RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE

 

RETOURNER à LA TABLE DES MATIÈRES D'eusèbe

 

EUSÈBE DE CÉSARÉE

 

Préparation évangélique

LIVRE X

livre IX - livre XI

 

 

texte grec

DE LA PRÉPARATION ÉVANGÉLIQUE D'EUSÈBE DE CÉSARÉE.

LIVRE DIXIÈME.

CHAPITRE 1er.

QUE LES GRECS DOIVENT AUX BARBARES LES PLUS ESTIMABLES DE LEURS SCIENCES ET DE L'ANTIQUITÉ DES HEBREUX.

Ayant fait précéder l'exposition des causes pour lesquelles  nous avons préféré la philosophie des Hébreux à celle des Grecs, et les motifs par lesquels nous avons admis leurs livres sacrés;  après avoir montré que les Grecs eux-mêmes n'ont pasméconnu l'existence de ce peuple, qu'ils ont positivement nommé, dont ils ont admiré les institutions sociales et domestiques; qu'ils ont fait un grand état de sa royale métropole et de toute son histoire ; nous ajouterons que non seulement ils ont rappelé la mémoire de leurs saintes écritures, mais qu'ils se les sont proposés comme modèles dans l'enseignement d'une doctrine semblable à la leur, par la divulgation des dogmes propres à élever l'âme à un haut degré de perfection. Et de même que chacun de ceux qui se sont fait un nom dans la Grèce, ont rapporté des divers pays barbares qu'ils ont parcourus, comme je le ferai bientôt voir, l'un la géométrie, l'autre l'arithmétique, celui-ci la musique, celui-là l'astronomie, un autre la médecine, puis les premiers éléments de la grammaire, enfin les inventions innombrables des arts et les institutions qui embellissent notre existence; comme déjà les livres précédents ont prouvé que l'opinion concernant la pluralité des dieux, que les mystères, puis les histoires et récits fabuleux à l'égard de ces mêmes dieux, ainsi que les explications allégoriques des fables, et tout l'ensemble des erreurs superstitieuses, avaient été importés de chez les Barbares. lorsque les plus anciens Grecs voyageant dans une grande partie de l'univers, non comme des êtres infortunés, mais animés de l'amour de la science, avaient tenu de l'hospitalité des nations barbares ces traditions dont ils ont composé, à l'usage de leurs compatriotes, une théologie dont nous avons dévoilé le secret : de même tout ce qui a rapport au culte d'un Dieu unique et universel, les dogmes qui traitent des plus grands intérêts de l'âme ( ce qui embrasse les questions essentielles de la philosophie ), n'ont pu être puisés ailleurs que chez les Hébreux, comme nous en donnerons bientôt la démonstration. Que si l'on niait cette vérité, en soutenant qu'on pouvait s'élever à la composition d'un corps de doctrine pareille par la seule méditation et par l'étude de la nature, nous admettrons cette possibilité, non pour ces vérités venues d'en haut, et révélées aux seuls Hébreux par des théologiens, doués du don de prophétie ; mais pour celles dues sinon à tous, du moins à quelques génies illustrés dans la Grèce, et aux discussions philosophiques des écoles entre lesquelles il existe une sorte de rivalité. Et encore que le nombre de ceux qui ont fait de semblables découvertes soit très restreint, d'après le proverbe qui dit, que les belles choses sont difficiles (01) ; comme néanmoins ceux qui tiennent le premier rang parmi les philosophes, pour augmenter leur propre célébrité, ont encore cherché à éclipser les rivaux qui pouvaient partager leur gloire, on ne doit point s'étonner s'ils mettent tout en œuvre pour ravir (02) aux Hébreux les dogmes qu'ils leur doivent, lorsque non seulement ils s'accordent pour dépouiller les Égyptiens, les Chaldéens et les autres nations barbares, des découvertes qui leur appartiennent; niais que même on les surprend se pilant l'un l'autre par rivalité d'auteurs, se glorifiant (03) comme d'un travail personnel, des larcins qu'ils se sont faits, soit en expressions, soit en pensées, ou pour des portions entières d'ouvrages. Et ne croyez pas que cette accusation vienne de moi seul : veuillez écouter de nouveau les hommes les plus savants, qui donnent la preuve de ces plagiats réciproques. Puisque nous avons abordé cette question, il est nécessaire d'y jeter un coup d'œil rapide, qui fera voir quelle est la manière d'agir de nos adversaires. Notre Clément, dans le sixième livre des Stromates, a traité largement cette preuve. Prenez-le donc d'abord, et lisez ses propres paroles.

CHAPITRE II.

DE CLÉMENT SUR LE PLAGIAT DES ÉCRIVAINS GRECS.

« Ayant porté (a) jusqu'à l'évidence, la preuve que le génie les Grecs s'est éclairé des lumières de la vérité, qui brille dans les écritures qui nous ont été données; ce qui irait jusqu'au point de pouvoir dire d'eux, si le terme n'était pas injurieux, qu'ils sont convaincus du vol de la vérité; continuons cette démonstration, en citant les Grecs eux-mêmes, en témoignage des larcins qu'ils se sont faits. Car, ceux qui ouvertement se pillent entre eux, justifient l'opinion qu'ils sont des voleurs; et qu'ayant reçu de nous (04) la vérité, ils ont dû se l'approprier, pour la répandre furtivement parmi leurs compatriotes. Si, en effet, ils n'ont pas respecté les leurs, à combien plus forte raison n'auront-ils pu s'abstenir de porter la main sur notre bien. Je garderai le silence sur ce qui est des dogmes de philosophie, puisque ceux qui se sont érigés en chefs de sectes confessent, dans leurs écrits, qu'ils se rendraient coupables d'ingratitude, s'ils ne rapportaient pas à Socrate l'honneur des dogmes principaux qu'ils avouent tenir de lui. Me contentant donc d'un petit nombre de témoignages, empruntés à des auteurs souvent cités, et jouissant parmi les Grecs d'une estime générale, je ferai ressortir l'espèce de leurs larcins, en puisant indifféremment dans les différentes époques de leur histoire, puis je retournerai à l'accomplissement du plan que je me suis tracé (05).»

S'étant exprimé en ces termes, comme dans une sorte de préambule, Clément ajoute immédiatement les preuves de ce
qu'il avance, preuves tirées d'une foule d'exemples, d'abord de ceux des poètes qui ont dérobé à d'autres poètes les vers qu'il cite, en en justifiant par le rapprochement dos passages comparés (b). Après quoi il ajoute ce qui suit.

« En sorte (06),  que nous ne trouvons à l'abri de cette imputation, ni la philosophie,  ni l'histoire, ni l'art oratoire, ce dont un petit nombre d'exemples suffiront pour convaincre.»

Il fait suivre cette assertion de morceaux tirés d'Orphée, d'Héraclite, de Platon, de Pythagore, d'Hérodote, de Théopompe, de Thucydide, de Démosthène, d'Eschine, de Lysias, d'Isocrate et de mille autres, dont il n'est pas besoin que j'enregistre ici les paroles, puisque l'ouvrage de ce grand homme subsiste, et qu'on peut facilement y trouver les garanties des faits qu'il allègue. Puis il ajoute : (c)

« Ces différentes espèces de plagiat de pensées, étant telles que je viens de les rapporter, chacun de ceux qui veulent en acquérir une démonstration évidente peuvent en l'aire la recherche; je n'en dirai pas plus à cet égard. Maintenant, je vais donner la preuve que ce ne sont pas seulement des pensées ou des expressions qu'ils se sont appropriés, comme on l'a montré (07), mais que leurs larcins vont ouvertement à s'attribuer des récits entiers, comme j'en donnerai la conviction; ils ont donc transporté dans leurs propres écrits, des relations entières qu'ils avaient dérobées à d'autres écrivains. Ainsi Eugamon (08) de Cyrène a pris dans Musée tout le livre qui traite desThesprotes.»

Après avoir donné encore un grand nombre de preuves de cette vérité, il ajoute en terminant (d) :

« Ma vie ne suffirait pas, si j'essayais de parcourir un à un les plagiats volontaires des Grecs, pour prouver qu'ils s'approprient la découverte des dogmes les plus excellents de leur philosophie, qu'ils nous ont dérobés. Cependant ils ne se sont pas contentés, comme cela est prouvé, de dérober des dogmes aux barbares; mais, de plus, imitant les actes de la puissance divine opérés parmi nous d'une manière merveilleuse, en faveur des hommes qui ont vécu saintement, et pour notre conversion, ils les ont remaniés et transformés en merveilles de la mythologie hellénique. Et si nous leur demandions si (09) ce qu'ils racontent est vrai ou faux? Faux, il ne l'avoueraient pas; car comment peut-on, de gaîté de coeur, se donner le cachet de la sottise la plus grande, en s'avouant coupable de mensonges dans ses écrits? Ils affirmeraient donc forcément que leurs récits sont véridiques. Or, comment ne pas se refuser à croire, comme leur étant arrivées, des choses que Dieu a opérées miraculeusement, en faveur de Moïse et des autres prophètes ?

« Le Dieu tout-puissant embrassant dans sa Providence toute la race humaine, appelle au salut les uns par les commandements, les autres par les menaces, ceux-ci par des signes et des prodiges, ceux-là par de doux avertissements. Or, les Grec ayant éprouvé une sécheresse prolongée qui avait désolé toute la a contrée, et tari dans leur germe la reproduction des fruits, ceux des habitants qui échappèrent, dit-on, aux dangers directs de l'intempérie, pressés par la disette, vinrent en suppliants au temple de Delphes et interrogèrent la Pythie sur ce qu'ils devaient faire, pour se soustraire aux maux auxquels ils étaient en proie. La prêtresse leur répondit que le seul moyen d'éloigner d'eux le fléau serait qu'ils eussent recours aux prières d'Éaque. Éaque donc s'étant laissé persuader par eux, il monta sur le sommet du mont Hellénique, élevant des mains pures vers le ciel- invoquant Dieu, le père commun des hommes, pour qu'il eût pitié de la Grèce infortunée. Il eut à peine achevé sa prière qu'un tonnerre d'heureux augure fit entendre des roulements modérés, toute l'atmosphère se remplit de nuages, des pluies abondantes et continues tombant avec fracas pénétrèrent dans le sol : de là une profusion de fruits de toute espèce vint apporter là richesse et la prospérité; et une récolte réparatrice fut due aux prières d'Éaque (10).

« Samuel, dit la Sainte Écriture, invoqua le Seigneur, et le Seigneur fit entendre sa voix, et la pluie vint au jour nécessaire pour la récolte. Vous voyez que c'est Dieu qui fait pleuvoir sur les bons et sur les méchants par le moyen des puissances soumises à ses ordres ; »

et ce qui suit.

Clément a rattaché à ce récit des nombreuses et irréfragables preuves qu'il a découvertes et qui établissent que les Grecs étaient des plagiaires; mais si son témoignage vous paraît suspect,. en ce que, pareillement à nous, il a préféré la philosophie des Barbares à celle des Grecs, laissons-le; encore bien que ce ne soit pas par ses paroles, mais parcelles des Grecs eux-mêmes, qu'il a prouvé la vérité de son opinion. Mais que diriez-vous si vous appreniez de vos fameux philosophes les mêmes choses qu'il a dites? accueillez donc leurs témoignages.

CHAPITRE III

DE PORPHYBE, SUR CE QUE LES GRECS ÉTAIENT PLAGIAIRES, TIRE DU PREMIER LIVRE DE L'ENSEIGNEMEHT PHILOLOGIQUE.

« Lorsque Longin, célébrant par un banquet, à Athènes, l'anniversaire de Platon (11), nous avait invités en grand nombre, là se trouvaient Nicagoras, le sophiste (12); Major (13) ; Apollonius, le grammairien: Démétrius, le géomètre; Prosenés, le péripatéticien et le stoïcien, Calietès, près desquels j'étais couché (14) en septième. Le repas étant déjà avancé, et la conversation étant tombée, entre autres choses, sur l'historien Éphore :Ecoutons, dit il,quel est ce bruit à l'occasion d'Éphore (Caystre et Maxime entamaient une dispute). Celui-ci préférait Éphore à Théopompe ; Caystre au contraire le traitait de plagiaire : Qu'est-ce qu'Éphore a réellement en propre ? n'a-t-il pas transporté dans son histoire jusqu'à trois mille lignes entières de Daïmaque (15), de Callisthène et d'Anaximène(16)? A quoi le grammairien Apollonius repartit : Eh ! ne savez-vous pas que ce Théopompe, à qui vous donnez la préférence, est atteint du même mal? n'a-t-il pas copié jusqu'aux expressions de l'Aréopagitique d'Isocrate, dans le onzième livre des Philippiques?

Ὅτι τῶν ἀγαθῶν καὶ τῶν κακῶν οὐδὲν αὐτὸ καθ' αὑτὸ παραγίνεται τοῖς ἀνθρώποις (Isocr., Areop., § 2.)

Et ce qui suit (qu'aucun des biens ou des maux n'arrive jamais seul aux hommes). Et cependant, il se place au-dessus d'Isocrate,et a soin de nous dire que cfe dernier a été vaincu par lui dans le concours des panégyriques de Mausole, lui, son disciple. Il fait encore disparaître la trace de ses larcins (17), en transportant aux uns ce qui est arrivé aux autres, en sorte qu'il se rend coupable de mensonge par cette manière. En effet, Andron, ayant relaté dans son trépied, sous le nom de Pythagore, les prédictions qui furent faites par ce philosophe, et ayant dit qu'ayant eu soif à Métaponte, il fit tirer de l'eau d'un certain puits, et qu'en ayant bu, il annonça que dans trois jours il y aurait un tremblement de  terre. Il ajouta, après avoir donné plusieurs autres explications : Eh bien, tout ce qu'Andron (18) a attribué à Pythagore, Théopompe le lui a dérobé; car s'il l'avait raconté de Pythagore, aussitôt tout le monde s'en serait aperçu et se serait écrié : J'aurais bien pu en dire autant ; au lieu qu'il a rendu le plagiat méconnaissable (19) en changeant le nom. Il a fait usage des mêmes faits, et substitué un autre nom : c'est Phérécyde de Syros qu'il fait intervenir comme ayant prédit ces choses; il ne masque pas son larcin à l'aide du nom seulement, mais aussi en déplaçant les lieux. Andron avait dit que la prédiction du tremblement de terre avait eu lieu à Métaponte ; Théopompe en place la scène à Scyros (20}. Ce n'est pas de Mégare en Sicile (21), mais de Samos qu'il dit qu'on a vu ce qui est relatif au vaisseau, et il a changé la prise de Sybaris en celle de .Messine ;.mais pour paraître dire quelque chose de nouveau, il a ajouté le nom de l'étranger qu'il dit s'appeler Périlaüs (22).

« Pour ma part, dit Nicagoras, en parcourant les Helléniques de cet historien et ceux de Xénophon, j'ai acquis la preuve qu'il avait interpolé un grand nombre de passages de ce dernier;  et ce qu'il y a de fâcheux, c'est qu^il les a changés en plus mal. J'en donnerai pour exemple la conférence entre Pharnabaze et Agésilas (livre IV, chap. 1er, § 29 des Helléniques de Xénophon), et les conversations qu'ils eurent, la foi qu'ils se donnèrent ; ce qui est écrit avec autant de grâce que de dignité dans le quatrième livre de Xénophon. Ayant transporté ces mêmes récits dans le onzième livre de ses Philippiques, Théopompe les a vendus sans mouvement, sans intérêt et d'une manière tout-à-fait aride, précisément à cause de son plagiat : roulant donner de la force et du fini à son style, il a alangui sa narration, et lui a donné l'apparente hésitation d'un temporisateur, corrompant tout ce qu'il y a d'animé et d'énergique dans le récit de Xénophon, Lorsque Nicagoras eut terminé : Comment serions-nous étonnés, dit Apollonius, que Théopompe et Éphore aient éprouvé les atteintes de la maladie du plagiat, ; quand nous voyons que Ménandre lui-même (23) a été infecté de ce vice, et qu'Aristophane le grammairien, malgré l'excessive tendresse qu'il lui porte, n'a pas pu s'empêcher de lui en faire doucement le reproche, eu opposant ses larcin  aux passages semblables qu'il s'est appropriés. Maïs Latinus a dévoilé tous les vols qu'il a commis, dans les six livres qui portent pour titre : Des choses qui n'appartiennent pas à Ménandre. De même que Philostrate d'Alexandrie (24), a composé tout un livre sur les plagiats de Sophocle, Cœcilius (25), comme s'il avait fait une grande découverte, dit que Ménandre a transporté dans son Δεισιδαίμων ( le superstitieux), toute la comédie d'Antiphane οἰωνίστη (l'augure).  Puisqu'il vous a plu, je ne sais pourquoi, dit A..., (26) de parler des plagiaires, je vous dénoncerai à mon tour le bel Hypéride qui a dérobé une foule de choses à Démosthène, dans le discours contre Diondas, et dans celui contre Euboulos pour cause de corruption ; car il est évident que l'un des deux a pris l'autre, attendu qu'ils sont contemporains. Et ce serait votre affaire, ô Apollonius, de démêler, d'après le calcul des temps, celui qui a dépouillé l'autre. Quant à moi, je suppose qu'Hypéride est le coupable. En tout cas, dans l'incertitude, j'admire Démosthène, parce qu'en prenant à Hypéride, il a su rectifier et placer convenablement ce que l'autre avait dit, ou je reproche à Hypéride d'avoir gâté Démosthène en le dépouillant. »

Puis après quelques observations, il ajoute :

« Que vous dirai-je? que les institutions barbares (τὰ βαρβαρικὰ νόμιμα) d'Hellanicus (27), sont toutes puisées dans Hérodote et dans Damaste, ou bien que la plus grande partie du second livre d'Hérodote est tirée mot pour mot de la Périegèse (description) d'Hécatée de Milet (28). Celui-là ayant seulement raccourci ce qui concerne le phénix, l'hippopotame et la chasse aux crocodiles.

« Que dirai je encore? Que les considérations d'Isée sur les tortures, dans le discours pour la succession de Ciron, (29) se retrouvent reproduites dans le discours d'Isocrate, intitulé Trapeziticus et dans celui de Démosthène en revendication (ἑξβούλης), contre Onetore, à peu près dans les mêmes termes; que Dinarque, dans son premier discours contre Cléomédon (30) pour sévices, avait transporté beaucoup d'idées avec les mêmes expressions prises du discours de Démosthène contre Conon ; également pour Simonide, que celte maxime d'Hésiode : L'homme ne peut rien prendre de meilleur qu'une bonne femme, rien de pire qu'une méchante (31).

Οὐ μὲν γάρ τι γυναικὸς ἀνὴρ ληίζετ' ἄμεινον
Τῆς ἀγαθῆς· τῆς δ' αὖτε κακῆς οὐ ῥίγιον ἄλλο.

a été prise par Simonide qui l'a placée dans son onzième livre, ainsi qu'il suit.

Γυναικὸς οὐδὲν χρῆμ' ἀνὴρ ληίζεται
Ἄμεινον ἐσθλής, οὐδὲ ῥίγιον κακῆς

Euripide l'a introduite dans la Ménalippe captive.

Τῆς μὲν κακῆς, κάκιον οὐδὲν γίνεται
Γυναικὸς· ἐσθλῆς δ' οὐδὲνν ὑπερβολὴν
Πέφθκ ἄμεινον, διαφέρουσι δ' αἱ φύσεις

« Euripide a dit : Femmes, nous sommes la créature la plus  malheureuse.  »

Γύναικές ἐσμεν ἀθλιώτατον´φυτόν.

Théodecte dans l'Alcméon, dit (32) :

Σαφὴς μὲν ἐν βροτοῖσιν ὑμνεῖται λόγος·
῾Ως  οὐδέν ἐστιν ἀθλιώτερον φυτὸν
Γυναικός.

«  Ce dernier ne s'est pas contenté d'y puiser l'idée, mais il l'a revêtue des mômes paroles que, par une insigne malice, il a voulu faire passer pour un proverbe, et a mieux aimé faire croire qu'il l'avait recueillie de la bouche de tout le monde, que d'avouer qu'il l'avait prise dans sou auteur. Antimaque (33) pillant Homère, le réforme en le gâtant : Homère avait dit :

Ἰδεώ θ' ὃς κράτιστος ἐπιχθονίων γένετ' ἀνδρῶν.

Antimaque :

Ἰδεώ θ' ὃς κράτιστος ἐπιθονίων ἦν ἀνδρῶν.

Lycophron approuve ce changement qui, selon lui, donne plus de gravité au vers (le Spondaïque). Je ne parlerai pas du:

Τὸν δ' ἀπαμειβόμενος προέφη κρείων Διομήδης.

« L'abus qu'Homère a fait du τὸν δ' ἀπαμειβόμενος ayant fourni l'occasion à Cratinus de traduire ce poète sur la scène. Eh bien, malgré sa fréquente répétition, Antimaque ne craint pas de s'en emparer. Homère a dit :

Λαῶν οἶσιν ἄνασσε, πατὴρ δ' ὡς ἤπιος ἦεν

« I! a encore dit ailleurs :

Οἱ δ' ἐπεὶ ἀμφοτέρωθεν ἐκαρτύναντο φάλαγγας

« Antitmaque, déplaçant ces hémistiches, en a fait :

Λαῶν οἶσιν ἄνασσον ἐκαρτύναντο φάλαγγας.

Cependant, de peur qu'en faisant le procès des plagiaires, on ne m'accuse de plagiat, je vais faire connaître ceux qui ont dévoilé dans leurs écrits les larcins de ce genre. Il existe des livre de Lysimaque (34) sur les plagiats d'Éphore. Alcée (35), l'auteur des Iambes satyriques et des épigrammes, a parodié les larcins d'Éphore en les faisant connaître. Il existe une lettre de Polion à Soterindas, sur les larcins de Ctésias, et un livre du même, sur ceux imputés à Hérodote. Dans l'ouvrage intitulé : Les Investigateurs, on en cite beaucoup de Théopompe. Dans la composition d'Arétadas sur la Synemptose (la Coïncidence), on peut apprendre beaucoup de traits de ce genre. »

Après d'autres remarques, Prosénès dit :

« Vous avez bien dévoilé les plagiaires; mais le divin Platon lui-même, dont nous célébrons aujourd'hui la fête éponyme, a beaucoup fait usage de ceux qui l'ont devancé. Je n'ose me servir du terme de larcin en parlant de lui; mais ne comprenez-vous pas? Que dites-vous, s'écria Callietès, je ne me borne pas à le dire, je veux encore le prouver : les livres de ceux qui ont écrit avant Platon sont rares, sans quoi peut-être découvrirait-on un plus grand nombre de plagiats du philosophe. Je suis cependant, par un hasard de fortune, tombé sur quelques-uns : je lisais le traité de Protagore sur l'être (36), contre ceux qui veulent que l'être soit un, et j'ai trouvé qu'il usait des mêmes objections que Platon, dont je me suis étudié à me rappeler les propres expressions. Et en disant cela, il cita de nombreux exercées de ces imitations. »

Cependant, je crois que ce qui vient d'être dit suffit, entre dix mille preuves qu'on pourrait ajouter, pour faire connaître la manière d'agir des écrivains Grecs, qui ne se sont pas même ménagé les accusations mutuelles entre eux. Maintenant, pour préparer la voie à la démonstration de l'utilité, que ces mêmes Grecs ont retirée de l'instruction des Hébreux, il me paraît nécessaire de passer en revue toute cette science tant vantée, et cotte philosophie grecque, et de montrer que les premiers rudiments de ces sciences et les mystères de la logique, leur ont été importés des barbares; en sorte que l'on n'aura plus à récriminer, quand on saura pourquoi nous avons préféré les doctrines religieuses et philosophiques des barbares à celles dont
les Grecs tirent vanité.

CHAPITRE IV.

QUE CE N'EST PAS SANS MOTIF QUE NOUS AVONS PRÉFÉRÉ LA THÉOLOGIE DES HÉBREUX A LA PHILOSOPHIE DES GRECS.

On jugera facilement que ce n'est pas sans mûre réflexion, ni sans examen approfondi, déterminés à placer en second ordre la philosophie des Grecs, lui préférant la théologie des Hébreux, lorsqu'on apprendra que ceux d'entre les Grecs qui ont le mieux saisi les doctrines philosophiques, et se sont plus complètement éloignés des traditions populaires concernant les dieux, n'ont trouvé de dogmes véritables, qu'autant qu'ils étaient conformes à ceux que les Hébreux avaient professés avant eux. En effet, parmi les philosophes, les uns se laissant emporter çà et là, au courant des opinions erronées et diverses, se sont précipités dans l'abîme d'une loquacité sans borne; les autres, s'appuyant sur un discernement assez judicieux, dans tous les points où ils se sont rencontrés avec la vérité, ont participé à l'enseignement des Hébreux. Il est donc rationnel d'en conclure que ces hommes studieux à l'excès, et curieux investigateurs des us et coutumes, aussi bien que des sciences des nations étrangères, n'ont pas été sans connaître la philosophie hébraïque ; en considérant surtout qu'ils sont d'un siècle bien plus récent, non seulement que tous ces peuples, soit Hébreux, soit Phéniciens, soit Égyptiens; mais même plus nouveaux que les anciens Hellènes auxquels Cadmus, fils d'Agénor, enseigna les mystères, les initiations, les consécrations de statues, les hymnes, les odes et les épodes du culte phénicien, et que le thrace Orphée ou tel autre, soit Grec, soit barbare, fondateur de l'erreur parmi les Grecs, qui fit de même, pour ce qu'il importa de l'Egypte. Or, il n'est personne en Grèce, qui ne confesse ne pas connaître de plus anciens instituteurs de leurs ancêtres qu'Orphée, qui les précède tous, puis Linus, puis Musée, qu'on dit avoir fleuri vers les temps de Troie, ou peu d'années auparavant. La civilisation dont la Grèce leur est redevable, n'est donc pas autre que celle qu'ils tenaient de la théologie erronée des Phéniciens et des Égyptiens. C'étaient les mêmes erreurs ou d'autres analogues, qui alors régnaient sans partage chez toutes les autres nations, dans les campagnes et dans les villes, dans les temples et dans les mystères. C'est ainsi que prévalut chez tous les peuples cette opinion que nous venons de signaler, de la multiplicité des dieux; que des temples magnifiques, ornés de décorations de toute espèce, et d'innombrables consécrations, ont été construits de toutes parts; que des statues de toutes les matières, sculptées à l'effigie de toutes les sortes d'animaux mortels, ont été fabriquées avec beaucoup d'art, et qu'enfin on a vu surgir de tous côtés et à l'envi cette profusion d'oracles. C'est alors surtout qu'apparut dans tout son éclat le vénérable Dieu (ὁ σεμνὸς) des Grecs, le Pythien,  le Clarien. et le Dodonéen (37). Puis vient Amphiaraüs, Amphiloque (38), et après ceux-ci, une foule innombrable de prophètes errants, qui surpassait celle des poètes et des Rhapsodes. C'est après des temps infiniment postérieurs à ces créations, que la philosophie s'étant fait jour parmi les Grecs, et n'ayant rien trouvé dans toutes les traditions des siècles antécédents qui lui fût profitable, a renversé comme superflus et tout à fait inutiles ces oracles divins, admirés et célébrés par tous les peuples. Voilà la cause pour laquelle elle classa dans un ordre secondaire toutes ces choses, comme ne pouvant servir en rien à la découverte des vérités utiles. C'est alors que, comme une mendiante dénuée de toute instruction et de tonte science indigène, elle se mit à parcourir les contrées étrangères et barbares, pour y recueillir les choses utiles, qu'à force de recherches, elle pourrait y découvrir çà et là, chez des peuples différents. Et elle n'en rapporta pas seulement ce qui manquait aux Grecs, en science de véritable théologie, mais ce qui, dans les autres sciences ou les autres arts, pouvait améliorer leur existence. Les Grecs, en effet, avouent unanimement que ce n'est qu'après Orphée, Linus et Musée, qu'ils considèrent comme les plus anciens et les premiers de leurs théologiens, c'est-à-dire comme les auteurs de l'erreur du Polythéisme parmi eux, que les hommes admires à cause de leur philosophie, qu'on a surnommés Sages, se firent connaître. Ils ont fleuri sous Cyrus, roi des Perses, el cette époque est celle où les derniers des prophètes se produisirent parmi les Hébreux; elle est postérieure de plus de 600 ans à la guerre de Troie; et n'est pas de beaucoup moins de 1500 ans plus récente que Moïse. Je ne tarderai pas à vous en donner la preuve, en mettant sous vos yeux les calculs des temps. Eh bien, quelque nouveaux qu'ils soient dans l'ordre des temps, ces sept Sages qu'on cite comme les auteurs d'une réforme morale, ne sont cependant connus que par les sentences qui les ont rendus célèbres. Ce n'est que plus tard, et à des époques bien postérieures, que les philosophes proprement dits ont brillé sur le sol de la Grèce.

C'est Pythagore, le disciple de Phérécyde, qui le premier, ayant imaginé le nom de philosophie, en introduisit l'usage. Les uns, disent qu'il était de Samos; les autres qu'il était Tyrrhénien; il en est qui le font Syrien, d'autres lui donnent Tyr pour patrie (39). Vous êtes donc forcé de convenir que le premier de vos philosophes, celui dont le nom est sans cesse à la bouche de tous les Grecs, était barbare et non pas Grec. Et Phérécyde lui-même, qu'on reconnaît comme le maître de Pythagore, on lui assigne la Syrie pour patrie.

Ce n'est pas tout, et il ne fut pas le seul dont Pythagore ait fréquenté l'école. On dit encore qu'il s'est mis en relation avec les mages de Perse, qu'il a reçu des leçons des prophètes Égyptiens dans un temps où la migra lion, tant en Égypte qu'à Babylone, était fréquente. Ce Pythagore, tout en allant à la recherche des sages doctrines répandues chez chaque peuple, parcourut la Babylonie, l'Égypte et la Perse, et devint disciple des mages et des prêtres. On dit même qu'il prit des leçons des Brachmanes, qui sont les philosophes des Indiens. Des uns, il apprit l'astrologie, des autres la géométrie; ceux-ci lui enseignèrent l'arithmétique, ceux-là la musique; et ayant rassemblé de la sorte les connaissances diverses de différents maîtres, les Grecs furent les seuls dont il ne trouva rien à apprendre, tant était grande la pénurie de sagesse et l'ignorance profonde dans laquelle ils étaient plongés. Au contraire, ce Pythagore tel que nous l'avons dépeint, à l'aide des acquisitions qu'il avait faites au dehors, devint pour les Grecs la cause de leur instruction. La première secte de philosophie émanée de lui, fut celle qui prit la dénomination d'Italique, qu'elle dut à sa résidence en Italie; après celle-ci, celle qui prit le nom d'Ionique, reconnaît pour son chef Thalès, l'un des sept sages; ensuite vint l'Éléatique, dont le père est Xénophane de Colophon. Or quelques historiens veulent que Thalès ait été Phénicien, d'autres le supposent de Milet; on déclare également qu'il eut des entretiens avec les prophètes Égyptiens : Solon, l'un des sept sages, qui paisse pour le législateur d'Athènes, fut aussi s'instruire auprès des Égyptiens, à ce que dit Platon, précisément à l'époque où les Hébreux étaient revenus habiter l'Égypte. Il le fait intervenir dans son Timée, comme recevant des leçons d'un barbare, lorsque cet Égyptien lui dit :

« O Solon, Solon, vous autres Grecs êtes toujours enfants, il n'est pas un seul vieillard parmi les Grecs; et l'on ne voit pas chez vous de science blanchie par l'âge. »

Or, ce Platon qui avait fréquenté les écoles Pythagoriciennes en Italie, ne se borna pas à ce seul mode d'enseignement; on dit encore qu'il fit voile vers l'Egypte, et qu'il s'appliqua pendant un temps fort long à l'étude de la philosophie Égyptienne. Il rend souvent lui-même, dans ses propres écrits ce témoignage aux barbares, et avec raison, à mon avis, en avouant de bonne foi que les plus beaux préceptes introduits dans la philosophie émanent des barbares. Entre de nombreuses citations que je pourrais en faire, je me contenterai d'indiquer le passage dans l'Epinomis( 40) où rappelant la mémoire en commun des Syriens et des Phéniciens, il dit :

« Le premier auteur, et celui qui le premier, entrevit ces vérités, fut un barbare. C'est une contrée bien ancienne en effet, qui a nourri ceux qui, les premiers, conçurent de telles choses, à cause de la délicieuse température dont jouissent constamment l'Egypte et la Syrie ; d'où, après avoir été mûrie pendant d'innombrables siècles, elles se sont disséminées en tout lieu, et parvinrent jusqu'ici (e).»

