VARRON
DE LA LANGUE LATINE
DE LINGUA LATINA
LIVRE IX.
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
Relu et corrigé
LIBER NONUS I. 1. ... nesciunt docere quam discere, quae ignorant. In quo fuit Crates, nobilis grammaticus, qui fretus Chrysippo, homine acutissimo, qui reliquit sex libros περὶ ἀνωμαλίας, heis libris contra ἀναλογίαν atque Aristarchum est nixus, sed ita ut scripta indicant eius, ut neutrius videatur pervidisse voluntatem; quod et Chrysippus de inaequabilitate cum scribit sermonis, propositum habet ostendere similes res dissimilibus verbis et dissimiles similibus esse vocabulis notatas (id quod est verum); et quod Aristarchus, de aequabilitate cum scribit eiusdem,vuerborum similitudinem, quorumdam inclinatione sequi iubet, quoad patiatur conseutudo. |
LIVRE IX I. 1.... De ce nombre fut Cratès, célèbre grammairien, qui, s'appuyant de l'autorité du judicieux Chrysippe, à qui nous devons six livres sur l'anomalie, attaqua Aristarque et l'analogie; mais, ses écrits le font assez voir, il ne démêla pas l'intention de Chrysippe et d'Aristarque. Le premier, en effet, dans son traité sur l'anomalie, se propose de démontrer que souvent des mots dissemblables désignent des choses semblables, et réciproquement, ce qui est vrai; et le second, dans son traité sur l'analogie, veut qu'on suive la dérivation des mots, autant que l'usage peut le permettre.
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2. Sed ii qui in loquendo partim sequi iubent nos consuetudinem, partim rationem, non tam discrepant, quod consuetudo et analogia coniunctiores sunt inter se, quam iei credunt. |
2. Or, ceux qui veulent que, dans le langage, on suive en partie l'usage, en partie l'analogie, ne doivent pas être accusés d'inconséquence, parce que l'usage et l'analogie ont plus d'affinité qu'on ne pense. |
3 Quod est nata ex quadam consuetudine analogia, et ex hac consuetudine item anomalia; itaque consuetudo ex dissimilibus et similibus verbis eorumque declinationibus constat : neque anomalia neque analogia est repudianda, nisi si non est homo ex anima, quod ex corpore et anima. |
3. L'analogie et l'anomalie sont nées, jusqu'à un certain point, de l'usage. Or, l'usage ayant pour fondement ce double principe, il s'ensuit qu'on ne doit rejeter ni l'anomalie ni l'analogie. De ce que l'homme est composé d'une âme et d'un corps, serait-il raisonnable d'induire que l'homme n’a point d'âme? |
4. Sed ea quae dicam, quo facilius pervideri possint, prius de trinis copulis discernendum (nam confusim ex utraque parte pleraque dicuntur, quorum alia ad aliam referri debent summam) : primum de copulis naturae et usuis; haec enim duo sunt quo deriguntur diversa, quod aliud est dicere esse verborum analogias, aliud dicere uti oportere analogiis; secundum de copulis multitudinis ac finis, utrum omnium verborum dicatur esse analogiarum usus, an maioris partis; tertium de copulis personarum, qui eis debeant uti, quae sunt plures. |
4. Mais, pour rendre mon explication plus claire, et prévenir la confusion dans laquelle tombent ordinairement les partisans des deux opinions, je distingue trois espèces de rapports : 1° le rapport de la nature et de l'usage, dont les conséquences sont différentes; car autre chose est de montrer les analogies des mots, autre chose de dire qu'il faut se conformer à l'analogie; 2° le rapport du général et du particulier: l'analogie doit-elle s'étendre à tous les mots ou seulement au plus grand nombre? 3° le rapport des personnes entre elles, par suite duquel la minorité doit céder à la majorité. |
5. Alia enim populi universi, alia singulorum, et de ieis non eadem oratoris et poetae, quod eorum non idem ius. Itaque populus universus debet in omnibus verbis uti analogia, et si perperam est consuetus, corrigere se ipsum, quom orator non debeat in omnibus uti, quod sine offensione non potest facere, cum poetae transilire lineas impune possit. |
5. En effet, autre est le peuple entier, autre l'individu; autre est la condition du poète, autre celle de l'orateur; car ils ne sont pas soumis aux mêmes lois. Ainsi le peuple entier doit, dans toute espèce de mots, se conformer à l'analogie, et si l'usage est vicieux, se corriger; mais l'orateur est tenu d'y déroger quelquefois, et le poète peut impunément franchir les barrières. |
6. Populus enim in sua potestate, singuli in illius; itaque ut suam quisque consuetudinem, si mala est, corrigere debet, sic populus suam. Ego populi consuetudinis non sum ut dominus, at ille meae est. Ut rationi optemperare debet gubernator, gubernatori unus quisque in navi, sic populus rationi, nos singuli populo. Quare ad quamcumque summam in dicendo referam, si animadvertes, intelleges, utrum dicatur analogia esse, an uti oportere ea; et quom poscitur, ut usus ad id quod oporteret redigeretur, dici id in populum aliter ac in eum qui sit in populo. |
6. Le peuple relève de lui seul, tandis que l'individu relève du peuple; de sorte que le peuple peut corriger sa manière de parler, de même que chaque individu peut corriger la sienne propre, si elle est vicieuse. Je n'ai pas le droit d'imposer mon usage au peuple; mais le peuple a le droit de m'imposer le sien. De même qu'un pilote obéit à l'art et à la raison, et que les gens de l'équipage obéissent au pilote, de même le peuple doit obéir à la raison, et chaque individu au peuple. C'est pourquoi si vous avez soin de distinguer les principes d'où je déduirai tour à tour mes conclusions, vous comprendrez aisément quand je me bornerai à constater ce qu'exigerait l'analogie, et quand je dirai qu'il faut s'y conformer; et, dans le cas où l'usage doit céder à l'analogie quand je parlerai relativement au peuple entier et quand je parlerai relativement à l'individu. |
II. 7. Nunc iam primum dicam pro universa analogia, cur non modo non videatur esse reprehendenda, sed etiam cur in usu quodammodo sequenda. Secundo de singulis criminibus, quibus rebus possint, quae dicta sunt contra solvi, dicam ita ut generatim comprehendam et ea quae in priore libro sunt dicta et ea quae possunt dici atque illic praeterii. |
II. 7. Je traiterai d'abord de l'analogie, en faisant voir ce qui me semble la justifier et nous faire une loi de la suivre, jusqu'à un certain point, dans l'usage. Ensuite, passant aux griefs dont elle est l'objet, je les combattrai l'un après l'autre, en opposant, à ce que j'ai dit dans le livre précédent contre l'analogie, les raisons contraires qui la justifient, et que je n'ai point données dans le même livre. |
III. 8. Primum quod aiunt, qui bene loqui velit consuetudinem sequi oportere, non rationem similitudinum, quod, alteram si neglegat, sine offensione facere non possit, alterum si sequatur, quod sine reprehensione non sit futurum : errant; quod qui in loquendo consuetudinem qua oportet uti, sequitur, eam sequitur non sine ratione. |
III. 8. On dit que, pour bien parler, il faut se conformer à l'usage et non à l'analogie, parce que, en ne se conformant pas à l'usage, on déplaît toujours, et parce que, en suivant l'analogie, on s'expose souvent à déplaire. Ce raisonnement est mal fondé, en ce que ceux qui se conforment à un usage bon en lui-même suivent en même temps l'analogie. |
IV. 9. Nam vocabula ac verba, quae declinamus similiter, ea in consuetudine esse videmus, et ad eam conferimus et, si quid est erratum, non sine ea corrigimus. Nam ut, qui triclinium constrarunt, si quem lectum de tribus unum imparem posuerunt, aut de paribus nimium aut parum produxerunt, una corrigimus et ad consuetudinem communem et ad aliorum tricliniorum analogias : sic si quis in oratione in pronuntiando ita declinat verba ut dicat disparia, quod peccat redigere debemus ad ceterorum similium verborum rationem. |
IV. 9. En effet, dans les déclinaisons où l'analogie et l'usage sont d'accord, nous suivons à la fois deux guides, et lorsque la déclinaison est défectueuse, nous réformons l'usage d'après l'analogie. De même que, dans la disposition d'une salle à trois lits, si la forme d'un des lits n'est pas semblable à celle des deux autres, ou si leur dimension n'est pas la même, nous réformons cette inégalité en consultant et l'usage et l'analogie; de même si, dans le langage, nous pêchons contre la similitude, nous devons corriger cette anomalie d'après la loi d'analogie qui régit les autres mots. |
V. 10. Cum duo peccati genera sint in declinatione, unum quod in consuetudinem perperam receptum est, alterum quod nondum est, et perperam dicatur; unum dant non oportere dici, quod non sit in consuetudine, alterum non conceditur quin ita dicatur, ut sit similiter, quom id faciant, ac, si quis puerorum per delicias pedes male ponere atque imitari vatias coeperit, hos corrigi oportere si concedant; contra si quis in consuetudine ambulandi iam factus sit vatia aut conpernis, sit eum corrigi non concedant. |
V. 10. On peut pécher dans Ies déclinaisons de deux manières, ou en suivant un usage vicieux ou en tombant dans une anomalie que l'usage n'a pas encore sanctionnée. Dans le premier cas, on s'accorde qu'il n'est pas permis de déroger à l'usage, dans le second, on conteste le droit de persister dans une anomalie que l'usage n'a pas accréditée : de même qu'on permettrait de corriger le défaut d'un enfant qui s'amuserait à marcher de travers et à imiter l'allure de ceux qui ont les jambes tortues, et qu'on ne permettrait pas de remédier au même défaut, qui se serait invétéré par l'habitude. |
11. Non sequitur, ut stulte faciant, qui pueris in geniculis alligent serperastra, ut eorum depravata corrigant crura? Cum vituperandus, non sit medicus, qui e longinqua mala consuetudine aegrum in meliorem traducat : quare reprehendendus sit, qui orationem minus valentem propter malam consuetudinem traducat in meliorem? |
11. Il faudrait donc conclure de là qu'on cède à une tendresse peu judicieuse, en attachant des éclisses aux genoux des enfants, pour corriger les imperfections de la nature. Or, on n'a jamais blâmé un médecin d'avoir guéri quelqu'un d'une maladie invétérée : pourquoi donc blâmerait-on celui qui réformerait un vice de langage, accrédité par l'usage. |
VI. 12. Pictores Apelles, Protogenes, sic alii artufices egregii non reprehendundi, quod consuetudinem Miconos, Dioris, Arimmae, etiam superiorum non sunt secuti; Aristophanes improbandus, qui potius in quibusdam veritatem quam consuetudinem secutus? |
VI. 12. On n'a jamais reproché à Apelle, à Protogène, et autres peintres célèbres, de s'être écartés de la manière de leurs devanciers, tels que Mycon, Dioris, Arimna: pourquoi reprocherait-on à Aristophane d'avoir préféré la vérité à l'usage ? |
VII. 13. Quod si viri sapientissimi, et in re militari et in aliis rebus multa contra veterem consuetudinem cum essent ausi, laudati : despiciendi sunt qui potiorem dicunt oportere esse consuetudinem ratione. |
VII. 13. Que si on a fait un titre de gloire à des hommes distingués dans la guerre ou dans d'autres arts d'avoir souvent dérogé au vieil usage, il faut donc rejeter l'opinion de ceux qui prétendent que l'usage doit l'emporter sur la raison. |
VIII. 14. An quom quis perperam consuerit quid facere in civitate, non modo non patiemur, sed etiam poena afficiemus, idem, si quis perperam consuerit dicere verbum, non corrigemus, cum id fiat sine poena? |
VIII. 14. Quoi ! non seulement nous ne souffrons, mais encore nous punissons un citoyen qui a contracté l'habitude d'une conduite vicieuse; et nous ne corrigerions pas celui qui a contracté l'habitude d'un langage défectueux, d'autant que cette correction n'est accompagnée d'aucun châtiment? |
IX. 15. Et hi, qui pueros in ludum mittunt, ut discant quae nesciunt verba, quemadmodum scribant, idem barbatos, qui ignorabunt verba, quemadmodum oporteat dici, non docebimus, ut sciant qua ratione conveniat dici? |
IX. 15. Nous envoyons les enfants aux écoles pour apprendre l'orthographe, et nous n'enseignerions pas aux hommes ignorants les règles du langage ? |
X. 16. Sed ut nutrix pueros a lacte non subito avellit a consuetudine, cum a cibo pristino in meliorem traducit; sic maiores in loquendo a minus commodis verbis ad ea quae sunt cum ratione, modice traducere oportet. Cum sint in consuetudine contra rationem alia verba ita ut ea facile tolli possint, alia ut videantur esse fixa : quae leviter haerent, ac sine offensione commutari possint, statim ad rationem corrigi oportet; quae autem sunt ita, ut in praesentia corrigere nequeas, quin ita dicas, his oportet, si possis, non uti: sic enim obsolescent, ac postea iam obliterata facilius corrigi poterunt. |
X. 16. De même qu'une nourrice n'ôte pas brusquement l'usage du lait à un enfant, mais le déshabitue peu à peu de cet aliment en l'accoutumant par degrés à un aliment plus fort; de même, dans la correction du langage des hommes, la transition doit être graduelle et mesurée. Les vices du langage sont peu ou profondément enracinés. Dans le premier cas, il faut s'empresser de les corriger; dans le second, il faut s'abstenir, autant que possible, de faire usage des locutions dont la réforme demande du temps : en s'oblitérant par la désuétude, elles deviendront ultérieurement plus susceptibles de correction. |
XI. 17. Quas novas verbi declinationes ratione introductas respuet forum, his boni poetae, maxime scaenici, consuetudine subigere aures populi debent, quod poetae multum possunt in hoc; propter eos quaedam verba in declinatione melius, quaedam deterius dicuntur. Consuetudo loquendi est in motu; itaque solent fieri ex meliore deterior, ex deteriore melior. Ac verba perperam dicta apud antiquos aliquos propter poetas non modo nunc dicuntur recte, sed etiam quae ratione dicta sunt tum, nunc perperam dicuntur. |
