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HISTOIRE AUGUSTEVULCATIUS GALLICANUS.VIE D’AVIDIUS CASSIUS. + texte latinOeuvre numérisée par Marc Szwajcer
HISTOIRE AUGUSTEVULCATIUS GALLICANUS.[De J.-C. 174]
NOTICE
SUR
VULCATIUS GALLICANUS.****
Les lettres V. C. qui, dans les manuscrits, suivent le nom de Vulcatius Gallicanus, paraissent indiquer qu’il jouissait au moins du rang de sénateur. En effet, elles signifient quintum consul, consul pour la cinquième fois; ou vir consularis, personnage consulaire; ou vir clarissimus, titre qui, d’après Isidore de Séville (Origines, liv. ix, ch. 4), se donnait aux sénateurs du troisième ordre, les deux autres ordres étant désignés, le premier par le titre de illustres, et le second par celui de spectabiles. Le nom de Vulcatius Gallicanus ne se trouve point dans les Fastes: il est donc plus probable qu’il était personnage consulaire, ce titre se donnant souvent, à cette époque, à des gens qui n’avaient point été consuls, ou seulement personnage clarissime, c’est-à-dire sénateur du troisième ordre.[1] Cet écrivain vivait à la même époque que Spartianus, sous l’empire de Dioclétien. Comme lui, c’est à ce prince qu’il adresse son travail: comme lui aussi, il se proposait d’écrire l’histoire de tous les augustes et do tous les césars: Proposui, Diocletiane Auguste, dit-il au chapitre III de la Vie d’Avidius, omnes, qui imperatorum nomen, sive juste, sive injuste, habuerunt, in litteras rnittere, ut omnes purpuratos augustes cognosceres. Si l’on considère, en outre, qu’il y a une analogie remarquable entre le style et le langage de l’un et de l’autre, on ne sera point éloigné de penser que ces deux auteurs ont bien pu, en réalité, n’en être qu’un seul. Plusieurs circonstances viennent encore à l’appui de cette conjecture. Saumaise, comme nous l’avons dit dans une Notice précédente, a eu entre les mains un Excerpta très ancien, appartenant à la bibliothèque Palatine; et ce manuscrit présente, sous, le nom de Spartianus, toutes les Vies de l’Histoire Auguste, depuis Adrien jusqu’aux deux Maximin inclusivement. D’autre part, Vopiscus, qui a vécu un peu plus tard que les autres écrivains de ce recueil, fait mention, en les nommant, de Jules Capitolin et d’Ælius Lampride; et nulle part, ni chez lui, ni dans aucun autre auteur de cette époque, on ne trouve le nom de Vulcatius Gallicanus. Ces diverses considérations ont fait conjecturer à Fabricius, dans sa Bibliothèque latine, que le nom de Vulcatius devait être effacé de l’Histoire Auguste, Quoi qu’il en soit, à l’exception de l’Excerpta cité par Saumaise, tous les manuscrits et toutes les éditions attribuent à Vulcatius Gallicanus la biographie d’Avidius Cassius, et nous avons cru devoir respecter cette espèce de prescription acquise en sa faveur. Cette Vie, la seule qui porte son nom, emprunte un grand intérêt à plusieurs lettres de Marc Aurèle, qui y sont contenues.
FL. LEGAY. VIE D’AVIDIUS CASSIUS.
I. Avidius Cassius, au dire de quelques historiens, appartenait à la famille des Cassius,[2] mais seulement du côté maternel;[3] son père, Avidius Severus, était un homme nouveau qui, des grades inférieurs de l’armée, s’était élevé aux plus hautes dignités. L’historien Quadratus parle de lui d’une manière fort honorable. Il dit que c’était un homme d’un grand mérite, qui rendit des services importants à la république, et fut très considéré de Marc Aurèle lui-même; car déjà ce prince gouvernait l’empire lorsque Severus mourut. Ce Cassius donc, issu, comme nous l’avons dit, de l’antique famille des Cassius qui conspirèrent contre Jules César, détestait secrètement le pouvoir souverain, et ne pouvait supporter le nom d’empereur: il disait que « ce qu’il y avait de plus fâcheux dans ce nom, c’est qu’il ne pouvait désormais être anéanti que par un autre empereur. » Enfin on assure que, à peine sorti de l’enfance, il tenta même d’enlever le pouvoir à Antonin le Pieux; mais que son père, homme honnête et grave, étouffa cette entreprise insensée, et en cacha avec soin les indices. Néanmoins Cassius fut toujours dès lors regardé comme un homme dont il fallait se défier. Qu’il ait aussi tramé contre Verus des projets criminels, c’est du moins ce que l’on peut conjecturer d’après ce passage d’une lettre que ce prince écrivit à Marc Aurèle : « Avidius Cassius, autant que j’en puis juger par moi-même, voudrait s’emparer de l’empire, et déjà sous mon aïeul, votre père, son ambition s’est fait connaître. Je vous engage à donner des ordres pour qu’il soit surveillé. Tout ce que nous faisons lui déplaît : il accroît autant qu’il peut son crédit et ses ressources il tourne en dérision notre goût pour les lettres : il nous donne, à vous le nom de vieille philosophe, à moi celui d’extravagant et de débauché. Voyez ce que vous avez à faire. Pour moi, je n’ai aucune haine contre cet homme; mais prenez garde qu’il n’y ait du danger, et pour vous et pour vos enfants, à conserver à la tête de vos armées des gens de cette sorte,[4] que les soldats voient avec plaisir, et qu’ils sont tout disposés à écouter. » II. Marc Aurèle répondit « J’ai lu votre lettre; elle est plutôt d’un homme inquiet que d’un empereur, elle ne convient ni à nous, ni aux circonstances où nous sommes; car si les dieux destinent l’empire à Cassius, quoi que nous fassions, nous ne pourrons nous défaire de lui. Vous savez ce mot de notre bisaïeul : « Jamais prince n’a tué son successeur. » Si, au contraire, il ne doit point régner, sans que notre cruauté s’en mêle, il tombera de lui-même, entraîné par sa destinée. Ajoutez que nous ne pouvons traiter en coupable un homme que personne n’accuse, et qui, comme vous le dites vous-même, est aimé des soldats. De plus, telle est la nature des accusations de lèse-majesté, que ceux-là mêmes dont le crime est le mieux prouvé, passent toujours pour des victimes de l’oppression. Vous savez ce que disait votre aïeul Adrien: « Misérable condition des princes! on ne croit aux trames qui menacent leurs jours que quand ils ont péri. » Domitien,[5] à ce qu’on assure, avait dit la même chose avant lui; mais j’ai mieux aimé citer Adrien, parce que les paroles des tyrans, même lorsqu’elles sont bonnes et vraies, n’ont point toute l’autorité qu’elles devraient avoir.