Il ajoute :

« Admettons même, que tout ce que les Grecs reçoivent des barbares, ils l'embellissent jusqu'à la perfection : »

Voici en quels termes s'énonce Platon.

« Mais déjà avant lui, dit-on, Démocrite avait fait connaître les discours moraux des Babyloniens, lorsque parlant de lui-même avec orgueil, il dit : « Je suis, de tous mes contemporains, celui qui ai parcouru le plus de pays, scrutant les points les plus éloignés, ayant vu le plus de températures et de contrées diverses, ayant écouté les discours des hommes plus savants que qui que ce soit; et personne au monde ne m'a surpassé en connaissances géométriques, ni dans l'art de la démontrer, ni les Arpedonaptes, ainsi nommés par les Égyptiens; attendu que j'ai consacré quatre-vingts ans de mon existence à visiter les nations étrangères (41). »

En effet, il avait parcouru la Babylonie, la Perse et l'Égypte, où il s'est rendu disciple des prêtres. Que serait-ce, si j'ajoutais à cette liste Héraclite et tous les autres Grecs qui ont donné la preuve que la civilisation de 'leur pays, pendant un temps infini réduite à la mendicité, était dépourvue de toute instruction. La Grèce tirait alors vanité de ses statues consacrées aux dieux, et de leurs érections, de ses oracles, de ses prédictions et de tout cet étalage de divinités menteuses; mais elle était dénuée de toute véritable sagesse et des connaissances utiles à la société humaine: en effet,-ses inutiles oracles ne lui étaient d'aucun secours pour la découverte des véritables doctrines. Ce n'est ni le merveilleux dieu Pythien qui les secondait le moins du monde dans l'étude de la philosophie, ni aucun autre dieu qui leur venait en aide pour une découverte nécessaire, quelle qu'elle fût. Errants ça et là, passant leur vie entière en voyages, ils se paraient des plumes étrangères, comme dans l'Apologue, en sorte que toute leur philosophie n'est qu'un recueil formé d'apports divers; et que s'étant appropriés les différentes sciences qu'ils tiennent de différents peuples, ils doivent aux Égyptiens la géométrie, l'astrologie aux Chaldéens, d'autres à d'autres ; mais ils n'ont trouvé chez aucun autre peuple le bien que quelques-uns des leurs ont dérobé aux Hébreux : il consiste dans la connaissance du dieu universel, et la réprobation de leurs dieux domestiques; comme en suivant notre discours, nous le démontrerons sous peu. Quant à présent, il entre dans notre plan, défaire voir que, non seulement les anciens habitants de la Grèce étaient privés de la connaissance de la vraie théologie, aussi bien que des enseignements essentiellement utiles de la philosophie; mais qu'en outre ils manquaient d'institutions sociales et politiques; car je pense que la preuve de cette vérité entre comme moyen dans le but que ]e me suis proposé: puisqu'on effet nous avons entrepris la justification de l'option raisonnable que nous avons faite de la théologie des Hébreux, qu'ils qualifient de barbare, à l'exclusion de la philosophie Grecque. Si donc il était évident qu'ils ont tout pris des barbares, qu'ils n'ont trouvé dans leurs dieux aucun secours pour la philosophie, mais qu'au contraire ils peuvent justement leur reprocher tout ce que leur reprochent ceux qui, parmi eux, ont préféré l'athéisme au culte de leurs divinités ; comment peut-on encore élever une accusation contre nous, et comment ne doit-on pas plutôt nous approuver et nous louer, de ce qu'embrassant la meilleure part, on plutôt découvrant et adoptant la seule doctrine véritable, nous nous sommes éloignés de l'erreur, sans cependant, à l'instar des sages Grecs, nous tourner vers l'athéisme, ou bien, comme les philosophes fameux, sans essayer d'associer l'erreur du polythéisme à la notion pure du dieu universel; le mensonge ne pouvant s'unir à la vérité ? Mais ce n'est pas encore ici le lieu de traiter cette question : déduisons d'abord les arguments qui prouvent que les Grecs ont dérobé aux barbares, non seulement toutes les disciplines philosophiques, mais aussi toutes les inventions utiles à la vie commune et sociale.

CHAPITRE V.

QUE LES GRECS ONT TIRÉ EN TOUTES CHOSES DE GRANDS SECOURS DES BARBARES.

Le premier qui ait introduit en Grèce les lettres communes, c'est-à-dire les premiers éléments de la grammaire, est certainement Cadmus, Phénicien d'origine ; ce qui a autorisé quelques anciens (42) à nommer les lettres φοινικήια γράμαμτα. Il est des auteurs qui en rapportent la découverte aux Syriens ; or, les Hébreux sont Syriens, voisins de la Phénicie, et habitant un pays nommé anciennement Phénicie, puis Judée, et aujourd'hui Palestine. Les noms qu'on donne aux lettres grecques ne sont pas très différents de ceux des leurs; mais, chez eux, le nom de chaque lettre a une valeur significative, qu'il n'a pas pour les Grecs. Vingt-deux éléments composent tout l'alphabet chez les Hébreux ; le premier en est AIph, qui, traduit dans la langue grecque, voudrait dire instruction, le deuxième Beth, s'interprète par le mot maison, le troisième Gimel est le complément, le quatrième Delth est le signe de tablettes, le cinquième E, veut dire même. Ces caractères rapprochés l'un de l'autre, donnent celle phrase : L'instruction de la maison est le complément même des tablettes ; après ceux-ci vient le sixième élément qu'ils prononcent VAU (ἐπίσημον βαῦ), ce qui veut dire en elle; ensuite Zaï signifie vit. Après vient Eth, qui est le vivant: en sorte que le tout ensemble a la signification suivante : En elle vit le vivant. A la suite, le neuvième élément le Teth, veut dire Beau ; après quoi Joth, se traduit par commencement, et les deux ensemble : Le beau commencement. Après ceux-ci vient Chaph, qui est : cependant; ensuite Labd, qui est apprenez, et le tout : cependant apprenez ; eu suivant, vient le treizième élément Mem, qui veut dire d'eux ou d'elles; puis Noun qui est éternel : après Samch, qu'on traduit par secours, de manière que lue ensemble, cette série de lettres veut dire : Le secours éternel vient d'elles. Après quoi vient Aïn, dont la signification, en le traduisant, est : source ou œil; à la suite Phé, bouche, et toujours en continuant Sadé, qui est justice, le sens total : La source ou œil et la bouche de la justice; à la suit .de cet élément vient Coph, qu'on rend par appel. Après Rhès, qui est tête, et après ceux-ci Sen : les dents. Puis le vingt-deuxième élément est Thau, qui veut dire signes ; en sorte qu'on trouve pour sens : l'appel de la tête et les signes des dents. Voici donc la métaphrase ou interprétation de ces éléments qui ont le sens complet, correspondant à la valeur d'idée du nom de chacun d'eux, ce qu'on ne pourrait pas trouver chez les Grecs. D'où l'on est forcé d'avouer que ces éléments ne sont pas nés en Grèce, mais y ont été évidemment transportés d'une langue barbare. On peut encore s'en convaincre par la dénomination de chacun des éléments.En quoi Alpha diffère-t-il d'Alph, Beta de Beth, Gamma de Ghimel, Delta de Delth, l'Héta de l'E, le Zeta du Zaï, le Teth  du Thêta, et tous les autres pareillement? en sorte qu'il est incontestable que toutes ces voix ne sont pas originaires de la Grèce; mais bien venues des Hébreux chez lesquels on a montré que chacune d'elles possède un sens spécial. Ces éléments donc ayant eu un principe d'existence chez ce peuple, ils se sont propagés chez les autres, et sont parvenus défintivement chez les Grecs. J'en ai assez dit de mon chef sur les premiers éléments. Clément a'aussi traité la même question, entendons-le parler.

CHAPITRE VI.

SUR LE MÊME SUJET TIRÉ DE CLÉMENT (f).

« Les historiens nous enseignent qu'Apis découvrit la médecine, et qu'ensuite Esculape accrut cet art : Atlas l'Africain est le premier qui construisit un navire et qui le lança à la mer : les Égyptiens apportèrent les premiers dans la race humaine l'astrologie : les Chaldéens en firent autant. Il en est qui disent que les Cariens sont les inventeurs de la divination par les astres; mais ce sont les Phrygiens qui, les premiers, observèrent le vol des oiseaux. Les Thusques, peuple voisin de l'Italie, perfectonnèrent l'aruspice ; les Isauriens et les Arabes ont cultivé la science des augures, de même que les Telmisses, celle de la divination par les songes; les Tyrrhéniens ont inventé la salpinx (trompette), et les Phrygiens la flûte : Olympe et Marsyas étaient Phrygiens(43). Les Égyptiens, les premiers, ont montré le secret de faire brûler les lampes; ils ont divisé l'année en douze mois, ont prohibé la cohabitation avec les femmes dans les temples: ils ont également fait une loi, pour qu'après la cohabitation, on ne pût pas entrer dans les temples sans s'être purifié par les ablutions ; ils ont été les inventeurs de la géométrie.

Celmis et Damnameneus Dactyles des Idéens, sont les premiers qui, en Crête (44), découvrirent le fer ; Delas, autre Idéen, inventa l'alliage du bronze. Suivant Hésiode, il était Scythe. Les Thraces, les premiers, imaginèrent l'harpe, qui est un glaive recourbé ; ils se servirent aussi les premiers à cheval, du bouclier nommé (πέλτη), que les Illyriens ont pareillement trouvé. On dit que les Toscans ont invente la plastique, et queTritanus, premier (celui-ci (45) était Samnite), fabriqua on grand bouclier rond (θυρεόν). Cadmus, le Phénicien, inventa la taille des pierres et ouvrit des mines d'or dans les flancs du mont Pangée. Les Cappadociens sont encore une nation étrangère ; ce sont eux cependant qui ont trouvé l'instrument appelé Nabla; delà même sorte que le Dichorde. a été imaginé par les Assyriens. Les Carthaginois sont les premiers constructeurs de quadrirèmes, et l'Autochthon Bosporos en fut le charpentier. Médée, fille d'AEta, de la Colchide, mit la première en usage l'art de se teindre les cheveux; cependant les Noropes (c'est une nation de la Péonie qui se nomment aujourd'hui Noriques ), ont les premiers fait usage de l'airain, et purifié le fer. Amycus, roi des Bebryces, inventa les lanières pour le pugilat; quant à la musique, ce fut Olympus le Mydien qui donna les règles de l'harmonie Lydienne : les peuples qu'on nomme Troglodytes trouvèrent la Sambuce ; c'est un instrument de musique. On dit que la flûte oblique ou Syringe fut une création de Satyre le Phrygien ; le Trichorde et l'harmonie diatonique sont dus à Hyagnis (46,), qui. était également Phrygien; les mesures musicales qui se marquent en frappant, sont également attribuées au Phrygien Olympus. Enfin Marsyas, qui est du môme pays que ceux que nous venons de nommer, inventa le mélange des mélodies Lydienne et Phrygienne. Le chant dorien a été trouvé par Thamyris le Thrace. Nous savons par tradition que les Perses ont les premiers construit un char, un lit, un tabouret ; et que les Sidoniens ont fabriqué le premier vaisseau à trois rangs de rameurs. Les Sicules, qui habitent près de l'Italie, sont les premiers inventeurs de la Phorminx, qui ne diffère pas beaucoup de la Cithare; ils ont aussi imaginé les Crotales (ou clochettes ). Les historiens placent sous Sémiramis, reine des Assyriens, l'invention des vêlements de coton. Atossa qui régna en Perse fut, dit Hellanicus, celle qui organisa la première le service des lettres (47) épistolaires. Scamon de Mitylène, Théophraste d'Erèse (48), Cydippe de Mantinée, Antiphane, Aristodème et Aristote, en outre de ceux-ci, Philostephanus et Straton le Péripatéticien ont rapporté tous, des faits semblables dans leurs ouvrages sur les découvertes. J'en ai extrait une très faible partie, en confirmation du génie inventif des nations barbares et des services qu'elles ont rendus à l'Immunité, dont les Grecs ont profité dans leurs institutions sociales. »

Telles sont les propres paroles de Clément dans ses Stromates, auxquelles je crois à-propos d'annexer ce qui se trouve dans le Juif Josèphe,qui a entrepris de constater la haute antiquité du peuple Hébreu, dans un ouvrage en deux livres. Il y prouve que les Grecs sont un peuple récent, qu'il a tiré de grands secours des Barbares, et que ses écrivains ne sont pas d'accord entre eux. Comme ses réflexions donneront une confirmation pleine et étudiée de ce qui précède, prêtez attention à-la citation textuelle que je vais en faire.

CHAPITRE VII.

DE JOSÈPHE SUR LE MÊME SUJET (g).

« Mon premier besoin est de marquer l'extrême étonnement que j'éprouve, en voyant qu'il y ait des gens qui croient qu'on ne doit donner attention qu'aux Grecs pour tout ce qui concerne les temps primitifs: que ce sont les seuls qu'on doive interroger sur la véritable origine des choses ; au lieu de cela, suivant eux, on doit bien se tenir sur la réserve envers nous et tous les autres peuples, tandis qu'en effet, c'est tout le contraire qui a lieu à ce qu'il m'apparaît. Si l'on ne veut pas se laisser entraîner au gré des fausses opinions, mais rechercher la justice dans les faits eux-mêmes, on découvrira que tout est nouveau chez les Grecs, d'hier ou du jour précédent, comme dit le proverbe : savoir les fondations de villes, les inventions d'arts, les rédactions de lois.

« Mais, de toutes les inventions, celle qu'ils ont adoptée la dernière est sans contredit l'usage d'écrire l'histoire; tandis que, de leur aveu, on trouve la tradition la plus ancienne et la plus persévérante des événements mémorables, chez les Égyptiens, les Chaldéens, les Phéniciens (je veux bien ne pas comprendre notre nom dans cotte énumération) : tous ces peuples, habitant les contrées les moins exposées aux révolutions atmosphériques, ont eu de plus la prévoyance de ne laisser échapper, sans en faire mention, aucun des événements ad venus chez eux, qui en était digne ; ayant, en tout temps, confié aux hommes les plus instruits le soin d'en conserver le souvenir dans les actes publics. Contrairement à cela, le sol de la Grèce a subi des catastrophes nombreuses qui ont effacé la trace des faits historiques; en recommençant chaque fois une existence nouvelle, chacune de ses peuplades se persuadait que l'univers avait eu le même principe qu'elle. C'est bien tard, en effet, et après bien des efforts, qu'ils ont connu la nature des caractères d'écriture, dont, en voulant faire remonter le plus haut possible l'usage parmi eux, ils se vantent de l'avoir appris des Phéniciens et de Cadmus ; et cependant il n'est personne qui puisse montrer de rédaction historique conservée de ce temps, ni dans les temples ni dans les archives publiques : puisque, même à l'égard des guerriers qui, tant d'années après Cadmus, combattirent devant Troie, c'est une question douteuse et fort débattue, de savoir s'ils se sont servis des lettres. La vérité semble plutôt pencher vers l'opinion qui leur refuse d'avoir fait emploi d'une écriture semblable à la nôtre. En général, on ne trouve chez les Grecs rien de bien constant sur les poèmes d'Homère, lequel paraît bien postérieur aux temps de la prise de Troie; on va même jusqu'à dire qu'il n'a pas laissé par écrit les poèmes qui portent son nom, mais que s'étant conservés dans la mémoire, c'est plus tard qu'ils ont été réunis en corps d'ouvrage (49), et que c'est à cette cause que l'on doit attribuer les nombreuses variantes de leur texte.

« Quant à ceux qui ont entrepris d'écrire l'histoire parmi eux, je veux parler de Cadmus de Milet, d'Acusilas d'Argos, et s'il en est d'autres qu'on puisse leur adjoindre, ils n'ont précédé que de peu de temps l'époque de l'invasion des Perses en Grèce. On convient unanimement que les premiers philosophes qui, en Grèce, se sont occupés de l'étude des choses et divines, sont Phérécyde de Syros (50), Pythagore et Thalès ; qu'ils ont été disciples des Égyptiens et des Chaldéens, qu'ils ont laissé peu d'écrits. Voici donc, de tous les ouvrages publiés par des Grecs, ceux qui paraissent plus anciens, et cependant, les Grecs ont peine à croire qu'ils aient pour véritables auteurs ceux dont ils portent les noms. Comment donc ne considérerait-on pas comme insensée cette jactance des Grecs à prétendre être les seuls qui connaissent les événements anciens et qui eu aient sondé la vérité avec soin ; ou, qui en lisant ces historiens eux-mêmes, ne comprendrait pas facilement qu'ils ont écrit sans rien savoir avec certitude, mais suivant qu'ils se figuraient que les choses devaient être telles ; car il est impossible de s'accuser de mensonge plus qu'ils ne le font mutuellement dans leurs livres, où ils ne craignent pas de dire les choses les plus contradictoires? Ce serait abuser de la patience des lecteurs, qui le savent mieux que moi, si je venais leur apprendre combien Hellanicus est en désaccord avec Acusilas sur la question des généalogies ; combien de fois Acusilas redresse Hésiode; de quelle manière Éphore montre qu'Hellanicus en a imposé dans mille circonstances ; comment Timée accuse Éphore, et ceux qui sont venus après Timée l'accusent lui-même ; comment enfin tous se réunissent contre Hérodote. Mais quoi! dans ce qui ne concerne que la Sicile, Timée n'a pas cru devoir s'accorder avec Antiochus, Philiste ou Callias; de même que les historiens particuliers de l'Attique n'ont pas suivi les mêmes traditions pour le pays d'Athènes, ni ceux de l'Argolide pour Argos. Mais, à quoi bon parler d'historiens, de localités et d'événements les plus minimes, lorsque les plus illustres historiens de l'expédition des Perses sont divisés entre eux sur les faits qui s'y sont passés? Thucydide est accusé par certains auteurs, comme ayant d'il beaucoup de faussetés, et cependant Thucydide passe pour avoir écrit avec la plus minutieuse exactitude, l'histoire de son temps. Les causes de si étonnants désaccords pourraient paraître nombreuses et diverses à quiconque voudrait se donner la peine d'en faire la recherche. Quant à moi, j'en imputerai la majeure part à deux raisons principales que je vais faire connaître : la première, et celle qui me paraît prépondérante, tient à ce qu'il n'existait pas chez les Grecs, dès l'origine, d'annales publiques, dans lesquelles ou avait eu soin d'inscrire journellement tous les événements mémorables; ce qui fournissait une vaste carrière aux falsifications, par la liberté illimitée de mentir, chez ceux qui dans les temps postérieurs voulurent écrire l'histoire des anciens temps. Cette négligence ne s'est pas bornée aux autres peuples-de la Grèce ; on la retrouve même chez les Athéniens, qui ont la prétention d'être Autochtones, c'est-à-dire nés du sol, et qui ont toujours mis un grand prix à l'instruction. Ils avouent, en effet, que leurs plus anciens recueils d'écritures publiques sont les lois en matière de meurtres, écrites pour eux par Dracon, qui fleurit peu avant ia tyrannie de Pisistrate. Que dirai-je des Arcadiens, qui se prévalent d'une haute antiquité ? C'est à peine si longtemps après cette époque ils avaient acquis la Connaissance de l'écriture. Ainsi donc, dans l'absence de tout recueil de documents antérieurs, qui auraient pu instruire ceux qui auraient eu la volonté d'apprendre la vérité et de réfuter les menteurs de propos délibéré, il devait naître entre les historiens une divergence immense. Il faut déduire la seconde cause qui s'est jointe à celle-ci; c'est que les auteurs qui entreprirent d'écrire l'histoire n'avaient pas un amour sincère de la vérité; quoiqu'ils en fissent toujours un étalage de parade. Ils voulaient se distinguer par la force de leur éloquence: et quels que fussent les moyens par lesquels ils supposaient qu'ils l'emporteraient sur leurs rivaux, ils s'en emparaient avidement. Ainsi, les uns se sont tournés vers les fables de la mythologie, les autres ont cherché à captiver la bienveillance des républiques ou des rois, en les louant outre mesure; d'autres se sont livrés à la censure des faits ou des historiens, pensant s'illustrer ainsi. Mais, en somme, ils n'ont cessé d'écrire de la manière la plus opposée à une véritable histoire. Car le signe incontestable d'une histoire sincère, est lorsque tous parlent ou écrivent de même sur les mêmes choses. Tandis que ceux-ci ont cru se montrer plus véridiques que tous les autres, lorsqu'ils n'écrivaient rien qui fût en harmonie avec leurs rivaux. »

C'est ainsi que s'énonce Josèphe. Et pour mettre le sceau à tout ce qui vient d'être dit, j'invoquerai le témoignage de Diodore, en tirant les propres paroles de cet auteur, du 1er livre du recueil qu'il a publié sous le titre de Bibliothèque.

CHAPITRE VIII.

DE DIODORE SUR LE MÊME SUJET (h).

« Toutes ces choses ayant été bien exposées, on doit dire combien de Grecs distingués par l'esprit et les connaissances, dans les anciens temps, se transportèrent en Égypte pour s'instruire des usages de ce pays, et s'initier aux doctrines qu'on y enseignait. Les prêtres égyptiens racontent en effet, d'après ce qui a été inscrit dans leurs livres sacrés, qu'Orphée, Musée, Mélampe et Dédale, se rendirent près d'eux. Après ceux-ci vinrent Homère le poète, et Lycurgue le Spartiate; à la suite, Solon l'Athénien et Platon le philosophe. On y vit aussi accourir Pythagore de Samos et le mathématicien Eudoxe, Démocrite l'Abdéritain, et OEnopide de Chio. Ils montrent des signes de leurs voyages à tous; pour les uns des statues ; pour les autres, les lieux ou les établissements auxquels ils ont donné leurs noms. Ils apportent des preuves du genre d'étude pour lequel chacun d'eux a montré de l'émulation; car ils soutiennent qu'ils ont remporté d'Égypte toutes les connaissances qui leur ont mérité l'admiration des Grecs. Ainsi Orphée a reçu des Égyptiens la plupart des initiations mystiques, et les orgies qu'il a instituées dans ses voyages, aussi bien que sa mythologie sur les enfers. Le mystère d'Osiris a été converti par lui en celui de Bacchus, et celui qu'ils consacrent à Isis ne diffère en rien de celui de Cérés; il n'y a que les noms de changés. Les châtiments des impies dans l'enfer, et les prairies des hommes pieux, les images funèbres que l'on voit moulées chez les gens du commun, n'ont été introduites par lui, qu'en imitation de ce qui se pratique dans les funérailles de l'Égypte.

« C'est d'après un usage très ancien chez les Égyptiens que l'Hermès Psychopompe (Mercure conducteur d'âmes), ayant amené le corps d'Apis jusqu'à un lieu déterminé, le remet entre les mains d'un personnage qui s'est couvert du masque (51) de Cerbère. C'est ce qu'Orphée a montré chez les Grecs, et ce qu'Homère, sur les traces de ce dernier, a transporté dans son poème, lorsqu'il dit : Mercure cyllenius évoquait les âmes des héros, tenant une verge à la main.»

Après avoir continué celte exposition, Diodore reprend :

« Ils disent que Mélampe a rapporte de l'Égypte les mystères qu'on célèbre chez les Grecs, en l'honneur de Bacchus, et les fables qui concernent Saturne : tout ce qui se rapporte au combat des Titans, et l'histoire entière des souffrances qu'ont essuyées les dieux ; ils disent que Dédale a imité les égarements du labyrinthe qui subsiste encore aujourd'hui, lequel fut construit, à ce que les uns rapportent, par Mendès, suivant les autres, par le roi Marus, bien des années avant que Minos régnât en Crète. La pose des statues anciennes un Égypte, est la même que celles des statues sorties des mains de Dédale, qui sont répandues dans la Grèce. Ce fut Dédale qui donna les plans architectoniques du magnifique Propylée de Vulcain à Memphis, si justement admiré. Il existe dans le même temple une statue en bois exécutée par ses mains : enfin, à cause de son génie, ayant été jugé digne des plus grands honneurs, car on lui doit de nombreuses découvertes, il a obtenu des hommages qui l'assimilent aux dieux ; et dans une des îles avoisinant Memphis, on voit encore maintenant un temple de Dédale, en grande vénération parmi les habitants.

« Quant à la venue d'Homère, ils en donnent d'autres marques évidentes, et surtout le médicament qu'Hélène donna à Télémaque venu chez Ménélas, qui avait la propriété de faire oublier les maux passés; carie poète dit positivement que le Nepenthès venait des Égyptiens; et ce qu'il ajoute, qu'Hélène le tenait de Polydamna, femme de Thonus, prouve l'exactitude de ses recherches, car aujourd'hui même encore, on dit que. ce sont les femmes qui, dans ce pays, administrent ce remède héroïque, et que depuis les temps anciens, les seules, femmes de Diospolis ont trouvé le remède à la colère et à la douleur. Or, Diospolis est la même ville que Thèbes. Vénus est nommée Vénus dorée (χρυσῆ Ἀφροδίτη) parmi les habitants, d'après une vieille tradition; il existe une plaine dite χρυσῆς Ἀφροδίτης près de la ville, appelée Momemphis. Et toutes les fables concernant Jupiter et .limon, et ce qui tient à leur cohabitation, à leur voyage en Éthiopie, Homère n'a pu le savoir que de là. Chaque année en effet le temple (portatif) de Jupiter chez les Égyptiens, est transporté au delà du fleuve, dans la Lybie proprement dite, et après un certain nombre de jours déterminés, on le rapporte; comme si le dieu revenait de l'Ethiopie; puis, la cohabitation de ces deux divinités est figurée en ce que, dans certaines solennités, leurs deux temples sont transportés sur une montagne toute couverte de fleurs, par les soins des prêtres.

Ils disent que Lycurgue, Platon et Solon ont ordonné, dans leur législation, la pratique de beaucoup d'usages existant en Égypte ; que Pythagore a appris des Égyptiens tout ce qui concerne le discours sacré, (ἱερὸς λόγος (52) les théorèmes de géométrie, la science des nombres et la métempsychose, commune à tous les animaux; ils supposent que Démocrite a passé cinq ans parmi eux, et qu'il y a puisé beaucoup d'enseignements astrologiques ; qu'également Œnopide ayant eu des fréquentations nombreuses avec les prêtres et les astrologues, en a remporté d'autres instructions, et surtout le cercle héliaque, par. lequel le soleil aurait une marche oblique et inverse de celle des autres astres ; que pareillement Eudoxe, ayant fait de l'astrologie chez eux, et y ayant appris beaucoup de choses utiles, il en dota la Grèce, et  mérité la gloire dont il jouit; que de tous les anciens sculpteurs, ceux qui ont eu le plus de renom, avaient étudié chez eux, savoir : Teleclès et Théodore (53) fils de Rhoecus, qui ont exécuté pour les Samiens la statue d'Apollon Pythien (k).»

Telles sont les expressions de Diodore; et je bornerai là une controverse aussi développée et démontrée. Il n'y aura donc plus désormais de raison de nous accuser d'ineptie, pour avoir eu recours aux barbares, si toutefois les Hébreux sont des barbares, dans le désir de connaître le véritable culte, dû à la divinité; puisque ce sont des barbares qui ont été les instituteurs des sages de la Grèce et de ceux qui, parmi eux, ont porté le surnom de Philosophes.

Il est temps de fixer l'époque où fleurirent Moïse ainsi que les prophètes qui lui out succédé. Ce point de doctrine est un des plus essentiels pour l'ouvrage que nous avons entrepris; car devant nous appuyer sur les oracles sortis de la bouche de ces hommes, il importe de fixer leur priorité d'ancienneté; afin que si l'on reconnaissait, parmi les Grecs, des doctrines pareilles à celle des prophètes et des théologiens hébreux, on ne fût pas dans l'incertitude pour savoir quels sont ceux qui, suivant les apparences, ont recueilli ces dogmes des autres; si ce senties plus anciens qui ont pris aux p!us nouveaux, si ce sont les Hébreux qui ont usurpé le bien des Grecs, si ce sont les barbares qui ont été plagiaires des philosophes dont il n'est pas vraisemblable qu'ils aient entendu la voix ; ou, ce qui est beaucoup plus rationnel, si ce ne sont pas les nouveaux venus qui ont profité de ce qu'on dit les plus anciens, et si les Grecs, qui ont parcouru en investigateurs la plupart des autres nations, ont pu ne pas connaître les écrits des Hébreux qui, depuis une haute antiquité, étaient traduits en langue grecque.

CHAPITRE IX.

DE L'ANCIENNETÉ DE MOÏSE ET DES PROPHÈTES CHEZ LES HEBREUX.

L'antiquité de Moïse et des prophètes venus après lui, a déjà occupé un grand nombre d'autres écrivains qui, dans des écrits spéciaux sur ce sujet, ont basé la démonstration de cette vérité sur des preuves recueillies avec soin : je me propose d'en citer bientôt de courts extraits; mais, comme la chronologie que j'ai adoptée diffère tout à fait de la leur, je vais d'abord faire usage de la méthode qui m'est propre. De l'aveu de tout le monde, le temps où vécut Auguste, empereur des Romains, concourant avec celui de la naissance de notre Sauveur; et le Christ ayant commencé à prêcher son évangile la quinzième année du règne de Tibère César, si l'on veut, en remontant de ce point, faire l'addition de toutes les années qui se sont écoulées depuis Darius, roi de Perse, et la reconstruction du temple de Jérusalem qui eut lieu après le retour, par la nation juive, de la Babylonie, on trouvera, depuis Tibère jusqu'à la 2e année de Darius, 548 ans. Or, la 2e année de Darius donne pour synchronisme la 1ere de la 65e Olympiade, et la 15e du règne de Tibère se confond avec la 4e année de la 203e Olympiade: il s'est donc écoulé entre Darius, roi de Perse, et Tibère, roi des Romains, 137 Olympiades qui, additionnées,donnent un total de 548 années, à raison de 4 années par Olympiade. Mais comme la 2e année de Darius complète la 70e de la désolation du temple de Jérusalem, ainsi que cela est constaté par les livres historiques des Hébreux (54), en reprenant notre calcul ascensionnel de cette 2e année de Darius à la 1ere Olympiade,nous aurons un total de 256 ans, ou 64 Olympiades. Vous trouverez, en effet, un pareil nombre d'années depuis la dernière de la désolation citée du temple, en remontant jusqu'à la 50e année d'Osias, roi des Juifs, pendant laquelle Isaïe et Osée prophétisèrent, aussi bien que les autres prophètes, leurs contemporains, en sorte qu'il y a synchronisme du prophète Isaïe et des autres prophètes, ses contemporains, avec la première Olympiade. Reprenant ensuite de la première Olympiade pour vous élever aux temps antérieurs, vous trouverez, jusqu'à la prise de Troie, une somme d'années de 408 (55), comme le représentent les calculs des temps temps par les Grecs. Du côté des Hébreux, depuis la 50e année d'Osias, en remontant, nous arriverons à la 3e année d'Abdon (56) le juge, pour compléter le nombre égal de 408 ans ; en sorte que la prise de Troie se rapportant à l'époque d'Abdon le juge, elle a précédé de 7 années celles où Samson commanda aux Juifs. Ce Samson, dont la force de corps était invincible, peut être mis en parallèle avec le fameux Hercule grec. Puis, de là, en suivant toujours la même marche ascensionnelle, si l'on ajoute un chiffre de 400 ans, on arrivera, chez les Hébreux à Moïse, chez les Grecs à Cécrops, né de la terre (γηγενής). Or, tout ce qu'on rapporte de merveilleux dans l'histoire grecque est postérieur aux temps de Cécrops ; c'est après Cécrops, et sous Deucalion, que vint le cataclysme, puis la combustion produite par Phaéton, la naissance d'Erichthon, l'enlèvement de Proscrpine, les mystères de Gérés,la fondation du temple d'Eleusis, l'agronomie de Triptolème, l'enlèvement d'Europe par Jupiter, la naissance d'Apollon, l'arrivée de Cadmus à Thèbes; puis, bien longtemps après tous ces événements, Bacchus, Minos. Persée, Esculape, les Dioscures et Hercule. Moïse est donc plus ancien que tous ceux-ci, puisqu'il est constant qu'il a fleuri en même temps que Cécrops. Cependant, en remontant de Moïse à la 1ere année de la vie d'Abraham, vous trouverez 505 ans : or, en additionnant un pareil nombre d'années, à remonter depuis le règne de Cécrops, vous parviendrez à Ninus, l'Assyrien, qui le premier, dit-on, domina sur toute l'Asie, à l'exception des Indes : la ville de Ninus,son éponyme, est nommée Ninive par les Hébreux. C'est de son temps que le mage Zoroastre régnait en Bactriane : Ninus eut pour femme et successeur dans son empire Sémiramis : Abraham a donc été leur contemporain.

