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MAR APAS CATINA.

 

ΗISTOIRE ANCIENNE DE L’ARMÉNIE

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

MAR APAS CATINA.

HISTOIRE ANCIENNE DE L’ARMÉNIE,

EXTRAITE DE L’HISTOIRE DES PREMIERS ANCETRES,

TRADUITE DU CHALDÉEN EN GREC PAR ORDRE D’ALEXANDRE LE GRAND,

ET CONSERVEE EN PARTIE PAR MOÏSE DE KHORÈNE.

TRADUCTION NOUVELLE EN FRANÇAIS

AVEC DES NOTES HISTORIQUES, CRITIQUES ET PHILOLOGIQUES,

par

VICTOR LANGLOIS.

 

 

INTRODUCTION.

A une époque très reculée de l’histoire du monde, Babylone était le centre d’une culture intellectuelle très développée. Une peuplade d’origine arienne, détachée de la famille iranienne, et sortie des montagnes de la Chaldie, région située sur les rivages méridionaux du Pont-Euxin, avant émigré dans les contrées de l’Euphrate et du Tigre, fut amenée, par une série de circonstances restées inconnues, à régner sur Babylone, dans le commencement du huitième siècle avant notre ère. Cette peuplade, désignée par les Juifs sous le nom de Kasdes, et par les Grecs sous celui de Χαλδαῖοι, Chaldéens, semble indiquer, d’après les écrivains hébreux, une nation militaire, tandis que chez les Grecs, et selon le témoignage d’Hérodote, elle représenterait une caste sacerdotale et plus tard un corps de savants. A quelle époque la science prit-elle naissance chez les Chaldéens? C’est là un problème que, dans l’état actuel de nos connaissances, il est impossible de résoudre. Tout ce que l’on peut conjecturer, c’est que longtemps avant notre ère il existait dans la Chaldée, en dehors des livres chaldéens composés par les Juifs, et de ceux qui furent écrits en syriaque par les chrétiens, une vaste littérature araméenne, païenne et profane, qui a complètement disparu.

La science moderne s’est vivement préoccupée, dans ces derniers temps, de rechercher les traces de cette littérature, et la critique est arrivée à découvrir d’importants fragments dans les écrits de littératures plus modernes, et notamment dans les livres des Sabiens ou Mendaites, appelés improprement les chrétiens de saint Jean, et dans ceux des Arabes, des Syriens et des Arméniens.

Cette littérature, que les Grecs avaient désignée sous le nom de chaldéenne, qui prit naissance à Babylone et se développa durant une longue suite de siècles dans l’Asie occidentale, semble à beaucoup d’égards être identique à la culture intellectuelle que les Arabes attribuent aux Nabatéens, assimilés par eux aux Babyloniens ou Chaldéens. Et en effet les Nabatéens, tels que nous les représentent les Arabes, sont un peuple savant en agriculture, en médecine, en magie, et ce peuple n’est autre que les habitants de la Chaldée.

Il ne reste de cette littérature nabatéenne ou chaldéenne que des écrits fort peu nombreux, dont le plus important est le traité d’agriculture de Kouthami, traduit en arabe au dixième siècle. Ce que les Grecs et les Latins nous ont transmis touchant la science chaldéenne a les rapports les plus intimes avec ce que les Arabes nous ont appris relativement à la littérature nabatéenne. Toutefois nous devons ajouter que si, à l’époque romaine, le nom de science chaldéenne servait à couvrir le plus grossier charlatanisme, il ne s’ensuit pas qu’il faille nier d’une manière absolue un développement très sérieux de sciences mathématiques et astronomiques en Chaldée.

En dehors des renseignements que nous fournissent les Arabes, les Grecs et les Latins, sur la littérature chaldéenne, nous trouvons, chez d’autres peuples, la mention très précise de livres chaldéens, que nous n’hésitons pas à identifier avec les productions du génie nabatéen. Bérose, Bardesane et Moïse de Khorène, qui appartiennent à trois nationalités orientales différentes, citent souvent, dans leurs écrits, des compositions appartenant à la littérature chaldéenne; et leurs compilations, malgré de nombreux contresens et peut-être quelques impostures, renferment à n’en pas douter des lambeaux de cette culture scientifique qui, depuis un âge très reculé jusqu’à une époque voisine de l’ère chrétienne, prit une grande extension dans l’Asie occidentale, et eut une influence très sensible sur le développement intellectuel du monde grec et romain.

La littérature chaldéenne ou nabatéenne, comme on voudra l’appeler, eut une durée beaucoup plus longue que celle des grands empires au sein desquels elle avait pris naissance et s’était développée. Sortant peu à peu des limites de la Babylonie, elle s’était étendue dans tonte la Mésopotamie, et c’est de là surtout qu’elle se propagea clans l’Occident. Le christianisme, qui sévissait d’une façon si violente contre les anciennes doctrines philosophiques et religieuses, ne put anéantir complètement l’influence exercée sur les masses par la littérature chaldéenne, mais il fut la cause principale de la transformation qui s’opéra chez les populations araméennes de la Mésopotamie, en donnant naissance à une littérature nouvelle, le syriaque, dont le point d’attache avec le chaldéen ou nabatéen n’échappe point complètement à notre appréciation. C’est un fait assez singulier, dit M. Renan, qu’une littérature apparaissant ainsi sans antécédents et sans qu’aucune tradition nous ait été conservée d’une littérature nationale antérieure, mais la surprise que nous cause cette brusque apparition n’est qu’un effet de l’ignorance où nous sommes sur les anciennes études araméennes. Cependant la science a acquis aujourd’hui la certitude que la langue syriaque n’est que le prolongement chrétien du nabatéen; car ce que nous savons des écrits de Bardesane et les fragments qui nous en restent nous prouvent que ce gnostique se rattache à l’école chaldéenne par ses ouvrages, si vivement réfutés par saint Ephrem, le représentant le plus glorieux de l’école chrétienne d’Edesse.

Cette entrée en matière était nécessaire pour bien faire comprendre la liaison qui unit la littérature ancienne de la Chaldée à celle de la Syrie chrétienne, et en même temps pour appeler l’attention du lecteur sur l’influence que la littérature syriaque elle-même devait exercer sur celle des Arméniens, voisins des Syriens, et qui, à une certaine époque, se fusionnèrent avec ces derniers dans la toparchie de l’Osrhoène. Édesse, en s’élevant au rang de capitale de cet état demi-syrien, demi-arménien, sur le trône duquel on vit monter tour à tour des princes syriens et des rois arméniens d’origine arsacide, devint presque en même temps le centre d’un mouvement littéraire très remarquable et le siège d’une école célèbre qui eut une influence considérable sur la formation et les développements de la littérature chrétienne de l’Arménie.

Les Arméniens, dans les siècles qui précédèrent l’introduction du christianisme dans leur patrie, n’avaient qu’une littérature relativement très restreinte, et on ne trouve nulle part, dans leurs écrivains, qu’ils aient cultivé avec éclat les lettres et les sciences. Tout ce que nous savons à cet égard, c’est que les Arméniens avaient des chants populaires conservés par tradition, et dont Moïse de Khorène a recueilli quelques fragments dans son Histoire. Le même écrivain fait observer, en outre, que ses compatriotes montrèrent toujours une grande indifférence pour les œuvres de l’esprit, et qu’ils ne cherchèrent jamais à Khorasan l’histoire de leur passé. Il blâme à plusieurs reprises cette conduite, et exprime le regret de voir une nation, célèbre par son antiquité, illustrée par la valeur et l’héroïsme de ses chefs, privée ainsi, par sa faute, d’une collection d’annales dont l’absence est irréparable.

Il est difficile, en effet, de s’expliquer comment il a pu se faire que la nation arménienne soit restée ainsi en arrière du degré de civilisation et au-dessous du niveau intellectuel atteints par les peuples de son entourage. Toutefois nous savons que l’une des raisons principales invoquées par les Arméniens, pour excuser leur indifférence en matière littéraire, c’est qu’ils ne possédaient pas de caractères alphabétiques qui leur fussent propres et qu’ils étaient obligés d’avoir recours à ceux des Perses, des Syriens et des Grecs. Moïse de Khorène, qui rapporte cette circonstance, ne trouve pas cette excuse suffisante, et ses reproches envers ses compatriotes s’exhalent en plaintes amères. Quoi qu’il en soit, il parait probable que l’absence ou l’insuffisance de caractères alphabétiques fut pour beaucoup dans les retards apportés au développement de la culture des lettres chez les Arméniens. Aussi, quand le christianisme eut pris des racines solides dans leur pays, les prêtres, qui représentaient la partie savante de la population, conçurent le projet d’inventer un alphabet approprié à l’idiome arménien, et, dès le quatrième siècle de notre ère, nous voyons la race d’Haïg en possession des caractères alphabétiques dont l’introduction en Arménie est attribuée, à ce qu’il paraît, à saint Mesrob. A partir de cette époque, une école se forma, en vue de faire passer tous les chefs-d’œuvre des littératures grecque et syriaque dans l’idiome national. Les livres sacrés furent traduits, et durant plusieurs siècles l’école des saints traducteurs, c’est ainsi qu’on a coutume de la désigner, travailla sans relâche à doter l’Arménie de versions d’ouvrages appartenant aux littératures étrangères. Ces traductions formèrent ainsi comme les premières assises des monuments littéraires de l’Arménie.

La liste des traductions d’auteurs profanes dans l’idiome arménien est considérable. Un savant mékhitariste, feu Mgr Sukias de Somal, en a donné le détail dans un écrit spécial rédigé en italien. On y trouve mentionnées, siècle par siècle, les œuvres des écrivains grecs et syriens que le zèle des traducteurs avait fait passer dans l’idiome national. Ce sont d’abord les écrits d’Aristote, la vie d’Alexandre du Pseudo-Callisthène, l’Eisagogh de Porphyre, les œuvres d’Eusèbe et de Philon le Juif, un commentaire sur Nonnus de Panopolis, la grammaire de Denys de Thrace, la Géographie de Pappus d’Alexandrie, la Chronique de Jules l’Africain, l’Histoire de Flavius Josèphe, la Bibliothèque historique de Diodore de Sicile, les œuvres d’Olympiodore, de Callimaque et les écrits philosophiques d’Andronic de Cerra. A une époque plus récente, au onzième siècle de notre ère, le goût des traductions s’était de nouveau manifesté chez les Arméniens, qui continuèrent la tradition de l’école des saints traducteurs, en faisant passer dans leur langue quelques écrits de Platon, tels que le Timée et le Phédon, les éléments d’Euclide, etc., etc.

Cependant, longtemps avant le quatrième siècle de notre ère, époque glorieuse qui donna naissance au goût des lettres en Arménie, les princes arsacides de ce pays, qui ne possédaient pas, comme les aînés de leur race établis dans la Parthie, des annales et des documents écrits touchant les origines de la nation, comprirent la nécessité de connaître l’histoire du pays qu’ils avaient été appelés à gouverner. Nous savons que jusqu’à l’avènement de la dynastie arsacide, vers le milieu du second siècle avant notre ère, l’Arménie avait été presque toujours placée dans une sorte de dépendance et de vassalité vis-à-vis des grands empires de l’Asie occidentale, et ne formait qu’une satrapie de premier ordre, relevant d’abord de l’Assyrie, puis plus tard de Babylone, ensuite de la Médie et enfin des Perses. Quand Arsace V le Grand, appelé aussi Mithridate Ier, eut rangé sous son autorité une notable partie des populations de l’Asie centrale et occidentale, il confia le gouvernement héréditaire de l’Arménie à son frère Valarsace, en le chargeant d’organiser le pays et de lui donner une administration calquée sur le même modèle que celle qui régissait l’empire des Parthes. Valarsace prit à tâche de remplir exactement le programme politique que lui avait tracé son frère. L’Arménie, lors de son arrivée dans ce pays, n’était régie par aucune loi; tout y était livré à l’arbitraire. Les satrapes et les toparque, maîtres d’une partie du sol, se disputaient entre eux le pouvoir et cherchaient à se dépouiller mutuellement de leurs domaines. Il n’existait aucun document relatif à leurs propriétés; la tradition était le seul titre que les satrapes invoquaient pour prouver leur droit à la propriété de la terre et des hommes qui l’habitaient. Afin de mettre un terme à un tel état de choses, Valarsace résolut de régulariser l’organisation satrapale, de tracer à chacun des grands vassaux de sa couronne et des toparques nationaux des limites territoriales qu’ils ne devraient plus franchir, et d’assurer à tous les satrapes, qu’il confirmait dans la possession de leurs domaines, une sécurité dont ils n’avaient jamais joui jusqu’alors. Dans cette vue, Valarsace songea à s’entourer de documents authentiques. Ayant appris qu’il n’en existait pas en Arménie, il chargea un lettré syrien d’aller trouver son frère Mithridate Ier, et de lui demander l’autorisation de rechercher dans les dépôts d’archives de son royaume les documents dont il avait besoin pour mener son œuvre à bonne fin. Moïse de Khorène raconte, dans son Histoire, que Valarsace, ayant distingué Mar Apas Catina, lui confia cette importante mission auprès de son frère.

Le voyage de Mar Apas Catina, sa réception à la cour du roi parthe, ses recherches et ses découvertes dans les archives de Ninive, ont été mis en doute depuis longtemps déjà par les critiques français. Fréret le premier, et ensuite Etienne Quatremère, se sont appliqués à nier la véracité du récit de Moïse de Khorène. Quatremère surtout n’hésite pas à déclarer que tout ce que raconte l’historien arménien présente les caractères d’une fable qui, flattant l’orgueil des Orientaux, aura été accueillie avec transport par Moine de Khorène, et à son exemple par tous les historiens de l’Arménie. D’autres au contraire prétendent que le récit de Moïse de Khorène est vrai dans ses moindres détails, que les objections que Fréret et Quatremère ont soulevées au sujet de l’existence de Ninive et des archives de cette ville, à l’époque de Mithridate Ier, et touchant le nom de Mar Apas Catina lui-même, sont dénuées de fondement. Sans vouloir entrer dans le fond de ce débat, nous ferons remarquer que nous avons déjà combattu les idées trop absolues du savant Quatremère, et l’opinion par trop optimiste de son contradicteur du Journal asiatique. Selon nous, Mar Apas Catina ne peut être qu’un personnage appartenant à l’école naissante de la littérature qui se développa dans les premiers siècles de notre ère, sous le nom de syriaque. Toutefois nous sommes loin d’admettre l’opinion de M. Renan, qui veut que ce personnage soit un chrétien. En effet, dans les fragments de cet écrivain, que Moïse de Khorène nous a transmis, on ne trouve pas un seul passage qui révèle la moindre pensée chrétienne; on n’y rencontre pas non plus de traces d’une réminiscence biblique; ami contraire, on y voit dominer le sentiment d’une époque païenne et particulièrement les idées du mazdéisme.

D’après le livre compilé par Mar Apas Catina et résumé par Moïse de Khorène, la terre a commencé par être peuplée d’êtres fabuleux, de géants en lutte ouverte avec les dieux, qui confondent leur orgueil en renversant la tour au moyen de laquelle ils voulaient tenter l’escalade des cieux. On sent là qu’un syncrétisme très prononcé s’est produit dans l’esprit de l’auteur du livre compilé par Moïse de Khorène, et c’est pour nous une preuve que cet ouvrage ne fut pas écrit bien longtemps avant l’ère chrétienne. En effet, Mar Apas nomme les géants Zérouan, Titan et Japhétos, personnages fort en vogue à l’époque du développement des idées syncrétiques en Orient, et qui sont de création moderne, relativement aux temps que Moïse de Khorène assigne, dans son Histoire, au livre chaldéen traduit en grec par ordre d’Alexandre. Si Mar Apas eût appartenu à l’école chrétienne d’Édesse, il n’eût pas manqué, à propos de ces êtres fabuleux, de faire le rapprochement que Moïse de Khorène n’a eu garde d’oublier lorsqu’il décrit la filiation de Noé « Japhétos, Mérod, Sirat, Taghlat », c’est-à-dire Japhet, Gomer, Thiras et Thorgom. Mais au contraire, si Mar Apas Catina est un Syrien païen, voisin de l’époque qui précéda immédiatement l’introduction de la foi évangélique à Edesse et l’établissement de la célèbre école chrétienne qui jeta un si grand lustre dans les siècles qui suivirent, il est impossible de le faire exister, comme le veut Moïse de Khorène, à l’époque du Parthe Mithridate Ier et de l’Arsacide Valarsace. Il y a donc nécessairement dans le récit de Moïse de Khorène, soit un anachronisme inspiré par une croyance trop aveugle aux traditions qui avaient cours de son temps parmi les Arméniens, soit une erreur volontaire, qui aurait son excuse dans la nécessité où cet auteur se serait trouvé d’établir une comparaison louangeuse entre Isaac Pakradouni, auquel son livre est dédié, et Valarsace, que Mar Apas Catina représente comme un prince avide de connaître les antiquités de la nation sur laquelle il avait été appelé à régner. Peut-être même Moïse de Khorène aura-t-il cru être véridique en disant que Mar Apas Catina était le contemporain de Valarsace; car, la compilation du lettré syrien s’arrêtant au règne d’Ardaschir successeur de Valarsace, Moïse aura supposé que cette raison était suffisante pour établir un synchronisme entre le fondateur de la dynastie arsacide d’Arménie et l’historiographe de ce monarque. Cependant, malgré notre répugnance à reprocher à Moïse de Khorène un subterfuge aussi grossier, nous avouons que nous sommes très disposé à nous arrêter à cette dernière supposition. Et en effet voici ce que nous écrivions dans notre Mémoire sur les sources de l’histoire de Moïse de Khorène: « Que faut-il donc voir dans la fable de l’envoyé de Valarsace se rendant à Ninive, pour compulser les archives? Nous croyons qu’il s’agit d’un simple rapprochement imaginé par Moïse de Khorène et dans un but que l’on va comprendre tout de suite. Comme tous les écrivains de son école et de son siècle, Moïse, quelquefois crédule, il faut le reconnaître, se plaisait à enregistrer des faits et des données d’une authenticité parfois contestable, et à opérer des rapprochements artificiels qui ne trouvent leur excuse que dans l’absence de critique qui est le propre des écrivains orientaux. Personne ne met plus en doute la fausseté des lettres soi-disant échangées entre le Christ et Abgar, et les théologiens eux-mêmes les repoussent comme des documents apocryphes, qui ne sont autre chose que l’œuvre de ces sectaires des premiers siècles, auxquels on doit le Testament d’Adam et autres écrits singuliers considérés par les Sabiens actuels comme des livres sacrés. Moïse, qui vivait à une époque où ces écrits jouissaient d’une certaine faveur, et qui ne discute pas toujours avec bonheur quelques-uns des rapprochements qu’il a faits dans son Histoire, a commis peut-être, sur la foi d’une tradition populaire, fort accréditée de son temps, l’anachronisme qui l’a fait si sévèrement taxer d’imposture. Ce que nous voyons dans la prétendue relation de l’ambassade scientifique envoyée par Valarsace auprès de son frère Mithridate Ier, c’est tout simplement une flatterie adressée à Isaac Pakradouni, à qui Moïse de Khorène a dédié son livre. Il le compare à Valarsace, qui aurait chargé un lettré syrien de composer une histoire d’Arménie, lui (Isaac) qui vient aussi d’engager Moïse à rédiger les annales de la nation. Le fait est on ne peut plus naturel, et c’est là que réside, selon nous, l’explication de toute cette légende imaginée et racontée par Moïse de Khorène, si toutefois on ne veut pas admettre qu’il ait été dupe d’un mensonge.

Il nous reste maintenant à parler de la compilation de Mar Apas Catina et du livre chaldéen dont il fit usage pour rédiger les annales de l’ancienne Arménie. Moïse de Khorène raconte que le lettré syrien, ayant été introduit dans les archives de Ninive, trouva, parmi la masse de documents qui y étaient conservés, un livre portant cette suscription: Commencement du livre, avec cette rubrique: Ce livre a été traduit du chaldéen en grec par ordre d’Alexandre; il contient l’histoire des premiers ancêtres. Selon M. Quatremère, cet ouvrage, qu’il nie avoir été traduit par ordre du conquérant macédonien, lui parait être un exemplaire du livre de Bérose. On comprend quelle réserve est imposée à la critique, lorsqu’il s’agit d’attribuer à un auteur comme Bérose, dont les œuvres ne sont connues que par quelques fragments très peu étendus, un ouvrage qui était déjà anonyme à l’époque où Mar Apas le consulta. Bérose est le nom d’un historien d’origine perse, car il est facile de reconnaître sous la forme défigurée dans laquelle les Grecs nous ont transmis cette appellation Περωζής, le nom de Firouz. Il paraît certain que les Grecs ont groupé autour de la figure de Bérose une notable partie de la littérature profane de la Chaldée, et que c’est à ce personnage, dont le nom leur était le plus familier parmi ceux des autres écrivains de l’école babylonienne, qu’ils attribuaient indistinctement toutes les productions littéraires et scientifiques d’origine chaldéenne, ou qu’ils croyaient provenir de la même source. En effet, selon les traditions helléniques, Bérose aurait non seulement composé des livres historiques, comme les Βαβυλωνιακά ou Χαλδαικά, mais encore des traités d’astronomie et d’astrologie. En sa qualité de principal représentant de la culture scientifique et littéraire de la Chaldée, aux yeux des Grecs, Bérose eut bien vite sa légende, absolument comme Orphée, qui, pour les anciens, centralisa autour de lui la science primitive, et dont l’individualité fut transformée plus tard, même par les mystiques et les néoplatoniciens, en un mythe surchargé de subtilités et de rêveries dignes de figurer dans la Kabale. M. Quatremère a donc eu le tort, selon nous, d’attribuer à Bérose le livre anonyme découvert dans les archives de Mithridate Ier par Mar Apas Catina. Nous savons d’une manière positive que Moïse de Khorène connaissait très bien l’ouvrage historique de Bérose, car il le cite à plusieurs reprises dans son livre, et même il représente aussi cet écrivain comme un traducteur des livres chaldéens en langue grecque. De tout ceci on peut donc induire que le livre chaldéen, mis en lumière par Mar Apas Catina, était la traduction en langue grecque d’une histoire générale des grands empires de l’Asie centrale, autre que celle de Bérose, d’autant plus que Moïse de Khorène a soin de dire qu’il n’a extrait de cet ouvrage que ce qui regardait spécialement l’Arménie.

Moïse de Khorène raconte qu’au retour de Mar Apas à la cour de Valarsace, il présenta au roi une copie de sa compilation, écrite en caractères grecs et syriens (syriaques) et que ce prince la fit placer dans son palais, et en fit graver une partie sur la pierre. Ce renseignement est fort précieux, car il nous apprend, d’une part, que l’ouvrage de l’écrivain anonyme qu’il découvrit dans les archives des Parthes, fut traduit par lui du grec en syriaque, ou dans cet idiome désigné sous le nom de syro-chaldaïque, qui est la transition entre la langue chaldéenne ou nabatéenne et le syriaque. En second lieu, le texte de l’historien arménien peut nous laisser encore soupçonner que les annales de Mar Apas Catina furent vraisemblablement traduites en arménien, et écrites avec des caractères grecs et syriaques, qui, nous l’avons vu précédemment, étaient employés par les Arméniens à défaut d’un alphabet spécial à leur idiome et qui ne fut inventé que beaucoup plus tard.

Il y a deux parties bien distinctes dans la compilation de Mar Apas Catina, dont Moïse de Khorène nous a transmis des extraits. La première est l’œuvre de l’auteur chaldéen anonyme qui raconte l’histoire des premiers temps de l’Arménie et du gouvernement des Haïciens, et termine son récit à une époque antérieure à l’avènement des Arsacides, puisque la rédaction de son livre a dû précéder l’arrivée d’Alexandre à Babylone, si l’on s’en réfère à la suscription même de l’ouvrage. La seconde partie est une continuation de cette histoire due à Mar Apas Catina lui-même. Ce compilateur, après avoir traduit l’ouvrage de l’anonyme chaldéen du grec en syriaque, ajouta, soit dans sa langue, soit en arménien, — nous manquons de renseignements précis à cet égard, — plusieurs chapitres relatifs à l’avènement des Arsacides en Arménie, et à l’organisation politique que Valarsace donna à son royaume.

Nous avons tout lieu de croire que Moïse de Khorène n’est pas le seul écrivain qui ait eu entre les mains l’ouvrage de Mar Apas Catina, car on peut induire d’un passage de Jean Catholicos, auteur d’une Histoire de l’Arménie écrite au neuvième siècle, que cet annaliste, qui s’est très certainement aidé du texte de l’Histoire de Moïse, dont il a tiré beaucoup d’extraits, a aussi consulté l’original de la compilation de Mar Apas Catina. En effet Moïse de Khorène ne parle pas des souverains qui, après la mort d’Anouschavan, gouvernèrent l’Arménie, et il passe immédiatement du règne de ce prince à celui de Barouïr en disant « qu’il serait trop long de rapporter cette histoire. » Jean Catholicos comble cette lacune dans son livre, et nous donne même des détails assez circonstanciés sur les usurpateurs qui s’emparèrent du trône après la mort d’Anouschavan et gouvernèrent l’Arménie jusqu’au règne de Barouïr, l’allié de Varbace ou Arbace le Mède, qui renversa l’empire de Ninive. De plus, nous remarquons des différences assez notables dans la liste onomastique des rois d’Arménie, dressée par Moïse de Khorène, et celle que Jean Catholicos nous a également transmise. Ces additions d’une part, et ces variantes d’autre part, nous autorisent donc à penser que la compilation de Mar Apas Catina existait encore en Arménie au neuvième siècle, et que cet ouvrage, dont la perte est irréparable, n’a disparu qu’après cette époque. Toutefois c’est notamment au quatrième et au cinquième siècle que l’ouvrage de Mar Apas Catina fut surtout consulté. Le livre de Mar Apas fut également connu de saint Jérôme, qui cite cet auteur dans le chapitre Ier de ses Commentaires sur Ezéchiel, sous son surnom de Catina, épithète qui, dit-il, signifie, « lepton, id est acutun, et ingeniosum, » chez les Syriens. Ce détail ne nous permet pas de douter qu’il ne soit question ici de l’auteur de la compilation dont s’est servi Moïse de Khorène. Si une grande incertitude règne sur l’âge du livre composé par Mas Apas Catina, la même difficulté existe pour fixer l’époque exacte où florissait cet historien. Moïse de Khorène ne nous a transmis aucun détail sur la biographie de ce personnage, et, bien qu’il répète son nom, à plusieurs reprises, il ne dit rien qui puisse jeter quelque lumière sur sa vie. Un passage du Pseudo-Agathange, qui nous a été conservé dans l’Histoire de l’empereur Héraclius par Sébéos, nous donnerait à penser que Mar Apas Catina était un Arménien, car il est qualifié du titre de philosophe de Medzourkh, qui est le nom d’une ville de la Haute Arménie mentionnée par Faustus de Byzance. Toutefois, à part le nom de Mar Apas, et son surnom de Catina qui en syriaque a le sens de « subtil, » nous ne savons absolument rien de la vie de ce personnage. Le titre de Mar qui veut dire également dans le même idiome « seigneur » et qui correspond exactement au mot der des Arméniens, dominus des Latins, dom et don des Occidentaux, indique que Mar Apas Catina était revêtu d’un caractère religieux ou scientifique. On a cru longtemps que ce titre de Mar impliquait une idée chrétienne, et M. Quatremère partageait cet avis; mais Moïse de Khorène nous aide à rectifier l’opinion de ce savant critique, en attestant que ce titre était porté par un officier païen de la cour d’Abgar, Mar Ihap, envoyé par son souverain auprès du gouverneur de la Syrie Julius Mari- nus, et qui eut l’occasion pendant ce voyage d’entendre parler de Jésus-Christ pour la première fois. Le titre de Mar, employé dans l’idiome syriaque n’était pas purement religieux à l’époque qui précéda immédiatement la prédication de l’Évangile dans l’Aramée; ce ne fut qu’après l’introduction de la foi chrétienne chez les Syriens qu’il fut appliqué aux prêtres, et servit à désigner en général les membres du clergé.

En faisant entrer la compilation de Mar Apas Catina, écrivain syrien appartenant à cette époque intermédiaire entre la culture chaldéenne et le développement syriaque, qui en fut la continuation, dans un recueil destiné à réunir les fragments d’auteurs grecs perdus dans cet idiome et conservés en arménien, nous avons voulu montrer les liens qui unissent la vieille littérature, dont Babylone fut jadis le centre, à celles des Syriens, des Grecs et des Arméniens. Voici donc un écrit historique d’un intérêt immense qui, après avoir été conçu primitivement en chaldéen, fut traduit en grec, ensuite en syriaque, puis traduit encore du syriaque en arménien, dans l’espace de plusieurs centaines d’années C’est une étude curieuse en effet de suivre, pour ainsi dire siècle par siècle, l’histoire d’un livre appartenant à l’une des plus vieilles littératures de l’Orient, et de voir par combien de filières successives a dû passer l’ouvrage écrit originairement par l’anonyme chaldéen, avant d’arriver jusqu’à nous, dans la compilation de Mar Apas Catina, abrégée par Moïse de Khorène. Certes, si ce texte, d’une importance capitale, à en juger par les lambeaux qui nous sont parvenus, nous avait été conservé dans toute son intégrité, c’eût été, sans contredit, un des monuments les plus précieux de l’histoire du passé de l’Asie, et qui, à lui seul, eût suffi à assurer la gloire du génie littéraire de la Chaldée.

En publiant pour la première fois, isolément, les fragments de la compilation de Mar Apas Catina, nous avons suivi exactement le texte de l’Histoire de Moïse de Khorène, sans nous préoccuper des interpolations et des réflexions qui sont du fait de cet écrivain, et qu’il est facile de reconnaître dans les passages qui appartiennent en propre à l’œuvre du lettré syrien. Nous avons conservé l’ordre des chapitres tel qu’il a été arrêté dans les éditions modernes de l’Histoire de l’Hérodote arménien, et notamment dans celles publiées à Venise, par les savants mékhitaristes. Ces éditions, exécutées avec le plus grand soin par les membres de l’Académie arménienne de Saint-Lazare, ont été faites à l’aide des nombreux manuscrits conservés dans leur riche bibliothèque. Nous avons tenu compte des variantes que ces doctes religieux ont jointes à leur édition des Œuvres complètes de Moïse de Khorène, et de celles qui ont été signalées dans une brochure spéciale, publiée par M. Jacques Garinian (d’Erzeroum) sous le titre: Comparaison de l’édition de l’Histoire de Moïse de Khorène éditée à Venise, avec deux nouveaux manuscrits. Notre traduction présente donc toutes les garanties d’exactitude qu’on peut désirer. Nous avons donné aux chapitres de la compilation de Mar Apas Catina une suite régulière de numéros, en ayant soin de conserver entre parenthèse, à côté de chacun de ces chiffres, les numéros des chapitres de l’histoire de Moïse de Khorène; de cette façon, le lecteur n’éprouvera aucune difficulté à retrouver dans les éditions vénitiennes de cet écrivain les passages correspondants.

 


 

HISTOIRE ANCIENNE DE L’ARMÉNIE.

I. (Extrait de l’Histoire de Moïse de Khorène, Livre i, Chap. viii)

Qui a trouvé ces récits et d’où sont-ils tirés?

……………… Varlarsace[1] (Vagharschag) ayant disposé et réglé d’une manière grande et digne toutes les parties de sa puissance, et organisé son empire, voulut savoir quels étaient les princes qui, jusqu’à lui, avaient régné sur le pays des Arméniens; si enfin il tenait la place de princes généreux ou fainéants. Ayant trouvé un Syrien, Mar Apas Catina,[2] homme profond et très versé dans les lettres grecques et chaldéennes, il l’envoya avec de riches présents chez son frère séné Arsace (Arschag), en le priant de lui ouvrir les archives royales.

II. (Ch. ix.)

Lettre de Valarsace, roi des Arméniens, à Arsace le Grand, roi des Perses.

« A Arsace, souverain couronné de la terre et de la mer, toi, de qui la personne et l’image sont semblables à celles de nos dieux, dont la fortune et les destinées sont au-dessus de celles de tous les rois, dont les conceptions sont aussi vastes que l’étendue du ciel sur la terre, Valarsace, ton frère cadet et ton compagnon d’armes, par ta grâce roi des Arméniens, salut et victoire à toujours! L’ordre que tu m’as donné d’allier la sagesse à la vaillance, je ne l’ai jamais oublié; j’ai veillé sur tontes choses, autant que me l’ont permis mes forces et mon habileté. Maintenant que ce royaume est solidement établi par tes soins, il m’est venu l’esprit de connaître quels furent les princes qui avant moi ont régné sur le pays des Arméniens, et d’où viennent les satrapies qui y sont établies. Car ici, il n’y a point de règlements connus, ni de culte déterminé; on ne sait qui est l’homme le plus considérable du pays, et qui est le dernier. Rien n’est réglé; tout y est confus et à l’état sauvage.

Je supplie donc ta Majesté de faire ouvrir les archives royales à celui qui se présentera devant ta vaillante Majesté. Après avoir trouvé ce que désire ton frère, ton fils, il s’empressera de lui rapporter des documents authentiques. Notre satisfaction venue de l’heureux succès de nos désirs, est, je le sais, un sujet de joie pour toi. Salut, toi, illustré par ton séjour parmi les immortels. »

Arsace le Grand, ayant reçu la lettre des mains de Mar Apas Catina, ordonna avec plaisir et empressement de lui ouvrir les archives de Ninive;[3] heureux qu’une si noble pensée fut venue à son frère, auquel il avait remis la moitié de son empire. Mar Apas Catina, ayant examiné tous les manuscrits, en trouva un, en grec, sur lequel, dit-il, était cette suscription:

« Commencement du livre ».[4]

« Ce livre fut, par ordre d’Alexandre le Macédonien, traduit du chaldéen en grec,[5] et contient l’histoire des premiers ancêtres.[6]

Le commencement de ce livre traite, dit-il, de Zérouan, de Titan et de Japhétos; chacun des personnages célèbres des trois lignées de ces trois chefs de race y est inscrit par ordre, chacun à sa place, durant de longues années.

De ce livre, Mar Apas Catina, ayant extrait seulement l’histoire authentique de autre nation, la porta au roi Valarsace à Medzpine,[7] écrite en caractères grecs et syriens.[8] Valarsace le beau, habile à tirer l’arc, prince éloquent, ingénieux et subtil, estimant cette histoire comme l’objet le plus précieux de ses trésors, la place dans son propre palais, pour qu’elle y soit gardée en sûreté, et en fait graver une partie sur la pierre.

