il étendit les mains, comme pour prendre la
coupe, & protefta d'une voix si haute , que ceux qui étoient dans
l'enceinte de l'Autel l'entendirent, qu'il n'acceptoit l'Empire, que
pour foulager Alexis, & pour affermir son autorité. Il fortit,
environné d'un grand nombre de Gardes, & au~ lieu de marcher
lentement félon la coutume de» triomphateurs, il marcha au pas
ordinaire, sans s'arrêter nulle-part ; ce qui fut attribué à la
peur, plutôt qu'à nulle autre caufe.
5. Après que les réjouiffancespour fonavene-ment à la couronne
furent finies, il ne fongea plus qu'àfe défaire d'Alexis, & il
affembla pour cet effet les minières ordinaires de ses violences,
Ll iij
2.7o HISTOIRE
qui à Pinftant dirent, tous d'une voix, ces vers d'Homère,
La multiplicité des Seigneurs n'eft pas tonne , Une tête Jufft
pourporter Ucouronne. Ils ajoutèrent, que k vieilleffe de l'aigle
était la jeuneffe delà ehoiiette, & ordonnèrent qu'Alexis sur
réduit à une condition privée, sans par* 1er, comme auparavant, de
son éducation, ni de l'adminiftrationdefonEtat. A peine cette
Sen-tence fut publiée, qu'ils en prononcèrent une au-tte, par
laquelle ils le condamnèrent à la mort, avec ces paroles de Salomon
: Lions le jufte dont U préfence nous incommode. La nuit fuivante
Etienne Agiochriftophorite, Conftantin Tripfyquc , & Théodore
Bradibréne, l'étranglèrent avec la corde d'un arc. Le corps fut
porté à Andronique, qui l'aïant pouffé avec le pie, dit, que son
pere était un fauffaire, & sa mère une débauchée, En-fuite, on lui
perça l'oreille, &on y paffa un fil qu' Andronique cacheta de son
cachet. Le corps fut jette dans la mer, & la tête prefentée à An*
dronique, & depuis jettée à Catabate, La barque qui avoit porté le
corps fut ramenée par Jean Ca-matere Garde du Caniclée , qui fut
depuis Patriarche des Bulgares, & par Théodore Chumnc Çartulajre,
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HISTOIRE
DE L'EMPEREUR
ANDRONIOUE
COMNENE-
Écrite far Nice tas, ;
LIVRE PREMIER.
CfïÀÏIÏRE PREMIÊIU
/« sAndronique fe marié dam une extrême vieiSeJfe. 24 II demande
Jtêtre abfous du ferment de fidélité quilavoitprétéà Ma* nuèly & a
Alexis* j. Il donne en récom* penfe ,aux Evêques, le droit d*être
afiis au tour de fin trône, & les en prive bien-tot après. 4*
Lapardas fe révolte contre lui* S. Il ek pris 9 ©* aveuglé* 6.
Epouvante iAndronique , & fis lettres artifî-cieufes*
VJl
HISTOIRE
I. A Infi mourut Alexis, après avoir vécu ^/T^moins de quinze ans ,
& n'en avoir ré-gné que trois, non toutefois par lui-même, mais
d'abord sous la tutele de llmperatrice sa mère , & depuis sous la
domination des deux tyrans qui s'étoient rendus maîtres des
affaires, & qui retinrent l'un après l'autre entre leurs mains
l'autorité légitime, jufqu'à ce qu'il fut malhureufement étranglé.
Apres une exécution si tragique, & si lamentable , Andronique époufa
Anne fille du Roi de France, qui avoit été accordée à Alexis. Ce
vieillard chargé d'années ,&prefque décrépit, n'eut point de honte
defe marier avec une perfonne d'une rare beauté, de qui n'avoit pas
encore onze ans.
i. Quand il fut en possession paifible de l'Empire, il demanda au
Patriarche, & au Concile d'être déchargé du ferment de fidélité
qu'il avoit prêté à Manuel, & à Alexis, & que les au. très qui
l'avoient preté, & qui fembloient y avoir contrevenu, en fuflent
pareillement ab-fous. Ces Prélats, comme s'ils eufTent eu le
pou-voir délier , & de délier indifféremment, & sans diferetion,
toute forte de perfonnes, publièrent à Pheure-même un décret, par
lequel ils accordèrent un pardon gênerai aux perfides, & aux
parjures.
3. Andronique leur fit expédier, en récom-penfe, quantité de petites
grâces*, & outre cela,
leur
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DE L'EMP. AND. COMN. LIV. I. 17f
leur accorda \t droit d'être ailîs au tour de son trône ; mais ce
privilège ne fervit qu'à les rendre ridicules, parce qu'ils en
furent privez bien-tôt après , & que l'ancien ufage fut rétabli, de
la mefmc forte que les arbres que Ton a pliez avec effort > fe
remettent dans leur état naturel. L'Empereur ne voulant point faire
paroi trc d'inégalité dans Tordre de fà conduite , ne donna plus
d'accès aux Evêques lorfqu'il ctoit sur son trône. Ces
lâches Prélats qui fe vantoicnt, un peu auparavant, de cette feance
honorable, & qui fe glorifioient de l'avoir reçue en récompen-fe de
leur fidélité , fe cachoient alors de honte, & s'eftimoient
malhureux d'avoir perdu la grâce de Dieu, sans avoir gagné les
bonnes grâces des Princes du monde.
4. Lorfqu'Alexis Uranas, & Andronique La-
pardas, qui commandoient les troupes aux en
virons de Nife , &deBranizove, Ôc qui avoient
ordredes'oppoferauRoi de Hongrie, qui met-
toit tout à feu & à fan g , apprirent la mort
d'Alexis, &la proclamation d'Andronique, ils
ne fe trouvèrent pas dans une même difpoiî-
tion. Uranas fe fiant en l'amitié d'Andronique,
fupporta sans peine le changement ; mais Lapar-
das appréhendant sa violence s'imaginoitle voir
toujours prêt à le dévorer. Aïant cherché divers
chemins, comme un chien de Lacédémone , il
choifit celui qui Téloignoit le plus de la pré-
fence de l'Empereur , & il lui eût, sans doute,
Tome y. Mm
174 HISTOIRE
été fort utile de ne s'en point détourner. Mais non-content de fe
fauvcr, & fouhaitant avec
{
>aûion de venger la mort de son maître, il forma e deffein d'une
révolte ,& ne pouvant être reçu en Occident, àcaufedela réfiftance
qu'Uranas feroit obligé d'y apporter, il alla en Orient, ou il avoit
exercé des charges confîderables, & où il croïoit trouver pluficurs
perfonnes difpofées à fuivre ses intentions. Il perfuada donc à
Ura-nas de demeurer où il était, & de lui permettre d'aller trouver
ce vieil Empereur nouvelement proclamé. Il partit à l'inftant, &
prévint par la diligence, la renommée qui découvre les cho-fes les
plus cachées, & qui voit quelquefois l'a-venir comme s'il était
prefent. Quand il fut à Orefliade, que Ton appelé maintenant
Andrino-ple, d'où il avoit tiré fànahTance, il ne s'y aré-ta
qu'autant de temps qu'il faloit pour faluer ses fœurs, & marcha vers
l'Orient, avec une vîtefle incroïable. Cependant, le bruit de la
retraite s'état répandu, il courutrifqued'être reconnu, & d'être
pris. Etant venu la nuit à la mer, il monta à Hyelocaftel, avec sa
fuite, sur un vait feauquil'attendoit, & aïant gagné
i'autre bord, il commença àrefpirer.
j. Mais il était déjà effacé du livre des vi-vans par
lamaininvifible de la Providence * & comme facrifié à la fureur
d'Andronique. Cette souveraine Puiffance lui étant
contraire, il fut livré à son ennemi, par ceux mêmes de qui il
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DE L'EMP. AND. COMN. LlV. I. 27 j attendoit de l'appui. Mais cette
attente n'était que le fonge ôc l'égarement d'un efprit malade.
Comme il était proche d'Endromit, il fut pris par Céphalas, homme
puiflant dans ce païs-là , & affectionné au tyran, qui le livra
comme une vi&ime deftinée au facrifice. On lui creva les yeux à
rheure-mefmc, ôc on l'enferma dans le Monaftere de Pentepopte, où il
déplora son malheur, ôc fe plaignit de l'aveuglement de la fortune,
quiavoit donné un si trille fuccés à une si louable entreprife.
Ainfi , Dieu cache aux hommes , non-feulement les douceurs Ôc les
commoditez de la vie, mais les accidens les plus fâcheux , Ôc les
difgraces les plus funeftes. Ce grand homme, qui s'é toit rendu si
célèbre par la gloire de ses exploits , croïant qu'il lui feroit
honteux d'obeïr à un tyran , tomba entre ses mains , dans le temps
qu'il faifoit tout ce qu'il pouvoit pour les éviter. Il ne furvécut
pas long-temps à sa liberté, Ôc la mort le vengea bien-tot des
outrages de la fortune.
6. Andronique fut si fort épouvanté de sa révolte, que pendant le
temps de sa retraite, ôc dé sa fuite, il s'imagina toujours voir une
func-ftecataftrophede la puiflance qu'il avoit fiinju-ftement
ulurpéc. Comme il connoiffoit sa va-leur & sa fermeté , ôc qu'il
n'efperoit, ni de le réduire par la force, ni de le gagner par les
ca-refles, il ufa de cet artifice d'écrire aux Gouverneurs d'Orient,
que Lapardas n'agiffoit que par
Mm i\
Y V"
tjé HISTOIRE
fes ordres, & par une conduite dont le fecret était ignoré du
peuple. Ilpretendoit empêcher, par ce moïen là, le concours de ceux
qui auroient eu envie defejoindre à lui; mais sa promte détention ne
permit pas de reconnoître quel au-roit été le fuccés de ces lettres
artificieufes.
CHAPITRE IL
/. oAndronique vifite le tombeau de fin père* 2* II marche vers
Nicée. 3. Il envoie Vranas contre les Lopadiens. 4. Infilen-ce des
habit ans de Nicée. /. Apete &gar-nifin de Nicée. 6. Attaque. 7.