Ce calcul de temps, extrait des canons chroniques que j'ai composés, y a reçu une démonstration complète. Quant à présent et après tout ce qui a été dit, j'invoquerai en confirmation de l'antiquité de Moïse, un témoin irrécusable ; ce sera l'ennemi le plus acharné et le plus violent, tant des Hébreux que de nous : je veux parler de ce philosophe qui a vécu de nos jours, qui ayant, dans l'excès de sa haine, lancé dans le monde sa diatribe contre nous ( Συσκευὴ), non seulement nous y accable d'invectives, mais y traite de la même manière les Hébreux, Moïse même et les prophètes qui l'ont suivi. Je crois, par cet aveu de nos ennemis, placer au-dessus de ltute controverse la vérité que je proclame ; or Porphyre, dans le quatrième livre de sa diatribe contre nous, écrit en propres termes ce qui suit :

« Sanchoniathon de Beryte raconte, avec la plus exacte vérité, tout ce qui a rapport aux Juifs, étant d'accord avec eux tant pour les lieux que pour les noms. Il avait eu en communication des mémoires écrits par Hiérombal, prêtre du Dieu Jeno, qui ayant dédié son histoire à Abibal, roi de Beryte, a reçu, tant de sa part que de celle des critiques par lesquels ce prince l'avait fait examiner, le témoignage d'une entière véracité. Les temps où ces hommes vécurent précèdent ceux de Troie, et se rapprochent à peu près de ceux de Moïse comme le démontrent les tableaux de succession des rois de Phénicie. Sauchoniathon, dont le nom, dans l'idiome Phénicien, signifie ami de la vérité, et qui a recueilli et composé toute l'histoire ancienne sur les documents tirés des archives des villes, et sur les annales conservées clans les temples, naquit sous Sémiramis, reine des Assyriens (57). »

Voici ce que dit Porphyre : cependant il est à propos de tirer les conséquences de ces données. Si Sanchoniathon naquit sous Sémiramis, et si celle-ci, comme on en est d'accord, est d'une date bien antérieure à celle de Troie, Sanchoniathon sera aussi plus ancien que ces mêmes temps; mais on dit que celui-ci reçut des mémoires rédigés par des écrivains plus anciens que lui, et ces mêmes hommes plus anciens que lui, sont dits être à peine d'un temps qui les rapproche de Moïse ; on ne dit pas qu'ils fussent ses contemporains, mais que c'était à peine s'ils approchaient de lui, par le temps où ils ont vécu ; en sorte que Moïse aurait été plus âgé que Sanchoniathon, de toute la différence qui existait entre ce dernier et les hommes qui, plus anciens que lui, ne faisaient encore qu'approcher de Moïse, ainsi qu'on le déclare. Mais de combien d'années était-il calculable qu'ils l'eussent précédé? Voilà ce qui est impossible à dire. C'est pourquoi je crois devoir abandonner toute cette recherche, et supposant que Moïse est venu an monde en même temps que Sanchoniathon et non pas plus tôt, voici comme je procéderai dans ma manière de raisonner : si Sanchoniathon s'est rendu célèbre sous Sémiramis, reine d'Assyrie, en accordant que Moïse ne lui est pas antérieur, mais a fleuri vers cette époque, il aura donc été lui aussi le contemporain de Sémiramis; mais ce que nous avons dit précédemment sur cette princesse, a prouvé qu'Abraham avait existé sous elle, tandis que le philosophe déclare que Moïse était plus ancien. Cependant Sémiramis existait 800 bonnes années avant la guerre de Troie : donc Moïse est d'autant d'années antérieur à la guerre de Troie, suivant Je philosophe. Inachus est le premier roi d'Argos : de son temps, les Athéniens n'avaient encore ni existence sociale, ni même de nom, ce premier roi d'Argos était contemporain du cinquième roi d'Assyrie, après Sémiramis, 150 années après elle et après Moïse; années pendant lesquelles l'histoire ne rapporte rien de mémorable arrivé en Grèce, et où nous voyons les Hébreux gouvernés par des juges. Si de nouveau nous descendons encore d'un degré plus bas dans les époques l'histoire, nous trouverons le premier roi d'Athènes, Cécrops, plus de 400 ans bien accomplis après Sémiramis. Ce roi célèbre parmi ses sujets comme Autochthon, régnait lorsqu'Argos avait pour souverain Triopas, septième successeur d'Inachus. C'est entre eux qu'on place le déluge d'Ogygès, et que fleurirent Apis 1er, considéré comme un Dieu en Égypte, Io fille d'lnachus que les Égyptiens adorent sous le nom transformé d'isis, Prométhée et Atlas.

Depuis Cécrops jusqu'à la prise de Troie, on compte, à peu de chose près, 400 autres années, pendant lesquelles se sont accomplies toutes les merveilles que nous raconte la mythologie grecque : le déluge de Deucalion, l'embrasement de Phaéton, qui furent vraisemblablement l'expression de désastres nombreux, éprouvés dans différentes localités. On dit que Cécrops fut le premier qui invoqua Ζεὺς (Jupiter), comme Dieu. Jusqu'à cette époque, son nom n'avait pas été prononcé parmi les hommes. Il éleva aussi, le premier, un autel chez les Athéniens, et fut encore le premier à consacrer une statue à Minerve; ce qui prouve que ces divinités n'ont pas existé de toute ancienneté. Ce fut après lui qu'on commença à donner la généalogie de tous les Dieux. Pendant le même temps, les rois de la race de David régnaient sur les Hébreux; et les prophètes, successeurs de Moïse, étaient dans tout leur éclat; de manière qu'en additionnant toutes les années écoulées depuis Moïse jusqu'à la prise de Troie, on obtient un total de plus de 800 ans: toujours en se référant au calcul du philosophe (58). On rapportera un temps bien postérieur l'existence d'Homère, d'Hésiode, et de tous les autres. Ce sont des gens d'hier, auprès de ceux-ci, que. Démocrite et Pythagore, «[ni parurent vers la 50e olympiade, et tous ceux qui après eux prirent le nom de philosophes, environ 700 ansaprès les événements de Troie. On peut donc conclure, toujours d'après l'aveu de ce même personnage (Porphyre), que Moïse le premier, et les prophètes qui lui succédèrent chez les Hébreux, ont existé 1500 ans avant les philosophes de la Grèce;

ce que nous nous sommes bornés à constater succinctement. Maintenant le moment est venu d'exposer les démonstrations du même fait, dues aux auteurs qui nous ont précédé dans la carrière. Il s'est trouvé en effet, dans nos rangs, des hommes de bon jugement, qui ne le cèdent en science à qui que ce soit, et qui s'étant sérieusement adonnés aux études théologiques, ont discuté, avec, beaucoup de pénétration, la question que nous traitons, l'ont faite reposer sur la haute antiquité des Hébreux, mettant en œuvre, pour le démontrer, toute la richesse du savoir et toute la perspicacité de la critique ; les uns procédant .d'époques bien connues de l'histoire, en ont déduit leurs calculs chronologiques; les autres ont appuyé la certitude de leur assertion sur des écrits plus anciens qu'eux, empruntés, les uns aux Grecs, les autres aux archives de la Phénicie, de la Chaldée et de l'Égypte, qu'ils ont mises à contribution. Tous ceux (59) qui ont rassemblé dans un même cadre les relations de la Grèce et des contrées barbares, aussi bien que ce qui s'est passé chez les Hébreux, en comparant entre elles les histoires de tous ces pays, et les rapprochant l'une de l'autre, ont classé, sous les mêmes époques, les événements divers qui sont advenus chez tous les peuples. Après quoi, chacun faisant usage des méthodes qui lui sont propres, dans l'exposition de ces mêmes faits, s'est efforcé de faire de cet ensemble une démonstration concordante et qu'on puisse avouer. Voilà le motif qui m'a décidé à céder la place aux propres paroles de ces auteurs, pour que, d'une part, ils ne soient pas privés du fruit de leurs peines, et que la confirmation de la vérité acquière, d'autre part, une sanction incontestable, en ne se fondant plus sur un seul appui, mais sur de nombreux témoins.

CHAPITRE X.

TIRE DU TROISIÈME LIVRE DES CHRONOGRAPHIES D'AFRICANUS.

« Jusqu'aux Olympiades, on ne trouve rien de bien certain dans l'histoire grecque ; tous les faits y sont confondus, et le désaccord le plus complet règne dans tout ce qui les a précédées. Les Olympiades, au contraire, ont été traitées avec exactitude par beaucoup d'historiens, parce que le court intervalle qui les divise, n'étant que de quatre années, a permis aux Grecs de rédiger des annales. Je ne veux donc, parcelle raison, faire autre chose que parcourir rapidement, et cueillir parmi les fables et les merveilles qui remplissent l'histoire des temps anciens, qui descendent jusqu'à la première Olympiade; quant aux faits advenus depuis, je veux enchaîner, chacun dans sa période, les récits Grecs et ceux des Hébreux, autant qu'ils seront dignes de mémoire, cherchant à expliquer les uns par les autres. Voici de quelle manière je compte m'y prendre : Ayant mis la main sur un fait historique des Hébreux, contemporain d'un récit bien reconnu des Grecs, m'en emparant, retranchant, ajoutant, faisant connaître que tel Grec, tel Persan, ou tel homme célèbre quelconque, était contemporain de cet événement des Hébreux, peut-être atteindrai-je le but que je me propose.

« Rien n'est plus avéré que la translation des Hébreux hors de leur patrie, lorsqu'ils furent conduits à Babylone, en captivité, par le roi Nabuchodonosor; elle dura 70 ans, suivant la prophétie de Jérémie (Bérose, le Babylonien, parle de Nabuchodonosor ). Après les70 ans de la captivité, Cyrus devint roi de Perse, dans l'année où commença la 55e Olympiade, comme on peut le trouver relaté dans la bibliothèque de Diodore, dans les histoires de Thallus et de Castor, aussi dans celles de Polybe, de Phlégon, et de tous ceux qui ont rédigé leur histoire d'après les Olympiades : tous sont unanimes sur cette époque. Cyrus, dans la première année de son règne, qui était aussi la première dé la 55e Olympiade, renvoya la première portion du peuple Juif en Judée, sous la conduite de Zorobabel, lorsque Jésus, fils de Josédec, était grand-prêtre. Alors fut accompli le terme de 70 ans, comme cela est rapporté dans le livre d'Esdras, chez les Hébreux. Voici donc des faits coïncidents: le règne de Cyrus et la fin de la captivité; et nous trouverons le même synchronisme dans les Olympiades. Partant de ce point, nous nous proposons de traiter de la même manière les autres histoires, en les adaptant entre elles. Quant à celles qui ont précède cette période, si nous, devons nous en rapporter aux calculs tels quels, de la chronographie attique, en réunissant toutes les années écoulées depuis Ogygès, qui passe chez les Athéniens pour Autochthon, sous lequel arriva le premier grand cataclysme, dans l'Attique, Phoronée étant alors roi d'Argos, à ce que dit Acusilas: nous trouvons jusqu'à la première Olympiade, sous laquelle les temps furent plus rigoureusement comptés, une période de 1,020 années; ce qui est en harmonie avec ce que nous venons de dire, comme nous en donnerons la preuve dans ce qui suivra. Hellanicus, en effet, et Philochore qui ont composé des histoires de l'Attique, Castor et Thallus qui ont écrit celle de Syrie, Diodore qui a embrassé l'histoire universelle dans sa bibliothèque, Alexandre Polyhistor et quelques-uns des nôtres, qui ont apporté un soin curieux à notre histoire, aussi bien que tous les Athéniens, ont dit la même chose. Si donc, dans cette période de 1,020 années, il s'est passé quelque fait d'histoire éclatant, nous le recueillerons suivant le besoin. »

Après un court intervalle, il ajoute :

« Nous disons (60) à l'égard de cette première partie, qu'Ogygès, qui a donné son nom au premier déluge, ayant été sauvé parmi un grand nombre de victimes, vécut à l'époque où le peuple Hébreu conduit par Moïse faisait sa sortie de l'Égypte, et je le constate ainsi. Je montrerai que 1020 ans se sont écoulés depuis Ogygès jusqu'à la première Olympiade; or, depuis la première Olympiade jusqu'à la première année de la 55e, c'est-à-dire sous le roi Cyrus, qui est aussi la fin de la captivité, nous comptons 217 ans; donc, depuis Ogygès, nous trouvons 1237 ans. Si, par le comput, on remontait de la fin de la captivité à un nombre d'années égal de 1237 ans, on trouverait pour résultat une durée de temps jusqu'à la première année de la sortie d'Egypte du peuple d'Israël sous la conduite de Moïse, égale à celle qui s'est écoulée en remontant de la 55e Olympiade à Ogygès, qui fonda, Éleusis. Ce qu'il y a donc de plus rationnel est d'admettre la chronographie athénienne. »

Puis, après autres choses : 

« Voici les événements qui ont précédé Ogygès. C'est vers ce temps que Moïse sortit de l'Égypte ; et voici de quelle manière nous démontrons que cette opinion n'est pas déraisonnable. Depuis la sortie de Moïse jusqu'à Cyrus, qui régnait à la fin de la captivité, il a dû s'écouler 1237 ans; Moïse vécut encore 40 ans; Jésus, qui gouverna après lui, le fit pendant 25 ans ; les vieillards ou juges, qui succédèrent à Jésus, gouvernèrent pendant 30 ans ; les années réunies de tous les juges qui suivirent et sont compris dans la Bible, donnent un total de 490 ans. Les grands-prêtres Heli et Samuel, 90 ans. Toutes les années réunies des rois de Judas donnent 490 ans (61) (à quoi ajoutons 70 ans de la captivité, dont le dernier correspond au premier du règne de Cyrus, comme nous l'avons dit en commençant; en descendant de Moïse à la première Olympiade (62), nous trouvons 1020 ans, puisque la première de la 55e nous donne 1237, et notre temps concourt avec celui des calculs grecs. Après Ogygès, le pays qui compose maintenant l'Attique demeura sans roi, à cause de la destruction produite par le déluge, jusqu'à Cécrops, pendant 189 ans; car Philochore nie qu'il ait existe un Actœus aprèsOgygès, non plus qu'aucun des noms de rois forgés qu'on lui donne pour successeurs. »

Puis, de nouveau :

« Depuis Ogygès donc jusqu'à Cyrus, nous trouvons le même nombre de 1237, comme depuis Moïse. Il est même des écrivains Grecs qui déclarent que Moïse vécut vers cette époque. Polémon, dans la première partie de ses histoires grecques, dit que sous Apis, fils de Phoronée, une partie de l'armée des Égyptiens sortit de l'Égypte, et se retira dans la Syrie, appelée Palestine, pour se fixer non loin de l'Arabie; il est évident que ce sont les compagnons de Moïse. Apion, fils de (63) Plistonicès, le plus minutieux des grammairiens, dans son livre contre les Juifs et dans la quatrième partie de ses histoires, dit : que lorsque Inachos était roi d'Argos et qu'Amosis régnait sur les Égyptiens, les Juifs désertèrent sous la conduite de Moïse. Hérodote rappelle celte défection et nomme Amosis dans son second livre; (64) et en quelque sorte il parle des Juifs eux-mêmes, lorsqu'il les compte au nombre de ceux qui employaient la circoncision, on les nommant Assyriens de la Palestine, peut-être à cause d'Abraham. Ptolémée de Mendès, remontant aux premiers temps de l'histoire des Égyptiens, est d'accord avec tous ceux-ci; en sorte qu'il est impossible qu'une différence un peu sensible (65) dans les temps, ait lieu entre eux. On doit remarquer que tout ce que les fables de la Grèce nous citent comme antiquité, ne prend place dans l'ordre des temps qu'après Moïse ; savoir : les déluges elles embrasements, Prométhée, Io, Europe, les Spartes de Cadmus, (hommes nés des dents du serpent) l'enlèvement de Coré (Proserpine) les mystères, les législations, les guerres de Bacchus, Persée, les travaux d'Hercule, les Argonautes, les Centaures, le Minotaure, la guerre d'Ilion, le retour des Héraclides, l'émigration des Ioniens, les Olympiades. Il m'a donc paru convenable d'adopter la chronologie ci-dessus relatée du royaume d'Athènes, dans mon dessein de comparer l'histoire de la Grèce à celle des Hébreux. Il sera facile à quiconque voudra prendre le même point de départ, de faire les mêmes calculs que moi : ainsi, des 1020 années écoulées (66) depuis Moïse et Ogygès jusqu'à la première Olympiade, dans la première, se trouve placée, la Pâque et la sortie des Hébreux d'Égypte; dans l'Attique, le déluge sous Ogygès. Et cela est fondé en raison; car les Égyptiens ayant reçu en châtiment, de la colère de Dieu, les grêles et les orages, il était naturel que certaines portions de terre fussent atteintes de celle calamité, et que les Athéniens y participassent plus que d'autres, étant supposés descendre de ces mêmes Égyptiens, comme l'enseignent d'autres historiens, et entre autres, Théopompe  dans le Tricarenus (67).

« Le temps qui suit immédiatement est passé sous silence, comme ne contenant aucun fait important en Grèce. Vient ensuite, après 94 ans, Prométhée, que quelques mythologues ont donné pour avoir façonné les hommes, parce que, à l'aide de sa sagesse, il les avait fait passer d'une excessive brutalité à l'instruction et à la civilisation. »

Voici ce que dit Africanus. Passons à un autre.

CHAPITRE XI.

DE TATIEN CONTRE LES GRECS SUR LE MÊME SUJET.

« Maintenant je crois qu'il convient d'établir par preuves, que notre philosophie est plus ancienne que les institutions pareilles de la Grèce. Nous prendrons pour points de départ Moïse et Homère, parce que l'un et l'autre sont les plus anciens, Homère, des poètes et des historiens; Moïse, de toute la philosophie barbare dont il est le chef. Mettons-nous donc en devoir de les comparer : nous découvrirons en effet que l'instruction chez nous a précédé celle des Grecs ; qu'elle a devancé même l'invention des lettres. J'en prendrai pour garant, non pas nos propres auteurs, mais je tirerai mes principaux auxiliaires des Grecs eux-mêmes. Faire autrement, serait irréfléchi, en ce que vous n'admettriez pas nos autorités; agir ainsi, si je parviens à démontrer ce fait, aura cela de surprenant, qu'en employant vos propres armes, j'éloignerai toute suspicion sur la nature de mes preuves.

Quant aux poèmes d'Homère, son origine, le temps où il a fleuri, les plus anciens guides que nous puissions suivre, sont : Théagène (68) de Rhegium, qui vivait sous Cambyse, Stesimbrote de (69) Thasos, Antimaque de Colophon (70), Hérodote d'Halicarnasse, Denys d'Olynthe ; après ceux-ci  Éphore de Cumes, Philochore l'Athénien, Megaclide et Chamaeleon, (71) les Péripatéticiens : plus tard, les grammairiens Zenodote, Aristophane, Callimaque, Cratès, Ératosthène, Aristarque, Apollodore. De ceux-ci Cratès soutient qu'Homère a fleuri à l'époque du retour des Héraclides : 80 ans plus près de nous que la guerre de Troie. Ératosthène le place 100 ans après celte même guerre; Aristarque le recule jusqu'à l'émigration des Ioniens, qui eut lieu 140 ans après Troie; Philochore 40 ans plus tard que celle émigration, sous l'Archontat à Athènes, d'Archippe (72), 180 ans après les événements d'Ilion. Apollodore le recule jusqu'à 100 ans après l'émigration Ionienne, ce qui ferait 240 ans après Troie ; d'autres l'ont placé immédiatement avant les Olympiades, c'est-à-dire 400 ans après la prise de Troie; d'autres enfin l'ont fait descendre beaucoup plus bas; disant qu'il avait vécu en même temps qu'Archiloque : or Archiloque a fleuri pendant la 23e olympiade, sous Gygès le Lydien, 500 ans après Troie. Sur la fixation de l'époque du poète (c'est-à-dire d'Homère) et sur le désaccord de ceux qui en ont parlé, ce que nous avons dit suffira, quoique sommaire ; il nous eût été possible de développer longuement notre discours, sur ce qu'il y avait eu cela d'authentique : car il est donné à tout le monde de pouvoir dire que les opinions sur les doctrines sont, fausses: (73) mais dans les calculs de temps, du moment où il y a incohérence entre plusieurs, il n'est plus possible qu'on y découvre la vérité historique. »

Après un court intervalle :

« Toutefois, admettons qu'Homère ne soit pas même postérieur au sac de Troie, mais qu'il ait vécu dans le temps de cette guerre; je vais plus loin, qu'il ait combattu sous Agamemnon, si on le veut même qu'il ait devancé l'invention des lettres, on n'eu verra pas moins que Moïse, dont nous avons parlé d'abord, est plus ancien que la prise de Troie d'un grand nombre d'années; puisqu'il est beaucoup plus ancien que la fondation de cette ville, et que les règnes de Tros et de Dardanus. J'aurai, pour le démontrer, les témoignages des Chaldéens, des Phéniciens, des Égyptiens. Qu'est-il besoin de m'étendre plus longuement? quiconque a annoncé avoir l'intention de persuader, doit expliquer avec le plus de concision possible ce qu'il se propose de racontera ceux qui l'écoutent. Bérose de Babylone prêtre du Dieu Bélus qu'on y adore, contemporain d'Alexandre, qui a mis en ordre l'histoire des Chaldéens, contenue dans trois livres qu'il a offerts à Antiochus troisième après Alexandre et successeur de Séleucus (74) (Nicanor ), dans lesquels il passe en revue toutes les actions des rois, raconte à l'occasion de l'un d'entre eux, qui se nommait Nabuchodonosor, qu'il fit la guerre aux Phéniciens et aux Juifs : Événements que nous savons avoir été prédits par nos prophètes, et qui sont arrivés bien postérieurement à l'âge où vécut Moïse, 70 ans avant la domination des Perses. Bérose est un auteur très capable : nous en donnerons pour garant Juba, qui dans tout ce qu'il a écrit sur les Assyriens, déclare qu'il n'a appris leur histoire que par Bérose ( deux des livres de Juba sont consacrés aux Assyriens ).

« Après les Chaldéens viennent les Phéniciens ; voici les documents que nous tenons d'eux : trois historiens ont existé parmi eux : Théodote, Hypsicrate et Mochus. Lœtus (75) a traduit leurs livres en langue grecque; c'est le même qui a composé avec beaucoup de soin et d'exactitude les biographies des philosophes : or, on trouve dans les histoires écrites par ces auteurs, la mention, sous un de leurs rois, de l'enlèvement d'Europe, l'arrivée en Phénicie de Ménélas, le règne d'Hiram, qui donna sa fille en mariage au roi des Juifs, Salomon, et lui fit présent d'une quantité de bois divers, pour la construction du temple. Ménandre de Pergame a aussi fait une histoire chronologique de ces rois : l'on y voit que le règne d'Hiram se rapproche beaucoup des événements de Troie ; or, Salomon, qui vivait du temps d'Hiram, est d'un âge bien postérieur à celui ou vécut Moïse. Quant aux Égyptiens, nous avons des tableaux chroniques très exacts de leur histoire, qui ont été traduits de leur langue par Ptolémée, non le roi, mais le prêtre de Mendès. Celui-ci, en donnant les actions mémorables des rois, dit que c'est sous Amosis, roi d'Égypte, qu'eut lieu le départ de l'Égypte, des Juifs,vers les contrées où ils voulaient se fixer, sous la conduite de Moïse. Il ajoute que cet Amosis était contemporain d'Inachus. Après lui, Apion le grammairien, homme très distingué, dans le quatrième livre de ses Egyptiaques qui se composent de cinq livres ( il a composé beaucoup d'antres écrits ), dit qu'Amosis démantela la ville d'Abaris, qu'il vécut à l'époque d'Inachus, comme cela est relaté dans les chroniques de Ptolémée de Mendès. Or, du temps d'Inachus à la prise de Troie, nous complétons vingt générations (76). On le démontre de la manière suivante.

« Voici les noms des rois d'Argos dans cet intervalle : Inachus, Phoronée, Apis, Argus, Criasus, Phorbas, Triopas, Crotopus, Sthenelas, Danaüs, Lyncée, Abas, Prœtus, Acrisius, Persée, Euristhée, Atrée, Thyeste, Agamemnon, sous la dix-huitième année du règne duquel Ilion fut pris. Tout homme doué d'intelligence comprendra qu'avec toute l'application possible, on n'a pu connaître ces noms que traditionnellement, les Grecs n'ayant pas alors d'histoire écrite; puisque Cadmus, qui leur apporta les lettres, ne vint en Béotie qu'après bien des générations.

« C'est après Inachus et à peine sous Phoronée que se place la limite de la vie sauvage.et nomade, et que les hommes commencèrent à se civiliser ; c'est pourquoi, si l'existence de Moïse remonte à Inachus, il est antérieur de 400 ans (77) à la guerre de Troie : on démontre l'exactitude de cette date par la suite des rois d'Athènes, de Macédoine, des Lagides et des Séleucides ; en sorte que si les événements les plus remarquables de la Grèce n'ont été écrits et ne sont connus qu'à dater d'Inachus, il est clair qu'ils sont d'une époque postérieure à celle de Moïse. Ainsi, sous Phoronée, successeur d'inachus, on signale, à Athènes, Ogygès, sous lequel le premier déluge a eu lieu, sous Phorbas, on nomme Actœus, qui fit donner à l'Attique le nom d'Actœa ; sous Triopas, on voit Prométhée, Epimethée et Atlas, de même que Cécrops le (διφυὴς) et Io. Sous Crotopus, on trouve l'embrasement de Phaéton et le déluge de Deucalion ; sous Sthénélas,se place le règne d'Amphictyon,  l'arrivée de Danaüs dans le Péloponnèse, la fondation de Dardanie par Dardanus, la navigation d'Europe, la Phénicienne, en Crète; sous Lyncée, l'enlèvement de Coré (Proserpine), la consécration du temple d'Éleusis, l'agriculture de Triptolème, l'arrivée de Cadmus à Thèbes, le règne de Minos; sous Prœtus, la guerre d'Eumolpe contre les Athéniens; sous Acrisius, le passage de Pélops, de Phrygie dans le Péloponnèse, l'arrivée d'Ion à Athènes, le second Cécrops, les aventures de Persée; enfin, sous le règne d'Agamemnon, la prise d'ilion.

« Il est donc évident que Moïse apparut sur la scène du monde bien avant tout ce que .nous venons de nommer, héros, villes, divinités : or, l'on doit plutôt avoir confiance en celui qui a devancé par l'âge, qu'en ceux qui, comme les Grecs, n'ont fait que puiser à cette source les enseignements des dogmes, sans en avoir le discernement. On découvre, en effet, parmi eux, un grand nombre de sophistes qui, usant d'adresse, ont tenté de dénaturer, par les caractères extérieurs tout ce qu'ils n'ont appris que par Moïse et les sectateurs de sa philosophie; premièrement, dans le but de passer pour n'énoncer que leurs propres conceptions; ensuite, afin qu'en dissimulant, sous les formes apprêtées du langage, ce qu'ils ne comprenaient pas bien, ils donnassent l'autorité et le cachet de la fable, à la vérité.

« Lorsque nous engagerons la discussion contre ceux qui ont essayé de nous dévoiler ce qu'est la divinité, nous montrerons ce que les hommes éclairés parmi les Grecs ont dit sur notre existence politique actuelle, sur notre histoire et sur nos lois, quel est leur nombre et leur caractère; pour le présent, hâtons-nous d'éclaircir, avec tout le soin dont nous sommes capables, que non seulement Moïse est plus ancien qu'Homère, mais qu'il a précédé tous les écrivains antérieurs à celui-ci : Linus, Philammon, Thamyris, Amphion, Orphée, Musée, Démodocus, Phémius, la Sibylle, Épimenide le Crétois, qui vint à Sparte, Aristée de Proconèse, auteur du poème des Arimaspes, Asbolus (78) le centaure, Isatide, Drymon, Euclès de Chypre (79), Orus de Samos et Promantide, l'Athénien (80).

« Linus était le précepteur d'Hercule. Hercule n'a précédé que d'une génération la guerre du Troie; on le voit clairement pur son fils Tlépolème, qui prit part à cette expédition. Orphée est du même temps qu'Hercule : d'ailleurs, on prétend que les poèmes qui portent son nom ont été composés par Onomacrite l'Athénien, qui vécut sous la domination des Pisistratides, vers la cinquantième Olympiade. Musée fut disciple d'Orphée.

« Amphion, qui n'a précédé que de deux générations la ruine de Troie, nous dispense d'accumuler île nouvelles preuves, pour convaincre les hommes instruits de son époque. Démodocus et Phemius ont vécu pendant que les Grecs étaient devant Troie: car l'un prenait part aux banquets des amants de Pénélope, l'autre était chez les Phéaciens : Thamyris et Philammon ne sont pas beaucoup plus anciens qu'eux. Je crois avoir traité avec toute l'exactitude requise, les deux questions que je m'étais proposé d'éclaircir, la doctrine de chaque peuple et la co-relation des temps. Pour acheter ma tâche, il me reste à étendre ma démonstration sur les hommes décorés du nom de sages. Minos, qui passe pour l'avoir emporté sur tous les hommes, en sagesse, en pénétration, comme législateur, vint au monde sous Lyncée, qui régna après Danaüs, lequel se place à la onzième génération après Inachus. Lycurgue, né bien après la prise de Troie, donna des lois aux Lacédémoniens, cent ans avant les Olympiades. Dracon, au moyen des recherches faites, ne remonte pas plus haut que la trente-neuvième Olympiade : Solon, pas plus que la quarante-cinquième : Pythagore descend à la soixante-deuxième. J'ai déjà fait voir que la première Olympiade est de 407 ans plus récente que la guerre de Troie. Après avoir terminé ces démonstrations, je vais fixer en peu de mots l'âge des sept sages : le plus ancien de tous, Thalès, n'ayant fleuri que vers la cinquantième Olympiade, nous avons à peu près dit, par là, ce qu'on doit penser de tous les autres.

« Voici, ô Grecs, ce que moi Tatien, né dans la terre des Assyriens, professant, une philosophie barbare, ai rédigé. Ayant été premièrement élevé dans vos doctrines, je viens en second lieu vous annoncer celles que je professe maintenant : connaissant d'ailleurs, ce qu'est Dieu et quelles sont les choses créées par lui, je me présente devant vous, prêt à répondre aux interrogations qui me seront faites sur mes dogmes, conservant dans mon cœur les sentiments d'un membre de la cité de Dieu, que je ne renierai jamais. »

Telles sont les paroles de Tatien ; passons de suite à Clément.

CHAPITRE XII.

DU PREMIER LIVRE DES STROMATES DE CLÉMENT SUR LE MÊME SUJET.

