Psellos

MICHEL PSELLOS

 

 

FRAGMENTS

 

Traduction française : M. J.-H. VINCENT.

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

 

NOTICES ET EXTRAITS

DES

MANUSCRITS

 

DE LA BIBLIOTHÈQUE DU ROI

ET AUTRES BIBLIOTHÈQUES,

PUBLIÉS PAR L'INSTITUT ROYAL DE FRANCE,

 

FAISANT SUITE

AUX NOTICES ET EXTRAITS LUS AU COMITE ÉTABLI DANS

L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.

 

TOME SEIZIÈME.

PARIS.

IMPRIMERIE ROYALE.

M DCCC XLVII.

 


 


 

 

MICHEL PSELLOS

Premier fragment de Psellus

Extrait du manuscrit 2448, fol. I verso, l. 5 en montant

 

Car si, lorsqu’il s’agit de nombres, on ne saurait en concevoir plusieurs fondus en un seul indissoluble, et cela à cause de la musique, leur nature immatérielle, immuable et invariable, il n’en est pas de même pour les intervalles mélodiques dont la nature touche à la matière: car tout ce qui est matière est soumis à la loi de continuité; et de là vient que deux intervalles peuvent être complètement fondus en un seul. C’est ainsi que les longueurs de deux cordes tendues peuvent être réunies en une seule en vertu de la continuité; de même que réciproquement, avec une seule corde on peut en faire plusieurs, toujours en vertu de la continuité. Les mêmes choses ont lieu dans la géométrie, qui peut toujours, sans difficulté, retrancher une droite moindre d’une droite plus grande, et ajouter une droite à une autre pour en faire une plus grande; d’où il résulte qu’aussi elle peut toujours augmenter ou diminuer une figure suivant telle dimension voulue, ce qu’il serait impossible de faire en arithmétique. Ainsi, pour un carré donné, l’arithmétique ne saurait partager un carré en deux carrés égaux, ni doubler un carré donné. Soit pris pour exemple le nombre seize qui est un carré: on ne peut le partager en deux carrés égaux, puisque huit n’est pas un carré, ni obtenir un carré double de celui-là, puisqu’il serait absurde de vouloir disposer trente-deux unités en carré parfait. Pour la géométrie, au contraire, rien de plus facile : le géomètre n’a qu’à prendre le côté d’un carré donné, et à construire sur ce côté comme diagonale un autre carré : il obtient ainsi la moitié du carré donné; au contraire, qu’il prenne pour côté la diagonale du carré donné, et il aura un carré double du proposé. Il en est de même pour les intervalles: nous avons fait voir qu’en augmentant des intervalles donnés, on forme des intervalles simples; et nous avons expliqué pourquoi ils sont simples: c’en est assez sur ce point relatif à la musique.

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Deuxième fragment de Psellus

Extrait du manuscrit 2448, fol. 3 r.

 

Maintenant, il faut étudier la nature et la grandeur de plusieurs sortes de rapports. D’abord ceux que fournissent les intervalles décomposables, comme la quarte, la quinte, l’octave, la double quarte, la double quinte,[60] la double octave, rapportés à un premier son pris pour base. Ensuite, ceux que présentent les intervalles indécomposables contenus dans les premiers, tels que le diésis, le demi-ton, le ton, lorsqu’on les compare aux sons voisins déjà considérés. Puis encore, ceux qui résultent d’une altération de l’échelle, produite par la multiplication de certains intervalles, comme le triple diésis, le trihémiton, le diton et le triton, ou toute autre espèce analogue: c’est-à-dire qu’il faut voir comment le mélange des intervalles précédemment calculés donne lieu à d’autres intervalles, produits de leur combinaison, et que l’on peut considérer, lorsqu’on les compare à d’autres sons voisins, comme des intervalles simples résultant eux-mêmes d’une altération de l’échelle.

Cela posé, les intervalles des sons qui se suivent immédiatement ne présentent que des rapports suffisamment connus. Quant à ceux des sons qui ne se suivent pas immédiatement, on peut les comparer aux diverses parties qui composent le syllogisme, c’est-à-dire les prémisses et la conséquence: car les prémisses se suivent sans intermédiaire en formant une sorte d’enchaînement continu; et la conséquence, franchissant tous les moyens termes, réunit d’un seul trajet les termes extrêmes. Or il en est de même des rapports et des intervalles musicaux: au moyen des rapports des intervalles décomposables, on est à même de comparer les sons extrêmes, en faisant abstraction des intermédiaires, tandis que les rapports des intervalles indécomposables présentent le résultat immédiat de la comparaison des sons voisins; et la progression: du petit au grand a lieu ici sans jamais exiger le partage d’aucune monade ou unité, avantage que l’arithmétique ne possède point.

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Troisième fragment de Psellus

Extrait du manuscrit 2448, fol. 4 r.

Les rapports des intervalles se déterminent, dans les cordes, par leurs différences de longueur et d’épaisseur, ainsi que par la tension qui résulte, soit du virement des chevilles, soit, ce qui fournit un moyen d’appréciation plus facile, de la suspension des poids; dans les instruments à vent, comme les flûtes, c’est par la dimension de leurs ouvertures et la largeur de leurs tuyaux,[61] ainsi que par la force ou la faiblesse du souffle. Or il faut savoir que, pour ces dernières circonstances, une augmentation dans la tension ou dans les poids suspendus fait marcher la mélodie vers l’aigu. Quant à l’épaisseur des cordes et à leur longueur, ainsi qu’aux dimensions des flûtes et de leurs embouchures, tout ce que nous en dirons,[62] c’est qu’en les faisant varier, on change d’une manière ou d’une autre la forme de la mélodie (c’est-à-dire son degré d’acuité ou de gravité).

 

 


 

[60] Seraient-ce les intervalles que nous nommons quarte et quinte redoublées?

[61] J’ai réuni dans la traduction le sens des deux leçons.

[62] Pour les cordes, les nombres de vibrations dans un temps donné, c’est-à-dire les valeurs acoustiques des sens rendus, sont réciproques des longueurs et des diamètres, proportionnelles aux racines carrées des poids suspendus, et en raison inverse les racines carrées des densités; pour des cordes de même sorte ils sont ainsi en raison inverse des longueurs et directe des racines carrées des poids; enfin, pour un même poids ils sont en raison inverse des longueurs. Cette dernière loi est aussi celle qui s’observe dans les colonnes d’air vibrant dans les instruments à vent, quels que soient les diamètres. (Il faut observer que ceci ne s’applique pas aux tuyaux à anches libres.) Cf. Théon de Sm. chap. xii, sur Lasus d’Hermione et sur Hippase de Métapont. — Aristote, probl. 23, et Bojesen, p91.