[6] Laissons donc là Cassius et ses projets, puisque d’ailleurs c’est un bon général, plein de fermeté et de courage, et utile à la république. Quant au conseil que vous me donnez de pourvoir par sa mort à la sûreté de mes enfants, qu’ils périssent plutôt, si Cassius mérite plus qu’eux d’être aimé, et s’il est plus de l’intérêt de la république qu’il vive que les enfants de Marc Aurèle. » C’est ainsi que s’exprimaient Verus et Marc Aurèle sur le compte de Cassius. III. Pour nous, nous dirons en peu de mots quels furent son caractère et ses mœurs; car les détails manquent sur de semblables hommes, personne ne se hasardant à exposer au grand jour leurs actions, dans la crainte de déplaire au parti vainqueur. Nous ajouterons cependant comment il parvint à l’empire, comment il fut mis à mort, et où il fut vaincu. Car, Dioclétien Auguste, voulant mettre sous vos yeux tout ce qu’il y a eu de princes revêtus de la pourpre, je me suis imposé la tâche d’écrire la vie de tous ceux qui, justement ou non, ont porté le titre d’empereur. Tel était le caractère de Cassius, qu’on le voyait tantôt farouche et rude, tantôt doux et indulgent; souvent religieux, d’autres fois se moquant de tout ce qu’il y avait de plus sacré; il aimait le vin avec passion, et parfois il se montrait tempérant et sobre; il recherchait la bonne chère, et savait supporter la faim; tantôt il se plongeait dans la débauche, tantôt il était pur et chaste. Il y avait des gens qui lui donnaient le nom de Catilina, et lui-même aimait à s’entendre ainsi appeler, disant « qu’il ne demandait pas mieux que d’être un Catilina,[7] pourvu qu’il fit périr le faiseur de sentences. » Il nommait ainsi Antonin, qui se distingua tellement dans la philosophie, que, lorsqu’il était sur le point de partir pour la guerre des Marcomans, et que tout le monde craignait pour ses jours, on le conjura, non par flatterie, mais avec un désir sérieux, de publier ses préceptes philosophiques. Marc Aurèle, quoiqu’il ne partageât point leurs craintes, développa avec ordre, pendant trois Jours, une suite de préceptes. Cassius maintenait avec une excessive rigidité la discipline militaire; il aurait voulu qu’on le regardât comme un autre Marius. IV. Puisque nous avons commencé à parler de sa sévérité, nous devons dire que l’on trouve dans sa vie plus d’un trait auquel, le nom de cruauté conviendrait mieux. Et d’abord, toutes les fois que des soldats avaient enlevé quelque chose par la force aux habitants des provinces, il les faisait mettre en croix sur le lieu même où s’était commis le crime. Il inventa un nouveau genre de supplice, qui consistait à planter en terre un mât de quatre-vingts à cent pieds de hauteur, auquel on attachait dans toute sa longueur ceux qu’il avait condamnés à mourir. Puis, au pied de ce mât, on allumait un grand feu, qui brûlait les plus voisins, étouffait les autres par la fumée, et faisait mourir de frayeur les plus éloignés. Ce même Cassius faisait jeter à la fois, dans le court d’an fleuve ou dans la mer, dix malheureux, enchaînés les uns aux autres. Il punit un grand nombre de déserteurs en coupant aux uns les mains, aux autres les jambes ou les jarrets, et il disait « que l’exemple d’un criminel, traînant une vie misérable, faisait plus d’impression que celui d’un coupable mis à mort. » Tandis qu’il commandait l’armée, un corps peu nombreux de troupes auxiliaires, entraîné par ses centurions, surprit, sans qu’il en sût rien, trois mille Sarmates sur les bords du Danube, les tailla en pièces, et revint au camp avec un grand butin; les centurions s’attendaient à une récompense pour avoir, avec si peu de monde, détruit un si grand nombre d’ennemis, tandis que leurs tribuns laissaient échapper, par leur négligence, une si belle occasion, et ne se doutaient pas même de ce qui se passait. Mais Cassius les fit saisir et mettre en croix comme des esclaves, chose dont il n’y avait point d’exemple jusque là, disant « qu’il pouvait arriver que ce fût un piège, et que le respect du nom romain y périt. » Une violente sédition éclate dans l’armée: Cassius sort nu et en simple caleçon de sa tente, et s’avance au milieu des rebelles: « Frappez-moi, si vous l’osez, s’écrie-t-il,[8] et à votre insubordination ajoutez un crime. » A ces mots tout rentra dans l’ordre, et il fut craint, par cela même qu’il ne craignit point. Cet acte de sévérité donna tant de vigueur à la discipline, et aux barbares tant d’effroi, qu’ils sollicitèrent d’Antonin, alors absent de l’armée, une paix de cent ans: c’est qu’ils avaient vu un général romain condamner à mort ceux-là mêmes qui avaient vaincu sans avoir le droit de vaincre. V. Cassius prit contre la licence des mesures sévères, dont un grand nombre se trouvent citées dans Émilius Parthenianus, qui a écrit l’histoire de ceux qui, à partir des temps anciens, ont aspiré à la tyrannie. Il faisait fouetter de verges et frapper de la hache les coupables, au milieu du camp, en face de l’armée; d’autres fois, il leur faisait couper les mains. Il défendit à tout soldat de porter avec lui en campagne autre chose que du lard, du biscuit et du vinaigre, et la moindre infraction était sévèrement punie comme une débauche criminelle. Voici, au sujet de Cassius, une lettre de Marc Aurèle à son préfet : « J’ai confié à Avidius Cassius les légions de Syrie, qui sont plongées dans la mollesse et dans toutes les débauches de Daphné:[9] Césonius Vectilianus, d’après ce qu’il m’écrit, les a trouvées toutes faisant usage des bains chauds. Je crois ne m’être pas trompé dans mon choix, et vous serez de mon avis, si vous connaissez bien Cassius, homme d’une sévérité et d’une discipline dignes de son nom: car ce n’est qu’avec l’ancienne discipline que l’on peut conduire des soldats. Vous connaissez ce vers, si souvent cité, d’un bon poète: « C’est par les mœurs et par les hommes antiques que se maintient la république romaine.[10] » « Vous, faites seulement que les vivres ne manquent point aux légions. Si je connais bien Avidius, il n’y aura rien de perdu. » Le préfet répondit à l’empereur: « Prince, vous avez sagement fait, en donnant à Cassius le commandement des légions de la Syrie. Il faut absolument à des soldats grecs un chef sévère. Cassius ne manquera point d’interdire les bains chauds, et fera disparaître toutes les fleurs et de la tête, et du cou, et du sein des soldats. Tout ce qui est nécessaire pour l’approvisionnement de l’armée est prêt: rien ne manque sous un bon général, parce qu’il ne demande, ni ne dépense beaucoup. » VI. Avidius ne trompa point les espérances qu’on avait conçues de lui : car il fit aussitôt publier dans le camp et afficher sur les murs, que « tout officier ou soldat que l’on trouverait à Daphné, serait cassé avec ignominie. » Il fit régulièrement tous les sept jours l’inspection des armes, des vêtements et des chaussures; il purgea le camp de toute espèce de délicatesses; il déclara aux légions qu’il leur ferait passer l’hiver sous les toiles, si elles ne changeaient de mœurs; et il aurait tenu parole, si elles ne s’étaient réformées. Tous les sept jours il y avait un exercice général, où les soldats apprenaient à lancer des flèches et à manier les armes; car il disait « que c’était, une chose misérable de voir s’exercer des athlètes, des chasseurs et des gladiateurs, tandis que des soldats ne s’exerçaient point, eux à qui les travaux et les fatigues seraient moins pénibles, s’ils en avaient contracté l’habitude. » Une fois la discipline rétablie, il remporta de grands succès en Arménie, en Arabie et en Egypte; il se concilia l’affection de tous les peuples de l’Orient, et, en particulier, des habitants d’Antioche, qui allèrent jusqu’à le reconnaître pour empereur, ainsi que- le rapporte Marius Maximus dans la vie de Marc Aurèle. En effet, les soldats bucoles, commettant de grands ravages en Égypte, Cassius les repoussa, selon le même Marius Maximus, dans le second livre de la vie du même prince. VII. Cassius se fit proclamer empereur en Orient. Il avait été, dit-on, encouragé dans sa révolte par Faustine, qui, voyant la