Cruel firatagéme dAndrônique. <f. Sortie des afiégeans. p. Dépit
dAndronique. v
1. \ Ndronique étant délivré de la crainte /m. que la révolte de
Lapardas lui avoit donnée , partit de Conftantinople , & alla à
petites journées à Ipfale,où il prit le divertùTement de la chafTe,
& où il vifita le Monaftere de Verc, & le tombeau de Ton père, avec
l'éclat & la pompe de la dignité roïale, pour laquelle il avoit eu,
durant sa vie , une paflion si violente, sans la (pouvoir jamais
aquerir. A in fi, le defir de régner était comme héréditaire dans la
maifon •d'Andronique.
x. Après s'être abftenu de toute forte de
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DEL'EMP. AND.'COMN. LlV. I. 277 cruautez durant quelques jours, que
Ton appela pour ce fujet les jours de l'Alcyon , il s'en retourna
dans son Palais, au temps de la naiffan-ce du divin Sauveur. Il
aflîfta aux jeux , & aux cburfes de chevaux , & au commencement du
printemps il amaffa les troupes d'Orient & d'Oc-cident, qui étoient
demeurées fermes dans l'o-beïïTance , au-lieu que d'autres s'étoient
foule-vées ,& marcha vers Nicée.
3♦ Il envoïa, en mêmetemps, Uranascontre les habitans d'Ulubat,qui
avoientfuivi l'exem-ple de la révolte de ceux de Nicée, & de Prufc.
Uranas aïant terminé cette guerre-là, avec au-tant de promtitude que
de bon-heur , vint trou-ver Androniquc , qui fe voïant fortifié par
la jonction de tes troupes , réfolut l'attaque de Nicée.
4. Les habitans ne méprifoient pas feulement l'Empereur en son
abfence -, mais auffi en sa prc*. fence. Leurs portes étoient
fermées ; mais leurs bouches, qui font les portes de l'ame, étoient
ouvertes, pour vomir toute forte d'injures, dont
Androniquefcfentantvivement piqué ,ilfaifoit paroître sur
son vifage le feu de sa colère, ne pouvant retenir au fond de son
cœur le trouble dont il était agité.
5. Cette ville fe vante de la bonté de ses murailles, qui étant de
brique cuite la rendent pref-qu'imprenablc. Elle était alors
défendue par une forte garnifon , par Théodore Cantacu-
Mm iij
17S HISTOIRE
zéne, & par Ifâc l'Ange qui parvint depuis à l'Empire.
6. Andronique fit, durant plusieurs jours, le
tour des murailles, avec auffi peu de fuccés que
s'il eût attaqué cette Babylonc si fameufe, bâtie
autrefois par Sémiramis, ou que s'il eût batu
des rochers & des écueils, & tourné ses armes
contre le ciel. Ceux de dedans fe défendoient
vaillamment, oppofant leurs armes, & leurs ma
chines aux armes & aux machines des affiégeans,
& rcndoicnt inutile l'induftrie que ce vieil Em
pereur affe&oit de faire paroître dans les fiéges.
Etant fortis par une porte fecrete, ils mirent le
feu aux béliers , & rompirent quantité d'armes
& de machines.
7. Andronique voïant qu'il ne réùfliflbit
rien de ses defTeins, fe porta à une inhumanité
dont tous les fieges de l'antiquité n'avoient ja
mais fourni d'exemple. Il envoïa quérir à Con-
ftantinopie, Euphrofyne mère d'Ifac l'Ange ,&
la fit attacher au haut d'un bélier, dont il bat-
toit la muraille. Cétait un fpe&aclc également
digne de larmes, & d'admiration. D'un côté la
cruauté si nouvele, & la colère si furieufe de
l'Empereur, perçoit le cœur de compaflionj & de
l'autre, la genérofité si extraordinaire & la fer
meté si inébranlable de cette Dame,qui fe voïoit
fans mourir de peur, élevée au haut des machi
nes, & qui fefentoit agitée avec des efforts vio-
lens, rempliflbit l'efprit d'étonnement. Jamais
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DE I/EMP. AND. COMN. LIV. I. 179
on n'avoit vu le corps délicat d'une femme de condition, attaché au
bout d'une poutre, au-licu de fer,& d'airain. Lesaffiegez tiroient
du haut de leurs murailles comme auparavant ; mais ils ' tiroient
avec tant de jufteffe , qu'ils tuoient un grand nombre de Romains,
sans toucher à Eu-phrofyne. Ainfi la cruelle invention d'Androni-que
ne fit que lui nuire.
8. Les habitansaïant fait une fortie durant la nuit, brûlèrent les
machines des Romains, en-levèrent Euphrofyne , & aquirent une
réputa-tion immortelle. Depuis cela, non-contens de dire des injures
à Andronique, en l'appelant boucher, chien altéré de fang, infâme
vieillard, mal immortel, pefte du genre humain, Priape plus vieux
queTiton, & que Saturne, ils firent de fréquentes fortics.
p. Il était aifé de juger , par la pâleur d'An-dronique, par ses
regars égarez,par le defordre de sa barbe & de ses cheveux, par
l'écume qui lui fortoit de la bouche, qu'il était agité d'une
fu-rieufecolère. Il tournoit autour des murailles, avec une rage
égale à celle d'une ourfe à laquelle on a enlevé ses petis,
reprochant aux Officiers & aux foldats, avec des cris horribles , la
lâcheté avec laquelle ils s'appliquoient aufiege.
i8o. . : . HISTOIRE
CHAPITRE III.
/. Mort de Théodore CantacuZjene. 2. Jfac ÎAnge refufe le
commandement. 3. Les foldats perdent cœur. 4. UEvéque per-fuade aux
habit ans de si rendre, y. Il les mène à Andronique. 6. Qui feint de
vouloir ufer de clémence 9 & exerce depuis toute forte de cruautés
7. // loué la modération dCIfac ÎAnge*
1. ' I ' Heodore Cantacuzcne , qui était fort JL hardi de son
naturel, & qui était transporté par l'ardeur du fang
quiluiboiiilloit dans les veines , aïant un jour apperçu Andronique
qui faifoitletourdela ville, à la tête d'un cfca-dron de cavalerie,
partit avec les plus vaillans, par la porte quieft du côté d'Orient,
& jetta sa lance contre lui. Mais comme il couroit avec trop de
précipitation, son cheval tomba , & le renverfa par terre. S'étant
froiffé les mufcles du dos, ilfentit de cruelles convulfions, &
de-meura étendu comme mort. A rheure-même, les foldats d'Andronique
lui coupèrent la tête, & lui hachèrent le corps en pièces, pour
fatis-faire à la cruauté de leur maître. La tête fut portée au bout
d'une lance par les rues de Conftan-tinople.
i. Les
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DE L'EMP. AND. COMN. LIV. I. 181
2. Les habitans eurent un fenfîble regret de la perte d'un si
vaillant homme, & d'un si géné-reux xléfenfeur de leur liberté, &
pour la repa-rer ils jetterent les yeux sur Ifac l'Ange
, & lui offrirent le commandement. Mais comme il était un peu lent
de son naturel, & qu'il n'ai-moit pas plus la guerre qu'Enée, & que
d'ailleurs il fongeoit à l'Empire qui lui était deftiné, comme ce
Héros fongeoit à la gloire de ses defeen-dans, il refufa cet
honneur.
3. Les foldats laifTerent bien-tôt rallentir leur ardeur, & fc
rcmpliflant l'efprit des ima-ges les plus afreufes, ils fe
reprefenterent tout ce
?
[ue des affiegez peuvent foufrir de cruel, & de unefte. Puis faifant
reflexion sur l'humeur im-pitoïable d'Andronique , ils
peignirent dans leur imagination toutes les rigueurs aufquelles les
loix de la guerre aflujettifTent une ville prife par force , &
au-lieu que Cenée fut autrefois changé de femme en homme, comme le
prê-tent Ta fable, ils furent changez d'hommes en femmes, &
devinrent si timides & si lâches,
J
u'ils n'étoient pas capables de faire aucune ré-ftance.
4. L'Evêque, quifenommoit Nicolas , con-
fiderant leurdifpofition, & fe portant parledefir
de la gloire, à une réfolution qu'il était obligé
de prendre par neceflité , afTembla le peuple,
& l'exhorta de s'accommoder au temps, & defc
rendre, avant que d'être inonde par un déluge
Tome V. N n
1J1 HISTOIRE
de malheurs, dont il était menacé.
;. Quand il vit que fcs remontrances étoient favorablement écoutées
, il fe revêtit de ses or* nemens, prit le faint Sacrement entre les
mains, & commanda au Clergé & au peuple, de le fui-vre , sans
excepter les femmes, ni les enfans. Us n'omirent rien de ce qui peut
appaifer la colère, ou exciter la clémence. Ils fe mirent en pofture
de fupplians, les mains, les pies, & la tête nue!, avec des branches
d'arbres , au-iieu de leurs armes.
6. Andronique fut si furpris de ce fpe&aclc,
qu'il doutoit de la fidélité de ses yeux ; mais
2
uand il eut reconnu que ce n'était pas uneillu-on, ni un fonge,
au-lieu de déclarer franche-ment ses fentimens, comme un Prince doit
tou-jours faire, il fit femblant de vouloir ufer de clémence , & peu
s'en falut qu'il ne répandît des larmes, dont il y avoit long-temps
qu'il fefavoit fervir, pour déguifer la vérité. Mais quittant
bien-tôt après ce perfonnagedeteâtre, ilfitfen-tir aux plus éminens
en dignité, les effets de sa colère. Il en exila quelques-uns j il
en précipita d'autres du haut des murailles, & fit pendre plu-fieurs
Perfcs hors de la ville.
7. Il loua Ifac l'Ange dé ne s'être pas empor
té en paroles outrageufes , comme Théodore
Cantacuzene, & de l'avoir repris, félon le pré
cepte de l'Evangile > de Pinfolence avec laquelle
ilfaifoit des bleffurcsmortelles, parl'épéc de fa
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DE I/EMP. AND. COMN. LIV. L %fy
langue envenimée. Pourcela,iIluifitdcmagnJU fiqucs promeffcs ,
élevant ainfi , sans y penfer, celui qui le devoit, un jour,
dépouiller de l'Empire ,& de la vie.
CHAPI,TRE IV.
