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table des matières de l'œuvre DE VARRON

 

VARRON

 

DE LA LANGUE LATINE

DE LINGUA LATINA

 

LIVRE X.

livre IX

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

Relu et corrigé

 

 

 

LIBER DECIMUS

I. 1.  In verborum declinationibus disciplina loquendi dissimilitudinem an similitudinem sequi deberet, multi quaesierunt. Cum ab his ratio quae ab similitudine oriretur, vocaretur analogia, reliqua pars appellaretur anomalia (de qua re primo libro, quae dicerentur cur dissimilitudinem ducem haberi oporteret, dixi, secundo contra quae dicerentur, cur potius similitudinem conveniret praeponi) : quarum rerum quod nec fundamenta, ut debuit, posita ab ullo, neque ordo ac natura ut res postulat explicita, ipse eius rei formam exponam.

 

LIVRE X

1.  Beaucoup de grammairiens ont agité la question de savoir si, dans la déclinaison des mots, il faut suivre la dissimilitude ou la similitude, c'est-à-dire, en d'autres termes, l'anomalie ou l'analogie. J'ai exposé dans le premier livre les raisons des partisans de l'anomalie, et dans le second celles des partisans de l'analogie. Comme ces deux lois du langage n'ont point été étudiées dans leurs principes et dans leur nature comme elles devaient l'être, ni selon l'ordre qu'exigeait leur examen, je vais essayer de le faire dans ce livre.

2. Dicam de quatuor rebus, quae continentur declinationes verborum, quid sit simile ac dissimile, quid ratio quam appellant λόγον, quid pro portione quod dicunt ἀνάλογον, quid consuetudo; quae explicatae declarabunt ἀναλογίαν et ἀνωμαλίαν, unde sit, quid sit, cuiusmodi sit.

2. Je discuterai les quatre questions qu'implique la déclinaison des mots, savoir : 1° ce que c'est que similitude ou dissimilitude; 2° ce que c'est que la raison ou règle qu'on appelle λόγος; 3° ce que c'est que le rapport qu'on appelle ἀνάλογος 4° enfin, ce que c'est que l'usage. La solution de ces quatre questions aura pour résultat la définition claire de l'origine, de la nature et de la forme de l'analogie et de l'anomalie.

I. 3. De similitudine et dissimilitudine ideo primum dicendum, quod ea res est fundamentum omnium declinationum ac continet rationem verborum. Simile est, quod res plerasque habere videtur easdem, quas illud cuiusque simile. Dissimile est, quod videtur esse contrarium huius. Minimum ex duobus constat omne simile, item dissimile, quod nihil potest esse simile, quin alicuius sit simile, item nihil dicitur dissimile, quin addatur quoius sit dissimile.

II. 3. Je traiterai d'abord de la similitude et de la dissimilitude, parce qu'elles sont le fondement de toutes les déclinaisons et la loi des mots. On dit que deux ou plusieurs choses sont semblables au dissemblables, lorsque la plupart des qualités de ces deux ou plusieurs choses paraissent être semblables ou dissemblables. Il faut au moins deux choses pour qu'il y ait matière à similitude ou dissimilitude; car ce qui est unique n'est pas susceptible de comparaison.

4. Sic dicitur similis homo homini, equus equo, et dissimilis homo equo;  nam simile est homo homini ideo, quod easdem figuras membrorum habent, quae eos dividunt ab reliquorum animalium specie : in ipsis hominibus simili de causa vir viro similior quam vir mulieri, quod plures habent easdem partis; et sic senior seni similior quam puero. Eo porro similiores sunt qui facie quoque paene eadem, habitu corporis, filo. Itaque qui plura habent eadem, dicuntur similiores : qui proxume accedunt ad id, ut omnia habeant eadem, vocantur gemini, simillimi.

4. Ainsi on dit qu'un homme est semblable à un homme, un cheval à un cheval, mais que l'homme et le cheval sont dissemblables, parce que chaque espèce d'êtres a une forme particulière, qui la distingue des autres. Par la même raison, dans l'espèce humaine, l'homme est plus semblable à l'homme qu'à la femme, parce que les hommes, comparés entre eux, ont un plus grand nombre de parties semblables. Il faut en dire autant du vieillard comparé au vieillard, de l'enfant comparé à l'enfant. Ceux-là donc sont plus semblables entre eux, qui ont presque la même figure, la même stature et le même air; et tout à fait semblables, et, pour ainsi dire, jumeaux, ceux qui approchent le plus de la ressemblance qui constitue l'identité.

5. Sunt qui tris naturas rerum putent esse, simile, dissimile, neutrum, quod alias vocant non simile, alias non dissimile : sed quamvis tria sint simile, dissimile, neutrum, tamen potest dividi etiam in duas partes sic, quodcumque conferas, aut simile esse, aut non esse : simile esse et dissimile, si uideatur esse, ut dixi; neutrum, si in neutram partem praeponderet, ut, si duae res, quae conferuntur, vicenas habent partes, et in his denas habeant easdem, denas alias ad similitudinem et dissimilitudinem aeque animadvertendas. Hanc naturam plerique subiciunt sub dissimilitudinis nomen.

5. Quelques auteurs distinguent le semblable, le dissemblable, et le neutre, qu'on appelle aussi le non-semblable ou le non-dissemblable. Cependant cette triple distinction peut encore se subdiviser. Ainsi deux choses peuvent être semblables ou non semblables, semblables et dissemblables tout ensemble, ou enfin neutres, c'est-à-dire ni semblables ni dissemblables, si, par exemple, sur vingt parties, il y en a autant de semblables que de dissemblables. Dans cette dernière supposition, on dit communément que les choses sont dissemblables.

6. Quare quoniam fit, ut potius de vocabulo quam de re controversia esse videatur, illud est potius advertendum, quom simile quid esse dicitur, cui parti simile dicatur esse ; in hoc enim solet esse error, quod potest fieri ut homo homini similis non sit, ut multas parteis habeat similis et ideo dici possit similis habere oculos, manus, pedes, sic alias res separatim et una plura.

6. Or, comme il arrive ordinairement que la dispute roule plutôt sur le mot que sur la chose, ce qu’il faut avoir soin de déterminer quand on dit qu'une chose est semblable à une autre, c'est la partie qui constitue la ressemblance. C'est le moyen de prévenir les méprises; car il peut se faire que deux hommes soient à la fois semblables et dissemblables, c'est-à-dire qu'ils aient les yeux, les mains, les pieds, et beaucoup d'autres parties semblables, dont la réunion donne l'avantage à la similitude sur la dissimilitude.

7. Itaque quod diligenter videndum est in verbis, quas partis et quot modis oporteat similis habere, quae similitudinem habere dicuntur, ut infra apparebit : is locus maxime lubricus est. Quid enim similius potest videri indiligenti, quam duo verba haec suis et suis? quae non sunt, quod alterum significat suere, alterum suem. Ita quae similia vocibus esse ac syllabis confitemur, dissimilia esse partibus orationis videmus, quod alterum habet tempora, alterum casus, quae duae res vel maxime discernunt analogias.

7. Aussi n'y a-t-il rien de plus difficile que de savoir déterminer exactement les parties qui doivent constituer la ressemblance, et tous les rapports auxquels elle est attachée. Quoi de plus semblable en apparence que suis et suis. Cependant l'un appartient au verbe suo (coudre), et l'autre au nom sus (porc). Ainsi deux mots semblables, quant au son et aux syllabes, cessent de l'être comme parties d'oraison; car l'un a des temps, et l'autre des cas : différence qui diversifie surtout les analogies.

8. Item propinquiora genere inter se verba similem saepe pariunt errorem, ut in hoc, quod nemus et lepus videtur esse simile, quom utrumque habeat eundem casum rectum ; sed non est simile, quod eis certae similitudines opus sunt, in quo est ut in genere nominum sint eodem, quod in his non est ; nam in virili genere est lepus, ex neutro nemus; dicitur enim hic lepus et hoc nemus. Si eiusdem generis essent, utrique praeponeretur idem, ac diceretur aut hic lepus et hic nemus aut hoc nemus, hoc lepus.

8. La similitude apparente de certains mots, comme nemus (forêt) et lepus (lièvre), que rien ne distingue an nominatif, donne souvent lieu à la même méprise. Cependant ces deux mots ne sont pas semblables, parce qu'il leur manque des rapports indispensables, comme d'être, par exemple, du même genre. Or lepus est masculin, et nemus neutre, hic lepus, hoc nemus. S'ils étaient du même genre, ils pourraient être précédés des mêmes adjectifs, et l'on dirait ou hic lepus et hic nemus, ou hoc lepus, hoc nemus.

9. Quare quae et cuiusmodi sunt genera similitudinum ad hanc rem, perspiciendum ei qui, declinationes verborum proportione sintne, quaeret. Quem locum, quod est difficilis, qui de his rebus scripserunt, aut vitaverunt, aut inceperunt neque adsequi potuerunt.

9. On se saurait donc trop s'étudier à bien définir en quoi consiste la vraie similitude, pour reconnaître si une déclinaison est ou n'est pas conforme à l'analogie. Cette partie de la science grammaticale est très scabreuse, et ceux qui ont écrit sur le langage, ou l'ont évitée, ou ont essayé de la traiter, mais sans succès.

10. Itaque in eo dissensio neque ea uniusmodi apparet; nam alii de omnibus universis discriminibus posuerunt numerum, ut Dionysius Sidonius, qui scripsit ea esse septuaginta unam; alii partis eius, quae habet casus : cuius eidem hic quom dicat esse discrimina quadraginta septem, Aristocles rettulit in litteras quattuordecim, Parmeniscus octo, sic alii pauciora aut plura.

