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AMMIEN MARCELLIN

HISTOIRE DE ROME

Traduction: Collection des Auteurs latins publiés sous la direction de M. NISARD, Ammien Marcellin, Jornandès, ... , Paris Firmin Didot, 1860

 

 

 

   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   

NOTES SUR AMMIEN MARCELLIN.
LIVRE XIV.

CHAPITRE PREMIER.

(1) Insuperabilis expeditionis eventus. Magnence, soldat de fortune et d'extraction barbare, parvenu au poste de chef des gardes de l'empereur Constant, se fraya un chemin au trône par le meurtre de son maître. Cet usurpateur, dont l'esprit ne manquait pas de ressources, balança quelque temps la fortune de l'empereur Constance; il osa même lui proposer de consacrer l'assassinat et la dépossession de son frère, en partageant avec lui ses dépouilles; mais l'offre fut rejetée avec indignation. Vaincu à Mursa en Illyrie, Magnence ne tarda pas à périr. C'est à cette guerre civile, longtemps incertaine, et qui se termina par une sanglante bataille, que fait allusion Ammien au début du quatorzième livre et au chapitre cinq du quinzième.

(2) Caesaris. L'habile politique d' Octave avait substitué à l'odieux titre de roi celui d'empereur (imperator), qui existait sous la république, et n'emportait d'autre idée que celle de triomphateur et de chef d'armée, mais qui, joint à celui de prince du sénat, réunit alors dans ses mains tout le pouvoir exécutif, en même temps que l'adjonction de la puissance tribunitienue lui donnait l'initiative ou le veto en matière de lois. Octave devait à l'adoption le surnom de César, à la flatterie du sénat celui d'Auguste. Tous deux devinrent des titres de dignité chez ses successeurs, et dans les premiers temps se confondirent à peu prés comme désignation du pouvoir suprême. Mais à dater du règne d'Adrien le monarque se réserva le titre d'Auguste, et celui rie César ne fut plus significatif que du second rang dans l'État.

(3) Caesaris Galli. Gallus était le fils allié de Jules Constance, fière de Constantin. L'empereur Constance, son cousin, devenu seul maître de l'empire après la mort violente de ses deux frères, sentit le besoin d'alléger le fardeau du gouvernement, en nommant un César. Il fit choix de Gallus, qu'il tira, ainsi que son frère Julien, qui fut depuis empereur, de la dure captivité où ces deux jeunes princes avaient langui depuis le massacre de leur famille, et lui confia l'autorité sur les quinze provinces d'Orient.

(4) Hannibalio regi , fratris filio. Annibalien (Flav. Claud.) était fils de Dalmace Annibalien , frère de Constantin le Grand. Cet empereur, en lui donnant en mariage sa fille Valérie Constantine, l'avait fait roi du Pont, de la Cappadoce et de l'Arménie. Cette disposition, ainsi que toutes celles que Constantin avait faites en faveur de ses frères et neveux, fut annulée à sa mort par le massacre de tous ces princes, autorisé, si ce n'est excité sons main, par ses trois fils : ceux-ci se hâtèrent du moins d'en profiter pour reprendre les donations de leur père, et opérer un nouveau partage de l'empire. Gibbon remarque qu'Annibalien seul avait reçu le litre de roi avec son apanage, et il regarde le fait comme problématique et douteux.
Comitem Orientis. Le titre de comte (comes), institué par Constantin (suivant Tillemon t, il remonterait jusqu'à Auguste), n'était d'abord qu'une distinction purement honorifique, et qui semble n'avoir entraîné d'autre obligation, dans l'origine, que celle d'accompagner la cour. Dans la suite, les comtes furent revêtus de grandes charges civiles ou militaires, du gouvernement des provinces, de la garde du trésor, de la surveillance des côtes, etc. Il y avait des comtes de trois degrés ; celui d'Orient avait l'autorité sur les quinze provinces composant cette division de l'empire. Ce titre eut, dans l'origine, la prééminence sur celui de duc ( dux ), terme générique, et qui alors désignait seulement un commandant militaire.

(5) Per Antiochiae latera. Antioche , célèbre capitale de la dynastie des Séleucides, devint, dans la suite, la troisième ville de l'empire romain. Son nom moderne est Antakia. Elle est comprise aujourd'hui dans le pachalik d'Alep.

(6) Pernoctantium luminum claritudo. L'effet de l'éclairage nocturne des rues d'Antioche est notamment remarqué par Libanius et par saint Jérôme. La ville présentait le même aspect qu'en plein jour, toutes les boutiques , même celles des bouchers, restant ouvertes. Mais il paraît que cette magnificence était à la charge des artisans.