santé de Marc Aurèle chancelante, ses enfants en bas âge, et elle-même impuissante à les protéger, craignit que s’empire ne tombât aux mains d’un prince qui ne ménagerait point sa famille. On dit aussi que Cassius, n’espérant point se faire reconnaître empereur, s’il ne parvenait à neutraliser l’amour de l’armée et des provinces pour Marc Aurèle, eut recours à l’artifice, et répandit le bruit que le prince était mort. On dit même que, pour adoucir la douleur de sa perte, il lui donna le nom de Divin. La première fois qu’il parut en public eu qualité d’empereur, il nomma préfet du prétoire celui qui l’avait revêtu des ornements impériaux : cet homme, dans la suite, partagea sa disgrâce, et fut massacré par l’armée, contre la volonté de Marc Aurèle. Tel fut aussi le sort de Mécianus, gouverneur d’Alexandrie, qui, dans l’espoir de partager l’empire avec Cassius, s’était associé à sa révolte; il fut tué par les soldats, malgré Marc Aurèle et même à son insu. Du reste, l’empereur apprit sans colère la nouvelle de cette révolte, il ne sévit ni contre les enfants ni contre les amis de Cassius; et lorsque le sénat eut déclaré Avidius ennemi de la république, et confisqué ses biens, il ne voulut point qu’ils entrassent dans son trésor particulier: le sénat les fit donc déposer dans le trésor public. L’alarme fut grande à Rome : on disait qu’Avidius Cassius profiterait de l’absence de Marc Aurèle, qui était aimé de tout le monde, excepté des débauchés; qu’il viendrait à Rome, et la livrerait impitoyablement au pillage, pour se venger surtout du sénat, par qui il avait été déclaré ennemi public et ses biens confisqués. L’amour que l’on avait pour Marc Aurèle se manifesta dans cette circonstance d’une manière éclatante: car ce fut d’un accord unanime, à l’exception des seuls habitants d’Antioche, qu’Avidius fut mis à mort. L’empereur ne l’ordonna ni ne s’y opposa; il était même manifeste pour tout le monde que, s’il l’avait eu entre les mains, il lui eût fait grâce. VIII. Lorsqu’on apporta sa tête à Marc Aurèle, bien loin de faire paraître aucun sentiment de joie ou d’orgueil, il se plaignit qu’on lui eût enlevé une occasion de clémence; il dit « qu’il aurait voulu prendre Cassius vivant, pour lui reprocher son ingratitude et lui pardonner. » Quelqu’un blâmant son indulgence excessive pour un ennemi déclaré, pour ses enfants, ses parents et tous les complices de sa révolte, et finissant par dire Eh quoi! si Cassius eût été vainqueur? — Mais, répondit l’empereur, telle n’a point été notre conduite envers les dieux, ni envers les hommes, que Cassius pût nous vaincre. » Puis, passant en revue tous les princes qui aient été mis à mort, il prétendit « qu’il n’en était pas un qui n’eût, d’une manière ou d’une autre, mérité son sort, tandis que l’on ne trouverait point facilement un bon prince qui eût été vaincu ou tué par un tyran; que Néron avait mérité de mourir, que Caligula devait inévitablement finir d’une manière funeste, qu’Othon et Vitellus n’avaient pas même voulu sérieusement être empereurs. » Il portait le même jugement sur Pertinax et sur Galba,[11] disant que « l’avarice, dans un prince, est de tous les vices le plus odieux. » Enfin il ajoutait que « ni Auguste, ni Trajan, ni Adrien, ni son père Antonin le Pieux n’avaient pu être vaincus par la trahison, tandis qu’un grand nombre de rebelles avaient péri, même contre la volonté et à l’insu de ces princes. » Marc Aurèle supplia lui-même le sénat de ne pas poursuivre avec rigueur les complices de la révolte; et, dans le même temps il demanda qu’aucun sénateur ne fût mis à mort, tant qu’il gouvernerait l’empire. Cette clémence acheva de lui concilier tous les cœurs. Enfin on punit un petit nombre de centurions, et les bannis furent rappelés. IX. Il pardonna aux habitants d’Antioche, qui avaient pris parti pour Avidius Cassius, et aux autres villes qui l’avaient secondé dans sa révolte. D’abord, il est vrai, justement indigné contre Antioche, il l’avait dépouillée de ses spectacles, et de beaucoup d’autres avantages ou privilèges; mais plus tard il les lui rendit. Quant aux enfants d’Avidius Cassius, Marc Aurèle donna aux fils la moitié des biens de leur père, et aux filles de l’or, de l’argent et des pierreries. Il accorda à Alexandra, fille de Cassius, et à son mari Druentianus, la liberté d’aller partout où ils voudraient; et ils vécurent en toute sécurité, comme les enfants, non d’un ennemi public, mais d’un sénateur. Marc Aurèle ne souffrit point que, même dans un procès, on leur reprochât la honte de leur maison, et des gens qui n’avaient point respecté leur malheur, furent condamnés pour insulte. Il fit plus, il les recommanda au mari de sa tante, et les mit sous sa protection. Pour connaître plus en détail toute cette histoire, on n’a qu’à consulter le second livre de la vie de Marc Aurèle, écrite par Marius Maximus ce livre comprend tout ce qu’a fait ce prince, depuis l’époque où, par la mort de Verus, il resta seul à la tête de l’empire. Car, lorsque la révolte de Cassius éclata, Verus n’existait plus, comme le prouve ce passage d’une lettre de Marc Aurèle à Faustine: « Verus ne se trompait pas, lorsqu’il m’écrivait qu’Avidius voulait se faire empereur: car vous savez déjà, sans doute, les nouvelles que nous apportent sur son compte les courriers de Martius Verus.[12] Venez donc à notre maison d’Albe,[13] pour que nous voyions, avec l’assistance des dieux, ce que nous avons à faire:[14] ne craignez rien. » Il est évident par là que Faustine ignorait ce qui se passait, bien loin qu’elle fût de complicité avec Cassius, comme l’en accuse Marius, qui ne cherche qu’à là diffamer. D’ailleurs, il existe aussi une lettre qu’elle adressait à Marc Aurèle, et où elle le presse[15] vivement de tirer une vengeance éclatante de Cassius; en voici un passage: « Je me rendrai moi-même demain, on du moins bientôt, à notre maison d’Albe,[16] comme vous me l’ordonnez; mais en attendant, je vous conjure, si vous aimez vos enfants, de poursuivre sans relâche et sans pitié ces révoltés. Car ce sont là de dangereuses habitudes pour les chefs et pour les soldats si on ne les réprime, bientôt ils opprimeront. » X. Voici une autre lettre de Faustine à Marc Aurèle: « Ma mère Faustine,[17] lors de la révolte de Celsus, exhorta Antonin le Pieux, votre père et son époux, à ne pas se montrer moins pieux envers ses proches qu’envers les étrangers; car on ne peut appeler pieux un prince qui ne pense point à sa femme ni à ses enfants. Vous voyez l’extrême jeunesse de notre cher Commode. Pompeianus, notre gendre est vieux et étranger à Rome.