Ainsi, assuré de l’authenticité et de l’ordre des événements, nous les répétons ici pour satisfaire ta curiosité. L’histoire de nos satrapies y est prolongée jusqu’au Sardanapale des Chaldéens, et même au delà. Voici dans ce livre le commencement des récits:

« Terribles, extraordinaires étaient les premiers dieux, auteurs des plus grands biens dans le monde, principes de l’univers et de la multiplication des hommes. De ceux-ci se sépara la race des géants, doués d’une force terrible, invincibles, d’une taille colossale, qui, dans leur orgueil, coururent et enfantèrent le projet d’élever la tour. Déjà ils étaient à l’œuvre: un vent furieux et divin, soufflé par la colère des dieux, renverse l’édifice.[9] Les dieux, ayant donné à chacun de ces hommes un langage que les autres ne comprenaient pas, répandirent parmi eux la confusion et le trouble.[10] L’un de ces hommes était Haïg,[11] de la race de Japhétos, chef renommé, valeureux, puissant et habile à tirer l’arc. »

Un tel récit doit s’arrêter ici, car notre but n’est pas d’écrire l’histoire universelle, mais de nous efforcer de faire connaître nos premiers ancêtres, nos anciens et véritables aïeux. Or, en suivant ce livre, je dirai Japhétos, Mérod, Sirat, Taglat, c’est-à-dire Japhet, Gomer,[12] Thiras,[13] Thorgom; puis le même chroniqueur, poursuivant, mentionne Haïg, Àrménag[14] et les autres par ordre, comme nous l’avons dit plus haut.[15]

III. (Ch. x.)

De la rébellion de Haïg.

« Haïg, dit-il, célèbre par sa beauté, sa force, sa chevelure bouclée, par la vivacité de son regard, par la vigueur de son bras, prince valeureux et renommé entre les géants, s’opposa à tous ceux qui levaient une main dominatrice sur les géants et les héros. Dans son audace, il entreprit d’armer son bras contre la tyrannie de Bélus,[16] lorsque le genre humain se dispersa sur toute la terre, au milieu d’une masse de géants furieux, d’une force démesurée. Car chacun, poussé par sa frénésie, enfonçait le glaive dans le flanc de son compagnon; tous s’efforçaient de dominer les uns sur les autres. Cependant la fortune aida Bélus à se rendre maître de toute la terre. Haïg, refusant de lui obéir, après avoir engendré son fils Arménag à Babylone, s’en va au pays d’Ararat, situé du côté du Nord, avec ses fils, ses filles, les fils de ses fils, hommes vigoureux, au nombre d’environ trois cents, avec les fils de ses serviteurs, les étrangers qui s’étaient attachés à lui, et avec tout ce qu’il possédait, il s’arrêta auprès d’une montagne où quelques-uns des hommes, précédemment dispersés, avaient fait halte pour s’y fixer. Haïg les soumit à son autorité,[17] fonda en ce lieu un établissement, et le donna en apanage à Gatmos, fils d’Arménag. Ceci donne raison aux récits des anciennes traditions non écrites.[18]

Quant à Haïg, il s’en va, dit-il, avec le reste de sa suite au nord-ouest, s’établit sur une plaine élevée, appelée Hark (Pères),[19] ce qui veut dire: Ici habitèrent les Pères de la race de Thorgom.[20] Puis il bâtit un village qu’il appela Haïgaschen (construit par Haïg). L’histoire dit, encore « Au milieu de ce plateau, près d’une montagne à large base,[21] quelques hommes s’étaient déjà établis, et ils se soumirent volontairement au héros. Ceci donne encore raison aux anciennes traditions non écrites.

IV. (Ch. xi.)

De la guerre d’Haïg et de la mort de Bélus.

Poursuivant sa narration, (Mar Apas Catina) dit: « Bélus, ce Titan, ayant affermi sur tous sa domination, envoie dans le nord vers Haïg, un de ses fils, accompagné d’hommes fidèles, pour l’obliger à se soumettre à lui et à vivre en paix: — Tu t’es fixé, dit-il (à Haïg), au milieu des glaces et des frimas; réchauffe, adoucis l’âpreté glaciale de ton caractère hautain, et, soumis à mon autorité, vis tranquille là où il te plaît, sur toute la terre de mon empire. Mais Haïg, congédiant les envoyés de Bélus, répondit avec dédain et le messager retourna à Babylone.

Alors Bélus le Titan, rassemblant ses forces, marcha au nord, avec une nombreuse infanterie contre Haïg, et arriva au pays d’Ararat, non loin de l’habitation de Gatmos.[22] Celui-ci s’enfuit vers Haïg, et envoie en avant de rapides coureurs: — Sache, dit Gatmos, ô le plus grand des héros, que Bélus vient fondre sur toi avec ses braves immortels, ses guerriers à la taille élevée, et ses géants. En apprenant qu’ils approchaient de mon domaine, j’ai pris la fuite. Me voici, j’arrive en toute hâte; avise sans plus tarder à ce que tu dois faire.

Bélus, avec son armée audacieuse et imposante, pareil à un torrent impétueux qui se précipite du haut d’une montagne, se presse d’arriver sur les confins des possessions de Haïg. Bélus se confiait dans la valeur et la force de ses soldats, mais [Haïg], ce géant calme et réfléchi, à la chevelure bouclée, à l’œil vif, rassemble aussitôt ses fils et ses petits-fils, guerriers intrépides, habiles tireurs d’arc mais très peu nombreux, avec les autres hommes qui vivaient sous sa dépendance, et arrive au bord d’un lac dont les eaux salées nourrissent de petits poissons.[23] Là, haranguant ses troupes, il leur dit: — En marchant contre l’armée de Bélus, efforçons-nous d’arriver à l’endroit où il se tient entouré par la multitude de ses braves; si nous mourons, ce que nous possédons tombera aux mains de Bélus; si nous nous signalons par l’adresse de nos bras, nous disperserons son armée, et nous serons maîtres de la victoire.

Aussitôt, franchissant un large espace, les soldats de Haïg s’élancent dans une plaine située entre de très hautes montagnes, et se retranchèrent sur une hauteur, à droite d’un torrent. Alors levant les yeux, ils virent la masse confuse de l’armée de Bélus, courant çà et là avec une audace farouche, et dispersée sur toute la surface du pays. Cependant Bélus, tranquille et confiant, se tenait, avec une forte escorte, à la gauche du torrent, sur une éminence, commune dans un poste d’observation. Haïg reconnut le détachement où était Bélus en avant de ses troupes, avec des soldats d’élite et bien armés. Un large espace de terre le séparait de sa troupe. Bélus portait un casque de fer à la crinière flottante, une cuirasse d’airain qui lui garantissait le dos et la poitrine, des cuissards et des brassards; au côté gauche et fixée à la ceinture une épée à double tranchant; de la main droite, il portait une bonne lance et de la gauche un épais bouclier. A sa droite et à sa gauche se tenaient ses troupes d’élite. Haïg, voyant le Titan ainsi armé de toutes pièces, et flanqué des deux côtés d’une escorte choisie, place Arménag avec ses deux frères à sa droite, Gatmos et deux autres de ses fils à sa gauche, parce qu’ils étaient habiles à tirer l’arc et à manier l’épée; pour lui, se plaçant à l’avant-garde, il forma derrière lui en triangle ses autres troupes qu’il fit avancer doucement.

S’étant rapprochés de tous côtés les uns sur les autres, les géants, dans leur choc impétueux, faisaient retentir la terre d’un bruit épouvantable, et par la fureur de leurs attaques ils répandaient parmi eux la terreur et l’épouvante. Grand nombre de robustes géants, de part et d’autre, atteints par le glaive, tombaient renversés à terre; cependant des deux côtés la bataille restait indécise. A la vue d’une résistance aussi inattendue et pleine de dangers, le roi effrayé remonte sur la colline d’où il était descendu, car il croyait trouver un abri sûr au milieu des siens, jusqu’à ce qu’enfin, toute l’armée étant arrivée, il put recommencer l’attaque sur toute la ligne. Haïg, l’habile tireur d’arc, comprenant cette manœuvre, se place en face du roi, bande son arc à la large courbure, décoche une flèche munie de trois ailes, droit à la poitrine de Bélus, et le trait, le traversant de part en part, sort par le dos, et il tombe à terre. C’est ainsi que le fier Titan, abattu et renversé, expire. Ses troupes, à la vue de ce terrible exploit, prennent la fuite, sans qu’aucun se retournât en arrière. » Mais assez sur ce sujet.

Haïg couvre de constructions le champ de bataille et lui donne le nom d’Haïk, à cause de la victoire remportée; d’où le canton encore à présent s’appelle Haïotz-tzor (vallée des Arméniens).[24] La colline où Bélus succomba avec ses braves guerriers fût nommée par Haïg Kérez-mank (les tombeaux), et l’on dit encore à présent Kérezmank.[25] Le corps de Bélus étant peint de divers couleurs, dit [Mar Apas Catina], Haïg le fit transporter à Hark, et enterrer sur une hauteur à la vue de ses femmes et de ses fils. Or notre pays est appelé Haïk, du nom de notre ancêtre Haïg.

V. (Ch. xii.)

Races et familles issues de Haïg. Faits et gestes de chacun de ses descendants.

Après ces événements, une foule de faits sont racontés dans ce livre; mais nous n’inscrirons ici que ce qui est nécessaire à notre histoire.

« Après cette expédition, Haïg, dit [Mar Apas Catina], retourna à sa même habitation, et donna à Gatmos, son petit-fils, une grande partie du butin fait à la guerre, ainsi que plusieurs des plus braves de ses gens; puis il lui ordonna de demeurer dans son séjour primitif. Ensuite Haïg, s’en étant allé, s’arrêta au lieu appelé Hark. Il avait engendré son fils Arménag à Babylone, ainsi que nous l’avons dit plus haut; après quoi, ayant vécu encore de longues années, il meurt, laissant a Arménag le gouvernement de la nation tout entière.[26]

Arménag laisse deux de ses frères, Rhor et Manavaz avec toute leur suite, au lieu appelé Hark, ainsi que Paz, fils de Manavaz. Celui-ci reçut Hark en apanage; son fils eut en partage au nord-ouest le littoral de la mer salée, qu’il appelle de son propre nom, ainsi que le canton. De Manavaz et de Paz sont issus, dit-on, les familles satrapales des Manavazian, des Peznouni, des Ouortouni[27] qui, après saint Tiridate (Dertad), se sont détruites, assure-t-on, l’une l’autre dans les combats.[28] Khor multiplie au nord et fonde des villages. De lui est issue la grande satrapie de la race des Khorkhorouni, hommes braves et renommés, comme le sont encore leurs descendants actuels.[29]

Arménag, emmenant avec lui toute la multitude des siens, se dirige au nord-est, arrive et débouche dans une plaine encaissée, entourée de hautes montagnes, traversée par des fleuves impétueux venant de l’ouest; cette plaine, située à l’est, s’étend au loin sous les rayons du soleil. Au pied des montagnes jaillissent quantité de sources limpides qui, réunies en fleuves à leurs confins, à la naissance des montagnes, au bord de la plaine, jeunes encore, se promènent comme des jeunes filles. Mais la montagne au sud, qui regarde le soleil, — avec son sommet neigeux, s’élevant à pic, qui ne peut être atteint en moins de trois jours par un voyageur muni d’une bonne ceinture, à ce que rapporte un des nôtres, — se termine doucement en pointe; c’est véritablement une vieille montagne au milieu de montagnes d’une formation plus récente. Dans cette plaine profonde, Arménag s’établit; il couvre d’édifices une partie de ce séjour du côté du nord, et nomme, conformément à son nom, le pied de la montagne du même côté: Arakadz,[30] et ses domaines: le pied d’Arakadz.[31]

Le même historien raconte ce fait merveilleux, que sur beaucoup de points se trouvaient établis des hommes, dispersés çà et là dans notre pays, avant l’arrivée de notre ancêtre Haïg.

Cet Arménag engendra Armaïs, et, ayant encore vécu un grand nombre d’années, il mourut. Son fils Armaïs construisit son habitation sur une colline au bord du fleuve et, de son nom, la nomma Armavir;[32] et du nom de son petit-fils Arasd, il appela le fleuve, Eraskh.[33] Son fils Schara multipliait et mangeait beaucoup; il l’envoya avec toute sa suite dans une plaine voisine, très fertile, arrosée par beaucoup de cours d’eau, derrière le nord de la montagne, et appelée Arakada. On dit que du nom de Schara, le canton est appelé Schirag.[34] Ainsi s’explique le proverbe en usage chez les villageois, disant:

Si tu as le gosier de Schaja,

Nous n’avons pas les greniers de Schirag.

Cet Armaïs engendra son fils Amasia, et mourut après avoir encore vécu de longues années.

Amasia, établi à Armavir, engendre Kégham; après Kégham, le valeureux Parokh[35] et Tzolag;[36] puis passant le fleuve, il s’en va à la montagne du midi, au pied de laquelle il établit à grands frais, dans la vallée, deux habitations; l’une à l’orient près des sources qui jaillissent à la base de la montagne, l’autre à l’ouest de celle-ci, distante d’une bonne demi-journée de marche à pied. Il donna en apanage ces deux habitations à ses fils, le valeureux Parokh et Tzolag à l’œil flamboyant, ceux-ci, en s’y fixant, appelèrent ces lieux de leur propre nom, Parakhod,[37] du nom de Parokh, et Tzolaguerd,[38] de celui de Tzolag. Amasia nomma la montagne de son propre nom, Massis; puis étant retourné à Armavir, il vécut seulement quelques années et mourut.

Kégham engendra Harma à Armavir, et l’y laissant avec les siens, il s’en alla vers l’autre montagne au nord-est, sur les bords d’un lac,[39] y bâtit sur les rives et y laissa des habitants. Il appela la montagne de son nom Kégh, et les villages Kéghakouni,[40] ainsi que la mer qui porte aussi cette appellation. Dans cet endroit, il engendra son fils Sissag, personnage renommé par sa noble fierté, sa force, sa beauté, son éloquence et son adresse à tirer l’arc. Il lui remit une grande partie de ses biens, beaucoup d’esclaves, et lui donna en apanage tout le pays depuis la mer à l’orient jusqu’à une grande plaine où le fleuve Eraskh, après s’être frayé un lit dans les cavernes des montagnes, avoir traversé des vallées boisées et franchi des gorges étroites, descend dans la plaine avec un bruit effrayant. Là, Sissag, ayant fait halte, couvre de constructions le sol de son domaine, et appelle le pays de son nom, Siunik, usais les Perses le dénommèrent plus exactement Sissagan.[41] Valarsace, premier roi parthe d’Arménie, ayant rencontré là des hommes célèbres, de la descendance de Sissag, les institue seigneurs du pays; c’est la race de Sissagan. Ce que fit Valarsace, d’après le sens précis de l’histoire, et comment il s’y prit? nous le raconterons en son temps.[42]

Kégham retourne à la plaine au pied de la montagne, et dans un vallon escarpé, il bâtit lui-même un village, qu’il appelle de son nom Kéghami, et qui, dans la suite, fut nommé Karni[43] par son petit-fils Karnig. De sa descendance était issu, à l’époque d’Ardaschès petit-fils de Valarsace, un jeune homme appelé Varj,[44] adroit à la chasse des cerfs, des chèvres sauvages et des sangliers, habile à lancer le javelot; Ardaschès l’institue gardien des chasses royales, et lui donne des villages sur les bords du fleuve appelé Hraztan.[45] On dit que c’est de lui qu’est issue la maison des Varajnouni.[46] Kégham, comme nous l’avons rapporté, engendra Harma et d’autres enfants; puis il mourut, en enjoignant à son fils Harma de résider à Armavir.

Tel est cet Haïg, fils de Thorgom, fils de Thiras, fils de Gomer, fils de Japhet, ancêtre des Haïasdani (Arméniens); tels sont ses races, ses descendances, et l’endroit de son séjour. Dès lors, dit [Mar Apas Catina], sa postérité commença à se multiplier et à remplir le pays.

Harma engendra Aman sur le compte duquel on raconte une foule d’actions d’éclat, d’actes de valeur dans les combats, et qui étendit de tous les côtés Le territoire des Arméniens. C’est de son nom que tous les peuples appellent notre pays les Grecs, Armen,[47] les Perses et les Syriens, Armeni. Mais pour ce qui est de rapporter son histoire tout entière, ses actes de courage, de dire le quand et le comment, nous le ferons, si tu veux, dans un autre ouvrage; ou bien nous laisserons de côté ces particularités, ou bien encore nous les noterons ici.

VI. (Ch. xiii.)

Guerre dAram contre les orientaux; sa victoire. Mort de Nioukar Matès.

Puisqu’il nous a paru (agréable) de regarder le travail entrepris par ta volonté, comme une source de jouissances plus grandes que ne le sont, pour les autres, les somptueux festins, avec leurs mets et leurs vins, nous avons voulu rappeler en peu de mots les combats d’Aram le Haïcien. Ce guerrier, ami des labeurs et de sa patrie, comme nous le montre le même historien, eût préféré mourir pour son pays, que de voir les fils de l’étranger fouler le sol natal, et commander à ses compatriotes et à ses frères.

Aram, peu d’années avant l’avènement de Ninus en Assyrie, à Ninive, inquiété par les nations voisines, rassemble toute la multitude de ses braves guerriers, habiles à manier l’arc et à lancer le javelot, jeunes, nobles, doués d’une grande adresse et d’une beauté remarquable, troupe qui, pour le courage et dans l’action, valait autant que cinquante mille hommes. Aram rencontre sur les confins de l’Arménie la jeunesse des Mèdes, sous la conduite de Nioukar, surnommé Matès, guerrier orgueilleux et vaillant, comme nous le montre le même historien. Déjà à l’exemple des Kouschans,[48] Matés, imposant son joug à l’Arménie, la tient esclave pendant deux années. Avant le lever du soleil, Aram, fondant sur lui à l’improviste, extermina toute la multitude de son armée. Quant à Nioukar, appelé Matès, Aram, l’ayant fait prisonnier, le conduit à Armavir, et là, au sommet de la tour des murailles, le front traversé avec un long clou de fer, Nioukar est fixé au mur, par ordre d’Aram, à la vue de tous les spectateurs qui étaient venus là, et des passants. Tout son pays jusqu’a la montagne appelée Zarasb, est soumise au tribut, jusqu’au règne de Ninus en Assyrie et à Ninive.

Cependant, Ninus devenu roi de Ninive, nourrissait dans son cœur un souvenir de haine, à cause de son ancêtre Bélus, car il connaissait le passé par la tradition. Il songeait depuis de longues années aux moyens de se venger, épiant le moment d’exterminer et d’anéantir jusqu’au dernier rejeton, toute la race des fils du brave Haïg. Mais la crainte de se voir lui-même dépouillé de son royaume, en exécutant un tel projet, le retint. Il cache ses perfides desseins, et ordonne à Aram de conserver la puissance sans inquiétude, lui accorde le droit de porter le bandeau de perles, et le nomme son second. Mais c’est assez; car notre but en ce moment ne nous permet pas de nous étendre sur cette histoire.

VII. (Ch. xiv.)

Contestations d’Aram avec les Assyriens sa victoire. Baïabis Kaghia. Césarée.

Arménie Première et autres contrées du même nom.

Nous raconterons brièvement les grands faits d’Aram, ses actions glorieuses en Occident, rapportées dans le livre, ses différends avec les Assyriens, en signalant seulement les causes et l’importance des événements, et en montrant rapidement ce que l’historien raconte avec de longs détails.

Ce même Aram, après avoir terminé sa guerre contre l’Orient, marche avec les mêmes troupes en Assyrie. Il y trouve un homme qui ruinait sa patrie avec quarante mille fantassins et cinq mille cavaliers; il était de la race des géants et avait nom Parscham. A force d’opprimer le pays, de l’accabler d’impôts, il changeait en désert toute la contrée d’alentour. Aram lui livre bataille, le jette, fugitif, au milieu du pays des Gortouk,[49] dans la plaine d’Assyrie, et extermine un grand nombre d’ennemis. Parscham mourut sous les coups des soldats d’Aram. Déifié à cause de ses nombreux exploits, (Parscham) fut adoré longtemps par les Syriens.[50] Une grande partie des plaines de l’Assyrie devint, pendant de longues années, tributaire d’Aram.

Il nous faut parler maintenant des prodiges de valeur qu’Aram fit en Occident contre les Titans. Il marche ensuite sur l’Occident, avec quarante mille fantassins et deux mille cavaliers, arrive en Cappadoce, dans un endroit appelé aujourd’hui Césarée.[51] Comme il avait soumis l’Orient et le midi et qu’il en avait confié la garde à deux familles, l’Orient à celle des Sissagan et l’Assyrie à ceux de la maison de Gatmos, il n’avait plus dès lors aucune crainte de troubles.

Pour cela, Aram s’arrête longtemps en Occident. Baïabis Kaghia[52] lui livre bataille; ce Titan occupait tout le pays situé entre les deux grandes mers, le Pont et l’Océan.[53] Aram fond sur lui, le défait, le refoule jusque dans une île de la mer asiatique. Puis laissant un de ses parents, nommé Mschag,[54] avec dix mille hommes de ses troupes pour garder le pays, il retourne en Arménie.

Aram enjoint aux habitants du pays d’apprendre à parler la langue arménienne, c’est pourquoi jusqu’à ce jour, ils appellent cette contrée

Proton Armenia,[55] qu’on traduit par Première Arménie.[56] Le village que le gouverneur établi par Aram, et qui s’appelait Mschag, fonda et entoura de petites murailles, et auquel il donna son nom, les anciens habitants du pays le nommaient Majak, ne pouvant bien prononcer; jusqu’à ce qu’ensuite agrandi par d’autres, ce village fut nommé Césarée. C’est ainsi qu’Aram, depuis ces lieux jusqu’a son propre empire, remplit d’habitants beaucoup de contrées désertes, et le pays fut nommé la Deuxième, la Troisième et même la Quatrième Arménie.[57] Voilà la première et la véritable raison d’appeler les parties occidentales de notre pays, Première, Seconde, Troisième et Quatrième Arménie. Et ce que disent certaines personnes de l’Arménie grecque, ne nous plaît aucunement que les autres fassent à leur guise!

Le nom d’Aram est tellement puissant et renommé jusqu’à ce jour, comme tout le monde le sait, que les nations qui nous entourent, le donnent à notre pays. On raconte d’Aram bien d’autres actions d’éclat; mais nous en avons dit assez sur ce sujet.

Mais pourquoi ces faits ne furent-ils pas consignés dans les livres des rois et des temples[58]?

Cependant que personne ne conçoive à cet égard ni doute, ni suspicion. Car premièrement, Aram est antérieur au règne de Ninus, époque où personne ne se préoccupait de tels soins; et deuxièmement, les peuples ne sentaient ni l’utilité, ni le besoin, ni l’intérêt de s’occuper des nations étrangères, des pays lointains, de recueillir les anciennes traditions, et les récits des premiers âges dans les livres de leurs rois ou de leurs temples; d’autant plus que la valeur et les exploits des peuples étrangers n’étaient pas pour eux un motif de vanité ou d’orgueil. Et, bien que non consignés dans leurs propres livres, ces faits, comme le raconte Mar Apas Catina, ont été extraits des ballades et des chants populaires, composés par quelques obscurs écrivains, et se trouvent réunis dans les archives royales. Il y a une autre raison, dit-il encore, c’est que, comme je l’ai appris, Ninus, homme imprudent et égoïste, voulant se donner comme le principe unique, le premier auteur de toute conquête, de toute qualité et de toute perfection, fit brûler quantité de livres d’annales des premiers âges qui se conservaient dans différents endroits et relataient les actes de bravoure de tels ou tels personnages; il fit également détruire les annales relatives à son époque, exigeant que l’histoire n’écrive que pour lui seul. Mais il est superflu de répéter tout ceci,

Aram engendra Ara; puis ayant encore vécu de longues années, il mourut.

VIII. (Ch. xv.)

Ara. Sa mort dans une guerre suscitée par Sémiramis.

Ara, peu d’années avant la mort de Ninus, obtint le gouvernement de sa patrie, jugé digne d’une telle faveur par Ninus, comme (antérieurement) son père Aram. Mais l’impudique et voluptueuse Sémiramis (Schamiram),[59] ayant entendu parler depuis longues années de la beauté d’Ara, brûlait du désir de satisfaire sa passion; cependant elle ne pouvait agir ouvertement. Mais après la mort, ou plutôt après la fuite de Ninus en Crète, comme je le crois, Sémiramis mûrissant en sûreté sa passion, envoie des messagers au bel Ara, avec de riches cadeaux, accompagnés d’instantes prières, de promesses magnifiques, pour l’engager à venir la trouver à Ninive, à l’épouser et à régner sur tout l’empire de Ninus, ou seulement à satisfaire son ardente passion, et à retourner ensuite en paix dans ses propres états, comblé de présents.

Déjà les ambassades s’étaient succédé sans interruption, et Ara refusait toujours. Alors Sémiramis, furieuse du mauvais résultat de ses messages, lève toute la multitude de ses troupes, se hâte d’arriver sur le territoire des Arméniens, et de fondre sur Ara. Mais il était évident que ce n’était pas tant pour tuer Ara ou le mettre en déroute, qu’elle se hâtait ainsi, que pour le subjuguer, s’emparer de lui pour satisfaire ses passions; car devenue folle d’amour au seul portrait qu’elle avait entendu faire d’Ara, comme si elle l’eût vu, elle brûlait de feux dévorants. Elle accourt en se précipitant dans la plaine d’Ara, appelée de son nom Ararat. Au moment d’engager le combat, elle ordonne à ses généraux de faire en sorte, s’il est possible, d’épargner la vie d’Ara. Mais au fort de la mêlée, l’armée d’Ara est mise en pièces, et il meurt dans l’action, frappé par les soldats de Sémiramis. La reine envoie après la victoire sur le lieu du combat ceux qui dépouillent les cadavres, afin de chercher parmi les morts l’objet de son amour. Ara fut trouvé sans vie au milieu de ses braves compagnons d’armes. Sémiramis le fait placer sur la terrasse de son palais.

Cependant, comme les troupes arméniennes se ranimaient au combat contre la reine Sémiramis, pour venger la mort d’Ara; elle dit: — « J’ai ordonné à mes dieux, de lécher les plaies d’Ara,[60] et il reviendra à la vie. — Elle espérait par la vertu de ses maléfices ressusciter Ara, tant la fureur de sa passion avait égaré sa raison.

Mais quand le cadavre fut en putréfaction, elle le fit jeter [par ses serviteurs[61]] dans une fosse profonde pour le dérober ainsi à la vue de tous. Puis ayant travesti en secret un de ses amants, elle publie sur Ara la nouvelle suivante: — Les dieux, en léchant les plaies d’Ara, l’ont rendu à la vie, et ont ainsi comblé nos vœux les plus chers; aussi dorénavant ils doivent encore être davantage adorés et glorifiés par nous, comme les auteurs de notre félicité et de l’accomplissement de nos désirs. — Sémiramis érige une nouvelle statue aux dieux,[62] lui offre des sacrifices, comme si la puissance de ces dieux avait sauvé Ara.[63] A l’aide de ces bruits répandus en Arménie touchant Ara, Sémiramis persuada tons les esprits et fit cesser la guerre.

En ce qui regarde Ara, il suffit de le rappeler en ce peu de mots: ayant vécu ………………[64] années, Ara engendra Gartos.[65]

IX. (Ch. xvi.)

Comment après la mort d’Ara, Sémiramis bâtit la ville, la chaussée du fleuve[66] et son palais.

Après ces succès, Sémiramis, s’étant arrêtée peu de jours dans la plaine appelée Ararat, du nom d’Ara, passe au sud de la montagne, car on était alors en été, pour se promener dans les vallons et les campagnes en fleurs. En voyant la beauté du pays, la pureté de l’air, les sources limpides qui jaillissent de toutes parts, le cours majestueux des fleuves au doux murmure: — « Il nous faut, dit-elle, dans un pays où le climat est si tempéré et l’eau si pure, fonder une ville, une demeure royale pour résider [ici[67]] en Arménie, au milieu de toutes les délices, la quatrième partie de l’année; les trois autres saisons plus froides, nous les passerons à Ninive. »

Sémiramis, ayant visité beaucoup de sites, arrive du côté oriental, sur le bord du lac salé;[68] elle voit sur ces bords une colline oblongue, exposée dans sa longueur au couchant; un peu oblique au nord; au midi une grotte s’élevant droit et perpendiculairement vers le ciel; à peu de distance au sud, une vallée plate, confinant à l’orient avec la montagne, et qui, en s’allongeant vers le lac, s’élargit et prend un aspect grandiose. A travers ces lieux, des eaux tombant de la montagne dans les ravins et les vallées, réunies à la large base des montagnes, devenaient de véritables fleuves. A droite et à gauche des eaux, s’élevaient dans cette vallée de nombreux villages; et à l’est de cette riante colline, se dressait une petite montagne.

Ici, l’active et impudique Sémiramis, ayant tout examiné en détail, fit aussitôt venir de l’Assyrie et des autres parties de son empire, et rassembler en ce lieu douze mille ouvriers et six mille maîtres de tout état, pour travailler le bois, la pierre, le bronze et le fer, tous très habiles dans leur art. Tout s’exécutait selon les ordres de la reine. On voyait accourir en hâte des ouvriers et des maîtres de tout état. Sémiramis fait d’abord construire la chaussée du fleuve, avec des blocs de rochers, liés entre eux avec de la chaux et du sable [fin[69]], œuvre gigantesque pour l’étendue et la hauteur et qui existe, à ce que l’on dit, encore à présent.[70] Dans les fentes de cette chaussée, nous le savons par ouï-dire, les voleurs et les vagabonds du pays y cherchent un refuge et s’y eschent en sureté comme sur les cimes désertes des montagnes Si quelqu’un veut en faire l’expérience, il ne pourra pas même, en employant toutes ses forces, détacher de cette construction une pierre de fronde; en examinant la parfaite liaison des pierres, on croirais que la cimentation a été faite avec de la cire coulée. Cette chaussée, longue de plusieurs stades, va jusqu’à la ville.

La reine fait ranger cette multitude de travailleurs en plusieurs classes, et donne pour chef à chacune le meilleur des artisans. Ainsi à force de fatigues continuelles, elle achève en peu d’années ces merveilleuses constructions, qu’elle entoure de fortes murailles avec des portes d’airain. Elle bâtit aussi dans la ville de nombreux et magnifiques palais, ornés de différentes pierres de diverses couleurs, élevés de deux ou trois étages, chacun, comme il convient, exposé au soleil. Elle distingue par de belles couleurs les quartiers de la ville, les divise par de larges rues; elle construit, selon les besoins, des thermes au milieu de la ville, avec un art admirable. Distribuant dans la cité une partie des eaux du fleuve, elle les amène partout où il en est besoin, et aussi pour l’arrosement des jardins et des parterres. Quant à l’autre portion des eaux, près des bords du lac à droite et à gauche, elle les destine aux usages de la ville et de tous les environs. Toutes les parties de la ville, à l’est, au nord et au sud, sont décorées par elle de beaux édifices, d’arbres touffus, produisant des fruits et des feuillages différents; elle plante aussi quantité de vignes dans les terrains fertiles en vins. Elle rend de tous côtés magnifique et splendide la portion de la ville entourée de murailles, et y fait entrer une immense population.

Quant à l’extrémité de la ville et aux merveilleux édifices qui s’y trouvent, bien des gens ignorent l’état des choses; il est donc impossible d’en faire la description. Sémiramis garnit le sommet des murailles, ouvre des entrées d’un accès difficile, et élève un palais royal, avec de terribles oubliettes. Le dessin et le plan d’un semblable édifice ne nous ont été transmis par personne avec vérité, aussi nous ne croyons pas opportun d’en parler dans cette histoire. Nous dirons seulement, que de tous les ouvrages royaux, comme nous l’avons appris, c’est le premier et le plus splendide.

Sur le côté oriental de la grotte, là où actuellement on ne peut tracer un seul trait avec la pointe, tant la pierre en est dure, on a creusé des palais, des chambres, des caveaux pour mettre les trésors et de longues galeries.[71] Personne ne sait comment ces merveilleuses constructions ont pu s’élever. Sur toute la surface de la pierre, comme sur de la cire, avec une pointe, sont tracés beaucoup de caractères.[72] Or, la vue d’un semblable prodige jette tout le monde dans l’étonnement; mais assez sur ce sujet. Dans beaucoup d’autres cantons de l’Arménie, la reine fit graver sur la pierre le souvenir de quelque événement; sur beaucoup de points, elle fit dresser des stèles avec des inscriptions tracées de même.[73] Mais, en voici assez sur les travaux exécutés en Arménie par Sémiramis.

X. (Ch. xvii.)

De Sémiramis; pourquoi elle fit périr ses enfants?

Comment s’enfuit-elle en Arménie pour échapper au mage Zoroastre?

Elle est tuée par son fils Ninyas.

La reine, voulant toujours aller passer l’été dans le nord, dans la ville qu’elle avait fondée en Arménie, laissa comme gouverneur de l’Assyrie et de Ninive Zoroastre (Zrataschd) mage et chef religieux des Mèdes (Mar); pendant longtemps les choses étant ainsi réglées, Sémiramis remit tout le pouvoir aux mains de Zoroastre.

Souvent reprise par ses enfants à propos de sa conduite déréglée et par trop voluptueuse, la reine les fit tous périr, à l’exception de Ninyas, le plus jeune. Dans son amour pour ses favoris, elle leur[74] remet son pouvoir souverain, ses trésors, et ne prend aucun soin de ses fils. Ninus, son mari, n’était pas mort; et ne fut pas enterré, comme on le dit, par ses soins, dans le palais, à Ninive; mais voyant la corruption de sa perfide épouse, il abandonna l’empire et se réfugia en Crète (Ondé). Ses fils, devenus grands, reprochent à leur mère sa conduite, croyant la faire rougir de ses vices, de ses méfaits diaboliques, et la déterminer à leur céder le pouvoir et ses trésors. La reine devint plus furieuse encore et les fit tous mourir. Ninyas fut seul épargné, comme nous l’avons dit plus haut.

