ÉLÉGIE SUR LA PRISE D'EDESSE.
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
Quelques détails sur la vie de l'auteur du poème suivant doivent trouver place ici.
Saint Nersès, le quatrième de ce nom dans la série des patriarches d'Arménie, appelé aussi Schnorhali, ou le Gracieux, à cause de la douceur de son caractère et du charme de son style plein d'onction et d'élégance, et Glaïetsi, c'est-à-dire habitant de Hr'om-gla, parce qu'il eut sa résidence dans cette célèbre forteresse, saint Nersès était le plus jeune des quatre fils du prince Abirad, qui possédait le château fort de Dzovk', dans le district de Kharpert, du chef de son aïeule, fille du prince Grégoire Magistros. Il descendait de la race royale des Arsacides de Perse, par la branche Sourên Bahlav, et comptait parmi ses aïeux saint Grégoire l'illuminateur. Il fut élevé dès son enfance, ainsi que son frère aîné Grégoire, plus tard catholicos sous le nom de Grégoire III, par son grand-oncle le patriarche Grégoire Vgaïacêr, Son frère, étant monté sur le siège patriarcal en 1113, lui conféra le sacerdoce, et bientôt après l'éleva à la dignité épiscopale. Il le prit avec lui pour l'accompagner au concile tenu à Jérusalem en 1136, et qui suivit de près celui d'Antioche, dans lequel fut déposé Rodolphe, patriarche de cette dernière ville. L'arrivée du catholicos avait pour but de s'entendre avec le clergé latin sur divers points de dogme et de discipline particuliers à l'Eglise arménienne, et-que Grégoire promit de modifier et de rendre conformes à l'unité catholique.[1] Celui-ci, parvenu à une extrême vieillesse, et sentant arriver le terme de sa carrière, résolut de se démettre de ses fonctions en faveur de Nersès. Il rassembla un concile à Hr'om-gla', et ayant conféré à son frère, malgré sa résistance, l'onction sainte, il lui remit les insignes du patriarcat, le pallium, le voile et la crosse. Il mourut trois mois après, en 1166, et Nersès lui succéda immédiatement. Le nouveau catholicos mit tout son zèle à rétablir la discipline ecclésiastique et à instruire ses compatriotes par ses prédications et ses écrits. Un des projets dont il poursuivit la réalisation avec le plus d'ardeur est la réunion de l'Église arménienne et de l'Eglise grecque; il entretint pour cet objet une correspondance et des rapports suivis avec l'empereur Manuel. Il mourut à l'âge de soixante quinze ans, en 621 de l'ère arménienne, ou 1172 de J. C. le jeudi, 13 août.
Saint Nersès est un des écrivains les plus remarquables et les plus féconds de la littérature arménienne. Tour à tour théologien, orateur sacré et poète, il a laissé une foule de productions qui attestent son mérite sous ce triple point de vue. Aussi ses ouvrages, tenus en grande estime par les Arméniens, ont été réimprimés nombre de fois! On peut en voir la liste dans Soukias Somal[2] et M. Patcanian.[3] Le recueil de ses œuvres poétiques, moins l'Elégie sur la prise d'Edesse, a été publié en 1830 par les RR. PP. Mékhitharistes de Venise, en un volume in-18 de 620 pages.
L'extrait que nous donnons de cette Elégie est le seul document un peu considérable que nous possédions sur les opérations du siège qui rendit l'atabek Zangui maître d'Edesse,[4] et enleva cette ville à la domination française, qui s'y était maintenue pendant quarante-six ans. Quoiqu'elles soient racontées sous une forme poétique, il est possible cependant d'en suivre la marche et les progrès dans tous leurs détails. Nersès appelle son œuvre prosopopée, parce que, personnifiant la ville d'Edesse, il la représente comme prononçant le discours qui sert de cadre à son poème. Les vers qu'il a employés sont monorimes, c'est-à-dire terminés par une assonance qui revient la même pendant plusieurs pages de suite, jusqu'à ce qu'elle semble épuisée. L'idée de ce genre de versification fut empruntée par les Arméniens très probablement aux Arabes. Comme on le retrouve dans les poésies de Grégoire Magistros, qui mourut vers 1058, il n'est pas permis de supposer, comme l'a fait Saint-Martin,[5] que l'introduction du vers monorime chez les Arméniens est due à l'influence des Francs, et des Français en particulier, à l'époque des croisades, et qu'elle est une imitation de nos chansons de gestes. Le mètre est celui que l'on nomme , c'est-à-dire de huit syllabes, divisées en quatre pieds, avec une césure au milieu.