(7) Amphiarao referente, aut Marcio. Amphiaraüs, célèbre devin des temps héroïques de la Grèce, et l'un des sept chefs qui formèrent le siége de Thèbes, périt devant cette ville par la trahison d'Éryphile , sa femme. Le nom de Mucius est cité par Tite-Live et plusieurs auteurs, qui le désignent comme ayant prédit le désastre de Cannes.

(8) In Gordianorum actibus. Le règne des deux Gordien, si l'on peut donner ce nom à une domination de quelques semaines, qui ne s'étendit qu'à une minime fraction de l'empire, était retracé dans l'un des treize livres d'Ammien qui ne sont pas venus jusqu'à nous.

(9) Maximini truculenti. Maximin (C. J. Verus), Thrace de naissance et de basse extraction, succéda, par l'assassinat, à l'empereur Alexandre Sévère, qui l'avait comblé de bienfaits. Maximin devait son premier avancement à l'empereur Septime Sévère , dont il s'était attiré l'attention par sa taille de géant (il était haut de sept pieds) et sa force prodigieuse. Il était brave soldat, mais brutal et féroce. Sa cruauté , dont les preuves abondent, finit par exciter une sédition, dans laquelle il périt, après un assez court règne, à l'âge de soixante-cinq ans.

(10 Thalassius pre fectus prætorio praesens. La charge de préfet du prétoire, sous les premiers empereurs , était ar rivée successivement à embrasser l'administration tant civile que militaire. L'homme qui en était revêtu était de fait le second de l'empire, et remplissait auprès du souverain un rôle analogue à celui du grand vizir près des sultans. Dioclétien institua quatre préfets, pour répondre à sa division du gouvernement entre quatre personnes; et Constantin leur ôta le pouvoir militaire. A l'époque où nous reporte ce récit, il y avait donc un préfet, qui n'était plus que magistrat civil, pour l'Orient, un pour l'Illyrie, un pour l'Italie, et un pour les Gaules; cette dernière division comprenait la Grande Bretagne et l'Espagne. Mais la Juridiction d'un préfet pouvait embrasser deux de ces sections de l'empire; et, même après la réduction de ses pouvoirs, l'exercice de cette magistrature, qui ressorlissait immédiatement au chef de l'État, et qui conférait le privilége d'une correspondance directe avec lui, pouvait aller jusqu'à balancer l'autorité des Césars, ou du moins jusqu'à devenir l'occasion de collisions fréquentes. La qualification de praesens (en assistance) indique la présence de ces hauts fonctionnaires à la cour; ce qui arrivait lorsque les princes, dont les voyages étaient fréquents, habitaient leur capitale.

(11) Creberrime Augustum. L'empereur Constance (Flavius Julius ), fils et successeur de Constantin, était cousin de Gallus.

CHAPITRE II.

(12) Namque et lsauri. Les lsauriens habitaient un district montagneux, à peine distinct sur les cartes, de l'ancienne Cilicie; et ses sauvages habitants durent figurer au nombre de ces pirates qui désolaient la Méditerranée au temps de la plus grande puissance de Rome, et qui tinrent un moment en échec les armes triomphantes de la république. Ce pays paraît n'avoir pas été pacifié complétement, même après la destruction de ses forces maritimes par Pompée. Le même esprit de révolte et de brigandage y subsista toujours; et Cicéron, durant son proconsulat de Cilicie, dut donner à ces montagnards une sévère correction. Sous les règnes malheureux de Valérien et de Gallien, l'insurrection rendit l'Isaurie à ses habitudes d'indépendance et de rapine, et l'énergie dégénérée de Rome, impuissante désormais à remettre sous le joug cette population de quelques montagnes situées au cœur de l'empire, ne put que l'enfermer d'une ceinture de forteresses, souvent insuffisante pour contenir ses incursions. On vit cependant cette race proscrite et méprisée fournir par la suite des soldats aux armées impériales, et deux de ses enfants s'asseoir sur le trône de Constantin.

(13) Apud Iconium. Aujourd'hui Konia ou Cogni, ville de Caramanie, dans la Turquie asiatique.

(14) Ut Tullius ait. Cette citation est empruntée avec quelques variantes an plaidoyer pour Cluentius. Voici textuellement le passage : « Non ignoratis, judices, ut etiam bestiae, fane dominante, plerumque ad eum locum ubi pastae aliquando sint revertantur. »

(15) Scirronis praerupta letalia. Rochers situés entre Mégare et Corinthe, ainsi nommés de Scirron, fameux brigand tué par Thésée, qui avait l'habitude d'en précipiter ceux qu'il dépouillait.