/. <±Andronique afiége Pmfe. 2\ll offre tam-nifiie aux habit ans y
pourvu qu'ils lui livrent les rebelles. 3. Conflemation des
afliegezj. 4. Prife de la ville. /. Cruau-tez* d'jindronique. 6. Il
rentre dans Con-fiantinople, (f y prent le divertijfemeutdes
jpeëtacles.
i. T "Aïant envoïéàConftantinople,il mar-\ jcha versPrufe à la tête
de son armée , & fe campa du côté de midi, parce qu'étant dans une
raie campagne, il fembloit plus aifé à attaquer que les autres, qui
étoient défendus par des rochers, &par des hauteurs.
1. Il jcttadans la ville des lettres attachées à des traits, par
lefquelles il exhorta les habitans à fe rendre, & leur promit une
amniftie générale , pourvu qu'ils lui miffent entre les mains
Théodore 1* Ange, le vagabond Lacane, & l'imprudent Synefius, pour
me fervir defes termes. Il leur fît de preffantes inftances , durant
plusieurs jours, durant lefquels la réfiftance fut,
Nn ij
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*84 HISTOIRE
au-moins \ aufli vigoureufe , & le combat auffi opiniâtre, qu'à
Nicée. Ce quiprocedoit tant de la valeur des affiegez , que de
Paverfion qu'ils avoient d'Andronique, de laquelle, pour dire la
vérité, procedoit la guerre.
3. La ville eft fortifiée par de belles tours, & par une bonne
muraille, qui eft double du côté de midi. Il y eut plusieurs forties
, où plusieurs fuient tuez,décote & d'autre. Mais comme la •
deftinée de cette ville était d'être réduite sous la puifiance de
l'Empereur, & qu'un grand nombre de ses habitans étoient refervez à
de cruels fup-plices , la chute d'une partie d'une muraille fit
croire que la muraille entière était tombée. Dans cette
confternation, oùperfonnen'examinoit la verité,& où la peur avoit
ôté le jugement, les créneaux & les tours furent abandonnées, & les
rues furent remplies d'une foule incroïablc de peuple. 4. Ainiî, les
affiégeans eurent la liberté d'appliquer les échelles, d'ouvrir les
portes, & d'entrer dans la ville. Les maifons furçnt pillées, les
habitans maflacrez, les troupeaux égorgez.
/. Andronique y entra, non comme un Prince qui veut conicrver des
peuples qui lui {ont fournis ., quoi qu'ils (è (oient iouftraits
pour un tempsal'obcïflancc; mais comme un loup entre dans la
bergerie pour déchirer le troupeau, ulant du droit de la guerre avec
la dernière fureur. Il fit crever les yeux à Théodore l*Angc., bien
<ju*il ne fût que dans la fleur de sa jeunelTe. Il le fit
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DE L'EMP. AND.COMN. LlV. I. 18; mettre, cnfuite,fur un âne, que Ton
chaflaau-delà delà frontière ,& peut-être qu'il eut été de-voré par
les bétcs, s'il n'eut été rencontré par des Turcs , qui eurent la
bonté de le recevoir dans leur tente.il fît pendre à('dcs arbres
Léon Sy-nefius,Manuel Lacane, &plusieurs autres, jufl qu'au nombre
de quarante. Il y en en eut à qui il coupa les pies. Il y en eut à
qui il coupa les mains, & d'autres à qui il ne coupa que les doits,
Il y en eut à qui il ne coupa qu'un pié,&d'autres à qui il ne creva
qu'un oeil. Aïantainfi privé l'Empire des plus vaillans hommes qu'il
y eût dans les armées, il alla à Ulubat,oùil exerça de
f
arcillcs cruautez, & où il fit crever les yeux a Evéque, en haine de
ce qu'au-lieu de réprimer les feditieux de son Diocefe, il les avoic
traitez fort humainement.
6. Il s'en retourna, après cela, dans son Palais , fort glorieux
d'avoir érigé de si magnifiques trophées, & d'avoir laiffé les
arbres chargez de corps morts , au-lieu de fruits. H fut reçu à
Conftantinople , aux acclamations du peuple , & paflâ Tété fuivant à
voir les courfes de chevaux y & les fpcâacles du cirque. Un échafauc
aïant un jour écrafé fix perfonnes auprès de son trône, il
voulutïèretirer -y mais ilenfutempèché par fis amis , qui
craignoient que le peuple y qui commençait à s'émouvoir a ne fondit
fut lui. Il attendit donc que les jeux fufïént fi* nis y mais il ne
s'y trouva plus depuis.
Nn iïj
%%$ HISTOIRE
CHAPITRE V.
/. Révolte dlfac. 2. Plainte de Nicétas. j. Inquiétude d Andronique.
i.T Sac fils de la fille d'ifâc Sebaftocrator , qui J_comme nous
avons dit, était frère de Manuel } aïant été pris par les Arméniens
dans un combat, fut referré dans une étroite prifon, d'oii il fut
racheté par les Chevaliers de Jerufalem,& Andronique contribua à sa
rançon, en faveur de Théodore, & de Conftantin Macroducas. Au-lieu
de venir jouir en son païs de la converfation de ses parens, & de
ses amis, il réfolut de s'emparer de l'autorité souveraine
, & emploïa, pour cet effet, l'argent qu'on lui avoit envoie de
Con-ftantinople. Aïant fait voile vers l'Ile de Chypre avec des
troupes confiderables * il fuppofa des lettres, parlefquelles
l'Empereur lui en donnoit le gouvernement, & y furpafla autant
Andronique en cruauté, qu'Andronique avoit furpafle tous les autres.
Quand il crut que sa domination était folidement établie, il exerça
ouvertement toute forte de violences, il inventa de nouveaux
fuppliccs pour tourmenter les innocens , il fe plongea dans les plus
infâmes débauches, il cor-? rompit la fidélité des femmes , & la
pudicité des filles, il ruina les familles les plus puiflantes, &
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DE L'EMP. AND. COMN. LIV. I. 187
enleva le bien de ceux dont il épargna la vie. il réduifît à la
mendicité ceux qui , comme Job , avoient pofTedé de grandes terres,
& d'immenfes richefles.
i. Hélas ! hélas l les impics font hureux sur la terre,
& leurs deflfeins réunifient 1 Vous les avez plantez. Seigneur, &
ils on jettes de profondes racines. Ils ont porté des fruits &
engendré des enfans. Ce font les paroles dont le Prophète Jé-rémie
fc fervoit autrefois pour le plaindre delà profperité des méchans.
Notre temps a produit quantité d'Aconit, quis'érant élevé n'a
ferviqu'a empoifonner les hommes & à dcfoler les villes.
3. Andronicjue fut extrêmement épouvanté de cette révolte , & comme
il s'était toujours
f
jerfuadé .que la première lettre du nom d'Itac ui de voit être
fatale , il appréhenda qu'il ne le vint accabler, & qu'il ne fût
reçu avec joie de tout le peuple. Ain fi, le mal prefent paroitplus
fâcheux,& plus infupportablequclcs autres, & nous nous imaginons
gagner quelque choie, quand nous éloignons pour un peu de temps les
accidens les plus trilles & les plus funeftes*
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z88 HISTOIRE
CHAPITRE VI.
/. çAccufation intentée contre Conftantin Macroducas, ÇJ* contre
Andronique Du-cat* 2. Leur exécution, j. Compafion du peuple. 4.
Eaujfe compapon d Androni-que. /. Exclamation de FHifiorien. 6. Exe*
cution des deux frères.
1. T^T E pouvant fe venger d'un ennemi qui JL^| était éloigne, il
déchargea sa colère sur ceux quiétoient proche de lui,
comme un chien qui mord la pierre, ne pouvant mordre la main qui Ta
jettée, & il aceufa de crime d'Etat Conftantin Macroducas &
Andronique Ducas, qui s'étoient rendus caution de la fidélité d'Ifac
, 6c lui avoient répondu, que quand il feroit en liberté, il
n'entreprendroit rien contre le bien de son fervice. L'union étroite
qu'ils avoient avec lui, ne les put garentir de ce malheur.
Macroducas avoit époulc la fœur de Théodore, avec laquelle nous
avons dit fouvent qu'il avoit entretenu une criminelle habitude.
Pour Ducas, il avoit toujours paru le plus paffiemné partifan de Ces
intérêts, & le plus furieux miniftrede ses violen^ ces, comme s'il
eût été élevé dans l'école de celui qui eft homicide dés le
commencement, & qui fait sa joïc du malheur des hommes. Quand ce
tyran
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DE I/EMP. AND. COMN. LIV. I. 2.891
tyran vôuloit crever les yeux à quelqu'un, il lui diCoit y qu'il le
faloit pendre, & il le reprenoit d'être trop doux.» & de ne favoir
pas proportion-. ner les châtimens. à l'énormité des crimes.
2. Toutes les perfonnes de qualité fe rendis
rent à la Cour, fuivant l'ordre, pour célébrer là
fête de la triomphante Afcenfion du Sauveur.
Mais bien que l'Empereur fût logé hors du Parc
du Philopas, tout le monde s'aflembla dans ce
Parc. On tira , contre l'attente de l'affembiée
Mâcroducas & Ducas de la maifon baffe ou ik
étoienc , & on les mena dehors , comme s'il»
euflent été condamnez. Ils fe tinrent dans"
une pofture fort compofée, & levèrent les yeux
vers l'Empereur, avec un gefte fort raodefte,&
fort convenables à des fupplians. Etienne Agio-
chriftophoritc, que l'on appeloit Antichrjito*'
phorite , pour reprefenter mieux ses mœurs »
parce que c'était le plus impie & le plus impu
dent des miniftres d'Androniquc, prit une pierre
qui lui remplûToit la main, & s'étant mis en
pofture de la jetter contre Mâcroducas, sans en
être retenu par le refpeâ: ni de ses alliances, ni
de son âge, ni de ses emplois,il invita l'affenw
blée à fuivre son exemple 3 menaçant ceux qui
n'en youdroient rien faire,qu'ils feroient lapidez
cux-mêmes* Il n'y eut perfonnç qui ne fût époœ-
vantépar cette menace % Ôc quine jettât, contre
fa propre inclination, des pierres à ces dieux
miferabies. Quand ils. ca eurent été accablez, >
Tome V. O o
i90 H I S T O I R E
ceux à qui cette fonction appartenoit ; les cou-vrirent avec des
couvertures de mulets, & les enlevèrent , comme ils refpiroient
encore. Ils portèrent Ducas au cimetière des Juifs, & Macro-ducas au
haut du rivage, qui eft vis à vis de Man-gane, & les attachèrent a
deux pieux.
