annales

ANNALES DE WAVERLEY.

 

Oeuvre numérisée et traduite par Marc Szwajcer

 

 

 

 

ANNALES DE WAVERLEY.[1]

Extrait de l’année 1239.

 

 

 

 

ANNALES MONASTERII DE WAVERLEIA

 

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Anno 1239

 

De facto Thartareoum vobis scribo, quod venerunt prope confinium regni Hungariae per v. dietas. Cum invenerunt aquam Damaii, quam transire non poterant in aestate, volentes expectare hyemem ut possint supradictam aquam transire in glacie, iverunt bene xx. dietas et ibi expectant hyemem. Miserunt autem quosdam exploratores in Russiam, ex quibus fuerunt capati duo et missi regi Hungariae. Et ego diu eos habui in custodia mea, et ab eis didici ista nova quae ad Franciam mandavi sigillo meo sigillata.

Quaesivi ubi esset terra illorum ; dixerunt quod erat ultra quosdam montes, et juxta populum qui vocatur Gog; et ego credo quod ille populus sit Gog et Magog. Quaesivi de fide eorum et ut breviter dicam, nihil credunt; sed tamen literas Judaeorum habent, et coeperunt eas dicere, quando exierunt ad expugnandum mundum. Quia ipsi credunt expugnare totum mundum. Et literas proprias nunquam habuerunt. Quaesivi qui essent illi qui docerant eos literas; dixerunt, quod sunt quidam homines pallidi qui multum jejunant, et longas vestes portant, et nullos offendunt. Et quia multas circumstantias dixerunt de hominibus istis, qui concordant cum superstitionibus Pharisaeorum et Saducaeorum, credo illos esse Pharisaeos et Sadducaeos. Quaesivi utrum discernerent cibos? Dixerunt quod non; comedunt enim ranas , serpentes, canes et omnia animantia indifferenter. Quasivi qualiter exierunt de montibus ultra quos erant ? Dixerunt quod antecessores sui bene per trescentos annos et plus laboraverunt scidendo arbores et lapides, ut possent exire, antequam exierunt. Quaesivi quantum habem exercitum? Dixerunt quod xx. dietas durat longitudo et latitudo x. dietas ; xiii. enim milia supersunt in equis qui custodiunt exercitum. Et equos bonos habent sed furiosos, et equii multi sequuntur ipsos absque ductore, ita quod quando dominus equitat, xx. vel xxx. equi sequuntur ipsum. Loricas habent de coriis et sunt fortiores quam loricas de ferro et coopertoria equorum. Pedites vero crura habent breviora, et corpus longum, et sunt optimi sagittarii, nulli similes eis, et fortiores arens trahunt quam Turci. Et quamcunque intrant terram, omnes interficiunt habitatores terra, praeter parvulos quibus Churchitan (qui interpretatur rex regum) signum suum ponit confirmando eos in facie. Et sunt xlii. consiliari quibus dictus Churchitan consilium suum committit, et nullus de toto exercitu audet loqui nisi clamando, et nullus audet interrogare quo vadit dominus eorum, vel quid facere intendit. Et lac jumentorum et aliorum animalium brutorum bibunt et inebriantur. Alia nova de ipsis praedictis duo volebant dicere, qua via praecedunt eos quaedam gentes quae Mordani dicuntur, quae indifferenter interficiunt homines quos invenire possunt, et nullus audet calciare pedes suos, donec interfecerit aliquem hominem. Et perillos quod jam interfecti sunt quidam Fratri Minorum et Praedicatorum: et alios nuncios quos misit rex Hungariae contra eos, occiderunt. Praeterea sciatis quod venient quam citius poterunt.

Omnes autem terras: facultates, quas inveniunt, devastant. Omnia destruxerunt usque ad aquam praedictam. Caveant omnes qui hoc audierint, et rpo certo hoc habeant; et hoc videbitur et oculis probabitur: ut credo, ego dico, episcopus hungariae, infra v. annos. Et ut hoc sciatur Parisius, et consilium bonum apponatur, si fieri potest, gratia Dei permittente, cuidam archidiacone meo qui erat scholaris Parisius, transcriptum istud misi sigillatum.

 

Message de l'évêque hongrois à l'évêque parisien sur les Tartares.

Je vous écris sur les Tartares qui sont venus à la frontière du royaume de Hongrie en 5 jours de marche. Quand ils sont arrivés à la rivière Damai,[2] qu’ils n'ont pas pu franchir en été, voulant attendre l’hiver pour réussir à passer sur la glace la rivière indiquée ci-dessus, ils s’en sont retournés de 20 bons jours de marche et là ils attendent l’hiver. Ils ont envoyé quelques espions en Russie, deux ont été pris et envoyés au roi de Hongrie. Comme ils se trouvaient longtemps sous ma garde, j'ai appris d'eux ces nouvelles que j'ai ordonné d’envoyer en France, validées par mon sceau.