XI. 17. Le forum rejette ordinairement certaines locutions que l'esprit d'analogie veut introduire; mais alors c'est aux poètes, qui en cela ont beaucoup d'influence, et surtout aux poètes scéniques, d'accoutumer les oreilles du peuple à ces réformes du langage. SI la déclinaison de certains mots s'améliore ou se corrompt, c'est aux poètes qu'il faut en attribuer la cause. En effet, l'usage est sujet à la mutabilité, qui est une condition du mouvement, et partant sujet à se corrompre ou à se perfectionner. Quant à l'influence des poètes, elle est telle qu'ils ont non seulement accrédité des mots anciens qui étaient défectueux, mais qu'ils ont encore contribué à l'altération de mots qui ne l'étaient pas. |
XII. 18. Quare qui ad consuetudinem nos vocant, si ad rectam, sequemur; in eo quoque enim est analogia : si ad eam invitant quae est depravata, nihilo magis sequemur quam, nisi cum erit necesse, sequar in ceteris rebus mala exempla; nam ea quoque, cum aliqua vis urget, inviti sequemur. XIII. Neque enim Lysippus artificum priorum potius secutus est vitiosa quam artem. Si sic populus facere debet : etiam singuli, sine offensione quod fiat populi. |
18. Suivons donc ceux qui nous rappellent à l'usage, si cet usage est bon; car, en suivant l'usage, nous suivrons aussi l'analogie. Mais si l'usage est vicieux, qu'il en soit alors pour nous de cet usage comme des mauvais exemples, qu'il ne faut suivre que par nécessité et malgré nous. XIII. Lysippe ne crut jamais que le mauvais exemple de ses devanciers dût prévaloir contre l'art. S'il est du devoir du peuple entier de se corriger, l'individu peut donner l'exemple de la réforme, en tant qu'il ne choque pas ouvertement l'usage général. |
19. Qui amissa non modo quaerant, sed etiam quod indicium dent : idem, ex sermone si quid deperiit, non modo nihil impendunt ut requirant, sed etiam contra indices repugnant ne restituatur verbum. |
19. Afin d'effacer jusqu'à la trace des mots perdus, les adversaires de l'analogie non seulement s'abstiennent de toute investigation, mais encore se déclarent contre l'apparence du moindre indice qui pourrait faire retrouver un mot. |
20. Quod novum et ratione introductum, quo minus recipiamus, vitare non debemus. XIV. Nam ad usum in vestimentis, aedificiis, supellectili, novitati non impedit vetus consuetudo. Quem enim amor assuetudinis potius in pannis possessorem retinet, quem ad nova vestimenta traducit? XV. An non saepe veteres leges abrogatae novis cedunt? |
20. L'introduction d'un mot nouveau, avoué par la raison et l'analogie, ne doit pas être rejetée. XIV. Voit-on que, dans les vêtements, dans les édifices, dans les meubles, la longue habitude soit un obstacle à la nouveauté? XV. Qui a jamais aimé ses vieux habits au point de n'en vouloir point changer? Les anciennes lois ne sont-elles pas souvent abrogées, et remplacées par d'autres ? |
XVI. 21. Nonne inusitatis formis vasorum recentibus ex Graecia adlatis obliteratae antiquae consuetudinis sinorum et capularum species : his formis vocabulorum incontaminatis uti nollent, quas docuerit ratio propter consuetudinem veterem? Et tantum inter duos sensus interesse volunt, ut oculis semper aliquas figuras supellectilis novas conquirant, contra auris expertis velint esse? |
XVI. 21. La forme nouvelle des vases grecs a remplacé la forme ancienne de nos pots et de nos tasses : pourquoi se refuserait-on à adopter des mots nouveaux, conseillés par la raison, comme si ces mots étaient empoisonnés? En quoi le sens de la vue est-il si différent du sens de l'ouïe, qu'il soit permis à l'oeil de se récréer par la nouveauté, et que ce plaisir soit refusé à l'oreille? |
XVII. 22. Quotus quisque iam servos habet priscis nominibus? quae mulier suum instrumentum vestis atque auri veteribus vocabulis appellat? Sed indoctis non tam irascendum, quam huiusce pravitatis patronis. |
XVII. 22. Où sont les maîtres qui donnent aujourd'hui à leurs esclaves des noms tombés en désuétude? Où est la femme qui, en parlant de sa parure ou de ses bijoux, se sert des noms de l'ancien temps? Toutefois il faut moins s'indigner contre ce qui est suranné que contre les défenseurs de ce qui est suranné. |
23. Si enim usquequaque non esset analogia, tum sequebatur, ut in verbis quoque non esset; non, cum esset usquequaque, ut est, non esse in verbis. XVIII. Quae enim est pars mundi quae non innumerabiles habeat analogias? Caelum an mare an terra, quae in his? |
23. Si l'analogie ne se trouvait nulle part, elle ne se trouverait pas plus dans les mots qu'ailleurs ; mais si, comme de fait, elle se trouve partout, elle existe nécessairement dans les mots. XVIII. Quelle est la partie du monde où les analogies n'abondent? Le ciel, la mer, la terre, l'air, en sont remplis, ainsi que tout ce qu'ils renferment. |
24. Nonne in caelo, ut ab aequinoctiali circulo ad solstitialem et hinc ad septemtrionalem divisum : sic contra paribus partibus idem a bruma versum contraria parte? Non, quantum polus superior abest a septemtrionali circulo et is a solstitiali, quem sol circumit cum it ad solstitium, tantundem abest inferior ab eo quem ἀνταρτικὸν vocant astrologi, et is a brumali? Non, quemadmodum quodque signum exortum hoc anno, quotquot annis eodem modo exoritur? |
24. Le cercle équinoxial n'est-il pas à égal distance des deux tropiques ? Le pôle supérieur n'est-il pas à la même distance du cercle septentrional, et le cercle septentrional, du solstice d'été, que le pôle inférieur l'est du cercle antarctique, et le cercle antarctique, du solstice d'hiver? Les autres ne recommencent-ils pas chaque année leur cours de la même manière? |
25. Num aliter sol a bruma venit ad aequinoctium, ac contra cum ad solstitium venit, ad aequinoctialem circulum, et inde ad brumam? Nonne luna, ut a sole discedit ad aquilonem et inde redit in eandem viam : sic inde fertur ad austrum et regreditur inde? Sed quid plura de astris, ubi difficilius reperitur quid sit aut fiat in motibus dissimiliter? |
25. La ligne que décrit le soleil en allant du solstice d'hiver à l'équinoxe, est-elle différente de celle qu'il décrit en revenant du solstice d'été au même point ? En s'éloignant du soleil pour aller vers le nord, et du nord pour retourner vers le soleil, la lune n'accomplit-elle pas la même révolution qu'en s'éloignant du soleil pour aller vers le midi, et du midi pour retourner vers le soleil? Mais je laisse le ciel, où il serait fort difficile de découvrir la moindre anomalie dans le cours des astres. |
XIX. 26. At in mari, credo, motus non habent similitudines geminas, qui in XXIIII horis lunaribus quotidie quater se mutant, ac cum sex horis aestus creverunt, totidem decreverunt, rursus idem; itemque ab his. An hanc analogiam ad diem servant, ad mensem non item, alios motus cum habeant, sic item cum habeant aliis inter se convenientes? de quibus in libro, quem de aestuariis feci, scripsi. |
XIX. 26. Jetons les yeux sur la mer, et considérons les mouvements alternatifs de ses eaux, qui s'avancent et se retirent de six heures en six heures. Chaque jour ne ramène-t-il pas les mêmes oscillations journalières, et chaque mois à son tour ne ramène-t-il pas les mêmes mouvements mensuels? J'ai parlé de ces phénomènes dans mon traité sur les marées. |
XX. 27. Non in terra in sationibus servata analogia? nec cuiusmodi in praeterito tempore fructuum genera reddidit, similia in praesenti reddit ? et cuiusmodi tritico iacto reddidit segetes, sic ordeo sato proportione reddidit parilis? Non ut Europa habet flumina, lacus, montis, campos, sic habet Asia? |
XX. 27. La terre nous présente la même concordance : elle s'enrichit chaque année des mêmes fruits qu'elle a portés dans les années précédentes; elle rend avec la même usure le froment et l'orge dont elle a repu la semence. L'Asie n'a-t-elle pas, comme l'Europe, des fleuves, des lacs, des montagnes, des champs? |
XXI. 28. Non in volucribus generatim servatur analogia? non ex aquilis aquilae, atque ut ex turdis qui procreantur, turdi, sic ex reliquis sui cuiusque generis? XXII. An aliter hoc fit quam in aere in aqua? non hic conchae inter se generatim innumerabili numero similes? non pisces? an e muraena fit lupus aut merula? Non bos ad bovem collatus similis ? et qui ex his progenerantur, inter se vituli? etiam ubi dissimilis foetus ut ex equa et asino mulus, tamen ibi analogia; quod ex quocumque asino et equa nascitur, id est mulus aut mula, ut ex equo et asina hinnulei. |
XXI. 28. La même loi ne se retrouve-t-elle pas dans les différentes espèces des oiseaux? L'aigle naît de l'aigle; la grive, de la grive; et ainsi des autres oiseaux. XXII. Nous pouvons encore admirer cette harmonie dans l'air et dans les eaux : les coquillages, ces poissons innombrables, ne sont-ils pas semblables entre eux dans chaque espèce? Voit-on la lamproie donner naissance au loup marin, ou à quelque autre poisson d'une espère différente? Le taureau ne ressemble-t-il pas au taureau? le veau ne naît-il pas semblable au veau? Même, dans les produits de l'accouplement de deux espèces différentes, la nature sait conserver la loi des rapports; et, de même que l'accouplement d'un âne et d'une jument donne naissance à un mulet ou à une mule, l'accouplement d'un cheval et d'une ânesse donne naissance à un animal d'une nature correspondante (hinnuleus). |
XXIII. 29. Non sic ex viro et muliere omnis similis partus, pueri et puellae? non horum ita inter se omnia similia membra, ut separatim in suo utroque genere similitudine sint paria? Non, omnis cum sint ex anima et corpore, partes quaeque horum proportione similes? |
XXIII. 29 L'homme et la femme ne produisent-ils pas des êtres semblables à eux, c'est-à-dire des hommes et des femmes? la forme de leurs membres n'est-elle pas semblable selon chaque espèce ? Hommes et femmes, nous sommes tous composés d'une âme et d'un corps, et chaque partie de cette âme et de ce corps se ressemble dans tous. |
30. Quid ergo cum omnes animae hominum sint divisae in octonas parteis, eae inter se non proportione similes? quinque quibus sentimus, sexta qua cogitamus, septuma qua progeneramus, octaua qua voces mittimus? Igitur, quoniam qua loquimur voce oratio est, hanc quoque necesse est natura, habere analogias: itaque habet. |
30. L'âme de chaque homme ou de chaque femme est composée de huit parties, et toutes ces parties sont les mêmes dans chaque homme et dans chaque femme. Cinq de ces parties sont les organes de la sensation ; la sixième est celui de la pensée; la septième, celui de la génération; la huitième, celui de la voix. Or, puisque la voix est l'organe du langage, le langage doit naturellement comporter la loi de l'analogie; donc le langage est sujet à l'analogie. |
XXIV. 31. An non vides, ut Graeci habeant eam quadripertitam, unam in qua sint casus, alteram in qua tempora, tertiam in qua neutrum, quartam in qua utrumque, sic nos habere? Ecquid verba, nescis ut apud illos sint alia finita, alia non, sic utraque esse apud nos? |
XXXI. 31. Les Latins ne distinguent-ils pas, comme les Grecs, quatre espèces de mots : ceux qui ont des cas, ceux qui ont des temps, ceux qui n'ont ni cas ni temps, ceux enfin qui ont des cas et des temps? Chez les Latins,comme chez les Grecs, les mots ne se divisent-ils pas en définis et en indéfinis? |
32. Equidem non dubito, quin animadverteris item in ea innumerabilem similitudinum numerum : ut trium temporum verbi aut trium personarum. XXV. Quis enim potest non una animadvertisse in omni oratione esse ut legebam, lego, legam, sic lego, legis, legit, cum haec eadem dicantur alias ut singula, alias ut plura significentur? Quis est tam tardus, qui illas quoque non animadverterit similitudines, quibus utimur in imperando, quibus in optando, quibus in interrogando, quibus in infectis rebus, quibus in perfectis, sic in aliis discriminibus? |
32. Qui n'a pas remarqué la conformité qui se retrouve dans les innombrables formes des verbes, cette triplicité de temps et de personnes, comme legebam, lego, legam ; lego, legis, legit, qui se reproduit encore au pluriel; enfin cette analogie toujours subsistante dans la diversité des modifications, qui présentent tour a tour l'idée de commandement, de désir, d'interrogation, d'imparfait, de parfait, etc.? |
XXVI. 33. Quare qui negant esse rationem analogiae, non vident naturam non solum orationis, sed etiam mundi; qui autem vident et sequi negant oportere, pugnant contra naturam, non contra analogian: et pugnant volsillis, non gladio, cum pauca excepta verba ex pelago sermonis populi minus usu trita afferant, quom dicant propterea analogias non esse; similiter ut si quis viderit mutilum bovem aut luscum hominem claudicantemque equum, neget in bovum, hominum et equorum natura similitudines proportione constare. |
XXVI. 33. Nier la loi de l'analogie, c'est donc méconnaître la nature, non seulement du langage, mais du monde; de même que reconnaître l'existence de l'analogie sans vouloir s'y conformer, c'est agir, non contre l'analogie, mais contre la nature elle-même. Enfin, c'est combattre avec une pincette a épiler, et non avec une épée, que d'éplucher le langage vulgaire, et de citer quelques mots usés, pour ainsi dire, par le frottement, pour prouver que l'analogie n'existe pas. Autant vaudrait conclure, par exemple, de la difformité d'un taureau sans cornes, d'un homme borgne, ou d'un cheval boiteux, que la nature des taureaux, des hommes et des chevaux n'est point soumise à la loi de l'analogie. |