[18] Pensez bien à ce que vous allez faire d’Avidius Cassius et de ses complices. N’épargnez point des hommes qui ne vous ont point épargné, et qui certes, s’ils avaient été vainqueurs, n’auraient point épargné davantage nos enfants ni moi. J’irai bientôt vous rejoindre : c’est la mauvaise santé de notre chère Fadilla qui m’a empêchée de me rendre à Formica. Si je ne vous y retrouve plus, je poursuivrai ma route jusqu’à Capoue : la santé de nos enfants et la mienne se trouveront peut-être bien de ce séjour. Envoyez-moi, je vous prie, le médecin Sotéride à Formies je n’ai aucune confiance dans Pisithée, qui n’entend rien à traiter une jeune fille. Calpurnius m’a remis votre lettre bien cachetée; j’y répondrai, si je tarde à partir, par le vieil eunuque Cécilius: vous savez que c’est un homme sûr. Je le chargerai de vous faire connaître, de vive voix, les propos que tiennent sur votre compte, à ce que l’on assure, la femme d’Avidius Cassius, ses fils et son gendre. » XI. Ces lettres montrent clairement que Faustine, bien loin d’être la complice de Cassius, insista vivement pour qu’il fût livré au supplice; et que, voyant Marc Aurèle pencher vers la douceur et la clémence, elle fit tout ce qu’elle put pour l’entraîner à une vengeance qu’elle regardait comme nécessaire. Voici ce que lui répondit Marc Aurèle : « Pour vous, ma chère Faustine, en prenant si vivement à cœur les intérêts de votre mari et de nos enfants, vous remplissez les devoirs d’une épouse et d’une mère tendre et pieuse; car j’ai relu à Formies la lettre où vous m’exhortez à châtier les complices d’Avidius. Pour moi, je ferai grâce à ses enfants, à son gendre et à sa femme; et j’écrirai au sénat pour que les confiscations et les châtiments n’aillent pas trop loin ; car il n’est rien qui concilie plus à un empereur romain l’amour des peuples, que la clémence. C’est elle qui a élevé César au rang des dieux, qui a consacré la mémoire d’Auguste, et qui a mérité, plus que toute autre vertu, à votre père, le nom de Pieux. Enfin, si la guerre se fût terminée au gré de mes vœux, Avidius lui-même n’aurait point péri. Soyez donc sans inquiétude : les dieux me protégent;[19] les dieux voient ma piété d’un œil bienveillant. J’ai désigné consul pour l’année prochaine notre gendre Pompeianus. » Voilà ce qu’écrivait Marc Aurèle à son épouse. XII. Le discours qu’il adressa au sénat dans cette circonstance mérite d’être connu. En voici un passage « Voulant vous témoigner ma gratitude pour la victoire que vous avez remportée, je vous ai donné mon gendre pour consul: l’âge de Pompeianus lui eût depuis longtemps mérité le consulat, si ne s’était présenté des personnages recommandables par leurs services, et envers qui la république avait une dette à acquitter. Quant à la révolte de Cassius, je vous en prie, je vous en conjure, pères conscrits, renoncez à une justice trop rigoureuse, écoutez ma clémence et mon humanité, ou plutôt la vôtre que personne ne périsse par vos ordres; qu’aucun des sénateurs ne soit puni, qu’aucun sang noble ne soit répandu; que les bannis reviennent, que les biens confisqués soient rendus. Que de morts je voudrais aussi rappeler des enfers! Rien ne répugne plus dans un prince, que de le voir venger ses propres injures; quelque juste que puisse être une telle vengeance, elle paraît toujours cruelle. Ainsi vous ferez grâce aux enfants d’Avidius Cassius, à son gendre et à sa femme; que dis-je, faire grâce? ils n’ont rien fait.[20] Qu’ils vivent donc en toute sécurité, sachant qu’ils vivent sous Marc Aurèle. Qu’ils vivent, et qu’on leur donne une portion des biens de leur père; qu’ils jouissent de son or, de son argent, de ses meubles précieux; qu’ils soient riches, tranquilles, libres d’aller partout oh ils voudront; et dans quelque lieu, chez quelques nations qu’ils aillent, qu’ils y portent les témoignages de votre humanité et de la. mienne. D’ailleurs, pères conscrits, est-ce donc un si grand effort de clémence, que de faire grâce aux enfants et aux femmes des coupables! Quant aux sénateurs et aux chevaliers, complices de Cassius, je vous en supplie, qu’ils soient affranchis de la mort, des confiscations, de toute crainte, de toute flétrissure, en un mot, de tonte poursuite et de tout dommage; et permettez que l’on puisse dire que, sous mon empire, dans une cause de rébellion, il n’a péri personne, si ce n’est dans le tumulte des armes. » XIII. Cet acte de clémence fut accueilli par ces acclamations du sénat:[21] « Pieux Antonin, que les dieux te conservent ! clément Antonin, que les dieux te conservent! clément Antonin, que les dieux te conservent! tu n’as point voulu ce qui était en ton pouvoir; nous avons fait, nous, ce qu’exigeait notre devoir. Nous demandons que Commode partage pleinement avec toi l’empire.[22] Consolide ta famille, et assure ainsi le repos de nos enfants. Contre un empire bon et légitime, aucune force, ne saurait prévaloir. Nous demandons pour Commode Antonin la puissance tribunitienne. Nous te supplions de nous rendre ta présence. Gloire et bonheur à ta philosophie. À ta patience, à ton savoir, à ta générosité, à l’intégrité de ton cœur![23] Tu domptes les rebelles, tu triomphes des ennemis, les dieux te protégent, etc. » Les descendants d’Avidius vécurent donc tranquilles, et furent même admis aux honneurs et aux charges. Mais Commode, après la mort de son divin père, les fit tous brûler vifs, comme s’ils eussent été surpris dans un complot. Voilà les détails que nous avons trouvés sur Cassius Avidius son caractère et ses mœurs, comme nous l’avons dit plus haut, furent toujours un tissu de contradictions; néanmoins c’était à la rigueur et à la cruauté qu’il était naturellement le plus porté. Quoi qu’il en soit, il se fût maintenu dans le pouvoir suprême, il eût été, au dire de bien des gens, un prince, non seulement clément, mais bon, mais précieux pour la république, et le plus parfait des empereurs.[24] XIV. Il existe de lui une lettre qu’il écrivit, étant déjà empereur, à son gendre; la voici: « Malheur à la république, d’avoir à supporter et ces riches et ces gens avides de richesses. Marc Aurèle est, sans doute, un excellent homme; mais tandis qu’il ne pense qu’à faire louer sa clémence, il laisse vivre des gens dont lui-même il condamne la vie. Où est ce Lucius Cassius dont je porte vainement le nom? où est M. Caton le Censeur? qu’est devenue toute cette discipline de nos ancêtres? Il y a longtemps qu’elle s’est perdue, et l’on ne songe pas même à la retrouver. Marc Aurèle fait de la philosophie; il disserte sur la clémence, sur l’âme, sur l’honnête et sur le juste, et n’a point un sentiment, une pensée pour la république. Vous voyez combien il faudrait de glaives, combien de condamnations et de supplices[25] pour ramener l’ancienne république. Pour ces infâmes présidents des provinces! de quel nom puis-je les appeler? Sont-ce des proconsuls,[26] sont-ce des présidents, ces hommes qui s’imaginent que les provinces leur ont été données par le sénat et par Antonin, pour qu’ils vivent dans les délices, pour qu’ils deviennent riches? Vous savez ce que l’on dit du préfet du prétoire de notre philosophe. Trois jours avant que d’être préfet, ce n’était qu’un misérable mendiant, et tout à coup le voilà riche. D’où, je vous prie, cela lui est-il venu, si ce n’est des entrailles de la république et des dépouilles des provinces? Qu’ils soient riches, je le veux bien : qu’ils nagent dans l’opulence, leurs richesses viendront remplir le trésor public épuisé. Puissent seulement les dieux favoriser, le bon parti, et que les fidèles émules de Cassius rendent à la république son ancienne autorité ! » Cette lettre indique assez combien aurait été rigide et cruel un semblable empereur.