3. Les habitans de Conftantinople £entirent une douleur incroïable
de cette cruauté dont le feul récit fait horreur. Ce qui les
tourmentoit plus fenfiblement eft , qu'ils voïoicnt dans le iupplice
de leurs citoïens, une image de celui dont, ils étoient menacez, &
qu'ils fe trouvoient en quelque forte, plus miferables que les morts
; parce que le coup qui avoit terminé leur vie avoit aufli terminé
leur mifere -y au- lieu que l'apprehenfion continuelle les faifoit
languir d'une longue mort. Ce qui paroîtra plus fur-prenant, eft,
que ceux à qui Andronique avoit autrefois été plus favorable,
étoient agitez de cettecrainte,encore plus que les autres, parce
qu'ils avoient une plus grande connoifiance de ion inconftance.
4. Ce que je dirai ici mérite d'être remarqué. Comme quelques-uns
lui demandoient les corps de perfonnes qui avoient été exécutées à
mort* il s'informa s'il y avoit long-temps que l'exécu-tion était
faite , & les bourreaux luy aïant répondu, qu'il n'y avoit pas
beaucoup de temps, il témoigna du regret de leur perte, & ajouta r
en pleurant, quclafevcrité desloix&l'autorité
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DE LEMP. AND. COMN.LIV.I. 191
des Juges l'avoient emporté sur son inclination
particulière.
$. O larmes ! qui partiez autrefois d'un cœur preffé de trifteffe,
comme la pluie part dufein de la nue, & qui étiez d'ordinaire des
marques de douleur , quoi que vous fufliez quelquefois aufli des
marques de joïe ; que vous avez changé dénature dans les yeux
d'Andronique ! Vous y êtes des images funeftes de la palus
infernalc^dont on ne peut le fouvenir sans exécration. De combien de
perfonnes le courant de vos eaux ameres a-t-il éteint les yeux, &
combien en a-t-il précipitez au tombeau ? Voila comment Con-ilantin
Macroducas & Andronique Ducas,furent enlevez du monde, & voila le
fruit qu'ils tirèrent de la faveur d'Andronique.
é. Peu de temps après, il ht pendre les deux
Scbaftiens frères, sur un des bors du détroit que
Ton appelé Pcram&,fous prétexte qu'ils avoiene
attente a sa vie. Et c'était à ces belles expeditioni
qu'il s'occupoit le plus volontiers. _
Ooij
i9i HISTOIRE
CHAPITRE VIL
/. Révolte d'Alexis Comnene. 2. Prife de Duras. 3. Siège de
Theffalonique. 4. Lâ-cheté du Gouverneur. 5. Sac de la ville* 6.
Prophanation des Ëglifes.
1. A Lcxis Comnene , neveu de l'Empereur XJL Manuel, qui avoit été
fonéchanfon, &
2
ui depuis avoit été relégué en Scythie par An-roniquc, vola comme un
dragon en Sicile, avec un certain Maline, natif de Philippique , qui
n'avoitrien deconfidcrable, ni dans sa naifTan-ce , ni dans sa
fortune. Ces. deux hommes ré-pandirent sur leur patrie
le venin qu'ils avoient
produire. Ils parlci Sicile avec de profondes foumiflîons^ & lui
con-feillerent de tourner ses armes contre l'Empire.
2. Il ajouta foi à leurs difeours, parce qu'il les trouva conformes
à ce qui lui avoit été rap-porté par ceux qui avoient vu la Cour
d'An-dronique , & qui avoient fervi dans ses armées, &
à-l'heure-mefinc, il leva des troupes, paffa le détroit, & prit la
ville de Duras.
3. Etant, ensuite, abordé, avec toute sa flotc, au port de
Thcffaloniquc , il reçut les païs d'à-
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DE I/EMP. AND. COMN. LlV. I. ^ lentour à compoCtion , &
aïantaifiégéparmer ôc par terre,cette ville si célèbre , il y entra
peu de jours après, par la faute de David.
4. Ce lâche Gouverneur n'emploïa son et prittqu'à concevoir de la
défiance d'Androni-que, & à fe garentir de ses pièges. Pour cela, il
eût été prêt de le précipiter du haut des rochers, de s'enfevelir
dans les abîmes, & de fe cacher corn-me )onas, dans le ventre d'un
monftrc marin. Il ne fit pourtant rien de toutes ces chofes j mais
étant plus foible qu'une femme, & plus timide qu'un cerf, il fe
contenta de regarder les ennemis , au-lieu de fe mettre en devoir de
les répôuf-fer. Quelque ardeur que la garnifon témoignât défaire des
forties , il l'en empêcha, comme un chaifeur qui retient ses chiens.
On ne le vit jamais sous les armes, & il ne mit non plus le caf-que,
ni la cuiraffe, que les perfonnes délicates qui ont été élevées à
l'ombre.. Il alloit quelquefois paria ville sur un
mulet, avec un manteau, & avec des brodequins brodez d'or jufqu'aux
talons. Pendant que les béliers batoient les murailles, & que les
pierres en tomboient par terre r il fe rioit du bruit que&ifoient
les ruines,& étant placé à l'endroit le plus feur, il difoit à ceux
qui étoient au tour de lui, écoute^ le bruit que fait cette mieih,
appelant ainfî la plus grande des machine?. >
$. Aïnfi , la ville de Theflaloniquc aïant le malheur d'avoir ce
traître pour Chef,&4ictcm-
Oo iij
%9A " HISTOIRE :
poifbnneur pour Médecin , tomba entre les mains de ses ennemis. Sa
prifè fut fuivie des malheurs les plus tragiques. Les maifons furent
abandonnées. Les rués >& les places publiques devinrent un funefte
teâtrc de meurtre & de carnage. Les cavernes les plus profondes
n'étoient pas des retraites afTurées. Les prières les plus humbles,
ni les poftureslesplusfoumifesne fervoient de rien pour fléchir le
vainqueur. Tout pafloit par le tranchant de Tépée, 6c il n'y avoir
que le fang qui
)
>ût éteindre la fureur du foldat.Quand il fauvoit a vie, & qu'il fe
contentoit de prendre le bien, il croïoit faire une grande grâce.
6. Les Eglifes n'étoient plus des afyles , & la protection des
Saints ne fervoit de rien. Les Barbares portoient leur violence
jufqu'aupié des Autels, 6c en prefence des images. Us facrifioknt
les vaincus comme âcs victimes, &n*aïant point de piété pour Dieu,
ils n'avoient garde d'avoir de l'humanité pour les hommes. On
netrouvoitpas si étrange qu'ils enlevaient les vafes facrez, qu on
trouvoit étrange qu'ils brifaffent les images-, 6c qu'ils les
brulaSènt pour cuire leurs viandes. Mais ce qui cft plus criminel,
6c ce que ceux qui ont quelque fentiment de Religion ne pourront
lire (ans horreur, ilsdanferent sur l'Autel, devant
lequel les Anges tremblent, 6c y chantèrent des chanfons impies.
Enfuite, ils Différent en rond dans l'Eglifè, arrofant le pavé de
leur urine. Mais comme ce defordre ne pouvoir toujours durer,
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DE L'EMP. AND. COMN. LIV. I. ±9f
les Chefs furvinrcnt, & réprimèrent l'infolence des foldats. Il y en
eut un, entre les autres, qui étant entré tout-armé dansl'Eglife de
faint Théo-dore martyr, du tombeau duquel coule un baume frécicux,
frappa sur les foldats du plat de fon-pée , & en perça
même quelques-uns de la pointe.
CHAPITRE VIII.
L MiÇere des vaincus. 2. Haine des Italiens contre les Romains* j.
Cruautés, exercées durant la faix.
i.^^E ne fut pas là la fin des calamitez de V^Thcffalonique ; car
bien que la tuerie eut; ceffe le lendemain de la prife,ceux qui
échaperene furent accablez de tant difgracesqu'ils eurent fuj ce
d'envier la condition de ceux qui étoient péris par les armes , &
d'invoquer la mort comme le plus patient de tous les hommes. Bien
que tous les vainqueurs en ufaflcnt envers les vaincut, avec
l'orgueil que la victoire a coutume d'infpircr,*l faut toutefois
avouer , que les Italiens étoient plus infupportablcs que les
autres. Quand ils
E
renoient un Rdmam qui ne portait pas leur abit s & qui ne parloic
pas leur langue , ils le regardoient comme un ennemi de Dieu.qui
devoie boire tout le calice de sa colère, &fe jet-
2.9* HISTOIRE
toicnt sur lui avec la mcfmc irûpetuofité qu'une .
vipère, un lion , & un dragon fe jettent sur la proie.
Leur auaucé ne fe laifle fléchir ni. par les prières, ni par les
larmes. Elle eft fourde à l'harmonie, & aux chanfons, & quand elle
fe laifle-^ rdit charmer pour un temps , elle retourneroit bien-tôt
à son état naturel.
z. Il n'y a point de nation si fujette à la colère que celle là , ni
qui foit animée d'une haine si implacable contre les Romains. Us
comparent nos provinces au Paradis, 6c l'envie dont ils brûlent de
IcspofTpder leur fait rechercher fansccfTc les moïens de nous
perdre. Si la ncceflké du temps les oblige de nous témoigner de
L'amitié, ils con-fervent leur averfion dans le fond du cœur. Il y a
une extrémeantipathic entre-eux &nous, & «po contrariété
d'inclinations, 6cdh moeurs qui nmis fépare comme un vaffce cahos,
lors mcfmc que nous femblons les pkis proche». Ils ont un port fier,
& une démarche infolcnce , 6c ils mepri-fent notre modeftie comme
uac haffcfTc. Nous ne laiffons pas de fouler aux pies leur fafte ,
6c leur orgueil, appuïcz que noua fommes de la fainte parole qui
dorme la force de marcher rur les feorpions, & sur les
ferpeas. Voila comment l'armée de Sicile commit dans
Theffaloaiqueie* drfûrdws que je viens de décrire^ Elle commença
lefiegelc fixiéme du mois df Août, o> la troifîé-me Indé&ion,
enTannéc-fix milieux cens quarre-vints treizième > 6c l'acheva le
quinzième du
mcfmc
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DE L'EMP. AND. COMN. LIV. I. 1*7
mcfme mois sans fouffrir aucune perte.