10. De la divergence dans les opinions, et divergences très variées. En effet, les uns, et entre autres Dionysius Sidonius, comptent soixante et onze modes de ressemblance pour toutes les déclinaisons en géneral; les autres ne se sont occupés que des déclinaisons qui ont des cas; et, parmi eux, Aristoclès compte quatorze modes, à la différence de Sidonius, qui en reconnaît quarante-sept; Parméniscus en compte huit; d'autres plus, d'autres moins.

11. Quarum similitudinum si esset origo recte capta et inde orsa ratio, minus erraretur in declinationibus verborum, quarum ego principia prima duum generum sola arbitror esse, ad quae similitudines exigi oporteat: e quis unum positum in verborum materia, alterum ut in materiae figura, quae ex declinatione fit.

11. Si les principes sur lesquels repose la similitude étaient bien posés, et si, d'après ces principes, on établissait une règle sûre pour la pratique, on se méprendrait moins souvent sur la véritable analogie des déclinaisons. Or je crois que la similitude repose sur deux principes généraux, qui sont la matière des mots, et la figure que la déclinaison donne à la matière.

12. Nam debet esse unum, ut verbum verbo, unde declinetur, sit simile; alterum, ut e verbo in verbum declinatio, ad quam conferetur, eiusdemmodi sit; alias enim ab similibus verbis similiter declinantur, ut ab herus, ferus, hero, fero : alias dissimiliter herus, ferus, heri, ferum. Quom utrumque et verbum verbo erit simile et declinatio declinationi, tum denique dicam esse simile, ac duplicem et perfectam similitudinem habere, id quod postulat analogia.

12. Premier principe : le mot doit être semblable au mot. Second principe: la déclinaison doit être faite dans le même ordre; car il arrive souvent que l'on décline deux mots semblables, tantôt d'une manière semblable, comme herus, ferus, hero, fero; tantôt d'une manière dissemblable, comme herus, ferus, heri, ferum. Je dis donc que lorsque le mot est semblable au mot, et la déclinaison à la déclinaison, il y a ce que l'analogie exige, c'est-à-dire similitude double et parfaite.

13. Sed ne astutius videar posuisse duo genera esse similitudinum sola, cum utriusque inferiores species sint plures, si de his reticuero, ut mihi relinquam latebras : repetam ab origine similitudinum, quae in conferendis verbis et inclinandis sequendae aut vitandae sint.

13. Mais, pour qu'on ne m'accuse pas d'avoir éludé sciemment toutes les questions secondaires auxquelles peut donner lieu l'analogie, en réduisant à deux les principes de la similitude, je remonterai à l'origine des rapports qu'il faut savoir discerner dans la comparaison des mots et des déclinaisons.

14. Prima divisio in oratione, quod alia verba nusquam declinantur, ut haec vix, mox, alia declinantur, ut ab limo limabo, a fero ferebam, et quom, nisi in his verbis quae declinantur, non possit esse analogia, qui dicit simile esse nox et mox errat, quod non est eiusdem generis utrumque verbum, cum nox succedere debeat sub casuum rationem, mox neque debeat neque possit.

14. Le langage se divise d'abord en mots indéclinables, comme vix (à peine), mox (bientôt, ensuite), et en mots déclinables, comme limo (limer), limabo; fero (porter), ferebam. Or, l'analogie ne peut affecter que les mots déclinables : d'où il suit que nox (nuit) et mox ne doivent pas être regardés comme deux mots semblables, parce qu'ils ne sont pas de la même espèce, nox ayant des cas, et mox ne devant ni ne pouvant en avoir.

15. Secunda divisio est de his verbis quae declinari possunt, quod alia sunt a voluntate, alia a natura. Voluntatem appello, quom unusquivis a nomine aliae rei imponit nomen, ut Romulus Romae. Naturam dico, quom universi acceptum nomen ab eo, qui imposuit, non requirimus quemadmodum is velit declinari, sed ipsi declinamus, ut huius Romae, hanc Romam, hac Roma. De his duabus partibus voluntaria declinatio refertur ad consuetudinem, naturalis ad rationem

15. Les déclinaisons des mots déclinables se subdivisent, à leur tour, en volontaires et naturelles. Les déclinaisons volontaires sont celles qui tirent leur origine de la volonté de l'homme, comme Romulus, dérivé de Roma. Les déclinaisons naturelles sont celles qui suivent la loi commune du langage, et ne se règlent pas sur la volonté de celui qui a créé le mot : de sorte que nous disons Romulus, Romulum, Romulo, à l'imitation de Roma, Romam, Romae. La déclinaison volontaire est régie par l'usage; et la déclinaison naturelle, par la raison.

16. Quare proinde ac simile conferre non oportet ac dicere, ut sit ab Roma Romanus, sic ex Capua dici oportere Capuanus, quod in consuetudine vehementer natat, quod declinantes imperite rebus nomina imponunt, a quibus cum accepit consuetudo, turbulenta necesse est dicere. Itaque neque Aristarchii, neque alii in analogiis defendendam eius susceperunt causam, sed, ut dixi, hoc genere declinatio in communi consuetudine verborum aegrotat et languescit, quod oritur e populo multiplici et imperito; itaque in hoc genere in loquendo magis anomalia, quam analogia.

16. C'est pourquoi on aurait tort d'induire de Romanus, dérivé de Roma, que, par analogie, le nom des habitants de Capoue (Capua) doit être Capuanus, parce que cette déclinaison a pour unique loi le caprice des volontés particulières, dont l'usage et le temps sanctionnent les inconséquences. Aussi ni l'école d'Aristarque, ni les autres grammairiens, n'ont essayé de défendre l'usage contre les attaques des adversaires de l'analogie, car, ainsi que je l'ai dit, les déclinaisons volontaires sont flottantes et incertaines, parce qu'elles tiennent de la nature multiple des volontés individuelles ; et, sous ce rapport, force est de reconnaître que c'est l'anomalie, plutôt que l'analogie, qui régit le langage usuel.

17. Tertia divisio est, quae verba declinata natura; ea dividuntur in partis quattuor, in unam quae habet casus neque tempora, ut docilis, facilis; in alteram quae tempora neque casus, ut docet, facit; in tertiam quae utraque, ut docens, faciens; in quartam quae neutra, ut docte et facete. Ex hac divisione singulis partibus tres reliquae dissimiles. Quare nisi in sua parte inter se collata erunt verba, si non conveniunt : non erit ita simile, ut debeat facere idem.

17. Il y a encore une troisième division, d'après laquelle les mots dont la déclinaison est naturelle sont partagés en quatre espèces : 1° ceux qui ont des cas et n'ont pas de temps, comme docilis, facilis; 2° ceux qui ont des temps et n'ont pas de cas, comme docet, facit; 3° ceux qui ont des temps et des cas, comme docens, faciens; 4° enfin ceux qui n'ont ni temps ni cas, comme docte, facete. Cette division a pour but de tracer une ligne de démarcation entre chaque partie et les trois autres, et de faire voir que si l'analogie est observée entre les mots de la même espèce, cela suffit, et que demander plus, c'est la chercher où elle ne doit pas être.

18. Quoniam species plures, de singulis dicam. Prima pars casualis dividitur in partis duas, in nominatus scilicet et articulos, quod finitum et infinitum est, ut hic et quis; de his generibus duobus utrum sumpseris, cum reliquo non conferendum, quod inter se dissimiles habent analogias.

18. Pour éviter la confusion, je traiterai de chaque espèce de mots séparément. Les mots qui ont des cas se divisent en nominal: et en articles définis et indéfinis, comme hic (ce, cet) et quis (quelqu'un). Ces deux espèces ne doivent pas être comparées entre elles, parce qu'elles ont chacune une analogie particulière et distincte.

19. In articulis vix adumbrata est analogia, et magis rerum quam vocum; in nominatibus magis expressa ac plus etiam in vocum similitudinibus quam in rebus suam optinet rationem. Etiam illud accedit ut in articulis habere analogias ostendere sit difficile, quod singula sint verba, hic contra facile, quod magna sit copia similium nominatuum. Quare non tam hanc partem ab illa dividendum, quam illud videndum, ut satis sit verecundi, etiam illam in eandem harenam vocare pugnatum.

19. L'analogie est à peine sensible dans les articles; elle est plus dans l'idée que dans le mot. Elle est au contraire très prononcée dans les nominats, et consiste encore plus dans la forme des mots que dans l'idée. Ajoutez à cela que, les articles étant uniques dans chaque espèce, l'analogie y est un peu conjecturale; tandis que, dans les nominats, on peut en suivre aisément les traces, à l'aide des mots semblables, qui sont en très grand nombre.

20. Ut in articulis duae partes, finitae et infinitae, sic in nominatibus duae, vocabulum et nomen; non enim idem oppidum et Roma, quom oppidum sit vocabulum, Roma nomen, quorum discrimen in his reddendis rationibus alii discernunt, alii non; nos sicubi opus fuerit, quid sit et cur, ascribemus uniuscuiusque partes.

20. Comme les articles, les nominats sont définis et indéfinis : de là leur division en vocables et en noms. Ainsi oppidum (ville) est un nominal indéfini ou vocable, et Roma (Rome) est un nominal défini ou nom. Quelques grammairiens observent cette distinction ; d'autres la rejettent. Pour moi, j'en tiendrai compte toutes les fois qu'elle me paraîtra utile.

21. Nominatui ut similis sit nominatus, habere debet ut sit eodem genere, specie eadem, sic casu, exitu eodem. Genere, ut si nomen est quod conferas, cum quo conferas sit nomen : specie simile, ut non solum, sed utrumque sit virile : casu simile, ut si alterum sit dandi, item alterum sit dandi : exitu, ut quas unum habeat extremas litteras, easdem alterum habeat.