TEXTE LATIN
VULCATIUS GALLINACUSAVIDII CASSII VITA.
I. Avidius Cassius, ut quidam volunt, ex familia Cassiorum fuisse dicitur per marem, tamen novo genitus Avidio Severo, qui ordines duxerat et post ad summas dignitates pervenerat; cujus Quadratus in historiis meminit, et quidem graviter, cum illum summum virum et necessarium reipublicæ adserit et apud ipsum Marcum prævalidum; nam jam eo imperante perisse fatali sorte perhibetur. Hic ergo Cassius ex familia, ut diximus, Cassiorum, qui in Caium Julium conspiraverant, oderat tacite principatum nec ferre poterat imperatorium nomen dicebatque nil esse gravius nomine imperii, quod non posset e republica tolli nisi per alterum imperatorem. denique temptasse in pueritia dicitur extorquere etiam Pio principatum, sed per patrem, virum sanctum et gravem, affectationem tyrannidis latuisse, habitum tamen semper ducibus suspectum. Vero autem illum parasse insidias ipsius Veri epistula indicat, quam inserui. ex epistula Veri: « Avidius Cassius avidus est, quantum et mihi videtur et jam inde sub avo meo, patre tuo, innotuit, imperii: quem velim observari jubeas. omnia ei nostra displicent, opes non mediocres parat, litteras nostras ridet. te philosopham aniculam, me luxuriosum morionem vocat. vide quid agendum sit. ego hominem non odi, sed vide, ne tibi et liberis tuis non bene consulat, quum tales inter præcinctos habeas, qualem milites libenter audiunt, libenter vident. » II. Rescriptum Marci de Avidio Cassio: « epistulam tuam legi, sollicitam potius, quam imperatoriam et non nostri temporis. nam si ei divinitus debetur imperium, non poterimus interficere, etiamsi velimus. Scis enim proavi tui dictum: « successorem suum nullus occidit »; sin minus, ipse sponte sine nostra crudelitate fatales laqueos inciderit. adde quod non possumus reum facere, quem et nullus accusat et, ut ipse dicis, milites amant. deinde in causis majestatis hæc natura est, ut videantur vim pati etiam quibus probatur. scis enim ipse, quid avus tuus Hadrianus dixerit: « misera conditio imperatorum, quibus de affectata tyrannide nisi occisis non potest credi. » Ejus autem exemplum ponere, quam Domitiani, qui hoc primus dixisse fertur malui. tyrannorum enim etiam bona dicta non habent tantum auctoritatis, quantum debent. sibi ergo habeat suos mores, maxime quum bonus dux sit et severus et fortis et reipublicæ necessarius. nam quod dicis liberis meis cavendum esse morte illius: plane liberi mei pereant, si magis amari merebitur Avidius quam illi et si reipublicæ expediet Cassium vivere quam liberos Marci. » Hæc de Cassio Verus, hæc Marcus. III. Sed nos hominis naturam et mores breviter explicabimus; neque enim plura de his sciri possunt, quorum vitam et inlustrare nullus audet eorum causa, a quibus oppressi fuerint. Addemus autem, quemadmodum ad imperium venerit et quemadmodum sit occisus et ubi victus. Proposui enim, Diocletiane Auguste, omnes, qui imperatorium nomen sive juste sive iniuste habuerunt, in litteras mittere, ut omnes purpuratos, Auguste, cognosceres. Fuit his moribus, ut nonnumquam trux et asper videretur aliquando mitis et lenis, sæpe religiosus, alias contemptor sacrorum, avidus vini item abstinens, cibi adpetens et inediæ patiens, Veneris cupidus et castitatis amator. Nec defuerunt qui illum Catilinam vocarent, cum et ipse se ita gauderet appellari, addens futurum se Sergium, si dialogistam occidisset, Antoninum hoc nomine significans, quitantum enituit in philosophia, ut iturus ad bellum Marcomannicum timentibus cunctis, ne quid fatale proveniret, rogatus sit non adulatione sed serio, ut præcepta philosophiæ ederet. Nec ille timuit, sed per ordinem paræneseon, hoc est præceptionum, per triduum disputavit. Fuit præterea disciplinæ militaris Avidius Cassius tenaxet qui se Marium dici vellet. IV. Quoniam de severitate illius dicere cœpimus, multa extant crudelitatis potius quam severitatis ejus indicia. Nam primum milites, qui aliquid provincialibus tulissent per vim, in illis ipsis locis, in quibus peccaverant, in crucem sustulit. Primus etiam id supplicii genus invenit, ut stipitem grandem poneret pedum octoginta et centum, id est materiam, et a summo usque ad imum damnatos ligaret et ab imo focum adponeret incensisque aliis alios fumo, cruciatu, timore etiam necaret. Idem denos catenatos in profluentem mergi iubebat vel in mare. Idem multis desertoribus manus excidit, aliis crura incidit ac poplites dicens majus exemplum esse adviventis miserabiliter criminosi quam occisi. Cum exercitum duceret, et inscio ipso manus auxiliaria centurionibus suis auctoribus tria milia Sarmatarum neglegentius agentum in Danuvii ripis occidissent et cum præda ingenti ad eum redissent sperantibus centurionibus præmium, quod perparva manu tantum hostium segnius agentibus tribunis et ignorantibus occidissent, rapi eos jussit et in crucem tolli servilique supplicio adfici, quod exemplum non extabat, dicens evenire potuisse, ut essent insidiæ ac periret Romani imperii reverentia. Et cum ingens seditio in exercitu orta esset, processit nudus campestri solo tectus et ait: "Percutite", inquit, "Me, si audetis et corruptæ disciplinæ facinus addite." Tunc conquiescentibus cunctis meruit timeri, quia ipse non timuit. Quæ res tantum disciplinæ Romanis addidit, tantum terroris barbaris iniecit, ut pacem annorum centum ab Antonino absente peterent, si quidem viderant damnatos Romani ducis judicio etiam eos, qui contra fas vicerant. V. De hoc multa gravia contra militum licentiam facta inveniuntur apud Æmilium Parthenianum, qui adfectatores tyrannidis jam inde a veteribus historiæ tradidit. Nam et virgis cæsos in foro et in mediis castris securi percussi qui ita meruerunt, et manus multis amputavit. Et præter laridum ac buccellatum atque acetum militem in expeditione portare prohibuit et, si aliud quippiam repperit, luxuriem non levi supplicio adfecit. Extat de hoc epistula divi Marci ad præfectum suum talis: "Avidio Cassio legiones Syriacas dedi diffluentes luxuria et Dafnidis moribus agentes, quas totas excaldantes se repperisse