(16) Ad supercilia fluvii Melanis. Le Mélas est le même fleuve que le Cydnus, qui faillit causer la mort à Alexandre. Son nom moderne, Kara- fou (fleuve noir), n'est que la traduction de l'ancien ; ce qui tient sans doute à la couleur du sable de son lit. Ce fleuve prend sa source dans le mont Taurus. L'aspect sous lequel il est ici présenté ee rappelle en rien cette riante description d'un autre historien : « Ce fleuve n'est pas si renommé pour la grandeur de son canal que pour la beauté de ses eaux; car, venant à couler tout doucement dès sa source, il s'épand dans un lit de gravier fort pur, et où il ne tombe jamais de torrent qui trouble la netteté de son eau ni la tranquillité de son cours. Ainsi il se conserve toujours en ce même état jusque dans la mer, et l'eau en est extrêmement fraîche, à cause de l'ombrage agréable des arbres dont ses rives sont couvertes. » (Quint-Curt., trad. de Vaugelas, liv. III, cfr. 4. )

(17) Locum petirere Paleas nomine. Ammien paraît être le seul écrivain qui ait mentionné cette localité, dont il parle comme d'une forteresse importante. On n'en trouve pas même le nom chez d'Anville. Peut-être n'était ce qu'un point militaire provisoire, un centre d'approvisionnement fortifié.

(18 Quae hiemabant tunc apud Siden. Sida, ville de l'A natolie, aujourd'hui Scandator ou Candator, et, selon Procoke, Candelava.

(19) In excidiam matris Seleuciae. Séleucie, ville métropole de la Cilicie, bâtie par le roi Séleucus Nicator; de nos jours, Selefkié, dans la Caramanie.

(20) Praeterlto Calycadni fluminis ponte. Le Calycadne baignait les murs de Séleucie. Le nom moderne de cette rivière est Kelikedni.

CHAPITRE III.

(21) Rege Persarum. Sapor, en persan Chapour, second du nom, et quatrième souverain de la dynastie sassanide, était fils d'Hormisdas, suivant quelques auteurs, et son frère, suivant d'autres. Il reçut la couronne avant de naître, Elle avait été posée sur le ventre de sa mère enceinte, par les grands du royaume, qui avaient reconnu pour leur légitime souverain l'enfant auquel elle allait donner le jour. Son long règne de soixante-douze ans fut constamment hostile et souvent désastreux aux Romains, qu'il avait battus à Singare, avant l'époque où commence ce qui nous reste de l'ouvrage d'Ammien. On verra Sapor, dans le cours de cette histoire, s'emparer de la ville d'Amide, la saccager, et reprendre par traité, après la mort de Julien, les provinces conquises sur la Perse par le césar Galère.

(22) Mesopotamiam. Littéralement, contrée interfluviale. Vaste territoire enfermé, suivant la presque totalité de son circuit, par les eaux de l'Euphrate et du Tigre, et dont le nom moderne est Dchézira. La Mésopotamie comprenait plusieurs provinces, désignées sous des noms divers par les historiens et les géographes.

(23) Osdroenae subsederat extimas partes. L'Osdroène, partie de la Mésopotamie, qui en avait été distraite sous le règne de Constantin. Elle tirait vraisemblablement son nom d'Osdroès, roi ou chef arabe, qui en avait fait la conquête.

(24) Batnae, ville ouverte de l'Osdroène, à une journée de distance d'Édesse la capitale, parait avoir été, à une certaine époque, l'entrepôt du commerce de l'Orient avec l'Europe. II existait en Syrie une antre ville du même nom.

(25In Anthemusia. Selon Pline et Tacite il s'agirait d'une ville, et selon Ptolémée et Strabon d'un district de Mésopotamie. Quelques auteurs identifient I'Anthémusie avec l'Osdroène, qui dans cette hypothèse aurait été connue sous le premier nom avant sa conquête par Osdroès.

(26) Quae Indi mittunt aut Seres. Pline, livre XII, évalue à cent millions de sesterces l'importation qui se faisait annuellement à Rome en produits de l'Inde. du pays des Sères (la Chine), et de la péninsule arabique.

CHAPITRE IV.

(27) Aboraeque amnis. L'Aboras, affluent de l'Euphrate, qu'il joint près de l'ancienne Circésium , n'est pas marqué sur la plupart des cartes. Gibbon l'assimile à tort avec le fleuve nommé Araxe par Xénophon, qui se jette dans la mer Caspienne. II suffit de jeter les yeux sur l'itinéraire de la retraite des dix mille, pour reconnaître qu'ils ne purent rencontrer I'Aboras sur leur chemin. C'est près du confluent de I'Aboras et de l'Euphrate qu'un monument, élevé au dernier des Gordiens, marquait la place où ce prince avait été assassiné.

(28Sarraceni. Cette nation est désignée, au livre XXII , chap. 15, sous le nom d'Arabes scénites. Le nom générique d'Arabes est plus anciennement connu. Cicéron, dans la partie de sa correspondance qui traite de son proconsulat de Cilicie, parle des Arabes comme d'un peuple que sa manière de combattre pouvait faire confondre avec les Parthes. Mais Pline paraît être l'auteur le plus ancien chez qui le nom de Sarrasin soit mentionné.