XXVII. 34. Qui autem duo genera esse dicunt analogiae : unum naturale, quod ut ex lentibus seminatis nascuntur lentis sic ex lupinis lupinum; alterum voluntarium ut in fabrica, cum vident scaenam, ut in dexteriore parte sint ostia, sic esse in sinisteriore simili ratione facta ; de his duobus generibus naturalem esse analogiam ut sit in motibus caeli, voluntariam non esse, quod ut quoique fabro lubitum sit, possit facere partis scaenae, sic in hominum partibus esse analogias, quod eas natura faciat, in verbis non esse, quod ea homines ad suam quisque voluntatem fingat, itaque de eisdem rebus alia verba habere Graecos, alia Syros, alia Latinos: ego declinatus verborum et voluntarios et naturalis esse puto, voluntarios quibus homines vocabula imposuerint rebus quaedam, ut ab Romulo Roma, ab Tibure Tiburtes; naturales, ut ab impositis vocabulis quae inclinantur in tempora aut in casus, ut ab Romulus Romuli Romulum et ab dico dicebam, dixeram. |
XXVII. 34. Il y a, dit-on, deux sortes d'analogie : une analogie naturelle, comme celle qui régit la reproduction des plantes et fait qu'une lentille naît d'une lentille, etc.; une analogie volontaire, comme celle qui préside, par exemple, à la construction d'un théâtre, où l'architecte pratique, selon sa volonté, une entrée à droite, et une autre entrée correspondante à gauche. Les auteurs de cette distinction en concluent que l'analogie naturelle, comme celle qui règle, par exemple, les révolutions célestes, mérite seule le nom d'analogie, et que l'autre ne doit pas être regardée comme une analogie, parce que la structure d'un théâtre dépend uniquement de la volonté de l'architecte ; qu'ainsi la loi de l'analogie se trouve dans le corps humain, parce que c'est la nature qui en a disposé les parties; mais qu'elle ne se trouve pas dans le langage, parce qu'il a pour origine la volonté des hommes, qui, par exemple, en Grèce, en Syrie, en Italie, désignent les mêmes choses par des mots différents. Selon moi, les déclinaisons des mots sont à la fois volontaires et naturelles : volontaires, dans la création des mots qui servent à désigner les choses, comme Roma, de Romulus; Tiburtes (habitants de Tibur), de Tibur; naturelles, dans les modifications qui servent à désigner les cas ou les temps, comme Romulo, Romuli, Romulum; de Romulus; dicebam, dixeram, de dico. |
35. Itaque in voluntariis declinationibus inconstantia est, in naturalibus constantia; quas utrasque quoniam iei non debeant negare esse in oratione, quom in mundi partibus omnibus sint, et declinationes verborum innumerabiles, dicendum est, esse in his analogias. Neque ideo statim ea in omnibus verbis est sequenda; nam si qua perperam declinavit verba consuetudo, ut ea aliter non possint efferri sine offensione multorum, hinc rationem verborum praetermittendam ostendit loquendi ratio. |
XXVIII. 35. C'est pourquoi les déclinaisons volontaires sont variables, et les déclinaisons naturelles, invariables. Or, comme il est incontestable que ce double caractère d'unité et de variété existe dans le langage, puisqu'il existe dans toutes les parties de l'univers, il faut reconnaître que les déclinaisons sont soumises à l'analogie, d'autant qu'elles sont innombrables. Il ne s'ensuit pas qu'on doive y ramener tout d'abord tous les mots irréguliers; car si, en voulant réformer un usage vicieux, on s'expose à choquer tout le monde, la raison nous fait alors un devoir de ne pas suivre la raison. |
XXVIII. 36. Quod ad universam pertinet causam, cur similitudo et sit in oratione et debeat observari et quam ad finem quoque, satis dictum. Quare quod sequitur de partibus singulis, deinceps expediemus ac singula crimina quae dicunt contra analogias, solvemus. |
36. J'ai suffisamment discuté les raisons générales qui constatent que le langage est soumis à l'analogie, et déterminent les bornes dans lesquelles doit se renfermer l'observation de cette loi. Je passe à la discussion des griefs auxquels les mots, pris en particulier, ont pu donner lieu contre l'analogie. |
37. In quo animadvertito natura quadruplicem esse formam, ad quam in declinando accommodari debeant verba: quod debeat subesse res quae, designetur; et ut sit ea res in usu, et ut vocis natura ea sit quae significavit, ut declinari possit; et similitudo figurae verbi ut sit ea quae ex se declinatu genus prodere certum possit. |
37. Remarquez d'abord que les mots sont, dans leurs déclinaisons, assujettis naturellement à quatre conditions. En effet, tout mot doit être la signification d'une chose, cette chose doit être en usage; la nature du mot doit être déclinable; enfin le mot doit conserver dans ses déclinaisons, la trace de sa forme radicale. |
38. Quo neque a terra terrus ut dicatur, postulandum est, quod natura non subest, ut in hoc alterum maris, alterum feminae debeat esse. Sic neque propter usum, ut Terentius significat unum, plures Terentii, postulandum est, ut sic dicamus faba et fabae; non enim in simili usu utrumque; neque ut dicimus ab Terentius Terentium, sic postulandum ut inclinemus ab A et B, quod non omnis vox natura habet declinatus. |
38. Ainsi on aurait tort de vouloir qu'on dît terrus, par dérivation de terra (terre) parce qu'ici rien ne comporte naturellement la distinction du genre masculin et du genre féminin. De même, rien n'exige qu'on dise faba (fève) au pluriel, de même qu'on dit Terentius, Terentii, parce qu'on distingue un homme d'un homme et qu'on ne distingue pas une fève d'une autre fève. De ce qu'on dit Terentius, Terentium, il ne s'ensuit pas qu'il faille décliner les noms des lettres de l'alphabet, parce que la nature de chaque mot ne comporte pas nécessairement la déclinaison. |
39. Neque in forma collata quaerendum solum, quid habeat in figura simile; sed etiam nonnunquam in eo quem habeat effectum. Sic enim lana Gallicana et Apula videtur imperito similis propter speciem, cum peritus Apulam emat pluris, quod in usu firmior sit. Haec nunc strictim dicta apertiora fient infra. Incipiam hinc. |
39. Dans l'examen de deux mots de forme semblable, il ne faut pas seulement considérer leur ressemblance apparente, mais il faut encore tenir compte de leur valeur intrinsèque. Ainsi la laine gauloise et la laine d'Apulie paraissent semblables à celui qui ne sait en juger que sur l'apparence ; mais le connaisseur ne cesse pas d'acheter, quoique à un prix plus élevé la laine d'Apulie, parce que celle-ci est d'un meilleur usage. Ces différents points, que je n'ai fait qu'effleurer, auront leur éclaircissement. Je commencerai par ce dernier. |
XXIX. 40. Quod rogant, ex qua parte oporteat simile esse verbum, ab voce an a significatione, respondemus a voce; sed tamen nonnunquam quaerimus genere similiane sint, quae significantur, ac nomen virile cum virili conferimus, feminae cum muliebri, non quod id quod significant vocem commoveat; sed quod nonnunquam in re dissimili parilis figurae formas, in simili imponunt dispariles, ut calcei muliebres sint an viriles dicimus ad similitudinem figurae; cum tamen sciamus nonnunquam et mulierem habere calceos viriles et virum muliebris. |
XXIX. 40. Est-ce dans la forme du mot ou dans sa signification que consiste la similitude? Je répondrais que c'est dans la forme du mot. Quelquefois il est vrai, nous voulons savoir si les choses que les mots désignent sont semblables en genre, et alors nous comparons un nom masculin avec un nom masculin, un nom féminin avec un nom féminin, non que la chose signifiée nous importe, mais parce qu'il arrive assez souvent que des mots dissemblables ont des formes semblables, et réciproquement. Ainsi nous disons, d'après la forme que telle ou telle chaussure est une chaussure d'homme ou de femme, quoique nous sachions bien que quelquefois des hommes portent des chaussures de femme, et réciproquement. |
41. Sic dici virum Perpennam ut Alfenam, muliebri forma; et contra parietem ut abietem esse forma similem, quom alterum vocabulum dicatur virile, alterum muliebre, et utrumque natura neutrum. Sic itaque ea virilia dicimus non quae virum significant, sed quibus proponimus hic et hi, et sic muliebria in quibus dicere possumus haec aut hae.
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41. Ainsi Perpenna et Alphena ont une forme féminine, quoique le premier soit un nom d'homme et le second un nom de femme; et les mots paries (mur) et abies (sapin), quoique semblables quant à la forme, diffèrent quant au genre, car le premier est masculin et le second féminin, et désignent deux choses qui ne sont ni de genre masculin ni du genre féminin. C'est pourquoi nous disons qu'un mot est masculin, non parce qu'il désigne un être de nature mâle, mais parce qu'il peut être précédé de hic ou hi et pareillement nous disons qu'un mot est féminin, non parce qu'il désigne un être féminin mais parce qu'il peut être précédé de haec ou de hae. |
XXX. 42. Quare nihil est, quod dicunt Theona et Diona non esse similis, si alter est Aethiops, alter albus, si analogia rerum dissimilitudines adsumat ad discernendum vocis verbi figuras. |
XXX. 42. C'est donc faire une objection oiseuse que de dire que Theona et Diona ne sont pas des noms semblables, parce que l'un peut désigner un homme noir, et l'autre un homme blanc; car c'est juger de la forme des mots par la dissimilitude des choses qu'il désigne. |
XXXI. 43. Quod dicunt, simile sit necne nomen nomini, impudenter Aristarchum praecipere oportere, spectare non solum ex recto, sed etiam ex eorum vocandi casu, esse enim deridiculum, si similes inter se parentes sint, de filiis iudicare: errant, quod non ab eorum obliquis casibus fit, ut recti simili facie ostendantur, sed propter eos facilius perspici similitudo potest eorum quam vim habeat, ut lucerna in tenebris allata, non facit ut quae ibi sunt posita similia sint, sed ut videantur quae sunt quoius modi sint. |
43. Aristarque a tort, dit-on, d'enseigner que, pour connaître si deux noms sont semblables, il faut considérer, non seulement le nominatif, mais encore les cas obliques : en quoi, ajoutent ses adversaires, il est aussi ridicule qu'un homme qui prétendrait ne pouvoir juger s'il y a ressemblance entre un père et une mère, qu'après avoir vu les enfants. Ce raisonnement manque de justesse, parce que les cas obliques ne servent pas à faire naître les rapports apparents des nominatifs, mais leurs rapports intrinsèques; de même qu'une lumière, apportée dans les ténèbres, ne change pas la forme des choses qui y étaient cachées, mais sert à distinguer si ces choses sont plus ou moins semblables. |
44. Quid similius videtur quam in his est extrema littera X crux, Phryx? quas, qui audit voces, auribus discernere potest nemo, quom easdem non esse similes ex declinatis verbis intellegamus, quod cum sit cruces et Phryges et de his extremis syllabis exemptum sit E, ex altero fit ut ex C et S crux, ex altero G et S Phryx; quod item apparet, cum est demptum S; nam fit unum cruce, alterum Phrygi. |
44. Quoi de plus semblable en apparence que les désinences de crux et de Phryx ? l'oreille ne peut en distinguer la différence. Cependant cruces et Phryges, cruci et Phrygi, nous font sentir que crux et Phryx ne sont pas semblables. |
XXXII. 45. Quod aiunt, cum in maiore parte orationis non sit similitudo, non esse analogian, dupliciter stulte dicunt, quod et in maiore parte, est et si in minore parte sit, tamen sit, nisi etiam nos calceos negabunt habere, quod in maiore parte corporis calceos non habeamus. |
XXXII. 45. On objecte, contre l'existence de l'analogie, que la similitude ne se retrouve pas dans la majorité des mots. Cette objection est doublement erronée : d'abord, parce qu'il est faux que la similitude ne domine pas dans le langage; en second lieu, parce que, dans la supposition contraire, l'analogie ne laisserait pas d'exister. Autant vaudrait dire que nous ne portons pas de chaussures, parce que nos chaussures ne couvrent qu'une petite partie de notre corps. |
XXXIII. 46. Quod dicunt, nos sequi dissimilitudinem, : itaque in vestitu, in supellectile delectari varietate, non paribus subuculis uxoris : respondeo, si varietas iucunditas, magis varium esse, in quo alia sunt similia, alia non sunt: itaque sicut abacum argento ornari, ut alia paria sint, alia disparia, sic orationem. |
XXXIII. 46. Nous aimons, dit-on, la dissimilitude, et la variété nous plaît dans les meubles, dans les vêtements, qui ne sont pas les mêmes pour les hommes que pour les femmes. A cela je réponds que si la variété est une cause de plaisir, rien n'est plus varié que les objets où la similitude s'allie à la dissimilitude. C'est le but qu'on se propose dans les ornements du langage, comme dans les ornements d'un meuble, où le contraste de l'argent et du bois n'exclut pas la similitude. |
47. Rogant, si similitudo sit sequenda, cur malimus habere lectos alios ex ebore, alios ex testudine, sic item genere aliquo alio. Ad quae dico non dissimilitudines solum nos, sed similitudines quoque sequi saepe : idque ex eadem supellectili licet videre; nam nemo facit triclinii lectos, nisi pareis et materia et altitudine et figura. Quis facit mappas triclinaris non similis inter se? quis pulvinos? quis denique cetera, quae unius generis sint plura? |
47. Mais pourquoi, dit-on, si la similitude est une loi inviolable, prenons-nous plaisir à avoir des lits en ivoire, en écaille, etc. ? A cela je réponds pareillement que, dans cette variété, le contraste n'exclut pas davantage la parité; et je prends encore l'ameublement pour exemple. Dans une salle à trois lits, ces trois lits ne sont-ils pas toujours de la même matière, de la même hauteur, de la même forme? Les serviettes, les coussins, enfin toutes les choses qui sont de la même espèce ne sont-elles pas semblables entre elles? |
48. Cum, inquiunt, utilitatis causa introducta sit oratio, sequendum non quae habebit similitudinem, sed quae utilitatem. Ego quidem utilitatis causa orationem factam concedo, sed ut vestimentum; quare ut hic similitudines sequimur, ut virilis tunica sit virili similis, item toga togae, sic mulierum stola ut sit stolae proportione et pallium pallio simile : sic cum sint nomina utilitatis causa, tamen virilia inter se similia, item muliebria inter se sequi debemus... |