J'ai fait ma traduction vers par vers séparément, en conservant rigoureusement la coupe du mètre original et l'enchaînement des pensées, et en rendant avec autant de fidélité que possible le mouvement et les figures du style original. Malgré les tournures insolites en français auxquelles ce système de traduction m'a contraint parfois, et malgré la difficulté d'exprimer dans notre langue, si sobre et si contenue, les épithètes hardies et les synonymes variés a l'infini de la langue arménienne, on verra que ce poème est loin de mériter le jugement qu'en a porté, sur la foi de Chahan de Cirbied, Michaud qui, dans son Histoire des Croisades,[6] affirme que c'est une composition froide et diffuse.
Si saint Nersès se permet de loin en loin des figures exagérées et que le bon goût réprouve, il faut reconnaître aussi qu'il est plein d'animation dans le récit des combats, pathétique lorsqu'il fait gémir Edesse sur la catastrophe qui la livra aux infidèles, rempli de grâce et de fraîcheur en nous peignant les beautés et les charmes de cette terre fertile et embaumée dont Edesse fut la métropole et l'ornement, la vie simple et primitive des populations de l'Orient chrétien.
J'ai extrait de ce poème toute la partie historique, qui se compose des treize cent cinquante-huit premiers vers; l'ouvrage entier en comprend deux mille cent quatorze dans l'édition de Paris, publiée en 1828, in-8°, aux frais de la Société asiatique, par feu Jean Zohrab, ex-religieux de la Congrégation arménienne des Mékhitharistes de Venise. C'est ce texte que j'ai suivi, en y ajoutant un choix de variantes recueillies dans les copies imprimées ou manuscrites que j'ai pu me procurer. Ces copies, désignées chacune par une lettre, sont les suivantes:
A. Manuscrit provenant d'Ezenga, ville de la Haute Arménie, et dont Zohrab a donné les variantes à la fin de son édition.
B. Manuscrit originaire de la Cilicie, et consulté par le même éditeur.
C. Manuscrit in-4° minimo, transcrit à une époque assez récente, sur papier oriental, en caractères nôdrakir ou cursifs, et appartenant à la Bibliothèque impériale de Paris, où il est coté sous le numéro 130 A, ancien fonds arménien.
D. L'édition publiée en 1832 à l'imprimerie du Collège arménien de Calcutta, appelé , Académie philanthropique, in-8°, édition qui n'est que la reproduction de celle donnée à Madras, en 1810, in-12, par Sarkis Dzaph'our Agh'avaliants, .
La disposition typographique de nos variantes a été établie de manière à obtenir toute la clarté désirable. Celles qui ont pour initiale une majuscule se rapportent à un commencement de vers; celles qui ont pour première lettre une minuscule, au milieu ou à la fin. Dans les variantes composées de plusieurs vers, placés à la suite l'un de l'autre, sur une même ligne horizontale, chacun d'eux se distingue du suivant par son initiale majuscule; le numérotage correspond à celui des vers dans l'ensemble du poème
Edouard DulaurieR
ÉLÉGIE SUR LA PRISE D'EDESSE.
Comté d’Edesse (Wikipédia)
Discours du seigneur Nersès
Patriarche d’Arménie,
Dit en forme de prosopopée,
Versifié en rimes homériques
5 Et prononcé sur un ton douloureux,
Au sujet de la prise d’Edesse la grande,
Dans l’année cinq cent
Quatre-vingt treize,
Le vingt-trois décembre,
10 A la troisième heure un samedi.[7]
[LA VILLE D'EDESSE, PERSONNIFIEE PAR LE POETE S'EXPRIME EN CES TERMES.]