(29) Principis Marci. Marc-Aurèle (Marcus Anrélius Antoninus) , l'un des meilleurs et des plus grands princes de l'antiquité païenne, naquit à Rome le 26 avril 121, et mourut à Sirmium ou â Vienne le 17 mars 180. Son règne de dix-neuf ans, le dernier de la série commencée à Nerva, qui n'a donné que des princes modèles, a réalisé le mot de Platon, que Marc-Aurèle lui-même avait souvent à la bouche : « Les peuples ne seront heureux que lorsque a les philosophes deviendront rois, ou les rois philosophes. » Cette période, où l'histoire montre sur le trône du monde une succession de cinq monarques aussi bienveillants que capables, est citée comme celle où le genre humain a été le plus heureux. C'est sans contredit l'âge d'or du gouvernement absolu.

(30) Confinia Blemyorum. Les Blémyes, peuple d'Abyssinie voisin des cataractes du Nil, subjugué en 450 par les forces de l'empereur Marcien.

(31) Usum vini penitus ignorantes. On peut citer à ce propos le mot de l'empereur Pescennius Niger à ses soldats, qui, venant d'être battus par les Sarrasins, demandaient à grands cris une distribution de vin : Ce sont des buveurs d'eau qui vous ont vaincus.

CHAPITRE V.

(32) Militarium vel honoratorum. La distinction de militaire et de civil élan inconnue dans l'ancienne Rome: tout citoyen de la république était soldat. Une déinarcation a commencé à s'établir avec le régime impérial, dont elle favorisait les vues de domination et de stabilité. Puis, la nouvelle classification de dignités et de charges introduites par Constantin acheva la séparation des deux ordres, et la désignation d'honorable (honoratus) devint le titre distinctif d'une classe de magistrats et de citoyens.

(33
Paulus eminebat notarius. Ce titre , sous le bas empire, n'avait rien de commun avec la profession qu'il désigne anjourd'hui. Les notaires étaient un ordre particulier de fonctionnaires publics, divisé en trois classes; et leur attribution spéciale (à laquelle ils devaient leur nom) était de recueillir et de formuler les résultats des délibérations dans le conseil du prince. Mais, outre cette occupation sédentaire, ils étaient souvent appelés au loin par les missions les plus importantes et les plus diverses. On les voit, dans le récit d'Ammien, remplissant tour à tour un rôle militaire ou civil, administratif ou judiciaire, figurer dans les armées et jusque sur les champs de bataille , et diriger en chef des enquêtes juridiques. Cette institution fournissait des sujets pour les plus hautes charges de l'Etat, et semble en avoir éte en quelque sorte le séminaire.

(34) Vicarium ipsum. L'administration si étendue des préfets du prétoire exigeait que le pouvoir fôt délégué en partie à des substituts d'office, ou du choix du titulaire. Nous avons préféré à la dénomination de vicaire, employée par les précédents traducteurs, tantôt celle de lieutenant, qui exprime ou iginairement la même idée, et qui est d'un usage moins circonscrit dans notre langue, tantôt celle de vice-préfet. Le lieutenant des préfets exerçait sa charge par mandat direct du prince; différant en cela du lieutenant d'un préfet, qui n'était que le délégué du dignitaire en titre.

(35Proscripti sunt plures. Le mot proscriptus implique l'idée de déportation avec perte des biens. L'exil simple n'entraînait pas de droit la confiscation.

CHAPITRE VI.

(36) Ob inopiam vini. C'est sous le règne d'Auguste que commença l'usage des distributions régulières de pain et de farine au bas peuple de Rome. Constantin y ajouta des rations d'huile, de vin et de viande de porc. Les distributions s'opéraient sur les degrés de l'amphithéâtre, et à la diligence des édiles, auxquels ressortissait tout le régime des subsistances.

(37) Tempore quo primis auspiciis. Ce rapprochement allégorique des phases de la puissance romaine avec les quatre âges de la vie, est visiblement imité du premier livre de Florus.

(38) Licet otiosae sint tribus, pacataeque centuriae. Au temps où Ammien écrivait, non seulement les tribus et les centuries étaient muettes; mais ce classement électoral de la population romaine n'existait plus même de nom.

(39) Quod Acilio Glabrioni delatum est primo. La statue élevée au consul Acilius Glabrion fut placée dans le temple de la Piété, qu'il avait fait construire; et cet honneur, jusque-là sans exemple , lui fut décerné par les soins de son propre fils, chargé, en qualité de décemvir, de la consé cration de l'édifice bâti par son père.