« Tatien, dans son discours aux Grecs, a parlé de ces choses avec beaucoup de discernement, et Cassianus a fait de même dans son premier des Exégétiques, néanmoins, la mention que j'en ai faite exige une revue rapide de ce qui a été dit sur ce sujet. Apion le grammairien, surnommé Pléistonicès, dans le quatrième livre de ses histoires égyptiennes, malgré la haine violente,qui l'animait tellement contre les Hébreux, en qualité d'Egyptien, qu'il composa un ouvrage exprès contre eux; Apion, dis-je, en parlant d'Amosis, roi des Égyptiens et des événements qui ont rempli son règne, cite en témoignage Ptolémée de Mendès, et voici ses paroles:

« Amosis, qui démantela Abaris, régnait en même temps qn'Inachus le roi d'Argos, comme Ptolémée de Mendès l'a écrit dans ses chroniques.»

Ce Ptolémée était un prêtre qui a recueilli en trois livres tous les actes des rois Égyptiens; il dit en parlant d'Amosis, que de son temps eut lieu le départ des Juifs de l'Égypte, sous la conduite de Moïse; d'où résulte le synchronisme de Moïse et d'Inachus. L'établissement du royaume d'Argos, je veux parler de celui fondé par Inachus, est plus ancien que le royaume fondé par Hellenus, comme Denys d'Halicarnasse nous l'enseigne dans le livre des temps (83). Le royaume d'Athènes, fondé par Cécrops, fut de sept générations postérieur à celui-ci (84). Il eut pour fondateur Cécrops, dit διφυὴς (de deux natures) qui était Autochthon, originaire du pays : tout cela a été dit en propres termes par Tatien. Neuf générations plus tard, le royaume d'Arcadie eut pour fondateur Pélasge, qu'on déclare aussi avoir été Antochthon. Deux générations encore après celui-ci, vint le royaume de Phthiotie, fondé par Deucalion. Depuis Inachus jusqu'aux  temps de Troie, on compte vingt générations ou dix-neuf, et pour le dire en un mot, 400 ans (85) et plus. Or, on va voir la vérité de ce que dit Ctésias, quand il affirme que l'empire d'Assyrie est plus ancien de beaucoup d'années que les États de la Grèce ; c'est la 402e année de l'existence de cet empire, la 33e du règne de Belouchus, qui était son huitième souverain, que la sortie d'Égypte de Moïse eut lieu, sous Amosis, roi d'Égypte, et sous Inachus, roi d'Argos. En Grèce, ce n'est que sous Phoronée, successeur d'Inachus, qu'eut lieu le déluge d'Ogygès, aussi bien que la fondation du royaume de Sicyone, qui eut pour premier roi Aegialeüs, puis Europus, ensuite Telchis; et celle de Crès en Crète. Acusilas nomme Phoronée, le premier des hommes. C'est delà que le poète de la Phoronide dit qu'il fut le père des hommes mortels, et que Platon, dans son Timée (m), suivant Acusilas, écrit :

« Alors voulant les amener à parler sur les antiquités, on le voit essayer de relater ce qu'il y a eu de plus ancien dans notre patrie, sur Phoronée, surnommé le premier des hommes; sur Niobé, sur ce qui suivit le déluge (86).»

Sous Phorbas vivait Actœus, qui fit donner à l'Attique le nom d'Actaea; sous Triopas naquirent Prométhée, Épiméthée et Atlas, Cécrops (διφυὴς) et Io. Sous Crotopus, on trouve l'embrasement de Phaéton et le déluge de Deucalion. Sous Sthénélas se place le règne d'Amphictyon, l'arrivée de Danaüs dans le Péloponnèse, la fondation de Dardanie par Dardanus, qui, dit Homère, fut le premier à qui Jupiter assembleur  de nuages donna le jour; puis le transport par mer d'Europe., de Phénicie dans la Crète. Sous Lyncée, l'enlèvement de Coré (Proserpine).(87), la consécration du Temenos (enceinte sacrée), d'Éleusis, l'agriculture de Triptolème, l'arrivée de Cadmus à Thèbes, le règne de Minos. Sous Prœtus, la guerre d'Eumolpe contre les Athéniens. Sous Acrîsius, le passage de Pélops de Phrygie, l'arrivée d'Ion à Athènes, le second Cécrops, les aventures de Persée et de Bacchus : Orphée et Musée. Sous la dix-huitième année du règne d'Agamemnon, Ilion fut pris (88); Démophoon, fils de Thésée, régnait alors à Athènes (89) : ce fut le douzième jour du mois de Thargelion, la première année de son règne, à ce que dit Denys l'Argjen (90). Quanta Agis et Dercylus (91), ils placent cet événement au vingt-deuxième jour du mois Panemus, dans leur troisième livre: Hellaiiicus au douzième de Thargelion, et quelques-uns de ceux qui ont écrit les Ἀττικὰ, au vingt-deuxième du même mois, Ménesthée accomplissant la dernière année de son règne, la lune étant pleine (92). L'auteur de la petite Iliade l'a ainsi chanté :

« La nuit était à moitié, la lune se levait resplendissante.»

D'autres le mettent au même jour du mois de Scirophorion.

«Thésée, l'émule d'Hercule, avait précédé la guerre de Troie d'une génération; Homère nomme Tlépolème, fils d'Hercule, comme ayant pris part à cette guerre. On prouve donc que Moïse a précédé de 604 ans (93) l'apothéose de Bacchus; puisqu'elle eut lieu la 32e année du règne de Persée,  à ce que dit Apollodore dans ses chroniques. Depuis Bacchus jusqu'à Hercule, et les Aristées de Jason (les Argonautes), on compte un nombre de 63 ans. Esculape et les Dioscures en firent partie, à ce que dit Apollonius de Rhodes dans ses Argonautiques. Depuis le règne d'Hercule à Argos (94), jusqu'à sa consécration et celle d'Esculape, l'intervalle a été de 38 ans: toujours suivant le chronographe Apollodore. De là, jusqu'à l'apothéose de Castor et de Pollux, nous compterons 53 ans : ensuite vient la prise d'Ilion. Si l'on doit s'en rapporter au poète Hésiode :

« Maïa, fille d'Atlas, enfanta à Jupiter le glorieux Mercure, messager des immortels, en ayant partagé sa couche sacrée : Sémélé, fille de Cadrnus, donna le jour à son illustre fils, Bacchus, qui répand la joie parmi les mortels. »

« Cadmus, père de Sémélé, vint à Thèbes sous le règne de Lyncée. Ce fut l'inventeur de l'alphabet grec. Triopas fut contemporain d'Isis, à la septième génération après Inachus. Il est des auteurs qui disent, que le nom d'Io lui a été donné, venant de Ἰέναι, pour marquer qu'en errant, elle avait été dans toute la terre. Istrus, dans son livre sur la colonisation des Égyptiens, dit qu'elle était fille de Prométhée. Or, Prométhée étant contemporain de Triopas, est à la septième génération après Moise (95); en sorte, que Moise aurait précédé l'anthropogonie, chez les Grecs. Léon (96), celui qui a composé un traité sur les dieux de l'Égypte, dit qu'Isis est appelée, par les Grecs Δήμητρα, (Cérés), et qu'elle vécut sous Lyncée, onze générations après Moise. Apis, roi d'Argos, fonda Memphis, à ce que dit Aristippe, dans le premier livre de ses Arcadiques. C'est le même qu'on surnomma Sérapis, et qui est adoré sous ce nom, par les Égyptiens, à ce que dit Aristée d'Argos. Nymphodore d'Amphipolis, dans le troisième livre des moeurs de l'Asie, dit qu'Apis le taureau étant mort, il fut enseveli dans un cercueil, et déposé dans le temple du dieu qu'on adorait, et que de là, vint plus tard l'habitude de le nommer Soroapis, et par contraction Sarapis. Cet Apis, est le troisième roi, depuis Inachus (97). Enfin, Latone elle-même, n'a vécu qu'en même temps que Tityus, qui porta la main sur cette vénérable concubine de Jupiter (Odyssée, XI. v. 579). Or, Tityus appartient à l'époque de Tantale. Aussi le Béotien Pindare a-t-il raison, lorsqu'il dit:

Ἐν χρόνῳ δὲ γίνετ' Ἀπόλλων.

Apollon naquit dans ce temps. Et cela n'a rien d'étonnant, quand on le voit au service d'Admète, en relation avec Hercule, pendant toute une année. Zethus et Amphion, les inventeurs (98) de la musique, naquirent pendant la vie de Cadmus, et si l'on vient nous dire que Phémonoë, avant ce temps, rendait des oracles en vers, à Acrisius; qu'on apprenne que 27 ans après elle, naquirent Orphée, Musée, et Linus, maître d'Hercule. Homère et Hésiode sont bien plus jeunes que la guerre de Troie, et bien plus jeunes encore que ceux-ci, sont les législateurs Grecs. Lycurgue et Solon, puis les sept sages; après eux, Phérécyde de Syros et le grand Pythagore, qui sont du temps des Olympiades, comme nous l'avons fait voir. Il reste donc démontré que Moïse est plus ancien, non seulement que les hommes appelés sages, et les poètes des Grecs; mais même que la plupart de leurs dieux. »

Voici les expressions de Clément; mais les enfants des Hébreux aussi se sont livrés avec ardeur à l'examen de cette question; il est donc à propos de donner un coup d'oeil rapide à ce qu'ils en ont écrit. Je me bornerai à citer les paroles de Flavius Josèphe.

CHAPITRE XIII.

DU PREMIER LIVRE DE FLAVIUS JOSÈPHE SUR LES ANTIQUITÉS DES JUIFS (p).

« Je commencerai par les écrits des Égyptiens; mais ne pouvant pus alléguer des textes empruntés à leurs originaux, je citerai les paroles de Menethon, Égyptien d'origine, encore qu'il fût initié dans toute l'instruction de la Grèce, comme cela est évident, par la manière dont il a écrit l'histoire de son pays en langue grecque, l'ayant traduite, d'après son aveu, des livres sacrés des Égyptiens : histoire dans laquelle il relève beaucoup d'erreurs d'Hérodote, dues à son ignorance de la langue et de l'histoire de l'Égypte; et puisque j'ai recours à son témoignage, je rapporterai ses propres paroles.

« Il y eut un roi parmi nous, du nom de Timaeus, du temps duquel, Dieu étant irrité, je ne sais pour quelle cause, excita contre nous, d'une manière toute miraculeuse, des hommes venus des contrées de l'Orient, hommes sans distinction, mais qui, d'une audace étrange, ayant pénétré en armes dans ce pays, s'en emparèrent violemment, sans peine et sans combat.»

Après d'autres récits, il reprend :

« Toute cette race portait le nom de Hycoussos; ce qui signifie rois pasteurs. Hyc, dans la langue sacrée, voulant dire roi, et aussos, pasteurs, dans le dialecte vulgaire. C'est ainsi qu'à été formé le nom de Hycoussos. Il est des auteurs qui les déclarent Arabes. Dans d'autres copies , ce n'est pas par rois qu'on traduit le mot Arc, mais par prisonniers, en sorte que Hycoussos signifierait prisonniers pasteurs, dans la langue égyptienne: Hac aspiré ayant évidemment la signification de prisonniers; et celte traduction nie paraît d'autant plus exacte, qu'elle est plus en rapport avec l'histoire des temps primitifs.

« Les rois donc sus-nommés, qui appartenaient à la nation des pasteurs, aussi bien que ceux qui en descendirent, régnèrent sur l'Égypte pendant une durée de 511 ans. Après quoi les rois de la Thébaïde, et des autres portions de l'Égypte s'étant soulevés contre les Pasteurs, il s'en suivit une guerre longue et acharnée. »

Il  ajoute que,

« sous le règne d'un roi, du nom de Misphragouthosis, les Pasteurs ayant été vaincus, il durent évacuer le reste de l'Égypte, et se renfermer dans une contrée ayant 10,000 aroures de périmètre, connue sous le nom d'Abaris. Manethon dit que les Pasteurs l'environnèrent entièrement d'un mur très fort et très haut, pour y conserver en sûreté ce qu'ils possédaient, et y rapporter le butin qu'ils feraient. Le fils de Misphragouthosis, ayant le nom de Thmouthosis (99), ayant entrepris de soumettre cette ville, de force, après l'avoir assiégée, il fit camper sous ses murs une armée de 480,000 hommes; enfin désespérant de la prendre d'assaut, il fit avec ses ennemis un traité, pour qu'ils eussent à évacuer l'Egypte et à se retirer, où ils voudraient, sans éprouver aucun trouble. D'après ces conventions, ils se retirèrent avec tout ce qu'ils possédaient, ne formant pas une population moindre de 240,000 têtes, et se dirigèrent, à leur sortie de l'Égypte, vers le désert de Syrie, où redoutant la dynastie des rois d'Assyrie, qui alors commandaient à l'Asie entière, ils se cantonnèrent dans le pays nommé depuis Judée, et y construisirent une ville qui pût les contenir, à laquelle ils donnèrent le nom de Jérusalem.»

Ayant, en suivant, donné la succession des rois d'Égypte avec la durée de leur règne, il ajoute :

« Voici ce que Manethon a publié, d'où il résulte clairement, d'après la supputation des temps, que les soi-disant Pasteurs ne sont autres que nos ancêtres, qui sont sortis d'Égypte après y être entrés, 393 ans avant que Danaûs, que les Argiens considèrent comme leur plus ancien roi, fût venu à Argos.

« Manethon a donc rendu en notre faveur deux témoignages des plus décisifs d'après les écrits égyptiens : le premier , notre venue en Égypte de pays étrangers, ensuite, notre sortie de ce même pays, assez ancienne pour qu'elle ait précédé, d'environ 1000 ans, la guerre de Troie. »

Tels sont les faits sur lesquels Josèphe s'est étendu, en les tirant de l'histoire d'Égypte. Avant également mis à profit les témoignages des historiens Phéniciens, il constate que le temple de Jérusalem a été bâti par le roi Salomon, 143 ans et huit mois avant que les Tyriens fondassent Carthage. Ensuite, passant à l'histoire Chaldéenne, il en tire des témoignages qui confirment l'ancienneté des Hébreux, eu alléguant les auteurs qui en ont parlé.

CHAPITRE XIV.

QUE LE TEMPS DES PHILOSOPHES DE LA GRÈCE EST INFINIMENT POSTÉRIEUR A L'HISTOIRE DES HÉBREUX.

Qu'est-il besoin cependant d'accumuler une multitude de citations, à l'appui d'un fait qui repose sur une base si solide, sur des preuves si variées de sa réalité, aux yeux de quiconque aime la vérité et. se rend sans passion à son évidence? Qu'il nous suffise donc de faire voir que Moïse elles prophètes ont précédé les temps de la civilisation grecque. Et puisqu'il est démontré que Moïse a beaucoup d'antériorité sur la guerre de Troie, passons en revue les prophètes venus après lui. L'histoire,dont Moïse est auteur, montre clairement, que dans l'ordre consécutif des temps, il est venu bien après les véritables Hébreux, Héber, qui  Ieur adonné le nom qu'ils portent, Abraham, et les autres patriarches aimés de Dieu. Après Moïse, le premier chef de la nation-juive fut Jésus ou Josué, qui la gouverna pendant 30 ans, à ce que disent quelques auteurs. Après lui, l'Écriture reconnaît que les Juifs furent soumis aux étrangers pendant 8 ans. Gothoniel leur succéda, et gouverna pendant 60 ans. Il eut pour successeur, Eglom, roi de Moab pendant 13 ans; puis Aod pendant 80 ans. Les étrangers revinrent après lui pendant 20 ans. A ceux-ci,succédèrent Debora et Barac; la durée de leur gouvernement fut de 40 ans. Les Madianites paraissent à leur suite, pendant 7 ans, puis, Gédéon pendant 40; Abimélech, 3 ans; Thola, 23 ans; Jaeir, 22; les Ammonites, 18 ans; Jephté, 6 ans; Esbon, (100) 7; Aelom, 10; Abdon, 8; les étrangers, 40; Samson, 20 ans; après quoi, le grand-prêtre Héli qui, d'après le calcul hébreu , retint la puissance pendant 40 ans; l'époque de sa vie concourt avec la prise d'Ilion. A la suite d'Héli, le grand-prêtre Samuel devint le chef du peuple, qui eut pour premier roi, Saül, ce qui donne pour les deux un total de 40 ans; après celui-ci, David régna également 40 ans: Salomon, 40 ans. Ce fut ce prince qui construisit le premier temple dans Jérusalem. Après Salomon, Roboam régna pendant 17 ans; Abias, 3 ans: Asa, 41 ans; Josaphat,25 ; Joram, 8 ans;Ochosias, 1 an; Gotholia, 7 ans; Joas, 10 ans; Amasias, (101) 49 ans; Azarias, 52 ans (102); sous son règne, Osée, Amos, Isaïe et Jonas prophétisèrent. Après Azarias, Joathan monta sur le trône et régna 16 ans. Après lui, vint Achaz pendant 16 ans. C'est sous son règne que fut célébrée la première Olympiade, de laquelle Corœbus d'Élide sortit vainqueur. Ezéchias succéda à Achaz et régna 29 ans. Ce fut de son temps, que Romulus fonda Rome et y régna. Après Ezéchias, Manassé monta sur le trône, qu'il occupa pendant .55 ans. Ensuite Amon, pendant 2 ans; Josias, pendant 31 ans. C'est pendant son règne que parurent les prophètes Jérémie, Baruch, Olda et les autres. Son successeur Joachas ne régna que 3 mois: et Joachim qui vint après lui, eut un règne de 11 ans. Le dernier de tous ces rois fut Sédécias, qui régna 12 ans. Jérusalem fut prise d'assaut, sous lui, par les Assyriens, et le temple ayant été réduit en cendres, toute la population juive fut transportée dans la Babylonie. C'est dans cette contrée que Daniel et Ézéchiel prophétisèrent. Après une révolution de 70 années, Cyrus, roi des Perses, délivra les Juifs de la servitude, ayant accordé à ceux qui le voulaient, la faculté de retourner dans leur pays, et de relever leur temple. Ce fut alors que Jésus, fils de Josédec, et Zorobabel, fils de Salathiel, jetèrent les fondements du nouveau temple : les derniers prophètes, Aggée, Zacharie et Malachie, fleurirent vers cette époque: depuis lors, il n'y eut plus de prophètes parmi les Juifs. C'est pendant la vie de Cyrus, que se rendirent célèbres, l'Athénien Solon, et les sept hommes décorés du nom de sages parmi les Grecs, qui ont précédé tous ceux qui postérieurement furent nommés philosophes. Ces sept sages sont, Thalès de Milet, qui le premier, chez les Grecs, étudia la nature, enseigna la marche du soleil entre les tropiques, la cause des éclipses de la lune, de ses phases lumineuses et des équinoxes : Ce fut l'homme le plus illustre entre les Grecs. Thalès eut pour disciple, Anaximandre, fils de Praxiadès, qui était également de Milet. Ce fut le premier constructeur de gnomons, qui servent à connaître les conversions du soleil, les saisons , les heures et les équinoxes. Celui-ci eut pour disciple, Anaximène, fils d'Eurystrate, également de Milet, lequel fut le maître d'Anaxagore , fils d'Hégésiboule de Clazomène. Ce fut le premier philosophe qui réforma la notion des principes ; car non seulement, il raisonna sur la substance en général , comme l'avaient fait ceux qui l'avaient devancé, mais sur la nature du mouvement.

« Dans le principe, dit-il, toutes les choses étaient confuses; l'esprit les ayant pénétrées, il introduisit l'ordre dans le chaos»

Anaxagore a eu trois disciples, qui furent, Périclès, Archélaüs, et Euripide. Périclès était le premier citoyen d'Athènes, l'emportant sur tous ses concitoyens en richesse et en naissance. Euripide s'étant depuis adonné à la poésie, était appelé le philosophe dramatique. Quant à Archélaûs, il dirigea à Lampsaque, après Auaxagore, l'école que celui-ci y avait ouverte. Étant revenu à Athènes, il y tint école, et attira auprès de lui de nombreux auditeurs, entre lesquels figurait Socrate. Concurremment au temps où parut Anaxagore, on vit fleurir comme philosophes naturalistes, Xénophane et Pythagore, auquel succéda son épouse Théano, ainsi que ses enfants, Télaugués et Mnésarque. Empédocle prit des leçons de Télauguès; Héraclite, le ténébreux, se fit aussi connaître dans le même temps. On dit que Parménide succéda à Xénophane, Mélissus à Parménide, Zénon d'Elée à Mélissus. C'est de ce Zénon qu'on rapporte, qu'ayant été arrêté comme complice d'une conspiration tramée contre un tyran de cette époque, il fut mis à la torture par ce tyran, pour décliner les noms de ceux qui avaient conspiré avec lui; Zénon, sans se mettre en peine des menaces du tyran, mordit sa langue et la lui cracha, puis il mourut en montrant le plus grand courage, au milieu des tourments qu'on lui fit endurer. Leucippe avait été son disciple, il fut le maître de Démocrite et de Protagore, qui fleurirent à la même époque que Socrate. On pourrait encore nommer d'autres philosophes naturalistes disséminés, et ne faisant point école, avant la naissance de Socrate; tous néanmoins ont Thalès pour chef, et n'ont paru que depuis la fondation de la monarchie des Perses par Cyrus, lequel n'a évidemment brillé dans le monde, que lorsque déjà la plus grande portion des années de la captivité des Juifs, en Babylonie , s'était écoulée; lorsque les prophéties avaient cessé parmi les Hébreux: lorsque leur sainte métropole avait été prise et saccagée; de manière qu'on est contraint d'avouer que tous les organes de la philosophie sont bien plus récents que Moïse, que les prophètes venus après lui, surtout ceux qui ont adopté la philosophie de Platon, lequel ayant d'abord suivi les leçons de Socrate, puis s'étant mis en rapport avec les Pythagoriciens, a surpassé tous les autres philosophes, en éloquence, en profondeur de pensée et par la sublimité de ses dogmes. Or, Platon vint au jour pendant les dernières années de la monarchie Persane , peu de temps avant Alexandre de Macédoine, et 400 ans passés avant l'empire d'Auguste. Si conséquemment on peut vous montrer que Platon et les philosophes qui l'ont suivi ont professé une philosophie en harmonie avec celle des Hébreux, le seul soin à prendre, se borne à rechercher l'époque à laquelle il a vécu, et à opposer l'ancienneté des théologiens et des prophètes parmi les Hébreux, à l'âge des philosophes de la Grèce.

Toutefois, ces démonstrations ayant atteint un développement suffisant, le moment est venu de retourner à l'examen des sages qui ont été reconnus comme tels parmi les Grecs, et de faire voir qu'ils se sont montrés zélés imitateurs des dogmes Hébreux; de sorte qu'on ne puisse pas nous faire, avec quelque fondement, le reproche d'être des calomniateurs on des Sycopnantes, si nous déclarons que nous vénérons les oracles des Hébreux, tout en rendant hommage aux doctrines semblables, qui ont été proclamées par les philosophes (103).

LIVRE X.

(01) Χαλεπὰ τὰ καλά, Voir Zenobius, Centuria, VI, 338.

(02) Σκευωρεῖσθαιî, que j'ai rendu par mettre tout en œuvre pour ravir aux Hébreux, est une expression usitée chez les orateurs pour marquer  l'artifice, la ruse et toute espèce de machination : c'est dans ce sens qu'on doit entendre le passive de Théopompe, cité par Harpocration au mot ἀττικοῖς γράμμασι : « Θεόπομπος ἐν τῇ ΚΕ τῶν Φιλιππικῶν ἐσκευωρῆσθαι λέγει τὰς πρὸς τὸν Βαρβάρον συνθήκας, ἃς οὐκ ἀττικοῖς γράμμασι ἐστηλεθεύσθαι, ἀλλὰ τοῖς τῶν Ἰώνων. » Théopompe déclare, dans le vingt-cinquième livre des Philippiques, que le traité avec le Barbare (les Perses) a été fabriqué, forgé, supposé, car il est grave en lettres ioniques et non en lettres attiques. »

(03) Ὁ καθεὶς. Le Manuscrit 468 lit divisément ces mots :  Ὁ καθ' εἷς· εἷς καθ' εἷς, est reprouvée par Lucien dans le Soléciste, p. 577, t. 3 : « Εἰ ἆρα καθ' εἷς λανθάνει σε περιιών »; Thomas, Magister in voce : « Οὐ καθεῖς ἀλλὰ καθ' ἕκαστας δεῖ λέγειν. » Il est vrai que, dans la rigueur de la grammaire, on devrait dire καθ' ἕνα et καθ' ἕκαστον ; cependant, dans toutes les langues, on voit de ces locutions vicieuses s'introduire et se perpétuer : le ὁ καθ' εἷς s'est surtout fait jour dans les auteurs ecclésiastiques, juifs et chrétiens. Macchab., XXI : « Ὁ καθ' εἷς δὲ τῶν φίλων. » Épître aux Romains, c. 12 : « Ὁ δὲ καθ' εἷς ἀλλήλων μέλη. » Saint Marc, 14, 19 : « Οἱ δὲ ἤρξαντο λυπεῖσθαι καὶ λέγειν αὐτῷ εἷς καθ' εἷς. » Saint Jean, Évang., c. 8: « Ἐρξήρχοντο εἷς καθ' εἷς. » Enfin, Eusèbe, dans l'Histoire ecclésiastique, « Καὶ μὴ μόνον γε ὁ καθ' εἷς, ἀλλὰ καὶ οἱ πάντες ἀθρόως ἀνευφημοῦμεν, l. X, p. 466 de l'édition anglaise. 372 de H. de Valois.» Toutefois, la forme καθ' ἕνα est préférée par les bons auteurs. Voir la note de Graevius sur le passage du soléciste et les commentateurs de Thomas Magister, et celle de Henri Valois sur le passage cité de l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe.

(04) Καὶ ἄκοντες τὴν παρ' ἡμῶν ἀλήθειαν ; je lis ἀκούοντες, ἄκοντες, exprimant le contraire de ce que Clément s'est proposé de prouver. Si, en effet, c'était involontairement qu'ils eussent pillé les Hébreux, on ne pourrait pas leur adresser les reproches dont il fait usage contre eux : il faut donc lire ἀκούοντες ou ἑκόντες

(05) Au lieu de καταχρώμενος, je lis καταρχόμενος; dans le sens de recommencer. Plutarque, In praeceptis conjugaliis, t. VII, p. 415 de Hutten : « Οὗτος ὁ τρόπος τῆς οἰκοδεσποίνης, μήτε φεύγειν, μήτε δυσχεραίνειν τὰ τοιαῦτα τοῦ ἀνδρὸς ἀρχομένου αὐτὴν κατάρχεσθαι »

« Telle est la conduite d'une épouse, de ne pas hésiter, ni montrer de résistance à recommencer ce que son mari a commencé le premier. »

(06) Je lis ὡς δὴ μὴ avec le Manuscrit 405 au lieu de ὡς μηδὲ d'Eusèbe  et de ὡς δὲ μὴ, de Clément.

(07) Ὡς δειχθήσονται, αὐτοτελῶς δὲ τὰ ἑτέρων ὑφελόμενοι, ὡς ἴδια ἐξήνεγκαν

Cette phrase serait inintelligible si saint Clément ne lui restituait pas tout ce que le copiste d'Eusèbe, soit par négligence, à cause des désinences pareilles, soit par paresse, en a supprimé : je l'ai rétabli dans le texte. Je crois qu'il y a une faute dans les deux écrivains tels que nous les lisons dans les Manuscrits. Le premier mot, dans Eusèbe, est ὡς δειχθήσονται ; dans saint Clément, je lis ὡς δειχθήσεται ; il est évident que tous deux sont faux; Clément a le singulier avec raison, car c'est un seul fait qu'il prouve, le plagiat ; mais il ne se propose pas de le prouver, puisqu'il l'a fait, et qu'il passe à un autre raisonnement : je ne doute pas qu'on doive lire, ainsi que j'ai traduit, ὡς δέδεικται.

(08) Le corn de cet écrivain, que Vossius classe parmi les historiens, quoiqu'il me semble appartenir aux poètes, puisque Eusèbe, dans sa Chronique, à la 55e Olympiade, le dit auteur de la Télégonie, et que le plagiat dont on l'accuse est tout un livre de Musée sur les Thesprotes, ce nom, dis-je, est orthographié Εὐγάμων dans saint Clément, et dans la Chronique d'Eusèbe, dans la Préparation, Εὐγράμμων. Tout porte à repousser cette dernière orthographe, l'accord de deux citations, dont une d'Eusèbe, et la forme même d'Εὐγράμμων, qui porte un cachet d'altération.

(09) Πευσόμεθα παρ' αὐτῶν ἤτοι. ἤ Les verbes d'interrogation ne peuvent pas se construire avec ἤτοι, mais avec εἴτοι mis pour πότερον, utrum.  Les exemples du si latin sont plus rares que ceux de l'εἰ grec, dans cette  construction, cependant, encore assez communs : quant à ἤτοι vel, rien ne peut le justifier. Dans Clément, au lieu de l'ἐστί d'Eusèbe, on lit εἶναι, ce qui rend le solécisme un peu moins choquant ; la phrase n'en est guère moins incorrecte : on ne peut pas faire suivre l'infinitif aux verbes d'interrogation.

(10) Cette prière d'Éaque qui ramena l'abondance dans la Grèce, est  indiquée dans la 5e néméïque de Pindare, v. 17 .

τάν ποτ' εὔανδρόν τε καὶ ναυσικλυτὰν
θέσσαντο πὰρ βωμὸν πατέρος Ἑλλανίου
στάντες, πίτναν τ' εἰς αἰθέρα χεῖρας ἁμᾷ
Ἐνδαί̈δος ἀριγνῶτες υἱοὶ καὶ βία Φώκου κρέοντος,

Sur quoi le Scholiaste dit : « Jupiter Hellénius était adoré en Égine sur le promontoire appelé Hellénius. On dit que la sécheresse désolant la Grèce (d'autres soutiennent que c'était un cataclysme), les Grecs étant venus en foule supplier Éaque, comme fils de Jupiter, d'intercéder pour la délivrance du fléau qui les désolait, il les guérit de leurs souffrances, en implorant le Dieu ; et c'est à cause de ce salut de la Grèce que Jupiter Hellénien a un culte particulier à Égine. » Apollodore, au troisième livre de sa bibliothèque, c, 12: « Éaque était le plus pieux de tous les hommes; aussi la disette s'étant faite sentir en Grèce parce que Pélops faisant la guerre à Stymphale, roi d'Arcadie, et ne pouvant s'emparer de ses états, ayant fait semblant de se réconcilier avec lui, il le tua et le coupa en morceaux. Les oracles des Dieux ayant annoncé que la Grèce ne serait délivrée des maux qui l'accablaient que si Éaque priait pour elle, Éaque ayant fait sa prière, la Grèce fut délivrée de cette famine, »

Pausanias dans les Corinthiac,, p. 179, de Kühn : « La sécheresse depuis longtemps désolait la Grèce, et Jupiter n'envoyait de pluie ni hors de l'isthme ni dans le Péloponnèse, jusqu'à ce qu'ils envoyèrent à Delphes pour savoir ce qui causait ce fléau et pour demander le moyen d'en être délivré: la Pythie leur dit, que pour apaiser Jupiter, il fallait qu'ils persuadassent Éaque de l'implorer : chaque ville députa donc vers lui pour le solliciter : celui-ci ayant fait un sacrifice à Jupiter Panhellénien et l'ayant invoqué, il fit pleuvoir sur toute la terre de Grèce. »

Dipdore de Sicile, l. IV, 61 : « Minos ayant appris le malheureux sort de son fils, vint à Athènes pour demander raison du meurtre d'Androgée. Personne ne se prêtant à sa demande, il déclara la guerre aux Athéniens, et fit une prière à Jupiter pour que les Athéniens fussent éprouvés par la sécheresse et la famine, : Aussitôt la sécheresse s'étendit sur l'Attique et toute la Grèce : les fruits avortèrent. Alors les chefs des villes interrogèrent le Dieu pour savoir comment ils pourraient être délivrés de ces fléaux. Le Dieu rendit un oracle par lequel il leur ordonnait d'aller trouver Éaque, fils de Jupiter et d'Égine, fille d'Asopus, pour le supplier d'adresser des prières pour leur délivrance; ceux-ci s'étant acquittes de l'ordre qu'ils avaient reçu, Éaque fit les prières demandées et la sécheresse cessa dans le reste de la Grèce, mais elle persévéra dans l' Attique, etc. »

Voir Isocrate dans l'Evagoras, p. 192. de H. Eti.