21. Pour que deux nominats soient semblables, il faut qu'ils s'accordent en genre, en espèce, en cas, et en désinence. En genre, c'est-à-dire que les deux mots que l'on compare soient deux noms. En espèce, c'est-à-dire qu'ils soient tous les deux masculins. En cas, c'est-à-dire que si l'on prend le datif dans l'un, on prenne aussi le datif dans l'autre. En désinence, c'est-à-dire que les syllabes finales soient les mêmes dans les deux mots.

22. Ad hunc quadruplicem fontem ordines deriguntur bini, uni transversi, alteri derecti, ut in tabula solet, in qua latrunculis ludunt. Transversi sunt qui ab recto casu obliqui declinantur, ut albus, albi, albo; derecti sunt qui ab recto casu in rectos declinantur, ut albus, alba, album : utrique sunt partibus senis. Transversorum ordinum partes appellantur casus, derectorum genera : utrisque inter se implicatis forma.

 

22. Il faut en outre distinguer deux ordres, l'un transversal et l'autre direct, comme dans la tablette, sur laquelle on joue aux échecs. L'ordre transversal est celui que suit la déclinaison en allant du nominatif au génitif, du génitif au datif, comme albus, albi, albo; l'ordre direct est celui qui va du masculin au féminin, et du féminin au neutre, comme albus, alba, album. Chaque ordre a six parties. Les parties de l'ordre transversal s'appellent cas, et celles de l'ordre direct s'appellent genres; on donne le nom de forme à la combinaison de ces différentes parties.

23. Dicam prius de transversis. Casuum vocabula alius alio modo appellavit; nos dicemus, qui nominandi causa dicitur, nominandi vel nominativum.....

23. Je parlerai d'abord des cas. On a donné aux cas divers noms. Pour moi, j'appellerai nominatif celui qui désigne proprement la chose ou la personne...

24. .... et scopae, non dicitur una scopa: alia enim natura, quod priora simplicibus, posteriora in coniunctis rebus vocabula ponuntur; sic bigae, sic quadrigae a coniunctu dictae. Itaque non dicitur, ut haec una lata et alba, sic una biga, sed unae bigae, neque dicitur ut hae duae latae, albae, sic hae duae bigae et quadrigae, sed hae binae bigae et quadrigae.

24... On dit scopae (balai), et non scopa. Leur nature est en effet différente, car il s'agit, dans le premier cas, de choses simples; et, dans le second, de choses composées : ce qui explique bigae (char attelé de deux chevaux), quadrigae (char attelé de quatre chevaux). C'est pourquoi on ne dit pas una biga, mais unae bigae, pour désigner un seul char; ni duae bigae, duae quadrigae, mais binae bigae, binae quadrigae, pour désigner deux chars.

25. Item figura verbi qualis sit refert, quod in figura vocis alias commutatio fit in primo verbo suit modo suit, alias in medio, ut curso, cursito ; alias in extremo, ut doceo, docui, alias communis, ut lego, legi. Refert igitur ex quibus litteris quodque verbum constet, et maxime extrema, quod ea in plerisque commutatur.

25. La figure du mot importe aussi, parce que cette figure change, tantôt au commencement du mot, comme dans suit, suit; tantôt dans le milieu, comme dans curso, cursito, tantôt dans la désinence, comme dans doceo, docui; tantôt au commencement et à la fin, comme dans lego, legi. Il importe donc de remarquer le nombre de lettres dont chaque mot est composé, et principalement les dernières, parce que ce sont celles qui changent le plus souvent.

26. Quare in his quoque partibus similitudines ab aliis male, ab aliis bene quod solent sumi, in casibus conferendis, recte an perperam, videndum : sed ubicumque commoventur litterae, non solum eae sunt animadvertendae, sed etiam quae proxumae sunt neque moventur; haec enim vicinitas aliquantum potest in verborum declinationibus.

26. Aussi, comme les inductions tirées de la figure des mots ne sont pas toujours justes, on ne saurait trop faire attention, dans la comparaison de cas, à la nature des similitudes que les mots présentent; et l'on doit regarder non seulement aux lettres qui changent, mais encore aux lettres voisines, qui ne changent pas; car la proximité n'est pas indifférente dans les déclinaisons.

27. In quis figuris non ea similia dicemus quae similis res significant, sed quae ea forma sint, ut eiusmodi res similis ex instituto significare plerumque soleant; ut tunicam virilem et muliebrem dicimus non eam, quam habet vir aut mulier, sed quam habere ex instituto debet; potest enim muliebrem vir, virilem mulier habere, ut in scaena ab actoribus haberi videmus, sed eam dicimus muliebrem, quae de eo genere est, quo indutui mulieres ut uterentur est institutum. Ut actor stolam muliebrem, sic Perpenna et Caecina et Spurinna figura muliebria dicuntur habere nomina, non mulierum.

27.  On ne doit pas regarder comme semblables les mots qui ont une signification semblable, mais ceux dont la forme indique qu'ils ont été destinés originairement à désigner des choses semblables. Ainsi nous appelons tunique d'homme ou tunique de femme, non celle que porte tel homme ou telle femme, mais celle que les hommes ou les femmes doivent porter d'après l'usage. Un homme, en effet, peut porter une tunique de femme, et réciproquement une femme peut porter une tunique d'homme, comme font quelquefois les acteurs sur la scène; mais nous appelons proprement tunique de femme celle qui, d'après l'usage, est destinée à l'habillement des femmes. De même qu'une tunique de femme ne change pas le sexe de l'acteur qui la porte, les noms de Perpenna, Caecina, Spurinna, quoique féminins quant à la forme, désignent des hommes, et non des femmes.

28. Flexurae quoque similitudo videnda ideo, quod alia verba quam viam habeant, ex ipsis verbis, unde declinantur, apparet, ut quemadmodum oporteat ut a praetor, consul, praetori, consuli. Alia ex transitu intelleguntur, ut socer, macer, quod alterum fit socerum, alterum macrum, quorum utrumque in reliquis a transitu suam viam sequitur et in singularibus et in multitudinis declinationibus. Hoc fit ideo, quod naturarum genera sunt duo, quae inter se conferri possunt, unum quod per se videri potest, ut homo et equus, alterum sine assumpta aliqua re extrinsecus perspici non possit, ut eques et equiso uterque enim dicitur ab equo.

28. II faut aussi faire attention à la similitude des déclinaisons, parce qu'on découvre la force de certains mots dans leur racine, comme on peut s'en convaincre par praetor, praetori ; consul, consuli. La génération des cas sert également à faire ressortir la différence d'autres mots, comme socer (beau-père) et macer (maigre); car socer fait socerum, et mater fait matrum, et chacun de ces mots conserve cette différence dans tous les autres cas tant au pluriel qu'au singulier. Il est nécessaire de recourir à ce moyen extrinsèque de comparaison, parce que, pour savoir si deux mots sont semblables ou dissemblables, tantôt il suffit de les comparer entre eux, comme homo (homme) et equus (cheval), et tantôt il est indispensable de les comparer à un troisième, comme eques (cavalier) et equiso (écuyer), dont on ne peut connaître le rapport qu'au moyen de equus (cheval), leur racine commune.

29. Quippe hominem homini similem esse aut non esse, si contuleris, ex ipsis hominibus animadversis scies : at duo inter se similiterne sint longiores, quam sint eorum fratres, dicere non possis, si illos breviores, cum quibus conferuntur, quam longi sint ignores : sic latiorum atque altiorum, item caetera eiusdem generis, sine assumpto extrinsecus aliquo perspici similitudines non possunt. Sic igitur quidam casus quod ex hoc genere sunt, non facile est dicere similis esse, si eorum singulorum solum animadvertas voces, nisi assumpseris alterum, quo flectitur in transeundo vox.

29. En effet, pour savoir si deux hommes sont semblables ou dissemblables, il suffit de les regarder ; mais supposons un homme plus grand que son frère, et un autre homme aussi plus grand que son frère: pour savoir si ces deux hommes sont dans la même proportion plus grands que leurs frères, il faut nécessairement avoir vu ces deux frères et connaître leur taille. J'en dis autant des choses dont on aurait à comparer sous le même rapport la largeur ou la hauteur dans la même circonstance: il n'est pas facile de constater les rapports de certains cas, si l'on s'en tient à les comparer entre eux, et si l'on n'a recours à un autre cas comme moyen de comparaison.

30. Quod ad nominatuum similitudines animadvertendas arbitratus sum satis esse tangere, haec sunt. Relinquitur de articulis, in quibus quaedam eadem, quaedam alia. De quinque enim generibus duo prima habent eadem, quod sunt et virilia et muliebria et neutra, et quod alia sunt, ut significent unum, alia ut plura, et de casibus quod habent quinos : nam vocandi voce notatus non est. Proprium illud habent, quod partim sunt finita ut  hic et  haec, partim infinita, ut quis et quae, quorum quod adumbrata et tenuis analogia, in hoc libro plura dicere non necesse est.

30. Je crois en avoir assez dit sur ce qui regarde les similitudes des nominats. Je passe donc aux articles, dont les uns sont semblables et les autres dissemblables.
En effet, parmi les cinq espèces dont j'ai parlé, les articles des deux premières sont semblables en ce qu'ils sont masculins, féminins, et neutres; et les autres sont dissemblables, en ce qu'ils désignent tantôt une seule chose, tantôt plusieurs, et qu'ils n'ont que cinq cas; car ils ne comportent pas le vocatif. Ils ont cela de particulier, qu'ils sont tantôt définis, comme hic, haec; tantôt indéfinis, comme quis, quae. Comme ils n'ont, en quelque sorte, que l'ombre de l'anaIogie, je ne m'y arrêterai pas plus long longtemps dans ce livre.