(40) Ut memorat Ascraeus vates. Voici le passage d'Hésiode :
τῆς δ' ἀρετῆς ἱδρῶτα θεοὶ προπάροιθεν ἔθηκαν
ἀθάνατοι· μακρὸς δὲ καὶ ὄρθιος οἶμος ἐς αὐτὴν
καὶ τρηχὺς τὸ πρῶτον· ἐπὴν δ' εἰς ἄκρον ἵκηται,
ῥηιδίη δὴ ἔπειτα πέλει, χαλεπή περ ἐοῦσα.
Les dieux ont voulu que la vertu coôtât des sueurs. Le chemin qui y mène est long, pénible, et escarpé dans ses abords. Mais dés qu'on est parvenu au sommet, il devient aisé, quelque raboteux qu'il ait paru au commencement. (Travaux et Jours, v. 265 à 268.)

(41) Effigiatae in species animalium multiformes. L'art de brocher les étoffes est mentionné dans un passage d'Astéries, évêque d'Amasie. II remonte donc au moins au quatrième siècle.

(42) Dotata ex aerario filia Scipionis. Cnéus Cornélius Scipion, général d'une armée jusqu'alors victorieuse, avait écrit au sénat pour demander un successeur, alléguant la nécessité pour lui de se transporter d'Espagne à Rome, afin de pourvoir à l'établissement de sa fille. Le sénat, pour le conserver à son poste, s'empressa de lui trouver un gendre, et tira du trésor onze mille as (environ 550 f.), qui servirent de dot à la tille de Scipion. Sénèque remarque, à ce sujet, qu'une pareille somme de son temps n'eût pas suffi à la fille d'un affranchi pour acheter un miroir.

(43Distributio sotemnium sportutarum. Sportula est le diminutif de sporta, corbeille. II était d'usage à Rome, parmi les citoyens de distinction, de faire part à ses amis ou à ses clients des délicatesses de sa table, et l'envoi s'en faisait dans des corbeilles (sportutae). Ces marques d'attention dégénérèrent par la suite en gratifications pé cuniaires, et le contenu prit le nom du contenant. Juvénal parle des sportutes en divers endroits, notamment dans sa troisième satire.

(44) Pro domibus excubabat aurigarum. Les concurrents pour la course des chars étaient partagés en quadrilles, distingués par les couleurs verte, rouge, btanche et bleue. De là les divisions du peuple, qui prenait parti pour telle ou telle couleur, avec tout le fanatisme d'opinion qu'il apportait jadis dans les comices. Les factions du cirque ont fini par prendre ascendant sur la politique, et par gouverner ou du moins troubler l'Etat. II y avait des gens qui, par engouement pour une couleur, ou pour faire leur cour à tel grand personnage qui la favorisait, passaient la nuit devant la porte des cochers. Caligula, au rapport de Suétone, soupait et couchait dans l'écurie de la quadrille verte. Le même auteur remarque dans la Vie de Domitien que ce prince porta le nombre des quadrilles à six, en ajoutant aux couleurs distinctives l'or et le pourpre. .

(45) Nomenclatores. Les nomenclateurs étaient des affranchis, ou même des ingénus, attachés aux personnages éminents, et dont l'emploi près de leur patron était de lui désigner nominativement les gens que celui-ci désirait saluer dans la rue. Ils avaient aussi la fonction d'assigner dans les repas la place à chaque convive.

(46) Equos publicos, signatis, quod dicitur, calceis. L'institution des relais de poste existait depuis longtemps dans l'empire, mais seulement comme moyen d'administration et de gouvernement. L'État, qui défrayait ce service, s'en réservait la jouissance exclusive. Les particuliers ne pouvaient user des relais que sur un permis scellé, lequel ne se délivrait que dans le cas de mission officielle. De là l'expression figurée de signat i calcei, appliquée à ceux à qui cette faculté était accordée.

(47Ne Sannione quidem domi relicto. (Voir l'Eunuque de Térence, acte iv, sc. 8.)

(48)  Detestetur memoriam Semiramidis. On ne sait à quelle autorité est empruntée cette tradition ; mais Ammien et Claudien paraissent les seuls écrivains de l'antiquité qui aient fait cet outrage à la mémoire de Sémiramis. Le poète, dans son invective contre Eutrope, parle ainsi de l'invention qu'il attribue à cette reine, et de ses motifs :
Mentita virum, ne vocis acutae
Mollities levesque genae se prodere possent, 
Hos sibi conjuunit similes.

(49) Organa hydraulica. L'invention de ces orgues, dont l'eau était le moteur, est attribuée par Athénée à un certain Ctésibius d'Alexandrie. Néron le premier en introduisit l'usage à Rome.