J'ai demandé, où se trouvait leur terre; ils ont dit qu'elle était au-delà de quelques montagnes et auprès d’un peuple qui s'appelle Gog; et je crois que ce peuple est Gog et Magog. Je leur ai demandé quelle était leur foi; et pour être bref, je dirai qu'ils ne croient en rien; mais cependant ils ont des lettres judaïques, qu’ils ont commencé à acquérir en partant à la conquête du monde. Car ils pensent conquérir le monde entier. Ils n’ont jamais eu aucune culture personnelle. J'ai demandé, qui étaient ceux qui leur apprenait à lire et à écrire; ils ont dit que ce sont quelques gens au teint pâle, qui jeûnent beaucoup, portent de longs vêtements et ne font de mal à personne. Et puisqu'ils ont communiqué sur ces gens beaucoup de détails, qui sont pareils aux superstitions des pharisiens et des saducéens, je crois que ce sont des pharisiens et des saducéens.[3] J'ai demandé s'ils sélectionnaient leur nourriture?[4] Ils ont répondu que non; en effet, ils mangent des grenouilles, des serpents, des chiens et tous autres animaux indifféremment. Je leur ai demandé comment ils sont sortis de leurs montagnes ? Ils ont dit que leurs ancêtres en sont sortis au moins trois cents ans avant eux et même qu’ils travaillèrent, se déchirant dans les arbres et les roches, pour pouvoir en sortir. J'ai demandé, comment est votre armée ? Ils ont répondu qu'elle avait en longueur 20 jours de marche, mais en largeur 10 jours; en effet, l’armée est suivie à 13 milles par des cavaliers qui la protègent. Ils ont de bons chevaux mais très nerveux ; beaucoup de chevaux sans cavalier les suivent, de sorte que, quand le maître galope, 20 ou 30 chevaux le suivent. Ils ont des cuirasses sur la peau qui sont meilleures que des cuirasses de fer, ainsi que le harnachement. Ils ont les pieds très courts, un corps longiligne, et ce sont d’excellents archers, personne ne les vaut; et ils tendent les arcs plus puissamment que les Turcs. Quelle que soit la région où ils apparaissent, ils suppriment toute sa population, à l’exception des nourrissons, auxquels Churchitan[5] (qui est "le Roi des rois") impose un signe, pour l’asservissement. Quarante-deux conseillers délibèrent avec Churchitan déjà mentionné dans son conseil, et personne dans toute l’armée n'ose demander où est leur seigneur ou ce qu'il a l'intention de faire. Ils boivent du lait de jument et d'autres animaux dénués de raison ; ils s'enivrent fortement. Deux d’entre eux susmentionnés voulaient dire encore autre chose : que sur les chemins avant eux, il y a certaines tribus nommées Mordani,[6] qui, sans distinction, suppriment tous les gens qui peuvent les rencontrer, et nul n'ose chausser ses souliers tant qu’il n’a pas tué quelqu’un d’autre. Et je crois que ce sont eux qui ont déjà tué certains des frères Mineurs et Prédicateurs ainsi que d'autres ambassadeurs envoyés vers eux par le roi de Hongrie. En outre sachez qu'ils peuvent arriver extrêmement rapidement. Ils ruinent toutes les terres et leurs richesses là où ils se trouvent. Ils détruisirent tout jusqu'à l’eau mentionnée.

Que tous ceux qui entendront ceci se gardent d’eux, et tiennent cela pour certain; ils en auront la preuve et le verront; comme je crois, dis-je, l'évêque de Hongrie, il y a environ 5 ans. Et pour en informer Paris et fournir un bon conseil, si cela peut se faire, par la grâce de Dieu, j'ai envoyé ce message validé de mon sceau, par mon archidiacre qui a fait ses études à Paris.

 

 


 

[1] L’abbaye de Waverley fut la première abbaye cistercienne d’Angleterre, fondée en 1128 par William Giffard, évêque de Winchester. Elle est située à un mille au sud de Franham, Surrey, dans une boucle de la rivière Wey. L’abbaye est célèbre pour ses annales. Elle est maintenant en ruines.

[2] Peut-être le Danube.

[3] Ces mots désignent sans doute les Nestoriens.

[4] Entre propre et sale, bon et mauvais, …

[5] Gengis Khan.

[6] Les Mordves sont un peuple établi à l'ouest de la Volga, qui occupe un territoire qui s'étend de l'Ukraine à l'Asie centrale.