31. Secundum genus, quae verba tempora habent neque casus, sed habent personas. Eorum declinatuum species sunt sex. Una quae dicitur temporalis, ut legebam, gemebam; lego, gemo. Altera personarum, sero, meto; seris, metis. Tertia rogandi, ut scribone, legone; scribisne, legisne. Quarta respondendi, ut fingo, pingo; fingis, pingis. Quinta optandi, ut dicerem, facerem; dicam, faciam. Sexta imperandi ut cape, rape; capito, rapito.

31. Les mots du second genre sont, comme je l'ai dit, ceux qui ont des temps et des personnes, sans avoir de cas. On distingue six formes dans leur déclinaison : 1 ° la forme temporelle, comme legebam, gemebam; lego, gemo; 2° la forme personnelle, comme sero, meto; seris, metis; 3° la forme Interrogative, comme scribone, legone; scribisne, legisne ? 4° la forme affirmative, comme fingo, pingo; fingis, pingis; 5° la forme optative, comme dicerem, facerem; dicam, faciam; 6° la forme impérative, comme cape, rape; capito, rapito.

32. Item sunt declinatuum species quatuor quae tempora habent sine personis, in rogando, ut foditurne? sereturne?, et fodieturne ? sereturne ? Ac respondendi specie eaedem figurae fiunt extremis syllabis demptis. Optandi species, ut vivatur, ametur; viveretur, amaretur. Imperandi declinatus sintne, habet dubitationem; et eorum sitne haec ratio; paretur, pugnetur, parari, pugnari.

32. La déclinaison des mots qui ont des temps sans avoir de personnes ne comporte que quatre formes : l'interrogative, comme foditurne? seriturne? fodieturne? sereturne? l'affirmative, comme foditur, seritur; fodietur, seretur; l'optative, comme vivatur, ametur; viveretur, amaretur. Quant à la forme impérative, son existence est problématique. Est-on fondé à la reconnaltre dans paretur, pugnetur; parari, pugnari ? c'est une question.

33. Accedunt ad has species a copulis divisionum quadrinis: ab infecti et perfecti, emo, edo; emi, edi; a semel et saepius, ut scribo, lego, scriptavi lectitavi; a faciendi et patiendi, ut uro, ungo; uror, ungor; a singulari et multitudinis, ut laudo, culpo; laudamus, culpamus. Huius generis verborum cuius species exposui quam late quidque pateat et cuiusmodi efficiat figuras, in libris qui de formulis verborum erunt diligentius expedietur.

33. Il faut encore distinguer 1° l'imparfait et le parfait, comme emo, edo; emi, edi; 2° le positif et le fréquentatif, comme scribo, lego; scriptavi, lectitavi; 3° l'actif et le passif, comme uro, ungo; uror, ungor; 4° le singulier et le pluriel, comme laudo, culpo; laudamus, culpamus. Telles sont les formes générales du verbe : quant aux modifications fort nombreuses dont sa figure est susceptible, elles seront l'objet de mon attention dans les livres où je traiterai des conjugaisons.

34. Tertii generis, quae declinantur cum temporibus ac casibus, ac vocantur a multis ideo participalia, sunt hoc genere......

34. Les mots du troisième genre sont ceux qui ont des temps et des cas, et qu'on appelle communément participes...

35. ...... quemadmodum declinemus, quaerimus casus eius, etiamsi siqui finxit poeta aliquod vocabulum et ab eo casum ipse aliquem perperam declinavit, potius eum reprehendimus quam sequimur. Igitur ratio quam dico, utrubique, et in his verbis quae imponuntur, et in his quae declinantur, neque non etiam tertia illa, quae ex utroque miscetur genere.

35. ..... Une déclinaison vicieuse, même dans un poète qui aurait créé le mot, ne doit pas nous autoriser à suivre son exemple : nous devons, au contraire, redresser son erreur. Donc le rapport dont je parle se rencontre à la fois dans les déclinaisons volontaires et dans les déclinaisons naturelles, et a la nature mixte que j'ai définie.

36. Quarum unaquaeque ratio collata cum altera aut similis aut dissimilis; aut saepe verba alia, ratio eadem; et nonnunquam ratio alia, verba eadem. Quae ratio in amor, amori, eadem in dolor, dolori, neque eadem in dolor, dolorem; et cum eadem ratio quae est in amor et amoris, sit in amores et amorum : tamen ea, quod non in ea qua oportet, confertur materia, per se solum efficere non potest analogias propter disparilitatem vocis figurarum; quod verbum copulatum singulare cum multitudine ita cum est pro portione, ut eandem habeat rationem, tum denique ea ratio conficit id quod postulat analogia, de qua deinceps dicam.

36. Chacun de ces rapports, comparé à un autre, est ou semblable ou dissemblable. Tantôt les mots sont différents, et le rapport est le même; tantôt les rapports sont différents, et les mots les mêmes. Le rapport qui unit amor et amori se retrouve dans dolor et dolori, et n’existe pas entre dolor et dolorem. Quoique le rapport de amor et de amoris se retrouve entre amores et amorum, comme la comparaison ne repose pas sur son véritable point, il ne peut seul déterminer l'analogie, à cause de la dissimilitude des figures du mot. L'analogie véritable, dont j'exposerai plus tard les conditions, ne peut résulter que de la similitude du rapport qui unit le singulier et le pluriel.

III. 37. Sequitur tertius locus, quae sit ratio pro portione, quae a Graecis vocatur ἀνάλογον; ab analogo dicta analogia. Ex eodem genere quae res inter se aliqua parte dissimiles rationem habent aliquam, si ad eas duas alterae duae res allatae sunt, quae rationem habeant eandem, quod ea verba bina habent eundem λόγον, dicitur utrumque separatim ἀνάλογον, simul collata quatuor analogia.

III. 37. Je suis arrivé à la troisième partie, qu'on appelle ἀναλογία (analogie), ἀνάλογος (analogue), qui ne doit pas être confondue avec son dérivé. Deux ou plusieurs mots sont analogues, lorsqu'ils ont entre eux un rapport fondé sur une étymologie commune (λόγος); mais ce n'est pas ce rapport qui constitue l'analogie : elle consiste dans la comparaison de ces mots corrélatifs avec d'autres mots qui ont entre eux un rapport de même nature.

38. Nam ut in geminis quom similem dicimus esse Menaechmum Menaechmo, de uno dicimus; cum similitudinem esse in his, de utroque: sic quom dicimus, eandem rationem habere assem ad semissem, quam habet in argento libella ad simbellam, quid sit analogon ostendimus; quom utrubique dicimus et in aere et in argento esse eandem rationem, tum dicimus de analogia.

38. Si, en voyant deux jumeaux, je dis que l'un est semblable à l'autre, je ne parle que d'un seul; mais si je dis qu'il y a de la similitude en eux, je parle de l'un et de l'autre. De même si je dis qu'il y a entre l'as (assis) et le demi-as (semissis) le même rapport qu'entre la livre (libella) et la demi-livre (simbella), je me borne à faire remarquer que, de part et d'autre, ces sortes de pièces de monnaie sont analogues; mais si je dis qu'il y a dans la monnaie de cuivre et dans la monnaie d'argent une conformité de rapports, je constate alors une corrélation qui est proprement l'analogie.

39. Ut sodalis et sodalitas, civis et civitas non est idem, sed utrumque ab eodem ac coniunctum : sic analogon et analogia idem non est, sed item est congeneratum. Quare si homines sustuleris, sodalis sustuleris; si sodalis, sodalitatem. Sic item si sustuleris λόγον, sustuleris analogon; si id, analogian.

39. De même que, sans avoir la même signification, sodalis, sodalitas et civis, civitas ont une affinité fondée sur la ressemblance des mêmes rapports, analogue et analogie sont deux mots qui, sans être identiques, ont une affinité fondée sur une origine commune. En effet, sodalitas implique nécessairement sodalis, qui, à son tour, implique homines ; car, sans hommes, point d'amis ni d'amitié. De même ἀναλογία implique ἀνάλογος, qui, à son tour, implique λόγος; car, sans une racine commune, point de mots analogues, et, sans mots analogues, point d'analogie.

40. Quae cum inter se tanta sint cognatione, debebis suptilius audire, quam dici expectare, id est cum dixero quid de utroque, et erit commune, ne expectes, dum ego in scribendo transferam in reliquum, sed ut potius tu persequare animo.

40. Ces deux mots, comme vous le voyez, ont une affinité fort étroite, et leur ambiguïté vous impose la tâche d'être plus subtil en écoutant que je ne le serai en parlant. En d'autres termes, je vous avertis que lorsque j'aurai à dire quelque chose de relatif à ces deux sortes de rapports, ce sera sans distinction : aussi ne comptez pas que je revienne dans la suite de ce livre sur ce que j'ai dit plus haut, mais armez-vous d'attention.

41. Haec fiunt in dissimilibus rebus, ut in numeris, si contuleris cum uno duo, sic cum decem viginti; nam quam rationem duo ad unum habent, eandem habent viginti ad decem : in nummis in similibus sic est ad unum victoriatum denarius, sicut ad alterum victoriatum alter denarius. Sic item in aliis rebus omnibus pro portione dicuntur ea : in quo est sic quadruplex natura, ut in progenie quomodo est filius ad patrem, sic est filia ad matrem, et ut est in temporibus meridies ad diem, sic media nox ad noctem.

