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III. RAISONS OCCASIONNELLES

César évoque d'autres justifications de ses campagnes menées en Gaule. Celles-ci ne constituent cependant pas un système, comme les justifications d'ordre stratégique ou diplomatique.

1. Le patriotisme

Les Helvètes passent la Saône. César attaque le dernier quart resté sur la rive gauche et remporte sa première victoire.

[4] Is pagus appellabatur Tigurinus : nam omnis civitas Helvetia in quattuor pagos divisa est. [5] Hic pagus unus cum domo exisset patrum nostrorum memoria L. Cassium* consulem interfecerat et eius exercitum sub iugum** miserat. [6] Ita sive casu sive consilio deorum immortalium, quae pars civitatis Helvetiae insignem calamitatem populo Romano intulerat, ea princeps poenas persolvit. [7] Qua in re Caesar non solum publicas, sed etiam privatas iniurias ultus est, quod eius soceri L. Pisonis avum, L. Pisonem legatum, Tigurini eodem proelio quo Cassium interfecerant.
I, 12, 4 - 7

* CASSIUS : Le consul L. Cassius est battu avec toute son armée, sur les confins du pays des Nitiobroges, par les Gaulois Tigurins, peuplade helvète qui s'est séparée du reste de cette nation. TITE - LIVE L'événement est daté de 107 ACN.

** IUGUM : Humiliation infligée aux vaincus par le vainqueur. Le iugum était composé de deux javelots plantés en terre reliés transversalement par un troisième. Les soldats vaincus étaient contraints de passer sous ce dispositif en ployant le corps. Le tout se déroulait sous les rires et les brimades des vainqueurs.

[4]
pagus,i :le canton (subdivision de la civitas)
[5]
memoria,ae : ici, la période embrassée par la mémoire, c'est-à-dire l'époque (dont on peut se souvenir)
[6]
quae pars civitatis = pars civitatis quae
princeps,ipis : premier
poenas persolvere : être puni
[7]
socer,eri : le beau-père

 

2. Le commerce

[1] Cum in Italiam proficisceretur, Caesar Servium galbam cum legione XII et parte equitatus in Nantuates, Veragros Sedunosque misit, qui a finibus Allobrogum et lacu Lemanno et flumine Rhodano ad summas Alpes pertinent. [2] Causa mittendi fuit quod iter per Alpes, quo magno cum periculo magnisque cum portoriis mercatores ire consuerant, patefieri volebat.
III, 1, 1 - 2
[2]
portorium,i : le péage

DES OBJECTIFS ECONOMIQUES ?

César assigne à l'opération menée par Galba dans les Alpes un objectif économique précis. C'est la seule allusion faite à ce type de préoccupation dans le Bellum Gallicum.

Faut-il en déduire que la guerre des Gaules dans son ensemble ne poursuivait pas d'objectif économique ? Ou César s'est-il abstenu de les évoquer ? Les réponses ne sont pas évidentes. Pour tenter d'y voir clair, examinons ce que disent nos sources.

Dans l'Antiquité, certaines campagnes en Gaule faisaient l'objet d'une interprétation plus économique que celle proposée par César. Comparons :

César envisage de partir pour la Bretagne parce qu'il comprenait que nos ennemis en avaient reçu du secours pendant presque toutes les campagnes des Gaules.  
CÉSAR

Les Vénètes livrèrent à César une bataille navale dans le dessein de l'empêcher de passer avec ses navires en Bretagne, cette île leur servant de marché. 
STRABON

LA GAULE, UN MARCHÉ POUR LE COMMERCE MEDITERRANEEN

Au moment de la guerre des Gaules, la Provincia était romaine depuis une soixantaine d'années. Cicéron décrit à grands traits la place qu'y avaient prise les hommes d'affaires romains.

La Gaule [c'est-à-dire la Provincia] est remplie de trafiquants et de citoyens romains. Aucun gaulois ne fait d'affaires que par l'intermédiaire d'un citoyen romain. Pas une pièce d'argent ne se déplace en Gaule sans être portée sur les livres des citoyens romains. 
Cicéron

La Gaule indépendante dont César allait faire la conquête était déjà un marché pour les commerçants méditerranéens.

Les Belges sont les plus éloignés du mode de vie et de la civilisation de la Province et les marchands vont rarement chez eux. 
CÉSAR

L'attitude des Nerviens démontre la présence des marchands méditerranéens même dans les régions les plus reculées.

Comme César s'enquérait de leur nature et de leur mode de vie, voici ce qu'il apprit : ils refusaient l'entrée de leur pays aux marchands; ils interdisaient toute importation de vin et de produit de luxe.  
CÉSAR

La conquête plaça définitivement la Gaule dans le mode économique romain. Etait-ce là l'objectif poursuivi ou la simple conséquence d'une opération entreprise pour d'autres motifs ?