Par suite des torts de Zoroastre envers la reine et de leur querelle, Sémiramis prend les armes contre lui, car il songeait à établir partout sa tyrannie. Au fort du combat, Sémiramis s’enfuit devant Zoroastre, et gagne l’Arménie. Ninyas trouve le moment opportun pour se venger; il tue sa mère, et règne sur l’Assyrie et Ninive. Nous avons dit la cause et les circonstances de la mort de Sémiramis.[75]

XI. (Ch. xviii.)

Première guerre de Sémiramis dans les Indes, puis sa mort en Arménie.

J’ai en vue Céphalion,[76] pour ne pas m’exposer à être un sujet de risée; il parle d’après d’autres écrivains, d’abord de la naissance de Sémiramis,[77] ensuite de sa guerre dans les Indes.[78] Mais les faits qui résultent de l’examen que fit Mar Apas Catina, dans les livres chaldéens, nous ont paru plus certains que toutes ces particularités; car il parle avec savoir et il expose les causes de la guerre. Ajoutons encore que les fables[79] de notre pays donnent raison au savant syrien, en disant qu’ici (en Arménie) eurent lieu la mort de Sémiramis, sa fuite à pied, sa soif ardente, ses recherches pour avoir de l’eau, son empressement à se désaltérer, et à l’arrivée des soldats armés de glaives, le jet du talisman dans la mer,[80] d’où est venu ce chant: Les perles de Sémiramis dans la mer. Aimes-tu les fables? Ecoute celle-ci: « Sémiramis changée en pierre, bien avant Niobé. » Assez sur ce sujet, occupons-nous des faits postérieurs.

XII. (Ch. xix.)

Evénements qui eurent lieu après la mort de Sémiramis.

Je veux dans cet ouvrage te montrer tous les événements avec ordre, les ancêtres les plus renommés de la nation, toutes les traditions qui les concernent, chacun de leurs faits et gestes, en omettant toutes les choses imaginaires ou inconvenantes dans nos récits, et en racontant ce qui se trouve dans les livres, et notamment dans les discours des hommes sages et profonds, d’où nous avons précisément cherché à rassembler et à extraire les documents de notre antiquité. Et nous dirons dans cette histoire, nous nous sommes attaché à la justice et à la vérité, aussi bien par inspiration que par conviction. C’est avec de telles dispositions qu’est faite notre compilation, Dieu le sait! louable ou blâmable aux yeux des hommes, leur jugement importe peu; mais l’uniformité de notre récit, la suite régulière des personnages, sont une garantie suffisante de l’exactitude de nos recherches. Ceci posé, certain ou presque assuré de la vérité, je commencerai par t’exposer les faits postérieurs, en suivant l’ordre historique.

Or, après la mort de Sémiramis, tuée par son fils Zamassis,[81] c’est-à-dire Ninyas, né après le meurtre d’Ara, nous savons avec certitude l’ordre des faits. Ninyas règne, après avoir fait périr sa mère voluptueuse, et vit en paix. Sous Ninyas, Abraham termina ses jours.


 

Comparaison de la généalogie de notre nation avec celle des Hébreux, des Chaldéens,

 jusqu’à Sardanapale, appelé Tonos-Concholéros.[82]

Hébreux.                    Chaldéens.                      Arméniens.

Abraham.                 Ninyas                          Aram

Isaac.                        Arios[83]                         Ara

Jacob.                       Aralios                         Ara

qui était fils de notre Ara, appelé Ara par Sémiramis qui lui confie le gouvernement de notre pays.

Levi                         Sosarès[84]                      Anouschavan

Cahat                       Xerxès                          Bared

Amram                    Galéos                         Arpag

Moïse                       Armamithrès[85]              Zavan

Josué                        Bélochus                       Parnas

Depuis Josué, ce n’est plus par ordre de filiation, mais de prééminence, que tous descendent d’Abraham. Défaits par Josué, les Cananéens, fuyant leur exterminateur,[86] passèrent en Afrique (Akras),[87] naviguant sur Tharsis, événement constaté par une inscription gravée sur des stèles en Afrique, et qui se conserve jusqu’à présent. Voici ce qu’elle rapporte en propres termes

Mis en fuite par le brigand Josué,

nous, les chefs des Cananéens,

sommes venus habiter ici.

Un de ces chefs était notre illustre Cananitas, en Arménie. Tout bien examiné, nous avons trouvé que la descendance des Kentouni provient de lui, sans aucun doute.[88] Le caractère de ces derniers démontre bien qu’ils sont Cananéens.

Gotoniel.                  Altadas.                        Sour.[89]

Avod.                       Mamithus.                    Havanag.

Barac.                       Macaléus.                      Vaschdag.

Gédéon.                   Sphœrus.                      Haïgag.

Mamylus.

Sparethus.

Ascatades.

Amyntas.

Bélochus.

Haïgag qui vivait, à ce que l’on dit, sous Bélochus, périt dans une émeute follement soulevée par lui.

Abiméleck.                Balatorès.                      Ambag.

Thola.                       Lampridis.                    Arnag.

Jaïr.                          Sosarès.                        Schavarsch.

Jephté.                      Lamparès.                    Noraïr.

Eséphon.                  Panyas.                         Vsdasgar.[90]

Aglon.                      Sosarmus.[91]                   Korag.

Labdon.                   Mithrœus.                     Hrand.[92]

Samson.                    Teutamus.[93]                   Entzak.

Hébreux.                    Chaldéens.                       Arméniens.

Héli.                                                            Kéghag.

Samuel.                                                        Horo.

Saül.                                                            Zarmaïr.

David,[94] et ainsi de suite.

Zarmaïr, envoyé au secours de Priam par Teutamus avec une armée d’Ethiopiens, meurt de la main des braves Hellènes.[95]

Chaldéens.                      Arméniens.

Teutéus.                       Herdj.

Tineus.                         Arpoun.

Dercylus.                      Pazoug.

Eupalmeus.                  Ho.

Laosthenès.                   Housag.

Priétiadès.                     Gaibag.

Ophrateus.                   Sgaïorti (fils de géant).

Opliratonès.

Acrazanès.

Sardanapale.

 

XIII. (Ch. xx.)

Ara, fils d’Ara. Son fils Anouschavan, surnommé Sos.

Sémiramis, en souvenir de sa première passion pour le bel Ara, appelle Ara le fils né de lui et de sa femme bien-aimée Nouart, et qui était âgé d’environ douze ans à la mort d’Ara.[96] Sémiramis, pleine de confiance en ce prince, l’investit du gouvernement de notre pays. Ara meurt, à ce que l’on dit, dans la guerre contre Sémiramis.

Voici l’ordre des événements postérieurs: Ara fils d’Ara meurt dans la guerre contre Sémiramis, laissant un fils, appelé Anouschavan, très puissant et très capable dans l’action et dans le conseil. Il était surnommé Sos (peuplier argentifère),[97] car il était voué aux fonctions sacerdotales, dans les forêts de peupliers d’Aramaniag, à Armavir. Le tremblement des feuilles de peuplier, au souffle léger ou violent de l’air, était l’objet d’une science magique en Arménie et le fut longtemps.

Cet Anouschavan, ayant à souffrir pendant de longues années le mépris de Zamassis, languissait à la cour. Aidé par ses partisans, il réussit à obtenir le gouvernement d’une partie du pays, moyennant tribut, ensuite du pays tout entier.[98] Mais ce serait trop de rapporter dans cette histoire tout ce qui est digne d’être rappelé, les paroles, les faits et les entreprises.

XIV. (Ch. xxi.)

Barouïr fils de Sgaïorti est le premier roi couronné en Arménie. Il aide Varbace le Mède à s‘emparer du royaume de Sardanapale.

Laissant de côté les faits les moins considérables, nous dirons ce qui est le plus important. Le dernier de ceux qui vécurent sous l’empire des Assyriens, depuis Sémiramis ou depuis Ninus, est, je le dis, notre Barouïr, contemporain de Sardanapale.[99] Aidé puissamment par Varbace le Mède,[100] il ravit le royaume de Sardanapale. A présent j’éprouve du bonheur et de la joie en arrivant au véritable ancêtre de notre nation,[101] dont les descendants furent élevés au rang de roi; aussi nous avons une grande tâche à accomplir, bien des sujets à traiter. Nous avons cru de notre devoir de lire les preuves de ces faits dans quatre livres composés par cet homme sage et éloquent, le plus sage d’entre les sages.[102]

Varbace, d’un canton de la Médie, à la pointe extrême de la province la plus fortifiée, homme d’une grande astuce, célèbre dans les combats, voyant la vie efféminée et la mollesse voluptueuse du faible et vil Concholéros,[103] gagne par sa conduite, par ses largesses, beaucoup de partisans, parmi les personnages braves et puissants qui alors soutenaient avec dignité et une grande fermeté l’empire d’Assyrie. Il se concilie l’amitié de notre brave satrape Barouïr, lui promettant la couronne et tout l’éclat de la royauté; il s’attache aussi un grand nombre de vaillants guerriers habiles à manier le javelot, l’arc et le glaive. Varbace, s’emparant de cette manière des Etats de Sardanapale, commande à l’Assyrie et à Ninive; mais il y établit des gouverneurs et transporte aux Mèdes l’empire des Assyriens.

Si ces faits, chez les autres historiens, sont rapportés différemment,[104] ne t’en étonne pas; car comme plus haut, dans les premiers chapitres,[105] nous avons blâmé les usages de nos premiers ancêtres qui ne prenaient aucun souci de la science, il arrive encore ici la même chose. Les faits et gestes du père de Nabuchodonosor ont été consignés dans les annales et les registres de ses inspecteurs des mémoriaux;[106] or nos princes n’ayant pas songé à faire de même, il n’y a eu de transcrit que les faits accomplis dans les derniers temps. Si on demande: où donc avons-nous trouvé les noms, les faits et gestes de beaucoup de nos ancêtres? je répondrai: « dans les anciennes archives des Chaldéens, des Assyriens, des Perses[107] à cause de la mention faite dans les écrits royaux des noms et des actes de nos aïeux comme chefs de l’administration, chargés par les rois du gouvernement général. »

XV. (Ch. xxii.)

Suite de nos rois. Leur nombre de père en fils.

Je vais compter nos grands hommes, surtout les rois, jusqu’à l’empire des Parthes, parce qu’ils me sont chers ces descendants de notre monarque couronné, comme mes compatriotes, mes proches et mes frères. Comme il m’eût été doux, si le Sauveur (Pergnitch) fut alors venu me racheter, d’entrer dans le monde sous de tels monarques, de jouir du bonheur de les voir et d’échapper aux dangers du temps présent[108] ! Mais ce sort heureux, cette fortune a fui loin de nous. Mais ces rois nationaux vivaient sous le gouvernement des Mèdes, et nous allons en rappeler ci-dessous les noms.[109]

En ce temps là, le pouvoir royal de notre nation existait véritablement, comme l’atteste le prophète Jérémie, appelant aux armes contre Babylone: « Convoquez, dit-il, le royaume d’Ararat et la troupe d’Ascanaz.[110] Il est donc évident que notre empire existait alors. Mais, en réglant la succession de nos rois, nous mettrons à côté celle des rois mèdes:

Premier roi des Mèdes.[111]                      Notre premier roi couronné par Varbace fut

 

Varbace.                                        Barouir, fils de Sgaiorti.

Maudacès.[112]                                  Hratchia.

Artysis.                                          Parnouas.

Déjocès.                                        Badjouïdj.

Phraortes.                                      Gornag.

Cyaxares.                                       Pavos.

Astyage.                                         Un autre Haïgag.

Erouant qui vécut peu.

Dikran (Tigrane).[113]

Du nom des deux derniers furent appelés les derniers Erouant et Tigrane,[114] sans doute à cause des espérances qu’ils donnaient. Le temps n’est pas très éloigné où nous mentionnerons leurs noms.

Hratchia[115] était ainsi appelé à cause de la vivacité de ses traits et de l’éclat pétillant de ses yeux. Sous lui, dit-on, vivait Nabuchodonosor, roi de Babylone, qui emmena les Juifs en captivité. On raconte que Hratchia lui demanda l’un de ces principaux captifs hébreux, appelé Champat, le conduisit dans ses États et le combla d’honneurs. De Champat, dit l’historien, descend la race des Pakradouni;[116] cela est certain. Mais ce que firent nos rois pour convertir cette famille au culte de leurs dieux, combien et quels furent ces Pakradouni qui moururent dans le sein du culte divin, nous le raconterons plus tard avec détail.[117] Certains individus, indignes de croyance, par pur caprice et non selon la vérité, disent que c’est de Haïg que descend la race des Thakatir[118] Pakradoum; mais je réponds à ceci: Ne crois pas à de pareils contes, car il n’y a aucun semblant de vérité, aucun indice de probabilité; et dans ce qui te fut dit, rien qui dénote la vérité. Ce sont des paroles absurdes, dénuées de sens et de valeur, contre Haïg et ses pareils. Mais sache que le nom de Sempad que les Pakradouni donnent souvent à leurs fils, correspond exactement dans leur langage primitif, qui est l’hébreu, à Champat.[119]

XVI. (Ch. xxxiii.)

Des fils de Sennékérim. — Les Ardzrouni, les Kénouni et le prince d’Aghdznik en sont issus.

 — Démontrer dans le même chapitre que la maison d’Ankegh vient de Baskam.

Avant de commencer l’histoire du grand Tigrane (Dicran) qui est le neuvième de nos ancêtres couronnés, prince vaillant, renommé et toujours victorieux entre les conquérants, nous raconterons ce qui est le plus important. Ce qui concerne Sennakérib (Sennékérim) a été mis en oubli. En effet, environ quatre-vingts ans avant le règne de Nabuchodonosor, vivait Sennakérib, roi d’Assyrie, celui-là même qui assiégea Jérusalem sous Ezéchias, chef des Juifs.[120] Ayant tué leur père, les fils de Sennakérib, Atramelek et Sanassar, se réfugièrent chez nous.[121]

L’un d’eux, Sanassar, fut établi par notre vaillant ancêtre Sgaïorti au sud-ouest de notre pays, près des confins de l’Assyrie. Les descendants de Sanassar ont peuplé la montagne de Sim.[122] Les plus grands et les plus illustres d’entre eux, ayant signalé dans la suite leur dévouement envers nos rois, furent jugés dignes d’obtenir le gouvernement[123] de ces contrées. Arkamozan se fixe au sud-est du pays;[124] c’est de lui, dit l’historien, que descendent les Ardzrouni et les Kénouni.[125] Voilà la raison qui nous a fait rappeler Sennakérib.

La maison d’Ankegh, dit le même historien, est issue d’un certain Baskam, petit-fils de Haïgag.[126]

XVII. (Ch. xxiv.)

De Tigrane,[127] tel qu’il fut en toutes choses.

Passons actuellement à ce qui regarde Tigrane et ses entreprises. C’est, de tous nos rois, le plus puissant, le plus vertueux, le plus brave de tous ces princes et de tous les guerriers. Il aida Cyrus à renverser l’empire des Mèdes,[128] il retint longtemps sous son obéissance les Grecs, et il étendit notre territoire jusqu’à nos anciennes frontières. Objet d’envie pour tous les contemporains, il fit aussi, lui et son siècle, l’admiration de la postérité.

En effet, qui donc parmi les vrais guerriers et les admirateurs de la valeur et de la vertu ne tressaille au souvenir de Tigrane, ne désire ardemment l’égaler en grandeur? Chef et modèle des guerriers, signalant partout son courage, il éleva haut notre nation; nous étions courbés sous le joug, il la mit en état de subjuguer et de faire payer tribut à de nombreux peuples. Partout s’élevaient des monceaux d’or, d’argent, de pierres précieuses; partout on voyait des vêtements de toute forme, de toute couleur pour hommes et pour femmes; si bien que la laideur paraissait aussi belle que la beauté, et la beauté, selon l’esprit du temps, était déifiée.[129] On voyait les fantassins chevaucher, les frondeurs devenus d’habiles tireurs d’arcs, les hommes auparavant aimés de pieux manier le glaive et la lance, les gens autrefois sans armes, couverts de boucliers et d’armures de fer. La vue des soldats rassemblés, le feu, l’éclat resplendissant de leurs armures et de leurs armes, suffisaient pour dérouter l’ennemi. Tigrane inaugure la paix, multiplie les édifices et féconde tout le pays avec des ruisseaux d’huile et de miel.

Tels sont, avec beaucoup d’autres encore, les bienfaits dont gratifia notre patrie Tigrane fils d’Erouant, prince à la blonde chevelure bouclée,[130] au visage coloré, au regard doux, puissamment membré, large des épaules, à la marche rapide, le pied bien tourné, sobre toujours dans le boire et le manger, et réglé dans ses plaisirs. Nos ancêtres le célébraient au son du pampirn,[131] en chantant sa prudence, sa modération dans les plaisirs de la chair, sa sagesse, son éloquence, et son désir d’être utile à l’humanité.[132] Quel plus grand plaisir pour moi, que de prolonger ces sujets louangeux pour lui, et qui sont la vérité de l’histoire! Toujours équitable dans ses jugements, sa balance, égale pour tous, pesait sans partialité la conduite de chacun. Il n’était point jaloux des grands, il ne méprisait pas les petits; il n’avait d’autre volonté que d’étendre sur tous le manteau de sa sollicitude. [Tigrane], depuis longtemps déjà, lié par des traités avec Astyage (Aschtahag),[133] roi des Mèdes, lui donne en mariage sa sœur Dikranouhi, qu’Astyage recherchait avec empressement; car celui-ci se disait: « Par cette alliance, j’aurai pour Tigrane une constante affection, ou je lui tendrai facilement des embûches pour le faire périr. » En effet, pour lui, Tigrane était un sujet de crainte, car une prophétie indépendante de sa volonté lui avait annoncé l’événement que voici:

XVIII. (Ch. xxv.)

Crainte et soupçon d’Astyage, en voyant l’étroite amitié de Cyrus et de Tigrane.

La cause première de ces craintes était l’alliance et l’amitié qui unissaient Cyrus et Tigrane. Souvent aussi le sommeil fuyait loin d’Astyage lorsqu’il rappelait ses souvenirs. Il faisait sans cesse à ce sujet des questions à ses confidents: « Comment pourrons-nous, disait-il, rompre les liens d’amitié entre le Perse et le descendant d’Haïg, fort de tant de myriades d’hommes? » Pendant qu’il est agité par ces pensées, une vision lui apparaît, qui lui révèle sa situation et qu’il raconte ainsi

XIX. (Ch. xxvi.)

Comment Astyage, la haine au cœur, voit sa destinée présente dans un songe singulier.

• Un grand danger, dit-il, menaçait le Mède Astyage, par le fait de l’union de Cyrus et de Tigrane. C’est pourquoi, de l’effervescence de ses pensées, lui apparaît dans le sommeil de la nuit un songe, où il vit ce qu’étant éveillé il n’a jamais vu ni entendu. Il se réveille en sursaut, et, sans attendre le cérémonial usité, l’heure du conseil, car il restait encore bien des heures de la nuit, il appelle ses confidents. Le visage triste, les yeux fixés à terre, il gémit du plus profond de son cœur et soupire. Pourquoi cette douleur? demandent les confidents. Et lui reste plusieurs heures sans répondre; enfin, poussant des gémissements, il commence à dévoiler toutes ses secrètes pensées, les soupçons de son cœur et aussi les détails de l’horrible vision

Il advint, ô mes amis, dit-il, que je me trouvais aujourd’hui sur une terre inconnue, près d’une haute montagne dont la cime paraissait enveloppée de glaces et de frimas. On disait que c’était le pays des descendants d’Haïg. Mon regard plongeait au loin vers la montagne, lorsqu’une femme revêtue de la pourpre, enveloppée d’un voile bleu céleste,[134] m’apparut assise au plus haut de la cime. Ses yeux étaient beaux, sa stature était élevée, son teint était de rose; elle était dans les douleurs de l’enfantement. Comme j’avais le regard tendu vers ce spectacle étonnant, cette femme mit au monde tout à coup trois héros accomplis pour la taille et pour la force. Le premier, monté sur un lion, prit son vol vers l’occident; le second, sur un léopard, s’élança vers le nord; le troisième, sur un énorme dragon, se précipita avec fureur sur notre empire.

Au milieu de ces visions confuses, il me semblait que, debout sur la terrasse de mon palais, j’en voyais la frise ornée de magnifiques tentures, et la plate-forme couverte de tapis émaillés de diverses couleurs. Nos dieux, à qui je suis redevable de la couronne, étaient là présents dans tout l’éclat de leur majesté, et moi avec vous, leur offrant des sacrifices et de l’encens. Tout à coup, levant les yeux, je vis le héros, monté sur le dragon, prendre son vol avec des ailes d’aigle; en fondant sur nous, il croyait venir exterminer nos dieux; mais moi, Astyage, me précipitant à sa rencontre, je soutins ce choc formidable et je combattis ce merveilleux héros. D’abord nous nous frappâmes l’un l’autre de la lance et nous répandîmes des flots de sang, et la plate-forme du palais, inondée des rayons du soleil, se transforma en un mur de sang. Puis, recourant à d’autres armes, nous combattîmes encore des heures entières.[135]

Mais à quoi bon prolonger ce récit, puisque la fin de tout était ma ruine? L’impression du danger me couvrit d’une sueur violente, le sommeil s’enfuit loin de moi, et depuis ce jour je ne compte plus parmi les vivants. Car le résultat d’un tel songe n’a d’autre signification que la terrible invasion que Tigrane, le descendant d’Haïg, doit faire chez nous. Mais quel est l’homme qui, avec le secours de nos dieux, nous venant en aide par ses conseils et ses actes, ne croirait pas partager le trône avec nous?

Ayant ouï beaucoup d’avis utiles de la part de ses confidents, le roi les honora de ses remerciements.

XX. (Ch. xxvii.)

Opinions des confidents d’Astyage; ses réflexions et ses projets; leur exécution immédiate.

« Après avoir entendu de vos bouches bien des avis sages et ingénieux, ô mes amis, je dirai ce qui, en fait de conseils et de réflexions, me paraît à moi préférable, si les dieux daignent m’assister. Il n’y a rien de plus utile contre un ennemi, quand on connait ses desseins, que la présence d’une personne qui, avec l’apparence de l’amitié, lui tende des embûches. Ce n’est ni avec des trésors, ni avec des paroles trompeuses, que nous pouvons réussir, mais c’est en agissant ainsi que je le veux. L’instrument de mes desseins, l’agent de cette trame est la sœur de Tigrane, la belle et prudente Dikranouhi; car de tels liens de parenté à l’étranger lui donnent toute facilité d’ourdir en secret de sourdes menées, en allant et en venant; ou bien à l’improviste, à force d’argent et de promesses pour engager quelqu’un des familiers de Tigrane à le poignarder ou à l’empoisonner; ou pour séduire avec de l’or, détacher de lui ses partisans et les gouverneurs des provinces. C’est ainsi que nous nous saisirons de Tigrane comme d’un faible enfant. »

Les confidents du roi, regardant le projet comme efficace, en machinèrent l’exécution. Astyage envoie un de ses conseillers à Tigrane avec de riches trésors et une lettre ainsi conçue:

XXI. (Ch. xxviii).

Lettre d’Astyage. Consentement de 7igrane. Départ de Dikranouhi pour la Médie.

« Mon frère bien-aimé le sait: rien ne nous fut donné par les dieux de plus utile dans cette vie qu’un grand nombre d’amis, c’est-à-dire d’amis sages et puissants; car ainsi les troubles du dehors ne nous atteignent pas, et, s’ils parviennent chez nous, aussitôt on les repousse; au dedans, la perfidie ne peut trouver accès, et toute perturbation est étouffée. Or, en voyant tous les avantages qui résultent de l’amitié, j’ai songé à rendre la nôtre plus stable et plus profonde. Ainsi, fortifiés de tous les côtés, nous maintiendrons notre empire ferme et inébranlable. Et cela, tu peux le faire, en m’accordant la fille de la grande Arménie, ta sœur Dikranouhi, pour épouse. J’espère que tu considéreras cette union comme avantageuse pour ta sœur, qui deviendra la reine des reines. Porte-toi bien, mon compagnon royal et mon frère bien-aimé. »

Sans prolonger ce récit, je dirai: L’envoyé accourt et accomplit la négociation au sujet de la belle princesse; car Tigrane consentit à donner sa sœur Dikranouhi pour épouse à Astyage. Ignorant complètement les ruses ourdies par ce dernier, Tigrane envoie sa sœur, comme c’était la coutume des rois.[136] Ayant reçu la princesse, Astyage, non seulement pour le succès des ruses qu’il médite en son cœur, mais encore à cause de la beauté de Dikranouhi, l’élève au premier rang de ses femmes, mais en lui-même il mûrit ses perfides projets.

XXII. (Ch. xxix.)

Comment la perfidie d’Astyage fut découverte, et comment s’engagea la bataille où il fut tué.

Après cet événement, dit [l’historien), Astyage, ayant élevé Dikranouhi à la royauté, ne faisait rien dans le royaume sans sa volonté; il réglait tout avec elle, et ordonnait à tous ses sujets d’être soumis à ses ordres. Ayant ainsi disposé toutes choses, il commença doucement à lui insinuer ces perfides paroles: Tu ne sais pas, dit-il, que ton frère Tigrane, excité par sa femme Zarouhi, est jaloux de te voir commander aux Arik[137]?

Qu’en adviendra-t-il? D’abord je devrai mourir, et ensuite Zarouhi régnera sur les Arik, et occupera la place des déesses. Donc, il faut que tu choisisses l’un de ces deux partis: ou, par amour pour ton frère, d’accepter sous les yeux des Arik la ruine et l’infamie; ou bien, consultant ton propre intérêt, proposer quelque utile conseil et conjurer les événements.

Cependant, au milieu de ces perfides détours, se cachait encore le projet de faire périr Dikranouhi, si son avis n’était pas conforme à la volonté du Médo-Perse. Mais la prudente et belle princesse, devinant l’artifice, répondit très tendrement à Astyage; et aussitôt, par de fidèles messagers, elle révèle à son frère les trames perfides de son époux.

Dès ce moment, Astyage se met à l’œuvre; il demande par des messages une entrevue à Tigrane aux frontières des deux Etats, simulant une affaire importante qu’il est impossible de traiter par lettre ou par ambassade, si les deux souverains ne sont pas en présence. Mais Tigrane, ayant su par le messager le but proposé, ne cacha rien de ce que pensait Astyage, et lui déclara par lettre connaître toute la noirceur de son cœur. Cette perfidie une fois découverte, il n’y avait plus dès lors ni paroles ni fourberies qui pussent pallier tant de méchanceté, et la guerre se préparait ouvertement.

Le roi des Arméniens rassemble des frontières de la Cappadoce, de l’Ibérie (Vratsdan)[138] et de l’Aghouanie[139] des troupes d’élite, ainsi que toutes celle, de la grande et de la petite Arménie,[140] et marche avec toutes ses forces contre le pays des Mèdes. Astyage se trouve alors en danger d’avoir à se mesurer avec le descendant d’Haïg, auquel il ne peut pas opposer des forces inférieures. La lutte se prolongea pendant cinq grands mois, car la vivacité, l’ardeur de l’action se ralentissaient lorsque Tigrane songeait au sort de sa sœur bien-aimée; aussi il manœuvrait de façon à sauver les jours de Dikranouhi. Cependant l’heure du combat approchait.

Mais je ne saurais trop louer mon héros, sa taille majestueuse, son sûr coup de lance, la juste proportion de tons ses membres, la beauté parfaite de son visage; car il était agile, en tout bien conformé, et nul ne l’égalait en force. Pourquoi prolonger ce récit? L’affaire engagée, le héros, d’un coup de lance, fend comme [une lame d’]eau la lourde armure d’airain d’Astyage, le transperce avec le fer de sa longue lance, puis, retirant la main, il ramène avec l’arme la moitié de ses poumons.[141] Le combat était magnifique, car c’étaient braves contre braves, ne tournant pas facilement le dos; aussi l’action dura longtemps. Ce qui mit fin au combat fut la mort d’Astyage. Cet exploit, ajouté à tous les succès de Tigrasse, augmenta sa gloire.

XXIII. (Ch. xxx.)

Pourquoi Tigrane envoya sa sœur Dikranouhi à Tigranocerte. — Anouïsch, première femme d’Astyage. — De la résidence as signée aux captifs.

On raconte aussi qu’après le succès de cette affaire, Tigrane, avec une pompe royale, envoya sa sœur Dikranouhi accompagnée d’une très forte escorte en Arménie, au bourg qu’il appela de son nom Tigranocerte (Dikranaguerd),[142] et il ordonne à toute la contrée d’obéir à la princesse. Là, une noble famille appelée Osdan,[143] dit [l’historien], est une race royale issue de cette dernière.

Enfin Anouïsch, la première des femmes d’Astyage, et beaucoup de jeunes princesses ses filles, avec de jeunes garçons et beaucoup d’autres captifs, au nombre de plus de dix mille, furent établis dans le pays situé depuis l’orient de la grande montagne (l’Ararat) jusqu’aux contrées de Koghten,[144] pays qui comprend Dampad, Osguiogh,[145] Tajkouïnk.[146] On leur concède aussi, sur les rives du fleuve (Araxe), les autres villages dont l’un est Vrandchounik[147] jusqu’en face du fort de Nakhdjavan,[148] les trois bourgs Khram, Dchougha[149] et Khochagounik;[150] de l’autre côté du fleuve, toute la plaine qui va d’Ajtanaghan[151] jusqu’au même fort de Nakiidjavan. Quant à la princesse Anouïsch, Tigrane l’installe avec ses fils sur un vaste territoire au pied des ruines de la grande montagne, amenées, dit-on, par l’effet d’un horrible tremblement de terre,[152] comme le racontent les voyageurs qui, par ordre de Ptolémée, mesurèrent non seulement le séjour des hommes, mais aussi en partie la mer et les contrées désertes depuis la zone torride jusqu’au pays des Cimmériens (Kimiouron).[153] Tigrane donne à Anouïsch, des serviteurs pris parmi ces mêmes Mèdes établis au pied de la montagne.

Ceci est confirmé par les chants métriques[154] que conservèrent avec passion, comme je l’ai appris, les habitants du Koghten, canton fertile en vin, dans lesquels sont mentionnés Ardaschès[155] et ses fils, et d’une manière allégorique les descendants d’Astyage, sous le nom de descendants du dragon, car Ajtahag, dans notre idiome, veut dire dragon. On dit encore qu’Arkavan[156] donna un festin en l’honneur d’Ardaschès, et lui dressa des embûches dans le temple des dragons. Ardavazt,[157] le vaillant fils d’Ardaschès, ne trouvant pas d’emplacement convenable pour un palais, lors de la fondation d’Artaxata (Ardaschad),[158] alla bâtir chez les Mèdes Maraguerd,[159] située dans la plaine appelée Scharoura. La princesse Satinig,[160] dit-on encore, convoite avec ardeur, de la table d’Arkavan, l’herbe ardahour et l’herbette ditz.[161]

N’admires-tu pas davantage ici encore notre véracité historique, et comment nous avons pu découvrir le secret des dragons qui habitent sur le libre Massis[162]?

XXIV. (Ch. xxxi.)

Quelles sont les races issues de Tigrane, et quels sont les rameaux de ces races?

Peindre avec exactitude et sincérité Tigrane premier, et rapporter tous ses actes, est pour moi, historien, une niche agréable au milieu de mes récits; et pour toi, lecteur, tous ces discours sur Tigrane, fils d’Erouant, seront remplis de charmes. Comme le héros et ses hauts faits nous intéressent, il en sera de même aussi de son histoire. C’est pourquoi il me plaît de nommer et de rappeler pour la valeur Haïg, Aram, Tigrane; car selon moi les fils des braves sont des braves. Quant aux hommes de second ordre, qu’un les appelle comme on voudra. Mais, d’après l’opinion adoptée lorsqu’il s’agit des héros, notre appréciation est juste il n’y a pas d’Aramazd; mais quelques-uns veillent qu’il y en ait plusieurs, même quatre appelés Aramazd, dont l’un est un certain Gunt Aramazd.[163] Ainsi beaucoup de princes se nomment Tigrane: un seul est descendant de Haïg, c’est celui qui tua Astyage, emmena sa maison en captivité, ainsi qu’Anouïsch, la mère des dragons, et, avec le consentement et l’appui de Cyrus, s’empara de l’empire des Mèdes et des Perses.

Ses fils furent Pap, Diran, Vahaken,[164] au sujet duquel la fable dit:

Le ciel et la terre étaient dans l’enfantement,

La mer aux reflets de pourpre était aussi en travail,

Dans la mer naquit un petit roseau vermeil,

Du tube de ce roseau sortait de la fumée,

Du tube de ce roseau jaillissait de la flamme,

De cette flamme s’élançait un jeune enfant,

Ce jeune enfant avait une chevelure de feu,

Il avait une barbe de flamme,

Et ses petits yeux étaient deux soleils.

On chantait ses louanges au son du pampirn, et nous les entendîmes de nos propres oreilles; puis on répétait dans les chants ses combats, ses victoires contre les dragons, et ses exploits égalant ceux d’Hercule.[165] On disait même qu’il était placé au rang des dieux,[166] et, dans le pays des Ibériens (Virk), on lui éleva une statue à laquelle on offrit des sacrifices. De lui descendent les Vahnouni;[167] de son fils puiné Aravan sont issus les Aravéniens.[168] De Vahaken naquit Aravan; d’Aravan, Nerseh; de Nerseh, Zarèh; des rameaux de la race de Zarèh viennent les races appelées de Zarehnavan:[169] Armok,[170] premier-né de Zareh; Pakam, fils d’Armok; Van,[171] fils de Pakam; Vahé, fils de Van. Valsé périt en combattant contre Alexandre de Macédoine.[172]

Depuis cette époque jusqu’au règne de Valasnace en Arménie, je n’ai plus rien de certain à te rapporter; car, au milieu du conflit des bandes insurgées, on voyait beaucoup d’ambitieux se disputer le gouvernement de notre patrie.[173] C’est pourquoi Arsace (Arschag) le Grand, ayant envahi sans peine l’Arménie, créa son frère Valarsace roi du pays des Arméniens.[174]

XXV. (Ch. xxxii.)

Guerre de Troie (Ilion) sous Teutamus. Notre (roi) Zarmaïr, arec une faible troupe, s’unit aux Ethiopiens. Sa mort.