3. Ce ne fut pas feulement durant la fureur de la guerre que les
ThcfTaloniciens reflentirent ces rigoureux traitemens, ils les
fouffrirent après le combat, & au milieu de la paix. Ils ne furent
pas feulement châtiez de leurs maifons, & pri-vez de Jeurs biens. Us
furent dépouillez de leurs habits, & réduits à une si extrême
nudité, qu'il ne leurreftoit pas une chemifepour couvrir les parties
que la nature ne peut montrer sans pu-deur. Ilsmendioientdans les
rues, pendant que les barbares faifoicnt bonne chèreaeleur bien, &
après avoir été autrefois magnifiquement lo-gez , & fuperbement
vêtus , ils n'avoient plus d'autre couverture que le ciel, ni
d'autre lit que la. terre. S'ilsofoient regarder la porte de leurs
mai-fons, on les tràînoit dedans, 6con leur donnoit pluficurs coups
pour leur faire dire en quel en-droit ils y avoient caché leur
argent. Ceux qui montroient ce qu'ils avoient caché, étoient bat-tus
avec plus de violence , sous prétexte qu'ils n'avoient pas tout
découvert. Ceux qui ne dé-couvraient point d'argent caché, &
quidifbient qu'ils n'étoient venus que pour voir la maifon qu'ils
avoient eue par fucceffion » ou qu'ils a voient aquife par leur
travail, n'en étoient pas traitez avec moins de rigueur. Tantôt on
les
Î
>endoit parles pies, 6V on leur brûloit delapait-
c au nez pour les étoufer. Tantôt on leur met-
toit des excrémens dans la bouche. D'autres
Tome F. P p
*9* HISTOIRE
fois on leur piquoit les cotez avec des pointes de fer. D'autres
fois on les tralnoit par les pies, & onlesjettoic furlepavë.
CHAPITRE IX.
/• Infolence des Siciliens. 2. Leur impieté. $. Dieu à pitié de son
peuple. 4. Eloge dEufiate Archevêque de îhejjalonique.
1. C^ I les Siciliens exerçoient ces cruautezcon-yj tre ceux qui
avoient la curiofitc de vifitcr leurs maifons, peut-être qu'ils en
ufoicnt autrement envers ceux qui les évitoient comme le labyrinte
de Candie, comme la prifonde Lacé-démorie , ou comme la porte de
l'enfer. Point du tout. Ces hommes plus farouches que les bêtes ne
connoiflbient point la clémence. Les chiens ne mordent point ceux
qui fe jettent à terre, & ils ceffent même d'aboïer contre-eux. Mais
ces impitoïables ennemis n'avoient point decompaffion pour ceux
qu'ils avoient vaincus, & de qui ils mangeoient le bien avec des
femmes débauchécs,pour îefquellcs ils avoient une si folle paflion
que de foufrir qu'elles leur donnaffent desfouflets, eux, dis-jc,
qui fetenoient si vail-lans qu'ils menaçoient de s'emparer de
l'Empire comme d'un nid abandonné , ou de l'enlever comme un œuf.
Quand ils voïoient pafler un
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DE I/EMP. AND. COMN. LIV. I. 199
Romain qui avoit le vifage pale, ou le ventre enflé pour avoir mangé
des fruits, ou des légumes qu'il avoit cueuillis avec crainte, &
avec danger, ils éclatoient de rire, ôc infultoient à la miferc dont
ils étoient les auteurs. Quand ils en rencon-traient qui n'avoient
que des bonnets de paille, &que de méchans habits, ils leur
prenoient la barbe & les cheveux, à deux mains, & difoient, qu'il
faloit les leur couper de la manière qu'ils les portoient.
Quelquefois étant à chcval,ilspre^-noicnt plaifir à pouffer les
Romains avec le bout de leurs lances, & à les jetter dans la boue,
comme s'ils euffent trouvé mauvais qu'ils marchaflent dans le même
chemin qu'eux. S'ils les trou voient qui mangeaffent du pain bis, ou
quelque autre nourriture fort commune , pour foutenir leur vie, ils
renverfoient la table & le plat, ne pou-vant leur permettre de
manger en repos un pain de douleur, & de boire une eau de trifteflè.
Quelquefois, levant leurs habits par derrière, ils inféchoient les
viandes par le vent qui for toit de leurs entrailles. D'autrefois,
ils jettoient leurs excrémens , avec une farbatane, sur
la table & sur le vifage de ceux qui y étoient aflîs.
Ils pif-foient dans les puis , dans les bouteilles & dans les
verres.
2. Ilsavoient si peu de rcfpeâ: pour les pre-miers Miniftrcs de
l'Eglife, qui ont été mis au nombre des Saints , & pour les miracles
dont Dieu les honore après Içur mort, qu'ils propha-»'
ppij
joo HISTOIRE
nerentlc baume qui coule du tombeau de fainr Démétrius martyr, en le
menant dans des fauf-fes, en le verfant sur leurs
fouliez, & l'emploïant à d'autres ufages fcmblables. Cependant,
cette divine liqueur encouloit avec plus d'abondance, co mme d'une
vive fourec, & comme d*un abîme inê puifable;deforte qu'ils s
étonnoient eux-mef-mes de cette riche profulîon de grâces. Quand les
R omains entroient dans les Eglifes , pour y chanter les louanges de
Dieu, uWyétoientpas exemts de l'infolence des foldats ; qui y
entroient avec-eux, & qui,au-lieu de prier Dieu comme eux, y exci
toient des clameurs confufes, & y fai-foicntde figrands delordres y
qu'il fembloit que les fidèles publiaient les grandeurs du Seigneur
dans une terre étrangère. Quelques-uns élevant leur voix au-deffus
de celle des Chrétiens, & heurlant comme des bétes , entonnoicnt des
chanfons impudiques , & étoufoient les Hymnes au-milieu de ce
tumulte plein dlnfolencc y & d'impiété. Voila une légère image des
maux quelcsTheualoniciens fouffrirent après la prife deleurville ,
dont d'autres écrivains ©ntfait une defeription plus exacte dans des
ouvrages com-pofez exprés.
5. Lorfque celui qui habite dans le ciel jetta ksycutxfurla
terre,&qu'il vit que parmi ces fu-perbesvainqueurs, il n'y en avoit
pas-un quinc fc fût éloigné du chemin de la vertu, il fc réfo-lut de
les confondre x & demies écrafcr dans ÙL
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DE L'EMP. AND. COMN. LIV. I. 301
colère. Il eut, en même-tcmps, pitié de son peuple, & bien-loin de
méprifer sa baflefle, il voulut le remettre en liberté. Terminant
donc toutes ces difgraces en faveur de ses élus, il fit ref-fentir
aux Siciliens les maux dont il avoit autrefois menacé les habitansde
Babylone,pour avoir emmené les enfans de Jerufâlem en captivité.
Ainfi, sa mifericorde, qui avoit, sans doute, été attirée par les
mentes des faints Martyrs, & par les prières de l'Archevêque de
Theflaloni-que, fut alors plus glorifiée que jamais.
4. Cet Archevêque était le célèbre Euftate , si connu par ses
grandes qualitez, qui le rele-voienc il fort au-defius des autres,
par sa pru-dence, par son habileté dans les affaires, par son
érudition , par son éloquence. Il aima mieux foufrir avec son cher
troupeau , que d'imiter ces lâches mercenaires , qui s'enfuient
lorfqu'ils voient arriver les loups. S'étant enfermé dans la ville ,
comme dans une prifon volontaire, il fup-portalcs
incommoditezduficffe avec une invin-cible confiance â & il exhorta
Te peuple à (bufrir avec une patience chrétienne ces cnâtimens de la
bonté paternelle, qui fe dévoient changer en remèdes iâlutaires.
Quoi que Dieu frappe fouvent, leur difoit-il, il guérit encore plus
fouvent qu'il ne frappe, pourvu qwon reçoive Je s coups avec aSlions
de grâces t au-lieu de les recevoir avec murmure, gr que l'on adore
les ordres de sa providence, au-lieu de les accu fer. Il alloit
quelquefois trouver les Com-
Pp iiy
joi HISTOIRE
mandans des Siciliens, & leur parloit avec tant d'adreffe , qu'il
obtenoit d'eux le foulagement de ses peuples. Aufli avoit-il une
éloquence ca-pable aamolir la dureté des rochers, &une prc-fencc qui
imprimoit un si grand refpe& aux étrangers, qu'ils fe lcvoient pour
le recevoir, qu'ils l'écoutoient avec attention, & qu'ils lui
ac-cordoient la plupart de ses demandes. Bien qu'ils s'élevaient
quelquefois jufques dans les nues , comme des oifeaux de proie 3 &
qu'ils menaçaient de tranfporter les Romains en Sicile, il aifuroit
les Romains contre la crainte de ces menaces, ffc adouciffoit
l'aigreur des vain* queurs , comme Moïfe adoucit autrefois
l'amertume du fleuve des Amonéens. Nous dirons en son lieu de quelle
manière ils furent délivrez de cette fervitude ; mais maintenant
repre» nons U fuite de l'hiftoire d'Androniquc,
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DE L'EMP. AND. COMR LlV. I. JÔJ
CHAPITRE X.
/. sAndronique fait Crever les jeux à Alexis. 2* Il chajfe sa femme
de la Cour. 3. Juge-ment sur la conduite de ceux qui a<v
oient approuvé son mariage. 4.. Cruautez» exercées contre les
domeftiquesd Alexis. j. Exe-cution de Mamalc> qui efl brûlé vif. 6.