Faites entendre de lugubres accents, ô Eglises.
Compagnes de l'époux céleste,[8]
Sœurs et frères chéris, Epais dans tous les lieux du monde; Cités et campagnes, partout à la fois, là Races et nations de la terre, Fidèles du Christ, Adorateurs de la Croix. En premier lieu je m'adresse à vous.
20
Eclatants comme le soleil, et admirables,Pareils aux [chérubins] à quatre faces,
A vous, qui êtes ici-bas les trônes du Père célestes, Et une émanation divine De la source d'Éden,
25
D'où, par quatre canaux,
S'épanche un fleuve aux ondes immenses et rapides,[10]
Pour abreuver l'univers Des flots de la parole de la bonne nouvelle; Vous qu'implore ma voix gémissante;
30
Prêtez l'oreille à ces accents de la douleur ![11]
Jérusalem, ville du grand Roi céleste, D'où sont sortis la Loi et les Prophètes, Qui se sont répandus comme une source sur la terre;
35
Toi, où le Fils unique du Père,
A apparu comme une lumière ineffable.
Et in proclamée bienheureuse Avant aucune autre [cité]; Car la première de toutes j'ai cru [en lui],
40
J'ai confessé le Fils uni au Père.[12] Loin de m'enorgueillir de ce témoignage, Je ne me suis point regardée comme supérieure à toi; C'est dans ton sein que le Seigneur fut mis a mort sur une croix:
Moi, c'est de loin que je l'ai adoré,
45
Mais aujourd'hui, animées d'un même sentiment,
Nous nous prosternons devant la même Croix.
Or donc, écoute, ô mon amie, Les gémissements d'une proscrite infortunée. Sois ma consolatrice, en l'associant à mon deuil,
50
Et offre-moi le remède efficace pour un cœur brisé.
O Rome, mère des cités,
Splendide et vénérable, Toi le siège du grand Pierre, Le chef des apôtres;
55
Eglise inébranlable,
Bâtie sur la pierre de Céptias,
Et contre laquelle ne prévaudront jamais les portes de l'Enfer, Sceau de celui qui ouvre les cieux, Vigne fertile, chargée de rameaux,
60
Plante de Paul aux racines profondes;
Arrosée de son sang;[13]
Tu es comme le jardin d'Eden; Toi qui as été aussi le partage de Luc, Le divin historien
65
Je viens t'implorer,
Moi, l'apanage et le siège de Thaddée.[15]
Entends de loin ma voix, Compatis au malheur qui m'accable; Mêle tes pleurs aux miens, d'après la parole rapportée
70
Dans l'Evangile écrit pour toi.
Hâte-toi de tendre une main secourable.
A celle qui gémit sous le poids des chaînes d'une prison; Exerce une vengeance implacable Contre l'ennemi qui m'a réduite en servitude.
75
C'est maintenant vers toi que je me tourne avec affection,
O ville glorieuse
Bâtie par l'empereur Constantin A l'entrée de l'Asie; Toi qui es devenue une seconde Jérusalem,
80
Une nouvelle Rome digne d'admiration;
Toi où du disciple bien-aimé
Le siège a été transféré, Qui réunis les reliques des martyrs, Où se trouve tout ce qu'il y a de plus saint;
85
Demeure d'un puissant et grand monarque;
Semblable, sur la terre, au séjour céleste;
Ecoute-moi, à ton tour, avec bonté, Prête l'oreille à mes cris plaintifs; Car j'ai fait partie
90
De ton domaine avec le rang de métropole.
Dans nies murs s'élevait un temple construit par toi
Et consacré sous le même nom que le tien, L'égal de la Sion céleste, Et auquel la Sion terrestre ne saurait être comparée.
95
Aujourd'hui tu m'as laissée dans l'abandon,
Pareille à la chouette qui hante les ruines, Ou comme l'homme qui n'a plus de secours à espérer, Et qui est oublié parmi les morts.