Ta studieuse ardeur nous impose deux conditions qui nous obligent à un travail fort difficile: un exposé court et rapide, et en même temps éloquent et sublime, un style platonique, exempt de fausseté et vrai en tout point; bref, une histoire non interrompue à partir du premier homme jusqu’à toi. Il est impossible de réunir toutes ces conditions; car le Créateur de toute chose, quoique pouvant tout créer d’un signe en un clin d’œil, ne le fait pas; mais il assigne des jours différents, des rangs distincts à ses créations; les unes sont créées le premier jour; les autres, le second et le troisième, et ainsi de suite.[175] Ici, la même marche nous est indiquée par la doctrine de l’Esprit-Saint. Tes désirs, nous le voyons bien, ne veulent pas se plier à de telles règles; il faut te dire tout avec exactitude, sans rien omettre et à l’instant même. Alors, il y aura des longueurs si l’histoire est développée comme tu le désires; ou précipitation, et alors tu ne seras point satisfait. Ainsi, et à cause même de ta pressante insistance, nous n’avons point parlé en leur temps, ni du Macédonien, ni de la guerre iliaque; nous rappellerons donc ici ces faits. Nous ne saurions dire s’il eût été d’un habile ou d’un mauvais artiste de travailler alors, ou aussi tardivement, ces pièces importantes et dignes d’être exposées ici.

Quels doivent donc être les premiers de ces faits, sinon ceux que raconte Homère relativement à la guerre iliaque, sous Teutamus, roi des Assyriens, alors que notre Zarmaïr, soumis aux Assyriens, marche à la tête d’un faible détachement, avec l’armée éthiopienne, au secours de Priam ? Là [Zarmaïr][176] meurt frappé par les braves Hellènes, par Achille lui-même je le veux, et non par un autre héros.[177]

XXVI. (Livre ii. Ch. i.)

(Extrait du livre deuxième de l’Histoire de Moïse de Khorène, intitulé:

Histoire des temps intermédiaires de nos ancêtres).

Je vais maintenant, dans ce second livre, te raconter l’histoire particulière de notre pays, depuis le règne d’Alexandre jusqu’à celui du saisit et vaillant Tiridate (Dertad) le Grand.[178] Je te dirai successivement les actes de valeur et d’éclat, les ordonnances et les institutions de chacun des princes qui sont issus d’Arsace (Arschag), roi des Perses, et notamment de Valarsace (Vagharschag), son frère,[179] établi par lui roi de notre nation; enfin, de tous les monarques de sa race qui se sont succédé sur le trône de père en fils, et ont été appelés Arsacides (Arschagouni) du nom d’Arsace. Ses descendants se multiplient et forment une nombreuse lignée; mais, d’après l’ordre établi, il n’y a qu’un seul prince d’appelé à ce pouvoir suprême. D’ailleurs, j’écris rapidement ce qui nous intéresse, et je néglige le reste, car, pour les autres nations, ce qu’ont dit une foule d’historiens suffit.

Alexandre de Macédoine, fils de Philippe et d’Olympias,[180] vingt-quatrième descendant d’Achille,[181] après avoir soumis à ses lois le monde entier, laisse par son testament son empire à plusieurs [généraux],[182] de telle sorte que l’empire de tous est appelé l’empire des Macédoniens; puis il meurt. Ensuite, Séleucus, régnant à Babylone, ravit les États de ses compagnons. Il soumet les Parthes, après une guerre terrible, et fut appelé par cette raison Nicator (Nicanor). Après trente et un ans de règne, il laissa le royaume à son fils Antiochus, surnommé Soter, qui régna dix-neuf ans. Antiochus, dit Théus, lui succède [et règne] dix ans; mais, la onzième année, les Parthes secouent le joug des Macédoniens, et par suite le brave Arsace monte sur le trône. Il était de la race d’Abraham, du lignage de Cétura,[183] en accomplissement de la parole du Seigneur à Abraham: « De toi sortiront les rois des nations.[184] »

XXVII. (Ch. ii.)

Règne d’Arsace et de ses fils. Guerre contre les Macédoniens. Amitié arec les Romains.

Soixante ans après la mort d’Alexandre, le brave Arsace régna, comme nous l’avons dit,[185] sur les Parthes, dans la ville appelée Pahl Aravadin,[186] au pays des Kouschans. Il fait une guerre épouvantable, s’empare de l’orient tout entier, et chasse de Babylone les Macédoniens. Il apprend que les Romains sont maîtres de l’occident et de la mer, qu’ils ont enlevé aux Hispani les mines d’où l’on tire l’or et l’argent, qu’ils ont rendu tributaires les Galates et les royaumes de l’Asie; il envoie des ambassadeurs et sollicite une alliance en vertu de laquelle tout secours sera refusé aux Macédoniens. Il ne consent point à payer tribut aux Romains, mais il leur donne chaque année un présent de cent talents (kankar).

Arsace règne ainsi trente et un ans; Ardaschès, son fils, vingt-six ans. A celui-ci succède le fils d’Ardaschès, Arsace,[187] surnommé le Grand. Ce dernier fait la guerre à Démétrius et à Antigone, fils de Démétrius. Antigone vient fondre sur Arsace à Babylone avec une armée macédonienne et lui livre combat; mais, fait prisonnier par Arsace, il fut conduit en Parthie chargé de fers, d’où lui vint le surnom de Sidérités. Son frère, Antiochus Sidétès, prévenu de la marche d’Arsace, vient occuper la Syrie. Arsace revient contre lui avec cent vingt mille hommes.[188] Antiochus, pressé par la rigueur de l’hiver, contraint de livrer bataille dans un étroit défilé, périt avec toute son armée. Alors Arsace commande en maître dans la troisième partie du monde, comme nous l’apprend le quatrième livre des histoires véridiques[189] d’Hérodote, qui traite de la division de l’univers en trois parties: l’une appelée Europe, l’autre Libye, la troisième Asie, sur laquelle domine Arsace.

XXVIII. (Ch. iii.)

Valarsace est établi roi dans le pays des Arméniens.

En ce temps-là, Arsace établit son frère Valarsace roi de notre pays,[190] lui donnant pour Etats le nord et l’occident. Valarsace, ainsi que nous l’avons dit dans notre premier livre,[191] prince brave et vertueux, étendit bientôt son empire. Il organisa autant qu’il put les institutions civiles, créa des satrapies, à la tête desquelles il plaça des dynastes, personnages illustres, de la race de notre ancêtre Haïg et des autres chefs.

Le Parthe magnanime, ayant dompté les Macédoniens et mis fin à la guerre, donne un large cours à sa bienfaisance. D’abord, il songe à récompenser les services du juif Schampa Pakarad, homme puissant et sage; il lui confère, ainsi qu’à ses descendants, le privilège de couronner les Arsacides.[192] Il accorde à sa race le droit de s’appeler Bagratides (Pakradouni), satrapie considérable existant encore aujourd’hui en Arménie.[193] Ce Pakarad s’était dévoué volontairement au service de Valarsace, avant la guerre d’Arsace contre les Macédoniens. Il est crée aussi [chef] de la porte royale; et, à l’extrémité du royaume où se parle encore la langue arménienne, (il est nommé) préfet et prince de onze mille hommes à l’occident.[194]

Mais retournons en arrière, et racontons la guerre de Valarsace contre les habitants du Pont et ensuite contre ceux de la Phrygie, enfin sa victoire.

XXIX. (Ch. iv.)

Comment Valarsace, après avoir réuni l’élite des Arméniens,

marche contre les alliés des Macédoniens.

Après la guerre d’Arsace contre les Macédoniens et la conquête de Babylone et de la partie orientale et occidentale de l’Assyrie, Valarsace lève dans l’Aderbadagan[195] et l’Arménie centrale des guerriers renommés et valeureux, et convoque Pakarad et ses braves, avec la jeunesse du littoral, les descendants de Kégham, des Cananéens, de Schara, de Couschar, leurs voisins de Sissag et de Gatmos, enfin presque la moitié du pays. Valarsace arrive au milieu de l’Arménie, au-dessus des sources du Grand Marais (Medz-Amor),[196] au bord de l’Araxe (Eraskh), près de la colline d’Armavir. Là, il s’arrête plusieurs jours, parce que, comme il convient de le dire, ses troupes n’étaient pas au fait de la discipline.

Ayant encore levé des troupes en Chaldie,[197]— car la Lazique,[198] le Pont, la Phrygie, Majak[199] et les autres provinces, ne sachant rien de la guerre d’Arsace et soumises à l’empire des Macédoniens,[200] gardaient scrupuleusement les traités, — un certain Morphilig, soulevant toutes ces provinces, livre bataille à Valarsace. Les deux armées se rencontrèrent près d’une haute colline rocheuse, aujourd’hui appelée Colonia,[201] et, s’approchant l’une de l’autre de quelques stades, elles se fortifièrent des deux côtés pendant plusieurs jours.

XXX. (Ch. v.)

Combat de Morphilig. —.Il est tué d’un coup de lance.

Les deux armées, après avoir été occupées à se fortifier pendant plusieurs jours, engagent la bataille; les nôtres commencent. Morphilig, de gré ou de force, range ses soldats et charge avec fureur, car c’était un vaillant guerrier, aux membres vigoureux et bien proportionnés, et d’une force égale à sa stature. Tout couvert de fer et d’airain, à la tête de ses soldats d’élite en petit nombre, Morphilig faisait mordre la poussière à la jeunesse courageuse de Valarsace. Il s’efforça de s’ouvrir un passage jusqu’au roi d’Arménie, à travers un fort bataillon bien armé. Arrivé près de lui, il réussit à croiser la lance, et, fort comme il était, champion exercé, son arme fendait l’air comme de rapides oiseaux. Mais les braves et renommés enfants d’Haïg et de Sennékérim l’Assyrien ne tardèrent pas à lui barrer le chemin. D’un coup de lance ils renversent Morphilig, et mettent en fuite son armée. Le sang coulait sur la terre à flots pressés, comme des torrents de pluie. Depuis ce moment, le pays fut en paix et soumis à Valarsace. Les Macédoniens cessèrent alors toute attaque.

XXXI. (Ch. vi.)

Valarsace organise les parties occidentales et septentrionales de notre pays.

L’expédition ainsi terminée, Valarsace organisa les provinces de Majak, du Pont et des Colches (Ekératzi). Il va au pied du Barkhar dans le Daïk,[202] dans des lieux marécageux, couverts de brouillards et remplis de forêts et de mousses. Il donne à la contrée une forme nouvelle, aplanit les terrains accidentés, change la brûlante chaleur en une douce température et en fait le séjour de délices de son empire. Là il prépare des résidences d’été quand il ira au nord. Il transforme en parcs deux plaines boisées, entourées de collines, pour le plaisir de la chasse. Il destine le climat chaud de Gogh[203] aux plants de vignes de l’Arménie et à des jardins. Je voudrais ici, pour un prince si cher, dire toutes choses avec détail et clarté; mais j’ai seulement signalé en passant les localités, laissant de côté les particularités et les formes du style, afin de conserver indissolubles les liens de mon amour pour un aussi admirable prince.

Alors Valarsace convoque les populations étrangères et barbares, celles du nord de la plaine, celle de la base de la grande chaine du Caucase, celles qui sont les plus enfoncées dans les vallées d’une large et profonde étendue, en descendant de la montagne qui est au sud jusqu’à l’entrée de la grande plaine. Valarsace ordonne à cette multitude de renoncer à ses brigandages et à ses ruses, et de se soumettre aux lois et aux tributs royaux, afin qu’en la revoyant, il puisse lui donner des chefs, des princes et une bonne organisation. Puis il la renvoie sous la conduite de prudents inspecteurs de son choix. Ayant ainsi congédié les hommes de l’occident, il descend dans les prairies verdoyants, près des domaines de Schara, que les anciens appelaient Pasène supérieure et déboisée.[204] Plus tard, et par suite de l’établissement dans ces lieux de la colonie de Veghentour Boulgar[205] de Vount,[206] le pays fut appelé de son nom Vanant; et les villages sont appelés jusqu’à présent du nom de ses frères et de ses descendants.[207]

[Valarsace], afin de se soustraire au souffle glacé du nord, descend dans une immense plaine; là, il campe au bord du Medzamor, à l’endroit où le grand fleuve, sortant du lac septentrional, va se perdre dans le Grand Marais. Puis il organise les milices du pays, laisse des inspecteurs, et, emmenant avec lui les plus notables, il se rend à Medzpine.

XXXII. (Ch. vii.)

Organisation du royaume. D’où Valarsace tire toutes ses satrapies?

  Comment il règle ses institutions.

Voici un important chapitre, tout rempli de détails historiques et digne de la plus claire et de la plus complète exposition; car il y a beaucoup à dire sur les institutions, les règlements, les familles, les races, les villes, les bourgs, les établissements, et en général sur l’organisation entière d’un royaume, sur tout ce qui le concerne, les armées, les généraux, les gouverneurs de provinces et les autres officiers.[208]

En premier lieu, le roi règle tout ce qui concerne sa personne et sa maison, et commence par sa tête et sa couronne. Voulant récompenser le juif Pakarad de son ancien dévouement, de sa fidélité et de sa valeur, il confère, ainsi que nous lavons dit,[209] à lui et à sa descendance, le titre de grand feudataire, le privilège de mettre la couronne sur la tête du roi, de s’appeler thakatir et général de la cavalerie,[210] de porter le diadème avec trois rangs de perles, sans or ni pierreries, quand il se trouvait à la cour ou dans l’appartement du roi.

Valarsace choisit parmi les descendants des Cananéens un certain Tzerès, chargé de lui mettre ses ornements royaux, et donne à sa race le nom

de Kentouni.[211] Il tire ses gardes du corps, armés de toutes pièces, de la race de Khor descendant de Haïg, tous guerriers braves et habiles au maniement de la lance et de l’épée, et leur donne pour chef Malkhaz, en leur conservant le nom de leur race primitive.[212] Tad, de la race de Karnig, sorti de Kégham, est préposé aux chasses royales. Son fils est Varj,[213] et C’est de lui que la race tire son nom; toutefois ce ne fut que postérieurement, au temps d’Ardaschès.[214] Kapagh[215] est intendant des greniers à blé,[216] et Apel[217] est majordome et chambellan. Valarsace leur donne des villages qui portent leurs noms; ce sont les satrapies Apéghèn[218] et Kapéghèn.[219]

Les Ardzrouni,[220] je ne devrais pas dire Ardzrouni, mais Ardzivouni, parce qu’ils furent ceux qui portaient les aigles devant Valarsace. Je laisse de côté les fables et les contes publiés à Hatamaguerd,[221] à savoir qu’un enfant dormait exposé à la pluie et au soleil, lorsqu’un oiseau couvrit de ses ailes l’enfant défaillant. Je sais que le mot Kénouni vient de kini (vin) et ouni (il a) celui qui prépare les breuvages du roi. Voici une particularité curieuse touchant cette fonction et cette dénomination: celui qui dégustait les vins les plus savoureux et les plus généreux pour le roi, s’appelait Kin. Valarsace, dit-on, enchanté de cette singulière coïncidence, élève Kin au rang des grands satrapes. Ce sont là les deux maisons sorties de la race de Sennékérim, les Ardzrouni et les Kénouni.

Je le dis aussi: les Sbantouni[222] étaient préposés aux sacrifices; les Havénouni,[223] fauconniers, habitaient les forêts; et si tu ne me prends pour un conteur, je dis encore: les Tzunagan[224] étaient les gardiens des résidences d’été, les préposés aux glacières du roi; ils furent anoblis pour leurs services, comme gens de la maison royale.

Valarsace crée quatre compagnies de gardes de la porte royale, armées de toutes pièces, et chacune avec son chef, recrutées parmi les anciennes races des rois successeurs d’Haïg, qui, a différentes époques, ont hérité de leurs ancêtres de villages et d’établissements. Mais depuis, sous la domination des Perses, comme je l’ai appris, il se forma des compagnies tirées des autres classes, et qui s’appelaient Osdan.[225] Je ne sais pas si c’est par suite de l’extinction de la première race, ou bien par esprit d’opposition à ces familles répudiées et proscrites, qu’on forma à leur place d’autres compagnies dites royales.[226] Les premières descendent bien des premières races des rois primitifs, comme encore à présent en Ibérie, la race appelée Méphédzoul.[227] Valarsace fait aussi eunuques de descendants de la même race,[228] et leur donne pour chef Haïr,[229] prince du pays depuis l’Aderbadagan jusqu’à Djouasch[230] et Nakhdjavan. Mais comment se fit cet arrangement? où sont passés les documents déjà oubliés de ce chef? Je l’ignore.

XXXIII. (Ch. viii.)

Seconde dignité du royaume, conférée aux descendants d’Astyage roi des Mèdes.

La maison du roi ayant été organisée, la seconde dignité du royaume[231] fut donnée aux descendants d’Astyage roi des Mèdes, appelés à présent Mouratzan;[232] car le chef de cette race ne s’appelle pas Mouratzan-der, mais Maratzouotz-der (seigneur des Mèdes). Valarsace abandonne à ce chef tous les villages pris sur les Mèdes. Il établit en orient, aux frontières de la langue arménienne,[233] les chefs des descendants des deux dynasties de Sissag et de Gatmos, dont nous avons donné les noms dans la première partie.[234]

Valarsace donne le gouvernement de la grande, illustre et fertile contrée du nord-est à Aran, homme illustre et distingué par sa prudence et son esprit. Cette contrée est près du Cyrus (Gour), grand fleuve qui traverse la plaine étendue. Sache aussi que nous avons oublié de mentionner, dans notre premier livre, cette grande et illustre maison de Sissag[235] qui possédait la plaine des Aghouank avec sa région montagneuse depuis l’Eraskh jusqu’à la forteresse qui est appelée Hénaraguerd. Le pays, à cause de la douceur des mœurs de Sissag, fut appelé Aghouank, car lui-même était surnommé Aghou (doux).[236] De celui-ci descend le renommé et brave Aran, créé par le Parthe Valarsace, chef de dix mille (soldats). D’Aran sont issues, dit-on, les races des Oudi,[237] des Kartmanatzi,[238] des Dzovtéatzi[239] et la principauté des Karkaratzi.[240] Kouschar, l’un des descendants de Schara, a pour sa part la montagne chargée de brouillards qui est Gankar, la moitié de la contrée de Dchavakh, Gogh, Dzop, Tzor,[241] jusqu’à la forteresse d’Hénaraguerd. Quant au domaine d’Achotz,[242] aux propriétés de Daschir,[243] Valarsace en investit les enfants de Kouschar, descendant de Haïg. En face du mont Caucase, il établit, pour gouverner la partie nord, cette grande et puissante race; le titre de la principauté est pteschkh (toparque)[244] des Koukaratzi; c’est une race sortie de Mithridate (Mihrtad), satrape de Darius, qu’Alexandre emmena et chargea de commander aux captifs faits par Nabuchodonosor en Ibérie, comme le raconte Abydène[245] en ces termes: « Le puissant Nabuchodonosor était encore plus terrible que l’Hercule libyen. Ayant rassemblé ses troupes, il fondit sur les Ibères, les défit, les réduisit sous le joug, et en transporta une partie sur la rive droite de la mer de Pont, en occident. Dans une grande vallée de la Pasène, Valarsace créa une satrapie appelée Ouortouni,[246] issue de Haïg.

Un homme au visage repoussant, grand mais difforme, au nez aplati, à l’œil enfoncé, d’un aspect féroce, de la descendance de Baskam, petit-fils de Haïgag,[247] appelé Dork, et surnommé à cause de sa laideur Ankéghia (le laid), doué d’une taille et d’une force de colosse, est établi gouverneur de l’occident. A cause de la laideur de Dork, sa race prend le nom de maison d’Ankegh.[248] Mais, si tu veux, je débiterai sur le compte de Dork des fables et des extravagances, comme ont fait les Perses pour Rosdom Sakdjig,[249] duquel on disait que sa force égalait celle de cent vingt éléphants. Des chants rationnels[250] touchant la force et la valeur de Dork étaient en vogue, et on ne pouvait pas attribuer au même degré la même chose à Samson, à Hercule et à Sakdjig. On disait, dans ces chants, qu’il saisissait dans ses mains des pierres très dures, sans aucune fêlure, qu’il les rendait à volonté grandes ou petites, les polissait avec ses ongles, en formait comme des tablettes, et y traçait, aussi avec l’ongle, des aigles et d’autres figures. Ayant vu des vaisseaux ennemis s’approcher du rivage de la mer de Pont, il s’élance à leur rencontre; mais les vaisseaux gagnent la haute mer à une distance de huit stades, et il ne peut les atteindre; il prend, à ce que l’on raconte, des pierres grandes comme des collines et les lance sur ces navires. L’immense tourbillon engloutit un grand nombre de vaisseaux, et les flots, soulevés dans le vide, portent à plusieurs milles au loin le reste des vaisseaux. Oh! c’est trop de fables; c’est la fable des fables! Mais que t’importe? Dork était vraiment d’une force extraordinaire, et bien digne de semblables récits.

Valarsace établit ensuite la grande satrapie de Dzop[251] dans la quatrième Arménie, ainsi que les satrapies Abahouni,[252] Manavazian, Peznounian,[253] issues de la même race d’Haïg. Il choisit les plus illustres d’entre les habitants, les nomma seigneurs des villages et des cantons, et leur nom est appliqué à ces localités.

Cependant nous avons oublié le terrible Slak.[254] Je ne saurais pas dire avec certitude s’il descend de Haïg, ou des habitants qui étaient établis dans la contrée avant son arrivée, et dont parlent les traditions. C’était un homme valeureux. Valarsace le charge avec une petite troupe de garder la montagne et de chasser les chamois. Ces hommes furent appelés Selgouni.[255] Miantag, qui ne recule jamais, est préposé aux ménses fonctions; c’est de lui que descendent les Mantagouni.[256]

Parmi les enfants de Vahakn, il s’en trouva qui demandèrent spontanément le ministère des temples; Valarsace les comble d’honneurs en leur confiant le sacerdoce; il les élève au rang de première satrapie et les nomme Vahnouni.[257] De même les races Aravénian[258] et Zaréhavanian,[259] issues des premiers rois, sont établies par Valarsace dans les bourgs du même nom.

Scharaschan, de la maison de Sanassar, est créé grand toparque et gouverneur de la partie sud-ouest, sur les frontières d’Assyrie, au bord du Tigre. Il reçoit [en apanage] le canton d’Artzen,[260] le pays d’alentour, le mont Taurus,[261] avec le Sim[262] et toute la Coelésyrie.

Quant aux Moghatzi, Valarsace, trouvant un homme du canton de Mog,[263] qui était chef d’une bande de brigands, crée la satrapie du même nom. Il fit de même des Gortouatzi,[264] des Antzévatzi,[265] des Aguéatzi[266] issus des mêmes cantons. Pour ce qui est des Rechdouni[267] et des Koghtnetzi,[268] j’ai trouvé que ce sont vraiment des branches de la race Sissagais. Je ne sais si l’on appelle ces cantons du nom de ces hommes, ou leurs satrapies du nom des cantons.

Ayant fait toutes ces dispositions, Valarsace bâtit un temple à Armavir où il met les images du Soleil (Arékagen),[269] de la Lune (Lousin),[270] et celles de ses ancêtres. Schampa Pakarad le juif, investi de la dignité de thakatir et de général de la cavalerie, est invité et pressé d’abandonner la foi judaïque et d’adorer les idoles; mais s’y étant refusé, le roi Valarsace le laisse libre.

Valarsace fait reconstruire la ville de Sémiramis et élever dans beaucoup d’endroits, pour des populations nombreuses, des bourgs importants.

Il fait régner également un ordre parfait, fixe les heures d’audience, des conseils et des divertissements. Il divise la milice en première, seconde, troisième classe et ainsi de suite. Il nomme deux rapporteurs chargés de rappeler par écrit au roi, l’un, le bien à faire; l’autre, les vengeances à exercer. Il enjoint au premier de prévenir le roi, dans sa colère, qu’il donne des ordres iniques, et de le rappeler à la justice et à la philanthropie. Il crée des justiciers dans les villes et les campagnes. Il ordonne aux citadins de tenir un rang supérieur à celui des paysans, à ceux-ci d’honorer les citadins comme leurs supérieurs, enfin aux gens des villes de ne pas être hautains envers les paysans,[271] mais de se conduire en frères pour maintenir le bon ordre et conserver l’harmonie, sans jalousie, ce qui est la cause du bonheur et de la tranquillité de la vie. Il établit encore d’autres institutions du même genre.

Valarsace, ayant plusieurs fils, ne jugea pas convenable de les garder tous à Medzpin. Il les envoie en conséquence demeurer dans le canton de Haschdiank[272] et dans la vallée frontière hors de Daron, leur laissant tous les villages avec une addition de revenus particuliers et de traitements pris sur le trésor royal.[273] Valarsace garde près de lui son fils aîné, appelé Arsace (Arschag) pour lui assurer le trône, et son petit-fils Ardaschès qu’il aime tendrement. C’était en effet un enfant vraiment intelligent, de belle venue, et qui faisait présager de futures actions d’éclat. Ce fut dès lors un principe chez les Arsacides, qu’il ne restât près du roi qu’un seul fils, l’héritier de la couronne, tandis que les autres fils et filles allassent aux contrées de Haschdiank, apanage de la race.

Cependant Valarsace, après avoir accompli tous ces faits et cette magnifique organisation, meurt à Medzpin, après vingt-deux ans de règne.[274]

XXXIV. (Ch. ix.)

De notre Arsace (Arschag) premier. Ses faits et gestes.

Arsace, fils de Valarsace, règne treize ans sur les Arméniens.[275] Jaloux de suivre les traces des vertus de son père, il fit aussi beaucoup de sages institutions, déclara la guerre aux habitants du Pont, et laissa sur le rivage de la grande mer une marque de sa victoire. Prenant sa lance dont la pointe était bien affilée et qui était trempée dans le sang des reptiles, il la brandit, étant à pied, d’un bras vigoureux et la fait pénétrer profondément dans une colonne de pierre très dure qu’il érigea au bord de la mer.

A cette époque de son règne, surviennent de grands troubles dans les gorges de la chaîne du Caucase, au pays des Boulgars;[276] grand nombre d’habitants émigrèrent dans notre pays, se fixèrent au-dessous de Gog, dans des plaines très fertiles et abondantes en blé et y restèrent longtemps.

Les fils de Pakarad, inquiétés par Arsace [qui voulait les contraindre] à adorer les idoles, périrent noblement au nombre de deux, martyrs de la foi de leurs pères. Je n’hésite pas à proclamer qu’ils ont suivi l’exemple des Ananéens[277] et des Eléazaréens.[278] Les autres (membres de cette famille) consentent seulement à chevaucher le jour du sabbat pour aller à la chasse ou en expédition, et à ne plus faire circoncire leurs enfants dam l’avenir. Comme ils n’étaient pas mariés, Arsace fit défense dans toutes les satrapies de leur donner des femmes en mariage, s’ils ne faisaient serment de renoncer à la circoncision.

Ils se soumettent seulement à ces deux conditions, mais ils refusent d’adorer les idoles.

Ici se termine le récit du vénérable Mar Apas Catina.

Ils se soumettent seulement à ces deux conditions, mais ils refusent d’adorer les idoles.

Ici se termine le récit du vénérable Mar Apas Catina.

 

 


 

[1] Valarsace, frère d’Arsace V appelé aussi Mithridate Ier, fut choisi par son frère pour gouverner les Arméniens, qui avaient volontairement appelé les Parthes, à la suite des troubles qui agitaient leur pays. Ce prince, qui fut le fondateur de la dynastie arsacide d’Arménie, régna de l’an 149 av. J.-C. jusqu’à l’an 127. — Cf. Moïse de Khorène, Histoire d’Arménie, liv. II, ch. 3 et suiv. — Jean Catholicos, Histoire d’Arménie, éd. St-Martin, ch. viii, p. 9.

[2] Un ms. donne la variante Mar Ipas Catina. — Le Pseudo-Agathange (Cf. Sébéos, Hist. d’Héraclius, éd. Mihrtad, 1851, p. 1) l’appelle Marappas en un seul mot.

[3] Il ne paraît pas probable qu’au temps de Mithridate Ier, cinquième roi (sixième, selon P. Orose, liv. V, ch. 4) parthe de la dynastie des Arsacides, qui vivait dans le courant du deuxième siècle avant notre ère, la ville de Ninive fût encore debout et renfermât des archives royales (Cf. Quatremère, dans le Journal des Savants, juin 1850). Mais on peut croire que, par archives de Ninive, il faut entendre soit les débris de ce dépôt qui auraient été rassemblés par les soins des Séleucides et seraient ensuite passés aux mains des rois parthes, qui les possédaient quand Mar Apas Catina vint les consulter; soit enfin les archives d’Ecbatane qui existaient encore sous les premiers rois de Perse, à ce que raconte Esdras (liv. I, ch. 8, vers. 1-2).

[4] C’est ici que commencent dans Moïse de Khorène les extraits du livre de l’anonyme chaldéen compilé par Mar Apas Catina.

[5] Les mots Ouin, « Grec », et Ounasdan, « la Grèce », qui sont la transcription des noms ῎Ιων et Ἰωνία, sont également employés par les Arabes, sous la forme Iounan, opposition aux Roumis qui sont les Grecs modernes.

[6] On ne saurait mettre en doute ici qu’il s’agit d’un ouvrage historique, appartenant à la littérature nabatéenne, dont la science s’est fort occupée dans ces derniers temps (Cf. à ce sujet E. Quatremère, Mémoire sur les Nabatéens, dans le Journal asiatique, 1835. — Chwolsohn, Die Ssabier und der Ssabisimus, Pétersb., 1856, t. 1, p. 705 et suiv., t. II, p. 910.911. — Le même, Ueber die Ueberreste der Altbabylonischen Literatur in Arabischen Uebersetzungen, Pétersb., 1859. — Renan, Hist. des langues sémitiques, 3e édit., 1863, p. 242 et suiv.) Cet ouvrage, dont l’auteur n’est pas nommé, n’est pas l’œuvre de Bérose, comme l’a supposé E. Quatremère, dans le Journal des Savants (1850, p. 364 et suiv.); il est plus probable que c’est un écrit chaldéen qui, ayant été traduit dans la langue grecque, aurait été attribué à Bérose, sur le compte duquel l’antiquité classique se plaisait à placer tous les écrits de la littérature babylonienne dont elle avait eu connaissance. (Cf. notre Mémoire sur les sources de Moïse de Khorène, dans les Mélanges asiatiques de l’Académie des Sciences de St. Pétersb., et Bulletin de la même compagnie, t. III, p. 531 et suiv.)

[7] Medzpine était une ville du pays des Aghedznik, dans la partie de la Mésopotamie qui appartenait aux Arméniens. Elle fut, pendant toute la durée de la dynastie arsacide, la capitale du royaume, et cessa d’être la résidence des rois à l’époque où Abgar, premier prince chrétien de l’Arménie, transporta le siège de son gouvernement à Edesse (Moïse de Khorène, Hist. d’Arménie. liv. II, ch. 27). Aujourd’hui Medzpine s’appelle Nisibe, nom qu’elle porta aussi pendant l’antiquité et le moyen âge.