41. Ces rapports entre des choses dissemblables sont comme ceux des nombres comparés entre eux : par exemple, 2 est à 1 ce que 20 est à 10. De même, dans la monnaie, un denier (denarius) est à une pièce de 5 as (victoriatus) ce qu'un autre denier est à une autre pièce de 5 as. Cette analogie, qui peut se rencontrer en tout, repose sur les rapports de quatre termes. Dans une famille, par exemple, la fille est par rapport à la mère ce que le fils est par rapport au père; ou bien encore, dans le temps, minuit est par rapport à la nuit ce que midi est par rapport au jour.

42. Hoc poetae genere in similitudinibus utuntur; multum hoc acutissime geometrae; hoc in oratione diligentius quam alii ab Aristarcho grammatici, ut, quom dicuntur pro portione similia esse amorem amori, dolorem dolori, quom ita dissimile esse videant amorem et amori, quod est alio casu, item dolorem dolori.

42. Les poètes tirent leurs comparaisons de ces rapports; ils exercent surtout la sagacité des géomètres; mais, parmi les grammairiens, ceux de l'école d'Aristarque se distinguent par leur subtilité dans l'observation de l'analogie. Ainsi, disent-ils, il y a analogie entre amorem, amori, et dolorem, dolori, parce qu'il y a la même différence entre l'accusatif amorem et le datif dolori qu'entre dolorem et dolori.

43. Sed dicunt, quod ab similibus nonnunquam rationes habet implicatas duas, ut sit una derecta, altera transversa. Quod dico, apertius sic fiet. Esto sic expositos esse numeros, ut in primo versu sit unum duo quatuor : in secundo decem viginti quadraginta : in tertio centum, ducenti, quadringenti. In hac formula numerorum duo inerunt quos dixi λόγοι, qui diversas faciant analogias: unus duplex qui est in obliquis versibus, quod est ut unus ad duo, sic duo ad quatuor : alter decemplex in directis ordinibus, quod est ut unum ad decem, sic decem ad centum.

43. Ils distinguaient en outre une déclinaison directe et une déclinaison transversale, qui présentent d'un côté la succession des cas, et de l'autre la succession des genres d'un même mot. Pour rendre ce que je dis plus sensible, supposons plusieurs nombres disposés dans l'ordre suivant :
1 2 4
10 20 40
100 200 400
Dans cette combinaison, le nombre 1, pris dans la ligne horizontale, comme unité simple et, dans la ligne verticale, comme unité multiple, contient dans sa duplicité le rapport sur lequel est fondée l'analogie qui unit les neufs nombres. On retrouve dans le nombre 1,  opposé à lui-même comme unité et comme dizaine, ce que j'ai
appelé λόγοι, d'où άνάλογοι, d'où ἀναλογία.

44. Similiter in verborum declinationibus est bivium, quod et ab recto casu declinantur in obliquom, et ab recto casu in rectum, ita ut formulam similiter efficiant : quod sit primo versu hic albus, huic albo, huius albi; secundo haec alba, huic albae, huius albae; tertio hoc album, huic albo, huius albi. Itaque fiunt per obliquas declinationes ex his analogiae hoc genus Albius Atrius, Albio Atrio, quae scilicet erit particula ex illa binaria; per directas declinationes : Albius Atrius, Albia Atria, quae scilicet denaria, formula analogiarum, de qua supra dixi.

44. Les déclinaisons des mots présentent la même combinaison. Exemple :
Albus, albi, albo;
Alba, albae, albae;
Album, albi, albo.
Cette combinaison des noms a été adoptée pour les noms propres dont les cas suivent la ligne oblique ou horizontale, et les genres la ligne directe ou verticale. Exemple:

Albius, Atrius; Allbio, Atrio;
Albia, Atia; Albiae, Atriae.

Cet ordre correspond, pour les cas, à la ligne horizontale 1, 2, 4; et, pour les genres, à 

1
10
100.

45. Analogia quae dicitur, eius genera sunt duo. Unum deiunctum sic est: ut unum ad duo, sic decem ad viginti; alterum coniunctum, sic: ut est unum ad duo, sic duo ad quatuor, iIn hoc quod duo bis dicuntur, et tum cum conferimus ad unum, et tum cum ad quattuor.

45. Il y a deux espèces d'analogie: l'analogie disjointe et l'analogie conjointe. 10 est à 20 comme 1 est à 2; c'est l'analogie disjointe. 2 est à 4 comme 1 est à 2; c'est l'analogie conjointe, parce que, dans ce rapport, le nombre 2 est énoncé deux fois.

46. Hoc quoque natura dicitur quadruplex; sic e septem chordis citharae, tamen duo dicuntur habere tetrachorda, quod quemadmodum crepat prima ad quartam cordam, sic quarta ad septumam respondet; media est alterius prima, alterius extrema. Medici in aegrotis septumos dies qui observant, quarto die, ideo diligentius signa morbi advertunt, quod quam rationem habuit primus dies ad quartum, eandem praesagit habiturum, qui est futurus ab eo quartus, et qui est septumus a primo.

46. Suivant les grammairiens, cette seconde espèce d'analogie implique naturellement quatre rapports. Ainsi, donc la lyre à sept cordes, la quatrième est à la septième ce que la première est à la quatrième, et en même temps la quatrième est la première par rapport à celles qui la suivent, et la dernière par rapport à celles qui la précédent. De même, dans les maladies périodiques de sept jours, les médecins observent attentivement les symptômes qu'elles présentent le quatrième jour, parce que la première phase du mal entre le premier et le quatrième présage une autre phase semblable entre de quatrième et le septième.

47. Quadruplices deiunctae in casibus sunt vocabulorum, ut rex regi, lex legi. Coniunctae sunt triplices in verborum tribus temporibus, ut legebam, lego, legam, quod quam rationem habet legebam ad lego hanc habet lego ad legam. In hoc fere omnes homines peccant, quod perperam in tribus temporibus haec verba dicunt, quom proportione volunt pronuntiare.

47. Les analogies disjointes sont aussi quaternaires dans les cas des vocables : rex, regi; lex, legi. Les analogies conjointes sont ternaires dans les temps des verbes: legebam, lego, legam, où lego est à legam ce que legebam est à lego. Ces trois temps sont une pierre d'achoppement pour la plupart des grammairiens, qui ne manquent jamais de les associer, lorsqu'ils veulent conjuguer d'après l'analogie.

48. Nam cum sint verba alia infecta, ut lego et legis, alia perfecta, ut legi et legisti, et debeant sui cuiusque generis in coniungendo copulari, et quom recte sit ideo lego ad legebam : non recte est lego ad legi, quod legi significat quod perfectum: ut haec tutudi pupugi, tundo pungo, tundam pungam, item necatus sum verberatus sum, necor verberor, necabor verberabor, iniuria reprehendant, quod et infecti inter se similia sunt et perfecti inter se, ut tundebam, tundo, tundam et tutuderam, tutudi, tutudero; sic amabar, amor, amabor, et amatus eram, amatus sum, amatus ero. Itaque reprehendunt, qui contra analogias dicunt, quor dispariliter in tribus temporibus dicantur quaedam verba, naturam.

48. En cela Ils se trompent, parce que les verbes ont deux sortes de temps : des temps parfaits, comme lego, legis, et des temps imparfaits, comme legi, legisti ; et que ces temps doivent, dans la conjugaison, se classer selon leur espèce. Ainsi lego et legebam sont corrélatifs, mais lego et legi ne le sont pas, legi étant un temps parfait : ce qui convainc d'erreur ceux qui prétendent avoir trouvé une raison d'attaquer l'analogie dans tutudi, pupugi; tundo, pungo; tundam, pungam; ou dans necatus sum, verberatus sum; necor, verberor; necabor, verberabor. En classant les temps selon leur espèce: tundebam, tundo, tundam; tutuderam, tutudi, tutudero; amabar, amor, amabor, amatus eram, amatus sum, amatus ero, retrouve la similitude où elle doit être ; et ceux qui voient une anomalie dans la disparité des temps parfaits et des temps imparfaits accusent la nature elle-même.

49. Cum quadruplex sit analogia, id nonnunquam, ut dixi, pauciores videtur habere partis : sic etiam alias pluris, ut quom est, quemadmodum ad tria unum et duo, sic ad sex duo et quatuor; quae tamen quadripertito comprehenditur forma, quod bina ad singula conferuntur. Quod in oratione quoque nonnunquam reperietur, sic: ut Diomedes confertur Diomedi et Diomedibus, sic dicitur ab Hercules Herculi et Herculibus.

49. Quoique naturellement quaternaire, l'analogie peut avoir quelquefois moins de quatre parties, ainsi que je l'ai dit plus haut, et quelquefois aussi plus de quatre, comme dans cet exemple : 2 et 4 sont à 6 comme 1 et 2 sont à 3 : ce qui n'implique pas contradiction, parce que les nombres opposés à 6 et à 3 sont pris collectivement. Cette forme complexe se rencontre quelquefois dans le langage. En voici un exemple : Herculi et Herculibus dérivent de Hercules (Hercule, Hercules) comme Diomedi et Diomedibus dérivent de Diomedes (Diomède, Diomèdes).

50. Et ut haec ab uno capite,  ab recto casu, in duo obliquos discedunt casus  : sic contra multa ab duobus capitibus recti casuum confluunt in obliquom unum. Nam ut ab his rectis, hi Baebiei, hae Baebiae fit his Baebieis, sic est ab his hi Caelii, hae Caeliae, his Caeliis. Ab duobus similibus dissimiliter declinantur, ut fit in his, nemus, olus; nemora, olera. Alia ab dissimilibus similiter declinantur, ut in articulis ab hic, iste; hunc, istunc.