(11) La correction de πλατώνεια au lieu de πλωτίνεια que donnent les textes imprimés a été proposée par Vigier, discutée et prouvée par Ruhnkenius dans sa Dissertation philologique sur Longin, § 8, p. 21, de la manière la plus incontestable : elle est de plus confirmée par le manuscrit 466 et par le passage à la fin du chapitre : « Le divin Platon dont nous célébrons aujourd'hui la fête par cette réunion, etc. »

(12) Voici ce que Suidas nous apprend de Nicagoras, fils de Mnesœus, rhéteur athénien et sophiste : il vécut sous l'empereur Philippe, écrivit les vies des hommes illustres, sur la Cléopâtre de Troade, ambassade au roi des Romains, Philippe; il fut père de Minucianus, également sophiste, qui fit un traité de rhétorique Τέχνη ῥητορική ; voir son article dans Jonsius. De script, hist, philos,, III, 14, 2.

(13) Major a également obtenu une biographie de Suidas : Major, arabe, sophiste qu! écrivit sur les constitutions de rhétorique (περὶ Στάσεων) en treize livres; il fut contemporain d'Apsine de Gadare, de Nicagoras, vécut sous le règne de Philippe et antérieurement. Les autres sont inconnus.

(14) L'habitude où les anciens étaient de manger couchés ne permet pas de traduire autrement κατακλιθείς.

(15) Δαίμαχος.

Daïmaque est incontestablement, d'après ce passage, un historien antérieur à Éphore, puisque celui-ci l'a pillé jusqu'à en prendre 5000 lignes.

Tout ce que nous savons sur son compté est dû à Harpocration, Athénée et Strabon. Harpocration au mot ἐγγύθήκη cite Δαίμαχος ἐν τῷ δευτέρῳ Περὶ Ἰνδικῆς;. — Athénée an neuvième livre, ch. 51 : Δαίμαχος ἐν τοῖς ἰνδικοῖς ἱστορεῖ περιστερὰς μηλίνας γίνεσθαι ἐν Ἰνδοῖς. — Strabon, l. II, au commencement, sur la latitude de l'Inde, le cite plusieurs fois ; et chaque fois l'orthographe de son nom varie : Διίμαχος, p. 68, de l'édition de Paris, 1620, où Hipparque lui donne raison sur Patrocle, pour la latitude des Indes : p. 70, il le nomme trois fois Δηίμαχος;. Il est étonnant que Casaubon n'ait pas rappelé une orthographe uniforme qui paraît être Δαίμαχος.

« Tous ceux, dit Strabon, p. 70, qui ont écrit sur les Indes sont généralement menteurs, mais par-dessus tous Daïmaque, ensuite Mégasthène, Onésicrile el Néarque et les bavards à leur suite. Nous avons pu nous en convaincre en repassant les conquêtes d'Alexandre; mais on doit surtout se défier de Damaïque et de Mégasthène, » etc. Ceci est en opposition à Hipparque, qui leur donne la préférence sur Patrocle: « ils furent envoyés en ambassade, contiue-t-il, à Palibotra (Ellahabad), Mégasthène, auprès de Sandrocotle, Damaïque auprès d'Allitrochadès, fils du premier. »

Strabon, l. XV, p. 690 A, cite encore Daïmaque toujours en l'associant à Mégasthène. Il paraît donc qu'ils ont écrit à peu près les mêmes choses.

Or, comment se fait-il qu'Ephore ait pu être plagiaire de Callisthène et d'Anaximéne, el encore plus de Daïmaque? Éphore élève, comme Théopompe, d'Isocrate, a écrit une histoire de la Grèce qui commence au retour des Héraclides dans le Péloponnèse ; 80 ans après la prise de Troie, et finit à la levée du siège de Périnthe par Philippe : encore le dernier livre ne lui appartient-il pas, mais à son fils Démophile.

Diod. de Sicile, l. IV au commenc. : Ἔφορος μὲν γὰρ ὁ Κυμαῖος, Ἰσοκράτους ὢν μαθητής, ὑποστησάμενος γράφειν τὰς κοινὰς πράξεις, τὰς μὲν παλαιὰς μυθολογίας ὑπερέβη, τὰ δ´ ἀπὸ τῆς Ἡρακλειδῶν καθόδου πραχθέντα συνταξάμενος ταύτην ἀρχὴν ἐποιήσατο τῆς ἱστορίας.  Le même, l. XVI, ch. 76.  Ἔφορος μὲν ὁ Κυμαῖος τὴν ἱστορίαν ἐνθάδε κατέστροφεν εἰς τὴν Περίνθου πολιορκίαν. 340 ans avant J.-C.

(16) Callisitène et Anaximène sont deux historiens d'Alexandre, qui l'avaient accompagné dans son expédition ; le premier a donné lieu à une fausse histoire qui porte son nom et qui ne mérite aucune estime. Vossius, dans son Traité des historiens grecs, a parlé avec étendue de ces deux écrivains. Meursius, dans ses notes sur Chalcidius, leur a donné un long article. Voir ensuite le baron de Sainte-Croix, Examen critique des hist. d'Alexandre., p. 33 ri .suivantes de sa seconde édition; el nommément sur Callisthène, la biographie qu'en a faite l'abbé Sévin, Mémoires de l'acad. des inscrip., t. VIII, p. 126. Hemsterhuys, sur le neuvième livre, p. 1075, De l'Onomasticon de Pollux, a donné dans une note la distinction des ouvrages attribues aux deux Callisthènes, Callisthène de Sybaris et Callisthène d'OIynthe ici cité; Meursius, dans sa bibliothèque grecque, à l'article Callisthène de Sybaris, les avait confondus.

Anaximène et Callisthène qui ont accompagné Alexandre dans son expédition ont, il est vrai, écrit le détail de ses conquêtes, mais ils paraissent avoir écrit des histoires antérieures à ce prince. Pausanias, Eliac. Poster, 18: Ὁ Ἀναξιμένης τὰ ἐν Ἕλλησιν ἀρχαῖα, καὶ ὅσα Φίλιππος ὁ Ἀμύντου εἰργάσατο συνέγραψε. . — Diod. de Sicile, l. XV, § 89, dit : «Τὴν πρώτην Ἑλληνικῶν, ἀνέγραψεν ἀρξάμενος ἀπὸ θεογονίας. » En voilà assez pour celui-là. — Callisthène avait écrit aussi des Hellenica cites par Plutarque, In Cimone et Agesilao par Athénée, l. X; par Etienne de Byzance In Τεγύρα. Voilà ce qu'a pu piller Éphore? mais Daïmaque, il n'a écrit que sur l'Inde; et quand a-t-il vécu ? Seleucus Nicanor, fondateur de la dynastie des Séleucides, paraît être, d'après Strabon, cité plus haut, celui qui envoya Mégasthène en ambassade auprès de Sandrocotte à Palibotra (Allahabad) : ce prince lui avait fait la guerre : sa campagne est rapportée par Justin, XV, 4; il en est question dans Pline, VI, 17 ; son traité de paix avec Sandrocotte est cité par Strabon, XV, p. 724. Si Daïmaque, comme le dit le même, a été envoyé auprès du fils de Sandrocotte, à quel temps cela ne nous reporte-t-il pas? St-Clément d'Alexandrie, premier des Stromates, cité par Eusèbe, Prép. évang., l. IX, c. 6, dit positivement que Mégasthène est contemporain de Seleucus Nicanor. Ce n'est donc que dans la vieillesse de ce prince, déjà âge quand il fit la guerre sur le Gange, que Daïmaque aura été député par lui auprès d'Allitrochadès. Il est donc impossible qu'Éphore vécût encore. C'est l'opinion de Vossius sur les historiens grecs à l'article Daïmaque : il combat%n ce sens Casaubon qui, en rétablissant l'orthographe de ce nom dans la Vie de Thalès, a confondu l'historien Daïmaque avec Daïmaque le platonicien, et a cru à la possibilité qu'Éphore eût emprunté des pages entières à cet auteur qui, n'ayant écrit que sur l'Inde, n'offrait aucune matière analogue à l'histoire qu'Éphore a transmise et qui n'est pas parvenue jusqu'à nous.

(17) Je lis κλεμμάτων au lieu de πραγμάτων

(18) Sur Andron. Andron est un des premiers historiens de la philosophie grecque ; Diogène Laërce invoque son témoignage dans la Vie de Pherécyde, Ἄνδρων ὁ Ἔφεσιος δύο φησὶ γεγονέναι Φερεκύδας; le scholiaste de Pindare, Isthmion, ode 2 : Σπαρτιάτην Ἀριστόδημον ἐν τοῖς ἑπτὰ σοφοῖς ἀναγράφεται Ἄνδρων ὁ Ἐφέσιος;; le titre de son livre était Le Trépied (Τρίπους) ; Diog. de Laërce dans la vie de Thalès : Ἄνδρων ἐν τῷ Τρίποδι, ἀργείους ἆθλον ἀρετῆς τῷ σοφωτάτῳ τῶν Ἑλλήνων τρίποδα θεῖναι; Clément, dans le 1er des Stromates: « Les sept sages furent contemporains de Thalès, comme dit Andron dans Le Trépied, » Voir Suidas In voce : Ζαμίων δῆμος

(19) Je lis ἄδηλον pour δήλον.

(20) La prédiction des tremblements de terre attribuée également à Phérécyde et à Pythagore, a partagé les écrivains qui ont rapporté le même fait.

Pour Phcrécyde, nous avons Cicéron, De Divinatione, l. 1, c. 50: « Pherecydes quidem ille Pylhagorae magister potius divinus habebitur' qnam physicus ; qui quum vidisset haustam aquam de jugi puteo, terrae motum dixit instare. »

Pline, Hist. nat., l. II c. 8l : « Perhibetur et Pherecydis Pythagore doctoris alia conjectatio, sed et illa divina : haustu aquae e puteo prasensisse ac pradixisse ibi terras motum. »

Apollonius Dyscole dans les Récits imaginaires, c. 5, de l'édition de Meursius : Τὰ δὲ περὶ Φερεκύδην. « On raconte la marne chose de Phérecyde à Syros, savoir, qu'ayant eu soif et ayant demandé de l'eau à un de ses disciples, lorsqu'il l'eût bu, il prédit un tremblement de terre dans cette île, lequel eut lieu trois jours après. » Je lis ἐν σύρῳ au lieu d'ἐν συρία, avec Junsius, De scrip. hist. philos. Max. deTyr, serm. 19, dît que c'est à Samos.

Au lieu de cela, en faveur de Pythagore, outre Andron, nous ne comptons que ses deux historiens, Porphyre et Jamblique. Porphyre, In vita Pythagorœ, c. 29 : Προρρήσεις τε γὰρ ἀπαράβατον σεισμῶν διαμνημονεύονται αὐτοῦ.

Jamblique, Vie de Pythagore, c. 28 : Λέγεται δὲ ὅτι σεισμὸν ἐσόμενον ἐπὶ πρέατος, ὗ ἐγεύσατο, προηφόρευσε,

(21) Ce qui est relatif au navire est aussi une prédiction attribuée également à Phérécyde et à Pythagore. Porphyre, c. 28 de la Vie de Pythagore, « on rapporte qu'un vaisseau rentrant dans le port et tous les amis (des navigateurs) faisant des vœux pour que les marchandises qu'il portait vinssent à bon port, Pythagore dit qu'il ne portait qu'un mort, et en effet, il n'y avait qu'un mort dans ce navire. »

« Jamblique, L. L ., dit qu'il prédit qu'un vaisseau qui naviguait par un bon vent ferait naufrage. »

Pour Phérécyde, Apollonius Dysole L. L. c « dit que Phérécyde venu à Samos dans le temple de Junon, il vit un vaisseau qui entrait dans le port, et il annonça a ceux qui l'environnaient que ce navire ne parviendrait pas dans le port : à peine avait-il parlé, qu'une trombe éclata et le navire fut englouti. »

Diogène Laërce rapporte la même histoire à Phérécyde au commencement de sa vie : Ναῦν οὐριουδραμοῦσα ἰδόντα, εἰπεῖν ὡς μετ' οὐ πολὺ καταδυσεται, καὶ ἐν ὀφθαλμοῖς αὐτοῦ καταδόναι.

(22) Le trait relatif à la ville de Sybaris qu'il change en celle de Messine, est inconnu, attendu la perte des livres historiques de Théopompe. On doit supposer cependant, d'après ce qui précède, qu'il s'agit delà prise de Sybaris par les Crotoniates, sous le commandement de Milon et par le conseil de Pythagore, première année de la 68e olympiade. Voir Diod., L. 12 ; 9 Strabon, liv. VI. ch. 13. p. 265.

Quant à l'étranger que Théopompe nomme Perilalis, je crois que c'est le Périalos de Thurium qui fut chassé de la société des Pythagoriciens, au rapport de Jamblique, c. 17 de la Vie du philosophe, et je crois aussi qu'un doit préférer l'orthographe Περίλαος, nom commun en grec.

La ville de Mégare, en Sicile, est la ville d'Hybla : Ἕκτη Μέγαρα, dit Etienne de Byzance, ἐν Σικελίᾳ ἡ πρότερον Ὕβλη, ἀπὸ Ὕβλωνος βασίλεως.

On voit en général que les récits de Théopompe avaient pris le dessus sur les relations contraires, et qu'il est plus ordinairement suivi: cela se conçoit facilement; son livre était dans les mains de tout le monde, et les auteurs contraires étaient à peine connus.

(23) Τῆς ἁρρωστίας ταύτης ἐπλήθη. Sur cette signification de ce verbe en grec comme du verbe implere en latin, voir Ruhnkenius sur le Lexique platonicien de Timée, p. 51.

(24) Philostrate d'Alexandrie est connu par la courte biographie que lui a consacrée son homonyme dans les Vies des sophistes, l. I, c. 58 « J'ai eu connaissance, dit-il, de Philostrate l'égyptien qui faisait de la philosophie avec Cléopâtre la reine, et qui prenait la qualité de sophiste parce qu'il s'était fait un style fleuri et propre au Panégyrique; s'étant attaché à une femme qui elle-même avait des prétentions au bel esprit ; en sorte qu'on l'a parodié dans cette élégie : « Mettez-vous en garde contre le caractère du fameux sage Philostrate, qui en fréquentant Cléopâtre, en a pris la ressemblance. »

« Plutarque dans la Vie d'Antoine, dit que Auguste ne lui fit grâce qu'à la prière d'Arius. « Arius jouissait d'une telle faveur auprès de César qu'il obtint la grâce de beaucoup de monde, parmi lesquels était un Philostrate, le plus habile des sophistes, alors vivants, pour improviser un discours ; mais dont la conduite n'était pas digne de l'académie, etc. »

Ὦ δύστην' ὄλβοιο, Φιλόστρατε, ποῦ σοι ἐκεῖνα
Σκῆπτρα, καὶ αἱ βασιλέων ἄφθονοι εὐτυχίαι
Αἷς ἐπῃωρήσας ἀεὶ βίον ; ἦ ῥ' ἐπὶ Νείλῳ
Κεῖσαι Ιοὐδαίοις ὢν περίοπτος ὅροις.
Ὀθνεῖοι καμάτους τοὺς σοὺς διεμοιρήσαντο,
Σὸς δὲ νέκυς ψαφαρῇ κείσετ' ἐν ὀστρακίνῃ

« Ô infortuné Philostrate, que sont devenus les sceptres et ces félicités sans borne des rois auxquels votre vie était attachée? Vous êtes maintenant couché sur les confins de l'Égypte et de la Judée : des étrangers se partagent vos travaux, et vos reliques reposent dans une urne de terre cuite. » T. 2 p. 252 de l'Anthologie, épigramme de Crinagoras.

(25) On trouvera une ample note sur Cœcilius et sur ses ouvrages dans Le Longin de Toup, note première de ce critique : on ne pourrait ici que la répéter ; il a cependant omis de citer ce passage d'Eusèbe où il est question de Cœcilius le rhéteur sicilien, il faut en réformer l'orthographe qui dans Suidas, Longin et autres, est Καικίλιος.

(26) II y a ici un nom d'interlocuteur omis ; car s'adressant plus bas à  Apollonius nominativement, il est évident que ce n'est plus lui qui parle.

(27) Hellanicus fut incontestablement plagiaire d'Hérodote dans les  νόμιμα βαρβαρικά : deux institutions parvenues jusqu'à nous et tirées ce livre, en font foi ; la première conservée par Suidas et le grand étymologiste au mot Ζάμολξις; est la suivante :

 « Ἑλλάνικος ἐν τοῖς βαρβαρθκοῖς νόμοις (Legs νομίμοις ut apud Euseb et vide emendat. Toupii in Suidam, t. 1, p. 232) φησὶν ὅτι ἑλληνικός τε γεγονὼς τελετὰς κατέδειξε Γέταις, τοῖς ἐν Θράκῃ, καὶ ἔλεγεν ὅτι οὔτ' ἂν αὐτὸς ἀποθάνοι, οὐθ' οἱ μετὰ τούτου, ἀλλ' ἔξουσι πάντα ἀγαθά. ἅμα δὲ ταῦτα λέγων ᾠκοδόμει οἴκημα κατάγαιον· ἔπειτα ἀφανισθεὶς αἰφνίδιον ἐκ Θρακῶν ἐν τούτῳ διῃτᾶτο.  Οἱ δὲ Γέται ἐπόθουν αὐτὸν, τετάρτῳ δὲ ἔτει πάλιν φαίνεται, καὶ οἱ Θρᾷκες αὐτῷ πάντα ἐπίσπευσαν

Ce passage n'est qu'une copie textuelle, bien qu'un peu défigurée et sauf le changement de dialecte du 95e chap. du IVe liv. de l'histoire d'Hérodote, il faut lire au lieu de οἱ μετὰ τούτου qui n'a point de sens, ou οἱ μεθ' ἑαυτοῦ, ou comme Hérodote οἱ συμπόται αὐτοῦ au lieu de πάντα ἀγαθὰ, τὰ πάντα ἀγαθά.

Le second exemple est emprunté d'Athénée, l. XI, 462 : « Οἶδα δὲ καὶ Ἑλλάνικον ἐν Ἐθνῶν Ὀνομασίαις λέγοντα ὅτι Λιβύων τῶν Νομάδων τινὲς οὐδὲν ἄλλο κέκτηνται ἢ κύλικα καὶ μάχαιραν καὶ ὑδρίαν, καὶ ὅτι οἰκίας ἔχουσιν ἐξ ἀνθερίκου πεποιημένας μικρὰς ὅσον σκιᾶς ἕνεκα, ἃς καὶ περιφέρουσιν ὅπου ἂν πορεύωνται.  » — Hérodote, l. IV, 190 : «  οἰκήματα δὲ σύμπηκτα ἐξ ἀνθερίκων ἐνειρμένων περὶ σχοίνους ἐστί, καὶ ταῦτα περιφορητά. »

Mais à quel Hellanicus s'adresse ce reproche? Suidas en signale deux également historiens, Hellanicus de Lesbos ou de Mtlylène et Hellanicus de Milet, il ne rappelle, de ce dernier, que ses écrits :Περίοδον γῆς καὶ ἱστορίας .

Il s'étend plus sur l'autre ; mais quant à ses ouvrages il se borne à dire :  Συνεγράψατο πλεῖστα πεζῶς τε καὶ ποιητικῶς; « il écrivit beaucoup d'histoires  en vers et en prose. » Vossius, aux deux articles de ses historiens grecs, consacrés aux Hellanicus, l. I, c. 1, 1. iv, c. 5, passe en revue un grand nombre d'auteurs qui ont cité Hellanicus, sans cependant les avoir épuisés, car Kuster sur Suidas ajoute à sa liste, et M. Sturz, éditeur des fragments d'Hellanicus, l'a donnée plus ample encore. Vossius, en s'efforçant d'attribuer aux deux Hellanicus la part d'ouvrages dénommés qui leur est propre, éprouve une grande gène et finit par ne rien décider. La cause en est simple : excepté Denys d'Halicarnasse et Tzetzès qui ont ajouté parfois le qualificatif ὁ λέσβιος en rappelant les écrits du 1er et Strabon qui parlant de Lesbos cite son nom, on ne sait en général auquel des deux Hellanicus on a affaire dans les citations qui les mentionnent.

Denys d'Halicarnasse dit au liv. I de ses Antiquités, c. 28, p. 74, de Reiske qu'Hellanicus de Lesbos est d'opinion que les Tyrrhéniens ne sont  que des Pelasges qui ont changé de nom, en changeant de pays, il s'est exprimé ainsi dans La Phoronide, poème dont St-Clément a cité quelques vers : Stromate. I, p. 418, rappelés par Proclus sur Hésiode, p. 141 de l'édit. de Henisius; par Eudocie, Flor., 248; Schol. d'Apollonius. l. III, v. 1178. Le même Denys dans sa lettre à Pompée donne à Hellanicus l'antériorité d'âge et de travaux sur Hérodote, voici ses paroles, t. II, p. 669 : « οὐ μὴν Ἡρόδοτός γε τοῦτο ἐποίησεν, ἀλλὰ τῶν πρὸ αὐτοῦ συγγραφέων γενομένων Ἑλλανίκου τε καὶ Χάρωνος τὴν αὐτὴν ὑπόθεσιν προεκδεδωκότων οὐκ ἀπετράπετο, ἀλλ´ ἐπίστευσεν αὑτῷ κρεῖσσόν τι ἐξοίσειν. » On ne peut pas douter que l'Hellanicus ici nommé ne soit celui de Lesbos : voici comment il en parle dans le jugement du style de Thucydide, t. VI, p. 816:

« ἀρχαῖοι μὲν οὖν συγγραφεῖς πολλοὶ καὶ κατὰ πολλοὺς τόπους ἐγένοντο πρὸ τοῦ Πελοποννησιακοῦ πολέμου· ἐν οἷς ἐστιν ...  καὶ ὁ Λαμψακηνὸς Χάρων...  ὀλίγῳ δὲ πρεσβύτεροι τῶν Πελοποννησιακῶν καὶ μέχρι τῆς Θουκυδίδου παρεκτείναντες ἡλικίας Ἑλλάνικός τε ὁ Λέσβιος καὶ Δαμάστης ὁ Σιγειεὺς... On voit par là que Charon a précédé Hellanicus, qui, à son tour, a précédé Hérodote. En effet; il ajoute, p. 820 : « ὁ δ´ Ἁλικαρνασεὺς Ἡρόδοτος, γενόμενος ὀλίγῳ πρότερον τῶν Περσικῶν, παρεκτείνας δὲ μέχρι τῶν Πελοποννησιακῶν, τήν τε πραγματικὴν προαίρεσιν ἐπὶ τὸ μεῖζον ἐξήνεγκε καὶ λαμπρότερον, » Hérodote, venu après ceux qu'il a nommés d'abord, a innové  et quant au style et quant a la manière de raconter. « Thucydide,
ajoute-t-il, Τούτοις ἐπιγενόμενος Θουκυδίδης οὔτ´ ἐφ´ ἑνὸς ἐβουλήθη τόπου καθιδρῦσαι τὴν ἱστορίαν, ὡς οἱ περὶ τὸν Ἑλλάνικον ἐποίησαν, οὔτε τὰς ἐξ ἁπάσης χώρας Ἕλλησιν ἢ βαρβάροις ἐπιτελεσθείσας πράξεις εἰς μίαν ἱστορίαν συναγαγεῖν, μιμησάμενος Ἡρόδοτον; Hérodote en passant en revue l'ensemble des pays qu'il connaissait, Thucydide le fit en se référant à un grand événement politique : la guerre du Péloponnèse. C'est ce qu'établit le même Denys p. 836, en citant les propres paroles de Thucydide, l. I, c. 97. Cette ancienneté comparative d'Hellanicus, à l'égard d'Hérodote, est confirmé par un texte remarquable d'Aulu Gelle l. XV, c. 23 : « Hellanicus initio belli Pelooinesiaci fuisse quinque et sexaginta annos natus videtur, Herodotus tres et qiiinquagima, Thucydides quadraginta. Scriptum est in libro undecimo Pamphilae. »

« Suidas nous représente Hellanicus et Hérodote comme commensaux du roi de Macédoine Amyntas : « Διέτριψε Ἑλλάνικος σὺν Ἡροδότῳ παρὰ Ἀμύστᾳ τῷ Μακεδόνων βασιλεῖ, κατὰ τοὺς χρόνους Εὐριπίδου καὶ Σοφοκλέους.»

M. Sturz combat avec raison l'anachronisme dont il accuse Suidas qui fait Hérodote et Hεllanicus contemporains d'Amynias, d'Euripide et de Sophocle : cela est étranger à notre thèse.

Maintenant, est-il vraisemblable que le vieil Hellanicns, dont les histoires partielles ou locales ont toutes précédé l'histoire universelle d'Hérodote, ait imaginé, dans ses vieux jours, de composer une compilation où il aurait mis ce dernier à contribution ? Voilà la position de la question. Pour arriver à sa solution, il faut préciser les dates. L'époque à laquelle Hérodote composa son histoire a fourni matière à contestation entre les savants; les uns, et c'est le plus grand nombre, ont adhéré à la déclaration formelle de Pline, Hist. nat., l. XII, Segm. 8 : «Tanta eboris autoritas erat urbis nostrae trecentesimo decimo anno; tunc enim auctor ille (Herodotus) historiam suam condidit Thuriis in Italia. » Vossius, dans ses Historiens grecs, Simson, dans son Canon Chronicus, Des Vignoles, dans sa Chronologie et autres, ont regardé celte date comme certaine. Or, comme l'an 310 de Rome répond à la deuxième année de la quatre-vingt-quatrième olympiade, d'après l'âge qu'on sait qu'avait Hérodote à l'ouverture de la guerre du Péloponnèse (53 ans), on en déduira facilement qu'il avait alors quarante ans; c'est ce qui porte Simson à placer la lecture d'OIympie, si elle a eu lieu, à la première année ou à la célébration des jeux de la quatre-vingt-cinquième olympiade. Cette supputation est cependant attaquée par Dodwell dans son Apparatus ad Annales Thucydid., Seg. 18, lequel n'est d'accord ni avec Simson ni avec Eusèbe dans sa Chronique : il a été suivi par le président Bouhier, Dissertation sur Hérodote, et Wesseling, préface de son édition. L'objection repose sur le fait de la présence de Thucydide, encore enfant (ἔτι παῖς), à la lecture solennelle de l'histoire d'Hérodote à Olympie.

Le premier auteur, qui fasse mention de cette lecture est Lucien, dans un écrit qui a pour titre Hérodote ; mais il tait ce qui concerne Thucydide. Marcellin a rapporté le premier cette circonstance, dans la vie de cet historien, sans indiquer ni l'âge ni le lieu ; il ne donne même cela que comme un on dit : « Λέγεται ὥς ποτε τοῦ Ἡροδότου τὰς ἰδίας ἱστορίας ἐπιδεικνυμένου παρὼν τῇ ἀκροάσει Θουκυδίδης καὶ ἀκούσας ἐδάκρυσεν. » Eusèbe, dans sa Chronique, ne connaît rien du trait relatif à Thucydide : il place à Athènes, et pendant la quatre-vingt-troisième olympiade, Hérodote lisant son histoire. Photius le suit, en ajoutant le fait de l'extrême jeunesse de Thucydide y assistant, ainsi, Codex 60, Bibliothecae :

« Λέγεται δὲ ἀναγινωσκομένης αὐτῷ τῆς ἱστορίας κομιδῇ νέον ὄντα παρὰ τῷ πατρὶ Θουκυδίδην ἀκοῦσαι καὶ δακρύσαι. »

C'est donc, pour Photius, chez Olorus que celte scène a eu lieu ; c'est Suidas seul qui réunit l'enfance de Thucydide à la déclamation faite à Olympie : « Ἔτι παῖς τυγχάνων Ἡροδότου, ἐπὶ τῆς Ὀλυμπίας τὰς ἱστορίας αὑτοῦ διερχομένου ἃς συνεγράψατο, καὶ κινηθεὶς ὑπό τινος ἐνθουσιασμοῦ, πλήρης δακρύων ἐγένετο. » C'est cette seule autorité qui a déterminé Dodwell à placer cet événement pendant la célébration des jeux de la quatre-vingt-unième olympiade, Thucydide étant alors âgé de 15 ans, et à contredire Pline et Eusèbe tout-à-la-fois. Si l'on réfléchit, cependant, au temps qu'Hérodote a dû consacrer à ses voyages, entrepris sous le double motif de s'instruire et de commercer, à l'obligation où il s'est trouvé d'apprendre les divers idiomes des pays qu'il a parcourus, aux longs entretiens qu'il a eus avec tous les hommes éclairés d'une grande portion de la terre, depuis la Scythie jusqu'aux, bornes de l'Ethiopie, depuis l'Euphrate jusqu'à la grande Grèce, on concevra difficilement  qu'une pareille histoire eût été terminée par Hérodote à vingt-sept ans, comme le prétend Dodwell ; car, étant né la deuxième année de  la soixante-quatorzième olympiade, Hérodote n'avait que vingt-sept ans révolus, la première de la quatre-vingt-unième. Quoi qu'il en soit, et dût-on admettre comme vraie cette anecdote dans toute son étendue, on serait encore forcé d'avouer, avec le président Bouhier, que ce n'a pu être qu'une faible partie de son histoire, c'est-à-dire ce qui concerne la Perse et l'Égypte, dont il fit la lecture à Olympie; que le reste fut composé et le tout refondu à Thurium ; on sait, d'ailleurs, que ces ἐπιδείξεις, ou lectures d'apparat, devant une population entière, ne pouvaient être d'un livre aussi long que Les neuf Muses d'Hérodote : il n'y a pas de poitrine en état d'y suffire, d'attention capable de s'y prêter, ni d'interruption assez longue dans les jeux du stade, pour le permettre. C'était donc un ou deux morceaux brillants qu'il a débités, comme cela se pratique de nos jours ; d'où je conclus que son histoire n'a acquis de publicité que lorsqu'il avait atteint au moins quarante-cinq ans ; Hellanicus, alors, en avait 57. Or,  peut-on, dans cette position des choses, admettre la supposition de M. Creuzer, qui dit, dans son ouvrage, De Historica arte Grœcorum, p. 96, qu'Hellanicus, encore qu'il fût plus vieux qu'Hérodote, n'avait cependant rien publié qu'après cet historien ; cela est diamétralement contredit  par Denys d'Halicarnasse, et répugne à la vraisemblance : nous savons, en effet, qu'il publia beaucoup d'histoires particulières en vers et en prose « Πλεῖστα συνεγράψατο πεζῶς τε καὶ ποιητικῶς. » Nous connaissons, d'une part, sa Phoronide déjà citée; l'Asopide, qui l'est par l'historien de Thucydide, Marcellin ; la Deucalionide, par Athénée, l. X, 4, Clément d'Alexandrie, Stromate 6, p. 752; l'Atthide, mentionnée par Suidas aux moit Μουνυχία et Στεφανηφόρος; ; Thucydide. L. 1e § 99. Harpocrat. voce. 'Ἀλόπη,. ; ses histoires sont opposées à sa Phoronide  par Athénée, l. IX, à la fin : « Ἑλλάνικος ἐν ταῖς ἱστορίαις Ἀρχίαν φησὶ καλεῖσθαι, ἐν δὲ τῷ δευτέρῳ τῆς Φορωνίδος Χερίαν αὐτὸν ὀνομάζει.  » Les Τρωικὰ lui sont attribuées par Denys d'Halicarnasse, Antiquités, I, p. 120 : « Ὁ μὲν οὖν πιστότατος τῶν λόγων ᾧ κέχρηται τῶν παλαιῶν συγγραφέων Ἑλλάνικος ἐν τοῖς Τρωικοῖς. » Il est difficile, dans le naufrage des écrits d'Hellanicus de Lesbos, de discerner leurs titres de ceux des œuvres de son homonyme; mais lui attribuer tout ce qui porte son nom me semble impossible. 1° Le plagiat fait à Hérodotc prouve un écrivain plus récent que lui ; 2° le soin qu'a eu quelquefois Denys, et une fois Tzetzès sur Lycophron, v. 1374, d'ajouter la qualification ὁ λέσβιος à son nom, prouve l'intention, de leur part, de le distinguer d'un autre Hellanicus; ils ne nomment point Thucydide l'Athénien ni Hérodote l'Halicarnassien, parce que, seuls de leur nom, ils ont écrit l'histoire. Je reste donc convaincu  que les βαρβαρικὰ ou ἐθνῶν νόμιμα qui qui reçoivent des indications diverses, sous les noms Κτίσεις, Κυπριακὰ, Λεσβιακὰ, Περσικὰ, Σκυτικὰ, Φοινικικὰ, sont du second Helianicus. Mais quel est-il? Suidas nomme un Hellanicus  grammairien aux mois Ἀνδοκίδης; et Πτολεμαῖος;, surnommé Ἐπιθέτης, διότι εἵπετο τῷ Ἀριστάρχῳ, διηκτηκόει δὲ Ἑλλανίκπυ τοῦ γραμματικοῦ· ὁ δὲ, Ἀγαθοκλέους· ὁ δὲ, Ζηνοδότου τοῦ ἐφεσίου » Cet Hellanicus est évidemment le grammairien cité dans le Scholiaste homérique de Venise. 1° Page première  de la préface, édition de Bekker, où il prétend qu'Homère n'était pas l'auteur de l'Odyssée. ; 2° sur le vers 269 du cinquième livre de l'Iliade; 3° le 651 du quinzième; 4° le 90 du dix-neuvième. Ce grammairien est-il le même que l'historien de Milet? Je ne puis le décider; mais, encore une fois, je ne puis voir, dans le compilateur des Βαρβαρικὰ νόμιμα, le prédécesseur d'Hérodote dans la carrière de l'histoire, ni son commensal, chez le roi de Macédoine. Je sais que sa longévité attestée par Lucien, dans les Marrobii, rend un peu moins invraisemblable la supposition de M. Creuzer ; mais il le met trop lard à l'œuvre, comme Dodwell y avait mis trop tôt Hérodote. Je vais confirmer mon opinion, à son sujet, par ce qui me reste à dire sur Damastès.