[8] L’histoire de l’écriture chez les Arméniens est un des problèmes le plus intéressants que l’antiquité nous ait légués. On ne sait que fort peu de chose à ce sujet, et tout ce que l’on en peut dire se borne à quelques passages obscurs, conservés dans les historiens et les écrivains arméniens, et qui peuvent donner lieu à beaucoup de controverses. Toutefois on doit présumer, non sans quelque raison, que le mode d’écriture en usage chez les anciens Arméniens, à l’époque qui précéda l’avènement de la dynastie arsacide, était le même que celui employé par les Assyriens, les Babyloniens et les Achéménides, et que l’on désigne, à cause de la forme des signes, sous le nom générique d’écriture cunéiforme. En effet, on a découvert à Van, à Malatiyah, à Palou, au Kehlachum et en dernier lieu à Kalincha ou Kanlidja, des inscriptions cunéiformes, appartenant à un système d’écriture différent de ceux employés par les Assyriens, les Babyloniens et les Achéménides, et que l’on croit être conçues en langue arménienne ancienne ou arméniaque. (Cf. Schultz, Mémoire sur le lac de Van, dans le Journal asiatique, 1840, p. 257 et suiv. — C. Hitler, Monatsberichte über die Verhandlungen der Gesellschaft für Erdk. in Berlin, 1840, p. 70 et suiv. — G. F. Grotefend, dans les Original papers read before the Syro-Egypt. Soc. of London, t. I, p. 127 et suiv. — A. Layards, Niniveh and its remains, t. II, p. 137. — Le même, Inscript. in the cuneiform character from Assyr. monuments, f. 74. — Khanikoff, dans les Mélang. asiat. de l’Acad. des Sc. de St. Pétersbourg, t. III, p. 76 et suiv. — Brosset et Kunik, Notice sur deux inscr. cunéiformes de l’Arménie russe, dans les Mélang. asiat., t. IV, p. 671 et suiv.). Bien que la lecture de ces inscriptions, dites arméniaques, soit encore un problème, puisque les savants ne sont pas d’accord sur l’idiome qu’elles représentent, et que les uns veulent y voir une langue sémitique (Saulcy, Recherches sur les inscriptions de Van, Paris, 1848), les autres une langue indo-européenne (E. Hincks, dans le Journal of the Royal asiatic Soc. of Great Britain, t. IX, p. 387 et suiv.), les troisièmes enfin un idiome composé d’éléments touraniens et arméniens, mais n’ayant rien de sémitique (Mordtmann, dans la Zeitschrift der D. M. G., t. XIII, p. 704-705), nous croyons qu’un jour ou l’autre, on pourra découvrir le moyen de les déchiffrer, en s’aidant des méthodes qui ont contribué à expliquer les inscriptions assyriennes et celles des Achéménides. M. J. Oppert, qui s’est occupé aussi des inscriptions dites arméniaques, croit que ces textes cachent, à n’en pas douter, un idiome indo-européen, et il a à plusieurs reprises exprimé cette opinion (Archives des missions scientifiques, t. V, p. 179 et suiv. — Athenaetum français, 1854. Remorques sur les différ. écrit, cun., p. 992, col. I. — Expédition de la Babylonie, t. II, p. 9.). Quoi qu’il en soit, il paraît certain que l’ancienne langue arménienne qui, on le sait, est composée en notable partie de racines indo-européennes (Neumann, dans la Zeitschrift für die Kunde des Morg., T, p. 242. — Gosche, de ariana linguae gentisque Armen. indole, p. 50 et suiv.), et de quelques éléments sémitiques, par suite du mélange de la race d’Haïg avec les populations araméennes primitivement établies sur le sol de l’Arménie (Renan, Histoire des langues sémitiques, liv. I, ch. II, p. 52), a été écrite d’abord avec des caractères cunéiformes. A une époque relativement plus moderne, et qui s’est prolongée jusqu’au quatrième siècle de notre ère, l’antique écriture en forme de clous fut abandonnée, et les Arméniens employèrent pour écrire leur langue les caractères persans, grecs et syriens (Agathange, Histoire de Tiridate, éd. Ven., p. 85, 136.— Moïse de Khorène, Histoire d’Arménie, liv. III, ch. 4 et 52.— Lazare de Pharbe, Histoire d’Arménie, éd. Ven., p. 27. — Diodore de Sicile, liv. XIX, 23. — Polyen, liv. IV, ch. 8, § 3). Cependant on raconte qu’au temps d’Arsace les Arméniens avaient un système graphique qui leur appartenait en propre (Philostrate, Vie d’Apollonius de Tyane liv. II, ch. 2); ce fait serait de nature à modifier toutes les idées reçues jusqu’à présent sur l’emprunt que les Arméniens avaient fait aux Perses, aux Syriens et aux Grecs de leurs alphabets. Il pourrait se faire en effet que, dans quelques provinces de l’Arménie, on se fût servi d’un alphabet national, tandis que dans d’autres au contraire, et notamment dans celle, qui étaient limitrophes de la Perse, de la Syrie et des possessions grecques, on aurait employé les caractères propres aux idiomes parlés dans le voisinage. Dans la première hypothèse, l’alphabet dont l’invention est attribuée à Mesrob, écrivain du cinquième siècle, aurait été en usage depuis un temps assez long dans certaines parties de l’Arménie, et ce personnage n’aurait fait que le réformer, et le compléter par l’addition de quelques caractères, et l’introduction des signes voyelles (cf. notre Mémoire sur la culture des lettres en Arménie, dans la Revue d’Orient, 1863), et le tirage à part, p. 12-13.—J. B. Emin, de l’alphabet arménien, dans sa traduction russe de Moïse de Khorène (Moscou, 1858), p. 381 et traduction française de cette note dans la Revue d’Orient (1865), L’alphabet arménien). Chacun sait que l’alphabet syriaque, — et cela a lieu dans presque toutes les langues sémitiques, — est dépourvu de voyelles, et qu’il fut complété au huitième siècle de notre ère, au moyen de signes voyelles empruntés à l’alphabet grec (cf. Assemanni, Bibliotheca orientalis, t. I, p. 64 et suiv.; t. III, 2e p. p. 378. — Renan, Hist. des langues sémitiques, p. 291 et suiv.). On reconnaît également à première vue que les voyelles arméniennes sont la copie des voyelles grecques légèrement altérées, et il est évident dès lors que Mesrob, auquel les historiens arméniens, et particulièrement Moïse de Khorène (Hist. d’Arménie, liv. III, ch. 52-54), attribuent l’invention des voyelles, et qui avait été en Grèce, pour travailler à la recherche de l’alphabet dont il voulait doter son pays, se décida dans ce dernier pays à emprunter aux Grecs les signes voyelles qu’il fit entrer dans l’alphabet arménien (Moïse de Khorène, op. cit., liv. III, ch. 53). On peut lire l’histoire miraculeuse de la découverte des caractères arméniens, non seulement dans Moïse de Khorène, mais aussi dans Histoire universelle de Vartan (éd. Ven., 1882, 49 et suiv.) et dans Açogh’ig (Hist. universelle, Paris, 1859, 2e partie, ch. I), qui racontent qu’une main invisible traça, sur les rochers du Palou, les caractères arméniens, devant Mesrob, comme autrefois Dieu avait révélé au législateur Moïse la loi d’Israël sur le mont Sinaï. En résumé, ce fut seulement au cinquième siècle de notre ère que l’alphabet arménien oncial (iergathakir, écriture de fer), ou comme on l’appelle encore, l’alphabet mesrobien, qui avait remplacé les caractères syriens, pelhvi et grecs, fut mis en usage parmi les Arméniens, et dès lors il fut constamment employé pour la transcription des écrits conçus dans l’idiome national. Cet alphabet se composa d’abord de 22 lettres, puis de 14 (cf. Emin., op. cit., de l’alphabet arménien), et enfin plus tard, au xiie siècle, on y ajouta deux nouveaux caractères également empruntés à l’alphabet grec, et qui étaient destinés, le premier, o, à remplacer la diphtongue au, et le second, j, à rendre le son p ou ph, le j grec, dont la forme n’a presque point subi d’altération, et qui est encore très reconnaissable aujourd’hui, même dans l’alphabet cursif ou nodorkir, assez différent des caractères iergathakir ou onciaux. Le lecteur qui voudra étudier à fond la question si intéressante de l’alphabet arménien consultera avec fruit la savante notice de M. Emin, qui a tiré des textes arméniens des données toutes nouvelles et a éclairci, avec cette sagacité qu’on lui connaît, une question qui, avant lui, était toujours restée insoluble. Il est bon de tenir compte des observations du P. Karékin, mekhitariste de Venise, contenues dans son Histoire de la littérature arménienne (eu arm., Venise, 1865), au sujet de l’alphabet arménien, chapitre intitulé « Caractères » (Kir) p. 8 et suiv., où ce savant a également émis, au sujet de l’invention des caractères, des idées fort ingénieuses.

[9] La légende de la destruction de la Tour de Babel par suite d’une tempête soulevée par la colère céleste, se trouve aussi bien chez les auteurs profanes que dans les écrits apocryphes de l’Ancien Testament, et en cela elle diffère du reste de la Genèse, qui dit seulement que le Seigneur, ayant confondu le langage des constructeurs, ceux-ci se dispersèrent et cessèrent de bâtir leur ville (Genèse, ch. XI, versets 4-9. —Abydène, Fragm. histor. graec., éd. Müller, t. IV, p.282. —Alexandre Polyhistor, ext. du Syncelle, p. 44, Fragm. hist. graec., t. II, p. 502, 10; t. III, p. 212. — Josèphe, Antiquités judaïques, liv. I, ch. 4). Ces deux derniers, d’après une tradition qu’ils appellent la Sibylle, racontent que, les hommes ayant bâti, une tour très élevée, les dieux excitèrent contre eux une violente tempête qui la renversa. Ces deux témoignages sont non seulement d’accord avec ce que raconte l’auteur chaldéen dont Mar Apas Catina rapporte ici le texte, mais ils sont encore corroborés par un passage du Livre du juste ou de la génération, composition apocryphe, dont on doit la traduction faite sur le texte hébreu rabbinique au chevalier Drach (cf. Dictionnaire des Apocryphes [Migne, 1858], t. II, p. 1069 et suiv.), qui dit que la terre, ayant ouvert sa bouche, engloutit un tiers de la tour, et qu’un feu descendu du ciel consuma un autre tiers, mie laissant subsister qu’un troisième tiers qui existe jusqu’à présent. La tour de Babel ou tour de Bélus n’est autre chose que la Birs Nimrod dont les ruines sont encore très apparentes dans la Babylonie (Fresnel, Journal asiatique, juin 1853. — Oppert, Expéd. de la Babylonie, t. I, p. 132 et suiv. et dont on trouve aussi la mention dans Hérodote, liv. I, 178, 183.)

[10] Le nom de Babel, signifie confusio (linguorum). La critique moderne a reconnu que la légende de la Tour de confusion, fondée sur l’étymologie fictive du nom de Babri, reposait sur l’extrême difficulté que les diverses classes de la population de Babylone y trouvaient à s’entendre (Renan, Hist. des lang. sémit., liv. I, ch. 2, p. 58). Eusèbe dit en effet : Ἐν δὲ τῇ Βαβυλῶνι πολὺ πλῆθος ἀνθρώπων γενέσθαι ἀλλοεθβῶν κατοικησάντων τὴν Χαλδαίαν (Chronique, édit Aucher, t. I, p. 19-20). Rapprochez ce passage au vers d'Eschyle fait prononcer au choeur dans sa targédie des Perses, 52 et suiv.

[11] Haïg, que les traditions arméniennes nous représentent comme le premier patriarche de la nation, n’est autre chose que l’éponyme national. Les Arméniens, de toute antiquité, se sont appelés Haïk, nom qu’ils portent encore aujourd’hui.

[12] Un ms. donne la variante Kamir.

[13] Thiras n’est pas nommé dans la Genèse; c’est un personnage mythique dont la création remonte au premiers temps du christianisme. Les Arméniens l’ont placé entre Gomer et Thorgom, où il sert de trait d’union entre les fils de Noé et Haïg, en vue de rattacher les ancêtres nationaux aux filiations bibliques. Au surplus Moïse de Khorène n’est que l’écho de cette tradition, car il déclare dans son Histoire (liv. I, ch. 5) que Thiras n’est pas mentionné dans les Livres Saints, et qu’il a dressé la généalogie des patriarches de la nation arménienne sur la foi d’un savant syrien qu’il ne nomme pas. On sait que tous les peuples chrétiens de l’Asie font remonter, par un procédé identique, leurs ancêtres nationaux, éponymes ou, autres, aux enfants de Noé. Les premiers historiens chrétiens ont employé cette méthode syncrétique, en vue de trancher la question si grave des origines des peuples, et de ramener toutes les familles d’hommes à une commune origine biblique. C’est ainsi que « les Géorgiens, les Raniens, les Mowakaniens, les Hers et les Lecs, les Mègres (Mingréliens) et les Caucasiens, sont tous issus d’un même père nommé Thargamos, fils de Tharchis, fils d’Avanan (Iavan), fils de Japhet, fils de Noé. (Cf. les Annales de Wakhtanq, traduites du géorgien en français, par M. Brosset, dans son Histoire de la Géorgie, St. Pétersb., 1849, t. I. p. 15 et suiv.). — Une tradition identique existe chez les Afghans; cf. Hanway, Beschreib. der neusten Reichsveränder. in Persien, p. 19.

[14] Un ms. donne la variante Aramaniag.

[15] Moïse de Khorène donne en effet la généalogie des premiers patriarches de sa nation dans le ch. 5 du 1er livre de son Histoire. Selon lui, Haïg était fils de Thorgom; Haïg engendra Arménag, qui engendra Arainaïs, qui engendra Amasia, qui engendra Kégham, qui engendra Harma, qui engendra Aram, qui engendra Ara. J’ai déjà fait observer que le nom de Haïg est l’éponyme de la race; je dois en dire autant des noms d’Arménag ou Aramaniag, d’Aramaïs, d’Harma, d’Aram, qui tous sont dérivés du radical arm, et qui sont des formes plus ou moins différentes d’une des appellations spéciales de la race d’Haïg, et dont les Grecs et beaucoup d’autres peuples ont fait les noms Arménie et Arméniens (Cf. Moïse de Khorène, liv. I, ch. 12. — Jean Catholicos, Histoire d’Arménie, ch. 8. — Samuel d’Ani. Chronographie, éd. Zohrab et Maï. p. 24.). En arménien le mot arm a la signification de racine; mais je n’oserais pas affirmer avec certitude qu’il entre pour quelque chose dans la formation des appellations précédentes.

[16] Bélus ou Bel paraît correspondre ici, dans le récit de l’historien, au Nemrod des Livres Saints (Genèse, X, 8, 9). Bel était une divinité assyrienne analogue au Jupiter des Romains (Rawlinson, On the relig. or the Babylonians and Assyrians, dans son Histoire d’Hérodote, t. I, p. 594 et suiv.). C’était l’Être primitif, le créateur de tout ce qui existe (Chwolsohn, Die Ssabier und der Ssabismus, t. II, p. 39, 165, 171). — Cf. aussi J-B. Emin, Recherches sur le paganisme arménien (Paris, 1864), p. 33 et 34.

[17] Ce passage du récit de Mar Apas Catina, emprunté au livre chaldéen anonyme qu’il a compilé, révèle la présence, aux environs de l’Ararat, de populations autochtones antérieures aux Arméniens. Si l’on rapproche ce passage des données qui sont contenues dans les Livres Saints, on s’aperçoit bien vite que ces populations primitives ne pouvaient être que des Araméens, que nous savons avoir occupé une partie de l’Arménie et notamment Our-Kasdim qui est la même chose qu’Arphaxad ou pays des Kasdes. Il existe en effet une autre tradition conservée aussi par Moïse de Khorène (liv. I, ch. 6) qui fait arriver Sim, fils de Xisuthre, en Arménie, après le déluge, où il aurait fondé des établissements au pied des montagnes qui s’étendent depuis le lac de Van à l’ouest jusqu’au Tigre. Or, Sim, selon Moïse de Khorène, serait Sem, fils de Noé, qui aurait donné son nom à ces montagnes. De cette manière la présence de populations araméennes en Arménie antérieurement à l’arrivée de Haïg se trouverait ainsi démontrée. Il est probable que ce fut l’arrivée des Arméniens qui occasionna le mouvement des Araméens vers le sud, mouvement auquel est attaché le nom de Térach ou Tharé (Genèse, XII, 31), et qui détermina cette marche du nord.est au sud-ouest que les Sémites prennent aussitôt après la formation des grands empires de l’Asie, et notamment après l’établissement de celui de Babylone. Cette migration des Sémites vers le sud, ayant eu lieu vers l’an 2.000 environ avant notre ère, se trouve être en effet contemporaine de l’arrivée de Haïg ou des Arméniens dans le pays d’Ararat, que les chronographes axent vers l’année 2.107 avant notre ère. (Renan, Hist. des tangues sémit., liv. I, ch. 2, § 1 et 2). —St-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. I, p. 407. —.Tchamitch, Hist. d’Arménie; en arménien, tables). Ce premier contact des Araméens et des Arméniens dans la région d’Arphaxad, explique la présence, dans la langue arménienne, d’éléments sémitiques fort anciens; aussi les analogies que Posidonius, cité par Strabon (Géogr., éd. Didot, liv. I, ch. 2, p. 34 et suiv.) croit trouver entre les Syriens et les Arméniens par la langue, les mœurs et la physionomie, ne sont peut-être pas sans fondements. M. Renan est toutefois d’un avis contraire (Lang. sémit., liv. J, ch. 2, § 2), et il considère ces analogies comme des ressemblances purement superficielles.

[18] Le mot zroïtz signifie en arménien « une histoire en prose, une tradition antique transmise oralement, puis recueillie dans la suite des Ages et consignée par écrit. » (Emin, Vebkh.... Chants de l’ancienne Arménie (en arménien), Moscou, 1850, Préface, p. 6 et 7. — Cf. aussi Etude sur les chants historiques de l’ancienne Arménie, dans le Journal asiat., 1832, et tirage à part, p. 9 et suiv.). Outre ces zroïtz, les anciens Arméniens avaient encore des vebkh «poésies traditionnelles ou historiques », auxquelles Moïse de Khorène a fait de nombreux emprunts. (Emin, op. cit., préface, p. 7 )

[19] Le canton de Hark, dans le Douroupéran, est le même que la Carka de Constantin Porphyrogénète, De ad. imp., ch. 44.

[20] L’épithète de race ou maison de Thorgom, d’où les Arméniens ont tonné le nom de Thorgomatzi, est souvent donnée à leur nation (Ezéchiel, XXVII, 14). Ils prétendent en effet que le patriarche Thorgom, que les autres peuples appellent Thogorma, était fils de Thiras, fils de Gomer, ainsi que nous l’avons vu plus haut. Les Géorgiens et différents peuples du Caucase se donnent également le nom de Thorgamosiani, du nom de Thorgorma dont le fils aîné, Haos, serait le même que Haïg (Brosset, Hist. de la Géorgie. t. I, p. 15 et suiv.). Toutefois cette tradition est purement biblique, et n’a eu cours en Arménie et en Géorgie qu’après l’introduction de la foi chrétienne, puisque Mar Apas Catina dit qu’Haïg était fils de Thaglat, qui est un nom d’origine babylonienne, et qui entre dans la composition de plusieurs appellations royales, comme Thaglat Pileser, etc. L’assimilation que Moïse de Khorène a tentée entre les deux noms de Thorgom ou Thorgoma et Thaglat est sans fondement, et n’a eu d’autre but que de rattacher les traditions nationales aux données fournies par les textes sacrés.

[21] La montagne dont il est ici question est probablement une de celles qui font partie de la chaîne qui s’étend depuis l’Araxe jusqu’aux bords de l’Euphrate, du Tigre et du lac de Van. La partie de cette chaîne qui est la plus élevée et qui est perpétuellement couverte de neige, porte chez les Arméniens le nom de Masis, qui est considéré comme l’Ararat des Livres Saints. Toutefois il paraît que ce nom de Masis, qui ne s’applique maintenant qu’aux parties montagneuses de l’Arménie centrale, s’étendait autrefois bien plus loin vers le midi, du côté de la Mésopotamie, car les anciens géographes désignent sous le nom de Masius, la partie du Taurus, voisine d’Amid, qui séparait l’Arménie de la Mésopotamie. (Strabon, Géogr., liv. XI, ch. 12, p. 447. — Ptolémée, liv. V, ch. 18. — Ammien Marcellin, liv. XVIII, ch. 6). Les auteurs arméniens donnent encore au Masis, le nom de Medj-Liaren, « grande montagne », parce qu’il est le point le plus élevé de leur pays (Moïse de Khorène, Hist. d’Arm., liv. I, ch. 30. — Faustus de Byzance, Hist. d’Arm., liv. V, ch. 25).

[22] Au cinquième siècle, les peuples de la partie sud-est de l’Arménie portaient le nom de Gatméan, ou Galmeagan. Quelques critiques, et Sainte-Croix en particulier, ont confondu Gatmos avec Cadmos; nous n’avons pas besoin d’insister sur l’impossibilité d’une semblable analogie qui n’est basée que sur une ressemblance de noms, purement accidentelle.

[23] Le lac de Van, le plus grand des lacs de l’Arménie, est situé dans sa partie méridionale au-delà du Tigre. Les Arméniens lui ont donné différents noms, tels que lac ou mer d’Aghthamar, des Peznouni, de Reschdouni, de Dosp et de Vasbouragan. C’est le même que les géographes grecs appellent lac d’Arsène, d’Arsissa ou de Thopitis (Strabon, Géogr. liv. XI, ch. 14, p. 453. —Ptolémée, liv. V. ch. 13). Le lac de Van est salé, aussi portait-il encore chez les Arméniens le nom de Aghidzov, « mer salée ». (Moïse de Khorène, Géographie, dans Saint-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. II, p. 361. — Indjidji, Arménie ancienne (en arm.) p. 172. — L. Alischan, Géograph. universelle; Arménie, p. 87. — Saint-Martin, Mémoires sur l’Arménie, t. I, p. 54 et suiv.). L’espèce des petits poissons, dont parle ici l’auteur, se trouve encore dans le lac de Van, au dire de Jaubert (Voyage en Arménie, p. 138-139).

[24] L’Haïotz-tzor porte encore actuellement le nom vulgaire d’Haïou-tzor (Mékhitar abbé, Dictionn. géogr. (en arm.), p. 304. — Indjidji, Géogr. anc., p. 199-200. — Le même, Arménie moderne, p. 144. — L. Alischan, Géogr. de l’Arménie, p. 94).

[25] Indjidji (Arm. anc., p. 200. — Le même, Arménie moderne, p. 145, dit que cette localité s’appelle aujourd’hui Kérezman medj, « le grand tombeau », ou Satanoi Kérezman, « tombeau de Satan ». La Géographie de Pappus d’Alexandrie, qui nous a été conservée en partie dans celle de Moïse de Khorène, dit que ce fut dans l’île de Troprobane qu’eut lieu la chute de Satan (Cf. Saint-Martin, Mémoires sur l’Arménie, t. II, p. 377). Toutefois nous devons dire que ce passage est interpolé, car il ne se trouve même pas dans tous les manuscrits.

[26] Le père Arsène Bagratouni, mékhitariste, a publié à Venise en 1858, en arménien, un poème épique en vingt chants, intitulé Haïg, qui est, sans nul doute, la plus magnifique épopée imaginée par le génie poétique des Arméniens. Le style en est très élevé et les vers sont habilement cadencés: on doit regretter seulement que l’auteur ait représenté les anciens Arméniens comme étant monothéistes, car il est facile de démontrer la fausseté de cette opinion, en s’appuyant sur les plus anciens textes historiques qui nous sont parvenus. Au surplus M. Emin a annoncé devoir rendre compte de l’épopée d’Haïg du père Arsène, dans un travail spécial qu’il prépare en ce moment (Cf. Recherches sur le paganisme arménien (en russe), Moscou, 1864, et en français, Paris, 1864, p. 6).— Nous ferons remarquer en passant que les Arméniens ont donné le nom d’Haïg à la constellation d’Orion, comme on peut le voir dans la version arménienne de la Bible (Job, ch. 38, v. 31. — Isaïe, ch. 13, v. 10). Ce nom d’Haïg donné à Orion provient sans doute de la ressemblance que les Arméniens avaient cru découvrir entre leur éponyme et patriarche national, et Orion, qui était aussi un grand chasseur, haut de taille, bien fait et d’une force herculéenne (Diodore de Sicile, Biblioth. histor., liv. IV, ch. 85).

[27] Un autre manuscrit porte, au lieu de Ouortouni, le nom des Kenouni.

[28] Les trois satrapies dont il est ici question faisaient partie de la province de Douroupéran. — Les Manavazian possédaient le canton de Hark en apanage, et le conservèrent jusque vers l’an 220 de notre ère, après la mort de Tiridate (Dertad). A l’avènement de son fils Khosrov II, une guerre éclata entre les Manavazian et les Ouortouni, et le roi, pour mettre fin aux scènes de carnage et de dévastation auxquelles se livraient ces deux familles rivales, essaya de rétablir la paix entre eux. Ne pouvant y parvenir, il fit marcher son armée contre ces satrapes, et anéantit ces deux familles, dont les possessions furent données à l’évêque Aghpianos qui jouissait d’un grand crédit en Arménie (Faustus de Byzance, Hist. d’Arménie, liv. III, ch. 4). La ville principale des Manavazian s’appelait Manazguerd ou Mandzguerd; on trouve son nom souvent mentionné dans les auteurs byzantins sous les formes Μαντζικίερτ, Μαζίκερτ (Constantin Porphyrog., De admin. imp., ch. 44. — Cedrenus, t. II, p. 780. — Bryenne, liv. I), dans les écrivains syriens sous la forme Manazguerd (Aboulfaradj, Chron. syriaque, p. 22, 8, 244, 439) et chez les Arabes qui l’appellent Melazdjerd, Melazkerd (Aboulféda, Géogr., éd. de M. Reinaud, texte arabe, p. 394 et 395. — Annal. Mosl., t. III, p. 125, 145. t. IV, p. 112. —Cf. aussi Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 105). — Les Peznouni avaient pour apanage un canton situé au nord-ouest du lac de Van et qui faisait également partie de la province de Douroupéran. Cette satrapie subsista jusqu’au règne de Khosrov II qui, pour punir le chef de la famille des Peznouni, qui s’appelait Tadapen, de l’avoir trahi en faveur des Persans, le fit tuer, lui et toute sa famille, et réunit ses possessions au domaine royal (Moïse de Khorène, liv. III, ch. 2. — Faustus de Byzance, liv. III, ch. 8). — Les Ouortouni possédaient en apanage une plaine située sur les deux rives de l’Araxe et qui portait le nom de Pasen (Moïse de Khorène, liv. II, ch. 7). Quand Khosrov II détruisit cette famille en 320, il donna le pays d’Ouortoron qui formait son apanage à l’évêque de Pasen (Faustus de Byzance, liv. III, ch. 4).

[29] La satrapie des Khorkhorouni, en vulgaire Khoschorni (Mékhitar, Dict. géogr.), faisait partie du Douroupéran; elle portait aussi le nom de satrapie des Maghkhazouni, du nom de Maghkhaz, chef de la garde de Vagharschag ou Valarsace fondateur de la dynastie arsacide d’Arménie (Moïse de Khorène, liv. II, ch. 7). La principauté des Khorkhorouni joua un rôle assez important dans les affaires de l’Arménie (Agathange, Hist. de Tiridate. — Mesrob, Vie de saint Nersès, ch. I. — Moïse de Khorène, liv. III, ch. 9. — Élisée, Hist. des Vartaniens, ch. 4. — Lazare de Pharbe, Hist. d’Arm., p. 114). Cette famille subsistait encore en 708, puisque le prince Vahram assista au concile de Bardaah, présidé par Sion, catholicos ou patriarche d’Arménie (Ganonkirk ou livre des canons de l’Eglise arménienne; ms. de la Bibl. imp.; anc. fonds 84, fol. 223 verso). — Le nom de Maghkhaz, qui était primitivement un nom propre d’homme, devint, dans le langage particulier du pays, synonyme de chef ou prince, car en effet, la forme de cette appellation, par suite de la transmutation du gh arménien en l, se rapproche tout à fait du mot arabe malek qui veut dire roi. Dans Agathange (p. 594, 647), on trouve le nom malkhazouthioun, comme titre de la fonction des Maghkhaz ou Malkhaz. Il est probable que c’est de ce nom Maghkhaz ou Malkhaz, qu’est venu plus tard le titre de mélik, en arabe malik, que portent encore aujourd’hui certains chefs arméniens de la Transcaucasie. On trouve le nom de Maghkhaz conservé encore actuellement chez les Arméniens de la Lituanie polonaise, sous le nom de Malkazouski. — Cf. Indjidji, Antiq. de l’Arménie. t. II, p. 139.

[30] La chaîne des monts Arakadz, dans la province d’Ararat, se réunit à l’ouest au Barkhar, à l’est aux montagnes qui environnent le lac de Sévan et à celles de la province de Siunik. Le géographe Vartan rapporte que l’ascension de la montagne d’Arakadz exige une journée et demie de chemin depuis le pied jusqu’au sommet. Ce sommet est divisé en vingt-quatre grands pics, et au milieu se trouve une vallée où sont quatre autres sommets de rochers vis-à-vis les uns des autres, de manière à former une croix. Saint Grégoire consacra en cet endroit une croix miraculeuse. (Cf. Saint-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. II, p. 416-417). L’Arakadz s’appelle aujourd’hui Allahgueuz (œil de Dieu)

[31] Le pied d’Arakadz, en arménien Arakadzodn, est un canton de la province d’Ararat, qui fut appelé dans le onzième siècle, canton d’Anpert. (Tchamitch, Hist. d’Arm., t. III, Tables, p. 135. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 108).

[32] Cette île, qui remonte à une haute antiquité, était située dans la province d’Ararat, au nord de l’Araxe. Saint-Martin (Mém. sur l’Arm., t. I, p. 123) n’hésite pas à identifier Armavir avec l’Ἀρμαοθρία de Ptolémée (liv. V, ch. 13). Cette ville resta, pendant une longue série de siècles, la capitale de l’Arménie et fut abandonnée pour Ardaschad ou Artazala, à la fin du premier siècle de notre ère.

[33] Un manuscrit donne la variante Erasd.

L’Araxe, aujourd’hui appelé par les musulmans Aras ou Ras, traverse l’Arménie dans toute son étendue de l’ouest à l’est, et reçoit dans sa partie supérieure bon nombre de rivières. L’Araxe était connu des anciens sous le même nom d’Ἀράξης. Il prend sa source dans les monts Abos (Strabon, liv. XI, ch. 14, 2), aujourd’hui appelés Bin-gueul [mille lacs], et se jette dans le Cyrus ou Gour, non loin de son embouchure. (Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 486. — Le même, Géogr. mod., p. 24 et suiv. — L. Alischan, Géogr. de l’Arm., p. 21)

[34] Le canton de Schirag faisait partie de la province d’Ararat. Il est situé sur les bords du fleuve Akhourian et renferme les villes d’Ani, capitale des Bagratides arméniens depuis le huitième jusqu’au onzième siècle, et de Kars qui fut également le siège d’une dynastie Bagratide, durant les dixième et onzième siècles. — le canton de Schirag paraît répondre à la Sirakhnh de Ptolémée (V, 13, 9). Aujourd’hui ce pays est désigné par les Arméniens sous les noms de Schiragran et de Gharsou ergir (territoire de Kars). —Cf. Mékhitar, Dict. géogr. — Arakhel de Tauris, Histoire d’Arménie et de Perse au dix-septième siècle (en arm.)p. 36 et 51. — Indjidji, Géogr. anc. p. 416, 427. — Le même, Géogr. moderne, p. 121.

[35] Deux manuscrits donnent la variante suivante après Kégham, Parokhari.

[36] Les deux noms de Parokh et de Tzolag signifient en arménien, le premier « le glorieux » et le second « l’œil flamboyant ». Ces épithètes sont placées quelques lignes plus bas, à la suite des noms de ces deux personnages, et confirment ainsi leur étymologie.

[37] Cette localité voisine de l’Ararat est mentionnée aussi par Elisée, Histoire des Vartaniens, ch. III, p. 60 (Venise, 1838, en arm.); sa position n’est pas très bien déterminée. Cf. Indjidji, Géogr. ancienne, p. 38.

[38] La position de Tzolaguerd auprès de l’Ararat n’est pas exactement connue, car Mar Apas Catina est le seul écrivain qui ait fait mention de cette localité. Cf. Indjidji, Géogr. ancienne, p. 538.

[39] Le lac dont il est question ici est celui de Kegham et de Kégharkhouni, du nom d’un petit canton situé sur ses rives occidentales. Il est dans la partie septentrionale de l’Arménie sur la rive gauche de l’Araxe et paraît répondre au lac appelé Λυχνῖτις par Ptolémée (liv. V, ch. 12, 8). Les Arméniens l’appellent aujourd’hui lac de Sévan, du nom d’une petite île qui se trouve dans sa partie septentrionale et qui renferme un célèbre monastère, dont il est souvent question dans l’histoire d’Arménie. (Indjidji, Géogr. anc., p. 264. — Le même, Géogr. moderne, p. 2,6. — L. Alischan, Géogr. de l’Arm., p. 8, 13, 76.)

[40] Le canton de Keghakouni ou Kegharkouni (Arakhel de Tauris, ch. 7, p. 79, 82) se trouvait dans le nord de la province de Siunik, dont il faisait partie. (Indjidji, Géogr. anc., p. 263).

[41] La province de Siunik s’étendait depuis l’Araxe jusqu’au delà du lac de Sévan qu’elle environnait de toutes parts. Les limites de cette province ont beaucoup varié; dans l’antiquité, elles s’arrêtaient au confluent de l’Araxe et du Cyrus, et le pays comprenait les provinces d’Artsakh et de Phaïdagaran, les cantons de Koghten et de Nakhdjavan. La province de Siunik formait l’apanage de satrapes arméniens qui la possédèrent jusque vers le douzième siècle, et dont le titre, consigné dans les actes de la chancellerie de Byzance, était, au dire de Constantin Porphyrogénète (De caeremoniis, t. I, p. 397) Ἄρχων τῶν Συνῆς. Les princes Orbélians devinrent ensuite maîtres de cette province, dont ils furent dépouillés par les musulmans. Nous possédons une histoire de la province et des princes de Siunik écrite par Etienne Orbélian au treizième siècle, et dont le texte arménien a été publié à Paris en 1859 (2 vol. in 12). M. Brosset vient d’en donner une traduction complète en français, à Saint Pétersbourg (1864, in 4°) sous le titre: Histoire de la Siounie par Stéphanos (Etienne) Orbélian. On peut croire que la province de Siunik est la même que la Sacassène de Strabon (liv. XI), Sacapène de Ptolémée (liv. V, ch. 13, 9). — Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 226 et suiv. —L. Alischan, p. 86. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. I, p. 142 et suiv.

[42] Cf. Moïse de Khorène, Hist. d’Arménie, liv. II, ch. 7.

[43] Cette ville était située dans la partie méridionale du canton de Kégharkouni, au pied du mont Kegh, sur les bords du torrent du même nom. Le roi Tiridate y fit élever, dans le troisième siècle de notre ère, un palais pour sa sœur Khosrovitoukhd ( Moïse de Khorène, Hist. d’Arménie, liv. II, ch. 90). Cet historien raconte qu’il le décora de magnifiques bas-reliefs et qu’il y fit graver une inscription en caractères grecs, en l’honneur de la princesse sa sœur. Karni n’est plus qu’un village qui a fait donner à la contrée voisine le nom de vallée de Karni ou Karnoudzor (Arakhel de Tauris, ch. I, p. 6; IV, 39, 45, 48 et passim. —Indjidji, Arm. anc., p. 265. — Le même, Arm. mod., p. 256).

[44] Varj signifie en arménien, adroit, habile.

[45] Cette rivière est un des affluents de l’Araxe; elle traverse Erivan, et porte aujourd’hui le nom de Zenguisou en turc, en arménien Zangou-ked [rivière de Zengui]. (Indjidji, Arm. mod., p. 25. — Le même, Arm. anc., p. 457

[46] La satrapie des Varajnouni se trouvait dans la province d’Ararat. Cependant il paraît que les membres de cette famille possédaient encore des apanages dans le Douroupéran et le Vasbouragan et qu’ils donnèrent leurs noms à des cantons de ces deux provinces (Cf. la Géogr. de Moïse de Khorène, dans Saint-Martin, Mémoires sur l’Arménie, t. II, p. 362 et 366). Les princes appartenant à la race des Varajnouni ont laissé peu de traces dans l’histoire; on sait toutefois qu’en 360 et quelques années plus tard, un certain Dikran [Tigrane] et un satrape du nom de Méhentag possédaient en apanage le territoire de Varajnouni (Mesrob, Vie de saint Nersès, en arménien, p. 61 et 75). Un Sahag Marzban [gardien des frontières], de la famille des Varajnouni, vivait en l’an 1000 de notre ère (Mathieu d’Édesse, Chronique, liv. I, ch. 33). Leur principauté cessa d’exister dans le courant du onzième siècle.