Cæsonius Vectilianus scripsit. Et puto me non errasse, si quidem et tu notum habeas Cassium, hominem Cassianæ severitatis et disciplinæ. Neque enim milites regi possunt nisi vetere disciplina. Scis enim versum a bono pœta dictum et omnibus frequentatum : Moribus antiquis res stat Romana virisque. Tu tantum fac adsint legionibus abunde commeatus, quos, si bene Avidium novi, scio non perituros." Præfecti ad Marcum: "Recte consuluisti, mi domine, quod Cassium præfecisti Syriacis legionibus. Nihil enim tam expedit quam homo severior Græcanicis militibus. Ille sane omnes excaldationes, omnes flores de capite, collo et sinu militi excutiet. Annona militaris omnis parata est, neque quicquam deest sub bono duce: non enim multum aut quæritur aut inpenditur." VI. Nec fefellit de se judicium habitum. Nam statim et ad signa edici jussit et programma in parietibus fixit, ut, si quis cinctus inveniretur apud Dafnen, discinctus rediret. Arma militum septima die semper respexit, vestimenta etiam et calciamenta et ocreas, delicias omnes de castris summovit jussitque eos hiemem sub pellibus agere, nisi corrigerent suos mores; et egissent, nisi honestius vixissent. Exercitium septimi diei fuit omnium militum, ita ut et sagittas mitterent et armis luderent. Dicebat enim miserum esse, cum exercerentur athletæ, venatores et gladiatores, non exerceri milites; quibus minor esset futurus labor, si consuetus esset. Ergo correcta disciplina et in Armenia et in Arabia et in Ægyptores optime gessit amatusque est ab omnibus orientalibus et speciatim ab Antiochensibus, qui etiam imperio ejus consenserunt, ut docet Marius Maximus in vita divi Marci. Nam cum et Bucolici milites per Ægyptum gravia multa facerent, ab hoc retunsi sunt, ut idem Marius Maximus refert in eo libro, quem secundum de vita Marci Antonini edidit. VII. Hic imperatorem se in oriente appellavit, ut quidam dicunt, Faustina volente, quæ valetudini Marci jam diffidebat et timebat ne infantes filios tueri sola non posset atque aliquis existeret, qui capta statione regia infantes de medio tolleret. Alii autem dicunt hanc artem adhibuisse militibus et provincialibus Cassium contra Marci amorem, ut sibi posset consentiri, quod diceret Marcum diem suum obisse. Nam et divum eum appellasse dicitur, ut desiderium illius leniret. Imperatorio animo cum processisset, eum, qui sibi aptaverat ornamenta regia, statim præfectum prætorii fecit; qui et ipse occisus est Antonino invito ab exercitu, qui et Mæcianum, cui erat commissa Alexandria quique consenserat spe participatus Cassio, invito atque ignorante Antonino interemit. Nec tamen Antoninus graviter est iratus rebellione cognita nec in ejus liberos aut affectus sævit. Senatus illum hostem appellavit bonaque ejus proscripsit. Quæ Antoninus in privatum ærarium congeri noluit, quare senatu præcipiente in ærarium publicum sunt relata. Nec Romæ terror defuit, cum quidam Avidium Cassium dicerent absente Antonino, qui nisi a voluptariis unice amabatur, Romam esse venturum atque urbem tyrannice direpturum, maxime senatorum causa. Qui eum hostem judicaverant bonis proscriptis. Et amor Antonini hoc maxime enituit, quod consensu omnium præter Antiochenses Avidius interemptus est; quem quidem occidi non jussit sed passus est, cum apud cunctos clarum esset, si potestatis suæ fuisset, parsurum illi fuisse. VIII. Caput ejus ad Antoninum cum delatum esset, ille non exultavit, non elatus est, sed etiam doluit ereptam sibi esse occasionem misericordiæ, cum diceret se vivum illum voluisse capere, ut illi exprobraret beneficia sua eumque servaret. Denique cum quidam diceret reprehendendum Antoninum, quod tam mitis esset inhostem suum ejus que liberos et adfectus atque omnes, quos conscios tyrannidis repperisset, addente illo qui reprehendebat "quid si ille vicisset?", dixisse dicitur: "non sic deos coluimus nec sic vivimus, ut ille nos vinceret." Enumeravit deinde omnes principes, qui occisi essent, habuisse causas, quibus mererentur occidi nec quemquam facile bonum vel victum a tyranno vel occisum, dicens meruisse Neronem, debuisse Caligulam, Othonem et Vitellium nec imperare voluisse. Nam de Pertinace et Galba paria sentiebat, cum diceret in imperatore avaritiam esse acerbissimum malum. Denique non Augustum, non Traianum, non Hadrianum, non patrem suum a rebellibus potuisse superari, cum et multi fuerint et ipsis vel invitis vel insciis extincti. Ipse autem Antoninus a senatu petit, ne graviter in conscios defectionis animadverteretur, eo ipse tempore, quo rogavit, ne quis senator temporibus suis capitali supplicio adficeretur, quod illi maximum amorem conciliavit; denique paucissimis centurionibus punitis deportatos revocari jussit. IX. Antiochensis, qui Avidio Cassio consenserant, sed et his et aliis civitatibus, quæ illum iuverant, ignovit, cum primo Antiochensibus graviter iratus esset hisque spectacula sustulisset et multa alia civitatis ornamenta, quæ postea reddidit. Filios Avidii Cassii Antoninus parte media paterni patrimonii donavit, ita ut filias ejus auro, argento et gemmis cohonestaret. Nam et Alexandriæ, filiæ Cassii, et genero Druentiano liberam evagandi, ubi vellent, potestatem dedit. Vixeruntque non quasi tyranni pignora, sed quasi senatorii ordinis in summa securitate, cum illis etiam in lite obici fortunam propriæ vetuisset domus, damnatis aliquibus iniuriarum, qui in eos petulantes fuissent. Quos quidem amitæ suæ marito commendavit. Si quis autem omnem hanc historiam scire desiderat, legat Mari Maximi secundum librum de vita Marci, in quo ille ea dicit, quæ solus Marcus mortuo jam Vero egit. Tunc enim Cassius rebellavit, ut probat epistula missa ad Faustinam, cujus hoc exemplum est: "Verus mihi de Avidio verum scripserat, quod cuperet imperare. Audisse enim te arbitror, quod Veri statores de eo nuntiarent. Veni igitur in Albanum, uttractemus omnia dis volentibus nil timeas." Hinc autem apparet Faustinam ista nescisse, cum dicat Marius infamari eam cupiens, quod ea conscia Cassius imperium sumpsisset. Nam et ipsius epistula extat ad virum, qua