(50)  Ut Homerici baccarum suavitate Lothophagi. « Au moment où mes guerriers ont porté à leurs lèvres ce fruit aussi doux que le miel, loin de songer à mes ordres ni à leur départ, ils n'aspirent qu'à couler leurs jours parmi ce peuple. Savourer le lotos est leur seul charme. ils ont oublié jusqu'au nom de la patrie. » ( Odyssée, trad. de Bitaubé, liv. IX.)

(51Catulus in aedilitate. Gronovius remarque, d'après le témoignage de Pline rapproché d'un passage de Cicéron, que Catulus introduisit l'usage de ces tentures lorsqu'il faisait la dédicace du Capitole, et qu'à cette époque il avait été consul et censeur, et conséquemment ne pouvait plus être édile.

CHAPITRE VIl.

(52Vetitis certaminibus pugilum. Les combats de gladiateurs et autres jeux du cirque, incompatibles avec l'esprit du christianisme, furent défendus par Constantin. Mais le grand nombre d'édits rendus à cet effet par les successeurs de ce prince jusqu'au règne d'Honorius , qui vit à Pollentia le dernier de ces jeux meurtriers, prouve que le goût populaire lutta longtemps contre le pouvoir et la législation.

(53Insidias ei latenter obtendi. Selon Zonare, qui rapporte le fait tout au long dans ses Annales, il ne s'agissait que d'un attentat isolé, commandé par Magnence avant sa défaite, et dont le but était, en frappant Gallus, d'attirer l'attention et les forces de Constance vers l'Orient.

(54) Consularem Syriae Theophilum. Le mot de consulaire, sous la république, indiquait simplement un titre, un caractère honorifique, inhérent à la personne de celui qui avait été consul. Depuis Auguste, le titre de consul, qui n'était plus conféré par l'élection populaire, bien qu'il ait continué, jusqu'à son abolition définitive par Justinien , d'être recherché même par les princes, avait cessé d'exprimer l'idée de pouvoir et de magistrature suprême, tandis que celui de consulaire devint significatif de fonctions effectives. Constantiu changea toute la hiérarchie. A l'ancienne division administrative de l'empire se trouvait substitué un fractionnement du territoire en cent seize provinces. Trois furent régies par des proconsuls, trente-sept par des consutaires, cinq par des correcteurs, et soixante-onze par des présidents. La province de Syrie était une de celles dont l'administrateur avait le titre de consulaire.

(55) Scholis palatinis et protectorum cum scutariis et gentilibus. On appelait écoles (scholae) des édifices voisins du palais, servant de caserne on de quartier aux divers corps de troupes dont se composait la garde spéciale, ou maison militaire de l'empereur. Les mots palatini ou domestici, et celui de protectores, indiquent suffisamment cette nature de service. Les scutaires et les gentils étaient des milices tirant leurs noms sans doute, la première, d'une particularité de son armure; la seconde, de la composition même du corps, qui se recrutait d'étrangers.

(56) Ex comite largitionum praefecto. Littéralement comte des largesses; trésorier des dépenses publiques, par opposition à comes rei privatae, trésorier du domaine privé.

(57) Consistorium. Salle où le prince tenait conseil. Ce mot, qu'on ne trouve dans aucun historien antérieur à l'empire, ne saurait en effet apparteuirà la langue de Rome républicaine, puisqu'il exprime l'exclusion du sénat de la connaissance des affaires publiques.

(58) Bajulorum praecentor. Quelques interprètes veulent voir dans le mot praecentor le joueur de flûte qui précédait la marche dans les enterrements. Mais lui donner un tel sens dans ce passage , c'est ôter toute vérité à la comparaison. Quel rapport entre une émeute et un convoi funèbre, entre un chant de deuil et les cris forcenés d'un agitateur? Praecentor nous paraît exprimer en général l'action d'accompagner, c'est-à-dire d'aider, de soutenir par le son. Les anciens faisaient un usage bien plus étendu que nous de la musique : elle était chez eux comme inhérente à la déclamation, et quelques orateurs ne parlaient en public qu'avec l'assistance d'un joueur de flûte (voir la note sur le joueur de flûte de Gracchus, livre XXX). On l'employait aussi comme moyen d'excitation , notamment dans les travaux qui exigent un grand concours de bras. Un chanteur ou joueur de flûte était placé près des ouvriers, modérant ou pressant leur activité tour à tour, et donnant en quelque sorte le ton à la manoeuvre, dont il charmait du moins les fatigues par le pouvoir secret de l'harmonie. Les vibrations du tambour exercent aujourd'hui sur le coeur de nos soldats un effet analogue, ou même plus énergique encore.

(59) Orientis limes. Ammien n'a pas nommé cette contrée , dont la délimitation, telle qu'il la donne, est celle du royaume de Syrie, sous la domination des Séleucides. L'ancienne Syrie fut subdivisée en plusieurs provinces par les Romains.