LES RICHESSES DE BRETAGNE

La Bretagne (Grande-Bretagne actuelle) semble avoir suscité les convoitises à cause de ses richesses réelles ou supposées. César y fait allusion dans la description qu'il fait du pays.

On y trouve de l'étain* dans l'intérieur des terres, du fer dans les régions côtières, mais en petite quantité.
CÉSAR
(*) L'étain entrant dans la composition du bronze, il s'agissait là d'une matière première de grande utilité.

Suétone voit dans les richesses (peut-être légendaires) de la Bretagne la cause de l'expédition de César.

On prétend qu'il attaqua la Bretagne dans l'espoir d'y trouver des perles. 
SUETONE

A Rome, on se préoccupait fort des richesses de Bretagne, même si c'est pour avouer une déception.

Il paraît qu'il n'y a ni or, ni argent chez les Bretons. 
Cicéron
(lettre de juin 54)

On sait aussi qu'il n'y a pas dans cette île la moindre parcelle d'argent et qu'elle n'offre aucun espoir de butin, sauf en esclaves. 
Cicéron
(lettre du 1/7 ou 1/10/54)

L'IMPOT

La Gaule réduite en province fut astreinte à l'impôt.

Il lui imposa un tribut de quarante millions de sesterces. 
SUETONE

Cette somme, eu égard à la population, ne semble pas excessive, mais il faut dire aussi que la Gaule était épuisée par huit ans de guerre.

Les publicains [collecteurs d'impôts] ne sont jamais sûrs, mais pour l'instant, César n'a pas de meilleurs amis. Cicéron (lettre de fin déc. 50)

Ici aussi, on peut se demander si l'impôt était un objectif à atteindre ou une conséquence de la conquête.

EN GUISE DE CONCLUSION : César avait-il le droit de s'engager dans un tel conflit ?

 LES PRINCIPES

Qu'est-ce qu'une guerre juste ?

La cité parfaite ne fait la guerre que pour tenir ses engagements ou pour assurer sa sécurité (aut pro fide aut pro salute). Ces guerres injustes sont celles qu'on entreprend sans de bonnes raisons. Car sauf pour se venger, ou pour repousser une invasion ennemie, on ne peut mener aucune guerre juste. Aucune guerre n'est considérée comme juste si elle n'a pas été annoncée formellement, ou si elle n'a pas pour objet une réclamation de biens. Quant à notre peuple, c'est en défendant ses alliés qu'il est maintenant devenu le maître du monde entier. Cicéron

Ce qu'il ne faut pas faire ...

Si Pison avait eu tout son bon sens, aurait-il franchi les limites de sa province, conduit une armée hors de ses frontières, fait la guerre de sa propre initiative, envahi un royaume sans l'ordre du Sénat, ce qu'interdisent maintes lois anciennes ? 
Cicéron
(discours contre L. Pison)

LE CAS DE CÉSAR ?

En 58, César dut faire face à une mutinerie, lors de sa marche contre Arioviste. Le motif qu'il en donne dans le Bellum Gallicum est la peur d'un ennemi qui passait pour féroce. Mais la mutinerie avait sans doute d'autres causes.

Ils répétaient qu'ils faisaient dans le propre intérêt de César une guerre qui ne les concernait pas et illégale. En outre, ils menaçaient de l'abandonner, s'il ne changeait pas d'idée. 
DION CASSIUS

César prononça à cette occasion un discours qui lui permit de redresser la situation. Dans la version qu'imagine Dion Cassius, on trouve les échos d'un débat qui dut être soulevé à l'époque.

Cette guerre n'a pas fait l'objet d'un débat au Sénat et n'a pas été votée par le peuple. Si pour cette raison, il y en a qui pensent qu'il ne faut pas s'y engager avec tant d'ardeur, qu'ils considèrent que toutes les guerres de notre histoire sont arrivées les unes après avoir été préparées et déclarées, les autres sous la pression des circonstances. Aussi, l'agitation qui naît, alors que nous sommes encore chez nous et que nous sommes en paix, et qui tire son origine de plaintes émises à l'occasion d'une ambassade, c'est une nécessité et un devoir de la soumettre à l'examen et au vote, ensuite d'imposer la décision aux consuls ou aux préteurs et enfin d'envoyer des troupes. Quant aux incidents qui pourraient survenir après leur départ et leur entrée en campagne, il ne faut plus en débattre, il faut les anticiper avant qu'ils ne prennent trop d'importance, comme si l'urgence avait force de loi. 
DION CASSIUS

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