50. Et de même que la déclinaison passe d'un cas direct à deux cas obliques, elle peut passer aussi de deux cas directs à un seul cas oblique. Ainsi le datif pluriel Baebieis dérive et du nominatif pluriel masculin Baebiei, et du nominatif pluriel féminin Baebiae ; et pareillement le datif pluriel Caeliis dérive et du nominatif pluriel masculin Caelii, et du nominatif pluriel féminin Caeliae. Tantôt deux cas semblables produisent, dans la déclinaison, deux autres cas semblables, comme nemus, olus; nemora, olera; tantôt deux cas dissemblables produisent deux cas semblables, comme hic, iste ; hunc, istunc.

51. Analogia fundamenta habet aut a voluntate hominum, aut a natura verborum, aut a re utraque. Voluntatem dico impositionem vocabulorum, naturam declinationem vocabulorum, quo decurritur sine doctrina. Qui impositionem sequetur, dicet, si simile in recto casu dolus et malus, fore in obliquo dolo et malo : qui naturam sequetur, si sit simile in obliquis Marco, Quinto, fore ut sit Marcum, Quintum. Qui utrumque sequetur, dicet si sit simile, transitus ut est in servus serve, fore ut sit item cervus cerve. Commune omnium est, ut quatuor figurae vocis habeant proportione declinatus.

51. L'analogie a son principe, ou dans la volonté des hommes, ou dans la nature des mots, ou dans l'une et l'autre tout ensemble. A la volonté de l'homme appartient l'imposition des noms; à la nature, leur déclinaison, qui par conséquent ne demande pas d'étude. Celui qui suit la volonté de l'homme conclura de la similitude de dolus et de malus que le datif, par exemple, doit être dolo et malo. Celui qui suit la nature conclura de la similitude de Marco et de Quinto que l'accusatif doit être Marcum, Quintum. Enfin celui qui suit l'une et l'autre conclura de la similitude que présente la génération des cas que si servus fait serve au vocatif, cervus doit, au même cas, faire cerve. Ces différentes espèces de déclinaisons ont, comme on le voit dans ces quatre exemples, un principe commun, qui est l'analogie.

52. Primum genus est ortum ab similitudine in rectis casibus, secundum ab similitudine quae est in obliquis, tertium ab similitudine quae est in transitibus de casu in casum. Primo genere ab imposito ad naturam proficiscimur, in secundo contra, in tertio ab utroque. Quocirca etiam hoc tertium potest bifariam divisum tertium et quartum dici, quod in eo vel prosus et rusus potest dici.

52. La première est fondée sur la similitude des cas directs; la seconde, sur la similitude des cas obliques ; la troisième, sur la similitude de la génération des cas. Dans la première, on va de la volonté de l'homme à la nature; dans la seconde, de la nature à la volonté de l'homme; dans la troisième, on part de l'une et de l'autre. C'est pourquoi cette dernière déclinaison pourrait être dédoublée et en former une quatrième, parce que le point de départ est facultatif.

53. Qui initia faciet analogiae impositiones, ab his obliquas figuras declinare debebit : qui naturam, contra : qui ab utraque, reliquas declinationes ab eiusmodi transitibus. Impositio est in nostro dominatu; nos in naturae: quemadmodum enim quisque volt, imponit nomen; at declinat, quemadmodum volt natura.

53. Si l'on prend la volonté de l'homme pour base de l'analogie, la déclinaison des cas obliques doit être conforme à son principe; si l'on prend la nature pour principe, c'est sur elle qu'il faut se régler; si enfin l'on prend l'une et l'autre pour guides, la simlitude de génération des cas doit servir de loi dans la formation des cas des mots incertains. L'imposition des noms est en notre pouvoir; mais la nature est au-dessus de nous. Chacun peut, au gré de sa volonté, imposer à une chose tel ou tel nom, mais il doit le décliner comme le veut la nature.

54. Sed quoniam duobus modis imponitur vocabulum aut re singulari aut multitudine, singulari ut cicer, multitudinis, ut scalae; nec dubium est, quin ordo declinatuum, in quo res singulares declinabuntur solae, ab singulari aliquo casu proficiscatur, ut cicer, ciceri, ciceris; item contra in eo ordine, qui multitudinis erit solum, quin a multitudinis aliquo casu ordiri conveniat, ut scalae, scalis, scalas : aliud videndum est, quom duplex natura copulata, ac declinatuum bini fiant ordines, ut est mas, mares, unde tum ratio analogiae debeat ordiri, utrum ab singulari re in multitudinem, an contra ?

54. Il y a des noms qui n'ont reçu originairement que la forme du singulier, comme cicer (pois chiche); et d'autres qui n'ont reçu que la forme du pluriel, comme scalae (échelle, escalier). Or, nul doute que la déclinaison de ceux qui n'ont que le singulier ne doive partir d'un cas singulier, comme cicer, ciceri, ciceris; et réciproquement pour ceux qui n'ont que le pluriel, comme scalae, scalis, scalas. Mais à l'égard des noms qui ont reçu les deux formes, comme mas, mares (mâle, mâles), où prendra-t-on la règle de l'analogie ? dans le singulier ou dans le pluriel?

55. Neque enim, si natura ab uno ad duo pervenit, idcirco non potest apertius esse in docendo posterius, ut inde incipias, ut quid sit prius, ostendas. Itaque et hi, qui de omni natura disputant atque ideo vocantur physici, tamen ex his ab universa natura profecti, retro quae essent principia mundi, ostendunt. Oratio quom ex litteris constet, tamen eam grammatici de litteris ostenderunt.

55. Car de ce que la nature va de un à deux, il ne s'ensuit pas que, en enseignant, il ne soit pas permis d'intervertir cet ordre. Aussi voyons-nous les physiciens suivre, dans l'explication des lois de la nature, une méthode expérimentale, qui consiste à remonter du connu à l'inconnu, des phénomènes aux principes. De même, quoique les mots soient composés de lettres, les grammairiens passent par les mots pour arriver aux lettres.

56. Quare in demonstrando, quoniam potius proficisci oportet ab eo quod apertius est, quam ab eo quod prius est, et potius ab incorrupto principio quam... et potius ab natura rerum, quam ab lubidine hominum, et haec tria, quae sequenda magis sunt, minus sunt in singularibus quam in multitudine : commodius potest ordiri, quod in his principiis minus rationis verbis fingendis. Verborum formas facilius ex multitudinis singularis videri posse, quam ex singularibus multitudinis, haec ostendunt: trabes, trabs; duces dux.

56. Si donc il est préférable, en enseignant, de partir de ce qui est clair plutôt que de ce qui est primordial; d'un principe incorruptible, plutôt que de....; de la nature, plutôt que de la volonté inconstante des hommes; et que ces trois fondements d'une bonne induction se rencontrent moins souvent dans le singulier que dans le pluriel, il me semble plus raisonnable de prendre le pluriel pour guide.

57. Videmus enim, ex his verbis trabes, duces de extrema syllaba E litteram exclusam, et ideo in singulari factum esse trabs, dux : contra ex singularibus non tam videmus, quemadmodum facta sint ex B et S trabs et ex C et S dux.

57. Prenons pour exemple trabes, trabs, duces, dux. Nous voyons bien comment trabs a pu sortir de trabes, et dux de duces, au moyen de la suppression de l'e; mais nous ne voyons pas aussi clairement dans le singulier trabs ou dux la raison du pluriel trabes ou duces.

58. Si multitudinis rectus casus forte figura corrupta erit, id quod accidit raro, prius id corrigemus quam inde ordiemur : aut de obliquis assumere oportet figuras eas, quae non erunt ambiguae, sive singulares sive multitudinis, ex quibus id cuiusmodi debet esse, perspici possit.

58. Si, ce qui arrive rarement, la forme du nominatif pluriel se trouve dénaturée, Il faut avoir soin de le rectifier avant d'en tirer aucune induction; et, pour cela, il faut recourir à des cas obliques, du singulier ou du pluriel, qui ne présentent aucune altération, et peuvent aider à cette rectification.

59. Nam nonnunquam alterum ex altero videtur, ut Chrysippus scribit, quemadmodum pater ex filio et filius ex patre, neque minus in fornicibus propter sinistram dextra stat, quam propter dextram sinistra. Quapropter et ex rectis casibus obliqui, et ex obliquis recti, et ex singularibus multitudinis, et ex multitudinis singulares nonnunquam recuperari possunt.

59. En effet, ainsi que le dit Chrysippe, on peut juger d'une chose par une autre, et réciproquement, comme on peut juger du père par le fils et du fils par le père; et de même que les deux extrémités d'une voûte se soutiennent mutuellement, de même les cas divers peuvent aider à rectifier les cas obliques; le singulier, à rectifier le pluriel; et réciproquement.

60. Principium id potissimum sequi debemus, ut in eo fundamentum sit in natura, quod in declinationibus ibi facilior ratio. Facile est enim animadvertere, peccatum magis cadere posse in impositiones eas, quae fiunt plerumque in rectis casibus singularibus, quod homines imperiti et dispersi vocabula rebus imponunt, quocumque eos libido invitavit; natura incorrupta plerumque est suapte sponte, nisi qui eam usu inscio deprauabit.

60. Prenons toujours la nature pour guide et pour appui : c'est le guide le plus sûr que nous puissions suivre dans les déclinaisons. On peut, en effet, remarquer que ce sont presque toujours les cas directs du singulier qui pêchent contre l'analogie : ce qu'il faut attribuer à l'impéritie de ceux qui, seuls et sans autre raison que leur caprice, ont imposé des noms aux choses, tandis que la nature est ordinairement droite et vraie, à moins qu'un usage vicieux ne l'ait corrompue.