[47] Le nom d’Aram, qui, selon notre historien, a été appliqué par les Grecs aux Arméniens, se retrouve sous la forme Ἄρμενος dans Strabon (Géogr., liv. XI, ch. 4, p. 432) qui dit que le thessalien Arménos qui faisait partie de l’expédition des Argonautes, donna son nom à l’Arménie. Justin (XLII, 2) raconte également la même fable. Le nom d’Arménie paraît avoir été appliqué au pays qui porte encore aujourd’hui cette appellation, à une époque fort ancienne et qui est vraisemblablement antérieure à celle à laquelle les Arméniens lui donnèrent le nom de pays d’Haïg ou Haïasdan. Dans les livres zends, l’Arménie, selon quelques critiques, est désignée sous le nom d’Eérieméno (Vispered, ch. I, 2. — Izechné, ch. 32, 33. 45. — Vendidad, ch. 22. — Cf. Anquetil Duperron (Zend Avesta, t. I, part. 2. p. 5). — Toutefois cette opinion n’a pas été admise par M. Max Müller (Science du langage, p. 260 de la trad. fr.). Eug. Burnouf suppose sans trop essayer de le démontrer que le nom de l’Arménie contient le même élément, airya (Commentaire sur le Yaçna, note 2, p. cvii). Il paraît toutefois fort difficile de trouver une racine indo-germanique dans le nom de l’Arménie, et nous croyons plutôt que cette appellation doit avoir sa racine dans les langues sémitiques. On sait que l’Arménie avant d’être occupée par la race d’Haïg, fut habitée par des Sémites ou Araméens. Or, le nom d’Aram est purement biblique et indique un ethnique comme Arphaxad et Canaan (Renan, Lang. sémit., liv. I, ch. 2, p. 28). Un des membres de la famille d’Aram, Masch (Genèse, X, 23), rappelle le mont Masius qui sépare l’Arménie de la Mésopotamie (Bochart, Phaleg. liv. ii, ch. 1), et on sait que les Araméens sortaient du pays de Kir [Gour ou Cyrus]. (Cf. Amos, IX, 7.) Le nom d’Aram qui semble indiquer une terre primitivement occupée par les Sémites, a persisté à rester l’appellation prédominante de l’Arménie, même après l’arrivée de la race d’Haïg, et cette appellation qui a toujours été celle que lui ont donnée les peuples étrangers, a été aussi acceptée par les Arméniens, bien que, dans leur langage national, le nom d’Haïasdan ait constamment prévalu. Le rapprochement que Bochart (Phaleg, liv. I, ch. 3) a fait entre les mots Har-mini de la paraphrase chaldaïque de Jérémie et le nom de l’Arménie, est, je crois, purement accidentel. Le nom d’Aram appliqué aux Syriens par Strabon, d’après Posidonius (I, 2, 34; XIII, 4, 6; XVI, 4, 27), provient, à n’en pas douter, de la même source que celui qui a servi à désigner l’Arménie, et il est présumable qu’il a été transporté de ce dernier pays en Syrie par les Sémites descendus de l’Arménie dans la Mésopotamie lors de l’émigration de Tharé. Ce nom d’Aram ou d’Aramée qui servait à désigner les contrées connues sous la désignation de Συρία, forme abrégée d’Assuria, fut remplacé à l’époque des Séleucides par celui de Syrie. Toutefois le nom d’Aram ne se perdit pas entièrement, et il continua à désigner, en Orient, ceux des Araméens qui n’adoptèrent pas le christianisme, tels que les Nabatéens et les habitants de Carrhes Harran). — Cf. Quatremère, Mémoire sur les Nabatéens; dans le Journal asiatique, 1835 et tirage à part p. 70. — Renan, Hist. des lang. sémit., liv. III, ch. I, p. 2, 3 et suiv., note I.

[48] Les Kouschans (Couschites) dont parle ici l’historien nous font remonter à l’époque la plus ancienne des annales du monde. La critique moderne, se basant sur les plus anciennes traditions consignées dans la Genèse et dans les livres zends, suppose qu’à une époque anté-historique, il existait sur le Tigre et le bas Euphrate une race étrangère aux Sémites, les Couschites, représentés dans les souvenirs des Hébreux par le personnage de Nemrod (Genèse, X, v. 8-10) et dans les écrite zends par le nom de Améretat , le merdad des Persans (Boetticher, Arica, p. 17; Rudim. myth. semit, p. 19, 20). Ces Couschites sont vraisemblablement les Cuthéens, les Kissioi d’Hérodote (Movers, die Phaenizier, t. II, p. I, p. 269, 276, 284 et s; t. II, p. 11, p. 104, 106, 388. — Knobel, Die Vœlkertafel der Genesis, p. 251, 339 et suiv.) identiques aux Céphènes, auxquels la tradition grecque attribuait la fondation du premier empire chaldéen (Ch. Muller, Fragm. hist. graec. t. I, p. 67). Les Couschites, établis d’abord dans la Susiane et la Babylonie, se répandirent sur l’Assyrie où ils fondèrent Ninive, Babylone et d’autres centres de populations groupées autour de Ninive. C’est à eux qu’est attribuée la première fondation de ces villes (Benan, Hist. des langues sémitiques, liv. I, ch. 2, p. 59). Refoulés plus tard par les Sémites vers le sud, où ils avaient conservé des établissements, les Couschites conservèrent leur nom jusque dans le moyen âge, dans les régions occupées encore à présent par leurs descendants du Yémen et de l’Ethiopie, les Hymiarites et les Abyssins. Michel le syrien, patriarche jacobite d’Antioche, qui, au douzième siècle, a écrit une chronique syriaque dont nous ne possédons plus que la version arménienne, donne aux Éthiopiens le nom de Kouschans, dérivé de la forme régulière Kousch ou Kous. —Selon Moïse de Khorène, le pays des Kouschans, ce pays répondrait à la Parthie ou Bactriane, puisqu’il dit que la ville de Pahl, que nous savons être la Βάκτρα ou Bactres des Grecs, la Balkh des modernes, située à peu de distance de l’ancienne, entre les possessions actuelles de l’émir de Boukhara et du khan de Kaboul), était au pays des Kouschans. A l’appui de ce témoignage, on peut invoquer aussi celui du géographe Vartan qui dit également, qu’après le pays des Persans, on trouve « la terre de Kouschan, puis celle de Djen (le Djénastanou la Chine). » (Cf. Saint-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. II, p. 438-437.)

[49] Le canton de Gortouk ou Gortrik faisait parue de la province de Gordjaïk, nom composé qui annonce une fusion des deux races kurde et arménienne. Le pays des Gortouk paraît répondre à la région nommée Γορδυαῖα par Ptolémée (liv. V, ch. 13, 5), tandis que la province de Gordjaïk semble être la même que la Gordyène (Strabon, liv. XI, ch. 14, 2. — Plutarque, Vies de Lucullus et de Pompée), ou la Corduène (Dion Cassius, liv. XXXVII. — Ammien Marcellin, XIV, 8; XXV, 7. — Pline, liv. VI, ch. 15) et le pays connu par Xénophon, sous le nom de pays des Karduques, populations qui étaient de son temps en possession de la contrée appelée encore aujourd’hui Kurdistan ou pays des Kurdes. (Cf. Saint-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. I, p. 176 et suiv. — Indjidji, Géogr. anc., p. 138.)

[50] Parscham, Parschamin (Moïse de Khorène, Hist. d’Arm., liv. II, ch. 13), ou plutôt Barchimnia, est une divinité d’origine assyrienne qui passa dans le panthéon arménien à une époque très ancienne. Barchimnia avait son temple au village de Tordan, canton de Daranakhi, dans la province de Bardzer Haïg. Agathange (Vie de Tiridate, p. 58 de l’édit. arm. de Venise) lui donne le surnom de « glorieux ou éclatant de blancheur », Spitakapar; et Ananie de Schirak (ms. de S. Lazare de Venise) l’appelle « assyrien », ce qui ne laisse aucun doute sur l’origine de ce dieu. Le nom de Barchimnia, en assyrien Barchamnin, signifierait, selon M. Emin, « le maître ou le seigneur de la guerre » (Recherches sur le paganisme arménien, p. 17-18). — Diodore de Sicile (liv. II, ch. I) parle d’un ancien roi d’Arménie appelé Barzanès, qui fut vaincu par Ninus. Malgré la ressemblance qui semble exister entre les noms de Barscham ou Parscham et Barzanès, il paraît impossible de les identifier, à moins d’admettre que Diodore n’ait fait une confusion entre les souverains de l’Assyrie et ceux de l’Arménie.

[51] Césarée de Cappadoce, autrement appelée Μάζακα, ou Μάζα en grec, prit le nom de Césarée sous Tibère, sans que ce nouveau nom, ait fait disparaître entièrement le premier. Mazaca est la transcription grecque du nom arménien Majak (Cf. Agathange, Vie de Tiridate, p. 594. éd. de Venise). Julien l’Apostat, irrité contre les chrétiens de Césarée, lui enleva ce nom et lui lit reprendre celui de Mazaca.

[52] Une variante donne: Babaïs Kaghen.

[53] L’historien entend parler ici de l’Asie Mineure, et plus spécialement de la Cappadoce qu’il dit avoir été occupée par son parent Mschag ou Majak, fondateur de Césarée de Cappadoce.

[54] Mschag en arménien signifie « agriculteur, laboureur. »

[55] Les manuscrits écrivent aussi Protin, Protoson.

[56] On désigne sous le nom de Première Arménie, la province formée de la partie orientale de la Cappadoce et qui s’étend jusqu’à l’Euphrate. Elle sépare la Seconde Arménie de la Troisième, qui est au sud. Ses limites ont toutefois considérablement varié, selon que le nombre des émigrés arméniens venus de l’autre côté de l’Euphrate a été plus ou moins considérable. (Indjidji, Arm. mod., p. 309 et suiv. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 135 et suiv.)

[57] Ces quatre provinces sont décrites dans la Géographie de Pappus, dont la traduction est attribuée à Moïse de Khorène ou à un de ses contemporains qui a intercalé dans le texte de Pappus des détails spéciaux sur l’Arménie. (Cf. Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. II, p. 354-355 et 360-361. — Indjidji, Géogr. mod., p. 284, 322 et suiv.) — Ces provinces sont aussi connues des géographes sous le nom de Petite-Arménie (Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 180 et suiv).

[58] Les Arméniens, comme tous les peuples dont l’origine est fort ancienne et qui font remonter leurs annales à une époque antérieure aux temps historiques, n’ont consigné par écrit que fort tard les traditions nationales. Leur histoire fut conservée d’abord par la tradition orale; et ensuite, à une époque relativement plus moderne, ces traditions furent recueillies et consignées dans des livres qui se conservaient, comme nous rapprend Moïse de Khorène, dans les palais des rois et dans les sanctuaires des temples (Hist. d’Arm. liv. I, ch. 3, 5 11, 27). Les traditions orales se composaient de chants, erk, de narMions, reb, et de traditions, zroïtz. Ces récits furent d’abord rassemblés dans des livres de traditions (Moïse de Khorène, liv. I, ch. 3, 6, 7) ou bien seulement gardés d’âge en âge dans la mémoire du peuple arménien; et ces derniers livres furent mis à profit, aussi bien que les traditions écrites, par l’Hérodote arménien (liv. I, ch. 2, 3, 9, 10). A côté de ces documents se rattachant à l’histoire positive, les Arméniens avaient aussi des fables ou mythes, arasbel, qui étaient des récits réels au fond, mais présentés sous le voile de l’allégorie ( Moïse de Khorène, liv. I, ch. 3, 5, 7, 12, 19, 30; liv. II, 50, 51, 54, 61, 70, etc. ) et qui peuvent être comparés à des légendes créées par l’imagination et où le merveilleux tient une plus grande place que la réalité (Emin, Vebk … préface et passim). — Ainsi que nous l’avons dit tout à l’heure tous ces chants, narrations, traditions et légendes furent rassemblés en corps d’ouvrage et conservés dans les palais des rois et dans les archives des temples. Les dépôts les plus célèbres en fait de documents de ce genre se trouvaient à Ninive (?), Medzpin, Edesse et Sinope (Moïse de Khorène, liv. I, ch. 2, 3; II, 27, 49). Il paraît que les prêtres n’étaient pas seulement les dépositaires des archives historiques de la nation, mais qu’ils étaient chargés en outre d’écrire, jour par jour, les événements qui touchaient en quelque façon, soit au sacerdoce, soit à la vie politique du pays. Ces annales étaient connues sous le nom d’histoire des temples. Moise de Khorène nous a conservé le nom d’un de ces prêtres annalistes d’Ani, Oghioub [Olympios] qui vécut dans la seconde moitié du premier siècle de notre ère. (Moïse de Khorène, liv. II, ch. 48. — Cf. aussi Emin, Recherches sur le paganisme arménien, p. 54.) —Peut-être doit-on rattacher à cette classe de prêtres historiographes, des fonctionnaires spéciaux chargés.de réunir les matériaux historiques et de les conserver. Moïse de Khorène donne à ces officiers le titre d’inspecteurs « véragatzouk » des mémoriaux (liv. I, ch. 21). Il est probable que Mar Apas Catina, qui fut chargé de recueillir les anciennes traditions nationales, était un inspecteur des mémoriaux. — Ce n’était pas seulement en Arménie que les prêtres étaient chargés d’enregistrer les faits historiques sur des livres conservés dans les temples, car à Rome, la même usage existait depuis une époque fort ancienne (Denys d’Halicarnasse, Ant. rom., XI, 62 ). Ce fait n’a pas échappé à l’auteur de la Vie de Jules César (t. I, p. 14, note 3).

[59] Le nom de Sémiramis porté par la reine d’Assyrie, femme de Ninus, présente au point de vue philologique une étude assez curieuse. Un savant linguiste, M. Ph. Luzzato, suppose que cette appellation est tirée du sanscrit et qu’elle se compose du radical smri ou smar, « aimer » et du suffixe ma avec la voyelle de liaison a, ce qui donnerait la forme Smarama ou Smirama par suite de l’affaiblissement de l’a en i. D’après cette étymologie, le nom de Sémiramis acquiert le sens de celui qui aime (Le Sanscritisme de la langue assyrienne, p. 32. — Le même, Sur l’existence du Dieu assyrien Sémiramis dans le Journal asiatique, 1851). Diodore de Sicile (liv. II, ch. 4) donne toutefois une autre étymologie du nom de Sémiramis qui, selon lui, signifie « colombe » en langue syrienne. (Cf. Creuzer, Relig. de l’antiquité, trad. Guigniaut, t. II, p. I, p. 33. — Maury, Hist. des rel. de la Grèce antique, t. III. p. 211-212.) — On n’est pas d’accord aujourd’hui sur l’époque exacte où vécut Sémiramis et les dernières découvertes, amenées par le déchiffrement des textes cunéiformes, donnent à penser que la reine d’Assyrie ne serait pas l’épouse de Ninus, comme le disent Ctésias et Diodore de Sicile, mais bien la femme de Béloclius III, le dernier roi de la deuxième dynastie ninivite, qui vécut environ huit siècles avant notre ère. — Quoi qu’il en soit, nous croyons que la guerre entreprise par Sémiramis contre Ara roi d’Arménie n’est qu’une allégorie, et qu’il faut voir dans ces récits des historiens grecs et orientaux le développement de la puissance assyrienne cherchant à étendre sa domination sur les empires voisins et à les réduire sous le joug.

[60] Les Recherches sur le paganisme arménien de M. Emin contiennent, touchant ces divinités dont la fonction était de lécher les plaies des guerriers tombés sur le champ de bataille et de les rappeler à la vie, de curieuses révélations. Il paraît que les dieux d’un rang inférieur qui s’appelaient Aralèz ou Arlèz, (mot composé dont la signification propre, en arménien, est « léchant continuellement »), étaient des êtres surnaturels nés d’un chien, à ce que nous apprend Esnig (Réfut. des hérésies, p. 98 et 100, éd. arm. De Venise). Ces dieux secondaires, qui étaient passés de l’Assyrie dans le panthéon arménien, persistèrent dans les croyances du peuple d’Haïg, même après l’introduction du christianisme, car Faustus de Byzance, auteur du quatrième siècle, en racontant la mort du général arménien Mouscheg, arrivée sous le règne du roi Varazdat, de la dynastie arsacide (384 ans après J-C.), ajoute que sa famille espérait que les Arlèz descendraient des espaces de l’air pour lécher la blessure de Mouscheg et le ressusciter (Faustus de Byzance, Hist. d’Arménie, liv. V, ch. 15. — Cf. sur le mythe des Arlèz la traduction russe de l’histoire de Moïse de Khorène par M. Emin (Moscou, 1858), p. 251-258, note 57. — Le même, Vebk.., p. 83 et suiv. — Le même, Recherches sur le paganisme arménien, p. 36 et suiv.) — Le mythe des Aralèz paraît avoir été connu des Grecs, car Platon, à la fin de sa République, raconte d’Er l’arménien qui fut tué dans une bataille, que son corps fut trouvé intact après le combat, et qu’ayant été ensuite rappelé à la vie, ce personnage donna des détails sur ce qu’il avait vu dans l’autre monde. (Cf. Œuvres de Platon, (trad. de V. Cousin), t. X. p. 279 et suiv. — Moïse de Khorène, traduction russe, ad calcem, note 57.)

[61] Les mots ajoutés entre crochets manquent dans beaucoup de manuscrits.

[62] Le mot dev qui a généralement citez les auteurs arméniens le sens de « bon génie », paraît avoir eu chez les premiers écrivains de l’Arménie et notamment dans Moïse de Khorène, le sens de « mauvais génie ». — Cf. Emin, trad. russe de l’histoire de Moïse de Khorène, p. 256, note 59.

[63] Ce passage ne laisse aucun doute sur la nationalité assyrienne des Aralèz. M. Emin ne doute pas que l’Aralèz était représenté avec une tête de chien. (Traduction russe de l’Histoire de Morse de Khorène, p. 251.256, note 57 et Recherches sur le paganisme arménien, p. 39.) Il serait curieux de rapprocher le mythe des Aralèz du culte d’Anubis, ce dieu du panthéon égyptien caractérisé par une tête de chacal ou de chien, et qui avait présidé avec Horus aux détails de l’embaumement d’Osiris. Le chacal, dans la mythologie de l’antique Egypte, était le symbole d’Anubis, et on le représente couché sur des coffrets funéraires, comme un gardien des morts.

[64] Les manuscrits présentent tous la même lacune en cet endroit.

[65] Gartos fut surnommé Ara, du nom de son père, que lui imposa Sémiramis (Jean Catholicos, Hist. d’Arménie, ch. viii).

[66] Quelques manuscrits disent: des fleuves.

[67] Ce mot manque dans plusieurs manuscrits.

[68] Le lac de Van ou d’Aghthamar dont il a été question plus haut.

[69] Cet adjectif manque dans quelques manuscrits.

[70] Cf. sur ces travaux gigantesques attribués à Sémiramis, Indjidji, Géogr. mod., p. 138-139. — Le même, Géogr. anc., p. 177-186. — Jaubert, Voy. en Arménie et en Perse, p. 136-137. — Schultz, Lettre à Saint-Martin, et notice de ce dernier, intitulée: Voyage littéraire en Orient de Schultz et découvertes qu’il a faites dans la ville de Sémiramis, dans le Journal asiatique, 1828. — Inscriptions de Van relevées par Schultz; dans le Journal asiatique, 1840, avec planches. — Léon Alischan, Géogr. de l’Arménie, p.49 et suiv.

[71] Tous les détails circonstanciés que notre auteur donne ici sur la ville dont la fondation est attribués à Sémiramis et qui s’appela de son nom Schamiramaguerd sont confirmés par Diodore de Sicile, (liv. II, ch. 13, 14), par les géographes et les voyageurs modernes et notamment par Indjidji, Schultz, Jaubert et autres. Le nom de Schamiramaguerd fit place à celui de Vanaguerd ou Vanapert [ville ou château de Van], dont le nom s’est conservé intact jusqu’à nous. Ptolémée l’appelle Bouana (Géogr., liv. V. ch. 13, 21) et les Byzantins Iban. (Cédrénus, t. II, p. 774.) Cette ville dut son nom de Van à un roi d’Arménie ainsi appelé, qui la fit reconstruire, et ce nom finit par lui rester, bien que le souvenir de Sémiramis ait persisté pendant toute la suite des siècles.

[72] Il s’agit ici des inscriptions cunéiformes en langue arméniaque (Oppert, Expéd. de la Mésopotamie, t. II, p. 9) qui jusqu’à présent n’ont pas été déchiffrées. Cependant on doit dire que ces inscriptions donnent des noms de rois complètement inconnus dans l’histoire, ce qui permettrait de supposer qu’elles ont été gravées par ordre de princes appartenant à une dynastie arménienne qui régnait à une époque fort ancienne sur les bords du lac de Van, dans le pays de Vasbouragan. On a là parmi les noms de ces princes celui du roi Argistès; (Scbultz, Inscriptions de Van, planche VI. — Hincks, dans le Journal de la Soc. asiat. de Londres, t. IX, n° 18, p. 387 et suiv.) qui se retrouve aussi dans une inscription récemment découverte à Kalincha, et dont le fac-simile a été donné dans les Mélanges asiatiques de l’Acad. des Sciences de Saint-Pétersbourg (t. IV, p. 674).

[73] Cf. Diodore de Sicile (liv. II, ch. 13), qui dit que ces inscriptions étaient eu caractères syriens, c’est-à-dire assyriens.

[74] Deux manuscrits donnent la variante suivante: « Dans son amour pour ses favoris, elle abandonne à ses amants et à ses courtisans toutes les affaires. »

[75] Comparez ce récit de la mort de Sémiramis avec ce que disent Diodore de Sicile (liv. II, ch. 20) et Justin (liv. I, ch. 2). qui rapportent qu’à la suite de la conspiration de Ninyas contre sa mère, celle-ci lui remit l’empire et disparut, pour se mêler au rang des dieux. Diodore ajoute quelle prit la forme d’une colombe, et que c’est pour cela que cet oiseau est vénéré par les Assyriens. — Cf. aussi Lucien, De la Déesse syrienne, ch. 14.

[76] Cf. les Fragm. Histor. graec. de M. Ch. Müller (t. III, p. 625 et suie.), où ont été réunis tous les fragments de Céphalion qui nous ont été conservés par Eusèbe, Moïse de Khorène, le Syncelle et Malalas.

[77] Deux manuscrits ajoutent: « puis de sa guerre contre Zoroastre, de sa défaite, ensuite. »

[78] Cf. Eusèbe (Chronique, t. II, p. 90 et suiv.) et le Syncelle (p. 133).

[79] Le mot arasbel, en arménien, est susceptible de plusieurs acceptions, et dans ce passage, il peut bien vouloir dire, légende, bien que cette signification ne soit pas donnée par les dictionnaires.

[80] Il est question ici de la mer de Van.

[81] La Chronique d’Eusèbe (éd. du P. Aucher; Venise, 1818, 2 vol. in-4°) donne au fils de Sémiramis et de Ninus le nom de Zamès (t. I, p. 98, t. II, p. 15).

[82] Cf. ces généalogies qui offrent quelques différences, avec les tables données par Eusèbe (Chronique, t. I, p. 98-100; t. II, p. 15 et suiv., et passim).

[83] Ariosa, Arisa.

[84] Sovarès, Socaren.

[85] Amamithrès.

[86] Josué, liv. XVII, v. 16-18.

[87] Cette tradition est aussi rapportée par Procope (Hist. bell. Vandal, 1], 10), ce qui permet de corriger d’après lui le texte de notre auteur, et de restituer le mot Afrique au lieu d’Akras. — Pour ce qui est du nom de Tharsis qui se lit dans Moïse de Khorène, Procope l’écrit Tigisi.

[88] Cf. plus bas, liv. I, ch. 25, et liv. II, ch. 7, où il est question des Kénouni, qui étaient chargés de revêtir Valarsace de ses ornements royaux.

[89] La liste des rois d’Arménie donnée ici par Moïse de Khorène, d’après Mar Apas Catina diffère sous beaucoup de rapports de celle que nous a laissée Jean Catholicos dans son histoire (Cf. édit. de Moscou, p. 14, et traduction française de Saint-Martin éditée par M. Lajard (Paris, 1841), p. 14 et note: p. 385 et suiv.). Elle offre aussi quelques différences avec celle que Grégoire Magistros nous a transmise dans sa lettre en réponse à Sarkis. Les lettres de Grégoire Magistros, qui existent en manuscrit à Venise et dans d’autres bibliothèques, n’ont pas encore été publiées. Il serait à souhaiter que les Mekhitaristes de Venise fissent entrer cet auteur dans la série des écrivains qui composent la collection si précieuse des auteurs arméniens dont ils ont entrepris de donner des éditions.

[90] Ce nom est écrit différemment dans l’histoire de Jean Catholicos (ch. viii ) et dans les lettres de Grégoire Magistros, qui le sépare en deux mots: Vesdam et Gar.

[91] Sosmarus.

[92] Hradn.

[93] Tevmomos.

[94] Plusieurs manuscrits, après David, ajoutent « Salomon, Roboam, Abia, Asa, Josaphat, Joram ».

[95] Cf. plus bas, ch. xxxii.

[96] Cf. la dernière note du ch. XV ci-dessus, où il est dit qu’Ara [II] s’appelait Gartos.

[97] L’interprétation du mot Sos a donné lieu à beaucoup de controverses et même à une polémique assez violente entre deux savants, MM Lajard et Quatremère. Le premier attribuait au mot Sos la valeur de cyprès, en se conformant ainsi à la traduction qu’en avaient donnée les frères Whiston dans leur édition de l’Histoire de Moïse de Khorène (Londres, 1736, p. 54). M. Quatremère et M. Levaillant (Moise de Khorène, trad. fr., p. 95) prétendaient au contraire que le mot Sos signifie platane. Ces deux opinions sont également erronées. Le Sos est très certainement le Peuplier argentifère. Le texte de Jean Catholicos (Histoire d’Arménie, édit Emin, p. 53) donne à Anouschavan le surnom de Sossanever « consacré au bois de Sos », qui paraît préférable (Cf. Emin, Recherches sur le paganisme arménien. p. 41, note 3). — Les Arméniens rendaient pareillement un culte à l’arbre pardi, sorte de peuplier différent du peuplier argentifère; ce culte se continua à Samosate jusque dans le courant du douzième siècle, et S. Nersès nous en a conservé le souvenir dans une de ses lettres (Venise, 1838, p. 238-253). Cf. Emin, Recherches sur le paganisme arménien, p. 13 et suiv. — On sait que dans l’ancienne religion iranienne, les eaux et les arbres étaient l’objet d’un culte qui, de la Perse, était venu s’implanter chez les Arméniens. On lit dans le Zend-Avesta ce passage: « J’invoque, je célèbre les eaux pures, et toutes les eaux données de Mazda, et tous les arbres donnés de Mazda. » (Anquetil Duperron, Zend-Avesta, t. I, 2e partie, p. 87. — E. Burnouf, Commentaire sur le Yaçna, ch. I, p. 380-381.)

[98] Si l’on en croit le témoignage de Jean Catholicos (Hist. d’Arménie, ch. viii), la dynastie des Haïciens fut renversée après le règne d’Anouschavan, et dès lors la race des premiers monarques aurait été supplantée par une dynastie étrangère à cette famille, dont Zamassis semble avoir été le chef. Voici ce que raconte à ce sujet le patriarche Jean qui paraît avoir eu entre les mains un exemplaire de l’histoire de Mas Apas Catina, puisqu’il donne à ce propos des détails assez circonstanciés dont Moïse n’a pas jugé opportun de faire usage: « Pendant quelque temps, Anouschavan ne régna que sur une partie de l’Arménie, mais ensuite il devint maître de tout le pays. Ce prince ne mourut qu’après un long règne. Ni ses fils, ni ses parents n’héritèrent de sa souveraineté; des hommes étrangers à sa race s’en emparèrent violemment et ils régnèrent sur la nation de Thorgoma, non par droit de succession, mais par droit de conquête ». (Jean Catholicos, Hist. d’Arménie, trad. de Saint-Martin, p. 14). On peut conclure de ce passage que des usurpateurs, ayant renversé la dynastie haïcienne, dont le trône était déjà chancelant depuis le règne d’Ara [II], puisque son fils Anouschavan en avait été lui-même éloigné par Zamassis, continuaient à gouverner le pays, comme vassaux du roi d’Assyrie, qui, ainsi que nous l’avons vu plus haut, avait étendu sa domination sur tous les peuples d’alentour.

[99] Les monuments assyriens récemment anis en lumière par la lecture des textes cunciforanes donnent à ce Sardanapale, surnommé improprement Concholéros par les Grecs, le nom de Sardanapale V qui régna de 790 à 741 avant J.-C. (Cf. Oppert, Rapport sur une mission en Angleterre; 2 partie, Chronologie des Assyriens et des Babyloniens, dans les Archives des missions scientifiques, t. V, p. 203 et suiv. — Le même, Les inscriptions assyriennes des Sargonides, p. 6, extr. du t. VI (Ve série) des Annales de philosophie chrétienne, 1862.)

[100] Varbace ou plutôt Arbace, comme l’appelle Diodore de Sicile (liv. II, ch. 24 et suiv.). — Cf. aussi Ch. Muller, Fragm. hist. graec., t. III, p. 357 et suiv.; 210.

[101] On peut présumer d’après ce passage, rapproché du témoignage de Jean Catholicos (ch. viii), que Barouïr était de la race de Haïg, qu’il reprit sur les usurpateurs étrangers qui s’étaient emparés du gouvernement de l’Arménie sous Anouschavan, le trône de ses ancêtres. Après eux (les usurpateurs), dit Jean Catholicos, régna Barouïr qui rétablit le nom de la nation arménienne, dont la souveraineté était détruite depuis longtemps. Il fut le premier qui ceignit chez nous le diadème des rois Les écrivains de notre nation ont déjà célébré les louanges de Barouïr, et je n’ai pas envie d’en parler après eux. (Jean Catholicos, Hist. d’Arménie, trad. de Saint-Martin, p. 14-15.)

[102] Cet écrit en quatre livres a peut-être quelque rapport avec ces panégyriques que des écrivains arméniens, aujourd’hui perdus, avaient composés à la louange de Barouïr. — Cf. Jean Catholicos, Hist. d’Arménie, p. 15, et la note précédente.

[103] Le nom de Κονοσκογχόλερος n’a jamais été, comme les Grecs l’ont supposé, un surnom de Sardanapale; c’est un titre royal qui se trouve dans les inscriptions de ce prince, expliquées par les assyriologues, et qui signifie mot à mot: ego rex, vicem gerens Dei Assori (Arch. des miss. scientif., t. V, p. 205). — Au surplus les interprètes anciens des textes cunéiformes ont commis une erreur bien aussi grave en donnant pour père, à Sardanapale, un personnage imaginaire du nom d’Ἀναξυνδαραξης ou Ἀναξθνδαραξάρης, nom qui n’est autre chose que le titre royal de Sardanapale ego rex augustus Assyriae, que nous ont conservé les textes en langue assyrienne. Les Grecs qui ne comprenaient pas la valeur des mots de cette langue, ont pris ce titre tout entier pour un nom propre et ont forgé ainsi une appellation barbare qui eut une grande vogue dans toute l’antiquité et qui a été souvent rappelée par les écrivains classiques, à propos de l’inscription célèbre du tombeau de Sardanapale. Cf. notre Mémoire sur te tombeau de Sardanapale à Tarsous, dans la Revue archéologique, (1853); et notre Voyage en Cilicie, p. 265 et suiv.

[104] Cf. notamment Diodore de Sicile, liv. II, ch. 24 et suivants.

[105] Cf. Moïse de Khorène, Histoire d’Arménie, liv. I, ch. 3.

[106] M. Emin a rendu l’expression ichogouthiantz veragatzoukh par « préposés à la garde des archives » dans sa traduction russe de l’ouvrage de Moïse de Khorène, p. 60; et ad calcem, note 81.

[107] Rapprochez ce passage de ce que dit Moïse de Khorène (liv. II, ch. 3), au début de son Histoire, dans sa dédicace à Isaac Bagratouni.

[108] Moïse de Khorène fait allusion ici à la domination des rois perses de la dynastie sassanide en Arménie, qui s’étaient emparés de œ pays en 428 sous le règne de Bahram V et avaient mis fin à la dynastie des Arsacides arméniens représentés à cette époque par Ardaschès IV. — Cf. aussi l’Élégie de Moïse de Khorène sur les malheurs de sa patrie (Hist. d’Arm., liv. III, ch. 68).

[109] L’édition arménienne des Fr. Whiston donne la variante suivante: « Vivant aujourd’hui sous le gouvernement d’étrangers, je donnerai en même temps ici et la succession de nos rois et celle des autres. »

[110] Jérémie, ch. LI, v. 28.

[111] Cf. cette liste des rois mèdes avec celles données par Eusèbe (Chronique, éd. Aucher, t. I, p. 101 et t. II, p. 32), qui offrent quelques différences. Les deux tables d’Eusèbe ne sont même pas d’accord entre elles.

[112] Masdacès, selon une variante.

[113] Jean Catholicos (Hist. d’Arm., ch. viii) dit que tous les princes issus de Barouïr ont une histoire très connue, rapportée dans les livres chaldéens, écrite du temps de Tibère et qui se trouvaient à Ninive et à Edesse.

[114] Il s’agit ici d’Erouant, prince arsacide, qui régna après Sanadroug, de 58 à 78 après J.-C., et conquit toute l’Arménie (Moïse de Khorène, Hist. d’Arménie, liv. II, ch. 37 et suiv.), et de Tigrane le Grand, fils d’Ardaschh., qui occupa le trône des Arsacides d’Arménie de 89 à 36 av. J.-C. (Strabon, liv. XI, ch. 14, § 15.Justin, liv. 38. — Moïse de Khorène, liv. II, ch. 14 et suiv. — Jean Catholicos, ch. viii.—Plutarque, Lucullus et Pompée. — Dion Cassius, liv. 36 et suiv. — Velleius Paterculus, liv. ii.)

[115] Ce nom en arménien signifie yeux de feux. — Cf. aussi Jean Catholicos, ch. viii.

[116] Les Pakradouni ou Bagratides, famille illustre de l’Arménie, qui parvint au trône d’Ani dans le courant du huitième siècle de notre ère, et donna également des rois aux pays de Kars et de Daschir dans le dixième siècle, et enfin à la Géorgie depuis le sixième siècle jusqu’à la fin du dix-huitième. C’est cette même famille des Bagratides, divisée en une grande quantité de branches, qui subsiste encore actuellement en Russie sous le nom de Bagration, et qui a fourni à cet empire plusieurs célébrités. Les descendants des rois Bagratides de Géorgie portent encore aujourd’hui le titre de Princes de Géorgie; mais ce titre est purement honorifique.

[117] Cf. Moïse de Khorène, Hist. d’Arménie, liv. 17, ch. 9, 63.

[118] Thakatir est un mot arménien formé de thak « couronne » et de tir « pose », que veut dire, « celui qui pose la couronne ». — Cf. plus bas, xxviii (liv. II, ch. 3), et la note.

[119] On peut supposer que le nom de Sempad, venu de Champat, dérive de l’hébreu « quies, sabbathum » qu’on trouve comme nom propre d’homme sous la forme Sabbathai, dans le livre d’Esdras (II, Esdr. XI, verset 16). — Quant au nom de Pakarad, Moïse de Khorène (liv. II, ch. 63) lui donne également une origine hébraïque.