CHAPITRE Vlll.

(60Mopsuestia vastis illius domicilium Mopsi. C'est dans cette ville, qui s'appelait aussi Mopsucrène, que l'empereur Constance rendit les derniers soupirs.

CHAPITRE IX.

(61) Nisibi quam tuebatur. Nisibe, très forte ville de Mésopotamie, l'une des places frontières de l'empire, et célèbre par le siège soutenu contre l'armée de Sapor, qui dut faire retraite après de gigantesques efforts pour s'en emparer. Nisibe fut cédée aux Perses, en conséquence du honteux traité de Jovien, nonobstant les prières et les plaintes de ses habitants, dont la généreuse douleur est retracée dans un assez éloquent tableau au livre XXIIIe.

(62). Equitum resedit magister. Lorsque Constantin voulut opérer une séparation complète des deux ordres, il créa un maître de l'infanterie, par analogie au titre de maître de la cavalerie, qui existait même sous la république, et réunit dans les mains de ces deux fonctionnaires la direction et le commandement de la force armée, en les investissant de toute l'autorité militaire qu'avait exercée précédemment le préfet du prétoire. Pendant la paix chacun de ces deux officiers n'avait de rapports qu'avec l'arme qui ressortissait â son titre; mais en temps de guerre ils pouvaient commander en chef les armées, et avoir indifféremment sous leurs ordres des troupes de pied et de cheval.

CHAPITRE X.

(63). Alamannorum reges arma moturus. Le peuple allemand n'est pas même cité dans l'énumération que nous a laissée Tacite des diverses nations de la Germanie. On voit paraître son nom pour la première fois dans les historiens du règne de Constantin, mais sans indication d'origine. Quelques auteurs identifient ce peuple avec la race franke, dont l'habitation primitive paraît avoir été sur les bords de la Saale, dans une partie du territoire qui porte encore aujourd'hui le nom de Franconie. Mais l'opinion la plus vraisemblable, puisqu'elle s'appuie sur la signification même du mot Allemand, en langue germanique, est que ce mot désigne non pas une race, mais une confédération de diverses peuplades, ou peut-être une fusion des restes d'anciennes tribus germaniques écrasées par les Romains, et qui, acculées dans le fond de leurs forêts, se seraient retournées ensemble contre leurs oppresseurs.

(64) Zenonem illum veterem stoicum. Ammien confond ici les personnes et les faits. D'abord il prend Zénon d'Élée pour le Zénon fondateur de l'école du Portique; puis le personnage torturé par un roi de Chypre est Anasarque d'Abdère, et non Zénon. La mort de Zénon d'Élée, chef de la secte éléatique, est en effet semblable à celle d'Anaxarque; mais le tyran dont il fut la victime se nommait Démylos suivant les uns, et Néarque suivant les autres.

(65) Indumentum regale. Les lois défendaient expressément aux simples particuliers de se vêtir de la pourpre, réservée aux empereurs; mais il y avait une exception de tolérance pour les cérémonies du culte chrétien. La dalmatique de pourpre dont se couvraient les prêtres pour officier ressemblait, par la forme et la coupe, au vêtement impérial. Ammien laisse entrevoir que le supplice du diacre Maras était l'effet d'une méprise occasionnée par cette ressemblance.

(66) Galli periret avunculus. Ruffin était frère de Galla, mère de Gallus.

(67) Rauracum ou Augusta Rauracorum. Ville située autrefois sur l'emplacement même ou dans les environs de la ville moderne de Bâle.

(68) Icto foedere gentium ritu. Les traités chez les barbares étaient environnés de formes symboliques, plus ou moins bizarres ou significatives. Tacite décrit ainsi celles qui accompagnèrent le traité passé entre Rhadamisthe et son on cle Mithridate : « Quand ces rois font un traité, leur usage est de s'entrelacer les mains , et de se faire attacher en semble les pouces par un noeud très serré. Lorsque le sang s'est porté aux extrémités, une très légère piqûre le fait jaillir, et ils en sucent mutuellement quelques gouttes. » ( Trad. de Dureau de la Malle. )

CHAPITRE XI.

(69Spadones quorum ea tempestate plus habendi cupiditas. Le service des eunuques du palais, importation de la mollesse de l'Orient, ne commence guère à marquer dans l'histoire qu'à dater du règne d'Héliogabale. Alexandre Sévère le réduisit à la seule fonction de soigner les bains des femmes; mais sous les règnes suivants les eunuques reprirent leur influence, qui continua de s'accroître en raison de la décadence de l'empire. Bientôt on vit ces êtres dégradés s'emparer des plus hautes dignités civiles, commander les armées , et gouverner l'État.