urget Marcum, ut in eum graviter vindicet. Exemplum epistulæ Faustinæ ad Marcum: "Ipsa in Albanumcras, ut jubes, mox veniam: tamen jam hortor, ut, si amas liberos tuos, istos rebelliones acerrime persequaris. Male enim adsuevereunt et duces et milites, qui nisi opprimuntur, oppriment." X. Item alia epistula ejus dem Faustinæ ad Marcum: "Mater mea Faustina patrem tuum Pium in defectione Celsi si hortata est, ut pietatem primum circa suos servaret, sic circa alienos. Non enim pius est imperator, qui non cogitat uxorem et filios. Commodus noster vides in qua ætate sit. Pompeianus generet senior est et peregrinus. Vide, quid agas de Avidio Cassio et de ejus consciis. Noli parcere hominibus, qui tibi non pepercerunt et nec mihi nec filiis nostris parcerent, si vicissent. Ipsa iter tuum mox consequor: quia Fadilla nostra ægrotabat, in Formianum venire non potui. Sed si te Formis invenire non potuero, adsequar Capuam, quæ civitas et meam et filiorum nostrum ægritudinem poterit adiuvare. Soteridam medicum in Formianum ut dimittas, rogo. Ego autem Pisitheo nihil credo, qui puellæ virgini curationem nescit adhibere. Signatas mihi litteras Calpurnius dedit: ad quas rescribam, si tardavero, per Cæcilium senem spadonem, hominem, ut scis, fidelem. Cui verbo mandabo, quid uxor Avidii Cassii et filii et gener de te jactare dicantur." XI. Ex his litteris intellegitur Cassio Faustinam consciam non fuisse quin etiam supplicium ejus graviter exegisse, siquidem Antoninum quiescentem et clementiora cogitantem ad vindictæ necessitatem impulit. Cui Antoninus quid rescripserit, subdita epistula perdocebit: "Tu quidem, mea Faustina, religiose pro marito et pro nostris liberis agis. nam relegi epistulam tuam in Formiano, qua me hortaris, ut in Avidii conscios vindicem. Ego vero et ejus liberis parcam et genero et uxori et ad senatum scribam, ne aut proscriptio gravior sit aut pœna crudelior. Non enim quicquam est, quod imperatorem Romanum melius commendet gentibus quam clementia. Hæc Cæsarem deum fecit, hæc Augustum consecravit, hæc patrem tuum specialiter Pii nomine ornavit. Denique si ex mea sententia de bello judicatum esset, nec Avidius esset occisus. Esto igitur secura: "Di me tuentur, dis pietas mea cordi est." Pompeianum nostrum in annum sequentem consulem dixi." Hæc Antoninus ad conjugem. XII. Ad senatum autem qualem orationem miserit, interest scire. Ex oratione Marci Antonini: "Habetis igitur, patres conscripti, pro gratulatione victoriæ generum meum consulem, Pompeianum dico, cujus ætas olim remuneranda fuerat consulatu, nisi viri fortes intervenissent, quibus reddi debuit, quod a re publica debebatur. Nunc quod ad defectionem Cassianam pertineret, vos oro atque obsecro, patres conscripti, ut censura vestra deposita meam pietatem clematiamque servetis, immo vestram neque quemquam ullum senatus occidat. Nemo senatorum puniatur, nullius fundatur viri nobilis sanguis, deportati redeant, proscripti bona recipiant. Utinam possem multos etiam ab inferis ecxitare ! non enim umquam placet in imperatore vindicta sui doloris, quæsi justior fuerit, acrior videtur. Quare filiis Avidii Cassii et genero et uxori veniam dabitis. Et quid dico veniam, cum illi nihil fecerint. Vivant igitur securi scientes sub Marco vivere. Vivant in patrimonio parentum pro parte donato, auro, argento, vestibus fruantur. sint divites, sint securi, sint vagi et liberi et per ora omnium ubique populorum circumferant meæ, circumferant vestræ pietatis exemplum. Nec magna hæc est, patres conscripti, clementia, veniam proscriptorum liberis et coniugibus dari: ego vero a vobis peto, ut conscios senatorii ordinis et equestris a cæde, a proscriptione, a timore, ab infamia, ab invidia et postremo abomni vindicetis iniuria detisque hoc meis temporibus, ut in causa tyrannidis, qui in tumultu cecidit, probetur occisus." XIII. Hanc ejus clementiam senatus his adclamationibus prosecutus est: "Antonine pie, di te servent. Antonine clemens, di te servent! Antonine clemens, di te servent! tu voluisti quod licebat, nos fecimus quod decebat. Commodo imperium justum rogamus. Progeniem tua robora. Fac securi sint liberi nostri. Bonum imperium nulla vis lædit. Commodo Antonino tribuniciam potestatem rogamus, præsentiam tuam rogamus. Philosophiæ tuæ, patientiæ tuæ, doctrinæ tuæ, nobilitati tuæ, innocentiæ tuæ. Vincis inimicos, hostes exuperas, di te tuentur." Et reliqua. Vixerunt igitur posteri Avidii Cassii securi et ad honores admissi sunt. Sed eos Commodus Antoninus post excessum divi patris sui omnes vivos incendi jussit, quasi in factione deprehensos. Hæc sunt, quæ de Cassio Avidio conperimus. Cujus ipsius mores, ut supra diximus, varii semper fuerunt, sed ad censuram crudelitatemque propensiores. Qui si optinuisset imperium, fuisset non modo clemens sed bonus, sed utilis et optimus imperator. XIV. Nam extat epistola ejus ad generum suum jam imperatoris hujusmodi: "Misera res publica, quæ istos divitiarum cupidos et divites patitur. Miser Marcus, homo sane optimus, qui, dum clemens dici cupit, eos patitur vivere, quorum ipse non probat vitam. Ubi Lucius Cassius, cujus nos frustra tenet nomen? Ubi Marcus ille Cato Censorius? Ubi omnis disciplina majorum? Quæ olim quidem intercidit, nunc vero nec quæritur. Marcus Antoninus philosophatur et quærit de elementis et de animis et de honesto et justo necsentit pro re publica. Vides multis opus esse gladiis, multis elogiis, ut in antiquum statum publica forma reddatur. Ego vero istis præsidibus provinciarum, an ego proconsules, an ego præsides putem, qui ob hoc sibi a senatu et ab Antonino provincias datas credunt, ut luxurientur, ut divites fiant? Audisti præf. prætorii nostri philosophi ante triduum quam fieret mendicum et pauperem, sed subito divitem factum. Unde, quæso, nisi devisceribus reipublicæ provincialiumque fortunis? Sint sane divites, sint locupletes: ærarium publicum refercient; tantum difaveant bonis partibus: reddent Cassiani rei publica principatum." Hæc epistola ejus indicat, quam severus et quam tristis futurus fuerit imperator.