[120] Le mot aradchnort signifie en arménien littéral « conducteur, chef, prince »; c’était un titre purement civil. De nos jours, cette expression a pris un tout autre sens et s’applique spécialement à un fonctionnaire de l’ordre religieux chargé de l’administration civile d’une province où résident des Arméniens. Les fonctions de l’aradchnort ont été définies dans le projet de constitution nationale que se sont donnée les Arméniens de la Turquie en 1860 (cf. Azkaïn sahmanatrouthioun Constitution nationale des Arméniens (Constantinople, 1860), p. 8, article 4; et trad. française (Paris, 1862), p. 6, article 4).

[121] Isaïe, XXXVII, 38, — IV, Rois, XIX, 37. — Cf. Josèphe (Ant. judaïq., X, 12), d’après Béroac dont les fragments sont conservés dans la Chronique d’Eusèbe (Éd. Aucher (Venise, 1818), t. I, p. 39 et suiv.) et dans le Syncelle, p. 78, c., et publiés dans les Fragm. histor. graecorum. t. II, p. 504, § 12.

[122] Cf. Indjidji, Géogr. ancienne, p. 70. — Selon Moïse de Khorène (liv. I, ch. 6), Sim fils de Xisuthre (autrement Sem fils de Noé) vint en Arménie et s’établit au pied d’une montagne à laquelle il donna son nom. Le même historien cite à propos de cette montagne le nom d’Olympiodore, historien grec dont les œuvres ne sont pas venues jusqu’à nous (liv. II, ch. 74) et qui est différent du philosophe néoplatonicien du même nom. Quoi qu’il en soit de ces traditions, nous savons seulement que les Arméniens appliquaient le nom de Sim aux montagnes qui partent de l’ouest de Van et s’étendent jusqu’au Tigre (St-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. I, p. 54).

[123] Le mot pteschkhouthioun, dont le radical est pteschkh ou ptiaschkh, que les auteurs du grand dictionnaire arménien rendent par ὕπατος, consul, dux, signifie à proprement parler un gouverneur militaire de province, un satrape commandant à l’une des grandes divisions de la monarchie arménienne. Selon M. Brosset, le mot ptiaschkh serait dérivé des deux mots bed, « chef », et aschkharh, « contrée », et signifierait un satrape de province (Histoire de la Siounie d’Étienne Orbélian, p. 15, note 2). Le titre de ptiaschkh était surtout donné au chef de la province de Goukark, la Gougarhnh de Strabon (liv. XI, 14, 4.), qui correspond au Somkheth des historiens et des géographes géorgiens; c’est la partie de la Géorgie située au sud de la Khram ou Ktzia. On connaît une pierre gravée, faisant partie des collections de la Bibliothèque impériale, où est représente un ptiaschkh du Goukark. La légende grecque qui entoure le buste du personnage rend le mot ptiaschkh par phtiaxhV, (Cf. Visconti, Iconog. grecque, t. II, p. 269 et suiv., pl. XLV, n° 10).

[124] Arkamozan est le surnom d’Atramelek; niais comme ce surnom n’est pas donné dans les Livres saints, on doit croire qu’il s’était conservé dans les traditions nationales, ou que Moïse de Khorène l’avait trouvé mentionné dans le livre de Mar Apas Catina.

[125] Ce dernier nom manque dans certains manuscrits. Sur ces deux familles, cf. plus bas, xxxiii (liv. II, ch. 6.)

[126] Le canton d’Ankegh ou Ankegh-doun [maison d’Ankegh], l’Ingilène des Grecs, faisait partie de la Quatrième Arménie. — Cf. plus bas, xxiii (liv. II, ch. 8).

[127] C’est du nom de Dikran que les Grecs ont fait TigranhV.

[128] Xénophon, Cyropédie, liv. II, ch. 4; liv. III, ch. 1-3.

[129] Deux manuscrits portent: « et la beauté paraissait surpasser les divinités ».

[130] Cf. Emin, traduct. russe de l’Histoire de Moïse de Khorène, p. 98. — Les dictionnaires arméniens et tous les traducteurs de Moïse de Khorène ont rendu l’expression aghépeg par « chevelure argentée » ou « grisonnante », ce qui n’est pas exact.

[131] Le pampirn était un instrument à cordes métalliques ou en boyaux, que l’on faisait résonner au moyen d’un petit morceau d’os en d’ivoire, ou bien avec un archet (Emin, Vebk.... p 97-98). Cet instrument devait donc présenter quelque analogie avec le thampour ou guitare des Persans, ou le psalter des Arabes. On peut voir dans la Palestine de M. Munk (coll. de l’Univers pittoresque). p. 454-455, la description des instruments de musique à cordes en usage chez les Hébreux et parmi lesquels il s’en trouve plusieurs qui ne sont pas sans une grande ressemblance avec le pampirn des Arméniens, notamment le Kinnor et le Nébel.

[132] On peut comprendre aussi ce membre de phrase un peu différemment: « et ses qualités utiles dans tout ce qui touche à l’humanité ».

[133] Le nom d’Astyage, en arménien Aschtahag, en ancien persan Ajdahag, signifie « dragon ». En arménien le mot dragon ou serpent est rendu par Vitchab, d’où s’est formé le nom des Vitchabazounk, descendants des dragons » c’est-à-dire, « d’Astyage ». (Cf. Emin, Vebk … p. 16, 17). En persan, le mot Mar qui, en arménien, vaut dire les Mèdes, a la signification de « serpent ». On sait qu’en Orient les deux expressions de « dragon » et de « serpent » se confondent habituellement chez les écrivains qui ont enregistré des faits de l’époque héroïque.

[134] Deux manuscrits portent: « d’un voile très ample ».

[135] Sur les songes d’Astyage, cf. Hérodote (liv. I, ch. 107.108). Dans le récit de ce dernier, les songes d’Astyage avaient rapport à Cyrus son petit-fils et à sa fille Mandane.

[136] Un manuscrit porte: « Tigrane envoie sa sœur, avec une pompe royale. »

[137] Le nom d’Arik, qui en arménien signifie les braves, l’applique aux Mèdes dans toua les passages de Moïse de Khorène où on le trouve employé. Aryaka est en effet un des noms de la Médie, et M. J. Muller (Journal asiatique, 1839, p. 298) n’hésite pas à rapprocher ce nom, de celui d’Arik employé par les Arméniens. Ceux-ci sont également par extension appliqué aux Perses, notamment Lazare de Pharbe (Hist. d’Arménie, p. 149, 170, 271), Faustus de Byzance (Hist. d’Arménie, p. 136), Elisée (Hist. des Vartaniens, passim), Esnig (Réfut. des hérésies, p. 122, 123). M. Quatremère, dans son Histoire des Mongols, par Rachid Eddin (collect. orientale, p. 211 et suiv., note 76), n’hésite pas à assimiler le mot Arik à Iran, en s’appuyant sur la formule qui lit sur la légende des monnaies sassanides, où les monarques perses prennent le titre de Malkan malha Iran ou Aniran, qui répond exactement à une expression identique de Moïse de Khorène, les Arik et les Anarik (Cf. Lettre de Sapor aux habitants de Tigranocerte; Hist. d’Arménie, liv. III, ch. 26). Elisée (p. 9, 22 et passim), Lazare de Pharbe (p. 80, 145, 270, 275) et Eusèbe (vers. arm. de la Chron., t. I, p. 2) emploient aussi les mêmes expressions Arik et Anarik. M. Quatremère croit que les formes Arik et Anarik servent à désigner, chez les auteurs arméniens, les Mèdes et les Perses. A l’appui de son opinion, le savant critique invoque le témoignage d’Hérodote qui dit que les Mèdes avaient été anciennement connus dans toute l’Asie sous le nom d’Ἄριοι (liv. VII, ch. 62), et on sait que Hellanicus, qui écrivait avant Hérodote, cite Ἀρία comme un nom de la Perse (Fragm. hist. graec., t. I. p. 68, n° 168). Étienne de Byzance nous a conservé également le nom ‘Ariania pour l’Atropatène, qui est la partie septentrionale de la Médie. — Il n’entre pas dans notre sujet de parler ici des Aryas ou Ariens, dont le nom se rattache aux Arik des auteurs arméniens; nous nous contenterons de citer les principaux ouvrages où les origines de ce peuple ont été étudiées, notamment Ad. Piclet, Origines européennes ou Aryas primitifs. —Burnouf, Commentaire sur le Yaçna, note K, p. lxii, note 2, p. cv, 66. — Max Müller, la Science du langage (Paris, 1864), p. 254 et suiv., de la traduction française, etc. etc.

[138] Le mot Vratsdan est l’appellation donnée par les Arméniens à l’Ibérie, comme le nom de Virk sert à désigner chez eux les anciens Ibériens et les Géorgiens actuels. On trouve aussi la forme Vrats-doun [maison des Virk] usitée chez les auteurs arméniens. Selon M. Brosset le nom ‘Iberia dont les Grecs se servent pour désigner le pays des Virk ou Ibériens, serait dérivé de la préposition arménienne ver, i vera (en haut), d’où se sont formés Verin et Verlatzi, noms qui servent également à désigner l’Ibérie et les Ibériens (Brosset, Hist. de la Géorgie, t. I, introd., p. iv et v).

[139] Le pays des Aghouank ou l’Aghouanie, nommé improprement par les géographes occidentaux Albanie du Caucase, se trouvait à l’est de l’Ibérie et s’étendait depuis la Sarmatie près du Caucase jusqu’à la mer Caspienne et aux frontières de l’Arménie près du Cyrus ou Gour (Cf. la Géogr. attribuée à Moïse de Khorène, dans les Memoires sur l’Arménie de St-Martin, t. II, p. 368- 359). Les limites de ce pays ont varié à différentes époques; dans l’antiquité le pays des Aghouank ne comprenait que les contrées actuellement appelées Schirwan et Daghestan; mais plus tard, les Aghouank conquirent sur l’Arménie tous les pays situés sur la rive droite du Cyrus (St-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. I, p. 214 et suiv.).

[140] Quelques critiques pensent qu’il ne faut pas prendre à la lettre les expressions de notre auteur, et en tirer cette conclusion que Tigrane appela sous ses drapeaux tous les hommes d’élite de l’Arménie proprement dite et des provinces connues sous le nom de petite Arménie, mais qu’on doit donner à ces paroles un sens différent. Ainsi les éditeurs de l’édition italienne de l’Histoire de Moïse de Khorène (Venise, 1850, p. 79, note 2) disent « per grandi e piccoli , intendiamo i nobili e i cittadini ».

[141] Ce récit de la mort d’Astyage n’est pas d’accord avec ceux d’Hérodote (liv. I, ch. 120), de Xénophon (Cyropédie, liv. I, ch. 5), de Ctésias et de Justin (liv. I, ch. 6), qui s’accordent à dire que le roi mède survécut à la perte de son empire. Cependant Isocrate (Evagoras, § 38) dit qu’Astyage fut mis à mort par Cyrus.

[142] Tigranocerte est une localité fort ancienne sur l’emplacement de laquelle s’élève aujourd’hui la ville d’Amid ou de Diarbékir. Cette ville faisait partie de la province d’Aghdznik (Faustus de Byzance, liv. IV, ch. 24; liv. V, ch. 27). Selon les Grecs, cette ville aurait eu pour fondateur non pas Tigrane le dynaste haïcien, mais Tigrane (Dikran II) le grand monarque arsacide, célèbre par ses conquêtes dans le premier siècle avant notre ère (Strabon, l. XI, ch. 14, § 15. — Appien, de bello Mithrid., ch. 8. — Plutarque, Lucullus). Tigranocerte est appelée par Appien Tigranopolis, qui est la traduction du nom arménien. — Tigranocerte fut prise par le roi de Perse Sapor en 359 (Ammien Marcellin, liv. XVIII, ch. 9, 10; liv. XIX, ch. 1-9. — Moïse de Khorène, liv. III, ch. 26, 28. —Faustus de Byzance, loc. cit.). — Cf. sur cette importante cité: Indjidji, Géogr. anc., p. 74 et 330. — Le même, Géogr. moderne, p. 211. — St-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. 1, p. 165-173.

[143] Osdan qui veut dire royal noble est à la fois un nom de famille et l’appellation du territoire où se fixa cette famille, comme on peut le voir dans les écrits d’Élisée (Hist. des Vartaniens, p. 10, 71), et de Faustus de Byzance (Hist. d’Arm., p. 129). Toutefois il ne faut pas confondre le territoire occupé par la satrapie d’Osdan avec deux autres localités du même nom situées, l’une dans le pays des Rechdouni, sur les rives méridionales du lac de Van, et qui fut au onzième siècle la résidence des rois Ardzrouni du Vasbouragan (Matthieu d’Édesse, Chronique, liv. II, ch. 38, p. 42 de la trad. fr.), et l’autre dans la province d’Ararat (cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 167, 468.— St-Martin, Mémoires sur l’Arm., t. I, p. 141). — Selon certains critiques, l’Osdan désignait quelquefois une sorte de municipe.

[144] Le pays de Koghten était à l’est du canton de Nakhdjavan, dans la province de Vasbouragan au nord de l’Araxe. C’est la contrée de Colthène de Ptolémée (Géogr., liv. V. ch. 13). — Cf. sur ce pays Indjidji, Géogr. anc., p. 212, et St-Martin, Mémoires sus l’Arm., t. I, p. 237 et suiv.

[145] Ou Osgui-gogh, c’est-à-dire: « le côté doré ».

[146] Tikouïnk, donné par une variante, signifie « pâle, décoloré ».

[147] Vendchounik, selon un ms. — Cette localité est aussi mentionnée par Açogh’ig, II, 3. — Cf. Indjidji, Géogr., anc. p. 538.

[148] Ville et canton du Vasbouragan, dont le nom s’est conservé jusqu’à aujourd’hui presque sans altération. Ptolémée l’appelle Naxuana (liv. V, ch. 13. — Cf. Indjidji. Géogr. anc., p. 217. — Le même, Géogr. mod., p. 26G. — L. Alischan, Géogr. de l’Arm., p. 50. — St-Martin. Mém. sur l’Arm., t. I, p. 131 et suiv.

[149] St-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 135.

[150] Indjidji, Géogr. anc., p. 523.

[151] Quelques manuscrits séparent Ajtan-agan, en deux mots; cela voudrait dire alors: « le fossé d’Ajtan ».

[152] Les tremblements de terre qui ont à plusieurs reprises bouleversé les plaines situées à la base de l’Ararat, étaient plus fréquents dans l’antiquité qu’à l’époque moderne. Toutefois, la dernière catastrophe de ce genre qui se fit sentir le 20 juin de l’année 1840, et qui a englouti le village d’Arkhouri, rappelle tout à fait l’horrible tremblement de terre dont parle Moïse de Khorène. M. de Gille (Lettres sur le Caucase. p. 307) raconte les détails de ce désastre qu’il tenait de la bouche même d’un vieillard, seul survivant de ce cataclysme qui engloutit 500 maisons: « La nuit, un grand bruit se fit entendre; la terre trembla sous moi; tout effrayé, songeant aux miens, je descendais de la montagne. Lorsque j’arrivai le matin là, où au milieu de la vallée s’élevait le village habité par mes fils et leurs familles, je ne vis plus que des roches entassées. Sous ces roches étaient ensevelis- mes enfants, et je demeurai seul au monde, où je vis encore! »

[153] Un manuscrit donne la variante Kimernos.

[154] Les mots erkkh thovéliatz présentent une assez grande obscurité; selon M. Emin (Vebk p. 19), ce nom de chants métriques était attribué à un genre spécial de poèmes dans lequel les auteurs s’astreignaient à conserver l’ordre chronologique. Les Mékhitaristes dans leur édition italienne de l’Histoire de Moïse de Khorène (p. 82, note 2), supposent que ces poésies étalent rimées et en vers, et en effet le mot tiv signifie « nombre et mètre ». Au surplus les erkkh thovéliatz sont une de ces expressions fort difficiles à rendre, puisque nous manquons complètement de données précises sur l’ancienne métrique arménienne, antérieure à l’introduction du christianisme.

[155] Il est question ici d’Ardaschès II, fils de Sanadroug, le onzième des Arsacides d’Arménie (88 à 129 de J-C.), en l’honneur duquel les poètes composèrent des vers, commue le dit Moïse de Khorène (liv. II, ch. 48).

[156] Le même personnage est mentionné de nouveau dans l’histoire de Moïse de Khorène, liv. II, ch. 41), qui dit de lui: « Cet Arkam est celui que dans la fable on nomme Arkavan. » — Cf. encore Moïse de Khorène, liv. II, ch. 47-51.

[157] Ardavazt ou Artabase II, dont parle longuement Moïse de Khorène (Hist. d’Arménie, liv. II, ch. 61). Cet historien cite même quelques-unes des fables qui couraient sur le compte de ce prince.

[158] Ville de la province d’Ararat, sur le territoire de Tovin, au confluent de l’Arase et du Medzamor, fondée d’après l’avis d’Annibal par Artaxias, gouverneur de l’Arménie pour les Séleucides, et puis ensuite roi de ce pays (Strabon, liv. XI, ch. 14. § 15. — Plutarque, Lucullus). —Cf. aussi Indjidji, Géogr. anc., p. 485. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 117 et suiv.

[159] C’est-à-dire, la ville des Mèdes, car le nom des Mèdes est toujours rendu par Mar chez les auteurs arméniens.

[160] Satinig, femme d’Ardaschès, fut chantée aussi par les bardes arméniens dans des poésies dont Moïse de Khorène nous a conservé un fragment à la suite de l’histoire de la guerre d’Ardaschès contre les Alains (Cf. liv. II, ch. 49-50).

[161] Ce passage qui est fort obscur a trait sans doute à quelque légende relative à l’histoire romantique de Satinig, dont il ne nous est parvenu que quelques fragments très courts, dans le livre de Moïse de Khorène (Hist., liv. II, ch. 50). —- Quant à l’herbe appelée ardakhour, et à la petite plante nommée ditz, les dictionnaires arméniens n’en donnent pas la signification.

[162] Rapprochez le passage de l’histoire de Moïse de Khorène, liv. II, ch. 51. — Quant à l’épithète de libre, azad, donnée à l’Ararat, cf. à ce sujet le conjectures de Indjidji Archéol. arm., t. I, p. 6), de Mesrob Thaghitian (Voyage en Arménie (Calcutta, 1847), t. II, p. 107) et de M. Emin (Vebk … , p. 41-42) qui ajoute quelques détails sur l’introduction en Géorgie de la légende d’Artabaze, mais imprégnée d’une couleur chrétienne. — Remarquons encore que c’est à partir du règne d’Artabase II, dans la première moitié du deuxième siècle de notre ère, que Moïse de Khorène cesse de faire des emprunts sus chants populaires et aux traditions poétiques de sa patrie; car il est probable que c’est à cette époque aussi que l’inspiration poétique commença à se perdre chez les Arméniens.

[163] Ce passage est vraisemblablement une interpolation, et ne paraît se rattacher en aucune façon au reste du chapitre. Toutefois il est précieux pour les renseignements qu’il fournit sur la divinité principale de l’ancienne religion arménienne. Aramazd, l’Ahura Mazda du Zend Avesta [l’être sachant beaucoup], Oromazès, Ourmouzd, Ormizd, avait, chez les Arméniens, le surnom de père de tous les dieux (Agathange. p. 516), de fort et de puissant (p. 47, 48, 57, 102), de créateur du ciel et de la terre (p. 57) et produisant l’abondance et la fertilité (p. 102). Son temple se trouvait dans la province de Bardzer Haïg, dans le fort d’Ani, lieu de sépulture des rois arméniens arsacides (Agathange, p. 586. — Moïse de Khorène, liv. II, ch. 53). —Cf. sur l’Ahura Mazda, Burnouf, Commentaire sur le Yaçna; Invocation, p. 71 et suiv. — Nous n’avons aucun renseignement précis sur les quatre Aramazd dont Moïse de Khorène parle dans ce passage, et M. Emin lui-même, dans sa savante dissertation sur le Paganisme arménien, n’a tenu aucun compte de ce renseignement (p. 9-10). — Quant au mot Gunt, servant à qualifier Aramazd, c’est un mot persan qui signifie « fort, intrépide, belliqueux ».

[164] Vahaken appartient à cette série de demi-dieux qui, dans le panthéon arménien, servent de trait d’union entre les dieux et les hommes, et indiquent le passage graduel du monde visible au monde invisible. Ces demi-dieux portaient chez les Arméniens le nom de tutzazn, c’est-à-dire, hommes d’origine divine (Emin, Recherches sur le paganisme arménien, p. 41). On ne sait que fort peu de chose touchant Vahaken; cependant la tradition nous a transmis quelques détails relatifs à ce demi-dieu, que nous allons rapporter. Vahaken, selon les Arméniens, avait volé de la paille au dieu assyrien Barcham, dont nous avons parlé plus haut, et comme trace de sa fuite avec sa charge dans les espaces célestes, apparut la voie lactée qui, chez les Arméniens, porte le nom de « trace du voleur de paille » (Emin, Recherches sur le paganisme, p. 17, 42). Agathange, qui parle de Vahaken, lui donne le surnom de Vitchabakal (destructeur des dragons), ce qui s’accorde parfaitement avec ce que notre auteur dit de ce demi-dieu qui était célébré dans des chants populaires par ses combats et ses victoires contre les dragons, et ce qui veut dire, dans le langage de la symbolique, qu’il purgea le pays d’animaux nuisibles et malfaisants.

[165] Vahaken était assimilé à Hercule, et en effet les traducteurs arméniens des Livres Saints n’ont pas hésité à rendre le nom d’Hercule, appelé ‘HraklhV par les Septante, par Vahaken (Cf. bible arménienne; II, Macchabées, ch. iv, v. 19.)

[166] Le temple de Vahaken se trouvait à Achdichad, dans la province de Daron, sur les rive, de l’Euphrate; c’était un temple fort riche, car il était rempli d’or, d’argent, et d’offrandes offertes pour les rois; c’était le lieu préféré des sacrifices des souverains de la grande Arménie (Agathange, Vie de Tiridate, édit. de Venise, p. 603).

[167] Une variante écrit Vahouni. — Cf. Moïse de Khorène, liv. II, ch. 8.

[168] Cf. Moïse de Khorène, liv. II, ch. 8.

[169] Cf. Moïse de Khorène (liv. II, ch. 8), où les Zarehnavan sont appelés Zarehavanian, avec une légère différence dans l’orthographe.

[170] Armot, selon une variante.

[171] Vahan, selon une variante.

[172] Quinte-Curce (Histoire d’Alexandre, liv. III, ch. 4) dit que les Arméniens envoyèrent au secours de Darius quarante mille fantassins et sept mille cavaliers.

[173] Il n’existe, dans aucun historien arménien, de renseignements sur les gouverneurs ile l’Arménie après la destruction du royaume des Haïciens par les Macédoniens. Les seules données qui nous sont parvenues à ce sujet se trouvent dans les écrits des Grecs. On sait par exemple que Mithrinès, qui avait livré la citadelle de Sardes à Alexandre, fut nommé, par le conquérant, gouverneur de l’Arménie. Néoptolème, nommé par les généraux d’Alexandre, remplaça Mithrinès. Après celui-ci vint Ardoates, puis Orontès [Hrand] et Artavasde, nommés par les Séleucides. Antiochus le Grand donna ensuite le gouvernement de l’Arménie à Artaxias [Ardaschas] qui se rendit indépendant. Artavasde son fils lui succéda, mais il fut détrôné par les Arsacides. — Cf. Polybe, liv. XXVI, ch. 6. — Appien, Syriac., ch. 45, 46, 55 et 66. —Strabon, liv. XI, ch. 14, § 15. — Plutarque, Lucullus. — Arrien, Anabas., VIII, 5. — Justin, liv. XLII, ch. 3.

[174] Cf. plus bas, XXXIII. (liv. II, ch. viii.)

[175] Genèse, ch. I.

[176] Le nom de Zarmaïr ne se trouve pas dans l’Iliade, mais le P. Indjidji (Archéol. de l’Arm., t. I, p. 186) croit pouvoir identifier Ascanios avec Zarmaïr qui était roi d’Ascanie, autrement du pays des descendants d’Ascanaz, l’un des noms bibliques de l’Arménie (Jérémie, LI, 27). Le P. Indjidji s’appuie sur ces deux vers d’Homère (Iliade, ch. II, 862)

Φόρκυς αὖ Φρύγας ἤγε, καὶ Ἀσκάνιος θεοειδής,
Τῆλ' ἐξ Ἀσκανίης· μέμασαν δ' ὑσμῖνι μάχεσθαι.

On peut croire aussi que Memnon, fils de Tithon, qui fut envoyé par Teutamus au secours de Priam, avec des Ethiopiens et des Susiens, et qui fut tué dans une embuscade dressée par les Thessaliens, est peut-être le même que Zarmaïr; comme ce dernier, Memnon meurt également de la main des Grecs (Fragm. Cyclic., ad calcem Homeri, p. 583, éd. Didot. — Diodore de Sicile, liv. II, ch. 22).

[177] A la fin du premier livre de son Histoire, Moïse de Khorène a ajouté un chapitre additionnel, touchant la légende perse de Piourasb-Astyage. Comme ce chapitre n’a pas été emprunté par cet historien à l’œuvre de Mar Apas Catina, nous n’avons pas cru devoir le reproduire.

[178] Tiridate le Grand, fils de Chosroès, régna sur l’Arménie de 259 à 314 de notre ère. Il fut établi roi par les Romains et se convertit à la religion chrétienne, sur les instances de saint Grégaire l’Illuminateur (Agathange, Vie de Tiridate et de la prédication de saint Grégoire l’Illuminateur. — Moïse de Khorène, Hist. d’Arménie, liv. II, ch. 68-91).

[179] L’historien Vartan assure que Valarsace n’était pas le frère, mais le fils d’Arsace Cf. Histoire universelle, ch. 15, p. 31 (éd. de Venise; 1862). Ce fait est également rapporté par d’autres historiens.

[180] Il existe une tradition qui donne pour père à Alexandre Nectanébo, roi d’Egypte, et Moïse de Khorène (Hist., liv. II, ch. 13) rappelle sans doute cette tradition d’après le pseudo-Callisthène (Coll. des hist. grecs, éd. Muller, liv. I, ch. i et suiv.) dont l’ouvrage avait été traduit en arménien, au cinquième siècle de notre ère, par Moïse de Khorène lui-même, à ce que l’on croit assez généralement ( Sukias de Somal, Quadro delle tari vari aut. antic. tradotte in arm., p. 9. — Préface de la trad. ital. de Moïse de Khorène, p. ix). Cette tradition eut cours pendant le moyen âge et on la trouve rapportée dans li Romans d’Alixandre, par Lambert li Tors et Alexandre de Bernay (Bibliothek des literarischen Vereins, t. XIII, Stuttgart, 1846), publié par M. Michelant, p. 5:

Quar li plusior disoient, sens nule legerie,

Que Alixandres est nés de bastarderie;

Car è l’ tans k’ il fut nés, si com la letre die,

Ert 1 clers de l’ palais, plains de grande voisdie;

Natabus (rar. Natanabus) ot a non, en la langue Arhrabie;
A l’ nestre aida l’enfant, coi que nus li en die.

[181] Cf. Diodore de Sicile, liv. XVII, ch. I. — Plutarque. Alexandre.

[182] Cf. Diodore de Sicile, liv. XIX, 105, et liv. XX, 28. — Ammien Marcellin, liv. xxiii, ch. 6.— I, Macchabées, 1, 7.

[183] Cf. Moïse de Khorène, liv. II, ch. 68.

[184] Genèse, ch. XVII, v. 6, 16.

[185] Cf. Moise de Khorène. l. I, ch. 8.

[186] Cf. plus haut, ch. vi. — Pahl, ainsi que nous l’avons fait observer déjà, est le nom arménien de la ville que les Grecs avaient appelée Bactres et qui était la capitale de la Bactriane. Les ruines de Bactres ou Pahl ont été visitées par Burnes. Cette ville a été rétablie à quelque distance des ruines de l’antienne cité par les Afghans, et porte actuellement le nom de Balkh.

[187] Ce prince est aussi appelé Arschagan.

[188] Le texte arménien dit douze myriades.

[189] Le mot arménien iragan qui signifie « exact » est selon le père Indjidji une faute de transcription. Il propose de restituer soit le mot hiousisagan, « septentrional », ou ipéragan, « ibérique », ou mieux « hyperboréen », parce que Hérodote, dans son quatrième livre, traite des Hyperboréens, après quoi il parle de la division du monde en trois parties, ce qui corrobore à la fois le texte de notre auteur et donne raison à l’explication proposée par le père Indjidji dans son Archéologie de l’Arménie.

[190] Rapprochez ce passage de ce que dit Justin (liv. XLI, ch. 5), en parlant d’Arsace, qu’il imposa Bacase, comme roi à la Médie. Cédrénus nous apprend en effet qu’une partie de l’Arménie supérieure portait le nom de Médie.

[191] Cf. Moïse de Khorène, liv. I, ch. 8, et plus haut.

[192] Cf. plus haut, XV (liv. I, ch. 22), et plus bas, XXXII (liv. II, ch. 7). — La charge de Thakatir, qui pose la couronne, était la première dignité du royaume. Cette dignité qui, on le voit, remonte à une époque très ancienne, avait été empruntée par Valarsace à l’organisation de la cour des rois parthes dont il avait introduit en Arménie le cérémonial, en même temps que les institutions de cet empire. La charge de Thakatir ou de Thakabah (conservateur de la couronne) était héréditaire et se conserva dans la famille de Pakarad, tant que dura la dynastie des Arsacides. Beaucoup plus tard, les rois Roupéniens de la Cnide la rétablirent en faveur des Héthoumiens, seigneurs de Lampron. Une charte française octroyée par Constantin, seigneur de Lampron, aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, en 1233, traduit le mot Thakatir par Météor (metteur ou poseur) de la couronne des Ermines (Arméniens).

Cf. notre Cartulaire d’Arménie, p. 140, n° XVII. — Toutefois la dignité de Thakatir, chez les Roupéniens, ne se continua pas longtemps en faveur des seigneurs de Lampron et il paraît que les patriarches héritèrent de la fonction de couronner les rois, car, à partir du règne de Léon III, nous ne rencontrons plus dans l’histoire la mention des Thakatirs.

[193] Cf. plus haut, XV (liv. I, ch. 22).

[194] Cf. sur les Pakradouni Indjidji, Archéologie de l’Arménie, t. II, p. 96-108.

[195] C’est la province appelée encore à présent Adherbeidjan, qui formait toute la partie orientale de la province de Vasbouragan, et s’étendait jusque dans la Mé die. C’est l’Ἀτροπάσιος de Strabon (liv. XI, ch. 13, §. 1). — Cf. Saint-Martin, Mémoires sur l’Arménie, t. I, p. 127 et suiv. — Indjidji, Géogr. anc., p. 319. — Le même, Arm. mod., p. 401. —L. Alischan, Géogr. de l’Arm., p. 98.

[196] Le Medz-Amor s’appelait aussi Azad (libre), et traversait les villes de Tovin et d’Artaxate. Celle rivière se jetait dans l’Araxe (Indjidji, Géogr. anc., p. 465. — Le même, Géogr. mod., p. 181. — Mékhithar abbé, Dict. des noms propres. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. I, p. 40 et suiv.). Agathange fait mention d’un port sur le Medz-Amor (Hist. de Tiridate, liv. II, ch. 8).

[197] La Géographie attribuée à Moïse de Khorène (Saint-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. II, p. 356-357) et tous les géographes anciens placent des Chaldéens en Arménie, dans le Pont et le pays des Chalybes, et Constantin Porphyrogénète (de Thematibus) parle d’une province qu’il appelle Χαλδῖα dont Trébizonde était la capitale. C’était sans doute dans cette région pontique que se trouvait la Chaldée primitive, repaire de belliqueux montagnards très redoutés (Habacue, I, 6 et suiv. — Job. 1, 17. —Xénophon, Cyropaed., III, 1. — Anabas., IV, 3; VII, 8), servant dans les armées étrangères comme mercenaires (Xénophon, Cyropaed., III, 2, VII, 2. — Anab., IV, 3) et identiques aux Kurdes actuels avec lesquels il est facile de les identifier. M. Renan conjecture que le nom de Kasdim, qui est la forme hébraïque du nom des Chaldéens, ne diffère pas de la forme grecque Χαλδαῖοι, en admettant la forme intermédiaire Kard (Kardu est le nom de la province d’Ararat dans la paraphrase chaldaïque, et du mont Ararat chez les Syriens), et cette forme reparait aux diverses époques avec une persistance remarquable dans les noms de peuplades du Kurdistan, comme Κάρδακες, Καρδδοῦχοι, en arménien Gordoukh, Κορδιαῖοι, Γορδυνηοί, Γορδυαῖοι, Κύρτιοι, Gordiani et Kurdes (Renan, Hist. des lang. sémit., liv. I, ch. 2, p. 65 et suiv.). — Notons encore que la Chaldie est mentionnée aussi par Etienne de Byzance, de Urb. et pop., Χαλδία.

[198] La Lazique est une province de la Colchide, mentionnée par Ptolémée sous le nom de Λάζαι (liv. V, ch. 2). La Géographie attribuée Moise de Khorène lui donne le nom de Ghaziv (car la lettre gh affecte le son de l, et est remplacée souvent par cette lettre dans un grand nombre de mots). C’est le Lazistan actuel.

[199] C’est-à-dire la Cappadoce, dont Mazaca, en arménien Majak, était la ville principale. Cf. plus haut ch. VII, et notes.

[200] Le nom de Macédoniens s’applique ici aux rois Séleucides de Syrie, qui avaient hérité d’une notable partie de l’empire d’Alexandre.

[201] Cette ville est citée par Procope (de Aedificiis, liv. III). Elle fut, dit-il, restaurée par Pompée qui l’appela Colonia.

[202] Le mont Barkhar est désigné par Strabon (liv. XI, ch. 14, § 5) et Pline (liv. V, ch. 27) sous le nom de monts Paryadres. Xénophon (Anabas., liv. III, ch. 8) parle aussi de cette chaîne, mais sans donner son nom. — Indjidji, Archéologie de l’Arménie, t. I, p. 83. — Le même, Géogr. anc., p. 369.