Damastès est moins cite qu'Hellanicus ; aucun fragment de ses œuvres ne nous a été' transmis ; néanmoins, nous savons par Denys d'Halicarnasse, au passage du jugement de Thucydide, t. 6, p. 818, qu'il a précédé Hérodote dans la carrière de l'histoire; mais ce qui me semble tout-à-fait décisif, est ce que dit Suidas de Damastès : « Γεγονὼς πρὸ τῶν Πελοποννησιακῶν, σύγχρονος Ἡροδότῳ, ... γέγονε δὲ Ἑλλανίκου μαθητής. » S'il fut disciple d'Hellanicus de Lesbos, bien entendu, comment a-t-il pu être pillé par lui; mais voilà que Damastès lui-même est accusé du même délit; c'est par Agathemère, au l. I, c. 1 de sa Géographie : « Δαμάστης κιτιεὺς (lisez σιγειεὺς) τὰ πλεῖστα ἐκ τῶν Ἑκαταίου μεταγράψας, περίπλουν ἔγραψε. » Ce περίπλους, attribué par Agathemère à Damastès, paraît être l'ouvrage indiqué par Suidas, sous le titre Ἐθνῶν καὶ πόλεων κατάλογος. Or, si, à son tour, il a été pillé par un Hellanicus, ce ne peut être par son maître et son devancier ; c'est l'opinion de Valckenaer, qui, sur le livre IV, c. 190 d'Hérodote, à l'occasion du larcin que nous avons signalé au commencement de cette note, conclut que le plagiaire d'Hérodote ne peut être qu'Hellanicus de Milet. Strabon traite Damastès d'imposteur, l. I, p. 47.

Je dois rendre compte ici du motif qui m'a fait changer en Δαμάστου le nom Δαάσου que le texte d'Eusèbe nous offre. Ce nom défiguré a été rétabli depuis Meursius dans sa Bibliothèque grecque, et, jusqu'à ce jour, par tous les savants qui ont cité ce passage : il est présumable que, si Vigier avait publié ses Observations, il n'aurait pas laissé subsister cette altération. Dans la liste que donne Harlès dans sa Bibliothèque, l.II, c. 20, t. 2, p. 354; il a omis Holstenius : In indice scriptorum a Stephano Byzantino citatorum  : ce morceau, que Rickius n'a pas publié avec les notes sur Etienne de Byzance, se trouve dans le second volume, p. 118 des Miscellaneœ Observationes criticae novœ. Harlès est également incomplet dans la liste qu'il donne des auteurs anciens qui ont cite Damastés : on pourrait l'augmenter à l'aide de celle formée par Meursius dans sa Bibliothèque grecque.

Le Mémoire de M. De Bougainville, contenu t. 29 de la Collection académique des belles-lettres, où il traite des premiers historiens de la Grèce, ne m'a été d'aucun secours pour démêler l'âge de ces historiens, constater le nombre de leurs écrits et en donner les titres : c'est un morceau de peu de recherche et de critique.

(28) Hécatée de Milet, premier historien de la Grèce, nommé par Hérodote, L. V. 36, sous le titre de λογοποιός, qui voulait signifier historien, a composé une Ἀσίας Περιήγησις, cile'e par Athénée à la fin du livre 11 des Deipnosophistes : « Εἰ γνήσιον τοῦ συγγραφέως τὸ βιβλίον. » Je ne vois pas sur quoi est fondé ce doute. Le même Athénée, l. X. p. 447, C: « Ἑκαταῖος ἐν δευτέρῳ περιηγήσεως. » On trouve le même ouvrage, indiqué pour la partie de l'Asie, dans le même auteur, IX, 410: « 'Ἑκαταῖος δηλοῖ ἢ ὁ γεγραφὼς τὰς περιηγήσεις ἐν τῇ Ἀσίᾳ ἐπιγραφομένῃ. » M. Creuzer ayant donné les Historiaei Hecataei dans les fragments des anciens historiens, Heidelberg, 1816, offre tout ce qui peut éclairer sur cet auteur.

(29) L'indication du discours d'Isée est fausse; il veut dire la succession de Ciron, non de Cylon : Περὶ τοῦ Κίρωνος κλήρου, qui, dans l'édition de Reiske, t.VIIvu, p. 192, contient le passage en question textuellement copié par Démosthène à la page 874 ; le voici : « Ὑμεῖς μὲν τοίνυν καὶ ἰδίᾳ καὶ δημοσίᾳ βάσανον ἀκριβέστατον ἔλεγχον νομίζετε· καὶ ὁπόταν δοῦλοι καὶ ἐλεύθεροι παραγένωνται καὶ δέῃ εὑρηθῆναι τι τῶν ζητουμένων, οὐ χρῆσθε ταῖς τῶν ἐλευθέρων μαρτυρίαις, ἀλλὰ τοὺς δούλους βασανίζοντες οὕτω ζητεῖτε εὑρεῖν τὴν ἀλήθειαν τῶν γεγενημένων. Εἰκότως, ὦ ἄνδρες: σύνιστε γὰρ ὅτι τῶν μὲν μαρτυρησάντων ἤδη τινὲς ἔδοξαν οὐ τἀληθῆ μαρτυρῆσαι, τῶν δὲ βασανισθέντων οὐδένες πώποτε ἐξηλέγχθησαν ὡς οὐκ ἀληθῆ ἐκ τῶν βασάνων εἰπόντες. Οὗτος δ' ὁ πάντων ...». Ce passage, dis-je, se trouve reproduit à la fin du discours de Démosthène contre Onétore, t. II, p. 874 ; il est vrai que l'argument du second discours contre le même attribue à Isée ces deux discours. « Bien des personnes, dit-il, attribuent ces deux discours à Isée, à cause de l'âge de l'orateur ; d'autres disent qu'ils ont été corrigés par Isée : ils ressemblent, en effet, beaucoup aux. discours de celui-ci ; cependant, on ne devrait pas être étonné que le disciple eût pris la manière du maître, n'étant pas encore parvenu à la perfection, ni à se former un style qui lui fût propre. » Quant à l'imitation d'Isocrate, elle est plus éloignée. Voici son passage à la fin du Trapèzitique : « 'Ὁρῶ δὲ καὶ ὑμᾶς καὶ περὶ τῶν ἰδίων καὶ περὶ τῶν δημοσίων οὐδὲν πιστότερον οὐδ' ἀληθέστερον βασάνου νομίζοντας, καὶ μάρτυρας μὲν ἡγουμένους οἷόν τ' εἶναι καὶ τῶν μὴ παραγενομένων παρασκευάσασθαι, τὰς δὲ βασάνους φανερῶς ἐπιδεικνύναι ὁπότεροι τἀληθῆ λέγουσιν. »

(30) Dinarque : « Ἐν τῷ πρώτῳ κατὰ Κλεομέδοντος, αἰκίας. » Le discours de Dinarque contre Cléomède, pour sévices, est relaté dans sa biographie, donnée par Denys d'Halicarnasse, commençant par ces mots :

Ὅτι μὲν, ὦ Ἄνδρες, καὶ ὁ πατὴρ Θεόδωρος δή, comme étant authentique. Dans le troisième paragraphe de cet écrit, Denys d'Haïicarnasse reconnaît également Τοῦ Δημοσθενικοῦ χαρακτῆρος, ὃν μάλιστα ἐμιμήσατο, πολὺ πλείω δύναιτό τις εἰπεῖν, ὡς καὶ ἐν τῷ κατὰ Πολυεύκτου, προοιμιάζεται γὰρ ὁμοίως ἐκείνῳ, καὶ δι' ὅλου τοῦ λόγου παραπλήσιος μεμένηκε.

Les actions dites αἰκιας, ce que j'ai traduit par sévices, étaient des actions privées, comme on le voit dans le discours contre Conon, ici nommé  par distinction des actions περὶ ὑβρέως, qui étaient publiques et entraînaient des peines corporelles. Voir sur ce genre d'attaque judiciaire, outre Harpocration, Samuel Petit, dans les Lois attiques ; Saumaise, De modo Usurarum, c. 17 ; le même, Observat, ad jus atticum et romanum, c. 7, 8, 9, cl surtout Hérault, Animadversiones in Salmasii observ., p. 115 et suivantes.

(31) Les vers ici cités d'Hésiode se trouvent dans le poème Des Œuvres et des Jours, v. 702 : le larcin de Simonide a déjà été révélé par Clément d'Alexandrie, l. VI des Stromates, p. 744.

(32) Ce vers d'Euripide, imité par Théodecte dans l'Alcméon, n'est point relaté dans les fragments incertains de l'édition d'Euripide de Malthix.

(33) Antimaqne de Colopbon, que Porphyre accuse d'avoir copié Homère, est le poète que l'empereur Adrien préférait et voulait substituer à Homère: Kuster lui a donné une relation étendue à son article dans Suidas.

Clément d'Alexandrie, l. VI des Stromates, p. 743, cite un vers d'Antimaque sous l'adjonction de ὁ τεῖος : je crois que c'est une pure erreur ou de l'auteur ou du copiste. Antimaque est de Colopbon, et parmi tous ceux du même nom que Suidas passe en revue, il n'en est pas un de Téos, ni qui puisse se confondre avec lui : le vers d'Homère ici cité est de l'Iliade, l. v. 554.

Au reste, Denys d'Halicarnasse, dans ses réminiscences sur les anciens orateurs à l'article Lysias, § 17, recourait qu'ils prenaient dans leurs devanciers ce qui était à leur convenance, et ne se faisaient point scrupule d'en agir ainsi.

« Ἐῶ ὅτι καὶ τὰ παρ' ἑτέροις εἰρημένα λαμβάνοντες ὀλίγου δεῖν πάντες οὐκ ἐν αἰσχύνῃ τίθενται τὸ ἔργον.»

Longin, au treizième § du Traité du Sublime, loin de blâmer l'imitation même servile des écrivains de génie, la conseille à ses lecteurs :

« ἄλλη τις παρὰ τὰ εἰρημένα ὁδὸς ἐπὶ τὰ ὑψηλὰ τείνει.   ἡ τῶν ἔμπροσθεν μεγάλων συγγραφέων  καὶ ποιητῶν μίμησίς τε καὶ ζήλωσις.... πολλοὶ γὰρ ἀλλοτρίῳ θεοφοροῦνται  πνεύματι τὸν αὐτὸν τρόπον ὃν καὶ τὴν Πυθίαν λόγος ἔχει τρίποδι  πλησιάζουσαν,

Il est une autre voie qui mène au sublime : l'imitation, et l'émulation des grands historiens qui nous ont précédés et des grands poètes. Beaucoup d'auteurs ne sont inspires que par l'esprit d'autrui, de la même manière qu'on rapporte que la Pythie l'est en s'approchant du trépied.
Ce n'est point un larcin, c'est un moulage de beaux caractères à la manière du moulage des monuments d'art plastique ou architectonique.»

(34) Le Lysimaque ici mentionné paraît être le poète comique dont parle Lucien (Jugement des voyelles, § 7) : « Je descendis chez un poète du nom de Lysimaque, qui tirait son origine de Béotie, d'ancienne date, quoiqu'il voulût passer pour cire du milieu de l'Attique. J'ai dépisté son origine étrangère par l'usage sans mesure de la lettre  ταῦ. »

(35) L'Alcée, ici cité comme auteur d'épigrammes et d'iambes satyriques, ne saurait être un autre que celui dont l'Anthologie nous a conservé vingt-deux épigrammes, dont une partie est dirigée contre le roi de Macédoine, Philippe, père de Persée; le roi y répondit par ce mordant distique :

Ἄφλοιος καὶ ἄφυλλος, ὁδοίπορε, τῷδ' ἐπὶ νώτῳ
Ἀλκαίῳ σταυρὸς πήγνυται ἠλίβατος.

« Sur ce sommet tu vois, ô passant, une croix bien dépouillée de ses feuilles et de son écorces, exposée au soleil, qui a été élevée pour Alcée. »

Voir Plutarque, Vie de Titus Flaminius, § 9.

(36) Cet ouvrage de Protagore pourrait être celui cité dans le Théétète sous le nom de Ἀλήθεια (vérité), où il disait que l'homme est la mesure de tout : « Πάντων μέτρον ἄνθρωπος. »

(37) Vigier propose de lire le didyméen pour qu'il n'y ait pas transposition d'un dieu à un autre, et que ὁ σεμνὸς n'appartienne pas à deux sujets, Apollon et Jupiter.

(38) Amphiaraus et Amphiloque viennent souvent accolés dans les citations d'oracles.

Aristide, l.1, p. 82 de Canterus :

« Ἀμφιάραος μὲν γὰρ καὶ Τροφώνιος ἐν Βοιωτίᾳ καὶ Ἀμφιίλοχος ἐν Αἰτολίᾳ χρησμωδοῦσί τε καὶ φαίνονται. »

Philostrate, in Heroicis, p. 60 de Boissonade : « Ἦ ἀδικήσοις γε ἀπιστῶν, ξένε, τόν τε Ἀμφιάρεων ὃν λέγεται ἡ γῆ ἐν σοφῷ ἀδύτῳ ἔχειν, Ἀμφίλοχόν τε τὸν τούτου παῖδα, πλείω ἴσως ἢ ἐγὼ γιγνώσλων, οὐ πολὺ ἀπέχων τῆς Κιλίκων ἠπείρου. »

M. Boissonade, dans ses notes, renvoie, pour les détails concernant Amphiaraus, à Barhius sur Stace, Thébaïde, I, 399; à l'égard d'Amphiloque, à Wyttenbach sur Plutarque, De la vengeance tardive des Dieux, p. 93 : nous avons fait connaître ces prophètes au sixième livre, chap. 6.

(39) Les vies de Pythagore par Porphyre, Jamblique, sans compter celles de Diogène Laërce et de Proclus, reconnaissent avant tout Pythagore comme fils de Mnésarque de Samos ; Porphyre seul elle le témoignage de Cléanthe, qui attribue Tyr pour la patrie de Pythagore : ce qui pouvait flatter l'amour-propre de Porphyre, tyrien lui-même. Voici comme il le déclare : « Κλεάνθη ἐν τῷ μέπτῳ τῶν μυθικῶν, σύρον (αὐτὸν εἶναί φησι) ἐκ Τύρου τῆς συρίας. »

Les auteurs chrétiens, tels que Clément d'Alexandrie, Eusèbe, Théodoret, se sont empares avidement de ce récit, qui enlevait à la Grèce, pour le rendre à ce qu'on nommait les Barbares, un homme célèbre : un seul auteur est invoqué comme ayant répandu cette fable, c'est Néanthe dans Clément, première Stromate, p. 352 : « Πυθαγόρας μὲν οὖν Μνησάρχου ἰσάμιος, ὡς δὲ Ἀριστόξενος ἐν τῷ Προταγόρου βίῳ καὶ Θεόπομπος τυρρηνὸς, ὡς δὲ Νεάνθης  σύριος ἢ τύριος » : Théodoret a lu également Νεάνθης dans saint Clément, qu'il a copié mot pour mot p. 7 de l'édition de Sylburge, de la Thérapeutique. On voit que cette prétention, à revendiquer pour les Barbares l'origine de Pythagore, repose sur une base bien faible ; car ceux qu'Aristoxène nomme Tyrrhéniens ne sont autres que les Pélasges, qui se transportèrent de l'Attique en Italie : il reste à résoudre, si on le peut, la véritable orthographe de Cléanthe ou de Néanthe. Ce Cléanthe n'est cité que par Porphyre, comme ayant attribué à Pythagore d'être Tyrien, au lieu que Néanthe l'est par tous les autres. Cléanthe est connu par différents ouvrages cités par Athénée, l. XIII, p. 572 et autres, notamment par le livre ici nommé Τὰ Μυθικά. Mais ici je pense qu'on doit lire Νεάνθης ἐν πέμπτῳ τῶν πυθαγορικῶν. Cet écrivain est, en effet, nommé plusieurs fois dans la Vie d'Empédocle, I. 8 § 72, par Diogène Laërce, comme ayant écrit des biographies de pythagoriciens. (Voir la note de Ménage sur le passage de Diogène Laërce, et Jonsius, De Script. Hist. Philos, II. 4, 3. Quant à Pythagore, sur l'époque de sa naissance, on peut lire ce que Bentley a écrit dans la dissertation sur les Lettres de Phalaris, p. 46 de l'édition anglaise.

(40) La citation de Platon est tirée de l'Épinomide, t. II, p. 986 et 987 d'Etienne. Le texte de Vigier a conservé l'ancienne erreur de celui de Robert Etienne, en lisant Épiménide : ce qu'on a peine à s'expliquer.

(41) Tout ce morceau, relatif à Démocrite, est copié de la première Stromate de Clément, p. 557. Sur le sens de Ἐπ' ἔτεα ὀγδοήκοντα ἐπὶ ξένης ἐγενήθην, Brucker, Hist. de la Philosophie, t. I, p. 1178, fait la remarque que Démocrite n'a pu voyager quatre-vingts ans ; mais que ses voyages se sont prolongés jusqu'à sa quatre-vingtième année. D'après le témoignage de Diodore de Sicile, l.1, à la fin, il n'a demeuré que cinq ans en Égypte. Je lis ἁρπεδονάπται, comme dans saint Clément, au lieu d'ἁρσεπεδονάπται des textes d'Eusèbe, qui paraît une erreur de copiste.  Potter, sur Saint Clément, en donne l'étymologie ἁρπεδόνας ou γραμμὰς ἅπτειν, ce qui veut dire étudier la géométrie : sur la valeur de ce terme, voir Zoega, De Obeliscis, Sect. 4e, c 2, § 5, p. 513.

(42) Ces quelques anciens veulent dire, Hérodote, Terpsicore, c. 58 au reste ceci est pris, avec quelques changements, à Clément d'Alexandrie, Stromat. 1er, p. 362 : Κάδμος δὲ φοῖνιξ ἦν, ὁ τῶν γραμμάτων Ἕλλνων οὑρέτης ὥς φησι Ἔφορος, ὅθεν καὶ φοινικήια τὰ γράμματα Ἡρόδοτος, πεπλῆσθαι γράφει, οἱ δὲ φοίνικας καὶ σόφους φράμματα ἐπινοῆσαι πρώτους λέγουσι

Ce qui suit dans Clément forme le chapitre six entier, de notre auteur, mais avec des déplacements et des additions. Quant à la preuve de l'antériorité des lettres hébraïques, tirées du sens que chacune d'elles renferme, c'est un assez pauvre raisonnement ; car les lettres n'ayant de valeur que comme représentant des sons, du moment où elles représentent des idées, elles ne sont plus lettres et rentrent dans les symboles hiéroglyphiques. Il se peut, et on doit croire, que dans l'origine, la figure de chaque lettre exprimait une idée, mais lorsqu'elle passa à une valeur de son, elle a dû perdre sa valeur primitive: d'ailleurs la signification de ces mêmes lettres n'est pas également reconnue par tous ceux qui ont traité cette question. Je n'en citerai qu'un exemple : Eusèbe dit qu'en hébreu aleph veut dire instruction ; Plutarque dans les Symposiaques, l. XX, 9, 2, soutient que l'alpha en phénicien est le nom du bœuf, c'est pourquoi, dit-il, il précède toutes les lettres. Quoi qu'il en soit, l'origine phénicienne ou hébraïque ou syrienne, ce qui est un, des alphabets grecs et latins, est prouvée autant qu'une pareille question peut l'être, par les travaux beaucoup plus rationnels des modernes. Je citerai avant tout Josepb Scaliger dans la digression sur les lettres ioniques insérée dans ses Animadversiones in chronologica Eusebii, p. 110; Bochart, Chanaan, l. I, c.
20, p. 448; Renaudot, Mémoires de l'académie des inscriptions, t. II, p. 231, sur l'origine des lettres grecques.

(43) Plus bas, le même Clément nous donne Olympus pour Mysien lorsqu'il dit : « Ce fut Olympus le Mysien qui donna les règles de l'harmonie lydienne. » Cette origine lui est également accordée par Suidas dans sa biographie. Plutarque, De musica, § 5 : 'Ἀλέξανδρος δ´ ἐν τῇ Συναγωγῇ τῶν περὶ Φρυγίας κρούματα Ὄλυμπον ἔφη πρῶτον εἰς τοὺς Ἕλληνας κομίσαι.

§ 7. Λέγεται γὰρ τὸν προειρημένον Ὄλυμπον, αὐλητὴν ὄντα τῶν ἐκ Φρυγίας, ποιῆσαι νόμον αὐλητικὸν εἰς Ἀπόλλωνα. Εἶναι δὲ τὸν Ὄλυμπον τοῦτόν φασιν ἕνα τῶν ἀπὸ τοῦ πρώτου Ὀλύμπου τοῦ Μαρσύου μαθητοῦ, πεποιηκότος εἰς τοὺς θεοὺς τοὺς νόμους· οὗτος γὰρ παιδικὰ γενόμενος Μαρσύου καὶ τὴν αὔλησιν μαθὼν παρ´ αὐτοῦ, τοὺς νόμους τοὺς ἁρμονικοὺς ἐξήνεγκεν εἰς τὴν Ἑλλάδα

Ces textes de Plutarque ainsi que ceux de Clément présentent de telles confusions et contradictions qu'ils ont besoin d'explication et même de correction : 1° on voit apparaître dans Clément deux fois le nom d'Olympus, la première fois il est dit Phrygien, la seconde fois, Mysien; cela s'explique par Plutarque qui distingue, en effet, deux homonymes de ce ce nom : l'ancien, Mysien : le second tirant son origine du premier. Mais voici que ce premier Mysien, pour Clément et pour Suidas, est
le fils de Marsyas, lequel était son maître et son amant. Ὄλυμπον τοῦτόν  φασιν ἕνα τῶν ἀπὸ τοῦ πρώτου Ὀλύμπου, τοῦ Μαρσύου· οὗτος γὰρ παιδικὰ γενόμενος Μαρσύου, καὶ τὴν αὔλησιν μαθὼν παρ' αὐτοῦ.  A qui se rapporte cet οὗτος si c'est au premier Olympe, il ne peut être à la fois le fils et le mignon de Marsyas, en conséquence on doit changer τοῦ Μαρσύου en τοῦ Μαίονος; : Mœonus est le nom de son père dans Suidas qui, au reste, paraît avoir confondu les deux Olympes dans le même article, quoiqu'il en ait fait un spécial pour Olympe le Phrygien. Ὄλυμπος πρὺξ, νεώτερος αὐλητὴς, φεγονὼς ἐπὶ Μίδου τοῦ Γορδίου. Quel est l'Olympe qui est auteur du Nome ou chant religieux en l'honneur d'Apollon? Plutarque laisse cette question indécise en nommant les auteurs réciproques des deux opinions. Quant à moi, je crois que οὗτος de Plutarque se rapporte au second Olympe, qui ayant été disciple de Marsyas vivait du temps de Midias, comme le déclare Suidas dans son article ; au lieu que le Mysien dont ce dernier tirait son origine, avait précédé l'époque de Midas. Je crois en conséquence que c'est le dernier qui apporta la flûte en Grèce. Le nom de τοῦ Μαρσύου doit être changé dans les deux systèmes; M. Burette n'a point entrevu celte difficulté dans son analyse du dialogue de Plutarque, t. VIII, p. 80 des Mémoires de l'académie.

(44) Le texte porte en Chypre ; c'est une erreur, les Dactyles habitaient le mont Ida en Crète : voyez Meursius qui a recueilli dans sa Crète tout ne qui les concerne. Quanta l'orthographe du dactyle Celmis écrit dans Vigier Telmis, il aurait dû la rétablir dans le texte d'après les vers qu'il cite de la Phoronide d'HelIanicus de Lesbos et lire Ἰδαίων au lieu de Ἰουδαίων.

(45) Le nom incomplet Ιτανός; présente quelque incertitude sur la manière de l'écrire, mais Potter sur St-Clément, p. 363, d'après Pline. l. VII, c. 20), lit Τριτανόν. « Tritanum in gladiatorio ludo Samnitium armatura  celebrem, filiumque ejus militem magni Pompei. » Malincrot propose Tudilanus. Voir Plutarque, In flaminio, § 14.  Οἱ περὶ τὸν Ἰτανὸν, Gellius a Tudinatus : noctes atticae 6 4 13-15. Macrobe Saturn. Il 1.c.16.

(46) La mauvaise leçon Ἄγνην, doit être changée en Ὕαγνιν qui a été indiqué par Palmérius, Exercitat., p. 687, Quem vide; et la note de Potter sur ce passage dans St-Clément, 1re Stromate, p. 363. Voir Plutarque, De musica, p. 1132 de l'édition du Louvre. Apulé floridarum, libro  1e c. 3.

(47) Ce passage de Tatien, copié par Clément, puis par Eusèbe, a fourni un argumenta Bentley contre l'authenticité des lettres de Phalaris, p. 535, de l'édition anglaise; il prétend que de quelque manière qu'on entende συντάσσειν, soit de composer une lettre, soit de recueillir et de publier des lettres, toujours il suivrait qu'Atossa, étant plus jeune que Phalaris, ce dernier n'a pu écrire de lettres. C'est une des plus faibles preuves de cette dissertation. En effet, on doit croire qu'un des premiers usages de l'écriture a été de transmettre aux personnes absentes les avis qui les intéressaient. Et qu'était-ce autre chose qu'une correspondance épistolaire que les σήμετρα λυγρὰ quelle qu'en soit la nature, que Praetus remit à Bellérophon pour les porter à Jobate (lliad. Z. v. 168.) ? Quant à faire des collections, on s'en occupait peu dans l'origine de la civilisation. Je crois qu'il s'agit d'une régularisation de l'espèce de notre poste aux lettres; ce sont les Ἄγγαροι fort connus par Suidas οἱ ἐκ διαδοχῆς γραμματοφόροι, on les nommait aussi Ἄγγαροι. Voir Brisson, De regno Persarum,  L. 1, p. 258 et suivantes ; Dodwell, dans la Dissertation sur l'âge de Phalaris et de Pythagore.

(48) Théophraste d'Erèse et non d'Éphèse. Clément a la bonne leçon confirmée par tous les historiens de la philosophie grecque, à la tête desquels se place Diogène Laërce, l. V. § 36.

(49) Διὰ γραμμάτων d'Eusèbe est remplacé dans Josèphe par ἐκ τῶν ἀσμάτων, il se pourrait que tous deux fusssent bons et qu'on dût les introduire dans le texte.

(50) L'équivoque qui a régné sur l'origine de Phérécyde qui étant né à Syros, une des îles Cyclades (Syra), a passé pour être syrien à cause de la prononciation pareille, sauf la quantité, de la désignation ethnique des deux pays, a été dissipée depuis longtemps ; cependant les Apologistes chrétiens et notamment Eusèbe ont cherché à profiter de cette confusion ; il paraît que Josèphe a agi de même ; néanmoins on peut lire sur cette question, la portion de la Commentatio de Phérécyde de Sturz en tète des fragment de Phérécyde, p. 3, on y trouvera les noms des différents auteurs qui ont donné Phérécyde pour Syrien, ou dont les textes, peut-être altérés, le laissent penser.

(51) Sur l'Εἰκὼν et le Προτομὴ, ainsi que leur différence, voir Pauli Leopardi emend., l. V, c. 8.

(52) Sur l'origine de l'ἱέρος λόγος, voir Jamblique, Vie de Pythagore, c. 28, p. 129, qui l'attribue à Aglaophamus, habitant des montagnes de Thrace.

(53) Sur la véritable orthographe de ces noms, voir Paulus Leopardus emendationum, l X, c. 25.

(54) Sans vouloir citer tous les arguments qu'on trouve épars dans divers chronologistes contre ce calcul de temps, et sans m'immiscer dans la question de la préférence à lui donner sur les autres chronologistes, je me bornerai à mentionner un passage de Scaliger qui le combat, De emendatione temporum, p. 537 : « Quid magis alienum a sacra historia, quam quod l° X°, Προπαρασκευῆς, notatum est ........ Si secundus annus Darii est septuagesimus Ἐρημώσεως τοῦ Ναοῦ, quomodo Cyrus potuerit captivitatem laxare? sed in hoc sequitur Africanum. » Cela est faux, Africanus termine les 70 ans à la 1er de la 55e olympiade, avènement de Cyrus au trône de Babylone.

(55) Sur ce calcul de temps, lire le mémoire de Boivin l'aîné, intitulé Restitution chronologique d'un endroit de Censorin : Mémoires de l'académie des inscriptions, tome 2, p. 585.

(56) Le nom de ce juge dans l'écriture sainte (Juges 12, 13) est Abdon et non pas Labdon. Je ne comprends pas pourquoi Vigier n'a pas relevé cette erreur.