Exclamation de ïHiftorien.
i. \ Prés qu'il eut fait pendre les deux Se-,/T^baftiens ..pour
avoir confeillé à Alexis d'attenter à sa vie, il fit crever les yeux
à Alexis, & le relégua à Chelé, ville affife à l'embouchure du pont,
& l'enferma dans une tour qui fut bâ«* tie exprés. Cet Alexis était
fils naturel de Manuel , & avoit époufe Irène , fille naturelle
d'Andronique.
x. Son père la chaffa de la Cour, pour avoir pleuré la difgrace de
son mari, & pour avoir témoigné sa douleur, en changeant d'habit
contre ladéfcnfe qu'il lui en avoit faite, sous peine d'encourir son
indignation.
3. C'eft ainfi que fut rompu cet admirable mariage , qui avoit été
tant vanté par ces fia-teurs exécrables, & par ces Juges corrompus,
qui ont foin de paffer ce qu'ils boivent, de peur
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J04 HISTOIRE
d'avaler un moucheron , 6c qui avalent un cha-meau. Ce mariage,
dis-je, par lequel ils avoient Jmblié que les deux Empires feroient
réunis, que 'Orient feroit reconcilié avec l'Occident, que les
haines les plus invétérées feroient abolies, que les épées feroient
changées en focs de charuë, que les villes fleuriroient, que les
campagnes dc-viendroient fertiles, que les briffons porteroient des
fruits. Ainfi, ces vendeurs de paroles voulant paroître fages , font
devenus fous, & voulant lavoir l'avenir, n'ont pas feulement vu ce
quiétait à leurs pies, fuivant cette imprécation du Prophète, Qu'en
votant ils ne voient pas , (? qu'en écoutant, ils n'entendent pas.
Ils voïoient clairement, 6c ils favoient certainement qu'ils
n'avançoient que des paroles de mort, qu'ils ai-guifoient leurs dens
pour en faire des armes 6c des traits, que leur langue vénale
flatoit lespaf-fîonsinjuftesdes Grans,& qu'ellen'approuvoit que le
mal.
4. Alexis ne fut pas le feul sur qni Androni-
que exerça alors sa cruauté. Il fe faiiîtde Ces do-
meftiques , 6c fit crever les yeux au plus grand
nombre. Mais il referva un Secrétaire nommé
Mamale, pour être mangé le dernier, avec un ap
pareil digne de la table des furies.
5. Pour apréter ce feftin, on alluma, dans
l'Hippodrome, un feu à-peu-prés femblableà
celui oùNabucodonofor fît autrefois jetter fept
-fois plus de Naphte 6c de Provenche, que de
■ coutume
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DE L'EMP. AND. COMN. LIV. I. ^5
coutume. On amena ,cnfuite, cemiferable,auuï nudque quand il fortit
du ventre de sa merc. Les bourreaux le poufToient avec des pieux 5
mais comme ilétaitjeune, $c qu'il defiroic de fauver sa vie, il fc
retiroit, & aimoit mieux s'expofer aux coups des pieux, qu'à
l'activité des fiâmes. Queîquefois,aprés avoir été jette dans le
bûcher, il en fortoit avec la même vite/Te, qu'un traitj ce qui
tiroit des larmes des yeux des aififtans. Enfin , étant fatigué, il
tomba à la renverfe, & à Fheure-même,le feule dévora, & remplit
l'a.ir d'une odeur fort dcfagréable.
6. Cruel bûcher ! offrande , victime, holo-
caufte digne des furies ! facrifice dont l'odeur
déplaît à Dieu, & ne plaît qu'aux démons , &
à Androniquc ! Cet impitoïable tyran aïantoiii
dire , que les anciens appaifoient la colère de
leurs Dieux par le fang des animaux , a voulu
enchérir sur leur barbarie, en immolant des hom
mes , contre les loix du Chriftianifme, qui enfei-
gnent, qu'une ame vaut mieux que le monde.
Le violent Çambyfc, le furieux Tarquin, le fa
rouche Echcte, le brutal Phalaris, ont-ils jamais
rien fait de ferriblable ? Les Taurofcythes , qui
immolent les étrangers, & qui ont communiqué
leurs mœurs à Andronique, pendant qu'il a vécu
avec eux, fe font-ils jamais portez à une si étran
ge inhumanité ? Pour faire croire qu'il n*avoit
pas ordonne cet horrible fupplicefans un légkU
me fondement, iL fit brûler, avec Mamale, ccr-
Tome V. Qq
;o6 Hl.ST.OUH
cains livres qui conrcnoient la lifte des Empereurs qui dévoient
régner à l'avenir ,& qu'il l'accufoit d'avoir lus à Alexis pour
exciter Ton ambition, & pour échaufetfon courage.
CHAPITRE XL
/. %éndronique fait emprifirmer Difypate, (fmédit( de le faire rôtir
vif. 2. Dijypate prie Dieu dansfaprifon. s* Cruauté dAn-drortique
envers fis meilleurs amis» Çffis plus fidèlesferuiteuf*.
1. Ti Ien-lpin de fc repentir 4e cescruautez, & il de fe difpofer à
s'en abftenir, il fit empri-fonner George Difypate Lecteur de la
grande Eglife, sous prétexte qu'il blâmoit fà trop grande
rigueur,&l'e(itcnvoïétout.rpti à.fa femme, (je ne fai sur
quel plat, parce que ce Difypate était fort gros, & fort gras, ) si
Léon Monafte-riotc son beauperc, qu'il appeloit la langue du Sénat,
ne l'en eût détourné, & si la renommée qui avoit publié là prife. de
Duras > & le fiége de Theflalonique, n'eut un peu modéré sa
violence.
a. Cependant, È>ifypate levait les mains au ÇieJ,& difoit ces
paroles de David, Délivrez-moi de cette frifon , Seitncmr, afin que
je. lotie votre nom. Quelqujcfoûii ditait avec Jouas : tleverxM-jamm
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DE L'EMP. AND, COMN. LlV. I. 307 iïotrcfitmt Trafic f Ou bien ,
ëffaccç-moi, StU gKur,dela mémoire d'jfndronicpie ,<&< au*il ncfong
jamais à moi tjufyià ce cju'ilfoit effacé mUmtfme du nombre des
vivons; Dieu écouta Ta prière > 6c le mit en liberté
,Jorfqu'^ndr*niqUe fut fort! du monde.
3. Il & voir de quelle manière il récompen-foit fc* plus
fidele&lcrvwrcuis, lorsqu'il ordonna de si rigoureux fupplices
contre Gotoftantih Ma* croducas, qu'il avoit élevé à la dignité
d'Hyper» febafte , 6c contre Androniquc Ducas , quil avoit adopté ,
6c lorfqu'il fît crever les yeux à Conftantin Tripfyque, le
Miniftcele pius'paf-fionné de ses violences , qui ne cédoit a nul
au* tre en zèle pour Tes intérêts, & qui auroit remporté sans peine
la victoire: dans:ce combat ,.fi Etienne
Agiochriftophoriteneluieneût difpu-té la gloire, & n'eût couru
avecluidans lamcfme lice. Il le punit de la forte, pour une fauce
léi géwq»*iide^okpa^orww»5*un hommc'à qqi il avoit porté tarit
d'affection , 6c de qui il en avoit tant reçu. Mais parce que sous
son régne on. avoit rendu comte des paroles inutiles, 6c que
Tripfyque avoit été le principal infiniment de ces cruelles
recherches, il fut mefuré à la mefmc mefuré à laquelle il avoit
mefuré les autres, il tomba dans la foffe qu'il avQitcrcu-féc, &
roula sur foi la pierre qu'il avoit roulée sur
les autres. Quelqu'un aïant rapporté à An-dronique, que Tripfyque,
qu'il avoit comblé
Qq y
308 HISTOIRE
<fo bienfaits , fe plaignoit de lui , comme'te reftedcfes fujcts; il
en eut de la douleur. Alors, lç dénonciateur voïant qu'il faloit
irriter davan*. tage sa colère, afin qu'étant émue comme une mer,
elle engloutit Triptyque y comrhe la mer rouge engloutit autrefois
les Egyptiens $ il ajou-ta , Trifjycjue aecufejean vôtre fis, les
délices de lEm-fire. , de conffnrtr contre vous >& de vouloir
monter* dVant le temps far U trône. Un jour qu'il paflbit, il
l'appela Zinziphize, par mépris, & s'écria, que l'Etat, était bien
malnureux de devoir être gou-yerrié par un tel Prince. Zinziphize
était un homme fort mai-fait, & fort ridicule,qui était
con-tinuellement dans l'Hippodrome, où il faifoit ri-xclc peuple.
Andronique étant alors tranfporté de fureur ,coîififqua le bien de
Triptyque, le fit arrêter, A: lui fit crever les yeux. Voila où fc
termina sa faveur, 6c comment il accomplit en si personne cet
paroles de Salomon, Ily* un chemin ipt fnroh droit i tkmme, mm sa
fin domit s la mort.
* i
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jo9
HISTOIRE
DE L'EMPEREUR
ANDRONIOUE
C O M N E N E-
Ecrite par Nicetas. LIVRE SECOND.
CHAPITRE PREMIER.
/. Les Siciliens divifintleur armée en trois* 2. Andronique manie
ai* Gouverneur de T^hejfahnique de si bien défendre, j. Il donne fis
troupes à divers Commandans. 4. Négligence de ces Commandans. f.
Oi-Jfoetéde larmée Romaine. 6. Vaines imaginations de ïarmée
Romaine.
i.^^Ependànt, l'armée des Siciliens futdivi-
\^jfcc en trois, dont une partie demeura à
Theflaloniquc , une autre alla faire le degâc *
Q
*« • q llj
3io HISTOIRE
Serres & aux environs, & la jderniere marchant dans un chemin
découvert, sans rencontrer d'en- -nemis,fe campa à Mofynoplc, &
réduifit à son obeïflanceles lieux d'alentour. Le premier foin
Î
[ueprit.Androniqueïut , d'envoïer une garni-on a Duras ; mais
aufïi-tôt qu'Uranas , qui en é toit Gouverneur, y fut arrivé , les
Italiens fur-vinrentinopinément, plus vite que le vent, fe faifireht
de lui, A: Pcnjroïcrcnt en Sicile,
i. Andronique manda à David Gouverneur de Theflaloriique, de veiller
i la conferva tion de la placc,& bien-loin de redouter les Italiens,
qui n'avoient point de chauffes, de fauter sur eux, de
les mordre & deles piquer. Ce font ses propres paroles , donc j e
croi qu'il n'y avoit que lui qui fût le fens. Ceux quifeplaifoient à
railler, ydonnoient une explication qui n'eft pas honnête, & que je
n'ai garde de rapporter.