48. Mais, dit-on, puisque le langage a pour fin l'utilité, c'est l'utilité, et non la similitude, qu'on doit se proposer en parlant. J'accorde que le langage a pour fin l'utilité, mais qu'il en est du langage comme de l'habillement. Ainsi, chez les hommes, la tunique et la toge ont une forme commune; et, chez les femmes, l'étole et le pallium ont également une forme commune. Pareillement, dans le langage, quoique les mots aient été créés pour l'utilité, nous devons observer la similitude dans ceux qui sont du genre masculin et dans ceux qui sont du genre féminin... |
XXXIV. 49. Quod aiunt ut persedit et perstitit sic ... percubuit quoniam non sint, non esse analogiam, vel in hoc errant: quod duo posteriora ex prioribus declinata non sunt, cum analogia polliceatur ex duobus similibus similiter declinatis similia fore. |
XXXIV. 49. On infère de ce que la déclinaison de... et de percubuit, n'est pas conforme à celle de persedit et de perstitit, que l'analogie n'existe pas. Or, cette induction est fausse, en ce que persedit et ... n'ont point la même racine que persedit et perstitit, l'analogie consistant seulement dans la conformité des dérivés et des racines. |
XXXV. 50. Qui dicunt, quod sit ab Romulo Roma et non Romula, neque, ut ab ove ovilia, sic a bove bovilia, non esse analogias, errant, quod nemo pollicetur e vocabulo vocabulum declinari recto casu singulari in rectum singularem, sed ex duobus vocabulis similibus casus similiter declinatos similes fieri. |
XXXV. 50. Les objections tirées de ce qu'on dit Roma et non Romula, de Romulus, et de ce qu'on dit ovilia de ovis, tandis que bovilia, de bos, bovis, est inusité, ne sont pas mieux fondées, parce que l'analogie ne consiste pas à étendre la forme du nominatif d'un mot à un autre mot, mais seulement à observer la similitude dans les cas obliques de deux mots semblables. |
XXXVI. 51. Dicunt, quod vocabula litterarum Latinarum non declinentur in casus, non esse analogias : hi ea quae natura declinari non possunt, eorum declinatus requirunt, proinde ut non eorum dicatur esse analogia, quae ab similibus verbis similiter essent declinata. Quare non solum in vocabulis litterarum haec non requirenda analogia, sed ne in syllaba quidem ulla, quod dicimus hoc ba, huius ba, sic alia. |
XXXVI. 51. On ne décline pas, dit-on, les noms des lettres latines, et par conséquent l'analogie n'existe pas. Je réponds que, en prétendant qu'on doit décliner des mots dont la nature ne comporte pas la déclinaison, on oublie que l'analogie consiste uniquement dans la conformité de la déclinaison des mots semblables. Or, les noms des lettres ne sont pas plus susceptibles de déclinaison que les syllabes, dont la forme est naturellement invariable : hoc ba, huius ba et autres. |
52. Quod si quis in hoc quoque velit dicere esse analogias rerum, tenere potest; ut enim dicunt ipsi alia nomina, habere quinque casus, alia quattuor, sic minus alia : dicere poterunt esse litteras ac syllabas in vocibus, quae singulos habeant casus. In rebus plurimis quemadmodum inter se conferent ea, quae quaternos habebunt vocabulis casus, item ea inter se quae ternos : sic quae singulos habebunt, ut conferant inter se dicentes, ut sit hoc A, huic A, esse hoc E, huic E. |
52. Que si l'on veut que l'analogie s'étende à tout sans exception, j'y consens; car, de même que mes adversaires eux-mêmes reconnaissent qu'il y a des mots qui ont cinq cas, d'autres quatre, d'autres moins, on peut dire aussi qu'il y a des mots qui, comme les lettres et les syllabes, n'ont qu'un cas ; et par conséquent, de même que, parmi les mots qui ont plusieurs cas, ils comparent entre eux, pour constater l'existence de l'analogie, ceux qui en ont quatre, ceux qui en ont trois, etc., de même, parmi ceux qui n'en ont qu'un, ils seront forcés de reconnaître qu'en disant hoc E, huic E, comme on dit hoc A, huic A, l'analogie est observée. |
XXXVII. 53. Quod dicunt, esse quaedam verba, quae habeant declinatus ut caput, quorum par reperiri quod non possit, non esse analogias : respondendum, sine dubio, si quod est singulare verbum, id non habere analogias. Minimum duo esse debent verba, in quibus sit similitudo. Quare in hoc tollunt esse analogias. |
53. On objecte encore qu'Il y a des mots qui, comme caput (tête), ont une déclinaison, mais n'ont point d'analogues. Je réponds que ce qui est unique exclut nécessairement l'idée de rapport, et qu'il faut au moins deux mots pour qu'il y ait matière à analogie. Aussi a-t-on raison de dire que l'analogie ne se trouve pas là. |
54. Sed in nihil vocabulum recto casu apparet in hoc:
Quae
dedit ipsa capit neque dispendi facit hilum, Idem hoc obliquo apud Plautum: Video enim te nihili pendere prae Philolacho omnis homines, quod est ex ne et hili; quare dictus est nihili qui non hili erat : casus non mutante, cum commutantur de quo dicitur De homine dicimus enim, hic homo nihili est, et huius hominis nihili, et hunc hominem nihili. Si in illo commutaremus, diceremus, ut hoc linum et libum, sic nihilum, non hic nihili, et ut huic lino et libo, sic nihilo, non huic nihili. Potest dici patricus casus, ut ei praeponantur praenomina plura, ut hic casus Terentii, hunc casum Terentii; hic miles legionis, huius militis legionis, hunc militem legionis. |
54. Mais quant à nihil, on retrouve la trace de son analogie dans le cas direct nihiium, qui se lit dans ce passage d'Ennius : Quae... neque dispendi facit hilum, qui équivaut à nec dispendii facit quidquam; et dans le cas oblique, nihili, dont s'est servi Plaute : Video enim te nihili, etc. Nihili est un mot composé de la négation non et de hili : de là homo nihili, un homme de rien, qui non hili est. Il est indéclinable, et nous disons homo nihili, hominis nihili, hominem nihili. S'il était déclinable, nous dirions nihilum et nihilo, comme on dit linum et libum, lino et libo. On pourrait, au reste, y voir un génitif régi par des antécédents, comme dans hic casus Terentii, hunc casum Terentii; hic miles legionis, hujus militis legionis, hunc militem legionis. |
XXXVIII. 55. Negant, cum omnis natura sit aut mas aut femina aut neutrum, non debuisse ex singulis vocibus ternas figuras vocabulorum fieri, ut albus, alba, album; nunc fieri in multis rebus binas, ut Metellus Metella, Ennius Ennia, nonnulla singula, ut tragoedia, comoedia; sic esse Marcum, Numerium, at Marcam, at Numeriam non esse; dici corvum, turdum, non, dici corvam, turdam; contra dici pantheram, merulam, non dici pantherum, merulum. Nullius nostrum filium et filiam non apte discerni marem ac feminam, ut Terentium et Terentiam; contra deorum liberos et servorum non itidem, ut Iovis filium et filiam, Iovem et Iovam; item magnum numerum vocabulorum in hoc genere non servare analogias. |
55. Puisque toute nature est ou mâle ou femelle ou neutre, les formes de chaque mot devraient, dit-on, correspondre à cette triple distinction, comme albus, alba, album. Or beaucoup de mots n'ont que deux formes, comme Metellus, Metella; Ennius, Ennia; d'autres n'ont qu'une, comme tragoedia, comoedia. On dit Marcus et Numerius, corvus et turdus (grive); mais Marca et Numeria, corva et turda, sont inusités. On dit, au contraire, panthera et merula (merle), et l'on ne dit pas pantherus et merulus. Le sexe de nos enfants est toujours désigné par des noms distincts, comme Terentius et Terentia. Il n'en est pas de même des enfants des dieux et des esclaves. Ainsi l'on ne dit pas Jovis ou Jova, pour désigner un fils ou une fille du maître des dieux. Enfin, dans une foule de mots de cette espèce, l'analogie n'est point observée. |
56. Ad haec dicimus, omnis orationis, quamvis res naturae subsit, tamen si ea in usum, eo non pervenerit, eo non pervenire verba: ideo equos dicitur et equa; in usu enim horum discrimina : corvus et corva non, quod sine usu id, quod dissimilis naturae. Itaque quaedam aliter olim ac nunc: nam et tum omnes mares et feminae dicebantur columbae, quod non erant in eo usu domestico quo nunc, et nunc contra, propter domesticos usus quod internovimus, appellatur mas columbus, femina columba. |
56. A cela je réponds que, bien que les différences naturelles des choses ne laissent pas d'exister indépendamment des mots, ces distinctions ne passent pas dans le langage, lorsque l'usage n'en tient pas compte. Ainsi on dit equus (cheval) et equa (cavale), parce que, dans l'usage, on distingue le mâle de la femelle; mais on dit corvus (corbeau) pour désigner le mâle et la femelle, parce que la distinction de la nature mâle et femelle de cet oiseau nous importe peu. C'est pourquoi certains noms ont, avec le temps, subi des modifications. Anciennement columba (colombe) désignait indistinctement le mâle et la femelle, parce que cet oiseau n'était d'aucun usage; mais aujourd'hui qu'il est devenu une chose d'usage, le langage a dû adopter la distinction de la nature: aussi dit-on columbus pour le mâle, et columba pour la femelle. |
57. Natura cum tria genera transit, et id est in usu discriminatum : totum denique apparet, ut est in doctus et docta et doctum: doctrina enim per tria haec transire potest, et usus docuit discriminare doctam rem ab hominibus et in his marem ac feminam. In mare et femina et neutro neque natura maris transit, neque feminae, neque neutra; et ideo non dicitur feminus, femina, feminum, sic reliqua; itaque singularibus ac secretis vocabulis appellati sunt. |
57. Lorsque la nature d'une chose comporte les trois genres, cette distinction doit passer dans le langage. Ainsi l'on dit doctus, docta, doctum, parce que la science peut être considérée, ou par rapport à une chose, ou par rapport à un homme, ou par rapport à une femme. La nature mâle, ni la nature féminine, ni la nature neutre, ne comportent ces trois genres. C'est pourquoi l'on ne dit pas feminus, femina, feminum, etc.; et chacune de ces natures est désignée par un nom distinct et particulier. |
58. Quare in quibus rebus non subest similis natura aut usus, in his vocabulis huiuscemodi ratio quaeri non debet. Ergo dicitur, ut surdus vir, surda mulier, sic surdum theatrum; quod omnes tres res ad auditum sunt comparatae; contra nemo dicit cubiculum surdum, quod ad silentium, non ad auditum; at si fenestram non habet, dicitur caecum, ut caecus et caeca, quod omnia non habent quod lumen habere debent. |
58. Pareillement, les noms des choses dont la nature ou l'usage n'est pas semblable ne sont pas assujettis a la même loi. On dit donc surdus vir (un homme sourd), surda mulier (une femme sourde), surdum theatrum (un théâtre sourd), parce qu'un homme, une femme, un théâtre, sont naturellement destinés à entendre; mais on ne dit pas cubiculum surdum (une chambre sourde), parce qu'une chambre est faite pour le silence, et non pour l'audition. Cependant, si cette chambre n'a point de fenêtres, on dit qu'elle est aveugle (caecum), parce que toute chose a besoin d'être éclairée. |
59. Mas et femina habent inter se natura quandam societatem : contra nullam plerumque habent societatem neutra cum his, quod sunt diversa; inter se, quoque de his perpauca sunt quae habeant quandam communitatem. Dei et servi nomina quod non item ut libera nostra transeunt, eadem est causa : quod ad usum attinet, et institui opus fuit de liberis, de reliquis nihil attinuit, quod in servis gentilicia natura non subest in usu, in nostris nominibus, qui sumus in Latio et liberi, necessaria. Itaque ibi apparet analogia ac dicitur Terentius vir, Terentia mulier. |
59. Le genre masculin et le genre féminin ont entre eux une certaine affinité naturelle; mais le genre neutre n'en a presque jamais aucune avec les deux autres, parce qu'il est d'une nature ordinairement individuelle et absolue. C'est pour la même raison que les noms des dieux et des esclaves n'ont point deux formes, comme ceux des personnes libres. L'homme libre et le femme libre ne sont point confondus dans la société civile, comme l'homme esclave et la femme esclave dans la maison de leur maître : de là des noms communs pour les dieux esclaves des deux sexes, et des noms distincts pour les personnes libres. Aussi retrouve-t-on l'analogie dans les noms des personnes libres : Terentius, Terentia. |
60. Tertium genus in praenominibus ideo non fit item, quod haec instituta ad usum singularia, quibus discernerentur nomina gentilicia; ut ab numero Secunda, Tertia, Quarta in mulieribus; in viris ut Quintus, Sextus, Decimus, sic ab aliis rebus. Cum essent duo Terentii aut plures, discernendi causa, ut aliquid singulare haberent, notabant : forsitan ab eo, qui mane natus eset, ut is Manius esset; qui luci, Lucius, qui post patris mortem, Postumus. |
60. Les prénoms ne comportent pas non plus le troisième genre, parce qu'ils ont été créés pour distinguer dans la famille les personnes qui portent le même nom patronymique, comme Secunda, Tertia, Quarta, pour les femmes, et Quintus, Sextus, Decimus, pour les hommes. Ces prénoms, empruntés à l'ordre numérique, comme ceux que je viens de citer, ou à quelque autre dénomination de ce genre, ont été imaginés pour distinguer, par exemple, deux ou plusieurs hommes du nom de Terentius. Peut-être le prénom de Manius a-t-il été formé de mane natus (né le matin) ; et celui de Lucius, de luci natus (né au point du jour); celui de Postumus, de post et de natus (né après la mort du père). |
61. E quibus, cum item accidisset feminis, proportione ita appellata declinarant praenomina mulierum antiqua, Mania, Lucia, Postuma. Videmus enim Maniam matrem Larum dici; Luciam Volumniam Saliorum Carminibus appellari; Postumam a multis post patris mortem etiam nunc appellari. |
61. Ces prénoms, donnés aux femmes par allusion aux mêmes
circonstances, ont pris par analogie la forme du genre féminin |
62. Quare quocumque progressa est natura, cum usu vocabuli, similiter proportione propagata est analogia; cum, in quibus declinatus voluntarii maris et feminae et neutri, quae voluntaria, non debeant similiter declinari, sed, in quibus naturales, sint declinatus, hi qui esse reperiuntur. Quocirca in tribus generibus nominum inique tollunt analogias. |