Je t'en supplie, ranime
100
Ta force indomptable,
Pour accomplir une multiple
Vengeance dans le cœur de mon persécuteur. Je viens faire retentir mes plaintes à ta porte, O capitale de l'Egypte,
105
Alexandrie la magnifique,
Dont le nom rappelle celui de ton fondateur
Toi le siège de Marc, Qui nous a apporté la bonne nouvelle; Du jardin divin
110
La plante spirituelle germe dans ton sol;
Comme des hameaux de palmier fleuris, dans la maison,
Est la troupe de tes justes, vouée au Seigneur; Aux cèdres du Liban sont pareils Les moines de ton pays,
115
Chœur d'anges chargés du fardeau de la Croix,
Et semblables dans ce monde à des êtres immatériels;
Eux, le fondement et l'appui de l'orthodoxie, Où viennent se briser les efforts de l'hérésie. Tu as vu une succession de patriarches
120
Occuper ton siège auguste.
Aujourd'hui ils ne sont plus,
Evanouis comme un songe de la nuit; Car toi aussi tu es devenue veuve, Et tu m'apparais aussi infortunée que moi-même.
125
[L'une et l'autre] jadis
dignes d'envie,
Nous voilà tombées dans un excès d'infortune.
Aussi, ô noble cité, Viens consoler ma peine. Toutes deux, pareillement,
130
Nous sommes courbées sous le joug des infidèles.
Pour soulager notre douleur,
Dans notre commune infortune, Que des prières émanées d'un cœur pur et sincère Soient offertes par nous au Dieu créateur,
135
Afin que sa colère allumée par nos péchés
Se tourne en bienveillance,
En voyant qu'il y a du bon en nous, Et que le mal est le propre de nos ennemis. S'il s'apaise dans cette vie.
140
Et si, dans l'autre, il nous donne la récompense, L’objet de nos désirs sera accompli Par celui qui est libéral pour tous. Par la parole, par l'examen, je discute avec toi, O Antioche, sœur chérie,
145
Demeure des Apôtres;
Suivant l'évangile de Matthieu,[19]
C’est chez toi qu'un nom merveilleux A été adopté pour la première fois. Le nom de chrétien qui fut donné
150
Aux adorateurs du Christ.
O ma sœur bien-aimée,
Pendant que tu étais dans la joie, Pourquoi n'es-tu pas venue avec promptitude A mon secours ?
155
Dans ta haine contre moi, tu m'as laissée
Tomber entre les mains de l'impie.[21]
Ne dédaigne pas ma plainte amère Sympathise à l'affliction de mon âme, Pleure sans réserve avec moi,
160
Partage la tristesse de mon cœur navré,
D'après le saint précepte de l'Apôtre,
[Qui recommande] de pleurer avec les malheureux qui sont dans le chagrin.
Pour les contrées situées au-dessous de la nôtre, Ce que nous venons de dire suffira;
165
Maintenant ma parole va changer.
Et retourner vers l'Orient,[23]
Vers la grande Arménie, nation de Thorgom, Race et famille de Japhet;
Là où s'élève le trône des
descendants des Parthes,
170
Des rois arsacides,
Dans l'empire desquels j'étais située.[25]
Gomme je l'ai raconté précédemment.
Par le roi Abgar, Pour eux j'ai été bâtie.
175
Et destinée aussi à être le siège
De l'apôtre Thaddée;
Racine de la belle fleur éclose Sur le rameau du sceptre [pastoral] De Grégoire de Parthe,
180
Illuminaient de notre patrie.
Confesseur du Christ
Et martyr vivant, C'est loi qu'à présent j'interpelle, O Eglise d'Arménie,
185
Sur laquelle a brillé la lumière céleste,
[Qui] a fondu la glace du Nord,
Et où s'est répandue la lumière sans ombre, Eclat du rayon ineffable. Il a frappé fortement avec un marteau d'or.
190
Des voix ont retenti sous la terre.
Alors la troupe des anges
S'est précipitée du haut des cieux, comme un torrent, Et la race humaine, née de la terre, A pris son vol vers le s jour éthéré.