[203] Gogh ou Goghp, comme l’écrit également Moïse de Khorène (liv. II, ch. 8, et liv. III, ch. 60), était un canton de la province de Daïk. Ce pays produisait beaucoup de sel, et Héraclius en concéda la propriété à Esdras, patriarche d’Arménie (628-640 de N. E.). — Cf. Indjidji (Arm. anc., p 372) qui assimile le canton de Gogh à la Kwlikh, Colice, d’Etienne de Byzance. — Cf. aussi Pline, liv. VI, ch. 5. — Le Périple de Scylax, Geogr. graec. minores, éd. Ch. Müller. t. I, p. 61.

[204] La Pasène est un pays assez considérable traversé par l’Araxe et qui faisait partie de la province d’Ararat. Il est cité par les Grecs du moyen âge, notamment par Constantin Porphyrogénète (De adm. imp., ch. 45), sous le nom de Phaciane, et par Procope (De Aedif., l. III, ch. 5), qui le nomme Vezani ou Bizane. Ce pays formait une immense plaine (Arisdaguès Lasdivertsi, Hist. d’Arm., p. 9, 13, 15 et passim), mais qui contenait des marécages et était fort malsaine, ce qui empêcha Justinien d’y élever des constructions (Procope, de Aedif., loc. cit.). Le nom de Phaciane, que Constantin Porphyrogénète applique à ce pays, s’est conservé dans celui de Pasin que lui donnent les géographes musulmans. — La Pasène déboisée, ou pays de Vanant, s’étendit à une certaine époque jusque dans le pays de Kars, dont le territoire fut appelé Petite Vanant (St-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 107-108). — Cf. aussi Indjidji, Géogr. anc., p. 380 et suiv.

[205] C’est la première fois qu’il est question, dans l’histoire, des Bulgares, peuple de rare finnoise, établi anciennement sur les bords du Volga (Ethil). La géographie attribuée à Moïse de Khorène place les Bulgares dans la Sarmatie et les appelle Boulkh, nom qui paraît avoir été leur appellation véritable (Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. II, p. 354-35). Dans le courant de la seconde moitié du cinquième siècle, les Bulgares, qui avaient sans doute pris part aux entreprises des Huns, s’étaient avancés en Europe jusqu’au Borysthène et au Danube qu’ils ne tardèrent pas à franchir (Ennodius, Panégyrique de Théodoric, p. 296). Ils se fixèrent plus tard sur les rives méridionales de ce fleuve, et y fondèrent un royaume qui fit plus d’une fois trembler la puissance grecque. Toutefois il paraît certain que, lors de l’émigration des Bulgares au cinquième siècle, une partie assez notable d’entre eux resta dans leur ancienne patrie, où ils demeuraient encore au dixième siècle, puisque les écrivains byzantins donnent à leur pays le nom de Bulgarie noire, ἡ μαύρη Βουλγαρία. Cette partie de la nation bulgare est souvent citée dans les écrivains slaves et orientaux, et il semble qu’elle était plus considérable que celle qui avait émigré et était venue se fixer sur le Danube. Les Bulgares orientaux ou noirs occupaient en effet, au dixième siècle, tout le cours du Volga depuis son embouchure dans la mer Caspienne jusqu’à une assez grande distance dans l’intérieur de la Russie. Ce fut Batou, fils de Gengis-Khan, qui mit fin à leur puissance au treizième siècle. — Le grand fleuve Ethil, ‘Ἀτάλις de Théophane (p. 296-297), dont ils occupèrent si longtemps les rives, avait pris d’eux son nom de Volga, qu’il porte encore à présent.

[206] Ventour Poulgar de Vent, selon quelques mss. — Ce nom de Vount semble indiquer que la nation bulgare devait sa formation à l’agglomération de plusieurs peuples, et il n’est pas impossible en effet de reconnaître dans le nom de Vount, — qu’une variante donne sous la forme Vent, — les Vendes ou Antes qui occupaient les rives du Pont-Euxin depuis le Dniester jusqu’au Danube (Jornandès, De reb. Getic., ch. 5). On trouve en effet dans Théophane (Chronogr., p. 296) un nom de peuple assez barbare et qui semble être formé de l’agglomération de trois noms différents, mais unis en corps de nation ce sont les Ounno-bundo-bulgares, Οὐννοβουνδοβουλγάροι, appellation dans laquelle on retrouve les Huns, les Bunds ou Vendes et les Bulgares. On peut donc induire du texte de notre auteur qu’à une époque assez ancienne, une nation d’origine slave, les Vendes, s’étaient déjà confondus avec les Bulgares, et en effet la langue slave a prédominé chez les descendants des Bulgares, et on trouve aussi des noms slaves portés par beaucoup de chefs bulgares.

[207] Voy. plus bas, XXXIV (liv. II, ch. 9).

[208] Dans ce chapitre, il est question de l’organisation du royaume d’Arménie basée sur un système que noua avons tout lieu de croire identique à ce lui qui régissait les grands empires de l’Asie, et dont l’Arménie elle-même ne formait qu’une partie, avec le titre de satrapie. On sait en effet que ce pays fut presque toujours soumis à des maîtres étrangers pendant toute la durée de la dynastie d’Haïg, et qu’il faisait partie, à ces époques reculées, de ce vaste système monarchique, dont les chefs suprêmes, décorés du titre de roi des rois, furent tour à tour les souverains de Ninive, de Babylone, de la Médie et des Perses. Ce vaste système, qui se continua sous les Arsacides et les Sassanides, et dura jusqu’à la conquête arabe, représentait une vassalité solidement constituée, partant du dernier degré de l’échelle sociale pour s’élever successivement jusqu’au roi des rois. Moïse de Khorène a retracé, d’après Mar Apas Catina, le tableau fidèle de l’organisation de sa patrie sous le règne du premier Arsacide arménien, et ce qui rend plus curieux ce tableau, c’est que tout nous porte à croire qu’il ne fait que reproduire le mode de l’organisation politique existant dans la Perse et que les Arsacides avaient emprunté aux plus anciennes monarchies de l’Asie occidentale. Les Arsacides de Parthie avaient la suprématie sur toutes les autres branches de la même famille établies en Arménie, dans la Bactriane et dans la Médie, et, comme tels, les rois vassaux de ces trois États leur devaient l’hommage et étaient soumis à leur autorité (Cf. notre Cartulaire d’Arménie, ch. II, § I, p. 27). Un passage de Diodore de Sicile, (lui nous a été conservé par Constantin Porphyrogénète (Excerpt. de virt. et vitiis), nous montre qu’Arsace ou Mithridate Ier voulut joindre à la gloire de conquérant celle de législateur. Il forma un code des lois qu’il trouva chez les diverses nations soumises à son empire, pour le donner aux Parthes · καθόλου δὲ πολλῶν ἐθνῶν ἐγκρατὴς, τὰ παρ' ἑκάστοις ἄριστα τῶν νομίμων κατέδειξε τοῖς Πάρθοις. Son frère Valarsace, qu’il avait établi roi d’Arménie, imita entièrement sa conduite; il remit en vigueur les anciennes lois du pays et en publia de nouvelles pour remédier à l’imperfection de ces dernières. — Cf. Saint-Martin, Hist. des Arsacides, t. I, p. 336 et suiv.

[209] Cf. plus haut, XXVIII (liv. II, ch. 3).

[210] Le mot asbed voulait dire anciennement « général de la cavalerie » et non pas « chevalier » comme quelques traducteurs l’ont supposé. Ce mot est le synonyme d’asbarabed , asbahabed, sbarabed, qui au moyen âge, et particulièrement à l’époque de la dynastie roupénienne, était rendu par le mot connétable, comme on peut le voir dans les Chroniques de Sempad (éd. de Paris, en arm., p. 105, et notre trad. fr., Extr. des Mém. de l’Acad. des sciences de Saint-Pétersbourg, p. 19) et d’autres historiens arméniens de l’époque des croisades. Le mot sbarabed paraît d’origine persane, car on trouve parmi les dignitaires de la cour de Perse les titres sipahbeh et sipahsalar (chef d’armée ou de soldats). Ce titre répond exactement au mot ἵππαρχος qui a la signification de général de cavalerie (Cf. S. de Sacy, dans les Notices et extr. des mss., t. VIII, p. 148 et suiv., 191). Chez les Géorgiens, le même titre était aussi en usage, mais le nom avait subi une légère altération et s’écrivait sparsalar ou achosalar (Klaproth, Reise in Georgien, t. II, p. 210. — Brosset, Hist. de la Géorgie, t. I, introd., p. clxiv). —Cf. aussi Saint-Martin, Mémoires sur l’Arménie, t. I, p. 298, note.

[211] Il ne paraît pas certain que les Kentouni descendent des Cananéens, car on lit dans Moise de Khorène un passage qui semble infirmer cette tradition, Cet historien dit en effet (liv. II, ch. 24) que Zora Kentouni, chef de la satrapie de ce nom, ayant accusé de trahison Enanus, thakatir et général de la cavalerie, auprès du roi Arscham père d’Abgar, celui-ci fit jeter Enanus en prison, après l’avoir dégradé. Voici les paroles de Zora au roi, rapportées par Moïse de Khorène: « O roi! apprends qu’Enanus a voulu se révolter contre toi, et il m’a proposé de demander à Hérode, roi de Judée, un serment par lequel il s’engagerait à nous recevoir, à nous donner des possessions dans le pays de nos ancêtres, parce que nous avions beaucoup à souffrir dans celui-ci. Et moi, loin de consentir à ses propositions, je lui dis: Pourquoi vous laisser tromper par d’antiques traditions, par de vieilles fables, en croyant que nous sommes originaires de la Palestine. » Jean Catholicos représente la race des Kentouni comme portée à la ruse et à la rébellion, portrait qui s’accorde avec celui que nous a tracé Moïse de Khorène, de Zora dénonciateur d’Enanus (Hist. d’Arménie, ch. viii, p. 25 de la trad. fr.).

[212] Cf. V (liv. I, ch. 12).

[213] Varaj, selon un ms.

[214] Cf. liv. I, ch. 12 et les notes; et Moïse de Khorène (liv. II, ch. 11), qui dit que Ardaschès Ier confia l’éducation de son fils Dikran à un jeune homme nommé Varaj, fils de Tad, de la race de Karnig, descendant de Kégham de son nom sa race s’appelle Varajnouni.

[215] Kapa, selon un ms.

[216] Le mot goid a aussi en arménien le sens de haras, de sorte qu’on peut supposer que Kapagh était chargé de l’intendance des haras du roi.

[217] Un ms. écrit Arel.

[218] Cette satrapie était sans doute la même que celle des Apéghians qui avait pour chef, à l’époque d’Ardaschès Ier, un certain Apégho (Moïse de Khorène, liv. II, ch. 60). — Le canton d’Apéghian se trouvait dans la province d’Ararat (Indjidji, Géogr. anc., p. 387).

[219] Cette satrapie se trouvait également dans la province d’Ararat (Indjidji, Géogr. anc., p. 387), entre les deux fleuves Akhourian et Géghouan. La ville principale était Getchror (Vartan, Géogr. de l’Arménie, dans les Mém. sur l’Aria., de Saint-Martin, t. II, p. 416-417), dans le voisinage d’Ani.

[220] La famille satrapale des Ardzrouni, mot formé de ardzir (aigle) et ouni (il a), qui correspond parfaitement au latin aquilifer, était une race issue d’Arkamozan, descendant de Sennachérib, qui vint en Arménie sous le règne de Sgaïorti (Cf. plus haut, XVI, liv. I, ch. 23) et reçut en apanage une portion du Vasbouragan. A l’époque des Arabes, les possessions des Ardzrouni s’augmentèrent considérablement, et elles formèrent le siège d’un état indépendant dont la capitale était Van. On possède une histoire détaillée des Ardzrouni écrite par un membre de cette famille, Thomas, qui a été publiée en arménien, à Constantinople, en 1852, et dont M. Brosset a donné l’analyse dans les Mélanges asiatiques de l’Acad. des Sciences de Saint Pétersbourg, t. IV, p. 686. — Cf. aussi Indjidji, Arch. de l’Arm., t. II, p. 109 et suiv.

[221] La ville d’Hatamaguerd est citée dans Thomas Ardzrouni (Hist. des Ardzrouni , liv. V, ch. 2) qui dit que Kourken, frère de Kakig, roi du Vasbouragan, y bâtit une église magnifique. Cette ville se trouvait dans le canton d’Aghpat, dans la province de Vasbouragan. — Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 206.

[222] Sbant, en arménien, veut dire « sacrifice, immolation ».

[223] Hav, en arménien, veut dire « oiseau ». Le canton de Havénouni ou Havouni faisait partie de la province d’Ararat. C’est le même canton qui est probablement désigné dans la Géographie attribués à Moïse de Khorène, sous le nom de Vahagouni (St-Martin, Mém, sur l’Arm, t. II, p. 366-367). — Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 380.

[224] Tzun, en arménien, veut dire « neige » et Tzunagir « porte-neige », celui qui apportait les sorbets au roi. Lazare de Pharbe cite Vren Tzunagan au nombre des satrapes qui prirent part à la levée de boucliers contre les Perses, et en effet Mesrob (Vie de saint Nersès, en arm., p. 36) classe cette famille au rang des satrapies.

[225] Cf. plus haut, XXIII (liv. I, ch. 30). — Les Osdan descendaient de Dikranouhi sœur de Tigrane Ier, et ils furent connus longtemps sous le nom de Osdanig, ou princes de la Maison royale.

[226] On trouve, dans l’ouvrage du P. Indjidji sur l’Archéologie de l’Arménie, quelques détails sur l’organisation des armées arméniennes, qui ont été abrégés par l’abbé Cappelletti, dans l’Armenia (Florence, 1841), t. II. ch. xii, p. 91 et suivantes mais ces renseignements sont fort peu circonstanciés. Nous savons cependant qu’en dehors des armées du roi et des troupes de la garde du souverain, il y avait encore en Arménie des légions soldées par la caste sacerdotale qui était très puissante dans ce pays, même l’époque du paganisme (Cf. Zénob de Glag, Histoire de Daron, p. 28, 37). Cette armée avait pour chefs les kirmabed ou prêtres (Zénob, p. 25). — Cf. Emin, Rech. sur le paganisme arménien, p. 52 et suiv.

[227] Ce mot est composé des deux mots géorgiens méphé « roi » et dzoul « race », — race royale. On dit aussi miphédzé, « fils de roi ». On donne actuellement aux membres de la famille royale de Géorgie le nom de batounichwili, « fils du maître », qui correspond à la première expression. — Cf. Brosset, Hist. de la Géorgie, t. I, Introd., p. 83. — Ad. Bergé, Voyage en Mingrélie (Paris, 1804), p. 34.

[228] C’est-à-dire la race qui descendait de Tigrane et d’Haïg.

[229] Haïr en arménien veut dire « père ». C’était le nom que l’on donnait au chef des eunuques (Moïse de Khorène, liv. III, ch. 15) qui s’appelait également martbed (chef des hommes). La dignité de chef des eunuques s’exprimait en arménien par le mot de martbedoulhioun, comme on peut le voir dans l’Histoire de Faustus de Byzance.

[230] Canton du Vasbouragan, sur les rives de l’Araxe, qui est appelé aussi Djovachrod par Thomas Ardzrouni (Hist. des Ardzrouni, liv. 4, ch. II). — Cf. Indjidji, Arm anc., p. 210.

[231] Cette charge répondait à celle de premier ministre, sadrazam ou grand-vizir des Orientaux. Moïse de Khorène décrit le costume que devait porter le personnage revêtu de cette charge importante (liv. II, ch. 47). On trouve aussi des détails analogues sur ce costume dans Procope (de Aedif., liv. III, ch. i. —Cf. aussi Indjidji, Archéol. de l’Arm., t. II, p. 284.

[232] Cf. sur les Mouratzan, Moïse de Khorène, liv. II, ch. 44 et suiv.

[233] Cette expression est purement biblique et s’employait pour désigner les peuples. C’est ainsi que, dans le livre de Daniel, on trouve à plusieurs reprises les mots peuples, races et langues (ch. III, versets 4, 7, 90, 98; ch. V, v. 19, 25). Ou peut encore rapprocher cette expression de ce vers du Dante (Enfer, ch. 5): « Fu imperatrice di molte favelle. »

[234] Cf. plus haut, liv. I, ch. 12; liv. II, ch. 4.

[235] La maison de Sissag, dont la dynastie était souveraine de Siounik et à laquelle les Persans donnèrent le nom de Sisagan (Moïse de Khorène, liv. I, ch. 12), peupla tout le pays formé des contrées montagneuses coin- prises entre le lac de Kégham ou de Sévan et la partie de l’Araxe qui s’étend depuis Nakhdjavan jusqu’à la cataracte appelée aujourd’hui Arashar, qui se trouve au confluent de l’Araxe et du Cyrus (Gour). St-Martin (Mém. sur l’Arménie, t. I, p. 209) conjecture que le pays de Sissag correspond à la Sacasène de Strabon (liv. XI, ch. 7, § 2), et il propose de lire dans le texte de cet auteur, Σασακηνή, au lieu de Σακασηνή, qui doit être une erreur de transcription de la part des copistes qui ont écrit les manuscrits de sa Géographie. On peut croire encore que le pays de Sissag est le même que celui appelé Sacapène par Ptolémée (liv. V, ch. 13). Le pays de Sissag était possédé par des dynastes puissants qui, après avoir été d’abord soumis aux rois d’Arménie, devinrent indépendants après la conquête de ce pays par les Persans. Il est souvent question de ces dynastes, dans l’histoire de l’Arménie et notamment dans Faustus de Byzance, liv. IV, ch. ii, 20. — Moïse de Khorène, liv. III, ch. 23 et suiv., 41. — Elisée, Histoire des Vartaniens, p. 22, 32, 48 et passim. — Lazare de Pharbe, p. 243. —Jean Catholicos, ch. 13, 17, 19, 130, 133. —Les Byzantins appellent le prince de Siounik, Ἄρχων τοῦ Συνῆς (Constantin Porphyr., de Caerem., ch. 48). La dynastie des princes de Siounik se continua jusqu’au onzième siècle, époque à laquelle Vest Sarkis voulut s’emparer du trône d’Ani sur Kakig, et, n’ayant puy réussir, il livra cette place à l’empereur Constantin Monomaque en 1045 (Matthieu d’Édesse, liv. I, ch. 65, p. 76, de la trad. française). En 1231, un certain David est qualifié du titre de prince de Siounie (Etienne Orbélian, trad. Brosset, ch. 66, p, 229), et régnait dans les montagnes de Gaban [défilé]. Cf. Tchamitch, Plat. d’Arménie, t. III, p. 235. — Cf. aussi Brosset, Hist. de Géorgie, t. I, p. 545.

[236] Voy. plus haut, liv. I, ch. 29 et la note. — Sur le royaume des Aghouank, on peut consulter Saint-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. I, p. 149, 213 et suiv.; Indjidji (Géogr. mec., p. 301), et surtout l’Histoire des Aghouank, par Moïse de Gaghangaïdoutz (Pans, 1860. 2 v. in 8°) et celle de E. Hassan Djalaliantz (Choucha, 1839, in 12).

[237] La province d’Oudi était située à l’est du Koukarkh, au nord de celle d’Artzakh, et au sud-est elle touchait au Phaïdagaran. Le Cyrus l’arrosait dans toute sa longueur. Elle forme aujourd’hui une partie du pays appelé Karahagh (Jardin noir). Les anciens avaient rendu le nom d’Oudi par ‘Wtrhnh ou Otène; Ptolémée (liv. VI, ch. 13) la nomme Mwthnh pour Wtrhnh. — Étienne de Byz., hac roce. — Pline, liv. VI, ch. 13. — Cf. Indjidji, Géogr. anc., p.336. — St-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 86 et suiv.

[238] Le canton de Kartman, dans la province d’Oudi, était situé sur la rive gauche du Cyrus (Indjidji, Géogr. anc., p. 337). Les personnages de cette famille qui, selon le Père Indjidji (Archéol. de l’Arm., t. II, p. 170), n’était pas satrapale, ont joué rependant un certain rôle dans l’histoire de l’Arménie. — Cf. Moire de Khorène, liv. III, ch. 43, 55. — Faustus de Byzance, liv. III, ch. 17.

[239] On ne connaît pas la position de ce canton.

[240] La province de Konkarkh était située à l’orient de celle de Daïk, an nord des provinces d’Ararat et de Siounik et à l’ouest de celle d’Oudi; au nord elle était limitée par le pays occupé par les Géorgiens. Elle était traversée de l’ouest à l’est par le Cyrus (Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 353. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 79). A la fin du neuvième siècle de notre ère, ce pays, qui s’était rendu indépendant des rois d’Arménie, eut à soutenir de longues guerres avec ces derniers qui voulaient le conquérir (Jean Catholicos, ch. 9). Au onzième siècle, il était possédé par des princes appelés dynastes Goriguians; ensuite il passa aux Orbélians (Matthieu d’Edesse, liv. I, ch. 10 de la traduction française. — Etienne Orbélian, Hist., trad. Brosset, ch. 66, 14, 4). La province de Koukarkh était connue des anciens; Strabon (liv. XI. ch. 14, l’appelle Γωγαρηνή, Ptolémée (liv. V, ch. 19) Τωσαρηνή, mais il est aisé de voir que le T a été mis par erreur pour un Γ par les copistes des manuscrits de sa Géographie; Etienne de Byzance appelle les Karkaratzi: Ὤδαρηνοί, ce qui est aussi une erreur du copiste pour Γωγαρηνοί (Cf. Ste-Croix, Mém. sur l’Araxe et le Cyrus, p. 115). La province de Koukarkh comprenait neuf cantons (Géogr. attr. à Moïse de Khorène, dans Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. II, p. 366-367).

[241] Tous ces cantons faisaient partie de la province de Koukarkh (Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 353. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 81 et suiv.).

[242] Ce canton faisait partie de la province d’Ararat. (Indjidji, Géogr. anc., p. 452).

[243] Le canton de Daschir était compris dans la province de Koukarkh, et fait partie aujourd’hui du Somkheth, une des divisions de la Géorgie (Indjidji, Géogr. anc., p. 360). —Cf. Wakhoucht, Géogr. de la Géorgie, édit. Brosset, p. 180-181.

[244] Cf. plus haut, XVI (liv. I, ch. 23), et la note.

[245] Moïse de Khorène cite en cet endroit Abydène, d’après un passage de la Chronique d’Eusèbe (part. 1, p. 58) traduite en arménien, et qui renferme un singulier contresens. D’abord il attribue à Abydène le passage qui commence par ces mots: « Le puissant (sic) Nabuchodonosor », qui n’est pas d’Abydène, mais de Mégasthène dont le nom n’est pas prononcé dans la version arménienne, tandis qu’il existe dans le texte grec qui nous a été conservé par Eusèbe (Prep. Evang., IX, 41). Voici ce qui a donné lieu à ce contresens: le mot μεγασθενής signifie: magni roboris (vir), potentissimus; le traducteur de la Chronique d’Eusèbe, prenant ce nom propre pour un adjectif servant de qualificatif à Nabuchodonosor, l’a traduit par medzazor, qui a en effet le même sens en arménien que μεγασθενής en grec. Voici le passage grec, tel qu’il se trouve dans le texte de la Préparation évangélique d’Eusèbe: Μεγασθένης δέ φησι, Ναβουκοδρόσορον Ἡρακλεόυς ἀλκιμώτερον γεγονότα, ἐπί τε Λιβύην καὶ Ἰβηρίην στρατεῦσαι κ. τ. λ.  Au surplus, tout ce passage a été fort mal traduit en arménien et rend d’une façon tort infidèle le texte de Mégasthène qui ne présente pas de difficulté. — Cf. la note 4, que le P. Aucher a écrite à propos de Mégasthène, à la p. 58 du t. Ier de son édition de la Chronique d’Eusèbe.

[246] Cf. ci-dessus la note du liv. I, ch. 12.

[247] Cf. ci-dessus. liv. I, ch. 23.

[248] Les possessions de cette satrapie se trouvaient dans le grand Dzop situé dans la quatrième Arménie (Faustus de Byzance, l. IV, ch. 24). — Indjidji, Géogr. anc., p. 507. — Agathange fait mention du chef de la maison d’Ankegh (Hist. de Tiridate, p. 593, 647).

[249] Rosdom, en persan Roustem, est longuement célébré dans l’épopée de Firdouzi (Schah-nameh, éd. Mohl dans la Collection orientale, t. I, Préface) « Roustem, fils de Zal, dont la vie a été tant célébrée par Firdouzi, n’a pas été chanté depuis par aucun autre auteur persan (Préface, p. lxi). » La mère de Roustem, ayant dit lorsqu’elle l’eut enfanté: Roustem, c’est-à-dire « je suis délivrée », désira qu’il fut appelé Roustem. L’histoire de Roustem est rapportée avec une foule de particularités (Schah-nameh, p. 340-509). A la page 50 commence le récit des sept aventures de Roustem, qui se continue dans le second volume jusqu’à la page 473. — Cf. aussi d’Herbelot, Bibl. orientale, Manougeher.

[250] Les chants rationnels ou raisonnés, erkh, panhiz ou erkarank panavourk, sont cités à deux reprises différentes par Moïse de Khorène (liv. I, ch. 3, et dans le chapitre dont nous nous occupons). C’étaient des chants simples et naturels, et vraisemblablement conçus dans un but moral qui excluait l’allégorie (Etude sur les chants historiques de l’Arménie, dans le Journal asiatique (1852), — et tirage à part, p. 28).

[251] Le canton de Dzop, qui fait en effet partie de la quatrième Arménie, était connu des anciens sous les noms de Sophène, Sophanène, Tzophanène (Strabon, I. XI, ch. 12, 14. — Pline, I. V, ch. 12. — Ptolémée, I. V, ch. 13. — Procope, de Aedif., liv. III). — Les Syriens le nommaient Tzouphasnia (Aboulfaradj, Chr. syr., p. 490 de la vers. syriaque). Il était divisé eu deux parties: la grande et la petite Sophène, ou Sophène de Schahouni (Indjidji, Géogr. anc., p. 45. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 91 et suiv.).

[252] Le canton d’Abahouni faisait partie de la province de Douroupéran et était situé au bord de la mer de Peznouni, au pied de l’Ararat (Faustus de Byzance, l. IV, 20. — Thomas Ardzrouni, p. 276, 310). — Cf., Indjidji, Géogr. anc., p. 128 et suiv. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. 1, 100. — Constantin Porphyrogénète (De adm. imp., ch. 44) appelle les Abahouni, Ἀπαχουνὴς.

[253] Voy. ci-dessus liv. I, ch. 12 et la note.

[254] En arménien slak veut dire « flèche ».

[255] La satrapie des Selgouni se trouvait dans le canton de Daron, province de Douroupéran (Indjidji, Géogr. anc., p. 91). — Les Selgouni furent massacrés lors de leur révolte sous le règne de Tiridate, et leur satrapie passa aux mains de Mamcoun (Moïse de Khorène, liv. II, ch. 84).

[256] La satrapie des Mantagouni se trouvait dans le canton de Daron, province de Douroupéran. Cette race fut exterminée par Ardeschir, roi de Perse (Cf. Moïse de Khorène, liv. II, ch. 78).

[257] Cf. plus haut, liv. I, ch. 31. — Les Vahnouni furent élevés à la dignité de grands prêtres en Arménie. C’était un droit héréditaire dans cette famille. La grande prêtrise, kermouthioun, fut confirmée par Valarsace aux descendants de Vahakn qui conservèrent leur nom de Vahnouni jusqu’en l’an 89 de J.-C., époque à laquelle Tigrane II les priva de la dignité sacerdotale (Moïse de Khorène, liv. II, ch. 14). Les pontifes Vahnouni avaient élevé à Arznavir les statues d’Artémis et d’Apollon. Celle d’Hercule, qu’ils avaient assimilé à leur ancêtre Vahakn, fut dressée par eux au village d’Achdichad, dans le canton de Daron (Moïse de Khorène, liv. II, ch. 12).

[258] Cf. liv. I, ch. 31. — La satrapie des Aravénian était située dans la province de Mog, où se trouvait la vallée des Arouvénian, avec une légère différence dans l’orthographe (Indjidji, Géogr. anc., p. 134). — Moïse de Khorène (liv. III, ch. 43) et Lazare de Pharbe (p. 267) mentionnent quelques personnages appartenant à cette famille.

[259] Cf. liv. I, ch. 31, où ces satrapes sont appelés Zarébeavan. Thomas Ardzrouni (liv. IV, ch. 11) les mentionne également. — Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 153.

[260] Le canton d’Artzen était situé dans la province d’Agtidznik ou d’Aghdzen (Arzanène ou Arsane d’Ammien Marcellin, de Procope; d’Agathias, etc.). — Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 67.

[261] Le Taurus a été l’objet d’une magnifique description qu’on lit dans Pline (liv. V, ch. 27) qui nomme chacune des montagnes de cette immense chaîne, qui s’étend depuis la partie sud-ouest de l’Asie-Mineure jusqu’en Perse. — Cf. aussi notre Voyage dans la Cilicie. Prolégomènes, p. 8 et suiv.

[262] C’est-à-dire toute la région montagneuse qui s’étend depuis le lac de Van, à l’ouest, jusqu’au Tigre. — Cf. plus haut, liv. I, ch. 10, et la note, et liv. I, ch. 23 et la note.

[263] La province de Mog, l’une des grandes divisions de l’Arménie, était bornée au nord par le Douroupéran et le Vasbouragan, à l’est par le Gordjaïk, et au midi par une partie de l’Assyrie. Elle renfermait les montagnes du Kurdistan, et paraît répondre à la Moxoène d’Ammien Marcellin, l. XXV. ch. 7 (Indjidji, Géogr. anc., p. 133). La province de Mog passa aux dynastes du Vasbouragan, sous le règne du roi Sempad, comme nous l’apprend Thomas Ardzrouni, p. 259 et suiv.

[264] Cf. liv. I, ch. 14 et la note.

[265] Le canton d’Antzévatzi était situé dans la province de Douroupéran, au milieu des montagnes actuelles du Kurdistan. Son nom vient de l’arménien antzav qui veut dire « grotte » (Jean Catholicos, cité par Indjidji, Géogr. anc., p. 196).

[266] Le canton d’Aguéatzi faisait partie de la province de Vasbouragan (Indjidji, Géogr. anc., p. 201, note 2).

[267] Le canton de Rechdouni était situé dans le Vasbouragan sur les bords méridionaux du lac de Van qui s’appela aussi de son nom, « lac des Rechdouni » (Indjidji, Géogr. anc., p. 164). C’était une contrée très fertile avant la malédiction donnée par saint Jacques à Manadjir, prince du canton (Moïse de Khorène, l. III, ch. 7). Agathange (p. 593, 647) dit que le chef du canton avait le titre de prince du pays de Rechdouni. L’île d’Aghtamar dans le lac de Van faisait partie des domaines des Rechdouni (Moïse de Khorène, liv. III, ch. 15).

[268] Le canton de Koghten, fertile en vin (cf. plus haut, l. I, ch. 30), faisait partie du Vasbouragan. C’est dans ce lac que se conservèrent avec le plus de persistance les anciennes croyances et les traditions populaires des Arméniens (Moïse de Khorène, liv. I, ch. 30, II, 49, 61). Ce canton appartint pendant assez longtemps aux princes de Siounik et était compris alors dans la province de ce nom. Ptolémée (liv. V, ch. 13, § 9) appelle ce canton Κολθηνή. — Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 212 et suiv.

[269] Arékagen signifie à proprement parler « l’oeil d’Arek », le Soleil apparent que le Zend-Avesta nomme l’œil d’Ormuzd (Anquetil Duperron, Zend-Avesta, t. I, 2e partie, p. 87. — Burnouf, Commentaire sur le Yaçna, ch. I, p. 369 et suiv.). C’était, selon les idées arméniennes, idées qu’ils avaient empruntées à la religion des anciens Perses, la manifestation matérielle de Mihr ou Mithra, fils d’Aramnazd ou Ormuzd (Agathange, p. 586, 588.). Cf. Emin, Recherches sur le paganisme arménien, p. 20-21. — Arékagen était aussi le symbole du dieu sexuel chez l’homme.

[270] Lousin, mot à mot « lumineux » et par extension « la Lune », était le symbole du feu sexuel chez la femme. Moïse de Khorène (Hist. des Vierges, compagnes de sainte Ripsimé, dans ses Œuvres complètes publiées en arménien; Venise, 1843, p. 301, l’appelle le « feu-sœur ». La Lune, chez les Arméniens, était la seconde manifestation matérielle de Mihr. — Cf. Emin, Rech. sur le pag. arm., p. 21-22. — Rapprochez ce que dit Burnouf, Comm. sur le Yaçna, ch. I, p. 369.

[271] Cette loi, qui établissait différentes classes entre les Arméniens, est une de celles qui paraît avoir été le plus longtemps en vigueur non-seulement pendant toute la durée du règne des Arsacides, mais encore sous les Bagratides et les Roupéniens. En effet, on trouve, dans le Code de Mékhitar Koch rédigé au douzième siècle, la distinction entre les citadins et les paysans parfaitement définie et réglée de la même manière qu’à l’époque de Valarsace (Ms. de Saint-Lazare de Venise, et de la Bibi, impériale, fonds arm., suppl. n° 53).

[272] Ce canton faisait partie de la quatrième Arménie, et était connu des Grecs sous le nom d’Asthianène ou Austanilis (Ptolémée, liv. V, ch. 13. — Procope, de Aedif., liv. III. — Cod. Justin., liv. I, De magist. Milit.) — Cf. Indjidji, Arma. anc., p. 43 et suiv.

[273] Cf. Moïse de Khorène, liv. II, ch. 21, 32; III, 4. — Jean Mamigonien, Continuat. de l’hist. de Zénob de Glag. — Lazare de Pharbe, p. 12. — Faustus de Byzance, III, 12.

[274] Valarsace régna de 149 à 127 av. J-C.

[275] Arsace Ier régna de 127 à 114 av. J.-C.

[276] Cf. plus haut, liv. II, ch. 8 et la note.

[277] Daniel, III. v. 12 et suiv. — Cf. aussi Josèphe. Antiq. Judaïq., liv. X, ch. 2.

[278] II, Macchab. VI, 18 et suiv. — Cf. aussi Josèphe, Antiq. Judaïq., liv. XII, ch. 7.

[275] Arsace Ier régna de 127 à 114 av. J.-C.

[276] Cf. plus haut, liv. II, ch. 8 et la note.

[277] Daniel, III. v. 12 et suiv. — Cf. aussi Josèphe. Antiq. Judaïq., liv. X, ch. 2.

[278] II, Macchab. VI, 18 et suiv. — Cf. aussi Josèphe, Antiq. Judaïq., liv. XII, ch. 7.