61. Quare si quis principium analogiae potius posuerit in naturalibus casibus, quam in impositiciis, non multa inconcinna in consuetudine occurrent, et a natura libido humana corrigetur, non ab libidine natura, quod qui impositionem sequi voluerint facient contra.

61. C'est pourquoi, en prenant la nature pour base de l'analogie, plutôt que la volonté de l'homme, on rencontrera peu d'obstacles dans l'usage, et la nature aidera à corriger la volonté de l'homme: ce qui n'est pas donné à la volonté de l'homme contre la nature, parce que si l'on se règle sur la forme que la volonté de l'homme a donnée aux cas, on se trouvera engagé dans une induction contraire.

62. Sin ab singulari quis potius proficisci volet, initium facere oportebit ab sexto casu, qui est proprius Latinus; nam eius casuis litterarum discriminibus facilius reliquorum varietatem discernere poterit, quod ei habent exitus aut in A, ut hac terra, aut in E, ut hac lance, aut in I, ut hac clavi, aut in O, ut hoc caelo, aut in U, ut hoc versu. Igitur ad demonstrandas declinationes biceps via haec.

62. Cependant, si l'on veut prendre le singulier pour point de départ, il faudra choisir de préférence le sixième cas, parce que ce cas est d'origine latine. La diversité de ces désinences peut aider à retrouver l'analogie dans la diversité des autres cas; car il a pour finale, tantôt un a, comme dans terra; tantôt un e, comme dans lance; tantôt un i comme dans levi; tantôt un o comme dans caelo, ou un u, comme dans versu...

63. Sed quoniam, ubi analogia, tria, unum quod in rebus, alterum quod in vocibus, tertium quod in utroque, duo priora simplicia, tertium duplex : animadvertendum haec quam inter se habeant rationem.

63. Les rapports qui constituent l'analogie consistent ou dans les choses, ou dans la forme des mots, ou dans les choses et dans les mots tout ensemble. Les deux premiers sont simples, et le troisième est composé.

64. Primum ea quae sunt discrimina in rebus, partim sunt, quae ad orationem non attineant, partim quae pertineant. Non pertinent, ut ea quae observant in aedificiis et signis faciendis ceterisque rebus artifices, e quis vocantur aliae harmonicae, sic item aliae nominibus aliis; sed nulla harum fit in loquendo pars ad orationem.

64. Parmi les rapports dont les choses sont susceptibles, il y en a que le langage ne comporte pas : tels sont ceux que les artistes ont soin d'observer dans les édifices, dans les statues, et autres œuvres d'art: rapports qu'on appelle, entre autres noms, harmoniques, et dont le langage n'est pas susceptible.

65. Quae pertinent res eae sunt quae verbis dicuntur proportione, neque a similitudine quoque vocum declinatus habent, ut Iuppiter, Marspiter; Iovi, Marti. Haec enim genere nominum et numero et casibus similia sunt inter se, quod utraque et nomina sunt, et virilia sunt, et singularia, et casu nominandi et dandi.

65. Les rapports réels sont ceux qui consistent exclusivement dans la similitude de l'idée, comme dans Juppiter, Maspiter; Jovi, Marti. Ces deux mots sont semblables et par le genre et par le nombre et par les cas, parce qu'ils sont l'un et l'autre de la classe des noms, du genre masculin, au singulier, au nominatif et au datif.

66. Alterum genus vocale est, in quo voces modo sunt pro portione similes, non res, ut biga, bigae, nuptia, nuptiae: neque enim in his res singularis subest una, quom dicitur biga, quadriga; neque ab his vocibus quae declinata sunt multitudinis, significant quicquam, ideo quod omnia multitudinis, quae declinantur ab uno, ut a merula, merulae, sunt eiusmodi ut singulari subiungatur : sic merulae duae, catulae tres, faculae quattuor.

66. Les rapports de la seconde espèce consistent uniquement dans le mot, comme dans biga, bigaenuptia, nuptiae. En effet, le singulier de ces mots est vide, et leur pluriel n'implique pas l'idée de multiplicité, comme le pluriel de merula (merle) par exemple, qui est essentiellement corrélatif au singulier.

67. Quare cum idem non possit subiungi, quod non dicimus biga una, quadrigae duae, nuptiae tres, sed pro eo unae bigae, binae quadrigae, trinae nuptiae : apparet non esse biga et quadriga, et  bigae et quadrigae; sed ut est huius ordinis una, duae, tres principium una : sic in hoc ordine altero unae, binae, trinae, principium est unae.

67. De sorte qu'on ne doit pas dire una biga, duae bigae, tres bigae, à l'imitation de una merula, duae merulae, tres merulae, mais unae bigae, binae bigae, trinae bigae.

68. Tertium genus est illud duplex, quod dixi, in quo et res et voces similiter pro portione dicuntur, ut bonus, malus; boni, mali; de quorum analogia et Aristophanes et alii scripserunt. Etenim haec denique perfecta, ut in oratione, illae duae simplices inchoatae analogiae, de quibus tamen separatim dicam, quod his quoque utimur in loquendo.

68. Les rapports de la troisième espèce sont doubles, c'est dire qu'ils consistent et dans les choses et dans les mots, comme bonus (bon) et malus (mauvais); boni, mali. C'est sur cette espèce d'analogie qu'Aristophane et autres grammairiens ont écrit. Elle doit être, en effet, considérée comme l'analogie parfaite, à la différence des deux autres, qui ne sont, en quelque sorte, qu'ébauchées. Cependant, je ne laisserai pas de m'occuper; de ces analogies imparfaites, parce qu'elles se rencontrent aussi dans le langage usuel.

69. Sed prius de perfecta, in qua et res et voces quadam similitudine continentur; cuius genera sunt tria, unum vernaculum ac domi natum, alterum adventicium, tertium nothum ex peregrino hic natum. Vernaculum est ut sutor et pistor; sutori, pistori. Adventicium est ut Hectores, Nestores; Hectoras, Nestoras. Tertium illum nothum ut Achilles et Peleus.

69. Je commencerai par l'analogie parfaite. Les mots dans lesquels elle se rencontre sont ou indigènes ou étrangers ou bâtards. Les mots indigènes sont, par exemple, sutor (cordonnier), pistor (boulanger); les mots étrangers, Hectores, Nestores; Hectoras, Nestoras ; les mots bâtards ou mixtes, Achilles, Peleus.

70. Eo genere multi utuntur non modo poetae, sed etiam plerique ac primo omnes qui soluta oratione loquuntur, dicebant, ut quaestorem, praetorem, sic Hectorem, Nestorem. Itaque Ennius ait:

Hectoris natum de muro iactarier.

Accius haec in tragoediis largius a prisca consuetudine movere coepit, et ad formas Graecas verborum magis revocare, a quo Valerius ait:

Accius Hectorem nolet facere, Hectora malet.

Quod adventicia pleraque habemus Graeca, secutum ut de nothis Graecanicos quoque nominatus plurimos haberemus. Itaque ut hic alia Graeca, alia Graecanica, sic analogiae.

 

70. Les mots mixtes sont très usités en poésie, et les anciens, surtout en prose, latinisaient presque tous les mots étrangers. Ils disaient Hectorem, Nestorem, conformément à quaestorem, praetorem. On lit dans Ennius : Hectoris natum, etc. Le poète tragique Accius est le premier qui chercha à ramener ces mots à la forme grecque, et à s'élever ouvertement contre l'ancien usage: ce qui a fait dire à Valérius : HECTOREM répugne à Accius ; il préfère HECTORA. La plupart des mots étrangers étant grecs, la plupart des mots bâtards durent être par conséquent d'origine grecque : de là autant d'espèces d'analogies : analogie des mots étrangers, et analogie des mots mixtes.

71. E quis quae hic nothae fiunt declinationes, de his aliae sunt priscae, ut Bacchideis et Chrysideis : aliae iuniores, ut Chrysides et Bacchides, aliae recentes, Chrysidas et Bacchidas; quom his omnibus tribus utantur nostri, maxime qui sequontur media in loquendo, offendunt minimum, quod prima parum similia videntur esse Graecis, unde sint tralata, tertia parum similia nostris.

71. Les déclinaisons des mots mixtes ont varié avec les temps. Les plus anciennes sont, par exemple, Bacchideis et Chrysideis; on a dit ensuite : Chrysides, Bacchides; et dans les derniers temps, Chrysidas et Bacchidas. Quoique ces trois formes soient usitées, la seconde est la plus vraie, et par conséquent doit être préférée aux deux autres; car la première s'éloigne trop de son origine, et la troisième est peu conforme au génie de notre Iangue.

IV. 72. Omnis analogiae fundamentum similitudo quaedam, ut dixi, quae solet esse in rebus, in vocibus et in utroque: in quam harum partem quodque sit in ferendo et cuiusmodi, videndum. Nam, ut dixi, neque rerum, neque vocis similitudo ad has duplicis analogias verborum exprimendas, quas in loquendo quaerimus, separatim satis est, quod utraque parte opus est simili. Quas ad loquendum ut perducas, accedere debet usus; alia enim ratio, qui facias vestimentum, alia, quemadmodum utare vestimento.

72. Toute analogie a pour fondement, comme je l'ai déjà dit, une similitude qui est ou dans les choses, ou dans les mots, ou dans les choses et dans les mots tout ensemble. Il faut observer attentivement en quelle partie elle se trouve, et sous quel rapport ; car, ainsi que je l'ai fait remarquer, la similitude des choses et la similitude des mots ne suffisent point séparément pour produire ces doubles analogies que nous demandons au langage; il faut qu'elles se trouvent réunies. Mais pour quelles passent dans le langage, il faut que l'usage les ait acceptées; car autre chose est de faire un vêtement, autre chose est de s'en servir.