195
Toi, jadis un lieu désert,
Tu étais devenue une fleur épanouie;
Imprégnée d'un sang virginal. Tu as brillé de la couleur de la rose. Tu as engendré des fils par le baptême,
200
Plus nombreux que le sabir de la mer;
Tu leur as fait sucer le lait de tes mamelles.
Tu les as nourris d'un sang vivifiant, Bonne institutrice des enfants, Eh leur donnant la loi de Moïse,
205
Et le pain des forts,
L'Evangile du Christ.
Alors tu étais heureuse, Ton sort te rendait digne d'envie pour tous, Pour les habitants du ciel, et pour ceux de la terre,
210
Et pour tous les êtres de la création. Je t'interroge, ô désirable ! Je sollicite une réponse à mes questions; Fais-moi connaitre avec certitude Et successivement ce que je veux savoir.
215
Où est la couronne dont tu étais parée,
Et ton splendide diadème?
Où sont les ornements de la reine, De l'épouse du prince royal, Et les splendeurs du palais des noces,
220
Et les franges tissues d'or?
Pourquoi l'époux est-il absent de la chambre nuptiale,
Et ses amis, de l'Eglise? Que sont devenus ses compagnons ? Ils ne redisent plus les chants de David.
225
Pourquoi ne font-ils pas résonner
La trompette retentissante de Tarse[30]
?
Où est la paire de bœufs engraissés? Pourquoi ne sont-ils pas immolés chez toi ? Où sont les échansons qui présentent la coupe,
30
Pourquoi ne versent-ils pas le vin généreux?
Et les amis qui se réjouissent
Du retour de l'enfant prodigue. Et les bras paternels s'ouvrant Pour donner le baiser au pécheur?
235
Qu'est devenue la douce voix des chantres ?
Et l'harmonie de leurs concerts?
Où sont les lecteurs de la sainte Ecriture. Et les docteurs entourés d'une pompe solennelle, Et le siège du patriarche?,
240
Et les prêtres oui prennent place sur l'estrade du sanctuaire,
Et les diacres associés au saint ministère.
Et les clercs qui aident au divin sacrifice. Qu'est devenue la fumée odorante de l'encens dans ton enceinte Tour a tour invisible et visible?
245
Où sont les flots du peuple ?
Qui se pressait aux jours des fêtes du Seigneur?
Où est le trône du roi Dans ta ville de Valarsabad. Où sont les satrapes royaux:
250
De la province d'Ararad,[33]
Et les princes qui occupent le premier rang, Et les gardes du corps qui se tiennent par derrière ? Où sont les guerriers dans la lice, Et les légions marchant au combat,
255
Et les grands assis au banquet,
Et la table chargée de mets,
Et les nobles du palais. Et les fils d'illustre naissance dont le poste est dans le jardin ?
Tout cela t'a été subitement enlevé,
260
Tout cela a disparu et s'est éclipsé;
Ce n'étaient que fantômes et songes
Que dissipe le réveil. A ces splendeurs; A succédé l'excès de la misère,
265
Car tu es là, orpheline et veuve, C'est pourquoi je t'ai appelée Pour être ma compagne dans la douleur.
Aussi grand que le
tien
270
Est le malheur qui naguère m'a frappée.[34]
Enseigne donc, ô mon amie,
A plaindre dignement mon sort, Comme l'orateur habile aux discours qui font couler les larmes, Et expert dans l'art d'embraser les cœurs.
275
Toi aussi je t'invoque à mon aide,
O Ani, ville orientale;
Viens unir ta voix à la mienne, Et être ma consolatrice; Autrefois tu étais
280
La fiancée délicieuse qu'un voile dérobe à tous les regards;
Toi, objet d'envie pour tes voisins
Et pour les nations éloignées. Tu fus bâtie pour être une résidence royale Dans le pays choisi par Schara,
285
Et le séjour des souverains Bagratides.[36] Issus de la race d'Israël, De la famille du grand David Père de Dieu, prophète. Toi dont le nom, admirable cité
Le visage triste comme si tu portais le deuil,