62. On voit donc que l'analogie se retrouve dans tous les mots dont la déclinaison a la nature pour principe, et qu'elle ne régit pas ceux dont la déclinaison a pour principe la volonté de l'homme, qu'ils soient masculins, féminin ou neutres; car ceux-là seulement y sont assujettis, dont la déclinaison à la nature pour principe. Aussi est-ce sans raison que l'on prétend que l'analogie n'est pas observée dans les trois genres des noms. |
XXXIX. 63. Qui autem eas reprehendunt, quod alia vocabula singularia sint solum ut cicer, alia multitudinis solum ut scalae, cum debuerint omnia esse duplicia ut equus, equi, analogiae fundamentum esse obliviscuntur naturam et usum. Singulare est, quod natura unum significat ut equos, aut quod coniuncta quodammodo ad unum usu, ut bigae: itaque ut dicimus una Musa, sic dicimus unae bigae. |
XXXIX. 63. On objecte contre l'analogie qu'il y a des mots qui n'ont que le singulier, comme cicer (pois chiche) ou le pluriel, comme scalae (échelle), tandis qu'ils devraient avoir les deux nombres, comme equus (cheval), equi (chevaux). Je réponds que, en faisant cette objection, on oublie que l'analogie est fondée sur la nature et l'usage. Le nombre singulier désigne ou ce qui est un naturellement, comme equus (cheval), ou ce qui, quoique multiple en soi, est un par rapport à l'usage, comme bigae (char attelé de deux chevaux). C'est pourquoi nous disons una Musa (une Muse) unae bigae (un char attelé de deux chevaux. |
64. Multitudinis vocabula sunt unum infinitum ut Musae, alterum finitum, ut duo, tres, quatuor: dicimus enim ut hae Musae, sic unae bigae et binae et trinae bigae, sic deinceps. Quare tam unae et uni et una quodammodo singularia sunt, quam unus et una et unum; hoc modo mutat, quod altera in singularibus, altera in coniunctis rebus; et ut duo tria sunt multitudinis, sic bina trina. |
64. Le nombre pluriel est ou indéfini, comme Musae (les Muses), ou défini, comme duo, tres, quatuor Musae (deux, trois, quatre Muses); unae, bigae, trinae bigae (un, deux, trois chars), il s'en suit de là que uni, unae, una, appartiennent en quelque sorte au nombre singulier, et ils diffèrent de unus, una, unum qu'en ce que dans le premier cas, l'adjectif numéral s'accorde avec un nom qui désigne une unité collective et, dans le second, avec un nom qui désigne une chose naturellement une. Il en est de même de bina, trina, substitué duo, tria, comme uni à unus. |
65. Est tertium quoque genus singulare ut in multitudine, uter, in quo multitudinis ut utri, utrae. Inde uter poeta singulari, utri poetae multitudinis est. Qua explicata natura apparet non debere omnia vocabula multitudinis habere par singulare: omnes enim numeri ab duobus susum versus multitudinis sunt neque eorum quisquam habere potest singulare compar. Iniuria igitur postulant, si qua sint singularia, oportere habere multitudinis. |
XL. 66. Il y a une troisième groupe de mots qui, comme uter (lequel des deux), qui forment le nombre pluriel sous la forme du singulier, et qui, sans s'étendre à plus de deux termes ou de deux choses, prennent la forme du pluriel, comme utri, utrae, en s'accordant avec les noms qui désignent une unité collective. Et l'on dit uter poeta (lequel de ces deux poètes ?), utri poetae (lequel de ces deux poètes ?). On voit clairement par là que tous les mots qui ont la forme du nombre pluriel ne comportent pas celle du singulier. Tous les nombres au-dessus de deux, par exemple, ont la forme du pluriel, et naturellement ne comportent pas celle du singulier. C'est donc à tort qu'on prétend que la forme du nombre singulier implique nécessairement celle du pluriel. |
XL. 66. Item qui reprehendunt, quod non dicatur ut unguentum unguenta, vinum vina, sic acetum aceta, garum gara, faciunt imperite: qui ibi desiderant multitudinis vocabulum, quae sub mensuram ac pondera potius quam sub numerum succedunt; nam in plumbo, oleo, argento, cum incrementum accessit, dicimus multum oleum, sic multum plumbum, argentum; non lukta olea, plumba, argenta ; quom quae ex hisce fiant, dicamus plumbea et argentea (aliud enim cum argenteum; nam id tum cum iam vas; argenteum enim, si pocillum aut quid item); quod pocilla argentea multa, non quod argentum multum. |
XL. 66. Si l'on dit unguentum, unguenta (parfum, parfums) ; vinum,vina (vin, vins) ; pourquoi acetum (vinaigre), garum (sauce faite avec la saumure du garus, sorte de poisson), et d'autres, n'ont-ils pas la forme du pluriel? Ceux qui font cette question n'ont pas pris la peine de distinguer les choses qui se comptent de celles qui se mesurent ou se pèsent, ni de remarquer que, pour désigner l'accroissement d'une quantité quelconque de plomb, d'huile, ou d'argent, il convient de dire multum plumbum, multum oleum, multum argentum, et non multa olea, etc. On dit, à la vérité, plumbea et argentea en parlant de choses faites de plomb ou d'argent; mais argenteum n'est point un nom comme argentum : c'est un adjectif qui s'accorde avec un autre nom, comme vas (vase) ou poculum (petite coupe) : de sorte que le nombre pluriel se rapporte, non à l'argent dont la chose est faite, mais à la chose qui, comme une coupe ou un vase, est de la nature de celles qui se comptent. |
67. Ea, natura in quibus est mensura, non numerus, si genera in se habent plura, et ea in usum venerunt, a genere multo : sic vina, unguenta dicta; alii generis enim vinum quod Chio, aliud quod Lesbo : sic ex regionibus aliis. Aeque ipsa dicuntur, nunc melius unguenta, cui nunc genera aliquot. Si item discrimina magna essent olei et aceti et sic ceterarum rerum eiusmodi in usu communi, dicerentur sic olea, ut vina. Quare in utraque re inique rescindere conantur analogiam, et quom in dissimili usu similia vocabula quaerant, et quom item ea quae metimur, atque ea quae numeramus, dici putent oportere. |
67. Si, parmi les choses qui ne se comptent pas, il y en a de plusieurs espèces, la distinction de ces espèces explique la forme du nombre pluriel dans certains mots, comme vinum et unguentum. Autre est le vin de Chio, autre est celui de Lesbos: de là vina (vins). On distingue de même plusieurs sortes de parfums, qui ont des noms divers, tirés des divers pays qui les produisent : de la unguenta. S'il existait pareillement plusieurs espèces remarquables d'huile, de vinaigre, etc., on dirait olea, aceta, etc., comme on dit vina, unguenta. Aussi mes adversaires me semblent-ils détruire l'idée qu'on doit avoir de l'analogie, en voulant que des mots semblables désignent des choses d'un usage dissemblable, et qu'on suive la même règle pour les noms de choses qui se mesurent, et les noms de choses qui se comptent. |
XLI. 68. Item reprehendunt analogias, quod dicantur multitudinis nomine publicae balneae, non balnea, contra quod privati dicant unum balneum, quod plura balnea non dicant : idemque item contra, quod scalae et aquae caldae, multitudinis vocabulis sint appellata, neque eorum singularia in usum venerint. Quibus responderi potest, non esse reprehendum quod primum balneum (nomen ut Graecum introiit in urbem) publice ibi consedit, ubi bina essent coniuncta aedificia lavandi causa; unum ubi viri, alterum ubi mulieres lavarentur : ab eadem ratione domi suae quisque, ubi lavatur, balneum dixerunt; et, quod non erant duo, balnea dicere non consuerunt, cum hoc antiqui non balneum, sed lavatrinam appellare consuessent. |
XLI. 68. On demande aussi pourquoi le singulier de balneae (bains publics) et le pluriel de balneum (bain particulier) n'existent pas, non plus que le singulier de scalae (échelles, escaliers) et de aquae caldae (eaux thermales). On peut répondre que le premier bain public (balneum, nom d'origine grecque) fut établi à Rome dans deux édifies contigus, dont l'un était destiné aux hommes et l'autre aux femmes; que, dans la suite, le nom de balneum servit également à désigner le lieu d'une maison particulière, affecté au même usage ; mais que, ce lieu n'étant pas double, comme celui du bain public, le pluriel balnea n'entra pas dans le langage usuel, qui ne reçut que le singulier balneum en échange du mot ancien lavatrina.
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69. Sic aquae caldae, ab loco et aqua, quae ibi scateret, cum ut colerentur venissent in usum nostris, cum aliae ad alium morbum idoneae essent, eae cum plures essent, ut Puteolis et in Tuscis, quibus utebantur, multitudinis potius, quam singulari vocabulo appellarunt. Sic scalas, quod ab scandendo dicuntur et singulos gradus scanderent, magis erat quaerendum, si appellassent singulari vocabulo scalam, cum origo nominatus ostenderet contra. |
69. On peut aussi expliquer pourquoi une source d'eau chaude est
appelée aquae caldae, et non aqua calda. Après que
l'usage se fut établi parmi nous de se servir de cette espèce d'eau
comme d'un spécifique, on remarqua que l'eau de tel lieu |
XLII. 70. Item reprehendunt de casibus, quod quidam nominatus habent rectos, quidam obliquos : quod dicunt utrosque in vocibus oportere. Quibus idem responderi potest, in quibus usus aut natura non subsit, ibi non esse analogiam... |
XLII. 70. Autre objection. Certains mots n'ont que les cas directs; d'autres n'ont que les cas obliques. Or, tous les mots devraient avoir l'une et l'autre espèce de cas. On peut répondre que l'analogie suppose toujours l'usage ou la nature ... |
71. ... sed ne in vocabulis quae declinantur, si transeunt e recto casu in rectum casum, quae tamen fere non discedunt ab ratione sine iusta causa, ut hi, qui gladiatores Faustini: nam quod plerique dicuntur, ut tris extremas syllabas habeant easdem, Cascelliani, Aquiliani, Caeciliani, animadvertant, unde oriuntur, nomina dissimilia Cascellius, Caecilius, Aquilius, Faustus: quod si esset Faustius, recte dicerent Faustianos; sic a Scipione quidam male dicunt Scipioninos: nam est Scipionarios. Sed, ut dixi, quod ab huiuscemodi cognominibus raro declinantur cognomina neque in usum etiam perducta, natant quaedam. *** |
71 ... ni dans les mots qui se déclinent, lorsqu'ils passent d'un nominatif à un autre nominatif. Cependant ces mots ne s'écartent pas sans raison de l'analogie, comme Faustini, nom d'une certaine classe de gladiateurs, dérivé de Faustus; car si la plupart de ces sortes de noms finissent par trois syllabes, comme Cascelliani, Aquiliani, Caeciliani, il faut remarquer que Faustus n'a pas la même désinence que Cascellius, Caecilius, Aquilius, racines de Cascelliani, etc.; car si l'on disait Faustius au lieu de Faustus, on sent que Faustiani serait plus conforme à l'analogie. C'est ainsi que quelques-uns disent Scipionini, par dérivation de Scipio : ce qui est une anomalie ; car l'analogie veut Scipionarii. Mais, comme je l'ai dit, ces sortes de déclinaisons sont rares et peu en usage : aussi sont-elles flottantes et incertaines. |
XLIII. 72. Item dicunt, cum sit simile stultus luscus et dicatur stultus, stultior, stultissimus, non dici luscus, luscior, luscissimus, sic in hoc genere multa. Ad quae dico ideo fieri, quod natura nemo lusco magis sit luscus, cum stultior fieri videatur. |
XLIII. 72. On induit de la similitude de stultus (sot) et luscus (borgne), par exemple qu'on devrait dire luscus, luscior, luscissimus, de même qu'on dit stultus, stultior, stultissimus. Je réponds à cela qu'on ne peut pas être plus ou moins borgne tandis qu'on peut être plus ou moins sot. |
XLIV. 73. Quod rogant, cur non dicamus mane, manius, manissime, item de vesperi: in tempore vere magis et minus esse non potest, ante et post potest. Itaque prius est hora prima quam secunda, non magis hora; sed magis mane surgere tamen dicitur: qui primo mane surgit, magis mane surgit quam qui non primo. At enim dies non potest esse magis quam mane; itaque ipsum hoc quod dicitur magis sibi non constat, quod magis mane significat primum mane, magis vespere novissimum vesper. |
XLIV. 73. On demande pourquoi l'on ne dit pas mane (matin), manius (plus matin), manissime très matin), non plus que vespere (soir), vesperius, vesperrime. On peut répondre que le temps n'est point susceptible de plus ou de moins, et ne comporte que l'idée d'antériorité ou de postérité. Ainsi la première heure est antérieure à la seconde; mais l'heure en elle-même n'est pas susceptible de plus ou de moins. On dit, il est vrai, que celui qui se lève à la première heure du matin se lève plus matin que celui qui ne se lève qu'à la seconde ; mais cette locution n'est pas conséquente, en ce que magis mane (plus matin) signifie le premier moment du matin, et magis vespere le dernier moment du soir. |
XLV. 74. Item ab huiuscemodi dissimilitudinibus reprehenditur analogia, quod, cum sit anus cadus simile, et sit ab anu, anicula, anicilla, a cado duo reliqua quod non sint propagata, sic non dicatur a piscina, piscinula, piscinilla. Ad haec respondeo huiuscemodi vocabulis analogias esse, ut dixi, ubi magnitudo animadvertenda sit in unoquoque gradu eaque sit in usu communi, ut est cista, cistula, cistella et canis, catulus, catellus, quod in pecoris usu non est. Itaque consuetudo frequentius res in binas dividi parteis ut maius et minus, ut lectus et lectulus, arca et arcula, sic alia. |
74. On s'appuie encore sur cette sorte de similtitude pour attaquer l'analogie, et l'on demande si cadus (tonneau), qui est semblable à anus (vieille), n'a point de diminutifs, tandis qu'anus fait anicula, ancilia; pourquoi de piscina (vivier, réservoir d'eau) on n’a point formé, par une dérivation analogue, piscinula, piscinilla. J'ai déjà répondu que l'analogie se retrouve toujours dans les mots qui désignent des choses dont les différents degrés de grandeur ont quelque importance dans l'usage, comme cista (panier), cistula, cistella ; canis (chien), catulus, catellus, ce qui n'a pas lieu pour le bétail. C'est pour cette raison qu'il y a souvent deux mots pour désigner la même chose, selon quelle est plus ou moins grande, comme lectus (lit) et lectulus (petit lit), arca (cassette) et arcula (petite cassette). |