3. Aïant, eniuite, amafTé toutes les troupes, tant d'Orient que
d'Occident, & les aïant divi-féeseriplusieurs bandes, il en donna
une à Jean son fils, qu'il avoit déiîgné son fucceffeur j une autre
à ChumneCartulairejunc autre à Andronique Paleologuej & une
autre,en£n,a l'Eunuque Nicéphorc Paracemomene. Outre cela, il don-na
un petit corps féparé à Alexis Uranas.
4. Au refte, Jean son fils prenoit le divertif-fement4c la chalTe
aux environs de Philippe pôle^ ne fongc&ic non-plus au fiege
dcThcffa-tpniqus, qu'au* .colonnes d'Hercule. Les autres
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DEI/EMP. AND. COMN. LIV. IL 311
Chefs fie s'en ofant appcocber fe contentèrent d'envoïer des efpions
qui entrèrent dans le camp des Siciliens, & qui découvrirent l'état
du fiége. Il n'y eut que Théodore Chumne qui effaïa de fecourirles
affiegez,qui avoient fait une fortie, & d'entrer lui-même dans k
ville «, mais fesfol-dats tournèrent lâchement le dos, {ans ofer
feulement regarder les ennemis.
5. Après que cette ville si célèbre eût été prife,
&que l'armée des Siciliens, que Ton croïoitaufE
inféparable que la chymere, fe fut féparée en
trois bandes, comme je viens de le dire, la plus
puiffantemarcha.commeunlion, vers Conftan-
tinople j l'autre fit le dégât aux environs de Ser
res j&d'Amphipole 5 & la dernière demeura fur
k note, à la garde de ThcfTalonique, comme un
fèrpcnt qui Te roule dans, les eaux. Bien que les
Romains euflent affcmblé toutes leurs forces ils
n'oferent paroître à la campagne, ni attaquer au-*
cunc partie de cette armée 5 ainfi , les Siciliens
crurent devoir aller albeger Conftahtinople.
6. Ils étoieht animez à cette entreprife par
Alexis Comnenc, quiaïant pris parti parmi-eux,
fans y avoir de commandement, & qui s'étanc
rempli l'efprit de vaines prétentions* témoignoic
déjà autant de fierté que s'il eût eu la couronne
fur la tête, &fcvantoit,enpréfencc des étran
gers , que les habitans de Conftantinoplé n'a-
voient pas moins dedefir de vivre sous sa domi
nation , qu'ils avoient eu autrefois de joïe de
jn - HISTOIRE
vivre sous celle de Manuel son oncle , & qu'ils attendoient sa venue
avec une extrême impa-tience.
CHAPITRE II.
/. oAndronique pourvoit à la fureté de Con-fkantinople. 2. Il tâche
de faire accroire que les ennemis navoient Pas remporté grand
avantage. 3. Il fe Plonge dans la débauche. 4. Il continue' a fe
rendre in-fupportable par sa cruauté.
1. A Ndronique vifitoit, cependant, les mu~ jfiLrailles, &faifoit
reparer les ruines que le temps y avôit caufées. Ses ordres furent
ponctuellement exécutez.Les maifons qui touchoient aux murailles, &
par où il était aifé d'entrer, furent démolies. On tint au port
centvauTeaux prêts à faire voile en cas de neceflité, foitpour
porter du fecours aux villes amégées , pu pour s'aflurer du Golphc
qui baigne comme un fleuve le rivage de Blaquérnes. Apres cela, il
ferepofa, comme aïantfuffifamment pourvu à ce qui étoic necefTaire
pour repouffer les ennemis.
x. Mai6quandilrecutlanouveledelaprifede Theflaloniquc, il commanda
d'arrêter les parens de David, qui en était Gouverneur, & fit un
dif-cours pour perfuader que la perte n'en était pas
fi
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DE L'EMP. AND. COMNU LIV. I. ^
3
fi considérable qu'elle paroiflbit, de J pour moiv-trer que de tout
temps on avoit pris des villes, & que le fort des armes avoit
toujours été fujet au changement. Mais comme la renommée ré-pandoit
perpétuellement de fâcheux bruits, tantôt qu'Amphipole était perdue
, tantôt que la campagnç d'alentour était ravagée , tantôt ue les
ennemis étoient arrivez à Mofynople, tâchoitd'en affoiblir la
créance, en menaçant de prendre les Siciliens, comme les chafTeurs
prennent dans leurs filets un fanglier qu'il* trouvent feul, & en
affurant qu'il les attireroit dans un piège qu'ils ne voïoient pas ,
& leur feroit porter la peine de leur témérité; Mais ces
dif-coursneprocédoient qucde l'égarement d'un et prit quis'oppofoit
manïfeftemcnt à la vérité, & qui s'cfforçoit vainement de cacher au
peuple la maladie de l'Etat ; au-lieu de fonger féricufement à y
appliquer le remède. Quelque paffion qu'il eût de régner, & quelque
violence qu'il eût exercée pour fe maintenir sur le
trône , il pa-roiflbit infenfible 3 au-milieu des dangers qui
jettoient tous les autres dans le defefpoir, ècil fupportoit la
calamité publique , avec une in-différence de Philofophc, comme si
ce n'eût été qu'une mifére étrangère.
3. Il feretiroitfouventdans. des lieux folitai-
res, dans des vallées, & dans des forêts, où l'air
étaitfort tempéré, & où il était fuivi par quan
tité de femmes, comme un coq par des poules,
Tome V. Rr
:i4 HISTOIRE
comme un bouc par âcs chèvres, comme Bac-chus par les Tyades,& par
les Menades,bien qu'il neJfût pas, comme lui vêtu de rouge, ni
couvert de la peau d'un faon. Ilpaflbit des jours entiers plongé
dans la débauche, comme Sardanapa-le, qui fit graver sur
son tombeau, que de tous les biens, il ne lui reftoit que les
plaifirs qu'il avoitgoûtez. Il était de laSc&ed'£picure,&de
Chryfippe, & il eut volontiers imité Hercule, qui coucha, en une
nuit, avec les cinquante filles de Thyefte ; mais comme ce Héros
implora le fc-cours de Jolatis contre l'Hydre dont les tctes
re-naiffoient inceifamment, Andronique eut re-cours à l'artifice,
pour fe fortifier les nerfs , & fè frota d'un certain baume, pour
augmenter sa vi-gueur. Il mangea auifi d'un poifTon nommé Sein-gue,
qui fè prent dans le Nil, qui refTcmble js& crocodile, & que Ton
croit propre à provoquer au plaifir.
4. Quand il s*cnfermoit dans son Palais, & qu'il s'éloignoit du
bruit, il fe faifoit entourer par une foule de Gardes étrangères
quin'enten-doient pas notre langue. Outre ses Gardes, il avoit dans
sa chambre, un chien d'une prodi-gicufe groffeur, qui fe battoit
contre des lions, Se qui jettoit à terre un Cavalier *out-armé.
Comme les Gardes couchoient loin de l'appar-tement d'Andronique, le
chien était lié a la porte , & au moindre bruit, il aboïoit avec une
voix cffroïable* Il fc jouoit ainfi de la /implicite des
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DE L'EMP. AND. COMN. LIV. IL 3IJ
habicans > & fe railloic des fournirions qu'ils lui rendoienc j mais
il ne sa voie pas qu'ils le dépoiiil^ leroienc un jour de l'Empire.
Il attachait aux porecs de la place publique le pois des cerfs qu'il
. avoir pris,moins pour faire montre de la gr$adeuc de ces bêtes,
que pour fe railler des femmes dont il avoicabuie. Lorfqu'ilquittoit
les délices delà Propontide pour revenir à la ville,ce jour-là étoi*
appréhendé comme un jour facal» dans la/Tu* rance que l'on avoic
qu'il ne revenoit que pour fa-crifier quelqu'un à sa colère. Comme
ledcfir de répandre le fàng étoic la plus violente de ses paf. fions
, il croïoic avoir perdu le jour, quand il n'avoir faic mourir
perionne. C'eft pourquoi on ne vivoic, sous son régne, que dans
l'inquiétude & danslathftefTe>& la nuic mêmen'y donnoic aucun repos
, parce que le fommeil était troublé parles images affreuies, &
parles phancômes hideux de ceux qu'il avoitmalfacrcz. On voïoic dés
lors l'accomplifiemenc de "ce que le Sauveur a die devoir arriver à
la fin du monde, que de deux qui feroient couchez dans le même lit,
l'un feroit pris & l'autre laifle. La foibletfe des femmes,
nilerefpe&de leur fexe, nelesexemcé-ront pas de sa cruauté. Il y en
eue qui iiirent traînées devant les Juges, enfermées en d'étroites
prifôns, où elles fouffirirenc lafatm, & toute forte d'incommoditçz,
àc elles furent condamnées à perdre les yeux , & à d'autres
fupplices plus cruels. Le père négiigeoit alors fès encans* les
3i6 HISTOIRE
enfans méprifoient le père. De cinq perfonnes quicompofoient une
famille, il y en avoit trois qui Tedéclaroient contre les deux
autres. Quelques-uns s'enfuirent hors de l'Empire, pour éviter sa
colère, comme le feu de Sodome ; mais étant revenus en leurs maifons
pour quelque intérêt, ils ne furent pas changez en fbtuë de fel,
comme la femme de Lot -, mais ils y périrent en différentes
manières.
CHAFITRE III.
/. Bonnes qualités £ Andronique. 2. II em-pêche les conçu fions. 3.
Il donne les Charges gratuitement. 4. Il rétablit- l'abondance dans
les provinces* j. Il fait un grave difeours contre ceux qui
senrichiffoient du débris des naufrages.