[1] A ces diverses conjectures, qui ont pour elles l’autorité des savants, on pourrait en ajouter une autre encore. Les lettres V. C. ne peuvent-elles pas signifier Vestrae Clementiae, ce qui serait alors tout simplement une dédicace de Vulcatius à Dioclétien? Ce titre d’honneur que la flatterie donnait alors aux empereurs, se trouve souvent dans les écrivains de l’Histoire Auguste (Voir par exemple le commencement de la Vie de Geta dans Spartianus). Quant au barbarisme de vertrœ pour tuœ, nous en avons aussi des exemples dans les mêmes écrivains (Voir Trebellius, les Trente tyrans, à la fin de l’article d’Emilien: Vestrum parentem, etc.). Au delà de cette époque, cette forme est habituelle. Eutrope signe ainsi la lettre de dédicace à Valens : Eutropius V. C. peculiariter suus, ce qui paraît vouloir dire: « De Votre Clémence le serviteur dévoué, Eutrope ». Là aussi, je le sais, les commentateurs ont voulu voir vir clarissimus, et faute, peut-être, de pouvoir l’expliques d’une manière satisfaisante, ils ont jugé à propos de retrancher cette fin. Dans l’explication de ce dernier passage, j’ai du moins pour moi Casaubon. [2] Dion (liv. LXXI) affirme qu’Avidius, Syrien d’origine, était fils d’un certain rhéteur, nommé Héliodore, qui devint préfet d’Égypte. Avidius Cassius lui-même, au dernier chapitre de cette Vie, fait allusion au nom qu’il porte, sans que rien, dans ses paroles, indique qu’il regarde Lucius Cassius comme un de ses ancêtres. Il dit seulement « Ubi Lucius Cassius, cujus nos frustra tenet nomen? » [3] Les éditions plus récentes disent avo genitus. J’ai rétabli le texte des manuscrits et des anciennes éditions, parce qu’il me paraît présenter bon sens qui ne manque point de clarté : « Avidius, à ce que disent quelques historiens, vient de l’antique famille des Cassius, cependant, par les mâles, il tire son origine d’Avidius Severus, homme nouveau. Le changement que fait Saumaise de marem en matrem, en ajoutant une virgule après tamen, semble également superflu; le texte ancien suffit pour établir le même sens. En effet, si Avidius Cassius, par son père, c’est de la famille d’Avidius Severus, il est évident qu’il ne peut descendre des Cassius que par sa mère. [4] Cincti est souvent employé, dans les auteurs de cette époque, pour signifier milites. Prœcincti marquera-t-il quelque supériorité sur les soldats? signifie-t-il des chefs militaires? [5] Conditionem principum miserrimam aiebat, quibus de conjuratione comperta non crederetur, nisi occisis. (Suétone, Domit., c. xx.) Dion Cassius (liv. lv) développe cette même pensée clans ces paroles que Livie adresse à Auguste. [6] C’est le proverbe grec: Οὐχ ὁ λόγος ἐστίν ὁ πείτων ἀλλ' ὁ τρόπος. [7] Je croirais inutile de rappeler que Sergius est le nom de famille de Catilina, et que, par conséquent, il est mis ici pour Catilina lui-même, si Casaubon, par une singulière préoccupation, ne voulait voir ici je ne sais quel affranchi de Catilina, cité une fois par Cicéron dans son discours pro Domo sua, ad pontifices. [8] Lucain se sert presque des mêmes mots : ................................Meruitque timeri Non metuens. [9] Daphné était un faubourg d’Antioche, ou plutôt un bourg à peu de distance de cette ville. Il était célèbre par la dissolution de ses mœurs. [10] Ce vers est d’Ennius : Moribus antiquis res stat Romana virisque. [11] L’auteur oublie ici Marc Aurèle, pour ne suivre que sa pensée. Comment ce prince pouvait-il parler ainsi de Pertinax, qui ne devait s’élever à l’empire que douze ans après sa mort? Il n’y a cependant pas moyen de changer le teste : tous les manuscrits et toutes les éditions sont d’accord. Gruter, pour sauver notre auteur de cette singulière inadvertance, propose une correction qui ne manque point de probabilité; il propose de lire : Nam de pertinacitate Galbæ paria sentiebat, « il portait un semblable jugement sur l’avarice de Galba. » Ce que Marc Aurèle dit ici de ce prince, rappelle la manière dont Tacite parle de lui (Hist., liv. i, ch. 18) [12] Saumaise trouve dans son manuscrit de la bibliothèque Palatine herispatores, qu’il change en Veri statores, s’appuyant sur un passage de Dion. Ce Verus, par les courriers duquel Marc Aurèle apprend la révolte d’Avidius, n’est point l’empereur de ce nom, qui déjà était mort, mais un gouverneur de la Cappadoce, dont parle aussi Capitolin dans la Vie de Lucius Verus. Ces statores étaient des gens à stations fixes, qui étaient chargés de faire circuler la correspondance de leur maître. Du temps même de la république, cette poste particulière existait déjà, comme on peut le voir par les lettres de Cicéron : « Litteras a te mihi stator tuus reddidit. » Autre part : « Præ sto mihi fuit stator ejus cum litteris, quibus ne venirem denuntiabat. » [13] On sait que les empereurs avaient à Albe une maison de plaisance. [14] Les manuscrits et les éditions disent nihil timens. J’ai adopté la correction de Gruter. [15] Les manuscrits et les éditions disent ad Verum. La lettre dont il est ici question est la même dont il cite immédiatement après un passage. Or, elle est adressée par Faustine à son mari, et non à Verus. Casaubon a évidemment raison de lire ad virum. [16] Après avoir dit qu’elle viendra à Albe le lendemain, elle se reprend et dit qu’elle viendra bientôt. Nous voyons dans une seconde lettre que sa fille Fadilla était malade, et que cette circonstance l’empêchait de rejoindre son mari. Peut-être est-ce cette même maladie qui, dans le passage qui nous occupe, lui fait indiquer d’une manière vague l’époque de son arrivée à Albe. [17] Le texte des éditions ne porte point virum; mais cet ejusdem attend évidemment quelque chose. J’ai adopté la correction de Casaubon, qui s’accorde bien avec ce que doit dire ici la femme de Marc Aurèle. [18] Pompeianus, gendre de Marc Aurèle, est vieux; en outre, comme originaire d’Antioche, il a peu de crédit à Rome, deux motifs pour qu’il soit une bien faible ressource pour la famille impériale. [20] Casaubon et Saumaise voudraient remplacer multos par mortuos ou sepultos. Je n’en vois pas le motif le texte, tel qu’il est, présente un sens parfaitement clair, en rapport avec ce que Marc Aurèle doit penser et dire. [21] La coutume des acclamations chez les Romains, d’abord au théâtre, puis dans le forum, et plus tard dans le sénat même, nous est connue par plus d’un passage des auteurs latins; mais, dans aucun écrivain avant ceux de l’Histoire Auguste, nous ne trouvons reproduite la forme elle-même de ces acclamations. On peut juger par l’exemple que nous voyons ici, et par d’autres encore; rapportés dans cet ouvrage, que ces acclamations étaient des actes publics, dont toutes les paroles étaient préparées et convenues à l’avance. Elles étaient prononcées par toutes les voix, avec une certaine modulation qui les rapprochait du chant, tellement que Pline le Jeune leur donne le nom de cantica. La formule elle-même avait quelque chose de rythmique: les mêmes désinences se reproduisaient à des espaces rapprochés, et souvent les mêmes mots se répétaient plusieurs fois. Le nombre de ces répétitions était soigneusement consigné dans le journal des actes publics. Dans l’acclamation du sénat à l’occasion de l’avènement de Claude à l’empire, que nous a conservée Trebellius Pollion, nous voyons religieusement indiqué le nombre de fois que chaque phrase a été répétée : quelques-unes l’ont été jusqu’à soixante, d’autres jusqu’à quatre vingt fois. Cette coutume et cette forme des acclamations a été, comme le fait très bien observer Casaubon, introduite dans les assemblées de l’église chrétienne, et même dans certaines prières. [22] Par imperium justum, on entend évidemment un empire complet, auquel il ne manque rien : tout ce qui suit indique ce sens, et surtout ces mots: Commodo Antonino tribunitiam potestatem rogamus. La puissance tribunitienne ne se séparait pas de l’autorité impériale. [23] Il manque ici un verbe, qui se devine facilement : ce ne peut être que bene precamur, ou quelque autre du même sens. [24] Il est clair que Vulcatius ne dit point ici ce qu’il eût pensé lui-même, si Avidius avait réussi, mais bien quel eût été le jugement de la multitude, ou du moins le langage de l’adulation. Le sens que nous donnons à ce passage de Vulcatius ne peut-être douteux; car immédiatement après, il cite une lettre de Cassius, qui ne respire que haine et violence, et il la termine par cette réflexion qui répond évidemment à ce qu’il a dit plus haut: « Hæ c epistola ejus indicat, quam severus, et quam tristis futurus fuerit imperator. » [25] Il entend sans doute par elogia, les inscriptions, les écriteaux qui indiquaient le crime pour lequel un coupable était puni. [26] La phrase est interrompue et manque de verbe. Cette réticence sous-entend évidemment une menace.
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