(57) Eusèbe, dans ce que l'on vient de lire, en citant Porphyre, a omis de désigner l'époque où, suivant le philosophe, vivait Sémiramis; on la trouve indiquée dans la même citation déjà faite au l. I, c. 9, p. 31 de la Prép. evang.; savoir, que Sémiramis vécut ou avant Troie ou dans le même temps : « Ἢ πρὸ τῶν Ἰλιακῶν ἢ κατ' αὐτούς γε τοὺς χρόνους γενέσθαι ἀναγέγραπται. » On voit que la suppression faite à dessein par Eusèbe, de la fin de la citation de Porphyre, tient au désir de faciliter la conclusion qu'il en tire; conclusion fausse, comme nous allons le démontrer, et qui ne repose que sur la confusion de deux chronologies très distinctes et qui se combattent. Or, sans la citation du premier livre de la Prép. évang., nous n'aurions pas pu démêler la supercherie de la seconde, qu'Eusèbe a eu d'autant plus de tort d'employer, que rien n'est plus incontestable que l'antériorité de Moïse sur tous les sages et les philosophes de la Grèce. Mais prouvons notre proposition. Il existe deux chronologies tout à fait contraires sur l'époque où vécut Sémiramis, reine d'Assyrie : l'une, qui paraît celle de Ctésias, qu'Eusèbe a adoptée comme on le voit par le commencement de ce chapitre, et par les extraits que nous citerons de ses Canons chroniques, nous la donne comme contemporaine d'Abraham; l'autre, à laquelle paraît se référer Hérodote,ne compte que cinq générations entre cette reine et Nitocris (l. I, c. 184). Ce qui s'accorde avec la courte durée de 520 ans, que le même historien accorde à l'empire d'Assyrie (c. 95) : c'est a cette dernière que Philon de Byblos, traducteur de Sanchoniathon, et par suite Porphyre, se sont attachés. On en voit la preuve dans Etienne de Byzance au mot Βαβυλών, et dans Eustathe dans son Commentaire sur Denys-Le-Périégète, v. 1,005 : ils placent cette princesse vers le temps de la prise de Troie, 2,000ans, dit Philon, après la fondation de Babylone. Que cette différence appartienne à l'homonymie ou à toute autre cause; je ne puis le décider; mais Eusèbe en a fait un usage qui n'est pas loyal dans le chapitre que nous avons sous les yeux. Il s'empare des dires de Porphyre, qui constatent que Moïse a précédé Sanchoniathon d'un temps indéterminé, et qu'il rapproche par une concession en apparence très généreuse, en les rendant contemporains ; puis, arguant de ce qu'a dit le même Porphyre, que Sanchoniathon était contemporain de Sémiramis, il en conclut que Moïse l'était également de celte reine ; enfin, par une transition subite, reportant Sémiramis dans sa propre chronologie, il fait de la même époque ces quatre personnages, Sémiramis Abraham, Moïse et Sanchoniaton, et donne cela pour l'opinion de Porphyre. Ainsi, l'historien des patriarches, de la captivité des juifs en Égypte, et le guide de ce peuple dans le désert, aurait vécu en même temps que l'auteur de cette race; voilà l'absurdité dont il gratifie Porphyre. Mais, d'une part, Porphyre n'a jamais eu cette pensée ; de l'autre, Eusèbe n'a pas pu sincèrement la lui attribuer; enfin, s'il la lui avait crue, il aurait dû la réfuter, comme il l'a fait dans ses Canons chroniques, et ne pas s'en prévaloir comme d'un argument sans réplique. Porphyre n'a pas eu la pensée que Sémiramis fût contemporaine d'Abraham, puisqu'il la place au temps de la prise de Troie. Or, les temps d'Abraham et de Troie sont trop certains et trop distants l'un de l'autre, pour qu'on puisse les confondre. Eusèbe n'a pas pu sérieusement attribuer une pareille méprise à Porphyre ; deux choses en font foi : 1° la réticence de la fin du la citation, qui donne clairement lu doctrine du philosophe; 2° l'absence de réfutation d'une erreur si manifeste, réfutation que l'on retrouve dans ses Canons. Au lieu de s'autoriser du nom de Porphyre, qu'il fuit sonner bien haut, il aurait dû prouver contre lui ce qu'il dit expressément, p. 484, D, que 505 ans séparaient Abraham de Moïse : «  Ἀπὸ Μωυσέως πάλιν ἀνιὼν )επὶ τὸ πρῶτον ἔτος ζωῆς Ἀβραὰμ, εὐρήσεις ἔτη φε. » En voici le détail :

Abraham avait 75 ans quand il quitta Charrhan, et 100 à la naissance d'Isaac; posons 25, différence : 25

La naissance de Jacob est rapportée dans la Genèse ( 25-26) lorsqu'Isaac était âgé de 60 ans; ci : 60

Jacob est resté dans la maison paternelle, jusqu'à son départ pour la Mésopotamie, pendant 77 ans ; ci : 77

Depuis ce moment jusqu'à son départ pour l'Égypte, en y comprenant son séjour en Chanaan : 53

Il avait en arrivant en Égypte 130. — Total : 215

La durée du séjour des Hébreux en Égypte est controversée ; l'apôtre saint Paul aux Gâtâtes, III, 17, compte 430 ans depuis la vocation d'Abraham jusqu'à la promulgation delà loi sur le mont Sinaï ; l'Exode (ch. 12-40; donne 430 ans au seul séjour en Égypte: on a essayé d 'effacer cette différence en comprenant dans le calcul de l'Exode les voyages d'Abraham en Égypte. Quoi qu'il en soit, Eusèbe, dans ses Canons, s'est rangé à l'opinion de l'apôtre : « Πρῶτον ἔτος τῆς τοῦ θεοῦ πρὸς τὸν Ἀβραὰμ ἀπαγγελὶας ἀπὸ οϚ' ἔτους αὐτοῦ τοῦ Ἀβραὰμ ἐπὶ Μωυσέα, καὶ τὴν ἐξ Αἰγύπτου πορείαν τοῦ Ἑβραίων ἔθνους ἔτη τθγχάνει υλ ὧν μέμνηται Παῦλος Γαλάταις ἐπιστέλλων. » Eusèb, In Chron, paschal., p. 51 et 52.

Nous aurons, sur cette base, 215 ans à l'arrivée en Égypte; ci : 215

Séjour en Égypte, également 215 ans : 215

Total : 430

A quoi, Ajoutant les 75 ans qu'avait Abraham quittant Charrhan, 75

Entre la naissance d'Abraham et l'appel de Moïse: 505.

J'ai dit que, dans ses Canons chroniques, Eusèbe avait réfuté l'anachronisme de Porphyre ou ce qu'il supposait tel ; il y est même si éloigné de confondre l'époque d'Abraham avec celle de Moïse qu'il déserte l'opinion des chronographes ses prédécesseurs, Clément d'Alexandrie, Africanus, Tatien, qui tous font naître Moïse au temps d'Inachus, premier roi d'Argos, pour reporter sa naissance au temps de Cécrops, c'est-à-dire 250 ans plus tard. Nous devons ce fragrnent précieux à Syncelle, p. 65 et 66 de l'édition du Louvre : il mérite d'être traduit ici.

» Eusèbe, dans la préface de son Canon, rend en ces termes son opinion, ou à peu près. « Moïse, Hébreu de nation, le premier de tous les prophètes hébreux qui ait, dans l'écriture sainte, rendu des oracles concernant le Sauveur, c'est-à-dire le Christ, et la connaissance de Dieu qu'il lui était donnée de répandre dans toutes les nations, fleurit dans le temps d'Inachus, à ce qu'ont affirmé des hommes remarquables par leur savoir : Clément, Africanus et Tatien, pris dans nos rangs; et dans ceux de la circoncision : Josèphe et Justus, chacun d'eux donnant la preuve comme il l'a entendue par l'interprétation de l'ancienne histoire: ils soutiennent, en ce sens, qu'Inachus a précédé de 700 ans la guerre de Troie. Un des philosophes helléniques, et lequel? celui qui a lancé contre nous sa diatribe, dans le quatrième livre de ce travail élaboré soigneusement, mais en vain, dit que Moïse a existé avant les temps de Sémiramis; or, Sémiramis régnait sur les Assyriens 150 ans avant Inachus, en sorte que Moïse aurait précède les temps de Troie de 850 ans. Quant à moi, estimant par dessus tout la franche expression de la pensée, j'ai apporté le plus grand zèle à démêler l'authenticité de ces récits. Étant donc parti de là dans le livre qui a précédé celui-ci, j'ai rassemblé les matériaux de mon travail en nie procurant le plus de chroniques (χρόων ἀναγραφαί) qu'il m'a été possible, des royaumes de Chaldée, d'Assyrie, des Mèdes, des Perses, des Lydiens, des Hébreux, des Égyptiens, des Athéniens, des Argiens des Sicyoniens, des Lacédémoniens, des Corinthiens, des Thessaliens, des Macédoniens, des Latins, qui, depuis, prirent le nom de Romains; en tout, au nombre de quinze. Dans le livre que j'entreprends, réunissant toutes ces Chroniques, et les mettant en présence, j'en ai formé un Canon chronique qui offre en parallèle le nombre d'années de chaque nation. Or ayant trouvé chez les Hébreux des calculs de temps différents, les uns en plus, les autres en moins, je les ai cependant mis en ordre, ainsi qu'il suit: Sous Inachus, que les Grecs nous donnent comme ayant régné le premier dans Argos, j'ai trouvé, comme correspondant pour le temps, le patriarche Israël, lequel fut juge digne de donner son nom aux douze tribus de la nation juive, issue de lui ; sous Sémiramis, j'ai trouvé Abraham, Chaldéen d'origine, d'ailleurs chéri de Dieu. Quant à Moïse, qui passe pour le premier des prophètes chez les Hébreux, pour parler sincèrement, je l'ai trouvé beaucoup plus jeune que ceux-ci, quoiqu'il soit plus vieux que tout ce qui, chez les Grecs, a une réputation de haute antiquité, savoir : Homère et Hésiode, les temps de Troie eux-mêmes, les Dioscures, Esculape, Bacchus, tous les héros, Mercure et Apollon, et le reste des dieux invoqués par les Grecs; plus vieux que l'origine des mystères et des initiations, que les actes même attribués à Jupiter par les Grecs; car les enfants des Grecs nous donnent comme plus récentes que l'âge de Cécrops toutes les histoires qui les concernent. Eh bien! le fruit de mes recherches, sur l'âge de Moïse, m'a donné la conviction qu'il était contemporain de Cécrops dit Διφυής (de deux natures), qui fut, dit-on, le premier roi de l'Attique, environ 350 ans avant les événements de la guerre de Troie. »

(58) On trouvera à la fin des notes de ce livre un résumé de ces difficultés chronologiques dans le but de discerner où est la vérité entre les deux opinions qui font Moïse contemporain d'Inachus et de Cécrops, lesquels sont séparés par sept générations de rois.

(59) Beaucoup de critiques ont développé l'emploi d'ὁμοῦ ou avec l'adjectif collectif. On peut voir entre autres M. Boissonnade sur Les héroïques de Philoslrate, p. 277; mais dans les nombreux exemples que lui et d'autres ont donnés de cette locution, je n'en vois point où comme ici l'article se place devant πάντες : on ne saurait le faire disparaître parce que le participe συναγαγόντες tenant lieu de substantif le réclame : aussi ne doit-on pas associer ces deux mots ensemble, πάντες; et ὁμοῦ, mais faire dépendre ὁμοῦ de συναγαγόντες ; réunis dans un même cadre. L'emploi d'ὁμοῦ adversatif est assez constant pour n'avoir pas besoin de beaucoup d'exemples. Je citerai Sophocle, Oedipe Roi, au commencement :

Πόλις δ' ὁμοῦ μὲν θυμιαμάτων γέμει
Ὁμοῦ δὲ πανάνων τε καὶ στεναγμάτωνv.

(60) Ce morceau d'Africanus jusqu'à la fin du chapitre est dans le Syncelle, p. 63, qui donne la lacune qu'Eusèbe a omise.

(61) Un défaut de construction grammaticale et de calcul a  suggéré à Vigier le supplément que nous avons mis entre parenthèses. Le défaut contre la langue tient à un article postpositif féminin, ἧς, qui n'a point de sujet auquel il se rapporte, le défaut de calcul est en déficit précisément des 70 ans de la captivité', pour arriver à un chiffre égal à celui depuis Ogygès jusqu'à la 55e olympiade (1236).

(62) Il faut lire τὴν πρώτην ὀλυμπιάδα, au lieu de ἐπὶ τῆς πρώτης ὀλυπιάδος.

(63) Apion, fils de Plistonicès, est trop connue pour que j'aie pu subsister le nom de Posidonius donné à son père. C'est le grammairien d'Alexandrie, ennemi déclaré des Juifs, chef de l'ambassade envoyée à Caïus Caesar, par les habitants païens de cette ville pour dénoncer les Juifs hellénistes dont Philon, leur délégué, nous a fait une narration comprise dans ses oeuvres (voir Josèphe, Antiq. judaïques, I. XVIII, c. 9) et les deux livres contre Apion). Cet Apion était un personnage ridicule au rapport de Pline, Hist. natur. « Apion quem Tiberius Caesar cymbalum mundi vocabat, quum publicae (propriae) famae Tympanum potius videri posset. » Le même Pline, l. XXXVII, c. 19, lui donne pour surnom le nom de son père par un usage assez commun aux latins, « Apion cognominatus Plistonices scriptum reliquit » ; en cela il a été imité par Aulu Gelle, Noctium atticae, l. V, c. 14 : « Apion qui Plistonices appellatus est; » l. VI. c. 8: « Apion graecus homo qui Plistonices est appellatus : » il avait écrit une histoire de l'Égypte, sous le nom d'Αἰγυπτιακά qui est citée en témoignage plus bas. Ἀπίων ὁ γραμματικὸς ἐν τῇ τετάρτῃ τῶν αἰγυπτιακῶν. Clément d'Alexandrie, dans la première Stromate, p. 378. copiée c. 12 de ce livre en s'autorisant de Tatien, lui rend son surnom: Ἀπίων τοίνυν ὁ γραμματικὸς ὁ πλειστονίκης ἐπικληθεὶς, ἐν τῇ τετάρτῃ τῶν Αἰγυπτιακῶν ; Suidas dans sa biographie le nomme Ὁ Πλειστονίκου .

Quant à celte habitude des Romains de transférer aux fils les noms des pères, ce qui tient à leur usage de donner deux noms au même individu, sans relater la mention de père, nous en avons un exemple frappant dans Apollonius Molon, nommé ainsi par Plutarque, Vie de Cicéron, § 4, il est quelquefois simplement Molon: par Cicéron, Ad Atticum, II, 1 : « Ita ut Rhodi Moli videretur potius quam Moloni operam dedisse. » Josèphe contre Apion le cite, II, 14, et Passim, sous le nom de Molon, néanmoins le Scholiaste homérique de Venise, Iliade, I, V. 5, ou plutôt Porphyre le nomme Ἀπολλώνιος ὁ τοῦ Μόλωνος. Hérode Atticus, ainsi nommé par Aulu Gelle, Noct. Atticar., l, 2, était fils d'Atticus; voir sa vie dans les Sophistes de Philostrate, livre second, c. 1er et la note d'Olearius.

(64) Amosis, qu'Hérodote nomme partout Amasis à la fin du deuxième livre et au commencement du troisième, n'offre, dans ce qu'il en dit, rien qui puisse s'appliquer aux Juifs ; or, comme rien n'annonce d'interruption dans son récit, on doit penser ou qu'Africanus ne l'avait pas bien lu et l'a confondu avec un autre historien, ou qu'il a cru en imposer à ses lecteurs.

(65)  Ὥστε οὐδ' ἐπίδημος ἐπὶ πλέον ἡ τῶν χρόνων παραλλαγή.

Ἐπὶ πλέον doit se rendre en latin par fere (à peu près). Voir les exemples qu'en donne Leopardus, Emendat., l. IV. c. 19.

(66) οὐκοῦν τῶν χιλίων καὶ εἵκοσι ἐτῶν, τῶν μέχρι πρώτης ὀλυμπιάδος ἀπὸ τοῦ Μυσέως τε καὶ Ὠγύγου ἐκκειμένων. Je lis ἐκχεομένων, les années écoulées.

(67) Qu'est-ce que le Tricarenus de Théopompe? C'est, évidemment, un nom altéré. Aucun auteur n'attribue ce livre, dont la signification n'est pas claire, à un ouvrage de Théopompe. Dans le premier livre contre Apion, § 24, Josèphe cite comme attribué, à tort, à Théopompe l'histoire intitulée Τριπολιτικόν : il serait possible qu'on dût lire ἐν τῷ Τριπολιτικῷ Θεόπομπος, ou ἐν τῇ Τρισκαιδεκάτῃ, sous-entendu βίβλῳ, de sa grande histoire Philippique en 58 livres. Quelque parti qu'on prenne, ἐν τῷ Τρικαρήνῳ doit disparaître.

(68) Théagène de Rliegium est un des premiers interprètes allégoristes des poèmes d'Homère. Voici ce qu'en dit le scholiaste de Venise sur le vers 67 de l'Iliade : « Οὗτος ὁ τρόπος ἀπολογίας ἀρχαῖος ὢν πάνυ καὶ ἀπὸ Θεαγένους τοῦ ῥηγινοῦ ὃς πρῶτος ἔγραψε περὶ Ὁμήρου. » « Ce genre d'explication est très ancien, remontant à Théagène de Rhegium, qui a écrit le premier sur Homère. » Voir Jonsius, De Script, hitt. philosophicae, l I,, c. 3.

(69) Stésimbrote est cité trois fois dans les mêmes scholies, savoir : Iliade, A 635, Ο 193, Ψ 76; dans le grand Etymologic., p. 277 et p. 465 : « Ἐν τῷ περὶ τελετῶν. » II était contemporain de Xénophon, et faisait le métier de rapsode. Voici ce qu'en dit Socrate, étant interlocuteur dans le banquet, c. 3, § 6 : « Σὺ δὲ Στησιμβρὸτῳ τε καὶ Ἀναγιμάνδρῳ καὶ ἄλλοις πολλοῖς πολὺ δέδωκας ἀργύριον, ὥστε οὐδὲν σε τῶν πολλοῦ ἀξίων λεληθέναι. » « Vous avez donné beaucoup d'argent à Stésimbrote, à Anaximandre et aux autres pour ne rien, oublier de ce qui mérite d'être retenu. »

(70) J'ai rétabli Antimaque au lieu de Callimaque, qui était de Cyrène, tandis qu'Anitmaque était de Colophon, poète connu, et préféré par Adrien à Homère. Voir l'opinion qu'en avaient Denys d'Halicarnasse et Quintilien dans la note d'Upton sur le Traité de l'arrangement des mots, du premier, p. 301 de l'édition de Schœffer : au reste, on lit Antimaque dans le texte imprimé de Tatien.

(71) Chamaeléon. Ce nom s'écrit en grec Χαμαιλέων, comme dans Clément d'Alexandrie, Stromate première, p. 422 : « Χαμαιλέων ὁ Ἡρακλεώτης ἐν τῷ περὶ μέθης. » Et p. 351 : « Χαμαιλέων ἐν τῷ περὶ θεῶν. »  Voir son article dans Jonsius, De Script, hist. philosophicœ, l. I c. 17, § 2.

(72) Archippe ou Arxippe, car les orthographes varient ; dans Tatien, on lit Ἄρχιππος, dans Eusèbe Ἄρξιππος, celle dernière orthographe dans le Proclus Diadochus sur Hésiode : « ὁ δὲ Ἄρξιππος οὗτος ὑιὸς ἦν Ἀκάστου ἄρξας ἀθηναίων ἔτη λε'. » Quant à l'époque où l'archonte athénien ici indiqué vécut; elle est certaine : c'est le troisième archonte héréditaire et perpétuel, fils et successeur d'Acaste. Eusèbe, dans sa Chronique, où il lit Ἄρχιππος, le place à l'an 4,090 du monde d'après Philochore, qui déclare qu'il vécut 180 ans après la prise de Troie.

(73) Ψευδεῖς ἀποφαίνεσθαι τὰς περὶ λόγους δόξας. Ce passage, un peu obscur, me paraît s'expliquer par ce qu'on lit à la fin du même fragment, p. 496, ligne première de l'édition de Vigier « Περὶ μὲν οὖν τῆς καθ' ἕκαστον λόγον πραγματείας, χρόνων τέ ἀναγραφῆς αὐτῶν σφόδρα μετὰ πάσης ὑμῖν ἀκριβείας ἀνεγραψάμην. »

« Je crois avoir traité avec l'exactitude désirable les deux questions que je m'étais posées, sur la consécution des temps. »

(74) Voir Marsham dans son Canon chronique, p. 504, éd. d'Allemagne. Il observe que, suivant que l'on prenne Antioclius pour le troisième après Alexandre et le successeur immédiat de Séleucus, ou qu'on le croie troisième successeur de Séleucus, la différence depuis Alexandre sera de 56 ou de 61 ans.

(75) Lœtus, dont le nom est ici défiguré en Ἄσιτος, Χαῖτος iTtien, a été restitué par tous les critiques qui ont eu sujet d'en parler, d'après Clément d'Alexandrie, Stromate première, p. 387. Voir Potier, sur ce passage, et les critiques qu'il invoque.

(76) Il n'y en a réellement que dix-neuf en comptant le premier Inachus et le dernier Agamemnon.

(77) Ce chiffre de 400 ans paraît inférieur à la vérité ; il faut lire 700 ans, d'après le fragment contenu dans le Syncelle, p. 66 de l'édition du Louvre. « Τατιανὸν τὴν ἁπόδειξιν ἐκ παλαιᾶς ὑποσχὼν ἱστορίας Ἴναχον τῶν Ἰλιακῶν ἕστησεν ἑπτακοσίοις περσβεύειν. » Donnons-en la preuve :

Tatien compte vingt générations de 30 ans entre Inachus et la prise de Troie : 600

Il donne 408 ans de la prise de Troie à la première olympiade : 408

Total. 1,008

D'Ogygès à la première olympiade il compte: 1,020

En retranchant le temps de Troie à la première olympiade : 408

Nous aurons 612

Ajoutons 50 ans d'Ogygès, (qui vécut sous Phoronée, suivant Acusilas) à Inachus 30

Cela donne 642

Tatien dit, plus bas, que les olympiades sont de 407 ans plus récentes que la guerre de Troie: pour arriver aux 1,020 ci-dessus, il faut 613 ans représentés par les 20 générations d'Inachus à Agamemnon.

(78) J'ai corrigé d'après Tatien le nom du poème d'Aristée de Proconèse, Les Arismapes au lieu des Drimaspes. Vigier m'a précède. Voir les Historiens grecs de Vossius, l. I, c. 2, Aristée est postérieur à Homère, ayant vécu vers la cinquantième olympiade.

(79) Sur Euclès de Chypre, voir Pausanias, In Phocicis, l. X, c. 12, p. 828, et c. 24, p. 858 : c'était une espèce de prophète, χρησμόλογος,qui avait prédit la naissance et la destinée d'Homère.

(80) J'ai suivi la correction proposée par Vossius sur l'orthographe de ce nom, De Hist. Grœcis, l. I, c. 2, et par Huet en marge de son livre, conservé à la Bibliothèque royale.

(82) Ce Cassianus paraît le même que Julius Cassianus, chef de l'hérésie des docètes, qui niaient que J.-C. eût pris un corps. Voir S. Clément. troisième Stromate, p. 552.

(83) Le livre des Temps de Denys d'Halicarnasse n'est cité par aucun des rédacteurs de ses écrits, Vossius, Harles et Schoell, ni par ses éditeurs ; il n'a été nommé que dans ce passage de Clément d'Alexandrie ; Boivin l'aîné en a fait l'objet d'une dissertation dans les Mémoires de l'académie, t. II, p. 319 ; il a d'abord relevé l'erreur des traducteurs qui ont rendu Παλαιότερα τῶν Ἑλληνικῶν μνημονευεται τὰ Ἀργολικὰ par : vetustiora Grœcorum omnium res Argolicas commemorari. Il fallait Hellenicorum; c'est-à-dire que le royaume d'Argos a précédé celui fondé par Hellenus: en cela, il a parfaitement raison. Dans un second Mémoire, même tome, p. 575, il tente de refaire ce livre d'après ce qu'on connaît de la chronologie de Denys, répandue dans ses autres ouvrages : c'est une entreprise ambitieuse, et, quelque soin qu'il y ait apporté, je n'ose dire qu'il porte la conviction, quoiqu'il y ait de la vraisemblance dans les synchronismes qu'il a tirés des autres ouvrages de Denys, et assez de fondement dans la supposition que cet écrivain avait adopté le Canon chronique d'Ératosthène.

(84) Ce Cécrops doit son surnom de διφυὴς; soit à la double origine que la tradition lui attribue; l'Egypte dont il aurait amené une colonie en Attique, et l'Authocthonie ; ou dit Charax, cité par Eustathe sur l'Iliade Σ. p. 1156 édit. de Rome, parce qu'il introduisit le premier l'union conjugale parmi les Athéniens encore sauvages.

Γάμους γὰρ καὶ ὑμεναίους ἐν Ἀθήναις πρῶτον ἀχθῆναι ὑπὸ Κέκροπος, ὅθεν καὶ διφυῆ τὸν Κέκροπα λέγεσθαι ὁ Χάραξ φησί.

(85) Ce calcul de 400 ans pour vingt générations ne représenterait que 20 ans par génération à qui on en attribue ordinairement 30.

(86) A la citation du Timée de Platon, Clément fait succéder un long fragment de Taτien qu'il ne nomme pas; et ce plagiat est ici d'autant plus évident, qu'Eusèbe, dans le chapitre précédent, nous l'a déjà donné de manière à en rendre le rapprochement très facile.

(87) Il y a une faute grossière dans Clément, qui se retrouve dans Eusèbe ; ce qui prouve son ancienneté : « Ἥτε ἐκ Κρήτης εὀς Φοινίκην ἀνακομιδή » Cependant, Tatien, dont tout ceci est tiré, ne l'avait pas commise, et Eusèbe l'a fιdèlement copié p. 494; ce qui prouve que ces longues citations n'étaient pas écrites par lui, mais par des copistes ignorants à qui il montrait où ils devaient commencer, et où ils devaient finir : les manuscrits ne fournissent aucune variante.

(88) L'incertitude sur le souverain d'Athènes, lors de la prise de Troie, soit Démophoon, fils de Thésée, ou Menesthée, fils de Pélée, arrière-petit-fils d'Érechthée, tient aux troubles intérieurs qui ramenèrent vers cette époque les descendants d'Égée à la couronne que leur avaient ravie les Pandionides. C'est donc à la lin du règne de Ménesthée ou au commencement de celui de Demophoon que cet événement eut lieu.

(89) Ici finit Tatien, et Clément continue de lui-même.

(90) Valckenaer propose de lire Dinias au lieu de Denys, Ad Phœnissas, p. 597.

(91) Ces deux noms se trouvent accolés avec un changement, d'orthographe pour les deux, dans Athénée, l. III c. 10, p. 87 « Ἀγίας δὲ καὶ Δέρκυλλος ἐν Ἀργολικοῖς. » On lit Αἴγίας dans saint Clément. Est-ce le même qu'un Agis nommé par Quinte-Curce parmi les flatteurs d'Alexandre? l. VIII, c. 4 : « Agis quidam argivus pessimorum carminum post Choerilum conditor. » Il est également cité par Arrien : « De Expeditione Alexandri, l. IV, c. 9. Comme un vil flatteur : « Καὶ δὴ καὶ τῶν σοφιστῶν τῶν ἀμφὶ αὐτὸν, Ἀνάξαρχόν τε καὶ Ἄγιν ἀργεῖον ἐποποιόν. » D'après ces deux citations, on devrait croire qu'Agis est le véritable nom de ce poète : quant à Dercylle, c'est par un Δ et non par un K qu'on doit écrire son nom. Valikenaer, sur les Phéniciennes d'Euripide, p. 596, met en doute la nécessité du double λάμβδα.

(92) Voici une contradiction : Si la lune était pleine lors de la prise de Troie, ce ne pouvait pas être φθίγοντος μηνὸς ὀγδόῃ, c'est-à-dire pendant le dernier quartier, six jours avant la nouvelle. La preuve, au reste, que donne Clément en citant le vers de la petite Iliade, me semble prouver que la lune n'était pas dans son plein, puisqu'elle se levait à minuit. Voir Scaliger, De Emendatione temporum, p. 37, et Petau, In Doctrina temporum, l I, c. 31.

(93) Voici encore des chiffres qui ne peuvent avoir aucune vérité : 604 ans entre Moïse et  Persée. Persée, quinzième roi d'Argos, n'a eu après lui qu'Eurysthée, Pélops, Atrée, Thyeste et Agamemnon, sur le trône d'Argos. Pélops régna 59 ans, Atrée et Thyeste 65, Agamemnon, jusqu'à la prise de Troie, 18 ; cela fait 142 ans, de Persée à la prise de Troie : il faudrait donc que Moïse eût précédé la prise de Troie de 746. Africanus, Tatien et Clément placent Moïse 400 ans seulement avant cet événement,  encore qu'ils le fassent contemporain d'Inachus. Eusèbe, le rangeant dans l'âge de Cécrops,  lui donne la même antériorité : il ne saurait donc y avoir entre Moïse et Persée que 250 à 200 ans. Je suis persuadé qu'il y a eu confusion de chiffres.

(94) Le règne d'Hercule à Argos est une fausse expression. puisqu'Eurysthée, souverain de l'Argolide, qui lui imposa les 12 travaux, lui survécut et ne périt que, plus tard dans la guerre qu'il fit aux Héraclides ou descendants d'Hercule. Hercule est ici considéré comme un souverain dépossédé de son trône.

(95) Septième génération après Moïse. Clément parle toujours dans l'opinion que Moïse est le contemporain d'Inachus, dont Triopas est le septième successeur, lui compris.

(96) Léon, dont l'autorité est ici invoquée par Clément, est le même Léon qu'Hyginus nomme Astronomicon, Poeticon, II, 20 : « De Hammonis simulacro Leo qui Aegypltas res conscripsit ait : »

Tertullianus, De Corona,VII: « Leonis scripta evolvas, prima Isis repertas spicas capite circumtulit. »

Est-ce le même que Léon de Pella cité par Arnobe, Adv. gentes, l. IV, c. 29; et que celui d'Augustin. De Civitate Dei l. VIII, c.5 : « Sicut Leone sacerdote prodente ad Olympiadem scribit Ajexander ? » Le même, ibid., l. XII, c. 10. Cyprien, De Idol. vanitate, p. 9 : « Ed Oxoniensis : Minutii felicis Octavius.» Ch. 21 . J'ai traité celte question dans l'Essai sur le Polythéisme, l. I, p. 120 et suivantes.

(97) Ruffinus,  Hist. eccl., II, 23 : « Alii repertum in historiis Graecorum veteribus ferunt Apim quemdatn patrem familias seu regem in Aegypto Memphisi positum, cum frumenta apud Alexandriam defecissent, ex proprio affatim civibus alimenta praebuisse. Quo defuncto, in honorem ejus instituerint apud Memphim, templum in quo bos quasi indicîum optimi agricolae nulritur, habens quaedam coloris insignia qui ex nomine ejus Apis appelletur. Σορὸν vero id est scpulchrum in quo corpus ejus inerat, Alexandriam deduxerint et Soroapis primo ex compositione Soro et Apis, postea vero per corruptionem Sarapim nominaverint. »

Cette fable est répétée par Nicéphre Callixte, l. XV, c. 8, qui l'a traduite en grec, de Ruffin.

(98) Il y a confusion de l'esclavage d'Apollon chez Admette, et de ton travail, comme mercenaire, conjointement avec Neptune, chez Laomédon, pour bâtir Troie. Scaliger, sur la Chronique d'Eusèbe, a relevé cette méprise, p. 13 de ses Animadversiones. Le vers cité d'Homère est Iliade Φ, 443 : il se rapporte au service de Laomédon.

(99) Je partage tout-à-fait l'opinion de Lambert, Bos Animadv., p. 115, qui propose de lire ici Ἄμωσις; au lieu de Θμῶσις, auquel on a substitué Τέθμωσις  l'ἄλφα  ayant été changé en θ.  Nous avons vu précédemment dans les passages cités d'Africanus, que c'est sous Amosis que les Juifs ont quitté l'Égypte.

(100)  Esbon est appelé Abesan dans le libre des juges c. 12 § 8.  Post hunc (Jephte) judicavit Israel Anesan de Pethleem qui septem annis judicavit Israel, mortuusque est et sepultus in Bethleem.  Dans les 70 Ἀβαισαὴν.

(101) Il y a ici une erreur, il faut 29 ans, 4e des rois ch. 14  § 2. εἵκοσι καὶ ἐννέα ἔτη ἐβασίλευσεν ἐν Ἰερουσαλήμ

(102) Azarias, fils d'Amasias, porte aussi le nom d'Ozias, voir 4e livre des Rois, chapitre 15, où ces deux noms lui sont donnés. Il est nommé Ozias dans Eusèbe.