1. l^Icn qu'Andronique fut si fujet à la colc* lBrc -y qu'il fît son
divertuTement de la mife-xe des antres, & qu'il ne fongeât qu'à
affermir pat lefang les fondemensde sa puiflanee, & à affu-rer à ses
enfans lafucceffion de l'Empire j.il faut avouer, néanmoins, qu'il
avoit de fort bonnes .quahtez, qui étoknt comme les Antidotes que
l'on tire de la chair des vipères , comme les rofo que l'on
cueiiillc sur les épines , comme les ali-mens que l'on
prépare aux corneilles avec Thct
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DE L EMP. AND. COMN. LIV. II. $i7
lebore , & l'aconit. Il affiftoit volontiers ceux qui av oient
befoin de ses liberalitez , pourvu qu'il cfperât qu'en d'autres
occafions ils ne s'op-poferoient pas à ses injuftices,
x. Il reprima avec une telle vigueur la rapa-cité des Grans, que
plusieurs provinces fc réta-blirent , & fe repeuplèrent sous son
régne $ si bien que , félon la parole du Prophète chacun fe repofoit
à l'ombre de ses arbres , &vivoit des fruits de (es terres, sans
appréhender la violence des partifans. Quand on a voit paie à Celar
ce qui lui était dû , on était aflurc qu'il ne le de-manderait pas
une féconde fois. Le nom d'An-dronique était la terreur de ceux qui
recevoient les impôts, & il ne faloit que le prononcer, pour mettre
en fuite ceux qui exigeoient plus qu'il n'était ordonné , & pour
engourdir ces mains qui étoient autrefois si promtes à ravir le bien
d'autrui.
3. Lorfqu'il envoïoit des Officiers dans les provinces, il leur
donnoit des gages fort confi-de râbles, & les avcrtiflbitde la
rigueur des peines qu'ils encourroient s'ils faiioient des conçu
fiions. Bien-loin de vendre les Charges, ou d'en recevoir des
prefens, il les donnoit gratuite-ment , & avec choix.
4. Ainfi, plusieurs qui avoient été comme enfevelis sous les
malheurs du temps précédent» fe réveillèrent au commencement de son
régn^ comme au son de la trompette d'un Arcange,
Rr iij
3i3 HISTOIRE
&les oflfemens répandus deçà & delà, fè rafTem-blérent, félon la
vifion d'Ezechiel, & reprirent leur place naturelle. Plufieurs
villes recouvre* rent en peu de temps leur ancien luftre, & leur
[
>remiere fplendeur. S'il eft permis d'emploïcr es expreffions des
Pfeaumes,cet Empereur changea un defert en étang, & fit couler des
ruuTeaux d'eau vive sur une terre qui était auparavant
toute féche. Il augmenta les revenus de l'Empire, en retranchant les
voleries des traitans. Il y avoir autrefois parmi les Romains , une
coutume fortinjufle, quin'était point en ufage parmi les autres
peuples ; c'cft que quand un vaif-feau faifoit naufrage à leurs
côtes, il y trouvoit des hommes plus perfides & plus impitoïables
que la mer, qui prenoient tout ce que la tempête y avoit laiffé.
Andronique fit tous ses efforts pour abolir cçtinfâme brigandage, ce
qui fuffit pour lui aquerirunc réputation immortelle. Les principaux
duconfeil croïoicnt qu'un mal auffi invétéré que celui-là , était
sans remède , &c ils defcfperoicnt d'arrêter le cours d'un defordre
qui jufqu'alors avoit triomphé de l'autorité des loix.
j. Mais Andronique les aTant regardez d'un œil fé vére, leur dit :
// riy a point daéuséjue les Em-fereurs nefiient capables de
reformer ,m de corruption dont la maligniténe cèdeà la grandeur
dtleurpuijfam*. Ceux epti m'ont précédé, n'ont été que desfiupides,
eu 0*ils ont eê de l'ejprh, ils ri ont pas agi de bonne foi, #»
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PE L'EMP. AND. COMN. LIV. II. JI?
n ont pas voulu ferleufcment oter k defordre dont nous parlons.
Au-lieu d'écrire sur le fable , & furie courant des
eaux, des loix contre ces hommes plus durs que lu rochers, e*r que
les écueils , ilfaloit emploler contre-* eux têpée qu'ils ne
dévoient pas porter en vain. Mali n'agiffant quefoiblcment contre
ces violences, ils les ont autonjecs. Vous qui êtes unis de paretité
avec moi , ou qui avex. mérite mon affection par vos fervices, je
vous prie d'écouter avec attention ce que jfai à dire , &* de vous
affurerque ce que je dirai ne fera pas emporté par le vent ,& que
ceux qui manqueront d]y obéir refjcntiront la effets de ma colère.
Je prettns reformer abfolument tous lesdefordres ; maisjefouhaite3
fur-tout , que ceux qui font accoutume^ à vivre de brigandages ,
s'ils ne s'abstiennent du bien d'autrui,fbient dépouille^ de celui
qui leur appartient, & qu'ils foient dij/tpeç par lesgé-miffemens
des pauvres , comme la poudre efl difftpée par les vens durant la
tempête. Cette menace regarde principalement ceux qui épient les
naufrages , qui en recueil^ lent le débris , &qui mettent
quelquefois les vaijfeamc en pièces. Que ceux qui exercent des
Charges sous mon autorité, ouquifoffedtntdes terres dans le voifnagc
de la mer y commencent parfe régler eux-mêmes,^ au ils règlent ,
ensuite , les autres, & leur apprennent à craindre Dieu, & a
refieclerles loix; que s'ils manquent de le faire 9 ils répondront
des defordres de leurs fùjets , & bien qu'ils foient innocens , ils
ne laifferont pas d'être pu-nis aujp- bien que les coupables,
Lespetisfùivent, pour tordinaire l'exemple des Grans, & comme ils
les imitent dans le mal qu*ils font par leur propre inclination,
jio HISTOIRE
ils les imitent auffidans le bien qu'ils font far Pdfpre-henfion des
cbatimens. Ceux qui contreviendront à mon ordonnance Seront fendus
au mât du vaiffeau. Si le mat eftbriféjtts feront fendus ouf lus
grand arbre du rivage, afin que ceux qui vogueront sur
la mer les voient de loin, comme un voile attache à une antenney
comme le débris d'un naufrage exfoféfur une cote, comme tarc-en-ciel
que Dieu fit autrefois faroître dans la nue fowrafftu rance que la
terre ne fer oit flus inondée far le déluge.
CHAPITRE IV.
/• sAndronique empêche le pillage des vaif-féaux* 2. Il rétablit un
Aqueduc. 3. Il envoie des gens-de-bien dans les Provinces. 4. Il
rent la jufiice à tout le monde. f. Il écrit à Synéfius une lettre
pleine de menaces, pour réprimer ses violences. 6. Il défient les
difputes en matière de Religion.
1. A Ndronique aïant parlé de la forte, fîtpa-jf\^roître
furfonvifagcune réfolution tort ferme de ne rien relâcher, en ce
point, de la ri-gueur des loix, & s'appliqua à l*heureTmefm€ à
d'autres affaires. Ceux qui favoient par expérience qu'il ne
railloit point en des chofesférieufes, mandèrent à ceux qui
faifoient leurs affaires dans les Provinces, de ne rien prendre des
vaiffeaux qui aborderoient aux côtes, & de retenir comme
Eolc
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DE L'EMP. AND. COMN. LJV. IL 32,1
Eolc l'impétuofité des vens, pour empêcher les naufrages. Depuis ce
temps-là , aucun vaiûeau ne perdit ni mât, ni ancre , ni cordage.
Ceux ^jucla tempête jetta au bord»ne perdirent rien sur
terre de ce qu'ils n'avoient pas perdu sur mer, & ils
furent fecourus avec tant de foin, que l'orage Ce changea pour eux
en calme.
x. Iifit une grande dépenfe pour rétablir l'an-cien Aqueduc, qui
porte dans la ville l'eau du fleuve Hydraule, à la fource duquel il
fit bâtir une tour , 6c un appartement qui devoit être fort agréable
en été. Ceux qui logent au quartier de Blaquernes ufentde L'eau de
ce fleuve, l'Aqueduc étant demeuré imparfait par iamortd'Androni-
3
ue ê ce qui -eft caufe qu'il n'y a point de j et d'eau ans la grande
place, comme il y en devoit avoir. Les Empereurs qui lui ont fuccédé
, ont été si éloignez de continuer un ouvrage qui auroit été si
utile au public, qu'Alexis, quue priva de l'Empire, démolit la tour»
6c lesagréables logemens qu'il avoit commencez par une bafle
jalouiîe de la gloire que cette belle entreprife lui avoit aquife.
3. Quand il envoïoit des Gouverneurs dans les
provinces, ilchoififloit les plus gens-dc-bien > 6c
il les comblok de préfens,ann qu'ilsfculageaflènt
les pauvres. Ces Magiftrats emportant quelque*
fois iufqu'à huit cens mines d'argent, s'abfte-
noient du bien d'autrut comme d^one chofe fa-
prie > & rerufoicàt les prefens de çewx qtfife
V TomeT. SC
yi% HISTOIRE
avoient gratifiez de quelque faveur, ou qu'ils avoicnt délivrez de
l'oppreflion. Les villes s'enri-chirent par ce moïen-là, en fort peu
de temps, & la terre portant des fruits au centuple, les vivres
devinrent à vil prix.
4. Il était de facile accès, écoutoit volontiers ceux qui fe
plaignoicnt de la violence des Grans , & rendoit également la
juftice à tout le monde , sans faire aucune diftin&ion des
perfonnes. H n'avoit qu'une balance, où ilpefoit indifférem-ment les
Grans & les petis, les puiffans & les foi-bles. Lorfque des
perfonnes de qualité qui avoient honte de plaider contre des gens de
la lie du peuple , étoient convaincues de les avoir mal-traitcz# il
les puniflbit tres-févérement. H fut un jour environné par
despaïfans qui fc plai-
comme nous l'avons dit, il prit connoiffanec de l'affaire, & aïant
trouvé que l'accufation était véritable, il le condamna a recevoir
douze coupy & fit rendre des deniers de l'Epargne aux païfansi
beaucoup plus que ce qu'ils avoient perdu.
j. Il écrivit une fois à de certains Juges en ces termes. Minifires
d'iniquité & de menfonge imprudent Synéfius , &• vous
vendeur'd'herbes jti appris fée vous commette^ des injuflices.
Sacheç qu'il fdut que vous cej$ie% ou de les commettre, ou de vivre,
& ftt Dieu ftejefaisfnfeJSion defetvir, nefwtptr^
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