XLVI. 75. Quod dicunt, casus alia non habere rectos, alia obliquos et ideo non esse analogias, falsum est. Negant habere rectos ut in hoc frugis, frugi, frugem, item colem, colis, cole, obliquos non habere ut in hoc Diespiter, Diespitri, Diespitrem; Maspiter, Maspitri, Maspitrem. |
XLVI. 75. De ce que certains mots n'ont pas les cas directs ni d'autres les temps obliques, il ne s'ensuit pas qu'il y ait là anomalie. Où est, dit-on, le nominatif de frugis, frugi, frugem (fruit), et celui de colis, coli, colem (rejeton) ? Où sont les cas obliques de Diespiter et de Maspiter ? |
76. Ad haec respondeo et priora habere nominandi et posteriora obliquos. Nam et frugi rectus est natura frux, at secundum consuetudinem dicimus ut haec avis, haec ovis, sic haec frugis. Sic secundum naturam nominandi est casus cols, secundum consuetudinem colis, cum utrumque conveniat ad analogiam, quod et id quod in consuetudine non est, cuiusmodi debeat esse apparet, et quod est in consuetudine nunc in recto casu, eadem est analogia ac pleraque, quae ex multitudine cum transeunt in singulare, difficulter efferuntur ore. Sic cum transiretur ex eo quod dicebatur hae oves, una non est dicta ous, sed additum I ac factum ambiguum verbum, nominandi an patrici esset casus, ut ovis, et avis. |
76. Je réponds que ces différents cas existent. Suivant l'analogle, le nominatif de frugis est frux; mais l'usage a adopté frugis, a l'imitation de avis, et ovis, dont le génitif est semblable au nominatif. Pareillement cols est le nominatif naturel de colis le nominatif usuel; mais ici l'analogie se concilie avec l'usage, en ce que colis laisse deviner cols, et ne s'écarte de l'analogie que pour y revenir, suivant l'usage commun à Ia plupart des mots, dont le nominatif singulier est d'une prononciation difficile. Or, de même que, par euphonie on a ajouté un I à ous, nominatif singulier qu'implique naturellement le nominatif pluriel oves, on a dit colis au lieu de cols : de sorte que l'analogie reparaît entre colis, ovis, et avis dans l'identité de la forme du génitif et du nominatif. |
77. Sic in obliquis casibus cur negent esse Diespitri, Diespitrem, non video, nisi quod minus est tritum in consuetudine, quam Diespiter : quod in nihil argumentum est: nam tam casus, qui non tritus est, quam qui est. Sed esto in casuum serie alia vocabula non habere nominandi, alia de obliquis aliquem: nihil enim ideo, quo minus siet ratio, percellere poterit hoc crimen. |
77. Je ne vois pas non plus la raison de nier l'existence des cas obliques de Diespiter. Qu'importe que Diesepitri, Diespitrem, soit moins usité que Diespiter ? Un cas inusité ne laisse pas d'exister aussi réellement qu'un autre cas qui est usité. Mais j'accorde que certains mots n'aient pas tous leurs cas : cette défectuosité ne peut autoriser à nier l'existence de l'analogie. |
78. Nam ut signa quae non habent caput aut aliquam aliam partem, nihilo minus in reliquis membris eorum esse possunt analogiae, sic in vocabulis casuum possunt item fieri, ac reponi quod aberit, ubi patietur natura et consuetudo, quod nonnunquam apud poetas invenimus factum, ut in hoc apud Naevium in Clastidio: Vita insepulta laetus in patriam redux. |
78. En effet, de ce que la tête ou quelque autre partie manque dans une statue, il ne s'ensuit pas que l'analogie ne puisse se trouver dans le reste. Ainsi les mots peuvent conserver l'analogie dans les cas usités, et même les cas usités peuvent être réhabilités, lorsque la nature et l'usage le permettent, comme on le voit quelquefois dans les poètes, et, par exemple, dans le Clastidius de Naevius : Vita insepulta laetus in patriam REDUX. |
XLVII. 79. Item reprehendunt, quod dicatur haec strues, hic Hercules, hic homo: debuisset enim dici, si esset analogia, hic Hercul, haec strus, hic homen. Haec ostendunt non analogiam non esse, sed obliquos casus non habere caput ex sua analogia; nam ut si in Alexandri statua imposueris caput Philippi, membra conveniant ad rationem, sic et ad Alexandri membrorum simulacrum caput quod respondeat, non item sit. Non, si quis tunicam in usu ita consuit, ut altera plagula sit angustis clavis, altera latis, utraque pars in suo genere caret analogia. |
79. On objecte encore strues, Hercules, homo. Or, suivant mes adversaires, si l'analogie existait, on devrait dire strus, Hercul, homon. Cela prouve, non que l'analogie n'existe pas, mais seulement que la déclinaison des cas obliques n'est pas ici conforme à l'analogie, en tant qu'il s'agit uniquement du rapport de ces cas avec le nominatif. Supposons, par exemple, qu'on place la tête de Philippe sur une statue d'Alexandre : les autres parties du corps n'en conserveront pas moins entre elles leurs rapports, quoique la tête ne soit pas en harmonie avec ces parties. De même encore, si, des deux pans d'une tunique, l'un avait la forme du laticlave, et l'autre celle de l'angusticlave, l'analogie n'existerait pas, à la vérité, entre les deux pans de la tunique; mais elle pourrait se retrouver dans chaque partie considérée isolément. |
XLVIII. 80. Item negant esse analogias, quod alii dicunt cupressus, alii cupressi; item de ficis platanis et plerisque arboribus, de quibus alii extremum US, alii EI faciunt. Id est falsum; nam debent dici E et I : fici ut nummi, quod est ut nummorum ficorum; si essent plures ficus, essent ut manus; diceremus ut manuum, sic ficuum; neque has ficos diceremus, sed ficus, ut non manos appellamus, sed manus; nec consuetudo diceret singularis obliquos casus huius fici neque hac fico, ut non dicit huius mani, sed huius manus, nec hac mano, sed hac manu. |
XLIII. 80. Suivant les mêmes gramrnairiens, on dit au pluriel tantôt cupressus, tantôt cupressi; ainsi de fici, platani, et des noms de la plupart des arbres. C'est une erreur; car la désinence du nominatif pluriel doit être El. Ainsi on doit dire fici, comme nummi, par analogie de la forme commune de leur génitif : nummerorum, ficorum. S'il fallait dire ficus au nominatif pluriel, on devrait, par analogie de manus, dire ficibus, ficuum, ce qui est contraire à l'usage, qui, non seulement dans ces deux cas, mais dans ficos, fico, etc., ne suit en rien la déclinaison de manus. |
XLIX. 81. Etiam illud putant esse causae, cur non sit analogia, quod Lucilius scribit: Decusis sive decusibus est. Qui errant, quod Lucilius non debuit dubitare, quod utrumque; nam in aere usque ab asse ad centussis numerus aes adsignificat, et eius numero finiti casus omnes ab dupondio sunt, quod dicitur a multis duobus modis hic dupondius et hoc dupondium, ut hoc gladium et hic gladius; ab tressibus virilia multitudinis hi tresses et his tressibus virilia multitudinis, cum siet singulare hi tresses et his tressibus, cum siet singulare hic tressis et ab eo hoc tressi, et cum siet deinceps ad centussiss. Deinde numerus aes non significat. |
XLIX. 81. On argumente aussi de ce passage de Lucilius: Decussi sive decussibus est, mais à tort; car Lucilius n'a pas dû hésiter, parce qu'on dit l'un et l'autre. En effet, dans la monnaie de cuivre, depuis un jusqu'à cent, les noms des pièces de monnaies sont composés du nom de nombre et de assis (as), comme tresssis, decussis, centussis; de sorte que, au-delà de deux as (dupondius) , tous les cas ont la désinence d'assis, Quant au nom de la pièce de deux as, il comporte les deux genres, et l'on dit également dupondius et dupondium, comme gladius et gladium. A partir de trois, les noms des différentes pièces de monnaie, jusqu'à cent, sont du genre masculin tant au pluriel qu'au singulier. Au-delà de cent, le nombre ne désigne pas plus des as que toute autre chose. |
82. Numeri qui aes non significant, usque a quattuor ad centum, triplicis habent formas, quod dicuntur hi quattuor, hae quattuor, haec quattuor; cum perventum est ad mille, quartum assumit singulare neutrum, quod dicitur hoc mille denarium, a quo multitudinis fit milia denarium. |
82. Les nombres indéterminés, depuis quatre jusqu'à cent, sont invariables devant les noms masculins, féminins ou neutres. Quand on est arrivé à mille, le nom de nombre devient neutre tant au singulier qu'au pluriel : mille denarium, millia denaria. |
83. Quare quoniam ad analogias quod pertineat, non opus est ut omnia similia dicantur, sed ut in suo quaeque genere similiter declinentur : stulte quaerunt, cur as et dupondius et tressis non dicantur proportione, cum as sit simplex, dupondius fictus, quod duo asses pendebat, tressis ex tribus aeris quod sit. Pro assibus nonnunquam aes dicebant antiqui, a quo dicimus assem tenentes : hoc aere, aeneaque libra, et mille aeris legasse. |
83. Donc, puisqu'il n'est pas nécessaire, pour que l'analogie existe, que la similitude s'étende à la totalité du langage, et qu'il suffit. qu'elle soit observée dans les parties corrélatives, c'est à tort qu'on prétend que la dissimilitude de as, de dupondius, et de tressis, constitue une anomalie. As est un mot simple qui désigne l'unité; dupondius (monnaie de deux livres) est composé de duo (deux) et de pondus (poids) ; tressis, de tres (trois) et de as. Les anciens disaient quelquefois aes au lieu de as, et même encore aujourd'hui nous disons, en tenant un as à la main : Hoc aere ou haec aenea libra. Mille aeris legasse (avoir légué mille as) est une locution usitée. |
84. Quare, quod ab tressis usque ad centussis numeri ex partibus eiusdemmodi sunt compositi, eiusdemmodi habent similitudinem: dupondius, quod dissimilis est, ut debuit, dissimilem habet rationem. Sic as, quoniam simplex est ac principium, et unum significat et multitudinis habet suum infinitum; dicimus enim asses, quos cum finimus, dicimus dupondius et tressis et sic porro. |
84. Or, depuis trois jusqu'à cent, la déclinaison des noms de nombre, tressis, decussis, centussis, est conforme à l'analogie, fondée sur l'identité de leur étymologie; dupondius, qui n'a aucun rapport d'origine avec les précédents, a dû suivre une autre analogie. L'as, qui est l'unité monétaire, a par conséquent au pluriel une signification indéfinie : c'est pourquoi nous disons asses. Mais lorsque le nombre des as est déterminé , nous disons dupondius, tressis, etc. |
85. Sic videtur mihi, quoniam finitum et infinitum habeat dissimilitudinem, non debere utrumque item dici : eo magis, quod in ipsis vocabulis, ubi additur certus numerus miliariis, aliter atque in reliquis dicitur; nam sic loquontur : hoc mille denarium, non hoc mille denariorum, et haec duo milia denaria, non hoc duo milia denariorum. Si esset denarii in recto casu atque infinitam multitudinem significaret, tunc in patrico denariorum dici oportebat; et non solum in denariis, victoriatis, drachmis, nummis, sed etiam in viris idem servari oportere, quom dicimus iudicium fuisse triumvirum, decemvirum, non triumvirorum, decemvirorum. |
85. Il me semble donc que puisque le défini et l'indéfini sont différents, ils ne doivent pas être exprimés de la même manière. Cela est si vrai, que lorsque le nombre mille est pris dans un sens défini, les noms des choses que ce nombre détermine subissent une modification accidentelle. On dit, en effet, mille denarium, et non mille denariia duo millia denaria, et duo millia denarii. Si denarii, nominatif pluriel, était pris dans un sens indéfini, alors il faudrait dire denariorum au génitif: analogie qui doit s'étendre à la déclinaison, non seulement des noms des pièces de monnaie, comme victoriati (monnaie d'argent valant cinq as où était gravée l'image de la victoire), drachma, etc., mais encore de viri (hommes); car nous disons judicium triumvirum, decemvirum (jugement des triumvirs, des décemvirs), et non triumvirorum, decemvirorum. |
86. Numeri antiqui habent analogias, quod omnibus est una regula, duo actus, tres gradus, sex decuriae, quae omnia similiter inter se respondent. Regula est numerus novenarius, quod, ab uno ad novem cum pervenimus, rursus redimus ad unum, et hinc et novem et nonaginta et nongenti ab una sunt natura novenaria. |
86. On distingue dans la numération ancienne la règle, les deux actes, les trois degrés et les six décuries, dont les rapports sont fondés sur une rigoureuse analogie. La règle est le nombre neuf, c'est-à-dire que, au-delà de neuf, l'unité, d'où l'on était parti pour arriver à ce nombre, devient le point de départ des nombres ultérieurs. A novem (neuf) correspondent nunaginta (quatre-vingt-dix) et nongenti (neuf cents). |
87. Actus primus est ab uno ad nongenta, secundus a mille ad nongenta milia; quod idem valebat unum et mille, utrumque singulari nomine appellatur; nam ut dicitur hoc unum, haec duo, sic hoc mille, haec duo milia, et sic deinceps multitudinis in duobus actibus reliqui omnes item numeri. Gradus singularis est in utroque actu ab uno ad novem, denarius gradus a decem ad nonaginta, centenarius a centum ad nongenta. Ita tribus gradibus sex decuriae fiunt, tres miliariae, et tres minores. Antiqui his numeris fuerunt contenti. |
87. Le dernier acte embrasse l'intervalle de un à neuf cents et le second celui de mille à neuf cent mille. Le nombre mille étant considéré comme une nouvelle unité, mille est, comme unum., du nombre singulier: hoc unum, hoc mille; haec duo, haec duo millia, etc. Dans les deus actes, il y a trols degrés: le degré des unités, qui est de un à neuf; le degré des dizaines, qui est de dix à quatre-vingt-dix; le degré des centaines, de cent à neuf cents. Ces trois degrés forment six décuries, dont trois pour les nombres au-delà de mille, et trois pour les nombres en deçà. La numération, chez les anciens, se bornait à ces principes. |