(103) Deux opinions sont en présence ; l'une, celle de Clément d'Alexandrie, Africanus et Tatien, range Moïse en synchronisme avec Inachus premier roi d'Argos; l'autre, celle d'Eusèbe, le fait vivre parallèlement avec Cécrops 1er, dit Διφυής, qui commence la lignée des rois d'Athènes. Ces deux points sont clairs ; mais la confusion commence lorsque chacun veut assigner la place de son époque. Nous allons faire connaître la contradiction qui se trouve dans les dates pour démêler, s'il se peut, la véritable, au moyen d'un point postérieur constant auquel nous les rapporterons.

La guerre de Troie étant un des événements les plus marquants de la première histoire grecque, et son antériorité sur la première olympiade étant la même dans les deux systèmes, chacun de leurs auteurs a cherché à fixer l'intervalle de son époque d'adoption. La distance de la première olympiade, de 407 ou 408 ans, étant donnée comme point fixe de part et d'autre, il reste à savoir de combien Inachus et Cécrops la précèdent. C'est ici où l'accusation de dates contradictoires va apporter de la confusion : c'est, en un mot, le problème à résoudre.

Nous savons par Eusèbe, dans un fragment de la préface de son Canon chronique, conservé par Syncelle, p. 65 et 66 de l'édit. du Louvre, que Clément, Africanus et Tatien, en faisant Moïse contemporain d'Inachos, plaçaient ce dernier 700 ans avant Troie : «  Ἴναχον δὲ τῶν Ἰλιακῶν ἕστησαν ἑπτακοσίοις πρεσβεύειν. » Mais au lieu de cela,, Tatien, cite par le même Eusèbe, Prép. évang., l. X. c. 11, p. 494, ne donne à la même période que 400 ans de durée, et le texte conservé de Tatien y est conforme : « Διόπερ εἰ κατ' Ἴναχον πέφηνεν Μῶσης γεγονὼς, πρεσβύτερος ἐστι τῶν Ἰλιακῶν, ἔτεσι τετρακοσίοις. » Et voilà qu'Eusèbe trouve la même durée d'années entre Cécrops et la prise de Troie. Prép. év., l. X, c. 9, p. 484 : « Ἐντεῦθεν (ἀπὸ τῆς Ἰλιου ἁλώσεως) ἐπὶ Υ, εὕροις ἂν, κατὰ μὲν Ἑβραίους Μωσία κατὰ δὲ Ἕλληνας Κέκροπα τὸν γηγενῆ. » Il y a donc ici accord pour le temps qui sépare Moïse de la prise de Troie, et différence pour le synchronisme. Comment découvrir qui des deux a raison, à une époque où l'on manquait de cycle auquel on pût rattacher !es événements? Nous ne pourrons y parvenir que par la supputation des règnes qui séparent les deux époques, d'après les canons des rois d'Argos fournis par Castor et Eusèbe, dans la Chronique de ce dernier, et par Africanus dans la Prép. évang., L. L. Voyons auparavant quelques renseignements épars dans ces auteurs, qui pourront nous apporter un peu de lumière. Eusèbe, dans sa Prép., p. 486, nous donne la distance qui sépare Sémiramis d'Inachus : « Ἴναχος Ἀργεῖος ἡγεῖται κατὰ τὸν πέμπτον μετὰ Σεμίραμιν Ἀσσυρίων βασιλέα, Ν καὶ Ρ ὕστερον ἔτεσι αὐτῆς. » « Inachus, premier roi  d'Argos, correspond au cinquième successeur de Sémiramis, 150 ans après elle; » il nous donne encore l'intervalle qui sépare celte reine de Cécrops 1er: «εἶτ´ αὖ πάλιν τριακοσίοις ἐτῶν ἄλλοις κατώτερον χρόνοις, ἤδη που πλέον ἢ τετρακοσίων ὅλων ἐτῶν συμπληρουμένων ἀπὸ Σεμιράμεως, πρῶτος Ἀθηναίων βασιλεύει Κέκροψ ὁ βοώμενος παρ´ αὐτοῖς αὐτόχθων, Ἄργους ἡγουμένου Τριόπα, ὃς ἦν ἕβδομος μετὰ τὸν πρῶτον Ἀργεῖον Ἴναχον. »,

Voici Cécrops qui vient au monde 400 ans bien révolus après Sémiramis, lorsque It septième successeur d'Inachus régnait à Argos, lui compris, d'après le canon et la liste que nous fournit Africanus dans Eusèbe, Prép. év., p. 494 : Inachus, Phoronée, Apis, Argée, Criasus, Phorbas, Triopas. Cependant, en retranchant, des 400 ans qui séparent Cécrops de Sémiramis, les 150 qui éloignaient cette dernière d'Inachus, nous obtiendrons 250 ans pour le temps qui divise ces deux rois. Eusèbe ne s'arrête  pas là, et, continuant son calcul depuis Sémiramis jusqu'à la prise de Troie, il trouve un peu moins de 400 années depuis Cécrops jusqu'à celte époque,  à peu de choses près, 800 années de Sémiramis : « ἀπὸ δὲ Κέκροπος ἐπὶ τὴν Ἰλίου ἅλωσιν ἄλλα συνάγεται μικρῷ δέοντα ἔτη Υʹ,.» Et comme, pour lui, Moïse est le contemporain de Cécrops, il en conclut que Moïse a 400 ans de moins que Sémiramis, et 400 ans de plus que la prise de Troie. En transportant ces données dans le comput de Tatien, nous aurons d'Inachus à Troie 400 ans, mais du même à Sémiramis seulement 150 ans ; celle princesse n'aurait donc précédé Troie que de 550 ans : « Ἴναχον πέφηνεν ὁ Μωσῆς γεγονώς, πρεσβύτερός ἐστι τῶν Ἰλιακῶν ἔτεσι τετρακοσίοις. »

Cette première difficulté est fort augmentée par l'intervention de Clément d'Alexandrie, aussi bien dans son texte, l.I des Stromates et p. 379, que dans la citation d'Eusèbe, Prép. évang., l. X, c. 12, p. 497 : «Κατέσκαψε δὲ τὴν Ἀούαριν Ἄμωσις, κατὰ τὸν Ἀργεῖον γενόμενος Ἴναχον, ὡς ἐν τοῖς Χρόνοις ἀνέγραψεν ὁ Μενδήσιος Πτολεμαῖος.‘ ὁ δὲ Πτολεμαῖος οὗτος ἱερεὺς μὲν ἦν, τὰς δὲ τῶν Αἰγυπτίων βασιλέων πράξεις ἐν τρισὶν ὅλαις ἐκθέμενος βίβλοις κατὰ Ἄμωσίν φησιν Αἰγύπτου βασιλέα Μωσέως ἡγουμένου γεγονέναι Ἰουδαίοις τὴν ἐξ Αἰγύπτου πορείαν, ἐξ ὧν συνῶπται κατὰ Ἴναχον ἠκμακέναι τὸν Μωσέα. παλαίτερα δὲ τῶν Ἑλληνικῶν μνημονεύεσθαι τὰ Ἀργολικά, τὰ ἀπὸ Ἰνάχου λέγω, Διονύσιος ὁ Ἁλικαρνασεὺς ἐν τοῖς Χρόνοις διδάσκει. τούτων δὲ τεσσαράκοντα μὲν γενεαῖς νεώτερα τὰ Ἀττικά, τὰ ἀπὸ ’Κέκροπος τοῦ διφυοῦς‘ δὴ καὶ αὐτόχθονος, ὥς φησι κατὰ λέξιν ὁ Τατιανός· »

« Amosis démantela Abaris. Cet Amosis vécut en même temps qu'Inachus, à ce qu'a écrit Ptolémée de Mendès dans son livre Des Temps...  Sous Amosis, dit-il, roi d'Égypte, eut lieu la sortie d'Égypte des Juifs sous la conduite de Moïse, d'où l'on doit conclure que Moïse a fleuri sous Inachus. Le royaume d'Argos est plus ancien que celui des Hellènes (j'entends celui fondé par Inachus), comme nous l'enseigne Denys d'Halicarnasse dans son livre Des Temps. Le royaume d'Athènes, fondé par Cécrops, fut de quarante générations postérieur à celui-ci : celui qui eut pour fondateur Cécrops Διφυής; et Autochthon, a ce que dit en propres termes Tatien. »

Il y a, dans cette prétendue citation de Tatien, beaucoup de choses qui ne sont pas de lui. Nous possédons son discours contre les Grecs et nom savons ce qui lui appartient, qui se borne aux premiers : « κατέσκαψε τὴν Αὔαριν Ἄμωσις, κατὰ τὸν Ἀργεῖον γενόμενος Ἴναχον, ὡς ἐν τοῖς Χρόνοις ἀνέγραψεν » Amosis fut contemporain d'Inachus, suivant Ptolémée de Mendès. Il avait dit également, auparavant, ce qu'on lit ensuite « κατὰ  Ἄμωσιν Αἰγύπτου βασιλέα γεγονέναι Ἰουδαίοις φησὶ τὴν ἐξ Αἰγύπτου πορείαν εἰς ἅπερ ἤθελον χωρία, Μωσέως ἡγουμένου. » Ptolémée déclare que c'est sous Amosis que les Juifs, sous la conduite de Moïse, quittèrent l'Égypte; mais tout le reste delà citation, emprunté à Deny d'Halicarnasse, est étrangers Tatien. Clément aime ces divagations, qu'on reproche aux érudits qui voit de proche en proche ou de loin en loin, comme un vaisseau en dérive, par l'habitude de réunir les choses qui se ressemblent ; néanmoins, on pourrait croire que cette addition n'est pas de Clément, qui ne pouvait attribuera Tatien ce que Tatien n'a pas dit. Au reste, soit Clément ou son pseudonyme, il ne s'en tient pas le, et continue avec la même invraisemblance à rapprocher des fondations d'états : « Ἐννέα δὲ τὰ Ἀρκαδικὰ (sous-entendu γενεαῖς, qui se reporte bien plus haut) τὰ ἀπὸ Πελασγοῦ· λέγεραι δὲ καὶ οὗτος αὐτόχθων. » « Le royaume d'Arcadie est de neuf générations postérieur à Inachus (je veux parler de celui fondé par Pélasge, qui, lui-même, passait pour Autochtone. » « Τούτων δὲ ἄλλα πεντήκοντα δυοῖν νεώτερα τὰ Φθιωτικὰ τὰ ἀπὸ Δευκαλίωνος. » Autre absurdité que n'a pas pu dire Clément  : aussi est-ce une erreur du copiste. Eusèbe, dans la citation de ce passage, n'offre plus le πεντήκοντα formé d'un v' transformé en chiffre. Voici comme il s'exprime : « Τούτων δ' ἄλλων δυοῖν νεώτερα, » les manuscrits 467 et 468 : « Τούτων (Ἀρκαδικῶν) δὲ ἄλλαιν δυοῖν νεώτερα τὰ Φθιωτικά. » « Le royaume de Phthiotie, fondé par Deucalion est plus nouveau de deux autres générations que celui d'Arcadie. » Ce même chiffre malencontreux est encore, placé pour ἑπτὰ, p, 401, où Clément nous donne la distance d'Inachus à Δeucalion : Ἀπὸ δὲ Μωσέως στρατηγίας καὶ Ἰνάχου ἐπὶ τὸν Δευκαλιώνος ἐμπρησμὸν, ἃ δὴ συμβαίνει κατὰ Κρότωπον, γενεαὶ τεσσαράκοντα, ριθμοῦνται.). Il est bien certain qu'il n'y a entre eux que sept générations ou successions de rois, puisque Crotopus a succédé à Triopas ou Ὀκτὼ tout au plus. » Il est évident que le τεσσαράκοντα à l'Attique attend une correction analogue. Gentiaous Hervetus a tenté d'y substituer τέσσαρσι, supposant Triopas quatrième successeur d'Inachus ; c'est une erreur corrigée par une autre : il faut ἑπτὰ. Ce qui confirme, au reste, que Clément n'a pas pu écrire ce que nous lisons : πεντήκοντα ; c'est que, continuant de citer Tatien, il dit plus bas ce qui est dans cet auteur, et qui dénient ce qui précède : « Εἰς δὲ τὸν χρόνον τῶν Τροικῶν ἀπὸ Ἰνάχου γενεαὶ μὲν εἴκοσι ἢ μιᾷ πλείους διαριθμοῦνται. » Si l'on compte vingt générations ou vingt-et-une depuis Inachus jusqu'à la prise de Troie, on ne saurait en admettre quarante du même Inachus à Cécrops, qui est de onze générations plus ancien que Troie; nous écarterons donc l'épisode clémentin, qui ne peut influer en rien dans la décision, puisqu'il est né d'une erreur., Cherchons à nous fixer, non pas relativement aux 400 ans dont Moïse a précédé la prise de Troie ; il y a unanimité à cet égard; mais 1° sur le temps qui s'est écoulé de Sémiramis à Moïse; 2° sur le roi d'Argos, qui régnait alors.

Les 400 ans, au moins, entre Sémiramis et  Moïse résultent de plus d'une autorité. Je dois prévenir avant tout que la Sémiramis dont je parle est celle de Ctésias, qu'on est convenu, de faire régner au temps d'Abraham ; j'écarte celle d'Hérodote, l. I, 184; de Philon Herennius (voir Etienne de Byzance au mot Βαβυλών ; de Porphyre, dans la Συσκευὴ τῶν χριστιανῶν, cité deux fois par Eusèbe dans sa Prèp. évang., p. 32 et 465 : c'est la fameuse Sémitamis, épouse de Ninus, vraie ou fabuleuse qu'il est ici question ; je dis que cette Sémiramis a au moins 400 ans de plus que Moïse ; la première autorité que j'invoque est l'Écriture sainte : on lit dans l'Exode, XII, 40, que la durée du séjour des Hébreux en Égypte et  en Chanaan, eux et leurs pères, fut de 430 années : « Ἡ κατοίκησις τῶν ὑιῶν Ἰσραὴλ, ἣν κατῴκησαν ἐν Αἰγύπτῳ καὶ ἐν τῇ Χαναὰν, αὐτοί τε καὶ οἱ πατέρες αὐτῶν ἔτη τετρακόσια τριάκοντα. » Ce texte semble contredît par saint Paul dans l'Épître aux Galates, in, v. 16 et 17 : « Διαθήκην προκεκυρωμένην (προκεκηρυγμένην) ὑπὸ τοῦ θεοῦ, ὁ μετὰ ἔτη τετρακόσια καὶ τριάκοντα γεγονὼς νόμος οὐκ ἀκυροῖ. » La loi proclamée sur le mont Sinaï n'a pas révoqué le pacte fait par Dieu 430 ans auparavant ; » on voit par là que l'apôtre entend 430 ans depuis la vocation d'Abraham jusqu'à la promulgation de la loi; on n'a pas trouvé d'autre expédient, pour concilier l'apôtre avec l'Exode, que de donner à ces mots, ἐν Αἰγύπτου καὶ ἐν γῇ Χαναὰν, αὐτοί τε καὶ οἱ πατέρες αὐτῶν, une extension qui comprendrai Abraham depuis sa vocation ; Eusèbe l'a ainsi entendu p. 484 : « En remontant de Moïse à la première année de la vie d'Abraham, dit-il, vous trouverez 505 ans; savoir : 75 avant, et 430 après sa vocation. »

Passons à une autre preuve. Africanus, dans le fragment qu'en donne Eusèbe, p. 487 de la Prêp., pose les bases de sa chronologie moitié grecque moitié hébraïque ; il cherche une époque avouée commune aux deux peuples, et trouve que la première année du règne de Cyrus, étant la dernière des 70 de captivité des Juifs, et la première de la 55e olympiade, réunit ces conditions « En suivant cette marche, ajoute-t-il, nous mettrons les histoires suivantes dans leur place respective : « Τούτοις ἑπόμενοι, καὶ τὰς λοιπὰς ἱστορίας κατὰ τὸν αὐτὸν λόγον ἀλλήλαις ἑφαρμόσομεν. » Quant à celles qui ont précédé, nous fiant à la chronologie attique, qui prend son point de départ d'Ogygès, sous lequel eut lieu le premier grand déluge dans l'Attique, contemporain de Phoronée, à ce que dit Acusilas, qui suppute jusqu'à la première olympiade, époque depuis laquelle les Grecs comptèrent le temps avec certitude, un laps de 1,050 années, nous montrerons que cela est en parfaite harmonie, tant avec ce qui a été dit précédemment qu'avec ce qui va suivre. » Ceci est en contradiction manifeste avec Varron, cité par Censorin : « De die natali : A priore cataclysmo quem Orgygium dicunt ad Inachi regnum anni circiter quadringenti. » Il en sera fait mention plus bas. Or, si l'on peut compter sur l'exactitude de ce calcul, qu'Ogygès ait vécu sous Phoronée, que depuis lui jusqu'à la première olympiade il se soit écoulé 1,020 ans, que la prise de Troie précède cette dernière époque de 408, il nous restera 612, à quoi ajoutant le règne entier d'Inachus, 56 ans, une partie de celui de Phoronée, 10 ans si l'on veut, nous aurons 678 ans; nous arriverons à une conclusion à peu près pareille en prenant un à un les règnes des rois d'Argos fournis par les canons de Castor et d'Eusèbe dans sa Chronique ; Castor donne 674, Eusèbe 3 ans de moins ; Syncelle, que nous aurons bientôt à combattre, donne, p. 124, un résumé des rois d'Argos et de la durée de leur règne, qu'il renouvelle ensuite partiellement dans le cours de sa Chronographie, qui porte bien plus haut le chiffre total de ces règnes réunis. « Depuis Inachus, dit-il, L.L., jusqu'au 9e roi delà même race, Sthénélas 413 ans. » « Ἀπὸ τοῦ πρώτου Ἰνάχου ἕως τοῦ Θ, Σθενέλου ἐτῶν υ ι γ. » Les cinq Danaïdes qui les suivent, y compris Danaüs, lui fournissent 162 ans; en tout, dit-il, depuis Inachus jusqu'à Acrisius, le cinquième des Danaïdes, 575. « ομοῦ ἔτη φ ο ε ἀπὸ Ἰνάχου ἐπὶ Ἀκρίσιον πέμτον ἀπὸ Δαναοῦ. » Après Pélops, Atrée et Thyeste 65 ans : « Πέλοψ ἀφ' οὗ καὶ ἡ χώρα Πελοπόννησος..., βασιλεύει δὲ ἔτη Ν Ϛ. » Après quoi, Agamemnon. Jusqu'à la prise de Troie 18 ans. Addition : 575 +56+65 +18= 714. Nous aurons, plus tard, occasion de rappeler ce chiffre pour opposer Syncelle à lui-même.

Tous ces calculs différents amenant un résultat à peu près pareil, nous pouvons établir avec certitude que, si Moïse n'a précédé la prise de Troie que de 400 ans, il ne saurait être contemporain d'inachus ; et que Ptolémée de Mendès, sur la seule garantie duquel repose cette assertion, qu'Amosis et Inachus vivaient dans le même siècle, très savant, si l'on veut, dans la chronologie égyptienne, pouvait être fort peu versé dans celle de la Grèce.

Voyons maintenant si l'âge de Cécrops convient mieux à l'époque cherchée de 400 ans avant la guerre de Troie.

« Depuis Ogygès jusqu'à Cécrops, dit Afriannus dans Eusèbe, Prép.  év., l. X. c. 20, p. 490, l'Attique resta sans roi, à cause de la dévastation causée par le déluge, pendant 189 ans. » « μετὰ δὲ Ὤγυγον, διὰ τὴν ἀπὸ τοῦ κατακλυσμοῦ πολλὴν φθοράν, ἀβασίλευτος ἔμεινεν ἡ νῦν Ἀττικὴ μέχρι Κέκροπος ἔτη ρ π θ.» Reprenant le calcul du même Africanus, de 1,020 depuis Ogygès jusqu'à la première olympiade, nous en retrancherons d'abord 408 années qui se sont passées depuis la prise de Troie jusqu'à ladite olympiade, et 189 de l'anarchie en Attique, 597 = à soustraire de 1,020 = 423. Cette supputation d'Africanus lui est également attribuée par Syncclle, p. 148. Le canon dés onze rois d'Athènes, depuis Cécrops à Menesthée, qui est exactement le même dans Eusèbe et dans Syncelle, nous donne un chiffre un peu au-dessous de 400, à peu près comme leprécédent était au-dessus :

Cécrops 50 ans

Cranalis 9

Amphictyon 10

Érichthonion 50

Pandion 40

Érechthée 50

Cécrops II 40

Pandion II 15

Égée 48

Thésée 50

Ménesthée 53

585

Il ne reste plus à examiner que l'opinion de ceux qui ont agrandi l'espace qui sépare Moïse de la prise de Troie, c'est-à-dire qui ont suppose qu'il y avait plus de 400 ans de l'un à l'autre.

Syncelle, p. 148, semble jeter des doutes sur la date d'Inachus dans l'opinion de Clément, Tatien et Africanus, et des historiens grecs, en reculant jusqu'au déluge d'Ogygès la fuite des Juifs en Égypte, Διαφότως ἱστορεῖται, τῶν μὲν ἐπὶ Φορώνεως, τῶν δὲ ἐπὶ Ἀπίδος, λεγόντων. Ὁμοίως καὶ ἡ ἀπ' Αἰγύπτου πορεία τοῖς Ἑλλήνων ἱστορικοῖς διαφορῶς οὕτω φέρεται κατὰ τοὺς αὐτοῦ (Ὠγύγου᾿χρόνους, τῷ ἐπὶ ᾿Ψγύγου κατακλυσμῷ.  Συμφωροῦσι δὲ τούτοις ἐν τούτῳ καὶ Ἰώσηππος καὶ Ἰοῦστος, Ἰουδαῖαι ἱστορικοὶ, καὶ τοῦ καθ' ἡμᾶς λόγου Κλήμης ὁ Στροματεὺς καὶ Τατιανὸςκαὶ Ἀφρικανός. » sont-ils unanimes dans le synchronisme d'Inachus ou dans l'intervalle de 400 ans ? Qu'est-ce que cela veut dire? Je ne le saisis pas bien. Serait-ce que les partisans du synchronisme d'Inachus, qu'il nous a fait connaître pour les mêmes qu'il nomme ici, auraient exprimé une opinion double et incertaine? Je n'en crois rien, et cela est peu vraisemblable. Tatien dit positivement que Moïse a 400 ans de plus que la prise de Troie. « Apud Euseb., Prép. évang., l. X, c. 11, p. 494 : Ὁ Μωσῆς περβύτερός ἐστι τῶν Ἰλιακῶν ἔτεσι τετρακοσίοις. » Clément le répète, l. I des Stromates, p. 379 : « Ἔτη, ὡς ἔπος εἰπεῖν, τετρακόσια καὶ πρόσω. » Et si Inachus ne présente pas un nombre aussi court, Ogygès, qui vécut sous son successeur Phoronée, en restera encore fort éloigné : cela ne ferait qu'une différence de 56 ans. C'est Syncelle seul qui, dans son opinion, déclare que Moïse est venu sur la terre 598 ans avant la prise de Troie. Voici son passage, p. 170, D : «  Ἀπὸ Μωσέως γενέσεως ἥτις ἦν κατὰ τὸ μϚ' ἔτος Ἰνάχου, τοῦ πρώτου βασιλέως Ἀργείων, κόσμου τε `κατὰ τὸ γ ψ λ η' ἔτη συνάγεται φ Ϟ β' ἐπὶ τὴν τῆς Τροίας ἅλωσιν, εἰ καὶ Εὐσεβίῳ οὐ δοκεῖ διαμαρτάνοντι σ ι  Ϛ', ἔτη καταλείψει. » « Depuis la naissance de Moïse, qui eut lieu la quarante-sixième année d'Inachus, premier roi d'Argos, du monde, 3,738, on compte, jusqu'à là chute de Troie, 592 : encore que cela ne convienne pas à Eusèbe, qui fait erreur, par omission, de 216 ans. »

L'époque de Moïse pour nous n'est pas celle de sa naissance, mais celle du départ des Hébreux de l'Égypte, que nous avons reconnu être de 430 ans plus récente que la vocation d'Abraham (Exode 12-40 ; saint Paul aux Galates, 3, 17). Moïse alors avait 80 ans, que nous devons retrancher du chiffre 592: nous en retrancherons également 46 ans, déjà écoulés du règne d'Inachus,  l'âge de Moïse, suivant Syncelle, sera de 476 ans avant la chute de Troie ; ajoutant à ce chiffre celui de 216, dont il prétend qu'Eusèbe est en défaut, cela donne, en effet, 692, pour l'âge d'Inachus, relativement à Troie : c'est bien à peu près ce dont Inachus a précédé la ruine de cette ville. Mais, alors, l'erreur n'est pas du côté d'Eusèbe, elle est toute à Syncelle. D'ailleurs, il ne faut pour le réfuter que lui opposer son tableau de la durée des règnes des rois d'Argos depuis Inachus jusqu'à Agamemnon, qui donne une somme de 714 ans, comme nous l'avons déjà fait connaître. Comment peut-il faire concorder 476 ans avec 714 pour une durée de temps égale? Ne serait-ce pas à lui, à ce qu'il me semble, qu'on pourrait appliquer l'expression injurieuse dont il se sert en parlant d'Eusèbe, toujours à cause de l'âge de Moïse, p. 153 : « Τῷ ΜΕ ἔτει Κέκροπος τοῦ Διφυοῦς πρώτου βασιλέως Ἀθηνῶν τὴν ἐξ Αἰγύπτου πορείαν τοῦ Ἰσραὴλ διὰ Μωσέως, γησὶν ὁ Παμφίλου ἐμβρόντητος Εὐσέβιος γενέσθαι, ὅπερ κατὰ μὲν τὸν ἐκείνου παραλογισμὸν, τῶν ἐξ Ἀδὰμ ἐτῶν γ Ϡ π θ'· κβ' δὲ τοῦ Ἀώδ. »

« La quarante-cinquième année du règne de Cécrops Διφυής, premier roi d'Athènes, est celle où cet idiot d'Eusèbe Pamphile place la sortie d'Israël de l'Égypte sous la conduite de Moïse: ce qui, suivant son anachronisme, correspond à l'année d'Adam 3,989n d'Aod. 22. »

Si quelque chose peut donner idée de l'ἐνβροντηδία, c'est la remarque qu'il fait, p. 125, sur l'origine du royaume d'Argos comparée au royaume d'Assyrie :

« Il me paraît qu'Africanus a eu tort de dire, dans le troisième livre de ses Historiques, que l'établissement du royaume d'Argos a eu lieu la deux centième année du royaume d'Assyrie sous Arius, cinquième roi des Assyriens; car, d'après ce calcul, Moïse serait né avant la fin de la vie d'Abraham, puisque tous les auteurs sont d'accord que la première année d'Abraham correspond à la quarante-quatrième année de Ninus, second roi de Ninive après Bélus; or, Bélus régna 55 ans, Ninus alors 44, = 99. Abraham avait donc 101 ans à l'époque d'Inachus, en sorte que Moïse serait né lorsqu'Abraham avait 101 ans, s'il est, comme on en convient, contemporain d'Inachus : ce qui est impossible. »

Cette réflexion suffisait pour renverser la doctrine de ceux qui placent Moïse sous Inachus. Nous savons, par l'Écriture, que la sortie d'Égypte (ἔξοδος) a eu lieu 505 ans après la naissance d'Abraham; Moïse ayant alors 80 ans. Pour que l'Exode ait eu lieu sous Inachus, il faudrait qu'il eût commencé à régner 505 après la naissance d'Abraham, ce qui le reporterait, 505  + 44. de Ninus,  + 65 de Bélus, à 614 de la fondation du royaume d'Assyrie : ce qui le mettrait en regard du dix-septième roi d'Assyrie. Or, nomment placerait-on avant la chute de Troie, point fixe, les vingt rois d'Argos et les onze rois d'Athènes, à partir du septième d'Argos, Triopas. Africanus a dû mettre Inachus dans le rang qu'il occupa, au risque d'être en contradiction avec lui-même, en mettant Moïse sous Inachus ; tout comme Syncelle a compté 714 ans d'Inachus à la prise de Troie, en soutenant que ce prince est contemporain de Moïse et de la sortie d'Égypte, qui, dit-il, n'a eu lieu que 400 ans avant Troie. Au reste, pour terminer cette discussion, j'appellerai à mon aide le calcul des temps d'Ératosthène adopté par Varron. Il s'écarte beaucoup de ceux que nous avons cités, mais non pas dans la question qui nous intéresse : nous en devons la connaissance à Censorin, De Die natali, c. 21. Le texte en est très altéré; il présente une lacune importante, qui a été, à mon avis, parfaitement discutée et suppléée par Boivin l'aîné, t. II des Mémoires de l'Académie, p. 385 : « Varro tria discrimina temporum esse tradit, primum ab hominum principio ad cataclysmuin priorem, quod propler ignorantiam vocatur ἄδηλον ; secundum a cataclysmo ad Olympiadem primam, quod quia in eo multa fabulosa referuntur, μυθικὸν nominatur; tertium a prima olympiade ad nos, quod dicitur ἱστορικὸν. Primum tempus sive habuit initium sive semper fuit, certe quoi annorum sit, non potest comprehendi ; secundum non plane quidem scitur, sed tamen ad mille circiter annos et sexcentos esse creditur. » Ératosthène ou Vairon donne donc 1,600 ans de durée depuis le déluge d'Ogygès jusqu'à la première olympiade : c'est 580 ans de plus qu'Africanus ; mais celte énorme différence tient à ce qu'il fait précéder Inachus par le déluge d'Ogygès de 400ans : « A priore scilicet cataclysmo quem Ogygium dicunt ad Inachi regnum anni circiter quadringenti. » Voici donc Inachus de 1 ,200 ans plus vieux que la première olympiade; c'est une différence en plus de 100 ans sur le calcul d'Eusèbe, qui donne 700 ans d'Inachus à Troie, et 408 de Troie à la première olympiade; car c'est de la dernière époque (Troie) et non d'Inachus qu'on doit admettre les 408 ans, comme l'a très bien prouvé Boivin : « Hinc ad olympiadem primam plus quadringenti. » Ce calcul, de 408 ans de la prise de Troie à la première olympiade se retrouve partout : « Ὡς αἱ παρ' Ἕλλησι τῶν χρόνων ἀναγρεαφαὶ παέχουσι.» Le même Ératosthène, cité par Clément d'Alexandrie, Stromat. I, p. 402, nous en donne le détail. De Troie au retour des Héraclides dans le Péloponnèse 80; de là aux colonisations ioniennes 60 ans ; de celles-ci à Lycurgue, tuteur du jeune roi de Sparte, 159 ans; de là à la première olympiade 108:80 + 60 +, 159 + 108 = 407; 407 retirés de 1,200, reste, entre Inachus et la prise de Troie, 793. La grande différence entre Ératosthène et les autres tient à ce qu'il place le déluge d'Ogygès avant Inachus; les autres font l'inverse (quant aux temps postérieurs, ils sont à peu près les même»dans tous les systèmes), et son exagération de 100 années ou environ , pour l'âge d'Inachus , ne fait que le séparer nécessairement encore plus de Moïse, dont l'époque , appuyée sur la sainte Écriture, est bien certaine. Voir St-Augustin De civ. Dei, l.18, c. 8.

(a) Stromat. VI. p. 737.

(b) Stromat. VI, p 748.

(c) Stromat. VI, 751.

(d) Stromat. VI, p. 752.

(e)  P. 705 de l'édition de Lyon, tome 2, p. 986 de H. Etienne.

(f) 1ere Stromate, p. 301.

(g) Livre 1er. C. Apion. c. 2.

(h)  Diod. liv. 1er, § 96.

(k) Diod. l. 1er, § 96.

(m) Timée, p. 22 de H. Etienne.

(p)  1ere c, Aplon p. 440 de  l'édit.  de Haverscamp,

«»