(70) Per multiplicem armaturae scientiam. L'armature, selon Valois, qui s'appuie de l'autorité de Végèce, contre le sentiment de Scaliger, était une danse militaire très compliquée, une espèce de pyrrhique, exécutée chaque jour par les soldats dans le champ de Mars, sous des instructeurs spéciaux, et qui avait deux modes, respectivement applicables à la cavalerie et à l'infanterie. Cet exercice était dans l'origine commun à toute l'armée. Il devint par la suite un privilége réservé aux seuls princes (soldats d'élite). Peu à peu cette élite parait avoir formé, sous le nom d'armature, un corps spécial, complétement organisé selon l'échelle de la hiérarchie militaire.

(71).Caenos gallicanos. C'était la première station des voyageurs qui passaient de Galatie en Bithynie.

(72) Mille passuum fere pedes antegressus est Galerius. Un échec éprouvé parle césar Galerius, dans un combat risqué inconsidérément par lui contre les Perses avec des forces inférieures, lui attira de la part de Dioclétien ce muet et sévère témoignage de mécontentement.

(73) .De fumo in flammam. Locution équivalente au proverbe français tomber de fièvre en chaud mal.

(74) Capiti Coracis aurigae coronam imposuit. La coutume voulait que celui qui présidait aux jeux couronnât de sa main les vainqueurs.

(75) Solutus corporeis nexibus animus. Cette pensée est conforme à la doctrine des péripatéticiens. «Durant le jour, disent-ils, l'âme, subordonnée au corps, et comme embarrassée dans la matière, ne peut avoir une vue claire de la vérité. Mais la nuit elle s'affranchit de cette dépendance, et, concentrée alors autour du coeur, elle découv re les choses futures. » Tel est, suivant eux , le principe des songes, qu'ils regardent comme une manifestation de l'avenir.

(76). Petobionem oppidum Noricorum. Aujourd'hui Pettaw, sur la Drave, en Styrie.

(77) Ubi peremptum accepimus Crispum. Crispe, fils de Constantin, accusé par sa belle-mère Fausta d'avoir tenté de la corrompre, fut mis à mort par son père, qui, reconnaissant plus tard l'innocence de son fils, étouffa sa femme dans un bain chaud. Gibbon révoque en doute le crime de Fausta et sa punition.

(78) Adrasteo pallore. Allusion au vers 479 du sixième livre de l'Énéide:
Parthenopaeus, et Adrasti pallentis imago. 

(79 Alexandrum magnum. Wagner regarde ce passage comme une interpolation. Il est certain du moins que l'exemple n'est pas heureusement amené.

(80). Eum capitali supplicio destinavit. L'historien Zonare prétend qu'on outre-passa les. désirs de Constance. «L'empereur, dit-il, voulait seulement dépouiller Gallus de sa dignité, et l'envoyer en exil. Cédant ensuite aux instigations de ses familiers, il dépêcha des émissaires pour mettre le César à mort; puis le repentir le prit, et il écrivit pour révoquer l'ordre. Mais le grand chambellan Eusèbe s'était arrangé pour que la lettre de grâce n'arrivât qu'après l'exécution. »

(81) Adrastia quam duplici vocabulo etiam Nemesis. « Si l'obscurité, dit un commentateur, est un mérite en philo sophie, ce morceau doit être hautement apprécié par nos philosophes. » Le jugement n'est pas trop rigoureux. Dégagé de son fatras allégorique, ce passage n'est qu'un lieu commun des plus vulgaires ; il mérite cependant l'attention sous un rapport. Au milieu de cette confusion de théories mythologiques, où l'auteur prête à Némésis, déesse de la vengeance, des attributs qui sont ceux de la Fortune ou de la Nécessité, on trouve un argument de plus à opposer aux inductions qu'on a tirées des écrits de l'auteur pour prétendre qu'il était chrétien.

(82) Adramytenum Andriscum. Andriscus, surnommé Pseudo-Philippe (le faux Philippe), aventurier de basse extraction, qui seize ans après la mort de Persée, roi de Macédoine, réussit à se faire passer pour son enfant naturel, à l'aide d'une ressemblance singulière, mais fortuite, avec ce prince. Le succès couronna d'abord son audace. II devint maître de la Macédoine, et y tint quelque temps tête aux Romains. Battu enfin par Métellus le Macédonique, qui se fit livrer sa personne, il fut amené à Rome, et mis à mort.

(83Man cinum post imperium. Manciuus Hostilius, général romain, battu devant Numance, fut livré aux assiégés en expiation de sa défaite; mais ceux-ci le renvoyèrent sain et sauf.

(84) Samnitum atrocitati Veturium. Titus Vetnrius, général romain que les Samnites firent passer sous le joug avec son armée, surprise sans combat au défilé de Caudium.