73. Usuis species videntur esse tres; una consuetudinis veteris; altera consuetudinis huius; tertia neutrae. Vetera, ut cascus casci, surus suri; huius consuetudinis, ut albus, caldus; albo, caldo. Neutrae, ut scala scalam, phalera phaleram. Ad quas accedere potest quarta mixta, ut amicitia, inimicitia; amicitiam, inimicitiam. Prima est, qua usi antiqui et nos reliquimus : secunda, qua nunc utimur : tertia, qua utuntur poetae.

73. On peut distinguer trois sortes de mots 1° des mots qui étaient autrefois en usage; 2° des mots qui le sont actuellement; 3° et des mots qui ne l'ont jamais été ni ne le sont pas. Je citerai, parmi les premiers, cascus (vieux), casci ; surus (pieu), suri; parmi les seconds, albus (blanc), albi; caldus (chaud), caldi; parmi les troisièmes, scala (qui, sous la forme du pluriel, signifie échelle, escalier), scalam; falera (qui, sous la forme du pluriel, signifie collier), faleram. On peut à ces trois espèces en ajouter une quatrième, qui est mixte, et usitée en poésie, comme amicitia, inimicitia; amicitiam, inimicitiam.

74. Analogia non item ea definienda quae derigitur ad naturam verborum, atque illa quae ad usum loquendi. Nam quae prior, definienda sic: Analogia est verborum similium declinatio similis, posterior sic: analogia est verborum similium declinatio similis, non repugnante consuetudine communi. Ad quam harum duarum ad extremum additum erit hoc ; ex quadam parte : poetica analogia erit definita. Harum primam sequi debet populus, secundam omnes singuli e populo, tertiam poetae.

74. L'analogie fondée sur la nature des mots ne comporte pas la même définition que l'analogie fondée sur l'usage. La première est une analogie qui consiste dans la déclinaison semblable de mots semblables; et la seconde, une analogie qui consiste dans la déclinaison semblable de mots semblables, en tant que l'usage n'y répugne pas. Ces deux définitions ne s'appliquent qu'à la prose; car la poésie a aussi son analogie, que je définirai plus tard. Le peuple entier doit suivre la première; les individus doivent suivre la seconde; les poètes, la troisième.

75. Haec diligentius quam apertius dicta esse arbitror, sed non obscurius, quam de re simili definitiones grammaticorum sunt, ut Aristeae, Aristodemi, Aristocli, item aliorum, quorum obscuritates eo minus reprehendendae, quod pleraeque definitiones re incognita propter summam brevitatem non facile perspiciuntur, nisi articulatim sunt explicatae.

75. Tout cela est, je l'avoue, plus exact que clair, mais, ce me semble, moins obscur que les définitions que nous ont laissées sur le même sujet Aristéas, Aristodème, Aristoclès, et autres grammairiens. Leur obscurité toutefois est excusable, en ce que la plupart des définitions sont peu faciles à saisir, à cause de leur brièveté, pour ceux qui ne sont point versés dans la science à laquelle elles appartiennent. Ce n'est qu’à l'aide de la division qu'on peut les rendre accessibles.

76. Quare magis apparebit, si erit apertum de singulis partibus : quid dicatur verbum, quid similitudo verbi, quid declinatio, quid similitudo declinationis non repugnante consuetudine communi, quid ex quadam parte.

76. Je vais essayer d'y parvenir, en éclaircissant séparément les différents termes de ma définition de l'analogie.

77. Verbum dico orationis vocalis partem, quae sit indivisa et minima, si declinationem naturalem habeat. Simile est verbum verbo tum, quom et re quam significat, et voce qua significat, et in figura e transitu declinationis parile. Declinatio est, quom ex verbo in verbum, aut ex verbi discrimine, ut transeat mens, vocis commutatio fit aliqua. Similitudo declinationis, quom item ex aliqua figura in figuram transit, ut id transit cum quo confertur.

77. Le mot (verbum) est la partie de l'oraison qui ne peut pas être réduite à une plus simple expression, lorsque sa déclinaison est naturelle. Deux mots sont semblables, lorsqu'ils ont même signification, même forme, mêmes modifications. La déclinaison est ou la formation d'un mot dérivé d'un autre mot, ou la transformation du même mot, destinée à exprimer les modifications de la pensée. La similitude de la déclinaison est la similitude de la transformation des mots que l'on compare entre eux.

78. Adiectum est : non repugnante consuetudine communi; quod quaedam verba contra usum veterem inclinata patietur, ut passa Hortensium dicere pro hae cervices cervix; quaedam non, ut si dicas pro fauces faux. Ubi additur, ex quadam parte, significat non esse in consuetudine in his verbis omnis partis, ut declinatum ab amo, iuvo amor, iuvor.

78. J'avais ajouté : en tant que l'usage n'y répugne pas, parce que l'usage permet quelquefois à l'analogie de prévaloir contre lui-même, comme dans le singulier cervix (cou), dont s'est servi Hortensius, et quelquefois aussi lui interdit cette faculté, comme de dire, par exemple, faux, au lieu de fauces (gosier). Quant à la restriction que j'ai faite en faveur des poètes, il faut entendre qu'il y a certains mots qui, en prose, ne comportent pas toutes les formes de la déclinaison, comme iuvo (aider), comparé à amo (aimer).

V. 79. Quid videretur analogia in oratione, et quas haberet species, et quae de his sequendae viderentur, ut brevi potui informavi; nunc, in quibus non debeat esse, ac proinde ac debeat soleat quaeri, dicam. Ea fere sunt quattuor genera: primum in id genus verbis quae non declinantur, analogia non debet quaeri, ut in his nequam, mox, vix.

V. 79. J'ai exposé, aussi brièvement que je l'ai pu, ce que c'est que l'analogie, combien d'espèces on en distingue, et quelles sont celles qu'il faut suivre : je vais maintenant passer en revue les mots dans lesquels on a coutume de chercher l'analogie, quoique ces mots ne la comportent pas. Ces mots peuvent être divisés en quatre espèces. La première comprend ceux qui ne se déclinent pas, comme nequam, mox, vix.

80. De his magis in alio quam in alio erratur verbo; dant enim non habere casus mox et vix, nequam habere, quod dicamus hic nequam et huius nequam et huic nequam : cum enim dicimus hic nequam et huius nequam, tum hominis eius, quem volumus ostendere esse nequam, dicimus casus, et ei proponimus tum hic nomen, cuius putamus nequitiam.

80. Les mots indéclinables ont donné naissance à des erreurs plus ou moins fondamentales. On accorde, par exemple, que mox et vix n'ont point de cas; mais on veut que nequam soit déclinable, parce qu'on dit hic nequam, huius nequam, huic nequam. Or on ne sait pas que dans hic nequam, huius nequam, on sous-entend homo, auquel se rapporte le pronom hic, huius.

81. Quod vocabulum factum ut ex non et volo nolo; sic ex ne et quicquam item media extrita syllaba, coactum est nequam. Itaque ut eum quem putamus esse non hili, dicimus nihili : sic in quo putamus esse ne quicquam, dicimus nequam.

81. Nequam est une contraction de ne et de quidquam, comme nolo, de non et volo. De même que, pour désigner un homme de rien, qui non nihil est, nous disons nihili, ainsi pour désigner un homme méchant, qui ne vaut rien, ne quidquam, nous disons nequam.

82. Secundo, si unum solum habent casum in voce, quod non declinentur, ut litterae omnes. Tertio, si singularis est vocabuli series neque habet cum qua comparari possit, ut esse putant caput capiti capitis capite. Quartum, si ea vocabula quattuor quae conferuntur inter se rationem non habent quam oportet, ut socer socrus, soceros socrus.

82. La seconde espèce comprend les mots qui n'ont qu'un cas, comme les lettres de l'alphabet. La troisième comprend ceux dont la déclinaison est unique, et ne peut être comparée à aucune autre. Enfin la quatrième comprend ceux qui, comparés ensemble, n'ont pas le rapport qu'ils devraient avoir, comme socer (beau-père), socrus (belle-mère); soceros (beaux-pères), socrus (belles-mères).

VI. 83 Contra in quibus debeat quaeri analogia, fere totidem gradus debent esse coniuncti. Primum, ut sint res : secundum, ut earum sit usus : tertium, uti hae res vocabula habeant : quartum, ut habeant declinatus naturalis. De primo gradu, quod natura subest et multitudinis et singularis, dicimus hi asses, hosce asses; hic as, hunc assem : contra quod in numeris finitis multitudinis natura singularis non est, dicitur hi duo et hi tres, his duobus et his tribus.

V. 83. Quant aux mots qui comportent l'analogie, ils sont assujettis à quatre conditions principales et inséparables. Ces quatre conditions sont : 1° que les choses existent; 2° que ces choses soient en usage; 3° qu'elles aient des noms; 4° que ces noms aient une déclinaison naturelle. Dans le premier cas, lorsque la nature des mots comporte le pluriel et le singulier, nous disons, par exemple, as, assem, asses etc.; mais lorsqu'ils ne comportent pas le singulier, comme les noms de nombre défini, duo, tres, etc., nous disons hi duo, hi tres; his dobus, his tribus.

84. Secundo gradu si est natura, neque est usus, id genus ut sit discriminandum, ut fit in faba et id genus, quae item et ex parte et universa nominamus; non enim opus fuit ut in servis.....

84. Dans le second cas, si l'usage n'a point adopté les distinctions de la nature, comme dans faba (fève), et autres mots qui désignent les choses d'une manière générique; car il en est de certaines choses comme des esclaves, et il était inutile....