88. Ad hos tertium et quartum actum addentes ab deciens et ab deciens miliens minores imposuerunt vocabula; neque ratione, sed tamen non contra est eam, de qua scribimus, analogiam. Nam deciens cum dicatur hoc deciens ut mille hoc mille, ut sit utrumque sine casibus vocis, dicemus ut hoc mille, huius mille, sic hoc deciens, huius deciens, neque eo minus in altero, quod est mille, praeponemus hi mille, horum mille. |
88. On y a ajouté dans la suite deux autres actes: ce qui a donné naissance à de nouveaux noms, qui, comme deciens, ne sont pas conformes à l'analogie, mais par rapport au système de numération, et non par rapport au langage. En effet, deciens est indéclinable comme mille, et si l'on ne peut pas dire hi deciens, horum deciens, comme hi mille, horum mille, l'analogie se retrouve du moins dans hoc deciens et hoc mille, huius deciens et huius mille... |
L. 89. Quoniam in eo est nomen commune, quam vocant ὁμωνυμίαν, obliqui casus ab eodem capite, ubi erit ὁμωνυμία, quo minus dissimiles fiant, analogia non prohibet. Itaque dicimus hic Argus, cum hominem dicimus, cum oppidum, Graecanice hoc Argos, cum Latine Argei. Item faciemus, si eadem vox nomen et verbum significabit, ut et in casus et in tempora dispariliter declinetur, ut faciemus a Meto quod nomen est Metonis, Metonem, quod verbum est metam, metebam. |
L. 89. L'analogie ne s'oppose pas à ce que les mots qu'on appelle homonymes soient dissemblables dans les cas obliques, quoique semblables au nominatif. Cette dissimilitude se remarque dans Argus, nom d'homme; Argos, nom de ville, grec et neutre; et Argei, nom latin de la même ville. Il en est de même de la déclinaison ou de la conjugaison d'un mot qui, sous une forme identique, est ou un nom ou un verbe: comme Meto, qui, comme nom, fait Metonis, Metonem; et, comme verbe, fait metam (je moissonnerai), rnetebam (je moissonnais). |
LI. 90. Reprehendunt, cum ab eadem voce plura sunt vocabula declinata, quas συνωνυμίας appellant, ut Sappho et Psappha, et Alcaeus et Alcaeo, sic Geryon, Geryoneus, Geryones.: in hoc genere, quod casus perperam permutant quidam, non reprehendunt analogiam, sed qui eis utuntur imperite. Quod quisque caput prenderit, sequi debet eius consequentis casus in declinando, ac non facere, cum dixerit recto casu Alcaeus, in obliquis Alcaeoni et Alcaeonem : quod si miscuerit, et non secutus erit analogias. |
LI. 90. On objecte aux défenseurs de l'analogie la dissimilitude des mots synonymes, comme Sappho et Psappho. Alcaeus et Alcaeo, Geryon et Geryoneus et Geryones. On confond quelquefois, il est vrai, les cas obliques de ces mots; mais alors ce sont ceux qui confondent ces cas qui sont en défaut, et non l'analogie. Car on est libre de choisir entre deux ou trois synonymes, mais on est tenu d'âtre conséquent dans la déclinaison du mot qu'on a choisi et si, après avoir dit Alcaeus, on dit Alcaeoni ou Alcaeonus, c'est alors que l'analogie est violée. |
LII. 91. Reprehendunt Aristarchum, quod haec nomina Melicertes et Philomedes similia neget esse, quod vocandi casus habet alter Melicerta, alter Philomedes : sic qui dicat lepus et lupus non esse simile, quod alterius vocandi casus sit lupe, alterius lepus: sic socer, macer, quod in transitu fiat ab altero trisyllabum soceri, ab altero bisyllabum macri. |
LII. 91. C'est à tort, dit-on, qu'Aristarque prétend que Melicertes et Philomedes ne sont pas des noms semblables, parce qu'au vocatif l'un fait Melicerta, et l'autre Philomedes. On serait par conséquent aussi mal fondé à soutenir que lepus (lièvre) et lupus (loup) ne sont pas semblables, parce qu'au vocatif l'un fait lepus, et l'autre lupe; que socer (gendre) et macer (maigre) ne sont pas non plus semblables, parce que, dans les cas obliques, l'un a trois syllabes, et l'autre deux : soceri, macri. |
92. De hoc etsi supra responsum est, cum dixi de lana, hic quoque amplius adiciam, similia non solum a facie dici, sed etiam ab aliqua coniuncta vi et potestate, quae et oculis et auribus latere soleant; itaque saepe gemina facie mala negamus esse similia, si sapore sunt alio; sic equos eadem facie nonnullos negamus esse similis, si natione exprocreati dissimili. |
92. Quoique j'aie déjà répondu à cette chicane, en donnant la laine pour exemple, je ferai remarquer que la similitude consiste, non seulement dans la forme extérieure, mais encore dans une conformité virtuelle et intrinsèque, qui ne tombe pas sous les sens. Ainsi nous disons que deux pommes, que rien ne distingue extérieurement, ne sont pas semblables, si elles n'ont pas le même goût; que deux chevaux de même apparence ne sont pas non plus semblables, s'ils ne sont pas de même race. |
93. Itaque in hominibus emendis si natione alter est melior, emimus pluris, atque in hisce omnibus similitudines non sumimus tantum a figura, sed etiam aliunde, ut in equis aetas, ut in gallis, cuiusmodi faciant pullos, ut in pomis, quo sint suco. Si igitur idem sequitur in similitudine verborum quis, reprehendundum non est. |
93. Entre deux ou plusieurs esclaves, nous choisissons celui qui est de meilleure race, quoique d'un prix plus élevé; et, dans ce choix, nous consultons, non seulement la forme apparente, mais encore quelque autre point extérieur de comparaison, comme l'âge dans les chevaux; la progéniture dans les coqs ; la saveur dans les fruits. On ne doit donc pas blâmer celui qui, dans le langage, constate la similitude de la même manière. |
94. Quare similitudinum discernendarum causa nonnunquam ut pronomen assumitur, sic casum aliquem assumimus. Ut in his nemus, lepus, hic lepus, hoc nemus: ita discedunt ac dicuntur hi lepores, haec nemora. Sic aliud si quid assumptum erit extrinsecus, quo similitudo penitus perspici possit : non erit remotum a natura, neque enim magnetas lapides duo, inter se similes sint necne, perspicere possis, nisi minutum extrinsecus prope apposueris ferrum, quod similes lapides similiter ducunt, dissimiliter dissimiles. |
94. C'est pourquoi, pour s'assurer si deux mots sont semblables ou dissemblables, on prend un autre cas ou un pronom, comme moyen de comparaison. Ainsi nous voyons par hic lepus, hoc nemus ; hi lepores, haec nemora, que lepus (lièvre) et nemus ( forêt) ne sont pas deux mots semblables. Cette sorte d'induction n'a rien de contraire à la véritable analogie, quel que soit le moyen extérieur qu'on emploie pour constater la similitude. On sait, par exemple, que l'aimant attire semblablement dans des pierres semblables, et diessemblablement dans des pierres dissemblables. Or, comment s'assurer de leur similitude ou de leur dissimilitude si l'on n'a recours à un morceau de fer? |
95. Quod ad nominatuom analogiam pertinet, ita deliquatum arbitror, ut omnia quae dicuntur contra, ad respondendum ab his fontibus sumi possit. LIII. Quod ad verborum temporalium rationem attinet, cum partes sint quattuor, tempora, personae, genera, divisiones, ex omni parte quoniam reprehendunt, ad singula respondebo. |
95. Quant à l'analogie relative aux noms, ce que j'ai dit sur ce point suffit, je crois, pour répondre à toutes les objections. LII. A l'égard des verbes, comme ils ont, dans leurs temps, dans leurs personnes, dans leurs genres, dans leurs divisions, donné matière à la critique, j'examinerai chaque partie séparément. |
LIV. 96. Primum quod aiunt analogias non servari in temporibus, cum dicant legi, lego, legam et sic similiter alia: nam quae sint ut legi rem perfectam significare, duo reliqua lego et legam inchoatam : iniuria reprehendunt. Nam ex eodem genere et ex divisione idem verbum, quod sumptum est, per tempora traduci potest, ut discebam, disco, discam, et eadem perfecti, sic didiceram, didici, didicero. LV. Ex quo licet scire verborum rationem constare, sed eos, qui trium temporum verba pronuntiare velint, inscienter id facere. |
LIV. 96. L'analogie, dit-on, n'est pas observée dans les temps de certains verbes, comme legi (j'ai lu), lego (je lis), legam (je lirai), dont l'un appartient au parfait, et les deux autres à l'imparfait. Pour faire tomber ce grief, il suffit de rétablir l'ordre dans la classification des temps de ce verbe, qui présentera alors une division tout à fait conforme à l'analogie, comme discebam, disco, discam, pour les temps imparfaits, et didiceram, didici, didicero, pour les temps parfaits. LV. On voit donc que ce ne sont pas les verbes qui pèchent contre l'analogie, et que s'il y a anomalie, cette anomalie est du fait de ceux qui confondent sciemment les trois temps. |
97. Item illos qui reprehendunt, quod dicamus amor, amabor, amatus sum; non enim debuisse in una serie unum verbum esse duplex, cum duo simplicia essent. Neque ex divisione si uniusmodi ponas verba, discrepant inter se; nam infecta omnia simplicia similia sunt, et perfecta duplicia inter se paria in omnibus verbis, ut haec amabar, amor, amabor; amatus eram, amatus sum, amatus ero. |
LV. 97. On objecte aussi que le rapport entre amor, amabor et amatus sum, n'est pas conforme à l'analogie, en ce que, dans la même série, le même verbe présente deux formes simples et une composée. Cette prétendue anomalie repose sur une classification inexacte ; car si l'on a soin de ne pas confondre les temps imparfaits avec les temps parfaits, on verra que, dans tous les verbes chaque série est uniforme; que tous les temps imparfaits sont simples, comme amabar, amor, amabor, et que tous les temps parfaits sont composés, comme amatus eram, amatus sum, amatus ero. |
98. Quare item male dicunt ferio, feriam, percussi, quod est ordo feriam, ferio, feriebam; percussi, percussero, percusseram. Sic deinceps in reliquis temporibus reprehendenti responderi potest. |
98. On se prévaut encore d'un faux rapport, en accolant ensemble ferio (je frappe), feriam (je frapperai), percussi (j'ai frappé). L'ordre véritable est : feriam, fero, feriebam, temps imparfaits; percussi, percussero, percusseram, temps parfaits. On peut défendre de la même manière l'analogie dans les autres temps. |
LVI. 99. Similiter errant qui dicunt, ex utraque parte verba omnia commutare syllabas oportere, aut nullum in his : pungo, pungam, pupugi; tundo, tundam, tutudi; dissimilia enim conferunt, verba infecti cum perfectis. Quod si infecta modo conferrent, omnia verbi principia incommutabilia viderentur, ut in his pungebam, pungo, pungam; et contra ex utraque parte commutabilia, si perfecta ponerent, ut pupugeram, pupugi, pupugero. |
LVI. 99. On cite pungo, pungam, pupugi; tundo, tundam, tutudi,, et l'on conclut à cette apparente anomalie que les syllabes devaient changer dans tous les temps des verbes, ou ne changer dans aucun. Or, on confond ici des temps dissemblables, c'est-à-dire les temps parfaits avec les temps imparfaits. Que si l'on considère isolément les temps imparfaits et les temps parfaits on verra que la racine du verbe reste sembable dans les uns : pungebam, pungo, pungam, et constamment variable dans les autres pupugeram, pupugi, pupugero. |
LVII. 100. Item male conferunt : fui, sum, ero, quod fui est perfectum, cuius series sibi, ut debet, in omnibus partibus constat, quod est fueram, fui, fuero; de infectis sum, quod nunc dicitur olim dicebatur esum et in omnibus personis constabat, quod dicebatur esum, es, est; eram, eras, erat; ero, eris, erit; sic huiusce modi cetera servare analogiam videbis. |
LVII. 100. On confond encore les temps parfaits avec les temps imparfaits, en mettant sur la même ligne fui, sum, ero. Le parfait fui est conforme à l'analogie dans toute sa conjugaison, et dans la volonté qui l'unit à fueram et fuero. Les temps imparfaits offrent la même régularité : sum (autrefois esum), es, est; eram, eras, erat; ero, eris. En classant ainsi les temps dans leur forme, on retrouvera partout l'analogie. |
LVIII. 101. Etiam in hoc reprehendunt, quod quaedam verba neque personas habent ternas neque tempora terna. Id imperite reprehendunt, ut si quis reprehendat naturam, quod non unius modi finxerit animalis omnis. Sic enim natura non omnes formae verborum terna habent tempora, ternas personas; non habent totidem verborum divisiones; quare cum imperamus, natura quod infecta verba solum habent, cum et praesenti et absenti imperamus, fiunt terna, ut lege, legito, legat: perfectum enim imperat nemo : contra quae sunt indicandi, ut lego, legis, legit, novena fiunt verba infecti, novena perfecti. |
LVIII. 101. On se prévaut aussi contre l'analogie de dire que certains verbes n'ont pas les trois personnes ou que trois temps. Autant vaudrait critiquer la nature de ce qu'elle n'a pas donné la même forme à tous les êtres. Si donc tous les verbes ne comportaient pas naturellement les trois temps et les trois personnes, il est évident que la division des verbes serait restreinte. Or cette restriction doit s'appliquer, par exemple, à l'impératif, qui, ne se rapportant qu'à l'imparfait, puisqu'il ne s'adresse jamais qu'à une personne présente ou absente, n'a que trois formes, comme lege, legito, legat, tandis que l'indicatif, comme lego, legis, legit, en a neuf pour l'imparfait et autant pour le parfait. |
LIX. 102. Quocirca non si genus cum genere discrepat, sed in suo cuiusque genere si quid deest, requirendum. Ad haec addita si erunt ea quae de nominatibus supra sunt dicta, facilius omnia solventur. Nam ut illic externis caput rectus casus, sic hic in forma est persona eius qui loquitur, et tempus praesens, ut scribo, lego. |
LIX. 102. Ce n'est donc pas entre un genre et un autre genre, mais entre les parties d'un même genre, qu'il faut chercher s'il y a dissimilitude. En ajoutant à ces raisons celles que j'ai déjà données au sujet des noms, on pourra aisément répondre à tout. En effet, de même que la forme primordiale des noms réside dons le nominatif, de même la forme primordiale des verbes réside dans la première personne du temps présent, comme scribo, lego. |
103. Quare ut illic fit, si hic item acciderit, in formula, ut aut caput non sit, aut ex alieno genere sit proportione; eadem quae illic dicimus, quom nihilominus servetur analogia; item, sicut illic, caput suum habebit, et in obliquis casibus transitio erit in aliam quam formulam, qua assumpta, reliqua facilius possint videri verba, unde sint declinata; fit enim, ut rectus nonnunquam sit ambiguus, ut in hoc verbo volo, quod id duo significat, unum a voluntate, alterum a volando. Itaque a volo intellegimus et volare et velle. |
103. C'est pourquoi si, comme dans les noms, il arrive que la forme primordiale d'un verbe n'existe pas, ou soit empruntée à un verbe d'une autre espèce, on fera valoir, en faveur de l'analogie, les raisons que j'ai données en traitant des noms. Que si la forme primordiale existe, mais que le reste de la conjugaison ne s'y rapporte pas, comme cela arrive quelquefois dans la déclinaison des noms, il ne sera pas plus difficile de remonter à l'origine de cette apparente anomalie. En effet, les ambiguïtés de la synonymie se rencontrent dans les verbes comme dans les noms : témoin volo, qui désigne, sous une forme identique, l'action de vouloir et celle de voler. |
LX. 104. Quidam reprehendunt, quod pluit et luit dicamus in praeterito et praesenti tempore, cum analogiae sui cuiusque temporis verba debeant discriminare. Falluntur; nam est ac putant aliter, quod in praeteritis U dicimus longum, pluit ,luit, in praesenti breve pluit, luit; ideoque in lege Venditionis fundi ruta caesa ita dicimus, ut U producamus. |
XX. 104. On relève la répétition de pluit et luit au présent et au partait, comme contraire à l'analogie, en ce que chaque temps doit avoir sa forme particulière. Cette identité n'existe que dans l'esprit de mes adversaires; car au parfait, u est long dans pluit et luit, tandis qu'il est bref au présent : pluit, luit. C'est pour la même raison que la même lettre est longue dans ruta caesa (effets mobiliers), mot usité dans le contrat de vente. |
LXI. 105. Item reprehendunt quidam, quod putant idem esse sacrifico et sacrificor, et lavat, et lavatur, quod sit an non, nihil commovet analogian, dum sacrifico qui dicat, servet sacrificabo et sic per totam formam, ne dicat sacrificatur aut sacrificatus sum; haec enim inter se non conveniunt. |
LXI. 105. On objecte encore l'identité de sacrifico et sacrificor, de lavat et de lavatur. Que cette identité existe ou n'existe pas, peu importe pour l'analogie, si celui qui préfère se servir de sacrifico observe la similitude dans toute la conjugaison, et n'y entremêle pas une partie de celle de sacrificor. C'est seulement dans la confusion de ces deux formes que serait l'anomalie. |
106. Apud Plautum, cum dicit:
Piscis ego credo, qui usque dum vivunt lavant, ad lavant lavari non convenit, ut I sit postremum, sed E: ad lavantur analogia lavari reddit. Quod Plauti aut librarii mendum si est, non ideo analogia, sed qui scripsit est reprehendendus. Omnino et lavant et lavantur dicitur separatim recte in rebus certis, quod puerum nutrix lavat, puer a nutrice lavatur : nos in balneis et lavamus et lavamur. |
106. On lit dans Plaute : Je crois que les poissons, qui passant toute leur vie dans l'eau (lavant), se baignent (lavari) moins longtemps que cette femme ne baigne (lavat) Phronésius. Lavant et lavari, pris dans le même sens, répugnent entre eux : II faudrait lavare, lavant, ou lavari, lavantur. Que cette faute vienne de Plaute ou du copiste, c'est à l'auteur de l'anomalie, et non à l'analogie, qu'il faut s'en prendre. Lavant et lavantur, employés séparément dans des circonstances déterminées, n'ont rien de contraire à l'analogie. Ainsi, en parlant d'une nourrice et d'un enfant, on peut dire lavat et lavatur : lavat, par rapport à la nourrice qui baigne l'enfant, et lavatur, par rapport à l'enfant qui est baigné par la nourrice. En parlant de nous, nous pouvons dire lavamus et lavamur. |
107. Sed consuetudo alterum utrum cum satis haberet, in toto corpore potius utitur lavamur, in partibus lavamus, quod dicimus lavo manus, sic pedes et cetera. Quare e balneis non recte dicunt : lavi; lavi manus recte. Sed quoniam in balneis lavor, lautus sum, sequitur, ut contra, quoniam est soleo, oporteat dici solui, ut Cato et Ennius scribit, non ut dicit volgus, solitus sum, debere dici; neque propter haec, quod discrepant in sermone pauca, minus est analogia, ut supra dictum est. |
107. Quoique l'usage ait également consacré l'un et l'autre, lavari s'entend plutôt du corps entier, et lavare d'une partie du corps, comme des mains ou des pieds ; et ceux qui tiennent à bien parler ne devraient pas perdre de vue cette distinction. Il est vrai qu'on peut conclure de lavor, lavatus sum, que soleo (j'ai coutume) devrait faire solui, qu'on trouve dans Caton et Ennius, et non solutus sum, qui est en usage; mais, comme je l'ai dit plus haut, quelques exceptions de cette nature ne prouvent rien contre l'existence de l'analogie. |
LXII. 108. Item cur non sit analogia, asserunt, quod ab similibus similia non declinentur, ut ab dolo et colo: ab altero enim dicitur dolavi, ab altero colui; in quibus assumi solet aliquid, quo facilius reliqua dicantur, ut in Myrmecidis operibus minutis solet fieri. Igitur in verbis temporalibus, quom similitudo saepe sit confusa, ut discerni nequeat, nisi transieris in aliam personam aut in tempus : quae proposita sunt, non esse similia intellegitur, cum transitum est in secundam personam; quod alterum est dolas, alterum colis. |
LXII. 108. On donne comme une anomalie dolo (je polis), colo (je cultive); dolavi, colui. II faut ici recourir au moyen qu'on emploie pour regarder les petits ouvrages de Myrmécide. Lorsqu'il est impossible de consulter isolément la similitude de deux verbes, il faut prendre une autre personne ou un autre temps. Ainsi, pour savoir si dolo et colo sont semblables, passez à la seconde personne, et vous redonnaîtrez qu'ils ne le sont pas ; car dolo fait dolas, et colo fait colis. |
109. Itaque in reliqua forma verborum suam utrumque sequitur formam. Utrum in secunda persona forma verborum temporalium habeat in extrema syllaba AS an ES an IS aut IS, ad discernendas similitudines interest: quocirca ibi potius index analogiae, quam in prima, quod ibi abstrusa est dissimilitudo, ut apparet in his : meo, neo, ruo: ab his enim dissimilia fiunt transitu, quod sic dicuntur : meo, meas; neo nes; ruo, ruis, quorum unumquodque suam conservat similitudinis formam. |
109. Dolavi et colui sont donc conformes à l'analogie, puisque ces deux temps dérivent régulièrement de dolo, dolas, et de colo, colis. C'est, en effet, à la seconde personne qu'il importe de regarder, parce qu'elle est ordinairement moins ambiguë que la première, qui, comme meo (je passe), neo (je file), ruo (je me précipite), présente une similitude douteuse. Mais l'ambiguïté disparaît dans meas, nes, ruis, dont la conjugaison se continue pour chaque verbe suivant son analogie particulière. |
LXIII. 110. Analogiam item de his quae appellantur participia reprehendunt multa iniuria; nam non debent dici terna ab singulis verbis : amaturus, amans, amatus, quod est ab amo, amans et amaturus, ab amor amatus. Illud analogia quod praestare debet, in suo quicque genere habet casus, ut amatus, amato et amati, amatis; et sic in muliebribus amata et amatae : item amaturus eiusdemmodi habet declinationes, amans paulo aliter; quod hoc genus omnia sunt in suo genere similia proportione, sic virilia et muliebria sunt eadem. |
LXIII. 110. Les objections tirées des participes sont encore plus mal fondées, parce que amaturus, amans, amatus, ne dérivent pas du même verbe. Amans et amaturus appartiennent à amo, et amatus appartient à amor. Or, ce qui suffit pour l'analogie, c'est que la déclinaison particulière de chaque participe y soit conforme, comme dans amatus, amato; amati, amatis; amata, amatae; dans amaturus, amaturi ; et enfin dans amans, amantis, quoique la déclinaison de ce participe diffère un peu de celle des autres; car, dans les cas comme dans les genres, chaque espèce de participe suit la loi de l'analogie qui lui est propre. |
LXIV. 111. De eo, quod in priore libro extremum est, ideo non esse analogian, quod qui de ea scripserint, aut inter se non conveniant, aut in quibus conveniant, ea cum consuetudinis discrepent : amovebis utrumque. Sic enim omnis repudiandum erit artis, quod et in medicina et in musica et in aliis multis discrepant scriptores; item in quibus conveniunt, scriptis etiam repudiat natura; quod ita, ut dicitur, non sit ars, sed artifex reprehendendus, qui dici debet in scribendo non vidisse verum, non ideo non posse scribi verum. |
LXIV. 111. A la fin du livre précédent, où je défendais la cause contraire, j'ai dit que l'analogie n'existait pas, parce que ceux qui ont écrit sur l'analogie, ou ne s'accordent pas entre eux, ou, dans les points sur lesquels ils conviennent, ne sont pas d'accord avec l'usage. Ces deux raisons ne doivent, ni l'une ni l'autre, faire impression sur votre esprit; car, à ce compte, il faudrait nier l'existence de tous les arts, parce que ceux qui écrivent sur la médecine, sur la musique, etc., ne sont pas d'accord entre eux, ou parce que, dans les points sur lesquels ils conviennent, la nature contredit leurs opinions. En effet, comme on le dit souvent, ce n'est point l'art qu'il faut accuser, mais l'artiste, dont l'erreur ne prouve rien contre la vérité. |
112. Qui dicit hoc monti et hoc fonti, cum alii dicant hoc monte et hoc fonte, sic alia quae duobus modis dicuntur, cum alterum sit verum, alterum falsum : non uter peccat tollit analogias, sed uter recte dicit, confirmat; et quemadmodum is qui peccat in his verbis, ubi duobus modis dicuntur, non tollit rationem, cum sequitur falsum : sic etiam in his quae non duobus dicuntur, si quis aliter putat dici oportere atque oportet, non scientiam tollit orationis, sed suam inscientiam denudat. |
112. Supposons deux locutions usitées, mais dont l'une est régulière et l'autre irrégulière, comme monte et monti, fonte et fonti, à l'ablatif : en se servant de la locution fausse, on parle mal sans infirmer la règle, tandis que, en servant de la locution vraie, on parle bien et en même temps on confirme la règle. De même, en se serrant d'une locution qui est à la fois vicieuse et contraire à l'usage, on ne prouve que son ignorance. |
LXV. 113. Quibus rebus solvi arbitraremur posse quae dicta sunt
priori libro contra analogian, ut potui brevi percucurri. Ex quibus
si id confecissent, quod volunt, ut in lingua Latina esset anomalia,
tamen nihil egissent ideo, quod in omnibus partibus mundi utraque
natura inest; quod alia inter se similia, alia dissimilia sunt.
Sicut in animalibus dissimilia sunt, ut equus, bos, ovis, homo, item
alia : et in unoquoque horum genere inter se similia innumerabilia.
Rem in piscibus dissimilis muraena lupo, is soleae, haec muraenae et
mustelae, sic aliis, ut maior ille numerus sit similitudinum earum,
quae sunt separatim in muraenis, separatim in asellis, sic in
generibus aliis. |
LXV. 113. J'ai exposé, aussi brièvement que je l'ai pu, les différentes raisons qui tendent à établir l'existence de l'analogie, contrairement à ce que j'ai dit dans le livre précédent. Lors même que les raisons que j'ai combattues dans celui-cl constateraient l'existence de l'anomalie dans la langue latine, cela ne prouverait rien contre l'analogie, parce que ces deux principes contraires se trouvent dans toutes les parties de l'univers, et la similitude se rencontre constamment à côté de la dissimilitude. Ainsi, parmi les animaux, le cheval ne ressemble pas au taureau, le taureau ne ressemble pas à la brebis : autant de genres, autant de formes distinctes; mais, dans chaque genre, autant d'individus, autant de formes semblables. Si, parmi les poissons, la lamproie ne ressemble pas au loup marin, ou le loup à la sole, ni la sole à la lamproie et à la belette aquatique, le nombre de ces dissimilitudes est en même temps bien inférieur à celui des similitudes qui se multiplient a l'infini dans les poissons de chaque espèce comparés entre eux. |
114. Quare cum in inclinationibus verborum numerus sit magnus a dissimilibus verbis ortus, quod etiam vel maior est in quibus similitudines reperiuntur : confitendum est esse analogias. Itemque cum ea non multo minus, quam in omnibus verbis, patiatur uti consuetudo communis : fatendum illud, quoque modo analogian sequi nos debere universos, singulos autem praeterquam in quibus verbis offensura sit consuetudo communis, quod ut dixi aliud debet praestare populus, aliud e populo singuli homines. |
114. Or, puisque, dans le langage, le nombre des mots semblables
l'emporte également sur celui des mots dissemblables, on est forcé
de reconnaître que l'analogie existe. Enfin, puisque l'usage n'y
déroge qu'en un très petit nombre de mots, il faut aussi reconnaître
que nous devons, comme peuple, suivre invariablement l'analogie, et,
comme individus, l'observer avec la même fidélité, mais en faisant,
en certains cas, des concessions a l'usage; car, ainsi que je l'ai
déjà dit, autre est la condition du peuple entier, autre celle de
l'individu. |
115. Neque id mirum est, cum singuli quoque non sint eodem iure; nam liberius potest poeta, quam orator, sequi analogias. Quare cum hic liber id, quod pollicitus est demonstraturus, absolverit, faciam finem; proxumo deinceps de declinatorum verborum forma scribam. |
115. Cela est si vrai, que les individus eux-mêmes ne jouissent pas tous des mêmes droits. Un poète, par exemple, peut suivre l'analogie plus librement que l'orateur. J'ai rempli la tâche que je m'étais imposée dans ce livre: je passe donc à la forme des déclinaisons. Ce sera l'objet du livre suivant. |